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Contrôle de suivi: Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques Rapport de la Commission de gestion du Conseil des États du 14 novembre 2023

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L'essentiel en bref Dans le présent rapport, la CdG-E apprécie la participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques.

D'une part, la commission informe sur la mise en oeuvre des recommandations qu'elle a formulées en 2018 sur la base d'une évaluation du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA). Dans le présent rapport, elle arrive à la conclusion que les données de base concernant l'application de sanctions économiques ont été améliorées et que la circulation des marchandises est contrôlée de manière plus précise, en particulier pour les sanctions contre la Russie. La question de savoir dans quelle mesure la surveillance et le contrôle du trafic de marchandises ont été renforcés dans le cas d'autres ordonnances de sanctions est cependant moins claire d'après elle.

D'autre part, la CdG-E apprécie la mise en oeuvre des mesures spécifiques en lien avec la situation en Ukraine. En la matière, elle salue la rapidité de la reprise des sanctions de l'UE par le Conseil fédéral. La CdG-E reconnaît également le travail du SECO, soumis à d'importants défis en matière de ressources. Si la forte charge de travail n'a pas permis un renforcement des contrôles dans un premier temps, la commission estime important que la fréquence des contrôles soit désormais renforcée afin d'améliorer l'efficacité des sanctions. Cette direction est celle que le Conseil fédéral compte suivre.

Enfin, la CdG-E voit d'un oeil critique l'implication des cantons dans la mise en oeuvre des sanctions, s'agissant de l'obligation d'annoncer. En effet, plusieurs cantons n'étaient pas au fait de leur rôle en la matière dans un premier temps et certaines dispositions légales étaient peu claires pour les cantons avant clarification par la Confédération. La CdG-E a ainsi formulé de nouvelles recommandations visant à ce que le rôle des cantons soit mieux intégré dans la législation relative à l'application de sanctions internationales.

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Table des matières L'essentiel en bref

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Introduction

5

2

Mise en oeuvre des recommandations des CdG 2.1 Recommandation 1 de la CdG-E 2.1.1 Position du Conseil fédéral 2.1.2 Appréciation de la CdG-E 2.2 Recommandation 2 de la CdG-E 2.2.1 Position du Conseil fédéral 2.2.2 Appréciation de la CdG-E 2.3 Recommandation 3 de la CdG-E 2.3.1 Position du Conseil fédéral 2.3.2 Appréciation de la CdG-E 2.4 Recommandation 4 de la CdG-E 2.4.1 Position du Conseil fédéral 2.4.2 Appréciation de la CdG-E 2.5 Recommandation 5 de la CdG-E 2.5.1 Position du Conseil fédéral 2.5.2 Appréciation de la CdG-E 2.6 Conclusion intermédiaire

3

Mise en oeuvre des mesures prises en lien avec la situation en Ukraine 3.1 Cadre légal 3.2 Compatibilité des sanctions avec le droit de la neutralité 3.3 Processus et décisions de reprise des sanctions européennes par le Conseil fédéral 3.3.1 Pesée d'intérêts pour la reprise des sanctions 3.3.2 Cadence pour la reprise des sanctions 3.3.3 Liste des personne sanctionnées 3.4 Coordination et surveillance de l'exécution des sanctions 3.4.1 Ressources du SECO 3.4.2 Améliorations des processus 3.4.3 Contrôles 3.5 Mise en oeuvre de l'obligation de déclarer selon l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine 3.5.1 Mise en oeuvre de l'obligation de déclarer par les banques 3.5.2 Mise en oeuvre de l'obligation de déclarer par les avocats 3.5.3 Mise en oeuvre de l'obligation de déclarer par les cantons 3.5.3.1 Offices cantonaux des impôts 3.5.3.2 Registres fonciers

4

Appréciation de la CdG-E

6 6 7 7 7 8 9 10 10 10 11 11 12 12 13 14 14 14 15 15 17 17 18 19 19 20 20 21 22 23 24 24 25 26 28 3 / 36

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4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 5

Reprise des sanctions Rôle des avocats dans la mise en oeuvre des sanctions Rôle des cantons dans la mise en oeuvre des sanctions Rôle du SECO dans la mise en oeuvre des sanctions Garantie de l'État de droit

Conclusion

Abréviations

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28 28 29 31 32 33 34

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Rapport 1

Introduction

Le 28 janvier 2016, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer la participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques. Cette évaluation1 a été transmise à la Commission de gestion du Conseil des États (CdG-E) le 9 novembre 2017.

Dans l'ensemble, le CPA a constaté que l'administration fédérale élabore les propositions au Conseil fédéral pour la participation à l'application de sanctions de manière appropriée. Différentes lacunes dans la mise en oeuvre et des manques dans les activités de pilotage et de surveillance de la politique en matière de sanctions dans son ensemble ont toutefois été relevés, même si les sanctions sont très largement respectées par les acteurs économiques.

Le 19 octobre 2018, la CdG-E a adopté sur cette base son rapport2 concernant la participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques. Elle y formulait cinq recommandations à l'attention du Conseil fédéral. Suite à l'avis du Conseil fédéral du 19 décembre 20183, la CdG-E a publié un rapport succinct le 26 mars 20194 et clos son inspection par la même occasion.

Le 28 février 2022, suite à la reconnaissance par la Russie de l'indépendance de deux régions en Ukraine5 et l'intervention militaire russe en Ukraine, le Conseil fédéral a décidé de reprendre les sanctions de l'UE contre la Russie de sorte à renforcer leur impact6. La CdG du Conseil national (CdG-N) et la CdG-E se sont fait informer à ce sujet durant le mois de mars 2022 et ont posé différentes questions relatives à la mise en oeuvre des mesures en lien avec la situation en Ukraine au Conseil fédéral. Le 5 avril 2022, la CdG-E a lancé son contrôle de suivi sur ce thème, comme initialement prévu7. Les CdG ont décidé que la CdG-E aborderait certaines mesures en lien avec la situation en Ukraine dans le cadre de ce contrôle de suivi. La CdG-E informe dans ce rapport sur la mise en oeuvre de ses recommandations de 2018 (ch. 2).

1

2 3 4 5 6

7

Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques.

Rapport du CPA à l'intention de la CdG-E du 9.11.2017 (FF 2019 1819; ci-après Évaluation du CPA du 9.11.2017).

Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques.

Rapport de la CdG-E du 19.10.2018 (FF 2019 1805).

Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques. Rapport de la CdG-E du 19.10.2018. Avis du Conseil fédéral du 19.12.2018 (FF 2019 1877).

Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques, rapport succinct de la CdG-E du 26.3.2019 (FF 2019 3225).

Est de l'Ukraine: le Conseil fédéral condamne les agissements de la Russie contraires au droit international, communiqué de presse du Conseil fédéral du 23.2.2022.

Situation en Ukraine: la Suisse étend ses mesures, communiqué de presse du Conseil fédéral du 25.2.2022; La Suisse reprend les sanctions de l'UE contre la Russie, communiqué de presse du Conseil fédéral du 28.2.2022.

Programme annuel des CdG du 25.1.2022, point 36, www.parlement.ch > Services > Actualités > les CdG et la DélCdG publient leur rapport annuel 2021 et leur programme annuel 2022 (consulté le 2.2.2023).

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Dans cette première partie, elle apprécie la position du Conseil fédéral, formulé dans sa lettre du 3 juin 20228, et la manière dont il a mise en oeuvre les recommandations de la CdG-E. Dans une seconde partie, la CdG-E revient sur les travaux qu'elle a mené en parallèle, au courant de l'année 2022, sur la mise en oeuvre des mesures en lien avec la situation en Ukraine (ch. 3 et 4). Elle porte une appréciation sur certains éléments choisis, entre autres sur la coordination et la surveillance de l'exécution des sanctions par le SECO ainsi que sur la mise en oeuvre de l'obligation de déclarer selon l'art. 16 de l'ordonnance instituant des mesures en lien avec la situation en Ukraine9 (ci-après «ordonnance Ukraine»).

2

Mise en oeuvre des recommandations des CdG

Dans le présent chapitre, la CdG-E présente ses recommandations formulées en 201810 sur la base d'une évaluation du CPA11 et la position du Conseil fédéral du 3 juin 2022 sur leur mise en oeuvre12. Elle porte une appréciation sur la mise en oeuvre de chaque recommandation par le Conseil fédéral.

2.1

Recommandation 1 de la CdG-E

Recommandation 1

Application transparente des critères utilisés pour la pesée des intérêts

La CdG-E invite le Conseil fédéral à prendre les mesures nécessaires pour que les différents critères utilisés pour évaluer l'opportunité d'appliquer des sanctions prononcées par l'UE soient à l'avenir systématiquement examinés quant à leur pertinence dans le cas concerné, et pour que le Conseil fédéral soit informé des résultats de ces évaluations.

L'évaluation du CPA en 2017 avait montré que les notes de discussion à l'intention du Conseil fédéral ne présentaient pas systématiquement et de manière transparente tous les critères sur lesquels le Conseil fédéral doit fonder ses décisions pour l'application de sanctions prononcées par l'UE. Des divergences subsistaient sur ce point entre le Conseil fédéral et la CdG-E à la clôture de l'inspection en 2019, car la commission souhaitait que les critères soient tous au moins mentionnés dans les propositions à l'attention du Conseil fédéral.

8 9 10 11 12

Lancement du contrôle de suivi relatif à la participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques, lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022.

Ordonnance du 4.3.2022 instituant des mesures en lien avec la situation en Ukraine (RS 946.231.176.72).

Rapport de la CdG-E du 19.10.2018 (FF 2019 1805).

Évaluation du CPA du 9.11.2017 (FF 2019 1819).

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022.

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2.1.1

Position du Conseil fédéral

Dans sa lettre du 3 juin 202213, le Conseil fédéral déclare que tous les critères ne sont pas toujours pertinents. Il déclare que la pesée des intérêts est spécifique à chaque cas et qu'elle ne se base pas sur une pondération fixe des différents critères. Ainsi, certains critères peuvent peser plus lourd dans la balance dans certains cas, notamment en tenant compte de la situation globale. Il estime donc, comme déjà formulé en 201814, que la procédure en place n'appelle aucune correction ni autre mesure.

Dans le cadre des sanctions en lien avec la situation en Ukraine, le DEFR a également estimé15 que les critères se sont montrés satisfaisants et a confirmé qu'il considère qu'il n'y a pas lieu de les adapter.

2.1.2

Appréciation de la CdG-E

La CdG-E constate que le Conseil fédéral n'est pas disposé à mettre en oeuvre sa recommandation 1. Sur le fond la commission comprend l'argument du Conseil fédéral que la pesée des intérêts est spécifique à chaque cas. Néanmoins, elle estime toujours important que tous les critères apparaissent dans les propositions au Conseil fédéral, même si ceux-ci doivent porter la mention «ne s'applique pas». La CdG-E estime qu'ainsi seulement il est possible de s'assurer de l'exhaustivité des informations. Elle invite ainsi le Conseil fédéral à mettre en oeuvre cette recommandation dans la mesure du possible et reviendra sur ce point dans le cadre d'un futur contrôle de suivi.

2.2

Recommandation 2 de la CdG-E

Recommandation 2

Instruments de contrôle pertinents et utilisation appropriée de ces derniers

La CdG-E demande au Conseil fédéral de vérifier si les instruments de contrôle existants sont pertinents et, si nécessaire, de les remplacer par d'autres instruments appropriés. Celui-ci devrait en outre veiller à ce que les mandats de prestations des bureaux de douane soient modifiés de telle sorte que ces derniers soient davantage incités à effectuer des contrôles portant sur des biens visés par des sanctions. De plus, la commission demande au Conseil fédéral de faire en sorte que les instruments de contrôle existants soient utilisés de manière appropriée.

Le CPA avait constaté, dans la pratique, des lacunes dans les contrôles des sanctions à la frontière et dans les contrôles effectués par le SECO. Dans sa recommandation, la CdG-E avait demandé une vérification de la pertinence des instruments de contrôle.

13 14 15

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 2.

Avis du Conseil fédéral du 19.12.2018 (FF 2019 1877 1880).

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 6.

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Si le Conseil fédéral n'a pas procédé, d'après son avis de 201816, à un examen global de la pertinence des instruments, il avait annoncé que certaines possibilités techniques seraient disponibles avec la nouvelle application destinée à la gestion du trafic de marchandises dans le cadre du Programme DaziT et qu'il avait également l'intention d'intensifier les contrôles. Il avait informé la CdG-E que des objectifs concrets concernant l'exécution des mesures d'embargo avaient également été assignés à l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF).

2.2.1

Position du Conseil fédéral

Le SECO a renforcé les contrôles ciblés dans certains domaines17. Ainsi, début 2021, tous les importateurs d'armes d'origine russe en provenance de l'UE ont par exemple été priés par écrit de présenter la preuve de l'importation légale de ces armes dans l'UE. Des contrôles de surveillance de l'espace aérien ont également été effectués par le SECO en 2020 à la suite d'une demande du groupe d'experts concernant les sanctions édictées par le Conseil de sécurité de l'ONU à l'encontre de la Libye, en vue de mettre en oeuvre l'embargo sur les biens d'équipement militaires. Aucun des deux contrôles n'a toutefois révélé d'infraction contre les dispositions des ordonnances pertinentes. En lien avec le commerce de diamants bruts, le SECO a mis en place un concept de contrôle basé sur des contrôles par échantillonnage et la banque de données utilisée pour le contrôle du commerce de diamants bruts a été développée et permet entre autres une surveillance ciblée des importateurs et des exportateurs et de variations de prix suspectes.

En ce qui concerne les contrôles non annoncés, le Conseil fédéral considère18 qu'ils sont peu utiles. D'après lui, il serait en effet difficile d'établir où ces contrôles devraient être effectués étant donné que les sanctions concernent potentiellement toutes les personnes, entreprises et entités en Suisse. Il explique également que contrairement à d'autres domaines des contrôles à l'exportation, où un nombre déterminé d'entreprises exporte des biens soumis à autorisation et où le SECO peut mener des contrôles ciblés, les sanctions concernent potentiellement toutes les personnes, entreprises et entités en Suisse. Les enquêtes en cas de soupçon sont donc nettement plus efficaces et des contrôles sur place sont envisageables.

S'agissant des contrôles à la frontière, l'OFDF a optimisé ses instruments directement après l'évaluation du CPA, en prenant des mesures organisationnelles et informatiques. Ces adaptations ont été faites indépendamment de DaziT, qui ne sera opérationnel qu'à partir de juin 2023 (exportation et transit) voire janvier 2025 (importation). La surveillance et le contrôle douaniers sont réalisés de manière ciblée grâce à des règles de sélection centralisées19 définies dans les systèmes informatiques. Cellesci bloquent les envois concernés par des sanctions et déclenchent, en fonction du régime de sanctions, une recommandation de contrôle ou un ordre de contrôle.

16 17 18 19

Avis du Conseil fédéral du 19.12.2018 (FF 2019 1877).

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 3.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 3.

Voir Art. 17 de l'ordonnance du 4.4.2007 de l'OFDF sur les douanes (OD-OFDF; RS 631.013).

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Les objectifs concrets de l'OFDF concernant les sanctions économiques20 sont l'identification des infractions à la loi sur les embargos (LEmb)21 ainsi qu'à la législation sur les armes, le matériel de guerre et le contrôle des biens. L'OFDF a majoritairement atteint ses objectifs au cours des dernières années, puisqu'il parvient à saisir un très grand nombre d'armes au sens de la loi sur les armes (LArm)22 du fait du commerce électronique. En raison de la situation en Ukraine, le Conseil fédéral s'attendait à un nombre de cas dénoncés en lien avec un embargo nettement plus important en 2022.

D'après le Conseil fédéral, l'OFDF parvient à mener à bien sa tâche d'exécution, même si sa charge de travail a temporairement augmenté du fait de la situation en Ukraine23. Cependant, d'autres tâches d'exécution de l'OFDF n'ont pas pu être assurées dans la même mesure qu'habituellement.

Le Conseil fédéral reste d'avis, à début juin 2022, que les instruments de contrôle existants sont appropriés, mais que leur utilisation doit être renforcée24. La réalisation de contrôles est dorénavant explicitement inscrite dans le cahier des charges des collaborateurs du secteur compétent du SECO et un collaborateur scientifique supplémentaire a été engagé.

2.2.2

Appréciation de la CdG-E

Si la CdG-E regrette qu'un examen global et systématique de la pertinence des instruments de contrôle n'ait pas été effectué par le Conseil fédéral, elle constate, d'après les réponses qu'il a apportées, que le Conseil fédéral a amélioré l'utilisation des instruments existants. La commission salue en particulier le fait que des améliorations aient été mise en oeuvre rapidement en parallèle du projet DaziT. Le SECO et l'OFDF ont ainsi nettement intensifié leurs contrôles. Dans le domaine du trafic des marchandises notamment, les contrôles sont plus précis, en particulier dans le cas des sanctions contre la Russie25, mais également de manière plus générale. La CdG-E constate cependant que le nombre de cas dénoncés en lien avec un embargo ne semble pas vraiment avoir augmenté26.

La CdG-E est pour l'essentiel satisfaite de la mise en oeuvre de sa recommandation.

Elle invite cependant le Conseil fédéral à ne pas exclure de manière générale la possibilité de contrôles inopinés sur place en cas de soupçons et à mener de tels contrôles

20

21 22 23 24 25 26

Voir le tome 2B du budget 2023 avec plan intégré des tâches et des finances (PITF) 2024­2026 des unités administratives (DFF, DEFR, DETEC), p. 77, www.efv.admin.ch > Rapports financiers > Rapports financiers > Budget assorti d'un plan intégré des tâches et des finances (consulté le 6.2.2023).

Loi fédérale du 22.3.2002 sur l'application de sanctions internationales (Loi sur les embargos, LEmb; RS 946.231).

Loi fédérale du 20.6.1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (Loi sur les armes, LArm; RS 514.54).

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 4.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 3.

Lettre du SECO à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 27.10.2022, p. 4.

Voir le tome 2B du Compte d'État 2022 des unités administratives (DFF, DEFR, DETEC), p. 78, www.efv.admin.ch > Rapports financiers > Rapports financiers > Comptes d'État (consulté le 14.4.2023).

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si des cas s'y prêtent. De plus, les contrôles en matière de sanctions doivent être renforcés de manière générale.

2.3

Recommandation 3 de la CdG-E

Recommandation 3

Mise à disposition des données appropriées

La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner de quelle manière la qualité des données dans le domaine des déclarations douanières peut être améliorée en vue de l'application d'un régime de sanctions.

La CdG-E souhaitait que la qualité des données dans le domaine des déclarations douanières soit améliorée. Le Conseil fédéral a déclaré dans son avis de 201827 que cela était un objectif du nouveau système de gestion du trafic des marchandises28.

2.3.1

Position du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral a déclaré à la CdG-E29 que l'amélioration des données et de leur qualité est l'un des principaux objectifs de DaziT. Dans le nouveau système de dédouanement des marchandises, qui sera mis en service le 1er juin 2023 pour l'exportation et le transit, les indications relatives à l'expéditeur et au destinataire des marchandises sous embargo seront par exemple des champs obligatoires. Cela permettra d'identifier la région d'origine ou de destination avec davantage de fiabilité.

DaziT devrait en outre permettre d'améliorer la qualité générale des données suite à l'introduction de règles de plausibilité plus performantes lors de la saisie des données.

Le système aidera d'une part le responsable des marchandises à établir correctement la déclaration en douane et identifiera, d'autre part, les erreurs de saisie (p. ex le code de pays de la Corée du Nord [KP] au lieu de la Corée du Sud [KR]). Le point faible restera les omissions ou données erronées saisies volontairement, que seules des contrôles sur place permettent de corriger.

2.3.2

Appréciation de la CdG-E

La CdG-E salue les améliorations envisagées. Elle estime que la qualité des données dans le domaine des déclarations douanières sera ainsi nettement améliorée. Les mesures n'ayant cependant été mises en oeuvre qu'à partir de juin 2023 avec la mise en service du nouveau système de gestion du trafic des marchandises, une appréciation

27 28 29

Avis du Conseil fédéral du 19.12.2018 (FF 2019 1877 1882).

Mise en service de «Passar», le nouveau système de gestion du trafic des marchandises, Communiqué de presse du Conseil fédéral du 1.6.2023.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 5­6.

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définitive en la matière n'est pas encore possible à l'heure actuelle. La CdG-E reviendra sur ce point dans le cadre d'un futur contrôle de suivi.

2.4

Recommandation 4 de la CdG-E

Recommandation 4

Valorisation systématique des informations recueillies dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique en matière de sanctions

La CdG-E demande au Conseil fédéral de veiller à ce que les informations disponibles issues des données douanières et des systèmes de déclaration et d'autorisation soient systématiquement exploitées dans le cadre de la surveillance globale.

La CdG-E avait demandé, suite aux lacunes en matière de surveillance globale de l'application des sanctions constatées par le CPA, que les informations disponibles issues des données douanières et des systèmes de déclaration et d'autorisation soient systématiquement exploitées dans le cadre de la surveillance globale. Si une surveillance permanente des échanges bilatéraux avec tous les pays visés par les ordonnances sur les sanctions en vigueur serait disproportionnée, comme l'estime le Conseil fédéral dans sa lettre de juin 202230, la CdG-E avait considéré qu'une surveillance portant sur certains biens ou groupes de biens critiques serait appropriée et qu'un examen approfondi des cas à un niveau global basé sur des données agrégées devrait avoir lieu. À ce sujet, le CPA avait reçu des informations contradictoires.

2.4.1

Position du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral maintient sa position et estime qu'il est disproportionné d'assurer une surveillance permanente de l'ensemble des échanges bilatéraux avec les pays visés par les ordonnances sur les sanctions.

L'OFDF et le SECO utilisent toutefois, de manière ciblée, des données douanières agrégées pour surveiller les flux commerciaux avec certains destinataires des sanctions, selon les risques, ou des indices de non-respect des sanctions. Les données de monitorage de l'OFDF sont mises à la disposition des autorités qui le demandent et qui, selon les analyses qui en résultent, peuvent demander des mandats de contrôle concrets ou d'effectuer un signalement ciblé des risques31. Le SECO collecte systématiquement des informations sur l'exécution des sanctions. Il a donc une vue d'ensemble de toutes les décisions prises, concernant par exemple la libération de valeurs patrimoniales bloquées ou les exceptions humanitaires accordées. Cela permet non 30 31

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 5.

La mise en oeuvre de DaziT permettra à l'OFDF de développer considérablement l'analyse des risques afin d'établir des rapports de données encore plus précis: les envois non pertinents seront écartés et les données collectées seront adaptées aux besoins spécifiques des autorités concernées.

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seulement d'effectuer un traitement statistique des activités de contrôle, mais garantit aussi une pratique uniforme dans le cadre des différents régimes de sanctions.

Le Conseil fédéral estime qu'il n'est par contre pas opportun de surveiller l'ensemble des échanges bilatéraux s'agissant de l'exécution de sanctions financières. Les valeurs patrimoniales déclarées sont saisies de manière systématique non seulement dans le cadre de l'ordonnance Ukraine, mais encore dans celui des ordonnances de sanctions prévoyant un gel des avoirs. Elles sont rassemblées dans un tableau qui présente une vue d'ensemble systématique des montants gelés, des ayants droit économiques et des catégories de valeurs patrimoniales. Cette liste est complétée au gré des nouvelles annonces et mise à jour une fois par an. S'agissant des déclarations relatives aux dépôts effectués par des ressortissants russes prévues à l'art. 21 de l'ordonnance Ukraine, une actualisation annuelle est déjà prévue dans l'ordonnance. Les fluctuations de valeurs patrimoniales anormales sont suivies de près par les collaborateurs compétents.

2.4.2

Appréciation de la CdG-E

La CdG-E souhaite relever les améliorations apportées à la surveillance et l'approche désormais plus systématique que lorsque le CPA avait mené son évaluation. Elle estime positif le monitorage ciblé effectué pour certains destinataires des sanctions à l'aide des données douanières agrégées. L'approche basée sur les risques ou d'après des indices lui parait également adéquate. S'agissant de l'exécution de sanctions financières, le SECO a, d'après le Conseil fédéral, une vue d'ensemble systématique des montants gelés, des ayants droit économiques et des catégories de valeurs patrimoniales.

La commission estime pourtant qu'elle n'est pas en mesure de savoir si la surveillance actuelle est suffisante pour réduire les abus au minimum, mais est d'avis que les mesures prises vont dans le bon sens. Elle considère donc cette recommandation comme adéquatement mise en oeuvre.

2.5

Recommandation 5 de la CdG-E

Recommandation 5

Renforcement de la surveillance et de la coordination exercées par le SECO

La CdG-E demande au Conseil fédéral de renforcer le pilotage de la politique en matière de sanctions effectué par le SECO et de garantir la coordination, toujours par le SECO, des travaux entre les unités administratives concernées, en créant un organe de pilotage ad hoc. Elle l'invite en outre à examiner l'opportunité de relier les systèmes d'information de l'AFD32 et du SECO.

32

L'OFDF se nommait Administration fédérale des douanes (AFD) jusqu'au 31.12.2021.

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Le CPA avait pointé en 201733 l'absence de pilotage global et certaines lacunes dans la coordination entre les unités administratives, raison pour laquelle la CdG-E avait formulé une recommandation en la matière34. Le Conseil fédéral informait avoir créé, suite à la recommandation de la CdG-E, un groupe de coordination permanent de la politique en matière de sanctions dirigé par le SECO.

2.5.1

Position du Conseil fédéral

Répondant à la recommandation de la CdG-E, le Conseil fédéral a institué le Groupe de coordination permanent de la politique en matière de sanctions. Le SECO en assure la direction et différents experts de l'administration fédérale y sont représentés de manière permanente ou selon les besoins35. Du point de vue du Conseil fédéral36, cet organe est particulièrement légitime pour mener des discussions et des travaux visant l'élaboration d'une position politique. Par le passé, il a principalement discuté des sanctions thématiques (armes chimiques, cyber et droits de l'homme).

S'agissant de la situation en lien avec l'agression militaire russe en Ukraine, le Conseil fédéral estime que l'urgence et les enjeux politiques font que les discussions sur la reprise des sanctions à l'encontre de la Russie ont eu lieu dans d'autres enceintes et à un niveau hiérarchique supérieur, par exemple d'abord au sein du groupe de travail interdépartemental (GTI) Russie, puis à l'échelon des secrétaires généraux des départements37. Concernant la mise en oeuvre concrète de certaines mesures, de nombreux contacts bilatéraux existent entre les services compétents. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) assure par exemple l'échange d'informations entre les offices compétents en ce qui concerne les activités des task forces respectives de l'Union européenne et du G7.

Le SECO a en outre dressé un inventaire des 22 parties prenantes en matière de sanctions ­ SECO compris ­ réparties sur l'ensemble des départements38. Cet inventaire permet au SECO de s'adresser de manière ciblée, selon les besoins, à certains services fédéraux et de resserrer la collaboration. La collaboration avec le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) a ainsi été fortement intensifiée.

La collaboration et la coordination entre les différents services de l'administration fonctionnent très bien, preuve en est la bonne coopération dans la préparation des textes d'ordonnances portant sur les modifications de l'ordonnance Ukraine.

33 34 35 36 37

38

Rapport du CPA du 9.11.2017 (FF 2019 1819), ch. 4.1, 5.1 et 7.5.

Rapport de la CdG-E du 19.10.2018 (FF 2019 1805), ch. 2.4.

Voir le rapport succinct de la CdG-E du 26.3.2019 (FF 2019 3225 3233).

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 6.

Le groupe de coordination interdépartemental Ukraine-Russie (IKUR) a été mis en place au niveau des secrétariats généraux et du vice-chancelier porte-parole du Conseil fédéral, sous la conduite du DFAE et avec le soutien organisationnel de l'État-major fédéral Protection de la population (EMPP); Rapport du Conseil fédéral du 1.2.2023 sur la politique extérieure 2022 (FF 2023 507), ch. 3.4, p. 17.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 6.

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2.5.2

Appréciation de la CdG-E

La CdG-E voit positivement la pérennisation du Groupe de coordination permanent de la politique en matière de sanctions. Elle considère également son rôle clair et estime qu'il est adéquat que, selon les circonstances, des décisions se prennent dans le cadre d'autres organes comme cela s'est produit dans le cas des mesures en lien avec la situation en Ukraine. Dans cette optique, elle considère que la recommandation est adéquatement mise en oeuvre.

2.6

Conclusion intermédiaire

Le CPA avait constaté en 2017 que les bases de données étaient insuffisantes pour exercer une surveillance ou un contrôle des sanctions relatives aux marchandises. La surveillance et le contrôle de la mise en oeuvre des ordonnances sur les sanctions dans le domaine des marchandises étaient alors à peine effectués.

Les réponses du Conseil fédéral et du SECO semblent indiquer que les données de base ont été améliorées de manière générale et que la circulation des marchandises est contrôlée de manière plus précise, tant par le SECO que par l'OFDF. Cela est particulièrement le cas pour les sanctions contre la Russie. Certaines améliorations relatives à la qualité des données ne sont effectives que depuis juin 2023 avec la mise en service du nouveau système de gestion du trafic des marchandises, ce qui ne permet pas de porter une appréciation définitive en la matière à l'heure actuelle.

Ainsi, s'agissant des recommandations formulées dans son rapport de 2017, la CdGE se montre satisfaite des mesures prises par le Conseil fédéral et le SECO. Elle estime, s'agissant des recommandations 1 à 4, qu'elle peut clore son contrôle de suivi actuel sur ces constats. La commission reviendra néanmoins sur les questions des critères utilisés pour la pesée d'intérêts, des instruments de contrôle, de la qualité des données ainsi que de la valorisation systématique des informations dans le cadre d'un futur contrôle de suivi.

3

Mise en oeuvre des mesures prises en lien avec la situation en Ukraine

Dans le présent chapitre, la CdG-E présente les travaux qu'elle a mené durant l'année 2022 concernant les mesures prises en lien avec la situation en Ukraine. La CdG-E se focalise dans son rapport sur certains éléments spécifiques de la mise en oeuvre des sanctions qu'elle estime particulièrement importants ou qui ont été critiqués, et sur lesquels elle porte une appréciation. Il s'agit des questions de la compatibilité des sanctions avec le droit de la neutralité (ch. 3.2), du processus et des décisions de reprise des sanctions européennes par le Conseil fédéral (ch. 3.3), de la coordination et de la surveillance de la mise en oeuvre des sanctions par la Confédération (ch.3.4) ainsi que de la mise en oeuvre de l'obligation de déclarer selon l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine (ch. 3.5).

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3.1

Cadre légal

L'art. 2 LEmb prévoit que la Confédération peut édicter des mesures de coercition pour appliquer les sanctions arrêtées par l'ONU, l'OSCE ou les principaux partenaires commerciaux de la Suisse. Le Conseil fédéral précise dans le message relatif à la loi39 que les «principaux partenaires commerciaux» désignent en premier lieu l'UE.

Jusqu'à présent, la Suisse ne s'est jamais ralliée aux sanctions prononcées par d'autres partenaires commerciaux, tels que les États-Unis.

Le 28 février 2022, suite à la reconnaissance par la Russie de l'indépendance des deux régions séparatistes en Ukraine40 et suite à l'intervention militaire russe en Ukraine, le Conseil fédéral a décidé de reprendre les sanctions de l'UE contre la Russie de sorte à empêcher le contournement de ces sanctions par la Suisse41. Elle a repris toutes les mesures que l'UE avait édictées par paquets dans les premiers jours suivant l'invasion: d'abord le 28 février 2022, en adaptant partiellement l'ordonnance déjà en vigueur depuis 2014 (RO 2022 143), puis en révisant totalement l'ordonnance Ukraine du 4 mars 2022 (RO 2022 151).

Début 2023, les sanctions incluent notamment des mesures visant spécifiquement plus de 1 300 personnes et 170 institutions, le blocage d'avoirs, de nombreuses mesures financières, l'interdiction de la vente ou de l'achat de certains biens, des interdictions d'entrée ou encore l'interdiction de proposer certains services aux autorités ou aux entreprises russes42.

3.2

Compatibilité des sanctions avec le droit de la neutralité

La CdG-E s'est informée auprès du Conseil fédéral et du DEFR43 sur la signification de la reprise de sanctions sous l'angle du droit de la neutralité. Elle a également pris connaissance du rapport du Conseil fédéral «Clarté et orientation de la politique de neutralité»44. Le Conseil fédéral relève dans celui-ci que si plus de 140 États ont voté en faveur d'une résolution juridiquement non contraignante condamnant l'agression commise par la Russie au sein de l'ONU, plus de 50 États ont renoncé à condamner 39 40 41

42

43 44

Message du 20.12.2000 sur la loi fédérale sur l'application de sanctions internationales (Loi sur les embargos, LEmb) (FF 2001 1341).

Est de l'Ukraine: le Conseil fédéral condamne les agissements de la Russie contraires au droit international, communiqué de presse du Conseil fédéral du 23.2.2022.

Situation en Ukraine: la Suisse étend ses mesures, communiqué de presse du Conseil fédéral du 25.2.2022; La Suisse reprend les sanctions de l'UE contre la Russie, communiqué de presse du Conseil fédéral du 28.2.2022.

Une année de guerre contre l'Ukraine: le Conseil fédéral dresse un bilan de son engagement et propose un nouveau plan d'aide, communiqué de presse du Conseil fédéral du 22.2.2023.

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 8.

Clarté et orientation de la politique de neutralité, Rapport du Conseil fédéral du 26.10.2022 en réponse au postulat 22.3385 de la Commission de politique extérieure du Conseil des États (CPE-E) du 11.4.2022 (ci-après rapport du Conseil fédéral sur la neutralité du 11.4.2022, www.parlement.ch > Travail parlementaire > Curia Vista > Recherche > 22.3385 (consulté le 19.2.2023).

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la Russie. En l'occurrence donc, «la neutralité s'applique à l'égard de la Russie et de l'Ukraine et [...] la Suisse doit donc observer les droits et les obligations qui incombent aux États neutres conformément au droit international»45. Il relève cependant que la neutralité ne signifie pas rester indifférent aux violations fondamentales du droit international; il a ainsi fermement condamné «les graves violations du droit international commises par la Russie»46. Enfin, il considère dans ledit rapport que la neutralité est compatible avec la reprise des sanctions de l'UE. Comme les sanctions économiques de l'UE sont adoptées en réaction à des violations du droit international, on peut leur attribuer une fonction de maintien de l'ordre international. Le Conseil fédéral apprécie au cas par cas si la reprise de sanctions est globalement dans l'intérêt de la Suisse et si la Suisse les reprend en totalité, en partie ou sous une forme modifiée.

Le Conseil fédéral a expliqué dans sa lettre du 14 avril 202347 que les mesures d'embargo qu'il a reprises sont calquées sur les sanctions de l'UE et s'appuient sur la LEmb. Le droit de la neutralité, précisé dans l'article 7 en relation avec l'article 9 de la Convention de La Haye48, impose à la Suisse de respecter le principe d'égalité de traitement lors de l'exportation et du transit de biens liés à la guerre, en l'occurrence dans le cadre du conflit armé international entre la Russie et l'Ukraine. La Suisse a donc dû appliquer également à l'égard de l'Ukraine certaines des mesures que l'UE avait prises uniquement à l'encontre de la Russie. Le Conseil fédéral l'a fait p. ex.

pour certains biens militaires spécifiques afin d'empêcher que du matériel à usage militaire ne favorise l'Ukraine en tant que partie au conflit. Selon le Conseil fédéral, il convient d'évaluer au cas par cas quel bien doit être soumis à l'égalité de traitement.

Étant donné que ces dispositions n'étaient pas prévues dans le régime de sanctions de l'UE, mais qu'elles résultent de la politique de neutralité de la Suisse, le Conseil fédéral a dû s'appuyer sur l'art. 184, al. 3, de la Constitution (Cst.)49. Le Conseil fédéral estime ainsi avoir entièrement respecté les obligations découlant du droit de la neutralité lors de la reprise de sanctions50.

La CdG-E n'a abordée la question de
l'exportation et de la réexportation de matériel de guerre que marginalement dans le cadre de ce contrôle de suivi; différentes questions en la matière font en effet actuellement l'objet de débats au Parlement. Les CdG continueront cependant à suivre la question de la mise en oeuvre de la loi dans la cadre de leur audition annuelle sur les exportations de matériel de guerre.

45 46 47 48 49 50

Rapport du Conseil fédéral du 26.10.2022 en réponse au postulat 22.3385, ch. 5, p. 19.

Rapport du Conseil fédéral du 26.10.2022 en réponse au postulat 22.3385, ch. 5, p. 19.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-N du 13.4.2022, p. 1­2.

Convention de La Haye du 18.10.1907 concernant les droits et les devoirs des puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre (RS 0.515.21).

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (Cst.; RS 101).

Rapport du Conseil fédéral sur la neutralité du 26.10.2022, ch. 5.1.

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3.3

Processus et décisions de reprise des sanctions européennes par le Conseil fédéral

3.3.1

Pesée d'intérêts pour la reprise des sanctions

Le Conseil fédéral décide au cas par cas d'adopter de reprendre ou non les mesures supplémentaires, sur la base de critères juridiques, de politique étrangère et de politique économique extérieure. Cette pesée des intérêts a conduit le Conseil fédéral à ne pas se rallier, par exemple, à l'interdiction, décrétée par l'UE le 1er mars 2022, de diffuser les contenus de certains médias russes51. Le SECO a informé la sous-commission52 que, lorsque le Conseil fédéral a procédé à cette pesée d'intérêt, ce dernier a estimé important qu'il n'y ait pas de divergences avec l'UE et les ÉtatsUnis et à ce moment-là, la possibilité d'offrir ses bons offices ou une médiation n'était de toute façon pas à l'ordre du jour.

Le fait que la terminologie juridique, les définitions et les compétences sont différentes en Suisse que dans l'UE fait qu'il n'est pas possible de reprendre telle quelle les décisions de l'UE, mais qu'elles doivent être analysées et adaptées à l'ordre juridique suisse. De plus, la Suisse doit prendre en compte des considérations relatives tant au droit de la neutralité qu'à sa politique de neutralité (voir notamment ch. 3.2). À cela s'ajoute la nécessité de la pesée d'intérêt mentionnée précédemment, ce qui explique que quelques jours peuvent être nécessaires pour que le Conseil fédéral reprenne les sanctions. Le SECO a d'ailleurs informé la sous-commission53 que, sans analyse précise des textes de sanctions, la Suisse risquait de mettre en oeuvre les sanctions de manière plus stricte que la plupart des pays européens. Chaque État est en effet responsable de mettre en oeuvre les sanctions sur son propre territoire, la Suisse se réfère donc notamment aux pratiques des pays qui opèrent sur les mêmes marchés et échange à ce sujet avec les faitières économiques suisses concernées.

Efficacité des sanctions et conséquences sur la Suisse D'après le DEFR et le SECO, il reste relativement difficile d'apprécier les effets et l'efficacité des sanctions, que ce soit au niveau des conséquences sur la population russe ou du financement de l'effort de guerre russe54. Des effets sont déjà perceptibles dans le domaine des semi-conducteurs, où la production russe a diminué de 70%, et dans l'industrie militaire. Des effets plus larges seront cependant probablement visibles après deux ans environ.

51 52 53 54

Ukraine: le Conseil fédéral met en oeuvre d'autres sanctions, communiqué de presse du Conseil fédéral du 25.3.2022.

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 25.8.2022 (audition du SECO).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition du chef du DEFR et du SECO).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition du chef du DEFR et du SECO).

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La CdG-E s'est fait informer sur les conséquences identifiées des sanctions sur la Suisse. Le SECO estime que, même si la Suisse n'avait pas repris les sanctions, elle aurait été touchée dans la même mesure par la pénurie de pétrole et de gaz naturel, par la rupture des chaînes d'approvisionnement et par le renchérissement des importations55. La CdG-E a également été informée par le DEFR que la Russie s'est exprimée de plus en plus négativement au sujet de Genève56.

Cela s'accompagne de la demande d'un nouveau lieu en dehors de la Suisse pour l'organisation de certaines conférences ou processus internationaux. Ces requêtes sont justifiées par une entrée apparemment plus difficile pour certains diplomates en raison de conditions de visa prétendument trop lourdes, ainsi que sur la base de la politique de sanctions de la Suisse. Cependant, dans le cadre, de son rôle d'État hôte, la Suisse s'est toujours engagée à ce que toutes les délégations puissent se rendre à Genève dans les meilleures conditions possibles afin de pouvoir mener à bien leurs activités sur place.

Concernant d'éventuelles conséquences diplomatiques sur le mandat de puissance protectrice que la Suisse exerce entre la Russie et la Géorgie, le DEFR a informé la commission que le mandat est maintenu conformément à la procédure habituelle et qu'en acceptant ce mandat, la Suisse a pris des engagements envers les deux États qu'elle honore de bonne foi.

La commission s'est également renseignée sur la possibilité de sanctions autonomes.

Le Conseil fédéral l'a informé57 qu'il ne pourrait mettre en place des mesures autonomes que par le biais d'une ordonnance de nécessité fondée sur l'art. 184, al. 3, Cst. Il estime cependant que les sanctions sont les plus efficaces lorsqu'elles sont appliquées par le plus grand nombre de pays et que faire cavalier seul n'aurait guère d'effet.

3.3.2

Cadence pour la reprise des sanctions

Suite à l'adoption des sanctions par l'Union européenne, la CdG-E a questionné la cadence avec laquelle le Conseil fédéral a décidé de la reprise de ces sanctions, point passablement critiqué dans la presse également. Le chef du DEFR58 a indiqué à la sous-commission que ce temps de latence a été réduit à son maximum et que la révision totale de l'ordonnance instituant des mesures en lien avec la situation en Ukraine effectuée le 4 mars 2022 déjà l'atteste. En effet, le Conseil fédéral a décidé le 28 février de la reprise des mesures l'UE, constituant de plus de cent pages. Cette reprise a été préparée, fait l'objet d'une consultation interdépartementale, puis traduite, en moins de cinq jours.

55 56 57 58

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 25.8.2022 (audition du SECO).

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 7.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-N du 13.4.2022, p. 4.

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 5.

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En ce sens, la reprise des sanctions a été effectuée en un temps record d'après le chef du DEFR et le système en deux temps, à savoir la décision de principe immédiate du Conseil fédéral suivie par l'adoption de l'ordonnance détaillée dans un second temps, a offert la possibilité de réduire le contournement des sanctions à son maximum. Le SECO estime également que la reprise rapide des différents paquets de sanctions de l'UE tout au long de l'année 2022 a permis de réduire sensiblement les possibilités de contournement des sanctions59.

3.3.3

Liste des personne sanctionnées

Le SECO a informé la sous-commission60 que la Confédération reprend telle quelle la liste des personnes sanctionnées de l'UE. En effet, les grands pays au sein de l'UE disposent d'informations leur permettant d'établir de telles listes, alors que la Suisse ne dispose, selon le SECO, pas des informations nécessaires via le Service de renseignement de la Confédération (SRC) pour évaluer une par une toutes les occurrences sur ces listes. La Suisse n'a d'ailleurs pas la possibilité juridique d'ajouter de manière autonome d'autres personnes à la liste. Ces dernières ne sont d'ailleurs pas toujours complètes. En la matière, la Suisse doit donc se fier aux appréciations de l'UE.

Des personnes concernées ont la possibilité de demander un delisting, mais ce processus est fastidieux pour l'administration. La nature politique des sanctions économiques fait que cette possibilité n'est pas une voie de droit et que souvent, la reprise rapide des sanctions et des listes correspondantes prime d'autres considérations61.

3.4

Coordination et surveillance de l'exécution des sanctions

Le Conseil fédéral a déclaré que l'accent a été mis sur la reprise rapide et complète des différents paquets de sanctions de l'Union européenne dans un premier temps 62.

Par la suite, il a pu accorder plus d'attention à la mise en oeuvre et l'exécution des mesures édictées. Ces tâches constituent un défi de taille à court, moyen et long terme pour les services fédéraux concernés, à commencer par le SECO. Ce dernier coordonne et surveille l'exécution des sanctions prises sur la base de la LEmb. Il est en outre chargé de l'exécution de diverses mesures prévues par l'ordonnance, tout comme le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) et l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) conformément à l'art. 31 de l'ordonnance Ukraine. Il peut également faire appel aux organes de police des cantons et des communes pour accomplir sa fonction de contrôle (art. 4, al. 2, LEmb). Le Conseil fédéral

59 60 61 62

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 25.8.2022 (audition du SECO).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 25.8.2022 (audition du SECO).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition du chef du DEFR et du SECO).

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 1.

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a affirmé à l'attention de la commission63 qu'aucune tâche d'exécution n'incombe aux cantons, ce qui explique pourquoi le droit relatif aux embargos ne prévoit pas de surveillance des autorités cantonales par la Confédération.

En outre, l'administration est en contact étroit avec les services compétents de la Commission européenne et du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) afin de clarifier les questions de mise en oeuvre. Or, il apparaît que ces services sont confrontés à des difficultés similaires et que les autorités de l'UE et des États membres sont en proie à des incertitudes quant à la mise en oeuvre de certaines mesures telles que l'interdiction liée aux transactions avec des sociétés d'État ou celle d'accepter des dépôts de citoyens russes.

3.4.1

Ressources du SECO

Concernant les ressources de l'unité responsable pour la mise en oeuvres des sanctions, le SECO affirme que la majorité des travaux ont jusqu'ici pu être accomplis grâce au transfert de ressources internes et au soutien fourni par les autres offices impliqués.

Avant la crise, seul 0,7 EPT était prévu pour la mise en oeuvre des mesures en lien avec la Russie et l'Ukraine. Le SECO a ensuite temporairement transféré 6,4 EPT au BWSA. Le Conseil fédéral estimant que cette situation n'était pas tenable à moyen et long termes, le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) a alors accepté la demande du SECO en approuvant le 18 mai 2022 cinq postes supplémentaires, qui ont été pourvus entre-temps64. En juin 2022, l'ensemble du personnel du secteur Sanctions du SECO (BWSA), soit 7,9 EPT, travaillait presque exclusivement à l'adaptation et à la mise en oeuvre continues de l'ordonnance Ukraine.

D'après le SECO, il est cependant difficile de trouver des experts en matière de sanctions qui disposent d'une longue expérience; de tels experts sont en effet souvent débauchés par le secteur privé, bancaire notamment. À fin 2022, le BWSA comptait 25 collaborateurs.

3.4.2

Améliorations des processus

S'agissant de la mise en oeuvre des mesures prises en lien avec la situation en Ukraine au printemps 2022, le Conseil fédéral65 et le chef du DEFR66 ont précisé qu'il serait prématuré de tirer des constats définitifs de sa mise en oeuvre, car l'ordonnance dans sa forme actuelle n'est en vigueur que depuis début mars 2022 et. Il s'agit en effet de l'ordonnance la plus complète et détaillée que le Conseil fédéral ait adopté pour la

63 64 65 66

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-N du 13.4.2022, p. 3.

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18-19.10.2022 (audition du chef du DEFR et du SECO).

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 3.6.2022, p. 1.

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 5

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reprise de sanctions67, et son exécution pose ainsi des défis en partie inédits68. Selon le Conseil fédéral, les départements et offices concernés s'attachent en continu à analyser et, le cas échéant, à améliorer leurs procédures et certains constats intermédiaires ont déjà pu être faits et certaines pistes d'amélioration envisagées. À titre d'exemple, la coopération et l'échange d'informations entre les départements ont été renforcés sur le plan institutionnel, tant au niveau de la direction que des spécialistes (voir ch. 2.5.1).

En ce qui concerne les processus existants, le chef du DEFR estime69 que ceux-ci offrent une base solide pour une réaction agile et efficace. En particulier, la centralisation préexistante de la thématique de sanctions au sein du SECO a permis de coordonner les réponses de manière précise et performante en comparaison internationale.

Par exemple, une rapide amélioration des processus internes, comme dans le cadre de demandes de dérogations pour les déblocages partiels de fonds, a pu être menée à bien. Par ailleurs, les efforts relatifs à l'échange d'informations avec les partenaires internationaux se sont avérés utiles pour la mise en oeuvre des sanctions. Le Conseil fédéral poursuivra donc les échanges avec l'UE, maintiendra les échanges réguliers avec le Trésor américain et explorera de nouveaux formats collaboratifs comme le UK Sanctions Dialogue, dont la première réunion a eu lieu le 8 juin 2022 à Berne.

Malgré un bilan globalement positif, le DEFR a déclaré70 que d'autres pistes concernent une collaboration renforcée entre tous les acteurs et autorités suisse concernés sont encore à poursuivre ou peuvent être envisagées. On peut mentionner par exemple l'association nouvelle d'acteurs comme l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) (voir ch. 3.4.3) et les ambassades, ou un renforcement des dispositions pénales sur le modèle de la loi fédérale sur le contrôle des biens (LCB)71 ou de la loi fédérale sur le matériel de guerre (LFMG)72.

3.4.3

Contrôles

D'après le SECO73, les droits de contrôle prévus aux art. 3 et 4 LEmb offrent en principe une base légale suffisante pour que le SECO puisse enquêter activement sur les avoirs et les ressources économiques des personnes physiques ou morales visées par les sanctions en cas de soupçon. Les personnes visées directement ou indirectement par des sanctions doivent fournir au SECO les renseignements et documents nécessaires à l'appréciation globale de leur cas ou pour un contrôle (art. 3 LEmb) ­ ceci est 67 68 69 70 71

72 73

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 25.8.2022 (audition du SECO).

Procès-verbal de la séance des sous-commissions DFF/DEFR des CdG du 25.4.2022 (audition du chef du DEFR et du SECO).

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 5.

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 2­3.

Loi fédérale du 13.12.1996 sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires, des biens militaires spécifiques et des biens stratégiques (Loi sur le contrôle des biens, LCB; RS 946.202).

Loi fédérale du 13.12.1996 sur le matériel de guerre (LFMG; RS 514.51).

Lettre du SECO à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 27.10.2022, p. 3.

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en effet important pour les contrôles ultérieurs. Le SECO est par ailleurs autorisé, sans préavis, à pénétrer dans les locaux commerciaux des personnes soumises à l'obligation de fournir des renseignements et à consulter tous documents utiles (art. 4, al. 1, LEmb).

En raison de la charge de travail qui a considérablement augmenté pour le SECO suite à l'adoption des sanctions à l'encontre de la Russie, le chef du DEFR a informé la sous-commission74 qu'il n'a été possible de renforcer les contrôles que dans certains cas seulement dans un premier temps. Il a expliqué que le SECO a par la suite effectué des contrôles sur place, notamment auprès des banques suisses, conjointement avec la FINMA. Le premier contrôle auprès de banques a eu lieu en automne 2022 et d'autres ont suivi.75 D'après le chef du DEFR, le Conseil fédéral est conscient que le nombre de contrôles pourrait encore être augmenté afin de rendre ceux-ci plus efficaces76.

3.5

Mise en oeuvre de l'obligation de déclarer selon l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine

Dans le cadre de l'application des sanctions contre la Russie, l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine dispose que «les personnes et les institutions qui détiennent ou gèrent des avoirs ou qui ont connaissance de ressources économiques dont il faut admettre qu'ils tombent sous le coup du gel des avoirs prévu à l'art. 15, al. 1, doivent le déclarer sans délai au SECO». Ces institutions et personnes doivent respecter des interdictions et sont soumises à des régimes d'autorisation et de déclaration. L'organe de contrôle, à savoir notamment le SECO, reçoit les déclarations correspondantes et octroie des autorisations sur demande. Le SECO peut toutefois également agir de son propre chef en cas de soupçon. Le chef du DEFR a déclaré que le SECO poursuit les violations de l'obligation de déclarer en vertu des art. 9 et 10 LEmb77.

74 75 76 77

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition du chef du DEFR et du SECO).

Rapport annuel 2022 de la FINMA, p. 29­30, www.finma.ch > Documentation > Publications FINMA > Rapport d'activité > «Rapport annuel 2022» (consulté le 14.9.2023).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition du chef du DEFR et du SECO).

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 2

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Éventuelle confiscation d'avoirs ou ressources économiques Le chef du DEFR a informé la CdG-E que les discussions au niveau international sur la possibilité d'utiliser les avoirs russes gelés pour la reconstruction de l'Ukraine étaient suivis de près par le Conseil fédéral78. Le Conseil fédéral a chargé l'administration de clarifier les questions juridiques que soulève cette option et un groupe de travail placé sous la conduite de l'Office fédéral de la justice (OFJ) a conclu que la confiscation d'avoirs russes privés d'origine licite contreviendrait au droit en vigueur et en particulier aux garanties constitutionnelles.79

3.5.1

Mise en oeuvre de l'obligation de déclarer par les banques

Le SECO a déclaré que des annonces selon l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine provenaient en premier lieu d'intermédiaires financiers80. Seuls les intermédiaires financiers étaient en effet mentionnés dans l'ordonnance concernant l'Ukraine jusqu'au 28 février 2022.

En la matière, le SECO collabore avec le Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI) et l'Association suisse des banquiers (ASB), en principe sur des cas concrets. Le SECO ne peut en effet pas directement contrôler si les banques respectent effectivement leurs obligations, en revanche, elle procède à des contrôles en collaboration avec la FINMA (voir ch. 3.4.3).

De manière générale, le Conseil fédéral constate81 que les banques appliquent d'autres sanctions internationales en plus de celles ayant un caractère juridique contraignant pour la Suisse. Concernant cette problématique d'overcompliance de grandes banques suisses, le Conseil fédéral estime problématique que certaines transactions licites ne puissent être effectuées, en particulier celles à caractère humanitaire. Cependant, les banques et les entreprises ont toute latitude de décider elles-mêmes, dans le cadre de l'ordre juridique suisse qui garantit la liberté contractuelle, quelles affaires elles souhaitent ou non réaliser. Le DEFR a expliqué82 que les banques sont en effet tenues, en vertu du droit de la surveillance, de déterminer, limiter et contrôler les risques juridiques et de réputation. Ces risques peuvent également découler de législations étrangères, sanctions comprises. La jurisprudence a jusqu'à présent établi que l'application des sanctions étrangères par

78 79 80 81 82

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 4.

Sort des avoirs russes gelés: le Conseil fédéral a clarifié des questions juridiques, communiqué de presse du Conseil fédéral du 15.2.2023.

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition du chef du DEFR et du SECO).

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 4.

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 4.

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les banques et les entreprises en Suisse est, dans certains cas, conforme au droit suisse.

3.5.2

Mise en oeuvre de l'obligation de déclarer par les avocats

La CdG-E s'est également informée sur la relation entre l'obligation de déclaration prévue par l'ordonnance Ukraine et le secret professionnel des avocats réglé à l'art.

13 de la loi sur les avocats83. D'une part, le SECO souligne que dans le cadre d'activités spécifiques à la branche, le secret professionnel des avocats prime l'obligation de déclaration prévue par la loi sur les embargos (LEmb). Ces derniers ne sont alors pas tenus de déclarer les avoirs dont il faut admettre qu'ils tombent sous le coup du gel des avoirs. Il en va de même lorsque l'avocat représente un client au tribunal.

D'autre part, s'agissant des activités non spécifiques à la branche (qui ne s'inscrivent donc pas dans le cadre du monopole des avocats) telles que la gestion de fortune ou les activités fiduciaires, le SECO considère que les avocats sont soumis à l'obligation de déclarer. Enfin, le SECO reconnaît qu'une clarification concernant les applicabilités respectives de l'obligation de déclaration et du secret professionnel des avocats ne peut être apportée que par un tribunal.84, 85 Le SECO estime cependant que, dans la pratique, ce sont principalement les banques et autres intermédiaires financiers ainsi que, par exemple, les offices du registre foncier qui doivent geler les avoirs et les ressources économiques et l'annoncer au SECO.

Les déclarations émanant d'avocats n'apparaissent donc selon lui qu'au second plan.

3.5.3

Mise en oeuvre de l'obligation de déclarer par les cantons

L'obligation d'annoncer incombe également aux cantons. Ce sont principalement les offices cantonaux des impôts et les registres fonciers qui sont concernés par cette obligation.

Le chef du DEFR a estimé vis-à-vis de la commission86 que les contacts entre le SECO et les cantons sont sains et productifs, notamment en ce qui concerne l'obligation de déclarer qui incombe aux cantons, et que dans le nouveau contexte résultant de l'agression militaire russe en Ukraine, le dialogue qui préexistait a été maintenu. Pour faciliter et homogénéiser l'application des mesures, le SECO a envoyé aux cantons le

83 84

85 86

Loi fédérale du 23.6.2000 sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA; RS 935.61).

FAQ du SECO ­ Sanctions contre la Russie, www.seco.admin.ch > Économie extérieure et Coopération économique > Relations économiques > Contrôles à l'exportation et sanctions > Sanctions / Embargos > FAQ - Sanctions contre la Russie (consulté le 14.9.2023).

Voir également: BO 2022 N 1110 (22.7500).

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 2.

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1er avril 2022 un aide-mémoire87 et participé à des rencontres avec les directeurs cantonaux des finances et de l'économie pour aborder ces questions88.

Le SECO a informé la CdG-E89 que les échanges sur ce thème avec les cantons ne sont pas institutionnalisés, mais ont lieu en fonction des besoin dans le cadre de conférences des directeurs cantonaux ou directement avec les cantons les plus concernés.

Le SECO estime que ces échanges ont permis de clarifier plusieurs questions.

3.5.3.1

Offices cantonaux des impôts

Bien que soumis au secret fiscal ­ inscrit notamment à l'art. 39 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)90 et à l'art.

110 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD)91 ­ les offices cantonaux des impôts sont également soumis à l'obligation d'annoncer prévue dans l'ordonnance Ukraine. L'art. 39, al. 1, 2e phrase, LHID précise en effet que, si elle est prévue par une disposition légale fédérale ou cantonale, l'obligation de renseigner s'applique malgré le secret fiscal. Le Conseil fédéral estime92 ainsi que les art. 1, al. 3, let. b, et 3 LEmb ainsi que l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine devraient en principe former une base légale suffisante au niveau du droit fédéral au regard de l'art. 39, al. 1, 2e phrase, LHID. Il déclare que la question de la base légale ne s'est toutefois pas encore posée ni dans la pratique ni dans la jurisprudence93.

S'agissant des offices cantonaux des impôts, le SECO part du principe que très peu de personnes sont concernées. Sur le millier de personnes concernées par les sanctions, environ cinq sont soumises aux impôts en Suisse et la majorité de ces cinq personnes est probablement au bénéfice d'une imposition à la dépense. En l'occurrence, les mêmes personnes seraient probablement de toute façon annoncées par les banques ­ qui disposent d'informations pertinentes ­ et non par les cantons.

La sous-commission a également auditionné la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) ainsi que la Conférence suisse des impôts (CSI)94.

Selon la CDF, les responsabilités des cantons relatives aux sanctions n'étaient pas claires au moment de la décision de reprise des sanctions de l'UE par le Conseil fédéral. La CSI a expliqué qu'avant le 28 février, les cantons n'étaient pas visés par l'obli87

88 89 90 91 92 93 94

Aide-mémoire du SECO du 1.4.2022: «Ordonnance instituant des mesures en lien avec la situation en Ukraine (RS 946.231.176.72): rôle des cantons», www.seco.admin.ch > Économie extérieure et Coopération économique > Relations économiques > Contrôles à l'exportation et sanctions > Sanctions / Embargos > Sanctions de la Suisse > Mesures en lien avec la situation en Ukraine (consulté le 7.3.2023).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 25.8.2022 (audition du SECO).

Ibid.

Loi fédérale du 14.12.1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14).

Loi fédérale du 14.12.1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11).

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-N du 13.4.2022, p. 4.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-N du 13.4.2022, p. 4.

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition de la CDF et de la CSI).

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gation d'annoncer et que l'art 9 de l'ordonnance ne concernait alors que les intermédiaires financiers95. Dès le 28 février 2022, l'ordonnance prescrit une déclaration obligatoire pour «les personnes ou les institutions qui détiennent ou gèrent des avoirs ou qui ont connaissance de ressources économiques dont il faut admettre qu'ils tombent sous le coup du gel des avoirs prévu à l'art. 8, al. 1». Or, d'après la CSI, il n'était pas non plus clair pour les cantons de savoir dans quelles mesures ils étaient concernés par cette disposition; des informations contradictoires en la matière auraient alors été transmises notamment par le SECO aux autorités cantonales responsables. La question de savoir dans quelle mesure une annonce doit être faite malgré le secret fiscal était également floue dans un premier temps. D'après la CDF et la CSI, l'aidemémoire du SECO sur le rôle des cantons du 1er avril 202296, de même que la participation de celui-ci a des rencontres avec les cantons, a clarifié en grande partie la situation.

3.5.3.2

Registres fonciers

D'après le chef du DEFR97, les cantons ont activement collaboré avec le SECO et ont de ce fait joué leur rôle en annonçant d'eux-mêmes plusieurs cas. Dès que le SECO a reçu des informations selon lesquelles des personnes sanctionnées étaient impliquées dans la propriété de biens immobiliers, il a immédiatement enquêté sur ces informations et a procédé aux clarifications nécessaires avec les cantons. Au total, quinze biens immobiliers ont été bloqués en Suisse au registre foncier. Dans quatre cas de blocage, cela a été permis grâce à ces clarifications.

L'Office fédéral chargé du droit du registre foncier et du droit foncier (OFRF) a en effet invité les autorités cantonales de surveillance du registre foncier, dans sa directive du 1er mars 202298, à «mentionner le blocage au registre foncier des immeubles appartenant à ou sous le contrôle des personnes physiques, entreprises et entités citées dans l'annexe de l'ordonnance» ainsi qu'à déclarer au SECO les immeubles portés à leur connaissance et dont il faut admettre qu'ils tombent sous le coup du gel des avoirs et des ressources économiques.

La CdG-E a auditionné la Conférence suisse du registre foncier (CSRF)99 dans le cadre de ses travaux et cette dernière l'a informé que la légalité de la directive de l'OFRF avait fait débat au sein des registres fonciers cantonaux, certains cantons ayant estimé que cette directive ne dispose pas d'une base légale suffisante. Cela a pu être

95 96 97 98 99

Ordonnance du 27.8.2014 instituant des mesures en lien avec la situation en Ukraine, abrogée le 4.3.2022 (RO 2014 2803).

Aide-mémoire du SECO du 1.4.2022: «Ordonnance instituant des mesures en lien avec la situation en Ukraine (RS 946.231.176.72): rôle des cantons».

Lettre du chef du DEFR à la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E du 18.8.2022, p. 2 Directive de l'OFRF du 1.3.2022, modification du 2.3.2022: «Sanctions contre la Russie» (non publiée).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition de la CSRF).

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clarifié par une lettre d'information de l'OFRF100 aux autorités cantonales de surveillance du registre foncier, dont la sous-commission a par la suite pris connaissance.

Dans cette lettre, l'OFRF clarifie son point de vue sur la mise en oeuvre des mentions.

Selon lui, «comme l'effet de la mention n'est ni constitutif, ni déclaratif, mais que cette dernière sert uniquement à l'information [...], l'inscription d'une telle mention est appropriée et proportionnée pour exclure le risque d'une libération involontaire (et illicite) de valeurs patrimoniales. En d'autres termes, la mention ne fait qu'exprimer quelque chose qui s'applique de toute façon de par la loi, sans apporter de modifications au droit.». Il explique également qu'en application de la LEmb, «dans le domaine du registre foncier, la mesure de coercition ordonnée ­ mais extrêmement abstraite ­ peut être concrétisée de telle sorte que le registre foncier procède d'office à une mention correspondante en se fondant directement sur la législation topique».

La sous-commission a également été informée sur le pouvoir d'examen restreint dont disposent les registres fonciers. Ainsi, les registres fonciers ne peuvent pas remettre en question l'authenticité d'un document transmis, sauf si celui-ci est manifestement faux. Ils ne sont par exemple pas habilités à analyser en profondeur des informations publiques ou demander des documents supplémentaires pour établir l'exactitude d'un acte.

Dans le cas d'acquisitions directes, où une personne sanctionnée est propriétaire, la difficulté pour les registres fonciers réside dans le grand nombre de personnes sanctionnées qui doit être recherché manuellement par chaque canton dans leurs systèmes respectifs. Dans certains cantons seulement, des scripts permettent de rechercher des séries de données. La graphie cyrillique et la transcription des noms à rechercher rend également la tâche plus complexe. Des obstacles supplémentaires surgissent également pour les registres fonciers dans les cas d'acquisitions indirectes, par exemple avec une personne morale ou un personne fictive101. Dans de tels cas, il devient très difficile d'identifier si une personne sanctionnée se trouve derrière l'achat et les registres fonciers n'ont, en l'absence d'informations complémentaires parfois déjà présentes dans les documents102,
pas d'autres possibilités que d'inscrire la transaction au registre. Le même genre de problèmes apparait si le financement du bien-fonds est effectué par un tiers. Le projet sur la transparence des personnes morales et l'identification des ayants droits économiques, que le Conseil fédéral a mis en consultation le 30 août 2023, revêt une grande importance en lien avec les problèmes d'identification.103

100

Lettre de l'OFJ aux autorités cantonales de surveillance du registre foncier du 11.10.2022: «Information. Loi fédérale sur le blocage et la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées (LVP; RS 196.1) et loi fédérale sur l'application de sanctions internationales (loi sur les embargos, LEmb; RS 946.231)» (non publiée).

101 Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition de la CSRF).

102 Si des informations complémentaires concernant le propriétaire sont présents, les registres fonciers peuvent transmettre l'information à l'autorité compétente, le SECO en l'occurrence.

103 Le Conseil fédéral met en consultation un projet de loi visant à améliorer la lutte contre le blanchiment d'argent. Communiqué de presse du Conseil fédéral du 30.8.2023.

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4

Appréciation de la CdG-E

4.1

Reprise des sanctions

La CdG-E considère que la cadence avec laquelle le Conseil fédéral a repris, le 28 février 2022, les sanctions adoptées par l'UE, était tout à fait adéquate. Au vu de la nécessité d'une pesée d'intérêt et de l'adaptation des sanctions au droit suisse (voir ch. 3.3.1), la commission estime qu'une reprise plus rapide n'aurait pas été possible et salue ainsi la diligence du Conseil fédéral, du SECO et de l'administration fédérale en général.

La CdG-E a également pris connaissance des explications du Conseil fédéral relatives à la compatibilité des sanctions avec le droit de la neutralité. Elle considère que ces explications sont intelligibles et cohérentes.

4.2

Rôle des avocats dans la mise en oeuvre des sanctions

La CdG-E estime que le rapport entre l'obligation de déclarer prévue dans l'ordonnance Ukraine et le secret professionnel de l'avocat soulève quelques questions qui méritent d'être clarifiées. D'une part, le Conseil fédéral est d'avis que, dans l'exercice de leurs activités professionnelles spécifiques, les avocats ne sont pas tenus de déclarer les avoirs ou ressources économiques qui tombent sous le coup du gel comme disposé à l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine, et ce malgré le fait que l'art. 321, ch. 3, du code pénal (CP)104 sur la violation du secret professionnel contienne une réserve pour les dispositions de la législation fédérale statuant un droit d'aviser ou une obligation de renseigner. Le Conseil fédéral reconnaît en même temps que, en l'absence d'un précédent administratif ou d'une jurisprudence en la matière, cette question doit faire l'objet d'une clarification au cas par cas par les autorités judiciaires compétentes.105 La CdG-E estime que ce manque de clarté concernant le champ d'application de l'obligation de déclaration des avocats est problématique du point de vue de la sécurité juridique et pourrait, le cas échéant, favoriser le contournement des sanctions. Pour la commission, il est important que le cadre légal de l'obligation de déclarer ainsi que son rapport avec le secret professionnel de l'avocat soient définis de manière suffisamment précise afin d'éviter toute ambiguïté.

Recommandation A

Précision du champ d'application de l'obligation de déclarer pour les avocats

La CdG-E demande au Conseil fédéral de lui fournir des clarifications juridiques approfondies concernant le rapport entre l'art. 321, ch. 3, CP et l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine.

104 105

Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP; RS 311.0).

Avis du Conseil fédéral du 29.6.2022, en réponse à l'interpellation 22.3492.

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4.3

Rôle des cantons dans la mise en oeuvre des sanctions

La CdG-E s'est étonnée du fait que le Conseil fédéral indique, dans sa lettre du 14 avril 2022106, qu'aucune tâche d'exécution n'incombe aux cantons, ce qui expliquerait pourquoi le droit relatif aux embargos ne prévoit pas de surveillance des autorités cantonales par la Confédération. Si l'obligation d'annonce prévu dans l'ordonnance sur l'Ukraine n'est pas à proprement parler une «tâche d'exécution» d'après le Conseil fédéral, la CdG-E se questionne sur l'absence de surveillance de la part du SECO. Elle estime que le SECO est responsable du pilotage et qu'à ce titre, il doit s'assurer que chaque partie prenante remplisse ses obligations.

Elle se demande ainsi si les dispositions de la LEmb sont toujours entièrement d'actualité sur ce point. Dans le cas de l'Ukraine, les cantons sont en effet concernés par l'obligation d'annonce prévue dans l'ordonnance correspondante, alors que d'autres ordonnances ne prévoient pas cette obligation pour les cantons. Cela pourrait également expliquer en partie l'incertitude de certains cantons vis-à-vis de cette disposition.

Dans le cadre des auditions qu'elle a mené avec la CDF, la CSI et la CSRF, la CdGE a en effet été informée du fait que les autorités cantonales n'étaient, dans un premier temps, pas au courant des tâches qui leur incombaient et dans quelles mesures elles étaient concernées par l'obligation d'annoncer avant la publication de l'aide-mémoire du SECO. D'après la CdG-E, la formulation «les personnes et les institutions» dans l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine a par exemple pu prêter à confusion. Dans ce cadre, la question juridique de la prévalence de l'obligation de déclarer sur le secret fiscal faisait également débat.

La CdG-E relève avec satisfaction que ces incertitudes, en particulier dans le domaine fiscal, se sont dissipées en grande partie grâce aux informations fournies par le SECO, soit via l'aide-mémoire du 1er avril 2022 ou la participation à des conférences des directeurs cantonaux. Elle considère cependant que le rôle général des cantons dans l'application des sanctions économiques devrait à nouveau être clarifié par le Conseil fédéral. Le cas échéant, la loi sur les embargos, l'ordonnance sur les embargos ou les ordonnances d'application correspondantes devraient être adaptés.

Recommandation B

Intégration du rôle des cantons dans la mise en oeuvre de sanctions

La CdG-E invite le Conseil fédéral à évaluer si la législation relative à l'application de sanctions internationales devrait être revue afin d'y intégrer le rôle des cantons et le définir plus clairement.

S'agissant du registre foncier, la question de la légalité de la directive de l'OFRF du 1er mars 2022107 priant les autorités cantonales de surveillance du registre foncier de placer une mention en cas de blocage a également fait débat dans les cantons. L'inscription d'une telle mention dans le registre foncier devant se fonder sur une base légale expresse et une telle disposition n'étant pas prévue dans l'ordonnance 106 107

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-N du 13.4.2022, p. 3.

Directive de l'OFRF du 1.3.2022: «Sanctions contre la Russie» (non publiée).

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Ukraine108, un certain nombre de questions ont alors été posées par les offices cantonaux du registre foncier. Bien que l'obligation d'appliquer les sanctions selon les bases légales en vigueur (LEmb et ordonnance Ukraine) n'ait pas été remise en cause par la directive de l'OFRF, une clarification des questions de mise en oeuvre suscitées par celle-ci n'a été apportée par l'OFJ que tardivement, par sa lettre du 11 octobre 2022109. La CdG-E estime problématique que de telles incertitudes concernant une disposition subsistent sur une période prolongée au sein des registres fonciers cantonaux. La Commission estime important que toute ambiguïté dans la pratique d'application d'une base juridique soit levée le plus rapidement possible afin de garantir sa bonne mise en oeuvre et d'assurer la sécurité du droit pour les autorités chargées de celle-ci.

Recommandation C

Clarification du rôle du registre foncier dans la mise en oeuvre de sanctions

La CdG-E invite le Conseil fédéral à évaluer l'adéquation de la législation idoine concernant le rôle des autorités cantonales de surveillance du registre foncier dans la mise en oeuvre de sanctions économiques, dans le but de clarifier les compétences et de garantir la sécurité du droit.

À cet égard, la CdG-E invite également le Conseil fédéral à étudier si une clarification des bases légales serait opportune concernant la mention de blocage dans le registre foncier.

La CdG-E a également pris connaissance des difficultés techniques que pose la recherche de bien-fonds dont les propriétaires sont concernées par les sanctions (voir ch. 3.5.3.2). À ce sujet, la CdG-E considère que les pistes de standardisation des registres nationaux, évoqués dans le rapport correspondant du Contrôle fédéral des finances110, sont à poursuivre.

Au vu du pouvoir de cognition limité des registres fonciers, la CdG-E se demande s'il serait envisageable de revoir le processus en lien avec les sanctions économiques. Elle se demande notamment s'il serait judicieux d'attribuer au SECO la compétence de valider toute acquisition ou aliénation concernant les ressortissants d'un pays entièrement touché par des sanctions économiques (la Russie en l'occurrence). Cela permettrait au SECO d'obtenir un aperçu de toutes les modifications du registre foncier en lien avec des personnes tombant sous le coup de sanctions, de vérifier les informations que les registres fonciers ne peuvent vérifier eux-mêmes et d'intervenir le cas échéant.

108

Christoph Merk/Adrian Mühlematter, Die grundbuchrechtliche Umsetzung der UkraineVerordnung, Jusletter du 6 mars 2023, N 111­116.

109 Lettre de l'OFJ aux autorités cantonales de surveillance du registre foncier du 11.10.2022: «Information. Loi fédérale sur le blocage et la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées (LVP; RS 196.1) et loi fédérale sur l'application de sanctions internationales (loi sur les embargos, LEmb; RS 946.231)» (non publiée).

110 Contrôle fédéral des finances (2022): Registres nationaux. Rapport de synthèse des audits du Contrôle fédéral des finances, www.efk.admin.ch > Publications > Justice & police (consulté le 20.3.2023).

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Recommandation D

Compétence du SECO de valider les acquisitions ou aliénations au registre foncier en lien avec des sanctions

La CdG-E invite le Conseil fédéral à étudier l'opportunité de créer une base légale donnant au SECO la compétence de valider les éléments constitutifs d'une acquisition ou d'une aliénation concernant les ressortissants d'un pays entier faisant l'objet de sanctions économiques reprises par la Suisse, et ce afin de permettre au SECO d'avoir une vision plus globale des modifications du registre foncier et d'intervenir en cas de violation des sanctions.

4.4

Rôle du SECO dans la mise en oeuvre des sanctions

La CdG-E salue la manière dont le SECO a pu augmenter ses ressources en lien avec la mise en oeuvre des sanctions en 2022.Elle relève aussi positivement également le renforcement de la collaboration internationale, de l'échange d'informations entre les départements ou l'adaptation des processus interne comme les demandes de dérogations pour les déblocages partiels de fonds. Elle se demande cependant si la demande d'augmentation de ressources accordée le 18 mai 2022 par le Conseil fédéral n'aurait pas dû être engagée plus tôt. La CdG-E s'est en effet plusieurs fois étonnée du fait que le DEFR écrive dans ses propositions au Conseil fédéral qu'il «se réserve la possibilité, selon l'évolution de la situation, de soumettre ultérieurement une demande de ressources au Conseil fédéral».111 La commission a pris connaissance du fait que les contrôles de l'application des sanctions n'ont pas pu être renforcés dans un premier temps ­ en raison de la forte charge de travail au sein du SECO, qui a de plus augmenté à très court terme ­ mais qu'ils ont pu l'être par la suite. Elle a pris acte du fait que le SECO collabore notamment avec la FINMA pour procéder à des contrôles dans les banques. La révision partielle de la loi sur la blanchiment d'argent (LBA112), qui a été mise en consultation le 30 août 2023 par la voie du projet sur la transparence des personnes morales et l'identification des ayants droits économiques, vise à renforcer la sécurité juridique à cet égard et fournir des outils supplémentaires à la FINMA.113 Elle estime important que la fréquence des contrôles puisse être renforcée afin d'améliorer leur efficacité. Cela rejoint également les constats de la CdG-E concernant la mise en oeuvre de la recommandation 2. Cette direction est celle que le Conseil fédéral compte suivre, d'après le chef du DEFR (voir ch. 3.4.3).

111

Proposition du DEFR au Conseil fédéral du 27.2.2022, Proposition du DEFR au Conseil fédéral du 3.3.2022, Proposition du DEFR au Conseil fédéral du 15.3.2022, Proposition du DEFR au Conseil fédéral du 23.3.2022.

112 Loi fédérale du 10 octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (Loi sur le blanchiment d'argent, LBA; RS 955.0).

113 Le Conseil fédéral met en consultation un projet de loi visant à améliorer la lutte contre le blanchiment d'argent. Communiqué de presse du Conseil fédéral du 30.8.2023.

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Dans l'ensemble, la CdG-E considère néanmoins que le SECO a parfois réagi tardivement aux incertitudes en lien avec la mise en oeuvre de l'obligation d'annoncer.

Comme mentionné au ch. 4.3, les autorités cantonales n'étaient, dans un premier temps, pas au courant des tâches qui leur incombaient et dans quelles mesures elles étaient concernées par l'obligation d'annoncer. Des incertitudes étaient également présentes s'agissant de la mention de blocage au registre foncier et concernant les obligations incombant aux avocats. La CdG-E estime que le SECO aurait dû informer les cantons de manière plus proactive sur ces aspects, clarifier les responsabilités plus tôt et assumer son rôle de pilotage de la politique de sanction de manière plus décidée.

Il n'est pas exclu que certaines personnes aient contourné les sanctions durant les jours où des incertitudes existaient. Dans ce sens et au vu de la question de la gestion des ressources qui se pose inévitablement en temps de crise, la CdG-E estime qu'il serait important que le SECO étudie l'adéquation de son concept de crise. L'objectif est que le SECO soit plus agile et réactif en temps de crise.

Recommandation E

Concept de crise du SECO

La CdG-E invite le Conseil fédéral à faire évaluer l'adéquation du concept de crise du SECO et à veiller ainsi à ce que le SECO soit plus flexible et plus réactif en période de crise.

4.5

Garantie de l'État de droit

Compte tenu du fait que la Confédération reprend telle quelle la liste des personnes sanctionnées par l'UE sans procéder à son propre examen des occurrences de celle-ci (cf. chapitre 3.3.3), la CdG-E estime qu'une série de questions se posent du point de vue de l'Etat de droit. Comprenant d'une part que la liste de l'UE fasse l'objet d'une reprise rapide, la CdG-E estime toutefois d'autre part que, au regard de l'impact des sanctions sur les personnes et entreprises concernées, il convient de garantir, dans la mesure du possible, une procédure minimale conforme à l'État de droit. Dans ce sens, une reprise telle quelle de la liste des personnes sanctionnées par l'UE requiert la plus grande certitude possible que celle-ci est objectivement fondée et qu'elle a été établie conformément au droit. La procédure d'une demande de delisting (ou «radiation» d'une inscription) a d'ailleurs été reconnue comme fastidieuse par les autorités fédérales elles-mêmes.114 En effet, une telle demande doit tout d'abord faire l'objet d'une décision administrative de l'autorité compétente, à savoir le DEFR. Si cette dernière est négative, elle peut être attaquée en recours devant le Tribunal administratif fédéral (TAF)115, et en dernière instance devant le Tribunal fédéral (TF). La justiciabilité d'une demande de delisting se concrétise donc à travers des procédures dont la durée peut s'avérer conséquente. La CdG-E estime ainsi que, du point de vue de l'État de

114

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-E des 18.­19.10.2022 (audition du chef du DEFR et du SECO).

115 Voir par exemple: Arrêt du Tribunal administratif fédéral B-536/2020 du 14 avril 2022.

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droit, la reprise rapide de la liste de l'UE devrait être complétée, dans la mesure du possible, par une procédure de vérification rapide.

Recommandation F

Garantie de l'État de droit

La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner comment le bien-fondé matériel et la conformité au droit de la liste des personnes sanctionnées établie par l'UE et reprise par la Suisse peuvent être garantis et améliorés. Elle demande en outre au Conseil fédéral d'examiner comment améliorer, dans la mesure du possible, le contrôle juridictionnel de cette conformité au droit et la rapidité des procédures de contrôle qui s'y rapportent.

5

Conclusion

En conclusion, la CdG-E s'estime satisfaite de la mise en oeuvre de ses recommandations de 2018 et clôt donc son contrôle de suivi concernant les recommandations 1 à 5.

S'agissant de la mise en oeuvre des sanctions en lien avec la situation en Ukraine, la commission a identifié certains points nécessitant des clarifications, notamment s'agissant du rôle des cantons. La CdG-E invite le Conseil fédéral à prendre position sur ses recommandations A, B, C, D, E et F d'ici au 15 février 2024. Elle le prie également d'indiquer au moyen de quelles mesures et dans quels délais il envisage de mettre en oeuvre les recommandations de la commission.

14 novembre 2023

Pour la Commission de gestion du Conseil des États: Le président de la CdG-E et président de la sous-commission DFF/DEFR: Matthias Michel, conseiller aux États La secrétaire des CdG: Ursina Jud Huwiler Les collaborateurs scientifiques des Commissions de gestion: Pierre-Alain Jacquet, Dorian Gollut

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Abréviations AFD ASB BO BWSA CDF CdG CP CdG-E CdG-N CPA CPE-E CSI CSRF Cst.

DaziT DEFR DFAE EMPP EPT fedpol FF FINMA GTI IKUR LArm LBA LCB LEmb LFMG

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Administration fédérale des douanes Association suisse des banquiers Bulletin officiel Secteur «Sanctions» au sein du centre de prestations «Relations économiques bilatérales» du SECO Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances Commission(s) de gestion Code pénal suisse du 21 décembre 1937 Commission de gestion du Conseil des États Commission de gestion du Conseil national Contrôle parlementaire de l'administration Commission de politique extérieure du Conseil des États Conférence suisse des impôts Conférence suisse du registre foncier Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101) Programme de transformation numérique de l'OFDF Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche Département fédéral des affaires étrangères État-major fédéral Protection de la population Équivalent plein temps Office fédéral de la police Feuille fédérale Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers Groupe de travail interdépartemental Groupe de coordination interdépartemental Ukraine-Russie Loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (Loi sur les armes; RS 514.54) Loi fédérale du 10 octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (Loi sur le blanchiment d'argent; RS 955.0) Loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires, des biens militaires spécifiques et des biens stratégiques (Loi sur le contrôle des biens; RS 946.202) Loi fédérale du 22 mars 2002 sur l'application de sanctions internationales (Loi sur les embargos; RS 946.231) Loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (RS 514.51)

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LHID

Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (RS 642.14) LIFD Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (RS 642.11) LLCA Loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats; RS 935.61) MROS Money Laundering Reporting Office Switzerland; Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent OFDF Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières OFRF Office fédéral chargé du droit du registre foncier et du droit foncier ONU Organisation des Nations unies ordonnance Ordonnance du 4 mars 2022 instituant des mesures en lien Ukraine avec la situation en Ukraine (RS 946.231.176.72) PITF Plan intégré des tâches et des finances RS Recueil systématique SEAE Service européen pour l'action extérieure SECO Secrétariat d'État à l'économie SFI Secrétariat d'État aux questions financières internationales SRC Service de renseignement de la Confédération UE Union européenne

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