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21.504 Initiative parlementaire Garantir la pratique pour raisons personnelles majeures visée à l'art. 50 LEI en cas de violence domestique Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 12 octobre 2023

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration1, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

12 octobre 2023

Pour la commission: Le président, Marco Romano

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Condensé Quand les victimes de violence domestique sont des ressortissantes ou des ressortissants d'États tiers, elles risquent souvent de perdre leur titre de séjour en cas de dissolution du mariage ou de la famille.

Avec le projet de modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'immigration (LEI), la Commission des institutions politiques du Conseil national propose d'accorder aux personnes concernées une meilleure protection en vertu du droit des étrangers en élargissant et en précisant la réglementation existante applicable aux cas de rigueur.

Outre les conjointes et conjoints de ressortissantes et de ressortissants suisses et de titulaires d'une autorisation d'établissement, les conjointes et conjoints de titulaires d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation de courte durée et les personnes admises à titre provisoire doivent à l'avenir avoir le droit de demeurer en Suisse. Ce principe est valable pour les personnes vivant sous le régime d'une union conjugale, d'un partenariat enregistré ou en concubinat.

La notion de violence domestique doit être concrétisée. Citer dans la loi à titre d'exemple les indices de violence domestique permettra d'améliorer la cohérence avec la loi sur l'aide aux victimes (LAVI) et de renforcer la sécurité du droit pour les victimes de violence.

Les cantons restent compétents pour le traitement des demandes pour cas de rigueur et la mise en oeuvre de la nouvelle réglementation applicable aux cas de rigueur.

Comme dans l'actuelle réglementation concernant l'octroi d'une autorisation de séjour dans un cas individuel d'une extrême gravité, les cantons doivent aussi obtenir l'approbation des autorités fédérales pour octroyer ou prolonger les autorisations de séjour des victimes de violences domestiques.

La modification proposée permet de recourir au Tribunal fédéral en cas de refus d'une demande.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Examen préalable de l'initiative parlementaire

Le 5 novembre 2021, la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) a décidé, par 21 voix contre 2 et 2 abstentions, de déposer l'initiative parlementaire qui qui vise à modifier la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI)2 de manière à offrir une meilleure protection aux ressortissantes et ressortissants étrangers victimes de violence domestique et dont la famille est dissoute. L'initiative, déposée sous forme de projet rédigé, tire son origine d'une proposition de conseillères nationales de tous les groupes parlementaires représentés au sein de la commission.

La Commission des institutions politiques du Conseil des États a reconnu le besoin de légiférer et a approuvé l'initiative de commission le 10 janvier 2022, par 8 voix contre 3 et 2 abstentions. En approuvant le texte en question, elle a donné à son homologue du Conseil national le mandat d'élaborer un projet d'acte.

Dans le cadre de l'examen préalable, les commissions ont constaté qu'en cas de violence domestique, de nombreuses victimes de nationalité étrangère se trouvaient dans une situation difficile puisqu'elles pouvaient craindre de perdre leur titre de séjour.

Leur droit de séjour dépend en effet de leur relation, c'est-à-dire de la personne qui fait preuve de violence à leur égard. En cas de séparation, les femmes et les hommes concernés ne sont en principe autorisés à rester en Suisse que si l'union conjugale a duré au moins trois ans et qu'ils sont bien intégrés. Pour bénéficier d'une exception, les personnes concernées doivent être en mesure de prouver, dans le cadre de l'obligation de collaborer, qu'elles sont victimes de violence domestique, que cette violence est d'une certaine intensité et qu'elles y sont exposées de manière systématique. Dans certains cas, prouver l'existence de la violence domestique est difficile, puisque ce délit se produit dans l'intimité du foyer et qu'il est généralement compliqué d'en apporter la preuve ou de rendre son existence crédible. Cette situation peut conduire à ce que des victimes ne mettent pas fin à des relations violentes pour ne pas risquer un renvoi à l'étranger. Il convient d'éliminer ces motifs dissuasifs en harmonisant la réglementation applicable aux cas de rigueur avec la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infraction (loi sur l'aide aux victimes, LAVI)3, ce qui permettra d'améliorer la sécurité du droit et de renforcer la protection contre les violences domestiques pour les personnes concernées.

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RS 142.20 RS 312.5

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1.2

Élaboration du projet par la Commission des institutions politiques du Conseil national

À sa séance du 28 avril 2022, la commission du Conseil national chargée de la mise en oeuvre de l'initiative a concrétisé, sur certains points, le libellé du texte déposé. Elle a, pour cela, modifié certaines formulations et vérifié la compatibilité formelle du projet avec la LEI.

À sa séance du 17 novembre 2022, la CIP-N a examiné le présent avant-projet et l'a adopté, en vue de la consultation, par 18 voix contre 6 et 1 abstention. Les personnes s'opposant à l'avant-projet ont fait valoir que celui-ci présentait un risque d'abus.

Elles estiment en outre que l'appréciation objective des violences domestiques n'est pas garantie par le projet de loi.

1.3

Prise de connaissance des résultats de la consultation

Dans le cadre de la procédure de consultation, la commission a reçu 143 prises de position en tout. Les 26 cantons, 6 partis politiques, 3 associations faîtières nationales, le Tribunal administratif fédéral, 6 conférences et associations nationales ainsi que 2 commissions extraparlementaires ont rendu leur avis. En outre, la commission a reçu 95 prises de position émanant des milieux intéressés et 4 de particuliers.

La grande majorité des cantons, des partis politiques, des associations faîtières, des conférences et associations nationales, des commissions extraparlementaires et des autres milieux intéressés sont favorables à l'avant-projet. Un grand nombre d'entre eux a soumis à la commission des propositions visant à compléter et à préciser son projet, dont de nombreuses suggestions de formulations concrètes.

Plusieurs cantons et l'Association des services cantonaux de migration (ASM) ne sont que partiellement favorables au projet et demandent que certaines dispositions en soient biffées. Ils s'opposent en particulier à la création de nouveaux droits pour les personnes qui ne pouvaient prétendre à une autorisation de séjour avant la création d'un statut de séjour pour cause de violence domestique.

Ces cantons et l'ASM justifient leur position par le fait que le premier statut de séjour en Suisse de ces personnes repose sur une décision définie par la loi, fondée sur la libre appréciation. Dans ces cas, la création de nouveaux droits serait contraire à l'esprit de la législation sur les étrangers, selon laquelle la personne qui fait venir son conjoint ou sa conjointe en Suisse ne peut pas lui créer plus de droits qu'elle n'en possède. Certains participants et participantes à la consultation rejettent par ailleurs la suspension de l'examen des critères d'intégration pour une durée de trois ans.

L'Union démocratique du centre (UDC) rejette le projet de loi dans son ensemble, tout en reconnaissant l'importance de la lutte contre la violence domestique. Le parti est d'avis que la jurisprudence, la doctrine et la pratique administrative permettent déjà largement de répondre aux objectifs des modifications législatives proposées.

À sa séance du 17 août 2023, la commission a pris connaissance des résultats, majoritairement positifs, de la consultation et a apporté les dernières petites modifications et précisions à son projet d'acte. À sa séance du 12 octobre 2023, la CIP-N a adopté 4 / 14

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son projet d'acte et le rapport élaboré à l'intention de son conseil, documents qu'elle a transmis, pour avis, au Conseil fédéral.

Une minorité de la commission (Steinemann, Bircher, Bläsi, Fischer Benjamin, Glarner) rejette le projet et propose à son conseil de ne pas entrer en matière sur le projet de loi. Bien qu'elle estime qu'il est important que les autorités et la société accordent suffisamment d'attention à la violence domestique, elle est d'avis que le projet de la commission va trop loin. Selon la minorité, la solution proposée crée automatiquement un droit juridiquement exécutoire à une autorisation de séjour, ce qui représente également un risque d'abus. La réglementation applicable aux cas de rigueur doit donc rester une réglementation au cas par cas, d'autant qu'aucun cas choquant résultant de cette pratique n'est connu.

1.4

Mesures contre la violence domestique

En 2020, le Département fédéral de justice et police (DFJP) a décidé de mettre sur pied un dialogue stratégique sur la violence domestique. Son objectif était de lancer un processus dans lequel tous les acteurs du monde politique, aux niveaux fédéral et cantonal, s'unissent pour intensifier la lutte contre la violence domestique, tout en respectant la répartition des compétences entre Confédération et cantons. Le dialogue stratégique a eu lieu le 30 avril 2021. Les résultats ont été consignés dans une feuille de route sur la violence domestique4; ce document définit des mesures concrètes qui visent à combler les lacunes identifiées. En ce qui concerne la prise en charge de la victime (champ d'action no 6), la feuille de route du 30 avril 2021 prévoit que la situation de la personne migrante victime de violence domestique doit être prise en compte de manière adéquate lors de l'examen de son statut en droit des étrangers. À cette fin, les cantons se sont engagés à poursuivre leurs efforts pour mieux tenir compte des informations fournies par les institutions oeuvrant dans le domaine de l'aide aux victimes et à intensifier la collaboration entre les autorités compétentes en matière de migration et ces institutions.

Le 26 mai 2023, deux ans après l'adoption de la feuille de route, les représentantes et les représentants du DFJP, de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police et de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales ont adopté un rapport commun. Le «Rapport intermédiaire sur la mise en oeuvre de la feuille de route sur la violence domestique»5 permet aux acteurs politiques de dresser un bilan de la situation.

Dans le cadre de la Stratégie Égalité 2030, qu'il a adoptée le 28 avril 2021, le Conseil fédéral a défini plusieurs mesures prioritaires de lutte contre la violence de genre. Il a notamment adopté, le 22 juin 2022, le plan d'action national 2022­2026 pour la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre

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Consultable sous www.bj.admin.ch/bj/fr/home.html > Société > Violence domestique > Dialogue stratégique sur la violence domestique.

Consultable sous www.bj.admin.ch/bj/fr/home.html > Société > Violence domestique > Dialogue stratégique sur la violence domestique > Bilan intermédiaire concernant la mise en oeuvre de la feuille de route sur la violence domestique.

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la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul)6.

Le plan d'action national pour la mise en oeuvre de la convention d'Istanbul (PAN CI) 2022­2026 vise à diminuer la violence à l'égard des femmes et la violence domestique ainsi qu'à augmenter la sécurité individuelle de la population à travers 44 mesures concrètes. Ces mesures s'adressent à tous les groupes cibles de violence, indépendamment de l'âge, de l'origine ou de l'orientation sexuelle. Ce plan d'action sera mis en oeuvre à tous les niveaux de l'État et comprend des mesures de la Confédération, des cantons et des communes. Il se concentre sur trois priorités thématiques au niveau desquelles des dispositions apparaissent particulièrement nécessaires: l'information et la sensibilisation de la population, la formation des professionnels et des bénévoles ainsi que la violence sexualisée (prévention et lutte). Certaines mesures de la feuille de route du 30 avril 2021 ont été intégrées dans le PAN CI 2022­2026.

L'Office fédéral de la justice et le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes assurent la coordination du suivi de la mise en oeuvre de cette feuille de route et du PAN CI 2022­2026.

2

Grandes lignes du projet

La modification de loi vise à étendre la réglementation relative aux cas de rigueur prévue actuellement à l'art. 50 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) (dissolution de la famille) à tous les étrangers et étrangères victimes de violence domestique. Ainsi, à l'avenir, les membres de la famille d'un Suisse ou d'une Suissesse qui n'ont pas la nationalité suisse et les titulaires d'une autorisation d'établissement (permis C), mais aussi les titulaires d'une autorisation de séjour (permis B), les titulaires d'une autorisation de courte durée (permis L) et les personnes admises provisoirement (permis F) auront droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité si, lors d'une séparation, les autorités compétentes reconnaissent que ces personnes sont victimes de violence domestique (al. 1, P-LEI).

Le législateur introduit le terme de «violence domestique» (al. 2, let. a, P-LEI) pour montrer que le droit à modifier ne doit pas seulement s'appliquer aux communautés de vie conjugale, mais aussi aux enfants, aux personnes unies par un partenariat enregistré et aux concubins et concubines (al. 4, P-LEI).

Afin de concrétiser la notion de violence domestique, la LEI comportera désormais une liste indicative des indices possibles. Ces indices sont en partie repris de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA)7 et développés dans la loi. Ainsi, lors de l'octroi d'autorisations de séjour à la suite de violence domestique, les autorités de migration doivent prendre en compte le droit aux prestations prévues par la loi sur l'aide aux victimes, la confirmation de la nécessité d'une consultation, la protection par un service spécialisé dans la violence domestique ou des mesures policières ou judiciaires visant à protéger la victime. Cela permet d'améliorer la cohérence avec la LAVI et de corriger la pratique actuelle en matière de protection et de soutien dans les maisons d'accueil ainsi qu'en matière de recon6 7

Consultable sous www.ebg.admin.ch/ebg/fr/home.html > Thèmes > Violence > Coordination et réseautage.

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naissance du statut de victime au sens de la LAVI, qui n'est pas suffisante dans de nombreux cas.

Les rapports médicaux, les rapports de police et les plaintes pénales ainsi que les jugements pénaux figurent également parmi les indices que les autorités doivent prendre en compte (al. 2, let. a., ch. 1 à 6, P-LEI). Il faut donner aux victimes de violence domestique reconnues qui ont obtenu une autorisation de séjour le temps de s'intégrer en Suisse, afin de pouvoir y mener une vie autonome. C'est la raison pour laquelle le projet prévoit qu'en cas de prolongation de la durée de validité de l'autorisation de séjour, les autorités compétentes examinent certes pendant trois ans l'acquisition de compétences linguistiques et la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation et l'encouragent, en cas de besoin, en prenant des mesures adéquates.

Cet examen n'a toutefois aucune influence sur la prolongation de l'autorisation. En outre, cette règle ne s'appliquera pas au respect de la sécurité et de l'ordre publics ni au respect des valeurs de la Constitution. Une convention d'intégration doit cependant aussi pouvoir être conclue au cours de ce délai de carence de trois ans (al. 2bis P-LEI).

Si un canton revoit le titre de séjour d'une personne en raison de sa situation de victime de violence domestique, il doit ­ comme auparavant ­ soumettre l'autorisation au Secrétariat d'État aux migrations (SEM) pour approbation. Cette procédure d'approbation sert notamment à assurer la cohérence des pratiques cantonales.

L'élargissement des droits proposé ouvre également la possibilité de former un recours auprès du Tribunal fédéral dans ces cas de rigueur.

La modification de loi envisagée est plus favorable aux victimes de violence domestique que le droit en vigueur. Les nouvelles dispositions doivent donc s'appliquer aux demandes en cours au moment de leur entrée en vigueur (art. 126g, al. 1, P-LEI).

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Commentaire des dispositions

3.1

Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration

Le projet vise à remplacer l'expression «violence conjugale», utilisée à l'art. 50, par «violence domestique», afin d'inclure en particulier les enfants et les partenaires enregistrés, qui ont également droit, les uns et les autres, à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, à l'octroi d'une autorisation de courte durée et à la prolongation de sa durée de validité ou à une décision d'admission provisoire. Il est en outre prévu d'étendre ce droit aux concubins, sous certaines conditions.

Art. 50 Al. 1 Le projet prévoit d'étendre au conjoint de toute personne admise à titre provisoire (permis F) ou titulaire d'une autorisation de séjour (permis B) ou de courte durée (permis L) le droit à l'octroi d'un statut de séjour et à la prolongation de son statut de séjour en cas de dissolution du mariage ou de la famille, pour autant que les conditions 7 / 14

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visées à la let. a ou b soient remplies. L'objectif est que les mêmes règles s'appliquent à toutes les victimes de violence domestique, quel que soit leur titre de séjour. Ces dernières auront donc droit au maintien de leur permis F, B ou L. L'autorisation de séjour de courte durée est octroyée pour un séjour de durée limitée d'une année au plus et sa durée de validité peut être prolongée tout au plus d'une année (art. 32, al. 1 et al. 3, LEI).

Ces personnes auront aussi droit, désormais, à l'octroi d'un statut de séjour et à la prolongation de leur statut de séjour si l'union conjugale a duré au moins trois ans et que les critères d'intégration visés à l'art. 58a LEI sont remplis.

La législation en vigueur permet de prolonger la durée de validité de l'autorisation de séjour du conjoint du titulaire d'une autorisation de séjour en cas de dissolution de la famille, sans qu'il existe un droit à cette prolongation (art. 77, al. 1, OASA). Cette possibilité est soumise aux mêmes conditions que celles énoncées à l'art. 50 LEI.

Le droit en vigueur ne prévoit aucune réglementation concernant la poursuite du séjour du conjoint d'une personne admise à titre provisoire en cas de dissolution de la famille. Toutefois, des raisons personnelles majeures telles que la violence domestique peuvent être prises en compte dans une décision relative à la levée de l'admission provisoire (art. 84, al. 2, LEI) ou à l'octroi d'une autorisation de séjour dans un cas individuel d'une extrême gravité (art. 84, al. 5, LEI). Il y a en outre lieu de considérer que, en règle générale, les raisons qui ont conduit à l'admission provisoire (retour impossible, illicite ou non raisonnablement exigible) s'appliquent aussi aux membres de la famille.

Le droit en vigueur ne prévoit pas non plus de réglementation pour le conjoint du titulaire d'une autorisation de courte durée en cas de dissolution de la famille. La durée du séjour de ce conjoint est toutefois limitée dès le départ: les autorisations de courte durée sont octroyées pour une année au plus et leur durée de validité ne peut être prolongée que d'une année (art. 32 LEI). Néanmoins, même dans un tel cas, il est possible d'octroyer une autorisation de séjour renouvelable lorsque la personne concernée constitue un cas individuel d'une extrême gravité à cause de la violence
domestique qu'elle subit (art. 30, al. 1, let. b, LEI).

L'art. 50 LEI s'applique à titre subsidiaire aux conjoints de ressortissants d'États membres de l'UE ou de l'AELE s'il n'existe pas (ou plus) de droit fondé soit sur l'accord conclu le 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP)8, soit sur la convention du 4 janvier 19609 instituant l'Association européenne de libre-échange (AELE) (art. 2, al. 2 et 3, LEI). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (TF), l'application de l'art. 50 LEI impose de traiter les conjoints étrangers de ressortissants d'États membres de l'UE ou de l'AELE qui ont le droit de séjourner en Suisse de la même manière que les membres de la famille de ressortissants suisses (ATF 144 II 1, consid. 4, arrêts du TF 2C_682/2021 du 3 novembre 2021, consid. 1.2.2, et 2C_222/2017 du 29 novembre 2017, consid. 4.7). Dans ces cas-là, l'art. 50 LEI ne s'applique toutefois qu'à titre subsidiaire après une dissolution for8 9

RS 0.142.112.681 RS 0.632.31

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melle du mariage, si la personne concernée ne peut pas faire valoir un droit de séjour autonome fondé sur l'ALCP ou sur la convention instituant l'AELE.

Il est prévu que la réglementation du séjour après la dissolution de l'union conjugale reste soumise à l'approbation du SEM (art. 99 LEI en relation avec l'art. 4, let. d, de l'ordonnance du DFJP concernant l'approbation; OA-DFJP)10.

Les droits proposés supplémentaires créent la possibilité de former un recours en matière de droit public auprès du TF lorsque la dernière instance cantonale rejette la demande pour cas de rigueur ou que le Tribunal administratif fédéral (TAF) confirme le refus d'approbation du SEM (a contrario art. 83, let. c, ch. 2, de la loi sur le Tribunal fédéral11; LTF). Un tel recours est toutefois irrecevable dans le cas de l'admission provisoire (art. 83, let. c, ch. 3, LTF), qui est une mesure de substitution à un renvoi non exécutable et non, partant, une autorisation au sens de l'art. 83, let. c, ch. 2, LTF.

De plus, le droit à l'admission provisoire s'éteint aussi dans ces cas-là lorsque les conditions préalables à une décision d'admission provisoire ne sont plus remplies (art. 83 LEI).

Al. 2 L'énumération des raisons majeures visées à l'al. 1, let. b, reste non exhaustive: par exemple, le décès du conjoint, prévu par les directives du SEM12, n'y est pas mentionné.

Let. a Il est précisé que les enfants peuvent aussi être victimes de violence domestique et que la poursuite de leur séjour en Suisse est donc nécessaire pour des raisons personnelles.

Une minorité de la commission (Steinemann, Bircher, Bläsi, Fischer Benjamin, Glarner, Marchesi, Rutz Gregor) estime que cette précision est superflue, la notion de «violence domestique» qui a été introduite incluant aussi les enfants.

Désormais, les indices de violence domestique seront cités dans la loi à titre d'exemple. Leur énumération reprendra celle inscrite au niveau de l'ordonnance (art. 77, al. 6 et 6bis, OASA) (ch. 2 à 6), en l'élargissant (ch. 1 à 4). Les témoignages, par exemple des voisins, seront également pris en considération.

Il appartient à la personne concernée de porter ces indices à la connaissance des autorités migratoires dans le cadre de la procédure de demande et de l'obligation de collaborer qui lui incombe (art. 90 LEI). Si nécessaire, l'autorité
migratoire compétente peut demander des informations supplémentaires aux services concernés (art. 97 LEI).

En présence d'un ou plusieurs des indices mentionnés aux ch. 1 à 6, il faut déterminer lors de la procédure d'autorisation, conformément à la pratique actuelle du TF, s'il n'est raisonnablement plus possible d'attendre de la personne concernée qu'elle maintienne l'union conjugale. C'est le cas lorsque la personnalité de l'intéressé est sérieu10 11 12

RS 142.201.1 RS 173.110 Directives LEI, point 6.15.3.2; consultables sous www.sem.admin.ch > Publications & services > Directives et circulaires > I. Domaine des étrangers.

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sement menacée par la vie commune. La violence domestique peut être de nature tant physique que psychique. Il s'agit donc toujours d'une décision discrétionnaire.

Ch. 1 L'art. 1, al. 1, de la loi sur l'aide aux victimes dispose que toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle a droit à un soutien (aide aux victimes). Une plainte pénale n'est pas nécessaire, mais elle facilite l'établissement de la preuve de l'infraction.

Les autorités chargées d'exécuter la LAVI sont des centres de consultation privés ou publics, autonomes dans leur secteur d'activité, conformément à l'art. 9, al. 1, LAVI, ou d'autres autorités cantonales chargées de fournir des prestations dans le domaine de l'aide aux victimes.

Ch. 2 Cet indice figure actuellement à l'art. 77, al. 6bis, OASA. S'y ajoutera désormais la précision selon laquelle c'est un service spécialisé dans la violence domestique qui confirmera la nécessité pour une victime d'être conseillée, prise en charge ou protégée ou qui fournira les rapports ou les renseignements correspondants. Les services de ce genre sont notamment les structures d'hébergement d'urgence et les refuges. En règle générale, ils sont cofinancés par des fonds publics, ce qui doit garantir le respect de normes uniformes. Le cofinancement par des fonds publics peut consister en un financement partiel, un financement de projet ou un autre type de soutien.

Une minorité de la commission (Cottier, Bourgeois, Bircher, Bläsi, Fischer Benjamin, Fluri, Glarner, Marchesi, Ruch, Rutz Gregor) estime que cette disposition va trop loin et propose de renoncer au critère du conseil ainsi qu'aux renseignements et aux rapports d'un service de ce genre.

Ch. 3 Ces indices incluent toutes les mesures ordonnées par la police ou par un tribunal ainsi que les mesures prises par le ministère public lorsqu'elles visent à protéger la victime de la violence domestique. En font partie les mesures actuellement inscrites au niveau de l'ordonnance (art. 77, al. 6, let. d, OASA) en vertu de l'art. 28b du code civil suisse (CC)13. Elles concernent les interdictions de contact et les interdictions géographiques ainsi que l'expulsion de l'auteur de l'atteinte du logement commun (renvoi). Depuis le 1er janvier 2022, ces mesures peuvent être
appliquées au moyen d'une surveillance électronique (art. 28c CC), laquelle relève également de ce ch. 3.

Ch. 4 Dans le droit en vigueur, le contenu de cette disposition est en principe défini au niveau de l'ordonnance (art. 77, al. 6, let. a, OASA). Il est toutefois prévu de remplacer «des certificats médicaux» par «des rapports médicaux ou d'autres expertises», pour reprendre la terminologie plus précise du Tribunal fédéral (par ex., arrêt 2C_451/2014 du 24 décembre 2014, consid. 6.2). Ce remplacement n'implique pas de changement de pratique.

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RS 210

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Un certificat médical sert avant tout à attester le degré et la durée de l'incapacité de travail d'un patient. Mais l'objectif est ici de fournir un rapport médical ou une expertise décrivant notamment les examens médicaux effectués, les constatations médicolégales, la nature physique ou psychique des atteintes portées à la victime ainsi que d'autres informations détaillées sur sa santé, sur le diagnostic et sur le traitement proposé. En pratique, il peut également s'agir de rapports de sortie d'hôpitaux.

Ch. 5 et 6 La teneur de ces dispositions correspond au droit en vigueur au niveau de l'ordonnance (art. 77, al. 6, let. b, c, et e, OASA).

Let. b et c Ces autres raisons personnelles majeures seront désormais présentées sous la forme d'une énumération, sans toutefois que le contenu ne change.

Al. 2bis Il faut donner aux personnes qui ont obtenu une autorisation pour cas de rigueur le temps de s'intégrer en Suisse. En raison de leur situation difficile, elles ont souvent un retard à rattraper. C'est la raison pour laquelle, en cas de prolongation de l'autorisation de séjour, les autorités compétentes examinent certes pendant trois ans les compétences linguistiques (art. 58a, al. 1, let. c, LEI), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (art. 58a, al. 1, let. d, LEI). Toutefois, la non-réalisation de ces critères d'intégration durant cette période n'a aucune influence sur le prolongement de l'autorisation de séjour. En cas de besoin, l'intégration peut être encouragée conformément aux dispositions de l'art. 53 ss LEI.

Cette règle ne s'appliquera toutefois pas au respect de la sécurité et de l'ordre publics (art. 58a, al. 1, let. a, LEI) ni au respect des valeurs de la Constitution (art. 58a, al. 1, let. b, LEI), car ces critères d'intégration peuvent être remplis quelle que soit la situation personnelle de l'intéressé. Une convention d'intégration (art. 77g OASA) pourra aussi être conclue au cours des trois premières années.

Le délai de trois ans sera calculé à partir de la date d'octroi de l'autorisation autonome.

Une minorité de la commission (Steinemann, Bircher, Bläsi, Fischer Benjamin, Glarner, Marchesi, Rutz Gregor) propose de biffer l'al. 2bis car elle estime que les dispositions relatives à l'intégration doivent s'appliquer de la même manière pour toutes
les personnes concernées.

Al. 4 Selon le droit en vigueur, les concubins n'entrent pas dans le champ d'application de l'art. 50 LEI (arrêt du TF 2C_105/2017 du 8 mai 2018, consid. 2.6). Néanmoins, il est possible d'octroyer à un concubin une autorisation de séjour renouvelable lorsque la personne constitue un cas individuel d'une extrême gravité à cause de la violence domestique qu'elle subit (sans qu'il s'agisse d'un droit; art. 30, al. 1, let. b, LEI).

Les droits visés aux al. 1 à 3 seront étendus aux concubins. Ainsi, l'égalité de traitement visée sera également atteinte pour cette catégorie de personnes.

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Une minorité de la commission (Steinemann, Bircher, Bläsi, Fischer Benjamin, Glarner, Marchesi, Rutz Gregor) propose de biffer l'al. 4.

Art. 126g

Disposition transitoire relative à la modification du ...

Le nouveau droit est plus favorable aux personnes concernées (victimes de violence domestique). Il doit donc s'appliquer aux demandes en cours au moment de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Faute de disposition transitoire spécifique, la disposition transitoire générale s'appliquerait et les demandes en cours seraient donc soumises à l'ancien droit (art. 126, al. 1 et 2, LEI; arrêt du TF 2D_10/2020 du 9 juillet 2020, consid. 2.3).

4

Conséquences

4.1

Conséquences en termes de finances et de personnel pour la Confédération

La modification proposée élargit le groupe des ayants droit à un statut de séjour après dissolution de la famille (voir point 4.1 sur l'art. 50, al. 1, AP-LEI). Toutefois, la législation en vigueur permet déjà au conjoint du titulaire d'une autorisation de séjour de déposer une demande d'autorisation en vertu de l'art. 77, al. 1, let. b, OASA (sans qu'il s'agisse d'un droit). Elle permet également au conjoint du titulaire d'une autorisation de courte durée ou à un concubin de former une demande générale d'autorisation pour cas de rigueur en vertu de l'art. 30, al. 1, let. b, LEI. Si l'autorité migratoire cantonale est d'accord pour octroyer une telle autorisation, elle doit d'ores et déjà la soumettre à l'approbation du SEM (art. 99 LEI; art. 4, let. d, et 5, let. d, OA-DFJP).

Par conséquent, la modification de loi proposée ne devrait pas engendrer de changement majeur dans les charges de personnel du SEM. Si surcroît de travail il y a, il pourra vraisemblablement être absorbé par le personnel en place. Il en va de même pour le nouveau droit proposé à l'intention des personnes admises à titre provisoire (art. 50, al. 1, AP-LEI; point 4.1).

Par ailleurs, l'extension des droits à l'autorisation qui est proposée aura des conséquences sur la charge de travail du TF (point 4.1). En effet, si la décision finale du canton est négative ou que le TAF refuse de donner son approbation, il sera désormais possible de déposer un recours en matière de droit public auprès du TF. Il est toutefois impossible de savoir avec précision si cette modification engendrera un surcroît de moyens à mettre en oeuvre et, dans l'affirmative, quelle en sera l'ampleur. Le nombre de cas dans lesquels la poursuite du séjour est actuellement refusée après la dissolution de l'union conjugale n'est pas connu. Selon l'art. 83, let. c, ch. 3, LTF, les recours qui concernent l'admission provisoire sont irrecevables (voir point 5.1 sur l'art. 50, al. 1, AP-LEI).

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4.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Les autorités migratoires cantonales ont compétence pour octroyer et renouveler les autorisations de séjour dans le cadre du regroupement familial. Cette compétence inclut la réglementation du séjour après dissolution de la famille. La modification de loi proposée élargit le groupe des ayants droit à un statut de séjour (point 4.1). Ces personnes ayant déjà la possibilité de déposer une demande pour cas de rigueur sans posséder de droit à l'octroi d'une autorisation (en vertu de l'art. 77, al. 1, let. b, OASA ou de l'art. 30, al. 1, let. b, LEI), le nombre de demandes pour cas de rigueur ne devrait pas augmenter de manière significative (point 5.1).

Dans ce contexte, les modifications de loi proposées ne devraient pas non plus avoir de conséquences majeures pour les cantons et les communes en termes de finances et de personnel (voir également le point 5.1).

4.3

Conséquences sociales

Les modifications de loi proposées visent à donner, sous certaines conditions, un droit de séjour en Suisse à tous les étrangers victimes de violence domestique. Ces personnes ne seront pas obligées de rester dans un mariage ou un partenariat insupportables par peur d'être renvoyées, ce qui améliorera la protection contre la violence domestique, et répondra à une demande sociétale largement reconnue.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Le projet est fondé sur l'art. 121, al. 1, Cst. (compétence législative de la Confédération en matière d'octroi de l'asile et en matière de séjour et d'établissement des étrangers). Il est conforme à la Constitution fédérale.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le projet est compatible avec le droit international en vigueur.

La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul)14 prévoit notamment que les victimes, dont le statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, se voient accorder, sur demande, dans l'éventualité de la dissolution du mariage ou de la relation, en cas de situations particulièrement difficiles, un permis de résidence autonome, indépendamment de la durée du mariage ou de la relation. L'art. 59 de la convention d'Istanbul 14

RS 0.311.35

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prévoit que les conditions relatives à l'octroi et à la durée du permis de résidence autonome sont établies conformément au droit interne. Or la Suisse a émis une réserve sur cette disposition, car les catégories de personnes étrangères ne disposent pas toutes, à ce jour, d'un droit légal (voir point 2.1). Si les modifications de loi proposées sont acceptées, la levée de cette réserve pourra être envisagée, puisque tout conjoint du titulaire d'une autorisation de séjour ou de courte durée ou bien d'une personne admise à titre provisoire ainsi que tout concubin auront désormais droit à l'octroi d'un statut de séjour et à la prolongation de leur statut de séjour s'ils sont victimes de violence domestique. Ainsi, la Suisse remplira encore mieux ses obligations internationales en matière de prévention et de lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

5.3

Forme de l'acte à adopter

En vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., l'Assemblée fédérale édicte sous la forme d'une loi fédérale toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit. Le présent projet propose une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration. Conformément à l'art. 141, al. 1, let. a, Cst., les lois fédérales sont sujettes au référendum.

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