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ad 19.456 Initiative parlementaire Les prestations versées à des fins de prévention sont une tâche importante des fondations patronales de bienfaisance Rapport du 31 août 2023 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national Avis du Conseil fédéral du 1er novembre 2023

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 112 al. 3, de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport du 31 août 2023 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national concernant l'initiative parlementaire «Les prestations versées à des fins de prévention sont une tâche importante des fondations patronales de bienfaisance»1.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er novembre 2023

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Avis 1

Contexte

L'initiative parlementaire 19.456 «Les prestations versées à des fins de prévention sont une tâche importante des fondations patronales de bienfaisance», déposée le 26 juin 2019 par la conseillère nationale Daniela Schneeberger, vise à compléter l'art. 89a, al. 8, du code civil (CC)2 sur plusieurs points en portant une attention particulière au but et au rôle des fondations patronales de bienfaisance dans la société et dans la prévoyance professionnelle. Il s'agit de permettre aux fondations patronales de bienfaisance de «verser, dans le cadre du but qui leur est assigné, des prestations destinées à prévenir les risques financiers de la maladie, des accidents et du chômage (et non uniquement des prestations destinées à aider quelques personnes à faire face à une situation précaire), voire des prestations de vieillesse, de décès ou d'invalidité».

Par mesures de prévention, l'initiative parlementaire entend des mesures sociales répondant aux objectifs concrets de la fondation patronale de bienfaisance (vieillesse, décès, invalidité, maladie, accident, chômage) et prises en faveur de ses destinataires3.

Elle souligne que, dans l'environnement social actuel, les conseils de fondation des fondations patronales de bienfaisance doivent pouvoir remplir leur rôle de soutien social aux employés, aux retraités et aux survivants en menant également des actions préventives sans devoir accomplir de formalités excessives.

Le rôle social des fondations patronales de bienfaisance est pleinement reconnu.

Cependant, selon l'initiative parlementaire, les prestations versées par ces fondations pour prévenir des difficultés financières ou des situations de chômage soulèveraient parfois des discussions avec les autorités de surveillance. L'initiative parlementaire demande ainsi une intervention de la part du législateur afin que les prestations fournies par les fondations patronales de bienfaisance, outre les prestations dans les cas de prévoyance vieillesse, décès et invalidité, soient inscrites de manière explicite dans le CC.

Le 14 janvier 2021, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a procédé à l'examen préalable de l'initiative et a décidé, par 15 voix contre 4 et 4 abstentions, d'y donner suite. À sa séance du 10 novembre 2021, son homologue du Conseil des États
(CSSS-E) s'est ralliée à cette décision, sans opposition.

Le 19 mai 2022, la commission a discuté de la suite de la procédure. Après avoir auditionné Patronfonds, l'association faitière des fondations patronales de bienfaisance, ainsi que la Conférence des autorités cantonales de surveillance LPP et des fondations, la CSSS-N a défini les lignes directrices du projet qui devait permettre de mettre en oeuvre l'initiative parlementaire. Se fondant sur l'art. 112, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)4, elle a fait appel à des experts de l'Office 2 3 4

RS 210 Cf. ch. 1 à 4 de l'initiative parlementaire et ch. 3 de la proposition de mise en oeuvre pour les exemples (précision de la définition du but).

RS 171.10

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fédéral des assurances sociales (OFAS) et de l'Administration fédérale des contributions (AFC). Elle a ainsi chargé l'administration d'élaborer un complément à l'art. 89a, al. 8, CC. Au cours de la discussion, la commission a également mandaté l'administration pour la présentation des conséquences financières et, partant, fiscales, du projet.

Le 11 novembre 2022, la commission a examiné l'avant-projet élaboré par l'administration et a apporté quelques modifications, notamment en ajoutant dans le texte de loi les notions de «chômage» et de «formation et de formation continue».

À sa séance du 3 février 2023, la commission a adopté l'avant-projet et l'a mis en consultation.

Le 31 août 2023, la CSSS-N a pris acte des résultats de la consultation publique. Sur cette base, elle a décidé de compléter son projet par une disposition transitoire qui précise que l'autorité de surveillance peut, sur demande de l'organe suprême, modifier le but d'une fondation patronale de bienfaisance et a précisé dans le commentaire de la disposition que ces fondations peuvent utiliser la fortune accumulée avant l'entrée en vigueur de la présente modification pour verser les nouvelles prestations. Elle a accepté le projet à l'unanimité et a décidé de le soumettre au Conseil fédéral pour avis.

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Avis du Conseil fédéral

2.1

Appréciation générale

Le Conseil fédéral reconnaît l'importance du rôle social joué par les fondations patronales de bienfaisance. En effet, ces fondations font partie du système des trois piliers inscrit dans la Constitution (Cst.)5. Cette dernière limite les objectifs de la prévoyance professionnelle aux risques vieillesse, décès et invalidité (art. 111, al. 1, Cst.; art. 1, al. 1, de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [LPP]6). Conjuguée avec l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, la prévoyance professionnelle doit permettre à l'assuré de maintenir de manière appropriée son niveau de vie antérieur (art. 113, al. 2, let. a, Cst.).

Conformément à leur vocation d'institutions de la prévoyance professionnelle et à leur but principal, les fondations patronales de bienfaisance fournissent aujourd'hui des prestations pour couvrir les risques de vieillesse, de décès et d'invalidité. Outre les prestations strictement liées à la prévoyance professionnelle, qui atténuent les conséquences économiques de la vieillesse, du décès et de l'invalidité, les fondations patronales de bienfaisance peuvent, en pratique, déjà apporter un soutien financier dans les situations de maladie, d'accident ou de chômage. Ces prestations sont cependant autorisées uniquement si elles visent le soutien dans une situation de détresse des destinataires. Qui plus est, les prestations versées ne sont pas des prestations réglementaires, mais uniquement des prestations discrétionnaires que les fondations patronales de bienfaisance octroient au cas par cas, sur la base de décisions de leur conseil de fondation. Partant, les prestations doivent être accordées librement par la direction du 5 6

RS 101 RS 831.40

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fonds dans le respect des principes de l'égalité de traitement entre les bénéficiaires potentiels, de l'interdiction de l'arbitraire, de la proportionnalité, d'adéquation et de la bonne foi.

Le Conseil fédéral ne refuse pas globalement le projet de la CSSS-N de compléter l'art. 89a, al. 8, CC par un nouveau ch. 4 et de préciser quelles prestations peuvent verser les fondations patronales octroyant des prestations discrétionnaires.

Il est critique à l'égard de la modification de loi proposée, comme la majorité des cantons qui considèrent qu'une telle modification entraînerait une redéfinition substantielle des objectifs des fondations patronales de bienfaisance allant au-delà de la notion traditionnelle de prévoyance.

Les prestations versées à des fins de prévention ne peuvent et ne doivent pas constituer le seul objectif de ces fondations. Le but principal d'un fonds de bienfaisance doit rester celui de couvrir les risques de vieillesse, de décès et d'invalidité. Les prestations versées par les fondations patronales de bienfaisance doivent, dans tous les cas, être des prestations discrétionnaires.

Dès lors, le Conseil fédéral constate que le projet élargit et redéfinit de manière substantielle les buts admissibles des fondations patronales de bienfaisance. Pour les raisons exposées plus en détail au ch. 2.2, il juge problématique un tel élargissement. Les buts admissibles s'écartent de la notion stricte de prévoyance et du soutien apporté à des assurés dans des situations de détresse, un soutien déjà accepté en pratique aujourd'hui. Leur formulation est en outre très vague, et le Conseil fédéral craint que la marge d'appréciation importante ainsi laissée aux fondations patronales n'entrave la sécurité juridique.

Une difficulté supplémentaire pourrait résulter du fait que l'élargissement proposé autoriserait le versement de prestations qui pourraient relever du droit du travail.

Certes, les obligations légales de l'employeur découlant du droit du travail restent intactes. Toutefois, le Conseil fédéral ne juge pas admissible qu'un fonds patronal de bienfaisance finance des prestations qu'il appartient à l'employeur de fournir, car cela reviendrait à lui restituer indirectement ces ressources financières. Là encore, des questions de délimitation se poseraient en pratique et augmenteraient, selon le Conseil fédéral, l'insécurité juridique.

2.2

Appréciation du projet de la commission

Art. 89a, al. 8, ch. 4, 1er tiret, P-CC Le projet prévoit que les fondations patronales peuvent contribuer au financement d'autres institutions de prévoyance en faveur du personnel. Actuellement, tant les autorités de surveillance que les autorités fiscales reconnaissent que les fondations de bienfaisance peuvent verser à l'institution de prévoyance des prestations, par exemple dans le cadre de mesures d'assainissement, de compensation d'une réduction du taux de conversion etc. Il s'agit de prestations en rapport avec les risques de vieillesse, de décès et d'invalidité et qui servent donc le but de la prévoyance. Le rapport sur les

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résultats de la consultation montre qu'une majorité de participants soutient cette modification dans la mesure où elle codifie la pratique actuelle.

Partant, le Conseil fédéral peut soutenir cet aspect du projet de modification du code civil.

Art. 89a, al. 8, ch. 4, 2e tiret, P-CC Le projet de la commission prévoit également que les fondations patronales de bienfaisance peuvent allouer des prestations dans des situations de détresse, de maladie, d'accident, d'invalidité ou de chômage, ou pour des mesures de formation et de formation continue, de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle ainsi que de promotion de la santé et de prévention; dans ces cas, les art. 80, 81, al. 1, et 83 LPP sont également applicables.

Versement de prestations dans les situations de détresse Selon la pratique actuelle, les prestations des fondations patronales de bienfaisance doivent être essentiellement limitées à la prévoyance professionnelle au sens strict (vieillesse, décès, invalidité) et les prestations en cas d'accident, de maladie et de chômage ne sont possibles que lors d'une situation de détresse déjà survenue ou imminente. Cet état de fait a donné lieu à des discussions dans la pratique et à des incertitudes juridiques, notamment en ce qui concerne l'évaluation du critère de détresse. Le rapport du 31 août 2023 sur les résultats de la consultation relève que la majorité des participants soutient cet aspect du projet. Au vu de tous ces éléments, le Conseil fédéral considère ainsi que l'ajout de cet élément est justifié, car il permet de clarifier légalement une pratique.

Versement de prestations en cas de maladie, d'accident et d'invalidité Le projet prévoit la possibilité d'effectuer des versements de prestations en cas de maladie, d'accident et d'invalidité. Dans ce cadre, il devrait être possible de verser des prestations qui ne seraient pas couvertes par une autre assurance sociale et qui ne sont pas liées à un cas de détresse économique. À cet égard, le Conseil fédéral constate qu'en ce qui concerne les cas de maladie et d'accident, cette tâche ne relève pas de la prévoyance professionnelle au sens strict. Cependant, il estime, afin de permettre aux fondations patronales de bienfaisance de jouer leur rôle social, que cette proposition peut, malgré tout, être soutenue. Cela pourrait
aussi être le cas, de son point de vue, des coûts d'un case management. Le Conseil fédéral souligne toutefois qu'il peut être difficile pour une fondation patronale de fournir de telles prestations à titre purement discrétionnaire tout en respectant le principe d'égalité de traitement.

Versement de prestations en cas de chômage Le projet prévoit la possibilité d'effectuer des versements de prestations en cas de chômage qui ne sont pas liées à un cas de détresse économique. Cette tâche ne relève pas de la prévoyance professionnelle au sens strict. Cependant, certaines fondations patronales de bienfaisance prévoient dans leur acte constitutif des prestations en cas de chômage. Le Conseil fédéral est d'avis que cet élément du projet peut être soutenu.

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Versement de prestations dans les cas de mesures de formation et de formation continue Il découle de l'art. 327a, al. 1, du code des obligations7, que l'employeur doit rembourser à l'employé les frais inhérents à des mesures de formation ou de formation continue en cours d'emploi qu'il lui impose. Cette obligation représente l'un des aspects du devoir d'assistance incombant à l'employeur. L'obligation pour l'employeur de prendre en charge ce type de frais dépend du type de formation. Ainsi, si la formation est en rapport avec l'exécution du travail et imposée par l'employeur, ce dernier doit prendre en charge les frais qui en résultent. Les frais d'une formation qui est sans rapport direct avec l'exécution du travail, mais qui procure au travailleur un avantage durable sur le marché de l'emploi, sont par contre à la charge de ce dernier. Enfin, l'employeur peut prendre en charge tout ou partie des frais de formations sans rapport direct avec le travail, qui sont destinées à améliorer la capacité professionnelle du travailleur.

Partant, le Conseil fédéral constate que cet ajout dans la base légale élargit de manière importante le catalogue des prestations. Il est d'avis que les frais qui résultent de mesures de formation et de formation continue doivent continuer à être pris en charge par l'employeur et non pas par des fondations patronales de bienfaisance, car le financement de telles mesures par la fondation patronale de bienfaisance constituerait un retour inadmissible de fonds à l'employeur. Les mesures de formation et de formation continue n'ayant pas de lien avec la prévoyance professionnelle, le Conseil fédéral considère que cet ajout dans la loi élargit de manière importante et inopportune le catalogue des prestations.

Prestations pour des mesures de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle Le Conseil fédéral émet des réserves quant à ces mesures. En effet, il s'interroge sur les types de mesures qui doivent permettre d'améliorer les possibilités de concilier vie familiale et vie professionnelle hors d'une situation de détresse existante ou imminente. Ces mesures sont difficiles à délimiter et dépassent largement le cadre de la prévoyance professionnelle.

Le Conseil fédéral considère qu'il n'est ainsi pas admissible qu'une fondation patronale de bienfaisance gère une
crèche ou verse des contributions à la garde des enfants par des tiers en l'absence d'une situation de détresse existante ou imminente. Ainsi, le rapport explicatif cite à titre d'exemple les prestations versées à un parent pour l'accueil extrafamilial pour les enfants en cas de difficulté financière. Une telle prestation pourrait en effet entrer en ligne de compte lorsque les parents de l'enfant se trouvent dans une situation de détresse économique concrète.

En revanche, les prestations pour frais de garde ou de scolarité d'un enfant ainsi que les prestations en cas de congé parental après la naissance ou l'adoption d'un enfant s'apparentent davantage à des allocations familiales déjà partiellement prises en charge au sens de la loi du 24 mars 2006 sur les allocations familiales8, respectivement à des allocations au sens de la loi sur les allocations pour perte de gain. Il s'agit ainsi 7 8

RS 220 RS 836.2

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encore une fois d'un «mélange des genres» visant à accorder aux fondations patronales de bienfaisance une fonction «d'assurance sociale supplétive» financée de manière privée par les entreprises. Partant, le Conseil fédéral considère que cet ajout dans la loi élargit de manière inopportune le catalogue des prestations.

Prestations pour des mesures de promotion de la santé et de prévention Selon l'initiative parlementaire, les conseils de fondation des fondations patronales de bienfaisance doivent pouvoir remplir leur rôle de soutien social aux employés, aux retraités et aux survivants en menant également des actions préventives, sans formalités excessives. Le projet de la commission cite à titre d'exemple la possibilité d'organiser des campagnes de vaccinations, la prise en charge d'un case management, le financement de mesures incitant les collaborateurs à pratiquer une activité physique régulière, la prise en charge de coûts de mesures visant à l'amélioration de la santé alimentaire des collaborateurs, etc. Le Conseil fédéral s'interroge sur le type de frais de santé qui pourraient être pris en charge à ce titre par les fondations patronales de bienfaisance sans que ceux-ci ne découlent directement d'une obligation légale de l'employeur, en vertu du droit du travail car il existe un risque que le financement de telles prestations par la fondation constitue un retour inadmissible de fonds à l'employeur. Les fondations patronales de bienfaisance ne doivent pas octroyer de prestations de nature professionnelle et se substituer aux obligations de l'employeur. Vu que le projet de la commission prévoit des exemples de prestations non exhaustifs, il est aussi indéniable que ces prestations sont difficiles à définir et pourraient par conséquent créer une insécurité juridique puisqu'elles sont laissées à l'appréciation des autorités de surveillance et des autorités fiscales. Partant, le Conseil fédéral considère que cet ajout dans la loi élargit également de manière inopportune le catalogue des prestations.

Titre final, art. 6cbis, P-CC 3. Fondations de prévoyance en faveur du personnel Le Conseil fédéral estime que l'ajout de cet élément est nécessaire pour permettre aux fondations patronales de bienfaisance d'intégrer les nouvelles prestations dans leur acte de fondation et d'utiliser leur fortune existante pour verser les prestations visées à l'art. 89a, al. 8, ch. 4, P-CC.

2.3

Conséquences fiscales

Les clarifications que l'initiative parlementaire cherche à apporter à la base légale visent en particulier à éviter qu'en poursuivant l'un des buts sans lien direct avec la prévoyance professionnelle énoncés à l'art. 89a, al. 8, ch. 4, P-CC, une fondation patronale de bienfaisance ne perde le droit à une exonération fiscale au motif que son action ne se limite plus à la prévoyance professionnelle au sens strict.

Le Conseil fédéral peut comprendre l'intérêt pour les fondations patronales de bienfaisance de conserver leur régime fiscal actuel, notamment l'exonération fiscale qui leur est reconnue, tout en poursuivant de nouveaux buts. Il porte néanmoins un jugement critique sur ce projet.

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L'art. 80, al. 2, LPP ­ de même que les dispositions matériellement identiques des art. 56, let. e, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct9 et 23, al. 1, let. d, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes10 ­ exige, pour pouvoir bénéficier d'une exonération fiscale, que les revenus et les éléments de fortune d'une fondation patronale de bienfaisance soient exclusivement affectés à des fins de prévoyance professionnelle.

Le Conseil fédéral considère que le projet de modification du code civil reviendrait de fait à élargir les motifs d'exonération fiscale, car les fondations patronales de bienfaisance ne seraient plus tenues de limiter leur action à la prévoyance professionnelle.

Un tel élargissement serait discutable pour des raisons de systématique fiscale. Le Conseil fédéral constate que, dans le cadre de la procédure de consultation, plusieurs cantons ont contesté la compatibilité d'une exonération fiscale avec les nouveaux buts.

Comme mentionné au ch. 2.1, le Conseil fédéral estime en outre que cette modification est de nature à augmenter l'insécurité juridique de plusieurs façons. L'insécurité juridique concerne notamment la pratique fiscale et la question de l'exonération fiscale d'une fondation patronale de bienfaisance, car cette exonération n'est justifiée que si et aussi longtemps que le fonds patronal de bienfaisance limite son action aux objectifs prévus par la loi. Étant donné les incertitudes juridiques évoquées, il ne serait pas toujours facile de déterminer si cette condition est remplie en pratique. Selon le Conseil fédéral, on ne saurait exclure que l'exonération fiscale des fondations patronales de bienfaisance soit plus souvent contestée, ce qui ne permettrait pas d'atteindre pleinement la sécurité juridique recherchée par l'initiative parlementaire.

Des problèmes de délimitation sont également à prévoir en ce qui concerne l'imposition des prestations versées par les fondations patronales de bienfaisance. Comme ces dernières sont actives dans le domaine de la prévoyance professionnelle, leurs prestations sont traitées de la même façon que celles de la prévoyance professionnelle. Si les buts qui leur sont assignés devaient être élargis, ces fondations pourraient toutefois verser à l'avenir
des prestations ne relevant plus de la prévoyance professionnelle. Sur le plan fiscal, des prestations proches de celles prévues par le droit du travail pourraient, en particulier, dans certaines circonstances, être assimilées à des salaires. Le Conseil fédéral considère donc que le projet peut engendrer de nouvelles incertitudes juridiques également en ce qui concerne l'imposition des prestations.

Par ailleurs, le Conseil fédéral prend acte du fait que les conséquences financières du projet dépendront notamment de l'importance des changements dans l'activité des fondations patronales de bienfaisance. Si la modification prévue avait uniquement pour conséquence une augmentation des prestations versées par les fondations patronales de bienfaisance à partir de la fortune existante et déjà exonérée d'impôt (ou des revenus de cette fortune), il en résulterait une légère augmentation des recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes pour les impôts sur le revenu en raison du principe de l'imposition des prestations. À l'inverse, si les modifications apportées au code civil devaient conduire les employeurs à augmenter de manière significative la fortune des fondations patronales de bienfaisance ou à créer de nouveaux 9 10

RS 642.11 RS 642.14

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fonds, il en résulterait une diminution des recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes pour les impôts sur le revenu. La nature de ces changements n'étant pas prévisible, le Conseil fédéral prend aussi acte du fait qu'il n'est pas possible de quantifier les conséquences fiscales de la modification proposée.

3

Conclusion

Le Conseil fédéral reconnait l'importance du rôle social que jouent les fondations patronales de bienfaisance. Le projet de la CSSS-N étend la marge de manoeuvre et le pouvoir discrétionnaire du conseil de fondation et répond à un besoin de ces fondations. Il permet ainsi aux fondations patronales de bienfaisance de jouer un rôle social et ce, de manière plus aisée. Cet élément a d'ailleurs été salué par la majorité des participants lors de la procédure de consultation. En outre, il codifie certaines pratiques actuelles et permet ainsi une clarification juridique nécessaire, en particulier dans le cadre du financement des institutions de prévoyance, dans celui du versement de prestations pour les situations de détresse, dans celui du versement de prestations en cas de maladie, d'accident et d'invalidité ou dans le cadre du chômage. Le Conseil fédéral constate cependant que le projet de la CSSS-N élargit et redéfinit de manière substantielle les buts admissibles d'une fondation patronale de bienfaisance et que ceux-ci vont au-delà de la notion de prévoyance. Une telle extension du but des fondations patronales de bienfaisance pourrait aussi augmenter l'insécurité juridique en particulier en ce qui concerne les types de mesures qui doivent permettre d'améliorer les possibilités de concilier vie familiale et vie professionnelle. À cet égard, le Conseil fédéral considère qu'il n'est pas admissible qu'une fondation patronale de bienfaisance gère une crèche ou verse des contributions à la garde des enfants par des tiers en l'absence d'une situation de détresse existante ou imminente. Concernant les mesures de promotion de la santé et de prévention, le Conseil fédéral est d'avis que ces frais de santé seront difficiles à délimiter et que s'ils incombent à l'employeur, ce dernier se doit de les financer exclusivement.

Enfin, en ce qui concerne les mesures de formation et de formation continue, le Conseil fédéral constate qu'il n'est pas admissible qu'une fondation patronale de bienfaisance se substitue aux obligations de l'employeur. Cela équivaudrait à un retour indirect des fonds à l'employeur.

Par ailleurs, du point de vue fiscal, le Conseil fédéral constate également que le projet de la CSSS-N pourrait augmenter l'insécurité juridique, en particulier dans le domaine de l'exonération fiscale de ces
fondations.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil fédéral se prononce seulement en partie en faveur du projet de la CSSS-N. Il considère que les éléments suivants, à savoir, le financement des institutions de prévoyance, le versement de prestations pour les situations de détresse, le versement de prestations en cas de maladie, d'accident et d'invalidité ou dans le cadre du chômage, ainsi que le complément apporté à l'art. 89a, al. 8, ch. 4, P-CC de la disposition transitoire (titre final, art. 6cbis, ch. 3, P-CC) peuvent être soutenus.

Par contre, le Conseil fédéral constate que les mesures de formation et de formation continue, les mesures de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle et 9 / 10

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les mesures de promotion de la santé et de prévention telles que prévues dans le projet de la CSSS-N soulèveraient de nombreux problèmes de fond ainsi que de l'insécurité juridique dans la pratique et il recommande d'y renoncer.

4

Proposition du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral propose d'entrer en matière sur le projet.

De plus, il soumet la proposition suivante s'agissant du projet de modification de l'art. 89a, al. 8, ch. 4, P-CC: Art. 89a, al. 8, ch. 4 Les fondations de prévoyance visées à l'al. 7 sont en outre régies par les dispositions suivantes: 8

4.

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elles peuvent: ­ contribuer au financement d'autres institutions de prévoyance en faveur du personnel, ­ allouer des prestations dans des situations de détresse, de maladie, d'accident, d'invalidité ou de chômage; dans ces cas, les art. 80, 81, al. 1, et 83 LPP sont également applicables.