FF 2023 www.fedlex.admin.ch La version électronique signée fait foi

Activités du Service suisse d'enquête de sécurité Rapport succinct de la Commission de gestion du Conseil national du 21 novembre 2023

2023-3667

FF 2023 2896

FF 2023 2896

L'essentiel en bref Le Service suisse d'enquête de sécurité (SESE) est une commission extraparlementaire chargée de mener les enquêtes sur les accidents et incidents survenant dans les domaines des transports publics, de l'aviation civile et des navires de mer.

Ces dernières années, le SESE a publié plusieurs rapports ayant connu une importante résonance publique. Par ailleurs, certains acteurs du domaine des transports ­ essentiellement issus du domaine de l'aviation ­ ont émis des critiques quant au fonctionnement de ce service. Dans ce contexte, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a examiné diverses questions de portée générale relatives à la gestion du SESE et à l'utilisation des informations issues de ses enquêtes par les autorités de poursuite pénale.

De l'avis de la CdG-N, il est particulièrement important que la Suisse dispose d'une autorité d'enquête fonctionnelle et reconnue dans le domaine des accidents de transports. Sur la base des informations qu'elle a collectées, la commission arrive à la conclusion que le bon fonctionnement du SESE est assuré sur le plan général, que cet organe dispose d'un haut niveau d'expertise dans son champ de responsabilités et qu'il identifie de manière appropriée les défis auxquels il est confronté. Par ailleurs, le SESE ainsi que les autorités fédérales directement concernées par les enquêtes de sécurité (Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication [DETEC], Offices fédéraux des transports [OFT] et de l'aviation civile [OFAC]) sont conscients de leurs rôles respectifs et ceux-ci sont réglés de manière adéquate dans les bases légales.

Si elle n'identifie pas de manquement systémique mettant en péril le bon fonctionnement du SESE sur le plan général, la CdG-N a néanmoins relevé différents aspects pour lesquels elle identifie un certain potentiel pour améliorer l'efficacité de cette autorité. Elle adresse six recommandations au Conseil fédéral en ce sens.

Sur le plan organisationnel, la CdG-N est d'avis qu'une augmentation de la taille de la commission du SESE de trois à cinq membres serait opportune. Elle estime en outre qu'un renforcement des ressources du service d'enquête du SESE ­ actuellement composé de 17 collaboratrices et collaborateurs ­ devrait être examiné, afin de garantir que
celui-ci puisse mener ses travaux dans le respect des délais légaux. Elle formule également diverses propositions visant à renforcer la surveillance globale du DETEC sur le SESE, tout en respectant l'indépendance de ce dernier.

La CdG-N juge par ailleurs nécessaire que le Conseil fédéral clarifie les modalités de la transmission des rapports d'enquête du SESE aux autorités de poursuite pénale et de l'utilisation des rapports par ces dernières. De son point de vue, il est aussi particulièrement important que le SESE veille à éviter d'utiliser dans ses rapports des formulations pouvant être interprétées comme une appréciation des fautes et responsabilités liées aux accidents et incidents, cet aspect ne faisant pas partie de son mandat légal. Elle prie en outre le Conseil fédéral de clarifier les dispositions légales relatives au suivi des recommandations de sécurité émises par le SESE.

Enfin, la CdG-N a pris note de la création d'un nouveau service du DETEC chargé d'exercer une surveillance systémique en matière de sécurité dans tous les domaines

2 / 24

FF 2023 2896

du département («Safety office»). Elle prie le Conseil fédéral de tirer d'ici deux à trois ans un bilan des activités de ce service, notamment en ce qui concerne le suivi de la mise en oeuvre des recommandations du SESE.

La commission attend l'avis du Conseil fédéral concernant ses recommandations jusqu'au 21 février 2024 et déterminera à ce moment-là si un besoin d'agir du point de vue de la haute surveillance parlementaire subsiste.

3 / 24

FF 2023 2896

Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

Entre 2020 et 2022, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) s'est penchée sur les activités du Service suisse d'enquête de sécurité (SESE). Cette commission extraparlementaire, basée notamment sur la loi sur les chemins de fer (LCdF)1, la loi sur l'aviation (LA)2 et l'ordonnance sur les enquêtes de sécurité en cas d'incident dans le domaine des transports (OEIT)3, est chargée de mener les enquêtes sur les accidents et incidents survenant dans les domaines des transports publics4, de l'aviation civile et des navires de mer. Les enquêtes du SESE ont pour but de déterminer les causes directes ou plus profondes des incidents ainsi que les risques qui y sont directement liés, dans le but de prévenir de futurs incidents5. Elles ne visent pas à établir les fautes ou responsabilités6. Les rapports du SESE peuvent contenir des recommandations destinées à l'autorité de surveillance (en règle générale l'office fédéral compétent7). La commission du SESE est actuellement composée de trois membres nommés par le Conseil fédéral; elle est soutenue par un bureau d'enquête composé de 17 collaboratrices et collaborateurs et d'un réseau de plus de 120 enquêteurs externes. Elle est rattachée sur le plan administratif au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC).

Les démarches de la CdG-N faisaient notamment suite au crash de l'appareil «Ju-52» de la compagnie Ju-Air en août 20188 ainsi qu'à un accident de train survenu en

1 2 3 4 5 6 7

8

Loi fédérale du 20.12.1957 sur les chemins de fer (LCdF; RS 742.101), art. 15 ss.

Loi fédérale du 21.12.1948 sur l'aviation (LA; RS 748.0), art. 24 ss.

Ordonnance du 17.12.2014 sur les enquêtes de sécurité en cas d'incident dans le domaine des transports (OEIT; RS 742.161).

Entreprises ferroviaires, entreprises de transport à câbles, entreprises d'automobiles et de trolleybus et entreprises de navigation bénéficiant d'une concession fédérale.

Art. 2 OEIT Art. 15 LCdF et art. 24 LA À savoir l'Office fédéral des transports (OFT) pour le domaine du rail et de la navigation et l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) ou l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) pour le domaine de l'aviation. La mise en oeuvre des recommandations est de la responsabilité de ces offices et agences; la surveillance sur la mise en oeuvre par l'OFT et l'OFAC est assumée par le département compétent, à savoir le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC).

L'accident du «Ju-52» immatriculé HB-HOT de la compagnie «Ju-Air» a eu lieu le 4.8.2018 près de Flims (GR). Il a coûté la vie aux 17 passagers et trois membres d'équipage. Cf. rapport final no 2370 du SESE concernant l'accident de l'avion de transport Ju 52/3m g4e, HB-HOT, exploité par la compagnie Ju-Air, survenu le 4 août 2018 à 1,2 km au sud-ouest du Piz Segnas, Flims (GR).

4 / 24

FF 2023 2896

août 2019 en gare de Baden (AG)9, ces deux cas ayant soulevé diverses questions de portée générale sur le SESE.

En outre, durant l'année 2022, plusieurs requêtes de haute surveillance portant sur les activités du SESE ont été transmises à la CdG-N par des acteurs du domaine des transports. Les requérants ­ en grande partie issus du domaine de l'aviation civile ­ formulaient diverses critiques concernant la manière de procéder du SESE dans le cadre de ses enquêtes de sécurité, l'expertise spécialisée du service et la qualité de ses rapports. Certains critiquaient en outre le fait que le SESE se prononcerait de manière abusive, dans ses rapports, sur la détermination des fautes et des responsabilités liées aux accidents, influençant ainsi les éventuelles procédures pénales en cours.

1.2

Démarches de la CdG-N

Sur la base des cas et requêtes mentionnés précédemment, la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-N10, compétente pour ce dossier, a approfondi avec les unités fédérales concernées différentes questions de portée générale concernant l'organisation du SESE et la surveillance sur ce service, la collaboration entre le SESE et les offices fédéraux, le suivi de la mise en oeuvre des recommandations du SESE et l'utilisation des informations issues des rapports d'enquête.

La sous-commission a procédé à plusieurs auditions du secrétariat général du DETEC (SG-DETEC), de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC), de l'Office fédéral des transports (OFT) et du SESE concernant ce dossier11. Elle a également invité les services concernés à prendre position par écrit sur diverses questions et a pris connaissance de nombreux documents sur cette thématique12.

Sur la base des faits à sa connaissance, la CdG-N a décidé de faire part de son appréciation du point de vue de la haute surveillance dans le présent rapport succinct. Celuici a été soumis à consultation auprès des autorités fédérales concernées13. Lors de sa séance plénière du 21 novembre 2023, la commission a approuvé le projet de rapport final, y compris les recommandations qui y sont formulées, et l'a adressé au Conseil fédéral.

9

10

11 12

13

Le 4.8.2019, un collaborateur des CFF a perdu la vie lors du départ d'un train en gare de Baden (AG), en raison d'un défaut au système anti-pincement d'une porte de wagon.

Cf. Schlussbericht der Schweizerischen Sicherheitsuntersuchungsstelle SUST über den tödlichen Arbeitsunfall eines Zugchefs vom 4. August 2019 in Baden (AG), Reg.-Nr. 2019080401 (uniquement en allemand).

La sous-commission DFI/DETEC de la CdG-N se compose des conseillères nationales et conseillers nationaux Thomas de Courten (président), Angelo Barrile, Katja Christ, Alois Huber, Christian Imark, Matthias Samuel Jauslin, Priska Seiler Graf, Marianne Streiff-Feller (jusqu'à août 2022), Lilian Studer (à partir d'août 2022) et Michael Töngi.

Audition du 22.6.2020 (SESE, OFT, OFAC), audition du 17.2.2022 (SG-DETEC), audition du 7.11.2022 (SG-DETEC et OFAC).

Pour plus d'informations sur ses démarches passées, la CdG-N renvoie aux extraits concernés de son rapport annuel: Rapport annuel 2021 des CdG et de la DélCdG du 25.1.2022 (FF 2022 513, ch. 3.8.4 et 3.8.5), rapport annuel 2022 des CdG et de la Dél-CdG du 23.1.2023 (FF 2023 579, ch. 3.4.2).

L'appréciation des faits du point de vue de la haute surveillance parlementaire ainsi que les recommandations de la CdG-N n'ont pas fait l'objet de la consultation.

5 / 24

FF 2023 2896

Le SESE est une commission extraparlementaire qui bénéficie selon la volonté du législateur d'une large indépendance14, concrétisée dans l'OEIT15. Conformément à leurs principes d'action16, les CdG font preuve d'une grande retenue lorsqu'elles exercent leur haute surveillance sur de telles entités autonomes. Elles n'interviennent auprès de celles-ci que si des éléments concrets et pertinents laissent penser qu'il existe des dysfonctionnements susceptibles de mettre en péril le bon fonctionnement de l'unité concernée. En conséquence, la CdG-N ne se prononce pas sur des cas individuels liés à certaines enquêtes du SESE ou sur des questions opérationnelles. Cette retenue se justifie également par le respect de la séparation des pouvoirs, dans la mesure où diverses enquêtes du SESE font ou ont fait l'objet de procédures judiciaires.

2

Appréciation de la CdG-N

2.1

Appréciation générale

De l'avis de la CdG-N, il est important que la Suisse dispose d'une autorité d'enquête fonctionnelle et reconnue dans le domaine des accidents de transports. Celle-ci doit bénéficier d'une expertise et d'une gestion répondant à de hauts standards de qualité, ainsi que de ressources adéquates pour mener à bien son mandat.

Comme précédemment indiqué (cf. chap. 1.2), le SESE bénéficie selon la volonté du législateur d'une large indépendance. De l'avis de la commission, cette indépendance ­ tant vis-à-vis des autorités politiques que des personnes ou organisations soumises à sa surveillance ­ est un élément central pour garantir la crédibilité du service. Dans ce contexte, le principal défi pour la Confédération est de pouvoir s'assurer que le SESE remplit en tout temps son mandat légal de manière satisfaisante, tout en respectant son indépendance, en particulier sur le plan du contenu des enquêtes.

Après analyse des informations à sa disposition, la CdG-N n'a pas identifié d'indices concrets et pertinents de manquements susceptibles de mettre en péril le bon fonctionnement du SESE sur le plan général. Elle base cette appréciation sur les considérations suivantes:

14 15

16

­

La commission estime que le SESE a répondu de manière convaincante aux critiques soulevées à son encontre dans les requêtes transmises à la CdG-N.

Le SESE lui a notamment présenté en détail les processus visant à garantir la qualité des rapports d'enquête ainsi que les compétences spécialisées de son pool d'enquêteurs. Il lui a également détaillé les règles permettant aux personnes concernées de faire valoir leurs droits fondamentaux de procédure durant l'enquête.

­

Le DETEC a indiqué à la commission qu'il n'avait pas identifié de manquements systémiques au sein du SESE et qu'il ne pouvait pas confirmer les reArt. 15a, al. 3, LCdF et art. 25, al. 3, LA.

En particulier art. 7 et 9 OEIT. L'ordonnance prévoit ainsi que le SESE se compose de trois à cinq spécialistes indépendants des domaines des transports concernés. Par ailleurs, le SESE et ses membres ne sont pas liés par des instructions et le SESE prend les mesures organisationnelles nécessaires pour défendre ses intérêts et éviter les conflits d'intérêts.

Principes d'action des Commissions de gestion du 30.1.2015 (FF 2015 4395).

6 / 24

FF 2023 2896

proches d'un manque de connaissances techniques, de procédures arbitraires ou d'une baisse de la qualité des rapports du service exprimés dans certaines requêtes transmises aux CdG.

­

Un «Peer Review» auquel le SESE a été soumis en 2019 dans le cadre de l'«European Network of Civil Aviation Safety Investigation Authorities»17 (ENCASIA), focalisé en particulier sur le domaine de l'aviation civile, n'a fait état d'aucun manquement structurel au sein du SESE. Le SESE est décrit par les auditeurs comme une autorité d'enquête de sécurité compétente, dotée de ressources financières suffisantes et expérimentée dans les enquêtes sur un large éventail d'accidents et d'incidents graves. Selon ce rapport, les processus du SESE sont bien documentés et celui-ci dispose de procédures solides pour vérifier l'avancement de ses enquêtes et traiter les recommandations de sécurité. Il constate que les qualifications requises pour les inspecteurs de l'aviation sont clairement définies et que le SESE dispose d'un plan de formation bien structuré pour ses experts.

­

En 2020, le SESE a mandaté une expertise juridique externe afin d'examiner certains reproches formulés par un acteur de la branche aéronautique. Cet examen a conclu que le SESE n'avait pas commis de violation des bases légales ou des droits de procédure dans le cas concerné.

Si elle n'identifie pas de manquement systémique mettant en péril le bon fonctionnement du SESE sur le plan général, la CdG-N a néanmoins relevé différents aspects sur lesquels elle constate un potentiel d'amélioration pour renforcer l'efficacité du SESE et sa crédibilité auprès des acteurs de la branche, tout en respectant son indépendance.

Ils sont détaillés aux chapitres suivants.

La CdG-N a par ailleurs été informée que le DETEC prévoyait de procéder d'ici 2024 à une révision de l'ordonnance relative sur les enquêtes de sécurité (OEIT)18. Elle estime que certains points mentionnés ci-après pourraient être abordés dans ce cadre.

2.2

Nombre élevé d'enquêtes en suspens, ressources du bureau d'enquête du SESE

Selon l'art. 52 OEIT, les enquêtes du SESE doivent être closes dans un délai de 12 mois (18 mois pour les incidents impliquant de grands avions ou des navires de mer). Si ce délai ne peut pas être respecté, le bureau d'enquête peut accorder une «prolongation convenable» de celui-ci. Selon les informations communiquées par le SESE19, le nombre d'enquêtes clôturées durant les années 2020 et 2021 était infé-

17 18

19

Traduction: «réseau européen des autorités d'enquête sur la sécurité de l'aviation civile».

Selon les informations transmises par le DETEC en juillet 2023, le projet de révision a été soumis par le SESE au département en avril 2023 puis transmis pour consultation aux offices fédéraux directement concernés par l'ordonnance (OFAC et OFT) durant l'été 2023. Le DETEC prévoit de réaliser une consultation des «stakeholders» au 4e trimestre 2023 et de soumettre le projet de révision au Conseil fédéral à mi-2024, pour une entrée en vigueur au 1.1.2025.

Ces informations sont publiées dans les rapports annuels du SESE depuis 2018.

7 / 24

FF 2023 2896

rieur à celui des années précédentes20. Fin 2021, 181 enquêtes demeuraient en suspens, dont 71 dataient de plus de trois ans. Une grande majorité relèvent du domaine de l'aviation.

Le SESE a expliqué à la commission que le grand nombre de dossiers en suspens s'expliquait notamment par l'augmentation du nombre d'accidents et d'incidents annoncés, par la complexité croissante des dossiers et par les ressources importantes ayant dû être mobilisées entre 2018 et 2021 pour l'enquête sur le crash du «Ju-52».

Il a indiqué qu'il avait décidé, suite à un audit mené en 2017, de prendre un certain nombre de mesures pour faire face à cette situation21; celles-ci ont permis, selon le service, de réduire significativement le nombre d'enquêtes en suspens dans le domaine Rail et navigation et de le stabiliser dans le domaine Aviation.

La CdG-N salue les efforts entrepris par le SESE. Elle estime toutefois que la situation concernant le nombre élevé d'enquêtes en suspens demeure insatisfaisante et constate que les prescriptions légales relatives aux délais ne sont pas respectées dans un grand nombre de cas. De l'avis de la commission, le bureau d'enquête du SESE doit disposer de ressources suffisantes pour mener à bien son mandat dans des délais appropriés.

Cette problématique ressort des requêtes transmises à la CdG-N, mais également du «Peer Review» réalisé en 2019 par l'ENCASIA (cf. chap. 2.1). Tant le SESE que le DETEC ont reconnu une nécessité d'agir à ce niveau22. Le DETEC a indiqué qu'il soutiendrait une éventuelle demande du SESE afin d'augmenter ses effectifs, ce que la commission salue. Elle prie le Conseil fédéral de prendre les mesures adéquates pour que le SESE puisse réagir de manière adéquate à l'évolution de sa charge de travail et clore ses enquêtes dans les délais prévus par l'ordonnance. Il est en particulier prié d'examiner un renforcement des capacités du bureau d'enquête du SESE.

Recommandation 1

Renforcer les ressources du bureau d'enquête du SESE

Le Conseil fédéral est prié de prendre les mesures adéquates afin que les SESE puisse clore ses enquêtes de sécurité dans les délais prévus par l'ordonnance. Il est en particulier prié d'examiner un renforcement des capacités du bureau d'enquête du SESE.

2.3

Taille de la commission du SESE

Selon la LCdF et la LA, le SESE est une commission extraparlementaire composée de trois à cinq experts indépendants. Actuellement, elle réunit trois membres, soutenus par un bureau d'enquête et un réseau d'enquêteurs externes. Interrogé par la CdG-N sur l'opportunité d'une augmentation à cinq membres, le DETEC a estimé qu'il revenait au SESE lui-même de se prononcer sur ce point, en sa qualité de commission 20 21 22

87 enquêtes clôturées en 2021, 61 en 2020, 91 en 2019, 115 en 2018 et 131 en 2017.

Les procédures ont été rationalisées et un poste supplémentaire d'enquêteur a été créé et pourvu par internalisation, sans incidence sur les coûts.

Selon le SESE, un besoin de renforcement des ressources existe en particulier au niveau du laboratoire d'analyse des données de vol et des tachygraphes.

8 / 24

FF 2023 2896

extraparlementaire indépendante. La commission du SESE, de son côté, ne voit pas de nécessité d'augmenter ses effectifs.

La CdG-N estime malgré tout qu'une augmentation de la commission du SESE à cinq membres en vue de la prochaine législature serait opportune. À sa connaissance, aucune autre commission extraparlementaire disposant de compétences décisionnelles ne compte moins que cinq membres23. La CdG-N est d'avis qu'un élargissement de la commission présenterait plusieurs avantages. L'inclusion de spécialistes issus de domaines supplémentaires permettrait de renforcer les compétences spécialisées de l'organe, d'enrichir les échanges lors du traitement des rapports et d'améliorer l'acceptation du SESE auprès des acteurs de la branche. Une augmentation à cinq membres serait également appropriée, pour la commission, au vu des impératifs liés à la conduite du service d'enquête et de l'augmentation de la charge du travail du SESE ces dernières années (cf. chap. précédent).

La CdG-N ne partage pas la vision du DETEC en ce qui concerne les compétences d'appréciation sur ce point. Elle rappelle que la compétence de nomination des membres des commissions extraparlementaires revient au Conseil fédéral, qui se prononce à ce sujet au début de chaque législature24; à ce titre, le département responsable doit pouvoir examiner de manière indépendante la composition de la commission et l'opportunité d'une augmentation des membres25. Une telle démarche ne remet nullement en cause l'indépendance du SESE, d'autant plus que la loi prévoit explicitement que cette commission peut être composée de cinq membres.

Au vu de ces éléments, la commission prie le Conseil fédéral de procéder aux démarches nécessaires en vue d'un élargissement de la commission à cinq membres en vue de sa prochaine nomination (1er janvier 2024). Conformément à l'art. 7 OEIT, il doit s'agir de spécialistes indépendants des domaines des transports concernés.

Recommandation 2

Augmenter la taille de la commission du SESE

Le Conseil fédéral est prié de procéder aux démarches nécessaires en vue d'un élargissement de la commission du SESE à cinq membres indépendants issus des domaines des transports concernés (conformément à l'art. 7 OEIT) en vue de sa prochaine nomination.

23

24

25

Par exemple: Commission de la concurrence (COMCO): 12 membres; Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (AIEP): 9 membres; Commission des chemins de fer (RailCom): 6 membres; Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP): 9 membres; Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ): 5 membres; Commission fédérale de l'électricité (ElCom): 7 membres; Commission fédérale de la communication (ComCom): 7 membres; Commission fédérale de la poste (PostCom): 7 membres.

Cf. à ce propos art. 57a ss. de la loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010) et art. 8 ss. de l'ordonnance du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1).

Aux termes de l'art. 57d LOGA, «la composition des commissions extraparlementaires [est réexaminée] tous les quatre ans à l'occasion de leur renouvellement intégral».

9 / 24

FF 2023 2896

2.4

Surveillance exercée sur le SESE

La CdG-N constate que le DETEC fait preuve d'une très grande retenue dans l'exercice de sa surveillance sur le SESE, au regard de l'indépendance de ce dernier. Le département a souligné face à la commission que sa surveillance ne pouvait porter que sur le fonctionnement administratif du service et qu'il n'avait pas le pouvoir de lui donner des instructions, d'évaluer le contenu du travail du SESE ou d'exiger une mise en oeuvre de certaines recommandations émises lors d'un «Peer Review». Il a par ailleurs estimé qu'il ne lui revenait pas non plus, au-delà des bases légales existantes, de définir le cadre juridique des activités du SESE par le biais de directives.

Concernant les échanges entretenus avec le service, le DETEC a indiqué que des contacts réguliers avaient lieu sur le plan spécialisé entre le SESE et les offices du département (OFAC et OFT) et que le SG-DETEC recevait des documents en rapport avec le rattachement administratif du service (p. ex. informatique ou finances). Par contre, il n'est pas prévu de réunion régulière entre le SG-DETEC et la commission du SESE26.

La CdG-N partage l'avis du DETEC quant à l'importance d'un strict respect de l'indépendance du SESE sur le plan opérationnel ­ notamment concernant les conclusions des rapports ­ et à la nécessité d'exercer la surveillance sur ce service avec retenue27.

Toutefois, contrairement au département, elle estime que le DETEC et le Conseil fédéral, en leur qualité d'autorités supérieures chargées de la bonne application de la législation sur les transports, assument une responsabilité de surveillance subsidiaire sur ce service et que le département doit exercer celle-ci de manière active. En particulier, il est tenu de s'assurer de manière régulière que le SESE exerce son mandat avec un haut niveau de qualité et dans le respect des prescriptions légales. Une telle surveillance ne doit pas porter sur les détails des enquêtes prises individuellement ou les conclusions des rapports, mais sur l'adéquation de la gestion du SESE et de ses processus de travail, sous un angle général. Par ailleurs, le Conseil fédéral, en sa qualité d'organe de nomination du SESE, a également la responsabilité supérieure de s'assurer que les personnes élues dans cette commission remplissent les exigences inhérentes à leur tâche et que leurs qualifications
garantissent le bon fonctionnement du service; il lui incombe d'intervenir dans le cas où des manquements seraient identifiés concernant ces aspects.

De l'avis de la commission, plusieurs mesures pourraient être envisagées afin d'optimiser la surveillance du DETEC sur la gestion du SESE tout en respectant l'indépendance légale de ce dernier: ­

26

27

S'assurer que le SESE soit soumis de manière régulière (par exemple une fois par législature) à un «Peer Review» réalisé par des services homologues étrangers, sur le modèle de celui réalisé en 2019;

Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, le DETEC a souligné en septembre 2023 que de telles rencontres avaient lieu, mais qu'elles étaient rares.

Le nouveau chef du DETEC a indiqué qu'une première discussion sous sa direction avec la commission du SESE avait eu lieu mi-août 2023.

Conformément aux principes de l'art. 24, al. 3, OLOGA.

10 / 24

FF 2023 2896

­

Si tel n'est pas encore le cas, désigner au sein du SG-DETEC une personne ou une unité chargée du suivi global des activités du SESE. Cette personne ou unité aurait notamment pour tâche de prendre connaissance des «Peer Reviews», des rapports annuels du SESE et des autres documents pertinents relatifs au service et d'identifier les défis de portée générale auquel le SESE est confronté sur le plan de la gestion;

­

Institutionnaliser un échange régulier entre le SG-DETEC et la commission du SESE, visant à aborder les thématiques de portée générale relatives à la gestion du service, notamment en ce qui concerne les ressources et la charge de travail. Un tel échange pourrait prendre la forme d'un entretien annuel, sur le même modèle que d'autres entités proches de la Confédération.

La commission prie le Conseil fédéral d'examiner l'introduction de ces mesures et de lui présenter le cas échéant les modalités de leur mise en oeuvre.

Recommandation 3

Renforcer la surveillance sur le SESE

Le Conseil fédéral est prié d'examiner les mesures suivantes afin d'optimiser la surveillance du DETEC sur la gestion du SESE, tout en respectant l'indépendance légale de ce dernier: ­

S'assurer que le SESE soit soumis de manière régulière à un «Peer Review» réalisé par des services homologues étrangers;

­

Désigner au sein du SG-DETEC une personne ou une unité chargée du suivi global des activités du SESE;

­

Institutionnaliser un échange régulier entre le SG-DETEC et la commission du SESE pour aborder les thématiques de portée générale relatives à la gestion du service.

Par ailleurs, la CdG-N rappelle que le DETEC, en sa qualité de département des transports, a la responsabilité de vérifier régulièrement si la législation pertinente dans ce domaine est adéquate ou si celle-ci doit être adaptée28. Une telle tâche s'applique également aux lois et ordonnances touchant au domaine de compétences du SESE. Ainsi, la CdG-N estime que la révision prévue de l'OEIT constitue une opportunité pour le DETEC de faire le point quant au fonctionnement du SESE et d'aborder avec le service la nécessité d'éventuelles adaptations.

2.5

Utilisation des rapports du SESE pour les enquêtes pénales

La question de la reprise d'informations issues des rapports du SESE par les autorités de poursuite pénale constitue, selon l'appréciation de la CdG-N, un enjeu central. Selon la loi, les enquêtes du SESE n'ont pas pour but de déterminer les fautes et respon28

Conformément notamment à l'art. 5 LOGA.

11 / 24

FF 2023 2896

sabilités liées aux incidents29. Néanmoins, une telle reprise a pour conséquence que les informations collectées lors des enquêtes du SESE peuvent revêtir, ultérieurement, une pertinence pénale ayant un impact sur les personnes concernées.

Dans son rapport du 9 décembre 2022 relatif à la «culture de l'erreur»30, le Conseil fédéral rappelle que le droit suisse prévoit la possibilité que les autorités de poursuite pénale consultent les documents issus des enquêtes de sécurité pour leurs propres procédures (art. 51, al. 3, OEIT en lien avec art. 194 du code de procédure pénale [CPP]31). À ce propos, le Conseil fédéral a formulé une réserve face aux dispositions de la Convention relative à l'aviation civile internationale concernant la protection des éléments de preuve32: il juge adéquat que tous les documents issus de l'enquête de sécurité soient mis à la disposition des autorités judiciaires, considérant qu'il «existe également des intérêts publics et privés notables à ce que les conclusions de l'enquête puissent être utilisées dans d'autres procédures»33.

La CdG-N prend note de la position du Conseil fédéral. Si elle reconnaît que la transmission d'informations issues de l'enquête de sécurité aux autorités de poursuite pénale peut être d'intérêt public, elle souligne qu'une telle démarche comporte également des risques, notamment celui de décourager les personnes concernées de livrer 29 30

31

32

33

Art. 15 LCdF et art. 24 LA.

Culture de l'erreur: possibilités et limites de son ancrage juridique, rapport du Conseil fédéral du 9.12.2022 donnant suite au postulat 20.3463 du 25.5.2020, cf. en particulier chap. 2.1.1 et 3.2.1. L'idée de culture de l'erreur (ou just culture, culture juste ou culture de la sécurité) est issue de la science de la sécurité. Il s'agit d'une culture de la confiance dans le cadre de laquelle les collaborateurs d'une entreprise peuvent signaler un comportement fautif en lien avec la sécurité sans avoir à craindre de poursuites pénales, mais doivent aussi être protégés contre d'éventuelles mesures internes à l'entreprise, comme un licenciement. La condition est que le comportement fautif ait été correctement signalé et qu'il ne s'agisse pas d'une violation intentionnelle ou grave du devoir de diligence.

Elle vise notamment à créer des conditions favorables à la notification des événements et donc à contribution à une gestion plus efficace de la sécurité.

Code de procédure pénale du 5.10.2007 (CPP; RS 312.0). Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a souligné que la possibilité pour les autorités de poursuite pénale de consulter les documents d'autres autorités constitue «un principe supérieur du droit de la procédure pénale, inscrit comme tel à l'art. 194 CPP». Dans son rapport du 9.12.2022 sur la culture de l'erreur, le Conseil fédéral relève qu'une base légale spécifique est nécessaire pour dispenser une autorité de son obligation de produire des documents selon l'art. 194 CPP (cf. ch. 6.5).

Convention du 7.12.1944 relative à l'aviation civile internationale (Convention de Chicago; RS 0.748.0), annexe 13, ch. 5.12. Selon ce texte, la levée de la protection des éléments de preuve et des actes relatifs à l'enquête de sécurité est autorisée uniquement après une pesée des intérêts, c'est-à-dire si l'autorité compétente conclut que l'intérêt à la divulgation de ces informations l'emporte sur l'impact négatif probable qu'une telle action peut avoir sur l'enquête en cours ou sur toute enquête future.

De l'avis du Conseil fédéral, «si les constatations et les moyens de preuve de l'enquête sur l'accident ne peuvent pas être utilisés dans d'autres procédures, les autorités pénales et administratives doivent mener
leurs propres enquêtes. À l'étranger, cela a conduit à ce que les différentes autorités se disputent les moyens de preuve sur le lieu de l'accident et que seule une longue procédure de recours permet de déterminer l'ordre de saisie qui prévaut. Pendant ce temps, les objets saisis ne peuvent pas être examinés et les traces risquent de s'affaiblir, de disparaître ou d'être détruites. Cela ne porte pas seulement préjudice à l'enquête en tant que telle, mais empêche également de communiquer rapidement des informations ou des recommandations en matière de sécurité basées sur les premières constatations».

12 / 24

FF 2023 2896

des informations au SESE lors des enquêtes, par crainte des suites pénales. Le SESE a fait part à la commission de sa préoccupation à ce sujet. Par ailleurs, l'utilisation des rapports par les autorités pénales soulève des questions liées aux droits procéduraux des parties, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas similaires dans une procédure pénale et dans une enquête de sécurité34.

La CdG-N juge particulièrement important que la transmission d'informations du SESE aux autorités de poursuite pénale soit encadrée de manière claire. À ce sujet, la commission constate que plusieurs dispositions légales existent déjà. L'Office fédéral de la justice (OFJ) a indiqué à la CdG-N que «la question de l'utilisation d'informations obtenues dans le cadre d'une procédure administrative ou de surveillance antérieure, dans laquelle il existait une obligation de coopérer, se pose fréquemment dans les procédures pénales». Il a précisé que le code de procédure pénale (CPP) contient des règles pour ces cas de figure, à savoir l'art. 194 CPP, qui permet aux autorités de poursuite pénale de requérir les dossiers d'autres procédures sous certaines conditions35, mais aussi les règles relatives à l'obtention et à l'utilisation des preuves prévues aux art. 139 à 141 CPP.

En ce qui concerne le cas spécifique des enquêtes de sécurité, l'art. 24 OEIT prévoit que les renseignements fournis par une personne dans le cadre d'une enquête de sécurité ne peuvent être utilisés dans une procédure pénale qu'avec son accord36. Par ailleurs, la consultation du dossier peut être restreinte, refusée ou différée aussi longtemps que l'exigent les besoins de l'enquête du SESE (art. 51, al. 2, OEIT). L'ordonnance précise en outre que l'enquête est menée indépendamment des procédures pénales et administratives (art. 23, al. 1, OEIT). Enfin, l'OEIT prévoit également un droit de refuser de déposer (art. 40).

Le SESE a par ailleurs informé la commission qu'il ne transmettait aucun dossier aux autorités de poursuite pénale ou administratives de son propre chef, mais uniquement à leur demande explicite et dans le respect des articles 24 et 51 OEIT, et qu'il ne

34

35

36

Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, le DETEC a apporté la précision suivante à ce propos: «Dans le cadre d'une procédure pénale, chaque moyen de preuve doit être examiné afin de déterminer s'il peut être utilisé. Si les moyens de preuve (par exemple une déclaration) n'ont pas été recueillis dans les formes exigées par le code de procédure pénale, ils ne sont pas utilisables dans le cadre de la procédure pénale».

«Le ministère public et les tribunaux requièrent les dossiers d'autres procédures lorsque cela est nécessaire pour établir les faits ou pour juger le prévenu. Les autorités administratives et judiciaires autorisent la consultation de leurs dossiers lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant au maintien du secret ne s'y oppose».

De l'appréciation de l'OFJ, l'incitation à collaborer à la procédure du SESE découle avant tout de cet article.

13 / 24

FF 2023 2896

transmettait les projets de rapports ni aux autorités de poursuite pénale ni à d'autres autorités judiciaires avant que ceux-ci ne soient finalisés37.

La commission estime important que des échanges réguliers aient lieu entre le SESE et les autorités pénales concernant les modalités de la transmission d'informations; entre le SESE et le Ministère public de la Confédération (MPC), ces modalités sont déjà réglées dans une convention de coordination38; en outre, des réunions de coordination ont lieu tous les trimestres avec le MPC39. La commission prie le Conseil fédéral d'examiner si et sous quelle forme il serait judicieux dans ce contexte de conclure des conventions de coordination supplémentaires avec les ministères publics, si celles-ci n'existent pas déjà. De telles conventions permettraient notamment de clarifier la procédure à appliquer pour la transmission de documents et de déterminer comment la culture de l'erreur doit être prise en compte dans ce cadre40. La commission attend du Conseil fédéral qu'il s'assure que les échanges à ce sujet soient renforcés si nécessaire.

La commission prie en outre le Conseil fédéral d'examiner l'opportunité de procéder à des adaptations du cadre légal afin de mieux prendre en considération l'aspect de la «culture juste» dans la pesée des intérêts relative à la transmission des dossiers du SESE aux autorités pénales (notamment concernant le périmètre des informations transmises)41. La commission estime que cet aspect pourrait notamment être examiné dans le cadre de la révision en cours de l'OEIT ainsi que de futures révisions de la LA et de la LCdF42; le SESE avait indiqué à la commission en 2021 qu'il prévoyait de

37

38

39

40 41 42

La transmission des projets de rapports est interdite par le règlement européen (UE) no 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20.10.2010. Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, l'OFJ a souligné que ce principe connaît des exceptions: aux termes de l'art. 14, al. 3, dudit règlement, l'autorité compétente peut en effet estimer que les avantages de la transmission d'éléments à toutes autres fins admises par la loi (par ex. aux fins de la poursuite pénale) l'emportent sur les incidences négatives que pourrait avoir cette transmission sur l'enquête en cours ou une enquête ultérieure.

Concernant le SESE, la CdG-N a constaté qu'une transmission d'informations en cours d'enquête avait eu lieu dans un cas spécifique en 2020, suite à une demande répétée du Ministère public compétent. La commission arrive toutefois à la conclusion que les explications fournies par le SESE à ce sujet sont convaincantes et que le service a, dans le cas concerné, agi de manière proportionnée, après une pesée des intérêts en présence.

SESE: Koordination der Prozesse der verfahrensleitenden Behörden nach einem Grossunfall der Zivilluftfahrt in der Schweiz, document du 7.7.2015 (non publié, uniquement disponible en allemand). Ce document règle la collaboration aux différents stades de l'enquête (phase de terrain, phrase d'approfondissement, travail médiatique, etc.).

Le SESE a précisé qu'il n'y avait «pas de collaboration au sens strict du terme, car il est important que ces institutions restent indépendantes les unes des autres; en revanche, le déroulement de l'enquête et le traitement des moyens de preuve sont coordonnés».

De manière générale, le SESE a indiqué que les échanges avec les ministères publics cantonaux et de la Confédération dans les enquêtes en cours «sont intenses et ne posent que peu de problèmes».

À ce sujet, le Conseil fédéral cite dans son rapport du 9.12.2022 (chap. 4.2.1) divers exemples de bonnes pratiques appliquées à l'étranger (notamment Pays-Bas et Slovénie).

La CdG-N n'approfondit pas ici la question générale de la réglementation de la «culture juste» dans le domaine aéronautique, cet aspect dépassant le cadre du présent dossier.

La CdG-N est d'avis que les règles de portée supérieure relatives à la «culture juste» devraient être ancrées au niveau de la loi, et non de l'OEIT.

14 / 24

FF 2023 2896

soumettre au DETEC des propositions en ce sens concernant l'OEIT. Le SESE devrait être impliqué à un stade précoce dans le développement de la LA et de la LCdF.

Recommandation 4

Clarifier les modalités de la transmission des rapports d'enquête du SESE aux autorités de poursuite pénale

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que des échanges réguliers aient lieu entre le SESE et les autorités pénales concernant les principes et modalités de la transmission d'informations issues des enquêtes de sécurité.

Il est prié d'examiner l'opportunité que le SESE et les ministères publics établissent des conventions de coordination à ce propos, si celles-ci n'existent pas déjà.

Le Conseil fédéral est en outre prié d'examiner l'opportunité de procéder à des adaptations du cadre légal (LA, LCdF et OEIT) afin de mieux prendre en considération l'aspect de la «culture juste» lors de la transmission des rapports du SESE aux autorités pénales.

La CdG-E rappelle que les rapports du SESE ont un objectif différent de celui des procédures pénales et, de ce fait, ne peuvent servir que partiellement à l'établissement des faits pertinents sur le plan pénal. Il revient aux autorités pénales d'examiner dans quelle mesure les informations contenues dans les rapports du SESE suffisent aux exigences d'une procédure pénale et, si nécessaire, de compléter celles-ci par leurs propres investigations43.

2.6

Détermination des fautes et responsabilités dans les rapports du SESE

Une des critiques exprimées dans les requêtes transmises aux CdG serait que le SESE se prononcerait soi-disant de manière abusive, dans ses rapports, sur la détermination des fautes et des responsabilités liées aux accidents (et non uniquement sur la prévention des accidents futurs, comme prévu par la loi44), portant ainsi indirectement préjudice aux personnes concernées. Il ne revient pas à la CdG-N de se prononcer de 43

44

La CdG-N renvoie à ce sujet à la thèse du Dr. Raphael Widmer Kaufmann consacrée aux enquêtes de sécurité dans le domaine de l'aviation (Widmer Kaufmann [2022]: Die Flugunfalluntersuchung nach schweizerischem Recht: rechtshistorische Entwicklung heutige verfahrensrechtliche Ausgestaltung zukünftig anzugehende Probleme, Zürich/ St. Gallen: Dike Verlag). Celui-ci souligne en particulier que les rapports du SESE ne peuvent pas être considérés comme des expertises. «Les autorités pénales doivent analyser en détail les résultats de l'enquête de sécurité et peuvent s'en écarter, notamment si leurs propres investigations aboutissent à des résultats différents. Elles doivent également examiner sérieusement les objections des personnes mises en cause concernant les résultats de l'enquête de sécurité. Enfin, les dossiers du SESE mis à disposition par voie d'entraide judiciaire ne doivent pas être les seuls moyens de preuve utilisés par les autorités pénales. Au contraire, il est nécessaire que les autorités de poursuite pénale complètent les faits par leurs propres investigations. En effet, la procédure d'enquête de sécurité n'établit les faits que dans la mesure où cela est nécessaire à la clarification des circonstances et des causes d'un incident». (traduction, texte original en allemand).

Art. 15 LCdF et art. 24 LA

15 / 24

FF 2023 2896

manière détaillée concernant le contenu des rapports du SESE; la commission a toutefois abordé cette problématique sous un angle général avec les autorités concernées.

Le SESE a présenté à la commission les mesures visant à garantir que ses enquêtes de sécurité se limitent à la prévention d'incidents futurs et non à établir les fautes et responsabilités. Il a indiqué qu'il sensibilisait régulièrement ses collaborateurs sur ce thème et appliquait un système d'assurance qualité rigoureux. Il a également mentionné les normes internationales et prescriptions internes qu'il appliquait à ce sujet.

Enfin, il a rappelé que chaque rapport présentait un texte introductif précisant explicitement le but de l'enquête45.

La commission s'est néanmoins demandé s'il était possible de se prononcer sur la prévention d'accidents futurs sans, indirectement, émettre une appréciation sur les fautes et responsabilités d'événements passés, en particulier lorsque ceux-ci sont liés à des causes humaines. Le SESE a indiqué que l'analyse des causes et circonstances des incidents se basait exclusivement sur les faits relevés par le service ou qui lui ont été rapportés. En ce qui concerne les causes et circonstances humaines, le SESE présente, dans la mesure où ils peuvent être identifiés, les facteurs ayant influencé le comportement en question (p. ex. stress, distractions). Le DETEC, de son côté, a reconnu que «dans la pratique, il est difficile de concilier les exigences posées aux rapports en matière de traçabilité du déroulement de l'accident, afin de pouvoir en déduire des mesures appropriées, tout en évitant des déclarations relatives à un comportement inapproprié ou à des lacunes organisationnelles [...] qui pourraient être interprétées comme une qualification des fautes et des responsabilités.». Selon le département, «ce conflit ne peut être désamorcé que par une formulation prudente des rapports finaux et une limitation de l'enquête aux véritables facteurs causaux de l'accident.» Pour la CdG-N, il est de la plus haute importance que le SESE se limite, dans le cadre de ses rapports d'enquête, à l'analyse des faits pertinents en lien avec son mandat légal, c'est-à-dire la prévention des incidents futurs. Elle salue les précautions du SESE pour garantir le respect de ce principe. Néanmoins, dans la mesure où les enquêtes
de sécurité incluent très souvent des facteurs humains, elle juge inévitable que celles-ci présentent parfois des interfaces avec des questions de fautes et responsabilité. Comme le DETEC, la commission estime que cet aspect constitue un défi que le SESE doit traiter avec la plus grande prudence. Elle juge particulièrement important que le SESE accorde une attention particulière à cet aspect dans la formulation de ses rapports et qu'il veille à éviter des formulations pouvant être interprétées comme une appréciation des fautes et responsabilités dans un cas individuel. Elle invite le DETEC à aborder, si nécessaire, cette problématique lors de ses échanges futurs avec le SESE.

Le SG-DETEC a par ailleurs informé la commission qu'il était prévu, dans le cadre de la révision en cours de l'OEIT, d'apporter des précisions visant à ce que les enquêtes du SESE soient limitées aux événements pour lesquels on peut s'attendre à un

45

Celui-ci indique que le seul but de l'enquête est la prévention des accidents et des incidents graves, que l'enquête de sécurité et le rapport n'ont formellement pas pour objet de déterminer les questions de faute ou de responsabilité et que l'utilisation du rapport à d'autres fins que la prévention d'accidents pourrait conduire à des interprétations erronées.

16 / 24

FF 2023 2896

bénéfice correspondant au but de l'ordonnance (prévention d'autres accidents). La CdG-N salue cette démarche.

2.7

Suivi des recommandations du SESE

Conformément à l'art. 48, al. 1, OEIT, le SESE adresse les recommandations en matière de sécurité à l'office fédéral compétent et en informe le département compétent (en l'occurrence le DETEC). Les offices informent périodiquement le SESE et le département de la mise en oeuvre des recommandations ou des raisons pour lesquelles ils ont renoncé aux mesures (art. 48, al. 2). Dans le cadre de son activité de surveillance hiérarchique, le DETEC peut, si nécessaire, adresser des mandats de mise en oeuvre aux offices compétents (art. 48, al. 3). Le SESE peut par ailleurs donner son avis sur les rapports de mise en oeuvre de l'office fédéral à l'attention du département compétent (art. 48, al. 1). Dans le cadre de ses travaux, la CdG-N s'est penchée sur la manière dont le SESE et le DETEC exerçaient leur rôle de suivi de la mise en oeuvre des recommandations.

Suivi par le SESE: Globalement, la CdG-N a constaté que la collaboration entre le SESE et les offices fédéraux concernant le suivi des recommandations de sécurité fonctionnait bien et qu'un dialogue régulier était entretenu à ce sujet. Les acteurs sont conscients de leurs rôles respectifs et du fait que ceux-ci peuvent mener, dans certains cas, à des divergences de vues sur l'application des recommandations.

La commission constate toutefois un manque de clarté dans les bases légales pertinentes concernant le suivi exercé par le SESE dans le domaine de l'aviation civile, menant à des interprétations divergentes. L'art. 48, al. 1, OEIT, prévoit que le SESE peut prendre position vis-à-vis du DETEC sur les rapports de l'OFAC concernant la mise en oeuvre des recommandations. Le règlement européen pertinent46, de son côté, prévoit que l'autorité d'enquête est tenue de «faire savoir au destinataire [de la recommandation, c'est-à-dire l'OFAC] si elle considère que sa réponse est adéquate», dans un délai de 60 jours. L'OFAC est d'avis que «le SESE ne respecte généralement pas le devoir d'information visé par [le] règlement européen et que le délai de 60 jours est ignoré»47. Le SESE ne partage pas cette appréciation: il reconnaît l'obligation prévue par le règlement européen de transmettre une réponse à l'OFAC dans les 60 jours, estime que «le processus correspondant entre le SESE et l'OFAC est défini», que «la réponse se fait par le biais d'un courrier
standard» et que le SESE «publie l'état de la mise en oeuvre de toutes les recommandations de sécurité [...] sur son site Internet.

L'OFAC est donc en mesure de s'en informer à tout moment»48.

Pour la CdG-N, l'appréciation divergente de la mise en oeuvre des prescriptions en vigueur concernant ce point est problématique. En 2021, elle a prié le DETEC d'exa46

47 48

Règlement (UE) n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20.10.2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, art. 18, al. 2.

Lettre du DETEC à la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-N du 29.1.2021 (non publiée).

Lettre du SESE à la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-N du 21.9.2023 (non publiée).

17 / 24

FF 2023 2896

miner rapidement une adaptation des bases légales et une clarification de l'interprétation de celles-ci, afin d'assurer une pratique uniforme et adéquate de l'ensemble des acteurs49. En mars 2022, le DETEC a informé la CdG-N que cet élément serait examiné dans le cadre de la révision prévue de l'OEIT. La commission réitère sa demande et invite le Conseil fédéral à s'assurer que cet aspect soit abordé dans le cadre de ladite révision, en collaboration avec le SESE et les offices concernés. Elle se demande en particulier s'il ne serait pas nécessaire de préciser plus clairement dans l'ordonnance dans quels cas le SESE doit prendre position vis-à-vis du département au sens de l'art. 48, al. 1, OEIT50. Elle souligne en outre l'importance de tenir compte, dans la définition des tâches de suivi attribuées au SESE, des ressources et de la charge de travail de ce dernier.

Recommandation 5

Clarifier les règles relatives au suivi des recommandations de sécurité par le SESE

Le Conseil fédéral est prié de clarifier, en collaboration avec le SESE et les offices concernés, les règles relatives au suivi par le SESE de la mise en oeuvre des recommandations de sécurité, en particulier dans le domaine de l'aviation civile. Il est prié d'examiner la nécessité de clarifier l'interprétation des bases légales et, si besoin, d'adapter ces dernières.

Suivi par le DETEC et rôle du «Safety office»: Par le passé, le suivi des recommandations du SESE à l'échelon du département incombait au «Civil aviation safety office» (CASO)51. En 2021, la cheffe du DETEC a décidé de transformer le CASO en un «Safety office». Cet organe a désormais pour mandat d'exercer une surveillance systémique élargie en matière de sécurité dans les champs de responsabilité de l'ensemble des offices du DETEC, et non plus uniquement dans le domaine des transports, comme le faisait le CASO. La commission s'est informée de l'impact de cette nouvelle organisation concernant le suivi des recommandations du SESE.

Le DETEC a informé la sous-commission que le «Safety Office» appliquerait une approche systémique dans son suivi de la mise en oeuvre des recommandations du SESE, en se focalisant sur celles qui présentent une pertinence globale pour tous les offices du département52. Il a confirmé qu'il n'exercerait plus de surveillance détaillée concernant la mise en oeuvre des recommandations relatives à des cas individuels.

49 50

51

52

Cf. Rapport annuel 2021 des CdG et de la DélCdG du 25.1.2022 (FF 2022 513, ch. 3.8.4).

Par exemple, lorsque le SESE arrive à la conclusion qu'une recommandation est partiellement mise en oeuvre ou qu'elle n'est pas mise en oeuvre. Une copie du courrier adressé à l'OFAC pourrait, dans ce cas, être transmis au «Safety Office» du DETEC.

Traduction: «Bureau de la sécurité dans le domaine de l'aviation civile». Initialement, la compétence de surveillance du CASO portait uniquement sur le domaine de l'aviation civile. À partir de 2014, son mandat a été élargi aux domaines du rail et de la navigation.

Concrètement, le «Safety Office» analyse l'ensemble des recommandations du SESE (y compris celles adressées à l'industrie) et vérifie si celles-ci concernent des cas individuels ou si elles sont d'une importance primordiale pour le système que représente le DETEC. Les recommandations ayant une importance systémique peuvent constituer la base d'autres clarifications dans le cadre de la «Plattform Safety UVEK (DETEC)».

Le «Safety Office» étudie toutefois les rapports des destinataires des recommandations et examine leur mise en oeuvre.

18 / 24

FF 2023 2896

L'ancien secrétaire général du DETEC a jugé qu'il n'était pas réaliste ­ tant en termes de ressources que de connaissances spécialisées ­ que le département assume une surveillance exhaustive sur les offices en ce qui concerne les tâches liées à la sécurité et qu'il était adéquat qu'il se focalise sur les aspects de portée générale. Le DETEC a néanmoins précisé que cette procédure n'excluait pas que «la mise en oeuvre des recommandations de sécurité soit suivie de près et que, dans des cas particuliers, des mandats du département [...] puissent être adressés à 1'office fédéral compétent».

La CdG-N constate qu'avec l'introduction du «Safety Office», le DETEC a modifié sa pratique en matière de suivi des recommandations du SESE. Sur le principe, elle juge que ce changement de pratique est compréhensible; comme le DETEC, elle estime qu'il serait peu réaliste d'exiger que le département exerce une surveillance technique détaillée sur chaque recommandation émise par le SESE. L'OEIT ne contient d'ailleurs aucune obligation en ce sens. Pour la CdG-N, il est proportionné que le département, en sa qualité d'autorité de surveillance, se concentre sur les recommandations présentant une pertinence générale. Elle estime que la principale responsabilité de suivi des recommandations revient aux offices eux-mêmes.

La commission relève toutefois que cette nouvelle pratique implique une focalisation de l'activité de surveillance du DETEC53, qui comporte également certains risques.

Dans ce contexte, elle juge très important que la sélection des recommandations suivies par le «Safety Office» soit faite avec le plus grand soin. Elle estime en outre que certaines recommandations devraient pouvoir être considérées comme pertinentes sur le plan stratégique même si elles ne concernent pas l'ensemble des offices du département. Elle part du principe que le DETEC n'hésitera pas à exercer une surveillance accrue en particulier dans le cas où des divergences devaient apparaître entre le SESE et les offices sur la mise en oeuvre d'une recommandation. Enfin, elle rappelle que le DETEC, même s'il n'exerce pas un suivi détaillé de chacune des recommandations du SESE, continue d'assumer une responsabilité de surveillance sur les offices qui lui sont soumis et qu'il est à ce titre tenu de s'assurer, par les moyens appropriés,
que ceux-ci tiennent compte des recommandations du SESE dans leurs activités.

La CdG-N invite le Conseil fédéral à s'assurer que le DETEC procède, dans un délai de trois ans, à un bilan de cette nouvelle pratique et plus généralement des activités du «Safety Office» et qu'il fasse part au public de ses résultats.

Recommandation 6

Tirer un bilan de la nouvelle pratique de suivi des recommandations de sécurité par le «Safety Office»

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que le DETEC procède, dans un délai de trois ans, à un bilan de la nouvelle pratique en matière de suivi de la mise en oeuvre des recommandations de sécurité du SESE par le «Safety Office», ainsi qu'à un bilan général des activités du «Safety Office», et qu'il fasse part au public de ses résultats.

53

La commission relève que les ressources allouées au nouveau «Safety Office» sont similaires à celles de l'ancien CASO, même si le «Safety Office» exerce une surveillance plus large.

19 / 24

FF 2023 2896

2.8

Autres aspects examinés

La CdG-N a abordé, lors de ses travaux, la question du processus de déclaration des événements. Lors d'incidents dans le domaine des transports, l'OEIT et les règlements européens prévoient une double annonce (une fois à l'office compétent et une fois au SESE). Il est ressorti des clarifications menées par la CdG-N que ce processus était complexe et engendrait certaines incompréhensions, en particulier dans le domaine de l'aviation légère. Le DETEC a fait part à la commission de sa volonté d'analyser la possibilité d'une simplification avec le SESE et les offices concernés. Après examen, le département est arrivé à la conclusion fin 2022 que l'option d'instaurer un processus unique de déclaration des événements n'était pas possible en raison de l'autonomie des deux systèmes d'annonce, réglementés par le législateur européen dans deux actes législatifs différents. Le DETEC a notamment estimé que la mise en place d'un canal de transmission commun ou d'une base de données commune ne serait pas compatible avec les principes de la «culture juste»54, qu'elle impliquerait des modifications considérables du système actuel55 et qu'elle entraînerait des dépenses disproportionnées.

Si elle regrette que l'option d'un processus unique d'annonce des événements ne puisse être concrétisée, la CdG-N estime que les arguments présentés par le DETEC sont compréhensibles. Elle renonce par conséquent à approfondir davantage cet aspect. Elle invite néanmoins le SESE et l'OFAC à oeuvrer autant que possible à une harmonisation et une simplification de leurs processus d'annonce respectifs, afin de diminuer la charge des acteurs concernés.

En marge de ce dossier, la commission s'est également informée auprès du DETEC et de l'OFAC concernant la mise en oeuvre des recommandations ayant fait suite au crash du «Ju-52». Elle a pris note qu'une grande partie de celles-ci avaient pu être mises en oeuvre dans l'intervalle par l'OFAC. Dans le même sens, elle a pris acte que, de l'avis du DETEC, la plupart des recommandations tirées de l'examen externe mené en 2021 par l'institut «Royal Netherlands Aerospace Centre» au sujet des activités de surveillance de l'OFAC avaient été mises en oeuvre ou étaient en cours de réalisation.

La commission n'a pas identifié de nécessité d'agir à ce propos du point de vue de la haute surveillance
parlementaire.

Les requêtes adressées à la CdG-N en 2022 formulaient également diverses autres critiques relatives à l'activité du SESE. Celles-ci portaient notamment sur les interactions du service avec les parties prenantes durant les enquêtes, le respect des droits de procédure ou encore les compétences spécialisées du bureau d'enquête. La CdG-N estime qu'il est de la responsabilité du DETEC de déterminer si ces aspects doivent être abordés sous un angle général avec le SESE, par exemple dans le cadre de la révision de l'OEIT. En conséquence, elle ne se prononce pas à ce sujet.

54

55

L'annonce transmise au SESE et l'annonce transmise à l'OFAC sont soumis à des principes différents concernant la transmission de documents et informations (et par conséquence à des restrictions différentes résultant des principes de la «culture juste»).

Notamment l'introduction d'un service d'annonce commun fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (actuellement, les annonces à l'OFAC peuvent être transmises dans un délai de 72 heures, tandis que les annonces au SESE doivent avoir lieu immédiatement).

20 / 24

FF 2023 2896

3

Conclusions

De l'avis de la CdG-N, il est particulièrement important que la Suisse dispose d'une autorité d'enquête fonctionnelle et reconnue dans le domaine des accidents de transports. Sur la base des informations qu'elle a collectées, la commission arrive à la conclusion que le bon fonctionnement du SESE est actuellement assuré sur le plan général. Les informations transmises par le service montrent que cet organe dispose d'un haut niveau d'expertise dans son domaine et qu'il identifie de manière appropriée les défis auxquels il est confronté. Par ailleurs, de l'avis de la commission, les différents acteurs (DETEC, OFT, OFAC, SESE) sont conscients de leurs rôles respectifs et ceux-ci sont réglés de manière adéquate dans les bases légales pertinentes. La commission relève toutefois que les activités du SESE font l'objet de certaines critiques parmi les acteurs de la branche; elle souligne toutefois qu'elle n'a pas examiné en détail le bien-fondé de celles-ci. Dans ce contexte, le principal défi pour la Confédération est de s'assurer que le SESE remplit en tout temps son mandat légal de manière satisfaisante, tout en respectant l'indépendance de cet organe, garantie par la loi et l'ordonnance.

Si elle n'identifie pas de manquement systémique mettant en péril le bon fonctionnement du SESE sur le plan général, la CdG-N a néanmoins relevé différents aspects sur lesquels elle identifie un potentiel d'amélioration pour renforcer l'efficacité du SESE et sa crédibilité auprès des acteurs de la branche. Tout d'abord, elle estime qu'une augmentation des ressources du service d'enquête du SESE devrait être examinée, afin de garantir que celui-ci puisse mener ses travaux dans le respect des délais légaux (chap. 2.2, recommandation 1). Elle est également d'avis qu'une augmentation de la taille de la commission du SESE à cinq membres serait opportune (chap. 2.3, recommandation 2). Elle formule diverses propositions visant à renforcer la surveillance globale du DETEC sur le SESE (chap. 2.4, recommandation 3). Elle prie par ailleurs le Conseil fédéral de clarifier les modalités de la transmission des rapports d'enquête du SESE aux autorités de poursuite pénale (chap. 2.5, recommandation 4). En lien avec cet aspect, la commission juge particulièrement important que le SESE veille à éviter d'utiliser dans ses rapports des
formulations pouvant être interprétées comme une appréciation des fautes et responsabilités dans un cas individuel (chap. 2.6). Enfin, elle prie le Conseil fédéral de clarifier les règles relatives au suivi des recommandations de sécurité par le SESE (chap. 2.7, recommandation 5) et de tirer un bilan de la nouvelle pratique de suivi des recommandations du SESE exercée par le «Safety Office» du DETEC (chap. 2.7, recommandation 6).

21 / 24

FF 2023 2896

La CdG-N invite le Conseil fédéral à tenir compte des constatations et recommandations formulées dans le présent rapport et le prie de bien vouloir lui remettre un avis à ce sujet d'ici au 21 février 2024.

21 novembre 2023

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national: La présidente, Prisca Birrer-Heimo La secrétaire, Ursina Jud Huwiler Le président de la sous-commission DFI/DETEC, Thomas de Courten Le secrétaire de la sous-commission DFI/DETEC, Nicolas Gschwind

22 / 24

FF 2023 2896

Abréviations CASO

Civil aviation safety office, Bureau de la sécurité dans le domaine de l'aviation civile

CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CPP

Code de procédure pénale du 5.10.2007 (RS 312.0)

DélCdG

Délégation des commissions de gestion

DETEC

Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication

DFI

Département fédéral de l'intérieur

ENCASIA

European Network of Civil Aviation Safety Investigation Authorities, réseau européen des autorités d'enquête sur la sécurité de l'aviation civile

FF

Feuille fédérale

LA

Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (RS 748.0)

LCdF

Loi fédérale du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer (RS 742.101)

LOGA

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010)

MPC

Ministère public de la Confédération

OEIT

Ordonnance du 17 décembre 2014 sur les enquêtes de sécurité en cas d'incident dans le domaine des transports (RS 742.161)

OFAC

Office fédéral de l'aviation civile

OFJ

Office fédéral de la justice

OFT

Office fédéral des transports

OLOGA

Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1)

RS

Recueil systématique du droit fédéral

SESE

Service suisse d'enquête de sécurité

SG-DETEC Secrétariat général du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication UE

Union européenne

23 / 24

FF 2023 2896

24 / 24