FF 2023 www.fedlex.admin.ch La version électronique signée fait foi

Contrôle de suivi de l'inspection «Médicaments figurant sur la liste des spécialités de l'AOS ­ Admission et réexamen» Rapport de la Commission de gestion du Conseil des États du 14 novembre 2023

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L'essentiel en bref Entre 2019 et 2023, la Commission de gestion du Conseil des États (CdG-E) s'est penchée sur la pratique de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) en ce qui concerne l'admission des médicaments sur la Liste des spécialités (LS) de l'Assurance obligatoire des soins (AOS) et leur réexamen périodique. Elle a examiné dans quelle mesure le Conseil fédéral et l'administration ont mis en oeuvre les recommandations et postulats qu'elle avait formulés en 2014 dans un précédent rapport d'inspection («Admission et réexamen des médicaments figurant sur la liste des spécialités», rapport du 25 mars 2014). Dans le cadre de ce contrôle de suivi, elle a également abordé les défis actuels et futurs dans le domaine de l'admission et du réexamen des médicaments.

Sur la base des informations collectées, la CdG-E relève avec satisfaction que le Conseil fédéral, le Département fédéral de l'intérieur (DFI) et l'OFSP ont accordé ces dernières années une grande attention à la thématique de l'admission et du réexamen des médicaments. Elle arrive à la conclusion que les mesures prises par le Conseil fédéral depuis 2014 ont permis d'améliorer les procédures dans ce domaine à plusieurs niveaux et de mettre en oeuvre plusieurs des recommandations qu'elle avait formulées à l'époque.

De manière générale, la CdG-E n'a pas identifié de manquements fondamentaux dans la gestion du Conseil fédéral, du DFI et de l'OFSP en matière d'admission et de réexamen des médicaments. Selon son appréciation, l'action des autorités fédérales respecte le critère d'opportunité et aucun indice ne laisse penser que le critère de légalité ne serait pas rempli. Par contre, elle estime que l'efficacité des procédures doit impérativement être améliorée, au regard des défis actuels qui se présentent dans le domaine des médicaments (hausse des coûts à charge de l'AOS, apparition de nouvelles thérapies onéreuses, risques liés à l'approvisionnement du pays).

Sur la base de ses investigations, la CdG-E a décidé de transmettre au Conseil fédéral 10 nouvelles recommandations et de déposer 2 postulats visant à garantir une mise en oeuvre plus efficace des dispositions légales dans le domaine des médicaments.

Clarifier l'évaluation des critères d'efficacité, d'adéquation et d'économicité (EAE) La commission est d'avis que des améliorations
doivent être apportées en ce qui concerne l'évaluation des critères EAE par l'OFSP lors de l'admission et du réexamen des médicaments. Elle note que les principaux points de blocage du système actuel découlent presque systématiquement des divergences fondamentales entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique concernant l'évaluation de l'économicité des médicaments. Si elle juge adéquat que l'OFSP dispose d'une certaine marge d'appréciation dans son examen, elle prie néanmoins le Conseil fédéral d'examiner diverses mesures visant à clarifier et à optimiser l'évaluation de l'économicité par l'office. Elle attend en outre que l'OFSP continue d'améliorer l'information publique concernant les règles en vigueur en matière d'évaluation des critères EAE et qu'il actualise les documents de référence. Enfin, elle juge important que l'office oeuvre de manière prio-

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ritaire à la finalisation d'un modèle d'appréciation du bénéfice thérapeutique pour les médicaments non-oncologiques.

La CdG-E tire un bilan contrasté des évaluations des technologies de la santé (ETS) réalisées par l'OFSP durant les dernières années dans le domaine des médicaments.

Elle salue les efforts entrepris par l'office pour développer les ETS, mais constate que leur impact concret demeure limité. Elle estime que leur efficacité devrait encore être renforcée. De son point de vue, le Conseil fédéral devrait également examiner l'option d'une agence ETS indépendante. La commission a déposé un postulat à ce sujet.

Optimiser les procédures d'admission et de réexamen des médicaments La commission salue les mesures prises durant les dernières années par le Conseil fédéral pour améliorer l'efficacité de ces procédures. Elle estime toutefois que ces dernières peuvent encore être optimisées et formule différentes recommandations en ce sens. Elle attend notamment du Conseil fédéral qu'il oeuvre à une amélioration de la durée de traitement des demandes d'admission, qu'il continue à perfectionner la procédure de réexamen périodique des médicaments et qu'il renforce la transparence des procédures. Elle le prie également de s'assurer que l'OFSP entretienne des échanges réguliers et structurés avec l'industrie pharmaceutique, mais souligne que l'indépendance de l'office dans l'exercice de son mandat légal doit être garantie. La commission formule également diverses autres recommandations portant sur les admissions temporaires de médicaments, les ressources de l'OFSP et de la Commission fédérale des médicaments (CFM) et la nouvelle procédure d'accès anticipé pour les médicaments innovants, introduite en 2023.

Aborder les questions éthiques relatives à l'admission de médicaments très onéreux La CdG-E constate que l'apparition de nouveaux traitement très onéreux soulève des questions éthiques fondamentales quant à leur prise en charge par l'AOS. Ces questions, au vu de leur caractère sensible, ne peuvent pas être laissées à la seule appréciation de l'OFSP. La commission juge primordial que le Conseil fédéral aborde celles-ci de manière prioritaire. Elle le prie d'examiner le lancement d'un débat national sur ce thème et de fixer ensuite les principes directeurs en la matière au niveau de la législation
et des directives pertinentes. Elle a déposé un postulat à ce sujet.

La CdG-E invite le Conseil fédéral à tenir compte de ses constatations et nouvelles recommandations dans ses travaux à venir. De manière plus générale, elle est d'avis qu'une amélioration du processus d'admission et de réexamen des médicaments ne sera possible qu'avec un effort conjoint de la part de l'ensemble des acteurs impliqués. Elle invite ceux-ci à entretenir une coopération constructive sur ce thème, orientée vers la recherche de solutions pouvant être soutenues par l'ensemble des parties prenantes.

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Table des matières L'essentiel en bref

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Introduction 1.1 Travaux passés de la CdG-E 1.2 Démarches de la CdG-E dans le cadre du contrôle de suivi et objet de l'examen Procédure d'admission et de réexamen des médicaments figurant sur la liste des spécialités 2.1 Procédures d'autorisation et d'admission des médicaments 2.2 Réexamen des médicaments 2.3 Intérêts divergents 2.4 Enjeux actuels

7 9 9 12 12 13

Présentation des faits 3.1 Déroulement de la procédure d'admission 3.1.1 Répartition des tâches dans la procédure d'admission 3.1.2 Ressources et compétences spécialisées de l'OFSP et de la CFM 3.1.3 Durée de la procédure d'admission 3.1.4 Transparence de la procédure d'admission 3.1.5 Collaboration de l'OFSP avec Swissmedic 3.1.6 Collaboration de l'OFSP avec l'industrie pharmaceutique et les assureurs-maladie 3.2 Évaluation de l'efficacité, de l'adéquation et de l'économicité des médicaments 3.2.1 Bases légales et autres prescriptions 3.2.2 Critère d'économicité 3.2.3 Évaluation des technologies de la santé 3.2.4 Proposition d'examen différencié des critères EAE 3.3 Réexamen triennal des médicaments 3.4 Cas particuliers liés à l'admission et au réexamen 3.4.1 Admissions temporaires 3.4.2 Radiation de médicaments de la LS 3.4.3 Fixation de rabais dans la limitation et modèles de prix 3.4.4 Prise en charge dans des cas particuliers 3.4.5 Admission et réexamen des génériques 3.5 Questions éthiques relatives au prix des médicaments

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Appréciation de la CdG-E 4.1 Remarques générales 4.2 Principaux enjeux actuels du point de vue de la haute surveillance et nouvelles recommandations

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4.2.1

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Clarifier l'évaluation de l'efficacité, de l'adéquation et de l'économicité 4.2.2 Optimiser la procédure d'admission et de réexamen des médicaments 4.2.3 Aborder les questions éthiques relatives à l'admission de médicaments très onéreux Autres aspects

Conclusions

53 58 67 68 71

Abréviations

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Annexes: 1 Liste des personnes auditionnées 2 Définition des critères EAE 3 Illustrations 4 Recommandations et postulats de 2014 5 Nouvelles recommandations et nouveaux postulats de la CdG-E

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Rapport 1

Introduction

De 2019 à 2023, la Commission de gestion du Conseil des États (CdG-E) a procédé au contrôle de suivi de l'inspection qu'elle avait menée en 2014 sur l'admission des médicaments figurant sur la liste des spécialités (LS) de l'Assurance obligatoire des soins (AOS) et leur réexamen1. Elle a examiné dans quelle mesure les recommandations et les postulats qu'elle avait formulés à l'époque avaient été mis en oeuvre par le Conseil fédéral, le Département fédéral de l'intérieur (DFI) et l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Lors de ses travaux, la CdG-E a identifié plusieurs défis actuels et futurs auxquels les autorités fédérales sont confrontées en lien avec l'admission et le réexamen des médicaments, dépassant le cadre de ses recommandations de 2014. Ceux-ci portent notamment sur l'admission de nouvelles thérapies onéreuses soulevant des questions éthiques, le rôle grandissant des modèles de prix pour le remboursement des médicaments ou encore les processus de l'OFSP pour la fixation des prix. La commission a décidé d'approfondir ces aspects et de formuler, dans le présent rapport, une série de nouvelles recommandations à ce sujet.

1.1

Travaux passés de la CdG-E

Le présent contrôle de suivi se fonde sur les huit recommandations et trois postulats formulés par la CdG-E dans son rapport d'inspection de 20142. Ce dernier était basé sur une évaluation du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de 20133.

En février 2015, après avoir pris connaissance des réponses du Conseil fédéral4, la CdG-E a clos son enquête. Dans les années ayant suivi, la commission s'est repenchée à de nombreuses reprises sur cette thématique5, notamment suite à un arrêt du Tribunal fédéral (TF) de décembre 2015 qui a contraint le Conseil fédéral à revoir en profondeur le système de réexamen périodique du prix des médicaments en incluant systé-

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5

Concernant le rôle de la LS et le déroulement de la procédure d'admission et de réexamen, cf. chap. 2.

Admission et réexamen des médicaments figurant sur la liste des spécialités (LS), rapport de la CdG-E du 25.3.2014 (FF 2014 7531; ci-après: rapport de la CdG-E du 25.3.2014).

Le texte des recommandations et postulats est disponible à l'annexe 4.

Évaluation de l'admission et du réexamen des médicaments dans l'assurance obligatoire des soins, rapport du CPA du 13.6.2013 (FF 2014 7549; ci-après: évaluation du CPA du 13.6.2013).

Notamment: Admission et réexamen des médicaments figurant sur la liste des spécialités (LS), avis du Conseil fédéral du 27.8.2014 sur le rapport de la CdG-E (FF 2014 7595, ci-après: avis du Conseil fédéral du 27.8.2014).

Pour plus de détails à ce sujet, cf. rapports annuels 2017 et 2018 des Commissions de gestion et de la Délégation des Commissions de gestion du 30.1.2018 (FF 2018 1991, 2017) et du 28.1.2019 (FF 2019 2689, 2723).

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matiquement dans celui-ci une comparaison avec d'autres médicaments similaires6.

Après une révision de la législation correspondante, le réexamen triennal des médicaments figurant sur la LS a finalement pu reprendre à partir de mars 2017.

En mars 2017, la CdG-E a indiqué au Conseil fédéral qu'elle procéderait à un contrôle de suivi d'ici un à deux ans, afin de faire le point sur l'avancée de la mise en oeuvre des recommandations. Elle a également indiqué qu'elle aborderait, dans le cadre de ce contrôle de suivi, différentes questions ouvertes concernant notamment la durée des procédures d'admission ainsi que la prise en compte des critères d'efficacité et d'adéquation lors de l'admission et du réexamen des médicaments. Entre 2017 et 2018, divers nouveaux développements ont mené la commission à procéder à des clarifications complémentaires, portant notamment sur les défis liés au réexamen du prix des médicaments et sur les ressources de l'OFSP dans ce domaine.

1.2

Démarches de la CdG-E dans le cadre du contrôle de suivi et objet de l'examen

En février 2019, la CdG-E a lancé le contrôle de suivi de son inspection et a chargé sa sous-commission DFI/DETEC7 de mener les clarifications détaillées à ce sujet. Entre 2019 et juin 20238, cette dernière a procédé à plusieurs auditions avec les acteurs concernés9, à savoir le DFI et l'OFSP10, l'institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic11, des représentants de l'industrie pharmaceutique12 et des assureurs-maladie13, le Contrôle fédéral des finances (CDF)14 ainsi que la Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE)15. Elle a par ailleurs adressé des questions écrites au Conseil fédéral, au DFI et à l'OFSP et a procédé à l'analyse 6

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Arrêt du TF 9C_417/2015 du 14.12.2015. Le TF a en particulier estimé que, lors du réexamen périodique des médicaments, l'OFSP ne devait pas se limiter à une comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger (CPE), mais devait également systématiquement procéder à une comparaison thérapeutique (CT) avec les autres produits ayant une valeur thérapeutique analogue (cf. aussi chap. 2 et 3.3).

Jusqu'en décembre 2019, la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E se composait des conseillères et conseillers aux États Claude Hêche (président), Joachim Eder, Peter Föhn, Werner Luginbühl et Géraldine Savary. Dès décembre 2019, la sous-commission se composait des conseillères et conseillers aux États Marco Chiesa (président), Elisabeth Baume-Schneider (remplacée dès décembre 2022 par Mathilde Crevoisier Crelier), Matthias Michel, Othmar Reichmuth (remplacé dès août 2023 par Marianne Maret) et Heidi Z'graggen.

La longue durée du contrôle de suivi s'explique, d'une part, par la complexité du dossier ayant nécessité la collecte de nombreuses informations et la réalisation de plusieurs auditions et, d'autre part, par la pandémie de COVID-19 ayant mobilisé une grande partie des ressources de la commission durant la période concernée.

Une liste détaillée des personnes auditionnées est disponible à l'annexe 1.

Audition du DFI et de l'OFSP du 12.9.2019, audition de l'OFSP du 12.10.2020, audition de l'OFSP du 23.8.2021, audition de l'OFSP du 4.7.2022.

Audition du DFI, de l'OFSP et de Swissmedic du 12.10.2020.

Audition d'une délégation de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) du 24.2.2022.

Audition d'une délégation des assureurs-maladie (Santésuisse et Curafutura) du 15.2.2023.

Audition du CDF du 15.5.2023.

Audition de la CNE du 24.2.2022.

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de nombreux documents. Elle a également intégré dans son analyse les résultats d'un audit du CDF portant sur le processus les procédures d'autorisation de mise sur le marché de remboursement des médicaments16. Elle a bénéficié, pour ses travaux, du soutien du CPA.

Le présent contrôle de suivi porte sur le processus d'admission et de réexamen des médicaments dans la LS mené par l'OFSP; une présentation générale de ce processus figure au chap. 2. Dans le cadre de son mandat de haute surveillance, la CdG-E a prioritairement examiné dans quelle mesure la pratique de l'OFSP dans ce domaine respecte les principes d'adéquation (utilisation appropriée de la marge de manoeuvre pour atteindre les buts visés) et d'efficacité (comparaison des effets réels avec les buts visés). De manière plus ponctuelle, elle s'est également penchée sur le respect du principe de légalité (conformité à l'ordre juridique). La commission a accordé une attention particulière à la collaboration entre l'office et les autres acteurs concernés (notamment Swissmedic, assureurs-maladie, industrie pharmaceutique). En outre, elle s'est penchée sur les défis actuels et futurs liés à l'admission et au réexamen des médicaments.

La CdG-E s'est également régulièrement tenue informée de l'évolution du cadre législatif relatif à l'admission et au réexamen des médicaments, en particulier en ce qui concerne le projet de révision de la loi sur l'assurance-maladie (LAMal)17 visant à maîtriser les coûts de la santé (1er volet et 2e volet)18, ainsi que diverses modifications des ordonnances pertinentes.

La commission n'évalue pas l'adéquation du processus complet de mise sur le marché des médicaments en Suisse, incluant l'autorisation de Swissmedic (cf. chap. 2); elle renvoie à ce propos aux récents travaux du CDF19. Elle aborde toutefois ponctuellement la question des interfaces entre l'OFSP et Swissmedic et l'articulation de leurs processus respectifs (cf. chap. 3.1.5).

Le présent rapport présente une synthèse des faits collectés par la CdG-E et de ses conclusions du point de vue de la haute surveillance20. Après consultation auprès des

16 17 18

19 20

CDF: Audit du processus d'autorisation et de remboursement des médicaments, audit no 22608 du 2.10.2023 (publication prévue pour début 2024).

Loi fédérale du 18.3.1994 sur l'assurance-maladie (LAMal; RS 832.10).

Le 1er volet de la révision, traité par les Chambres fédérales en 2021 et 2022, incluait notamment la proposition d'introduire un prix de référence pour les médicaments génériques (cf. chap. 3.4.5). Le 2e volet de la révision, en cours de traitement au moment de l'adoption du présent rapport, inclut notamment l'introduction d'une base légale relative aux modèles de prix pour les médicaments onéreux (cf. chap. 3.4.3) et la mise en place d'un examen différencié des critères d'efficacité, d'adéquation et d'économicité des médicaments (cf. chap. 3.2.4). Pour plus d'informations à ce sujet, cf. OFSP: Modification de la LAMal: 1er et 2e volet de mesures visant à maîtriser les coûts, www.bag.admin.ch > Assurances > Assurance-maladie > Projets de révision en cours (consulté le 14.7.2023).

CDF: Audit du processus d'autorisation et de remboursement des médicaments, audit no 22608 du 2.10.2023 (publication prévue pour début 2024).

Le rapport prend en compte l'évolution du dossier jusqu'en septembre 2023.

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entités concernées21, la CdG-E a examiné et approuvé la version finale du rapport lors de sa séance du 14 novembre 2023, l'a transmis au Conseil fédéral et a décidé de le publier.

2

Procédure d'admission et de réexamen des médicaments figurant sur la liste des spécialités22

2.1

Procédures d'autorisation et d'admission des médicaments

Lorsqu'un nouveau médicament arrive sur le marché suisse, celui-ci est tout d'abord examiné par Swissmedic, dans le cadre du processus d'autorisation de mise sur le marché. L'examen de Swissmedic est réglé dans la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh)23 et diverses ordonnances24; il se focalise sur la qualité et la sécurité du médicament ainsi que sur son efficacité en comparaison à un placebo. Une fois l'autorisation de mise sur le marché accordée ou sur le point de l'être, le fabricant peut déposer auprès de l'OFSP une demande d'admission dans la LS, qui constitue la condition pour un remboursement par l'AOS (assurance-maladie de base). La LS regroupe actuellement environ 3000 médicaments25. Elle détermine pour chaque préparation le prix maximal pouvant être facturé à charge de l'AOS. La procédure d'admission dans la LS est réglée dans la LAMal, l'OAMal et l'OPAS26; elle est placée sous la conduite de l'OFSP.

Pour être admis dans la LS et ainsi être pris en charge par l'AOS, un médicament doit remplir cumulativement les critères d'efficacité, d'adéquation et d'économicité (critères EAE)27. Ces critères et les modalités de leur évaluation sont détaillés dans les 21

22 23 24

25 26

27

Dans le cadre de la consultation relative au projet de rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont fait part de plusieurs remarques supplémentaires relatives aux procédures d'admission et de réexamen des médicaments. Au vu du calendrier serré pour la finalisation du rapport, la CdG-E n'a pas été en mesure de vérifier ces remarques sur le plan du contenu ou de les soumettre à l'OFSP pour prise de position. En conséquence, elle a décidé de faire figurer celles-ci en note de bas de page aux endroits concernés. Elle part du principe que le Conseil fédéral examinera ces aspects et prendra position à ce propos, pour autant qu'il le juge nécessaire et pertinent, dans le cadre de son avis en réponse au rapport. La CdG-E a par ailleurs renoncé à intégrer dans son rapport les commentaires portant sur des aspects qui dépassent l'objet du contrôle de suivi (p. ex. concernant la prise en charge dans des cas individuels).

Pour une présentation détaillée de la procédure et de ses modalités, cf. rapport du CPA du 13.6.2013 (FF 2014 7549), chap. 2.

Loi fédérale du 15.12.2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (Loi sur les produits thérapeutiques, LPTh; RS 812.21); cf. en particulier art. 8 à 17.

Notamment Ordonnance du 21.9.2018 sur les médicaments (OMéd; RS 812.212.21) et Ordonnance du 14.11.2018 sur les autorisations dans le domaine des médicaments (OAMéd; RS 812.212.1).

Au total, environ 7500 médicaments bénéficient d'une autorisation de Swissmedic.

Ordonnance du 27.6.1995 sur l'assurance-maladie (OAMal; RS 832.102) et Ordonnance du DFI du 29.9.1995 sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (Ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins, OPAS; RS 832.112.31).

Cf. en particulier art. 52 LAMal, en lien avec les art. 24­34 LAMal, art. 64­71 OAMal et art. 30­38 OPAS.

Art. 32 LAMal, art. 65, al. 3, OAMal.

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ordonnances, les Instructions de l'OFSP concernant la LS28 et le document de base «Opérationnalisation des critères EAE» publié par l'OFSP en 202229. Leur définition est présentée à l'annexe 2. Le critère d'économicité constitue généralement l'aspect le plus disputé lors de la procédure d'admission et de réexamen des médicaments. Il est évalué sur la base d'une comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger (CPE)30 et d'une comparaison avec d'autres médicaments similaires admis en Suisse (comparaison thérapeutique, CT)31.

Une demande d'admission dans la LS peut être soumise à l'OFSP dès que Swissmedic a transmis au fabricant un préavis d'approbation pour la mise sur le marché (cf. illustration 1)32. La procédure d'examen de l'OFSP est structurée en trois étapes. Dans un premier temps, l'office procède à une évaluation («assessment») de la demande au regard des critères EAE; il établit sur cette base un rapport d'évaluation, désigné sous le terme de «fiche d'information», à l'intention de la Commission fédérale des médicaments (CFM)33. Dans un deuxième temps, la CFM procède à une appréciation («appraisal») de la demande et formule une recommandation à l'intention de l'OFSP concernant la satisfaction aux critères EAE et l'admission dans la LS. Enfin, dans la troisième étape, l'OFSP prend une décision, sur la base des informations collectées, de la recommandation de la CFM et des négociations menées avec le fabricant. L'office peut assortir l'admission de certaines charges (p. ex. admission pour une durée limitée ou admission seulement pour certaines indications).

En 2020, l'OFSP a concrétisé 116 adaptations de la LS suite aux demandes des entreprises pharmaceutiques (nouveaux médicaments, nouvelles indications) soumises à la CFM. En 2021 et en 2022, ces chiffres s'élevaient respectivement à 127 et à 15134.

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OFSP: Instructions concernant la liste des spécialités (LS), valables dès le 1.5.2017.

Ces instructions forment «une ordonnance administrative visant à assurer une pratique uniforme et appropriée au sein de l'administration et à garantir un traitement non arbitraire et équitable» (OFSP: Médicaments: processus d'admission dans la LS, www.bag.admin.ch > Assurances > Assurance-maladie > Désignation des prestations > Processus de demande [consulté le 9.8.2023]) [ci-après: Instructions de l'OFSP concernant la LS de 2017].

Opérationnalisation des critères Efficacité, Adéquation et Économicité (EAE) au sens de l'art. 32 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal), document de base de l'OFSP du 31.3.2022, valable à partir du 1.9.2022 (ci-après: Opérationnalisation des critères EAE, document de base de l'OFSP du 31.3.2022).

Art. 65b OAMal, art. 34abis, 34b et 34c OPAS. La CPE porte sur une sélection de 9 pays.

Art. 65b OAMal.

Une fois que Swissmedic envisage d'approuver une demande lors de sa procédure d'examen, un préavis d'approbation est transmis à l'entreprise concernée. Il faut ensuite encore attendre jusqu'à 150 jours pour que l'autorisation de mise sur le marché soit formellement notifiée. Ce processus prévoit un délai de réponse au préavis par l'entreprise de 60 jours et de 90 jours ensuite pour l'examen de ces réponses par Swissmedic.

Conformément à l'art. 37e OAMal, la CFM conseille l'OFSP dans le domaine des médicaments. Il s'agit d'une commission extraparlementaire composée de 16 membres, dont trois médecins, trois pharmaciens et des représentants du monde académique, des hôpitaux, des assureurs-maladie, des assurés, de l'industrie pharmaceutique, de Swissmedic et des cantons.

Ces chiffres ne tiennent pas compte des génériques, des biosimilaires ou des nouveaux emballages et dosages.

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Illustration 1 Procédures d'autorisation et d'admission des médicaments

Source: OFSP

L'OFSP prévoit une durée de 18 semaines pour la procédure ordinaire d'examen. Par ailleurs, l'ordonnance fixe comme objectif que l'office doit rendre sa décision «en règle générale dans les 60 jours suivant l'autorisation définitive [de Swissmedic]», pour autant que la demande ait été déposée avant l'autorisation de Swissmedic et que les conditions relatives à la documentation à fournir soient remplies35. Une procédure rapide, avec un délai de traitement raccourci pour la CFM, est prévue pour certains médicaments36. En outre, dans certains cas, une procédure allégée sans consultation de la CFM est prévue37. Enfin, en vertu des art. 71a à 71d OAMal, l'AOS peut ­ dans des cas particuliers, notamment pour les médicaments vitaux avec bénéfice escompté élevé ­ prendre en charge des médicaments ne bénéficiant pas (encore) d'une autori-

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Art. 31b OPAS en lien avec art. 69, al. 4, OAMal. Lors de la consultation relative au présent rapport, le DFI a souligné face à la CdG-E que le délai de 60 jours ne se rapporte qu'au temps consacré par l'office à la demande et non à celui dont les entreprises pharmaceutiques ont eu besoin. Autrement dit, le délai de 60 jours ne commence à courir que quand la documentation transmise à l'OFSP a reçu l'autorisation définitive de Swissmedic et il prend fin le jour où la décision est expédiée (cf. à ce sujet aussi chap. 3.1.3).

Art. 31a OPAS. Cette procédure s'applique aux médicaments pour lesquels Swissmedic a préalablement accepté une procédure rapide d'autorisation (cf. à ce sujet chap. 3.1.5).

Art. 31, al. 2, OPAS

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sation de Swissmedic ou ne figurant pas (encore) sur la LS38. Dans de tels cas, la décision de fixation du prix de remboursement revient à l'assureur-maladie39.

2.2

Réexamen des médicaments

L'OFSP est tenu de réexaminer tous les trois ans si les médicaments figurant dans la LS remplissent encore les conditions d'admission (réexamen triennal)40. À cet effet, les médicaments sont répartis en trois blocs, réexaminés chaque année à tour de rôle.

Dans ce cadre, l'OFSP est tenu de procéder à une CPE et une CT pour chaque médicament41. Si le réexamen montre que le prix maximum en vigueur est trop élevé, l'OFSP peut abaisser le montant fixé dans la LS. Dans certains cas ­ notamment pour assurer l'approvisionnement du pays ­ une renonciation à une diminution du prix est possible. Une augmentation du prix est aussi possible, si un titulaire d'autorisation en fait la demande, qui sera examinée dans une procédure indépendante du réexamen triennal. Un réexamen est également prévu lorsque la protection du brevet d'un médicament arrive à échéance. Depuis 2012, les réexamens du prix des médicaments ont mené à des réductions de prix à hauteur de presque 1,5 milliard de francs par année (cf. chap. 3.3).

2.3

Intérêts divergents

La CdG-E juge important de souligner que l'OFSP, lors de la fixation et du réexamen du prix des médicaments figurant dans la LS, doit concilier de nombreux intérêts divergents, voire contradictoires. Tandis que les patients ont intérêt à un accès rapide à des traitements efficaces, les entreprises pharmaceutiques visent un remboursement rapide des médicaments à un tarif le plus rentable possible et un soutien accru à leurs efforts d'innovation; enfin, les assureurs-maladie ­ et à travers eux les communautés d'assurés ­ ont un intérêt à un financement supportable du système de soins et donc à des prix bas. En outre, la maîtrise de l'augmentation des coûts de l'AOS42, la garantie de la qualité et de la sécurité des soins, la garantie de la sécurité d'approvisionnement ainsi que l'encouragement de l'innovation dans le domaine des médicaments constituent des enjeux supplémentaires dont l'OFSP doit tenir compte lors de ses décisions.

38

39

40 41 42

Cette option est aussi prévue pour les médicaments admis dans la LS et utilisés pour une autre indication que celle autorisée par Swissmedic ou prévue par la limitation fixée dans la LS.

Selon les informations de l'OFSP, cette règlementation concerne environ 40 000 cas particuliers par an, dont environ 80 % concernent des médicaments en «off-label-use», c'est-à-dire ne bénéficiant pas (encore) d'une autorisation de Swissmedic.

Art. 32, al. 2, LAMal en lien avec art. 65d OAMal.

Art. 34d à 34f OPAS; cette pratique, introduite en 2017, correspond à la jurisprudence du TF.

Selon les chiffres de l'OFSP, les coûts des médicaments à charge de l'AOS ont augmenté de 37,87% entre 2014 et 2021 (contre 23,8% pour les autres prestations) et ont dépassé pour la première fois, en 2021, la barre des 8 milliards de francs (cf. illustration 3 à l'annexe 3).

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Pour la CdG-E, ces enjeux doivent être gardés en mémoire lors de l'appréciation des activités de l'OFSP (chap. 3 et 4).

2.4

Enjeux actuels

Les défis auxquels les autorités fédérales sont confrontées en ce qui concerne l'admission et le réexamen des médicaments se sont nettement accentués ces dernières années. Les demandes d'admission de nouveaux médicaments sont plus nombreuses et leur complexité a augmenté. Par ailleurs, la modification de certaines prescriptions43 et diverses décisions de tribunaux44 ont impliqué l'attribution de tâches supplémentaires à l'OFSP.

En parallèle, les coûts des médicaments à charge de l'AOS ont continuellement progressé: selon les chiffres de l'OFSP (cf. illustration 3, annexe 3), ceux-ci sont passés de 5,8 à 8 milliards de francs entre 2014 et 2021. Cette hausse est supérieure à celle des autres prestations à charge de l'AOS45. Celle-ci est principalement due aux nouveaux médicaments très coûteux utilisés en oncologie et dans le traitement des maladies rares46.

Dans ce contexte, la charge de travail de l'OFSP et les pressions auxquelles l'office est soumis de la part des acteurs du domaine de la santé augmentent (p. ex. demande d'accélération des processus d'admission de la part de l'industrie et demande de limiter la hausse des coûts de la santé de la part du Parlement). Par ailleurs, de nouvelles

43 44 45 46

P. ex. renforcement des prescriptions en matière de transparence, modification des règles relatives au réexamen périodique, augmentation du nombre de pays inclus dans la CPE.

P. ex. arrêt 9C_417/2015 du TF du 14.12.2015 relatif au réexamen périodique.

Pour la période 2014-2021, la hausse relative du coût des médicaments à charge de l'AOS est de +37,9 %, contre +23,8 % pour les autres prestations à charge de l'AOS.

Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont fait valoir les éléments suivants concernant l'évolution du coût des médicaments: «Les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS) montrent que la part des médicaments dans les coûts de santé reste stable depuis plus de 10 ans. Les données de la période maximale disponible de l'OFS montrent une évolution de la part des médicaments de 10,8 % en 2010 à 10,6 % en 2021. Pour ce qui est de la part des médicaments dans les coûts de l'AOS, on observe une légère hausse due au transfert des traitements du stationnaire à l'ambulatoire. Sur la période maximale disponible, les données de l'OFS indiquent que la part est passée de 15,7 % en 2010 à 17,3 % en 2021.

Les chiffres statistiques de l'OFSP sur l'AOS couvrent une période maximale disponible de 2004 à 2022. La part des médicaments dans les coûts de l'AOS est restée stable de 2004 à 2022, aussi bien en valeur absolue que considérée par tête.

Le calcul de la hausse auquel il a été procédé dans le rapport se base sur un point de départ (l'année 2014) qui représente le point le plus bas de la part des dépenses en médicaments dans les coûts de l'AOS. Ce niveau minimum est dû au réexamen extraordinaire du prix de tous les médicaments de la LS. Si on choisit une autre année de départ, p. ex. 2009, ou encore 2004 pour couvrir la période maximale disponible en matière de statistique OFSP de l'AOS, le rapport s'inverse: les coûts de l'AOS augmentent plus fortement que ceux des médicaments.

Les coûts indiqués dans la statistique de l'AOS effectuée par l'OFSP et l'OFS reflètent les prix publics et non les prix de fabrique.»

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questions éthiques se posent, par exemple concernant la prise en charge par l'AOS de médicaments onéreux (à ce sujet, cf. chap. 3.5).

3

Présentation des faits

Le chapitre ci-après est basé sur les explications et documents des autorités fédérales, mais inclut aussi l'appréciation des autres acteurs auditionnés par la CdG-E (notamment Swissmedic, industrie pharmaceutique, assureurs-maladie et CNE). La commission a également intégré dans son analyse les résultats d'un audit du CDF portant sur les procédures d'autorisation de mise sur le marché et de remboursement des médicaments, dont la publication est prévue pour début 202447.

3.1

Déroulement de la procédure d'admission

3.1.1

Répartition des tâches dans la procédure d'admission

Durant la procédure d'admission (cf. chap. 2), l'OFSP est chargé des phases d'évaluation («assessment») et de décision, tandis que la CFM assume le rôle d'appréciation («appraisal»). En 2014, la CdG-E avait demandé au Conseil fédéral d'examiner la pertinence de cette séparation des tâches et l'opportunité de clarifier celle-ci (recommandation 1), au regard notamment du cumul des rôles de l'OFSP.

Dans le cadre du contrôle de suivi, le Conseil fédéral a indiqué à la CdG-E qu'il avait pris, au cours des dernières années, différentes mesures pour mieux distinguer les différentes phases de la procédure d'admission, clarifier la répartition des tâches entre l'OFSP et la CFM et renforcer l'efficience de la procédure. L'ordonnance définit désormais plus clairement dans quels cas la CFM doit être consultée ou non48. Des précisions concernant la procédure et les tâches respectives ont également été apportées dans les Instructions relatives à la LS49. Par ailleurs, des mesures ont été prises pour que la CFM bénéficie d'une base d'information plus complète lors de ses séances50.

Enfin, la CFM se réunit sept fois par année (contre quatre puis six auparavant51), ce qui lui offre davantage de temps pour apprécier chaque demande. Ces mesures ont 47 48

49 50

51

CDF: Audit du processus d'autorisation et de remboursement des médicaments, audit no 22608 du 2.10.2023 (pas encore publié).

En particulier art. 31 OPAS. Désormais, seules les demandes complexes sont soumises à la CFM: nouveaux médicaments, demandes concernant la modification de la limitation ou l'extension des indications, demandes relatives à une augmentation de prix. Les demandes d'admission de nouveaux emballages, de nouveaux dosages, de nouvelles formes de présentation et de biosimilaires ne sont plus soumises à la CFM qu'en cas de nécessité.

OFSP: Instructions concernant la Liste des spécialités, cf. notamment chap. A3.3, A3.4, A4 et A5.

Désormais, l'OFSP dispose de deux semaines supplémentaires avant la séance de la CFM pour traiter les demandes et rédiger les fiches d'information. Le délai entre la séance de la CFM et l'envoi des communications par l'OFSP a, lui, été raccourci de deux semaines, si bien que la durée de la procédure ordinaire dans son ensemble reste de 18 semaines.

Le nombre de séances de la CFM est passé de six à sept en 2023.

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contribué à affirmer le rôle de la CFM (cf. à ce sujet aussi chap. 3.1.2). La CdG-E a néanmoins constaté que l'indépendance de la CFM demeurait partielle, dans la mesure où ses délibérations se fondent sur les fiches d'évaluation rédigées par l'OFSP et que le secrétariat de la commission est assuré par l'office.

En 2014, le Conseil fédéral a également fait part de sa volonté de créer une institution nationale d'évaluation des technologies de la santé (ETS, en anglais Health technology assessments, HTA) pour améliorer l'évaluation scientifique des prestations du système de santé. En 2017, une section ETS, distincte des sections consacrées à l'admission et au réexamen des médicaments, a été créée au sein de l'OFSP. Celle-ci peut mandater des expertises externes pour évaluer de manière indépendante l'efficacité de certains médicaments lors de la phase d'«assessment». La CdG-E a examiné plus en détail les activités de cette section et son impact concret dans l'évaluation des médicaments; dans ce cadre, elle a notamment examiné l'option de la création d'une agence ETS indépendante de l'OFSP (cf. à ce sujet chap. 3.2.3).

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée aux chap. 4.2.1 et 4.3.

3.1.2

Ressources et compétences spécialisées de l'OFSP et de la CFM

La question des ressources de l'OFSP et de la CFM pour l'admission et le réexamen des médicaments constitue, de longue date, un enjeu central du dossier. Face à l'augmentation des tâches et à la complexité croissante des demandes (cf. plus haut), la mise à disposition de personnel qualifié en nombre suffisant est déterminante pour garantir que les procédures soient menées dans des délais et avec une qualité adéquats (cf. chap. 3.1.3) et que le réexamen triennal des médicaments se déroule conformément aux prescriptions légales (cf. chap. 3.3). En 2014, la CdG-E avait demandé au Conseil fédéral de s'assurer que la CFM et la section compétente de l'OFSP disposent des ressources nécessaires à l'accomplissement de leur mandat (recommandation 3).

La problématique des ressources de l'OFSP s'est toutefois à nouveau posée en 2017 et 2018: face aux retards pris dans le réexamen triennal, l'office a été contraint de procéder à des mesures de priorisation, au détriment de l'admission de nouveaux médicaments (cf. chap. 3.3)52.

Ressources de l'OFSP Les clarifications menées par la CdG-E montrent que le Conseil fédéral a renforcé les ressources de l'OFSP dans ce domaine à plusieurs reprises depuis 2014. Au total, le nombre de collaboratrices et collaborateurs des sections concernées est passé de 11,8 équivalents plein temps (EPT) en 2014 à environ 25 EPT en 2023 (cf. illustra-

52

Cf. Rapports annuels 2017 et 2018 des CdG et de la DélCdG du 30.1.2018 (FF 2018 1991, 2017) et du 28.1.2019 (FF 2019 2689, 2723).

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tion 4, annexe 3)53. Par ailleurs, l'office a procédé en 2019 à une réorganisation de la section consacrée aux médicaments, qui a été divisée en plusieurs sections distinctes54. De l'avis de l'OFSP, cela a permis d'améliorer la focalisation des tâches et l'efficience des processus.

La CdG-E a toutefois constaté que la situation du personnel demeurait tendue même suite au renforcement des ressources: ainsi, en 2020, le DFI a dû procéder à de nouvelles mesures de priorisation et accorder des ressources supplémentaires à la section chargée des réexamens. L'OFSP a estimé qu'au vu de l'augmentation de la charge de travail, un renforcement supplémentaire des ressources devrait être envisagé à terme.

Compétences spécialisées de l'OFSP Face à la CdG-E, les représentants de l'industrie pharmaceutique ont estimé que les compétences spécialisées de l'OFSP dans le domaine des médicaments étaient insuffisantes et que l'office devrait impliquer davantage de spécialistes55. Ils ont également déploré un manque d'anticipation par l'office des évolutions technologiques dans le domaine des médicaments (p. ex. nouvelles thérapies)56.

L'OFSP a indiqué à la CdG-E que l'expertise spécialisée était déjà garantie à plusieurs niveaux dans le processus d'admission et de réexamen des médicaments: premièrement par les pharmaciennes et pharmaciens de l'office chargés d'évaluer les demandes, deuxièmement par l'implication de la CFM et troisièmement par le recours à des experts externes lorsque nécessaire57. L'office a souligné que, dans la grande partie des cas, les retards dans le processus d'admission s'expliquaient par des divergences concernant le critère d'économicité (cf. chap. 3.2.2) et non pas par un manque d'expertise concernant les critères d'efficacité ou d'adéquation. Il s'est toutefois dé-

53

54

55

56

57

Notamment: +2 EPT dès 2016 (modification de l'OAMal et de l'OPAS), +3,5 EPT dès 2018 (modification de la procédure de réexamen triennal), soutien de collaborateurs temporaires externes à hauteur de 3,4 EPT jusqu'à fin 2019, +4 EPT dès 2020, +2,5 EPT pour les années 2021 à 2023 (dans le cadre du renforcement de la division Prestations de l'assurance-maladie). Une grande partie de l'augmentation des ressources a été financée par le biais des émoluments facturés aux fabricants.

Admission des médicaments, réexamen des médicaments, législation sur les prestations.

Selon les informations du DFI, la section consacrée aux évaluations des technologies de la santé (cf. chap. 3.2.3) a, quant à elle, toujours été une section à part entière, agissant indépendamment de l'ancienne section Médicaments et des trois sections lui ayant succédé.

Pour renforcer les compétences spécialisées dans les décisions de l'OFSP, l'industrie conseille «d'impliquer systématiquement dans l'évaluation des demandes d'admission dans la LS des experts cliniques expérimentés dans le domaine thérapeutique en question».

À titre d'exemple, les représentants de l'industrie ont cité le cas des thérapies cellulaires CAR-T, basées sur la modification génétique de cellules issues du système immunitaire et utilisées contre certaines formes de cancer.

L'office a indiqué qu'il consultait régulièrement des experts externes pour l'évaluation des critères d'efficacité et d'adéquation des médicaments, mais aussi pour soutenir les travaux de la CFM. La commission s'est également informée sur les coûts relatifs à l'engagement des experts externes; elle a constaté que ceux-ci étaient demeurés modestes ces dernières années. À titre d'exemple, en 2019, les dépenses pour experts externes ont été de l'ordre de 27 000 francs pour les section Admission des médicaments et Réexamen des médicaments. Le budget prévu pour 2020 était de 40 000 francs.

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claré «volontiers prêt à examiner le recours à davantage de spécialistes» en dialogue avec Swissmedic et l'industrie pharmaceutique58.

L'OFSP a par ailleurs indiqué qu'il avait renforcé, ces dernières années, ses coopérations internationales en matière d'anticipation des évolutions technologiques. L'office participe depuis 2019 à la «International Horizon Scanning Initiative» (IHSI), lancée par plusieurs pays européens afin d'anticiper les évolutions dans le domaine des médicaments59. Il prévoit également de renforcer le dialogue précoce avec Swissmedic et l'industrie pharmaceutique concernant les demandes d'autorisation et d'admission prévues en Suisse (cf. chap. 3.1.5 et 3.1.6).

Les représentants des assureurs-maladie, de leur côté, ont jugé que les compétences spécialisées de l'OFSP s'étaient globalement améliorées ces dernières années. Ils ont néanmoins estimé qu'elles pourraient être renforcées dans le domaine économique.

Composition et compétences spécialisées de la CFM La CFM est composée de 16 membres, dont six médecins et pharmaciens ainsi que divers représentants des acteurs de la santé. Le Conseil fédéral a indiqué à la CdG-E que le recrutement de membres présentant les compétences spécialisées nécessaires représentait un défi à plusieurs égards60. Ainsi, jusqu'à fin 2019, la CFM ne comptait aucun/e oncologue. Face à cette situation, des experts externes ne faisant pas partie de la CFM ont régulièrement été invités aux séances ou consultés au préalable par l'OFSP, pour obtenir l'expérience scientifique requise.

Le Conseil fédéral s'est efforcé de renforcer les compétences spécialisées de la CFM durant ces dernières années. Ainsi, deux oncologues ont rejoint la commission lors de son renouvellement fin 2019. Le Conseil fédéral a néanmoins souligné qu'une représentation exhaustive de toutes les spécialisations médicales au sein de la CFM n'était pas possible. En conséquence, l'OFSP et la commission continueront à recourir à des experts externes lorsque nécessaire. Le Conseil fédéral a par ailleurs cité diverses mesures prises pour améliorer l'efficience des travaux de la CFM (cf. chap. 3.1.1).

Au vu de l'augmentation du nombre de demandes et de leur complexité, la CdG-E a demandé au Conseil fédéral, en 2020, si le modèle d'une commission extraparlementaire dans le domaine des médicaments
était, de son point vue, toujours adapté61. Le Conseil fédéral a indiqué que ce modèle, «qui permet aux acteurs politiques et aux experts impliqués d'exprimer leurs points de vue et d'apporter leurs connaissances», continuait de se justifier selon lui62. Il a reconnu que l'expertise scientifique faisait parfois défaut au sein de la CFM, que les ressources de la commission sont limitées et que les membres font face à un surcroît de travail considérable. Il estime néanmoins que le recours à des experts externes doit permettre de combler ces faiblesses. Selon l'OFSP, une augmentation supplémentaire du nombre de séances de la CFM ne ren58 59 60

61 62

Audition de l'OFSP du 4.7.2022.

www.ihsi-health.org (consulté le 14.8.2023). Les pays concernés sont la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Autriche.

Notamment en raison du respect des critères de langue et de sexe pour la composition de la CFM, mais aussi du dédommagement modeste des membres au regard du temps de préparation nécessaire; lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 22.5.2019 (non publiée).

Cette question avait déjà été soulevée par la CdG-E dans l'inspection de 2014.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 7.10.2020 (non publiée).

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forcerait pas l'efficacité du processus, l'élément déterminant étant avant tout la bonne préparation des dossiers à l'intention de la commission.

Les représentants des assureurs-maladie ont estimé que la préparation des travaux de la CFM s'était professionnalisée ces dernières années. Ils ont notamment salué la structuration des propositions par l'OFSP et la formulation de questions spécifiques à l'intention des membres.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée aux chap. 4.2.2 et 4.3.

3.1.3

Durée de la procédure d'admission

L'une des principales critiques exprimées par les représentants de l'industrie pharmaceutique porte sur la durée de la procédure d'admission de nouveaux médicaments.

L'industrie déplore que le délai légal de 60 jours prévu à l'art. 31b OPAS ne soit pas respecté, que les retards en la matière s'aggravent63 et que le nombre de demandes en suspens augmente64, empêchant les patients de bénéficier d'un accès rapide aux médicaments innovants65. Elle critique la lenteur des processus et appelle de ses voeux la mise en place d'échéanciers contraignants et de processus davantage prévisibles.

Face à ces critiques, l'OFSP a reconnu que les délais prévus par l'OPAS n'étaient pas respectés dans un grand nombre de cas et que le nombre de demandes en suspens était élevé66. Il a toutefois fait valoir à ce propos les arguments suivants67: ­

63

64 65

66 67

Le délai de 60 jours prévu par l'OPAS ne s'applique que pour les demandes déposées auprès de l'OFSP avec un préavis d'approbation de Swissmedic (en-

Selon les chiffres de l'industrie (cf. illustration 5, annexe 3), en 2021, la durée médiane du processus d'admission (toutes préparations confondues) était de 267 jours et seules 6 % des demandes ont pu être traitées dans le délai légal de 60 jours, tandis que 34 % étaient traitées dans un délai de plus d'une année. Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont laissé entendre que les retards s'étaient encore aggravés en 2023 (durée médiane de 306 jours entre l'autorisation de mise sur le marché et l'admission dans la LS pour la période janvier-octobre 2023, selon les calculs de l'industrie). L'industrie affirme que les chiffres ci-dessus concernent uniquement les produits pour lesquels la demande d'admission a été soumise avec le préavis.

Selon les chiffres de l'industrie, en 2021, le nombre cumulé de demandes en suspens s'élevait à 213.

Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, le DFI a fait valoir que la statistique présentée par l'industrie pharmaceutique «n'est pas correcte» et qu'elle comporte un «grave biais». Le département souligne que l'art. 31b OPAS «ne s'applique qu'aux demandes soumises avec préavis, et encore ne concerne que le temps imparti à l'OFSP pour le traitement des demandes. La statistique de l'industrie pharmaceutique englobe par contre toutes les demandes et comptabilise aussi le temps dont les entreprises pharmaceutiques ont eu besoin. Or faute d'avoir été déposées avec préavis, la plupart des demandes n'entrent pas dans le champ de l'art. 31b OPAS.» Selon les chiffres de l'OFSP, 75 en 2019, 81 en 2020 et 96 pour le 1er semestre 2021.

Auditions de l'OFSP du 12.10.2020 et du 23.8.2021, Courriel de l'OFSP à la CdG-E du 2.11.2020 (non publié), fiche d'information de l'OFSP du 23.8.2021 (non publiée).

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viron un tiers des cas68). Celles-ci sont traitées en priorité. Sur la base d'une analyse de ses propres données, l'OFSP indique qu'il a traité, en 2020 et 2021, environ 60 % des demandes de ce type dans le délai légal (cf. illustration 2 ci-dessous)69. Par ailleurs, le délai de 60 jours doit être respecté «en règle générale», mais n'est pas contraignant. Enfin, le DFI a souligné que le délai de 60 jours ne concerne que le temps imparti à l'OFSP pour le traitement des demandes, et non celui dont les entreprises ont besoin.

Illustration 2 Nombre de demandes traitées par l'OFSP dans les 60 jours suivant l'autorisation de Swissmedic

Source: OFSP

68

69 70

­

Pour plus de 90 % des demandes en suspens, les retards s'expliquent par des divergences concernant le critère de l'économicité, dues à «des exigences élevées en matière de prix» de la part de l'industrie (cf. chap. 3.2.2)70. Les autres motifs de retard, selon l'office, sont notamment le caractère incomplet des données, l'augmentation du nombre de demandes et la plus grande complexité des traitements.

­

L'OFSP indique qu'il communique aux entreprises, pour toutes les demandes, son évaluation sur les critères EAE dans les 60 jours et qu'il pourrait dans tous Lors de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips et Intergenerika) ont contesté les affirmations de l'OFSP sur ce point: selon elles, «la plupart des demandes d'admission susceptibles d'être déposées avec un préavis d'autorisation [...] sont déposées précocement par les titulaires d'autorisations avec le préavis de Swissmedic.» Soit davantage que les années précédentes (p. ex. 33,3 % en 2017 et 39,1 % en 2018).

Selon l'analyse du CDF, les négociations sur les prix entre l'OFSP et l'industrie représentent jusqu'à 80 % de la durée de la procédure d'admission.

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les cas rendre une décision dans ce même délai; néanmoins, il devrait alors refuser de nombreuses demandes au motif d'un manque de rentabilité, ou accepter des prix qu'il juge trop élevés. Considérant qu'un tel refus ne serait dans l'intérêt ni des entreprises ni des patients, l'office poursuit les négociations afin de trouver des solutions permettant une admission dans la LS tout en tenant compte des impératifs liés à l'efficacité et aux coûts de la santé71.

L'OFSP est d'avis que sa performance concernant la procédure d'admission est bonne en comparaison internationale. À ce propos, il a mentionné une étude réalisée en 2022 selon laquelle la Suisse se classerait en troisième position en Europe en ce qui concerne la durée entre l'autorisation et la prise en charge des médicaments vitaux72. Le CDF est arrivé à la conclusion que les délais de traitement de l'OFSP étaient «tout à fait compétitifs sur le plan international»73. Enfin, selon les chiffres de l'office, le nombre de décisions prises et de demandes approuvées étaient en augmentation ces dernières années74.

Les informations collectées par la CdG-E montrent par ailleurs que les entreprises pharmaceutiques portent aussi une part de responsabilité dans le délai d'admission des médicaments. Ainsi, selon l'OFSP et le CDF, une majorité des demandes ne sont déposées auprès de l'OFSP qu'après l'autorisation de Swissmedic (alors que le dépôt est possible dès le préavis de Swissmedic)75; cet état de fait est toutefois contesté par l'industrie pharmaceutique76. Par ailleurs, il ressort des informations de l'OFSP qu'une partie des demandes en suspens sont considérées comme «inactives», c'est-à71

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76

Les données collectées par l'OFSP montrent que la durée médiane des procédures est plus longue pour les médicaments les plus coûteux (50,5 jours pour le groupe des médicaments inférieurs à 50 000 francs, 87 jours pour ceux supérieurs à 100 000 francs).

Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA): Patients W.A.I.T. (Waiting to Access Innovative Therapies) Indicator 2022 Survey, www.efpia.eu > media (consulté le 23.8.2023). Selon cette étude, la durée médiane entre l'autorisation et la prise en charge en Suisse serait de 148 jours et la durée moyenne de 249 jours (cf. annexe 3, illustrations 6 et 7). Seuls l'Allemagne et le Danemark ­ où les entreprises sont autorisées à fixer elles-mêmes leurs prix initiaux ­ présenteraient des durées plus courtes.

Audition du CDF du 15.5.2023.

Selon les chiffres de l'OFSP de novembre 2023, le nombre de décisions émises par mois en moyenne est passé de 9,67 en 2020 à 12,67 en 2022. Le nombre de demandes acceptées est passé de 94 en 2019 à 120 en 2020.

Selon le CDF (rapport «Audit du processus d'autorisation et de remboursement des médicaments» du CDF du 2.10.2023, publication prévue pour début 2024), les entreprises déposeraient leur demande auprès de l'OFSP en médiane 100 jours après le préavis d'autorisation de Swissmedic. Le CDF et l'OFSP ont également souligné que les demandes d'autorisation étaient souvent déposées auprès de Swissmedic bien plus tard qu'auprès d'autres autorités internationales (p. ex. agence européenne ou américaine des médicaments). Cette problématique est désignée par le terme «submission gap».

Selon l'OFSP, cela signifie que «l'autorisation et la prise en charge en Suisse ne sont pas une priorité pour les entreprises actives à l'échelle internationale, qui privilégient d'autres pays».

Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont jugé que cette évaluation n'était pas plausible: «D'après nos informations, la plupart des demandes d'admission susceptibles d'être déposées avec un préavis d'autorisation (nouvelles substances actives et nouvelles indications) sont déposées précocement par les titulaires d'autorisations avec le préavis de Swissmedic.»

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dire que les entreprises n'ont plus fait de déclaration à l'OFSP depuis plus de 6 mois ou ont retiré leur demande77. Enfin, selon l'OFSP, une partie de la durée du processus est à imputer aux délais de traitement du côté de l'industrie (p. ex. lors de demandes de précisions)78.

L'industrie a appelé de ses voeux le développement de procédures d'admission accélérées (fast track), sur le modèle de celles proposées par Swissmedic pour les médicaments répondant à un besoin médical élevé. L'OFSP a indiqué que, d'ores et déjà, les demandes bénéficiant d'une procédure accélérée chez Swissmedic étaient également traités de manière prioritaire par l'office79, moyennant un émolument supplémentaire et pour autant que les critères EAE soient remplis80. Les représentants de l'industrie ont néanmoins estimé que des efforts supplémentaires étaient nécessaires et que l'office devrait mettre en place une procédure accélérée spécifique et plus flexible. Le CDF a lui aussi recommandé une plus grande harmonisation entre l'OFSP et Swissmedic en ce qui concerne les procédures accélérées et leur périmètre d'application.

Les représentants des assureurs-maladie, de leur côté, ont estimé face à la CdG-E que la procédure d'admission en Suisse était rapide en comparaison internationale et ont relevé que des améliorations avaient été apportées ces dernières années. Ils ont souligné qu'une accélération ne pouvait toutefois pas se faire au détriment de l'examen des critères EAE et que l'OFSP devait absolument prendre ceux-ci au sérieux, même si le processus s'en trouvait quelque peu allongé.

L'OFSP a souligné sa volonté d'améliorer la procédure d'admission et a évoqué plusieurs mesures visant à raccourcir les délais de traitement, notamment le renforcement des ressources (cf. chap. 3.1.2), l'échange d'informations avec Swissmedic (cf. chap. 3.1.5), le renforcement du dialogue précoce avec les entreprises (cf.

chap. 3.1.6), l'introduction de modèles de prix (cf. chap. 3.4.3) et la clarification des modalités de la prise en charge des médicaments dans des cas particuliers (cf.

chap. 3.4.4).

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.2.

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80

Selon les chiffres de l'OFSP (prenant en considération la période d'octobre 2019 à octobre 2022), les demandes étaient réparties de la manière suivante en février 2023: 47 demandes retirées (le dossier a été clos en raison d'une réponse de l'entreprise pharmaceutique ou l'OFSP a communiqué au titulaire d'autorisation que le dossier était considéré comme clos), 28 demandes en suspens ou «inactives» (pour lesquelles le titulaire d'autorisation ne s'est pas manifesté depuis plus de trois mois) et 67 demandes ouvertes et «actives».

Lettre de l'OFSP à la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E du 19.6.2023 (non publiée). Selon les chiffres de l'office, les délais médians de traitement des demandes par l'OFSP étaient de 48 jours en 2020 et de 52 jours en 2021. De leur côté, les entreprises pharmaceutiques ont mis en moyenne 35 jours en 2020 et 56 jours en 2021.

Dans ce cas, les demandes peuvent être déposées jusqu'à 30 jours avant la séance de la CFM (au lieu de 60) et les communications de l'OFSP parviennent aux titulaires 14 jours après la séance (au lieu de 30).

L'office a précisé à ce propos que «si les demandes dans le cadre de la procédure fast track remplissent les critères EAE, le remboursement est possible dès le premier jour de l'autorisation de Swissmedic (p. ex. médicaments pour le traitement de l'hépatite C).

Malheureusement, les revendications de prix élevées sont de plus en plus à l'origine des retards significatifs observés lors de demandes dans le cadre de la procédure fast track.»

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3.1.4

Transparence de la procédure d'admission

En 2014, la CdG-E avait demandé au Conseil fédéral d'examiner comment les étapes de la procédure et de la décision d'admission pourraient être mieux documentées et communiquées au public intéressé et que l'OFSP justifie suffisamment les décisions qui s'écartent des appréciations de la CFM (recommandation 6)81. En 2015, la commission s'était félicitée de la volonté du Conseil fédéral d'améliorer la transparence de la procédure d'admission.

Lors du contrôle de suivi, la CdG-E a constaté que diverses mesures en ce sens ont été prises par le Conseil fédéral depuis lors. En ce qui concerne les admissions dans la LS, les extensions des indications ou les modifications des limitations, l'OFSP publie depuis 2015 sur son site Internet les bases de l'évaluation de l'efficacité et de l'adéquation, de la CT et de la prime à l'innovation, ainsi que, depuis 2017, le résultat de la CPE82. La durée des admissions temporaires est également publiée. Selon le Conseil fédéral, ces mesures ont permis d'améliorer l'égalité de traitement entre titulaires d'autorisation83 et de renforcer la crédibilité de l'OFSP.

Le Conseil fédéral a fait part à la CdG-E, dès 2019, de sa volonté de renforcer également la transparence relative au réexamen triennal des médicaments, face à l'intérêt exprimé à ce propos de la part de divers acteurs84. De son point de vue, cette mesure permettrait de «montrer que l'office procède aux réexamens de manière uniforme et dans le respect des bases juridiques»85. Une proposition en ce sens86 ­ ainsi que diverses autres mesures de renforcement de la transparence87 ­ ont été inclues dans un projet de révision de l'OAMal et de l'OPAS adopté par le Conseil fédéral en septembre 202388.

En parallèle toutefois, le Conseil fédéral a indiqué qu'il souhaitait recourir davantage à l'avenir à l'instrument des modèles de prix confidentiels pour les médicaments onéreux (cf. à ce propos chap. 3.4.3). Une proposition de modification de la LAMal à ce sujet, qui prévoit notamment que les modèles de prix ne soient pas soumis à la loi sur

81 82 83 84

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87

88

La CdG-E avait également prié le Conseil fédéral de communiquer les décisions d'admissions temporaires de médicaments de manière transparente (recommandation 4).

Art. 71 OAMal. En cas de recours contre une de ses décisions, l'OFSP publie également le nom du médicament concerné.

À ce propos, l'OFSP a relevé que «ce sont surtout les titulaires d'autorisation qui s'intéressent aux publications (concernant les préparations de la concurrence)».

Notamment entreprises concurrentes et assureurs-maladie. À ce propos, le Conseil fédéral a souligné que le nombre de demandes basées sur la loi sur la transparence portant sur les réexamens des médicaments avait augmenté depuis 2017.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 7.10.2020 (non publiée).

Nouvel art. 71 OAMal. Publication des bases décisionnelles concernant l'évaluation du caractère économique et ­ si celle-ci ont été réévaluées ­ de l'efficacité et de l'adéquation.

Nouvel art. 71 OAMal. Notamment: publication des demandes reçues, publication des demandes et décisions relatives aux hausses de prix, publications des bases décisionnelles pour les refus et les radiations de médicaments.

Le Conseil fédéral favorise les génériques et l'accès aux médicaments vitaux, communiqué de presse du Conseil fédéral du 22.9.2023.

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la transparence (LTrans)89, est actuellement traitée par le Parlement. Face à la commission, le Conseil fédéral a reconnu que de tels modèles impliquaient une réduction de la transparence, mais a souligné que ceux-ci étaient couramment utilisés à l'étranger et qu'il n'était plus possible de garantir l'accès à certains nouveaux traitements efficaces à des prix économiques sans appliquer ceux-ci en Suisse également90. Dans un souci de maîtrise des coûts et pour garantir la sécurité de l'approvisionnement, la Suisse est donc, selon le Conseil fédéral, contrainte de s'aligner sur les pratiques exercées à l'étranger91. En contrepartie, le Conseil fédéral a indiqué qu'il souhaitait renforcer encore la transparence relative aux bases décisionnelles de l'OFSP via une modification des ordonnances (cf. paragraphe précédent)92.

Le Conseil fédéral a également souligné face à la CdG-E que la Suisse s'engageait au sein des instances internationales et dans ses contacts bilatéraux en faveur d'une transparence accrue en matière de fixation des prix des médicaments. Il a notamment cité une résolution adoptée en ce sens en mai 2019 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS)93.

Face à la CdG-E, les représentants des assureurs-maladie ont regretté le manque de transparence concernant l'actuel processus de fixation des prix par l'OFSP (cf.

chap. 3.2.2) et les négociations menées par l'office avec l'industrie pharmaceutique.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.2.

3.1.5

Collaboration de l'OFSP avec Swissmedic

La CdG-E s'est informée plus en détail sur la collaboration entre l'OFSP et Swissmedic dans le cadre de leurs procédures respectives d'autorisation et d'admission des médicaments (cf. chap. 2). Face à la commission, les représentants des deux entités ont qualifié leur collaboration de «très bonne, étroite et continue»94. Depuis 2019, la LPTh permet un échange de données facilité entre Swissmedic et l'OFSP95.

Les deux institutions ont souligné leur volonté de renforcer et d'optimiser leur collaboration à l'avenir. À ce propos, trois principales mesures ont été évoquées: la participation de l'OFSP aux rencontres préalables organisées par Swissmedic avec l'industrie («pipeline meetings»), le renforcement du dialogue précoce de l'OFSP avec 89 90

91

92 93 94 95

Loi fédérale du 17.12.2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (Loi sur la transparence, LTrans; RS 152.3).

L'OFSP a expliqué à la commission que la politique de transparence des prix appliquée en Suisse dissuadait les entreprises pharmaceutiques de déposer des demandes relatives à des médicaments innovants.

Selon le Conseil fédéral, les modèles de prix seront nécessaires en Suisse «aussi longtemps que le système de fixation des prix, tel qu'il est pratiqué à l'échelle internationale, sera fondé sur des conventions confidentielles».

Message du Conseil fédéral du 7.9.2022 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (FF 2022 2427), en particulier chap. 4.1.4.

OMS: Améliorer la transparence des marchés de médicaments, de vaccins et d'autres produits sanitaires, résolution de la 72e Assemblée mondiale de la santé du 28.5.2019.

Audition du DFI, de l'OFSP et de Swissmedic du 12.10.2020.

Art. 63 LPTh. Dans son rapport de 2014, la CdG-E avait constaté que l'OFSP n'avait pas accès aux rapports établis par Swissmedic lors de la procédure d'autorisation.

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les entreprises sur le modèle de Swissmedic (cf. aussi chap. 3.1.6) et l'amélioration de l'échange d'informations entre les deux entités96. Les deux dernières mesures ont été concrétisées dans une révision de l'OAMal et de l'OPAS adoptée par le Conseil fédéral en septembre 202397.

Face à la commission, les représentants de l'industrie pharmaceutique ont laissé entendre que l'OFSP remettrait en question l'appréciation de Swissmedic concernant l'efficacité de certains médicaments98. À ce propos, l'OFSP a expliqué que les deux entités ­ au regard de leur rôle légal différent ­ se fondaient sur des bases distinctes pour leur examen99, raison pour laquelle il était possible qu'elles arrivent parfois à des appréciations divergentes. Il a néanmoins souligné la volonté commune de l'office et de l'institut de renforcer leur collaboration sur les points où des synergies existent.

Les représentants des assureurs-maladie, de leur côté, ont jugé que l'approche différenciée de l'évaluation de l'efficacité par Swissmedic et l'OFSP était pertinente.

Les représentants de l'industrie pharmaceutique ont par ailleurs formulé des propositions visant à ce que le processus d'admission dans la LS soit mené par l'OFSP parallèlement au processus d'autorisation de Swissmedic (et non plus seulement après le préavis de l'institut), afin que les patients puissent bénéficier d'une prise en charge des médicaments innovants par l'AOS dès le premier jour de leur autorisation par Swissmedic, si besoin sur la base d'un prix provisoire100. Le CDF a également estimé qu'une parallélisation des processus, combinée à la fixation de prix provisoires, pourrait contribuer à une réduction des délais de traitement. Pour les représentants des assureurs-maladie, les prix provisoires pourraient constituer une piste de solution; ils ont toutefois souligné que la fixation de tels prix constituerait un défi101.

En 2022, l'OFSP a indiqué à la CdG-E qu'il était disposé à étudier, en collaboration avec l'industrie, la mise en place de projets pilotes prévoyant une initialisation plus précoce du processus pour les médicaments répondant à un besoin élevé, tout en soulignant qu'un tel modèle soulevait diverses questions102. En 2023, il a informé la com96

L'OFSP et Swissmedic ont notamment souligné leur volonté de renforcer leur collaboration sur les questions de protection des données, au regard du fait que les entreprises divulguent des informations différentes à l'office et à l'institut.

97 Le Conseil fédéral favorise les génériques et l'accès aux médicaments vitaux, communiqué de presse du Conseil fédéral du 22.9.2023. La révision inclut un nouvel art. 82, al. 1, OMéd visant à simplifier l'échange précoce de documents entre Swissmedic et l'OFSP.

En ce qui concerne le dialogue précoce avec les entreprises, cf. chap. 3.1.6.

98 Selon les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika), «il est souhaitable que l'OFSP reprenne les décisions de Swissmedic relatives à l'efficacité».

99 Swissmedic évalue l'efficacité d'un médicament en comparaison avec un placebo, tandis que l'OFSP l'évalue par rapport aux autres médicaments comparables déjà remboursés.

100 Cf. à ce propos annexe 3, illustrations 8 et 9. Un tel processus impliquerait, selon l'industrie pharmaceutique, «une meilleure planification des ressources par l'OFSP et un dialogue précoce systématique entre l'office, les entreprises et Swissmedic». Il inclurait par ailleurs un système de remboursement provisoire sur la base de modèles de prix souples avant la fixation par l'OFSP du remboursement définitif.

101 À ce sujet, ils ont suggéré que le prix provisoire pourrait être établi sur la base d'un algorithme.

102 Selon l'office, il est notamment «important de veiller à ce que de telles propositions ne conduisent pas à une consolidation de prix excessivement élevés, qui ne sont pas ceux effectivement remboursés à l'étranger, pendant de nombreuses années».

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mission qu'un premier essai pilote avait pu être mené avec succès et que d'autres étaient prévus103. Il a annoncé que le processus correspondant serait intégré aux adaptations en cours des ordonnances sur les médicaments, afin qu'à partir du 1er janvier 2024, des demandes d'accès rapide puissent être déposées pour tous les médicaments répondant à des besoins médicaux importants. La modification correspondante («accès anticipé») a été adoptée par le Conseil fédéral en septembre 2023104.

En parallèle, le Conseil national a décidé en automne 2023 d'ajouter dans la LAMal un nouvel article permettant une admission des médicaments répondant à un besoin médical important dès le premier jour de leur autorisation par Swissmedic, sur la base de prix provisoires105. Cette proposition sera traitée par le Conseil des États en 2024.

L'OFSP a par ailleurs souligné à plusieurs reprises que l'option de la prise en charge de médicaments par l'AOS dans des cas particuliers (art. 71a à 71d de l'OAMal) permettait déjà de garantir, si nécessaire, un remboursement des médicaments avant même leur autorisation par Swissmedic (cf. à ce sujet chap. 3.4.4). L'industrie pharmaceutique s'est néanmoins montrée critique vis-à-vis de cette option.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée aux chap. 4.2.2 et 4.3.

3.1.6

Collaboration de l'OFSP avec l'industrie pharmaceutique et les assureurs-maladie

Les échanges de l'OFSP avec l'industrie pharmaceutique et les assureurs-maladie jouent un rôle central dans la procédure d'admission et de réexamen des médicaments.

La CdG-E a recueilli l'appréciation des acteurs concernés sur ce point. Elle a constaté, à ce sujet, des divergences de vues fondamentales entre l'office et l'industrie.

L'OFSP a jugé que les échanges avec l'industrie s'étaient améliorés au cours des dernières années. Il a indiqué à la commission que des rencontres régulières avaient lieu

103

Selon l'office, «le succès de cet essai pilote a démontré qu'un échange de données transparent entre l'OFSP, Swissmedic et l'entreprise pharmaceutique ainsi que l'utilisation des modèles de prix permettent d'accélérer encore davantage le remboursement des médicaments vitaux, si la demande est déposée plus tôt, avant même le préavis d'approbation».

104 Le Conseil fédéral favorise les génériques et l'accès aux médicaments vitaux, communiqué de presse du Conseil fédéral du 22.9.2023. Nouveaux art. 69a et 70b OAMal et art. 31d OPAS. Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont indiqué en octobre 2023 qu'elles n'avaient pas connaissance d'autres essais pilotes. Elles se sont également montrées critiques par rapport aux modifications apportées aux ordonnances: «Bien que l'industrie pharmaceutique soit explicitement favorable à l'introduction d'un dialogue précoce (early dialogue), elle estime que les mesures décidées dans le cadre de la révision de l'OAMal sont insuffisantes pour accélérer durablement le processus d'admission dans la LS.» 105 Nouvel art. 52d LAMal. Cette proposition a été ajoutée par le Conseil national dans le cadre du 2e volet du projet de révision de la LAMal visant à maîtriser les coûts de la santé.

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avec les associations faîtières106 et les entreprises, lors desquelles les questions relatives aux processus sont abordées. Il a fait part de sa volonté de renforcer et systématiser ces contacts, en introduisant la possibilité d'un dialogue précoce («early dialogue») sous forme d'entretiens de clarification avant le dépôt des demandes, sur requête de l'entreprise concernée. Selon l'OFSP, ces échanges doivent permettre d'«améliorer l'efficacité du processus en évitant de nombreux échanges d'écritures»107. Les modifications d'ordonnances correspondantes ont été adoptées par le Conseil fédéral en septembre 2023108. L'office prévoit également de participer aux réunions entre Swissmedic et l'industrie («pipeline meetings») (cf. chap. 3.1.5).

Les représentants de l'industrie pharmaceutique, de leur côté, ont présenté à la commission une appréciation très critique concernant leurs échanges avec l'OFSP. De leur point de vue, le dialogue entre l'office et les entreprises ne serait pas suffisant et une «culture de la discussion» ferait défaut. Ils considèrent que les réunions avec l'OFSP constituent plutôt une présentation des positions respectives ou une transmission unilatérale d'informations de la part de l'office. Par ailleurs, selon eux, ces réunions seraient annoncées de manière trop tardive, ne laissant pas la possibilité de s'y préparer correctement. Ils ont salué la volonté de l'OFSP d'introduire un dialogue précoce, mais estiment que celui-ci devrait être réalisé de manière systématique.

En réponse à ces critiques, la directrice de l'OFSP a souligné que l'office s'efforçait de trouver des solutions en dialogue avec l'industrie pour encourager la mise à disposition de nouveaux médicaments innovants, mais a rappelé qu'il devait également tenir compte des enjeux liés aux coûts de la santé, à l'accès équitable aux soins et à l'approvisionnement du pays. Elle a indiqué que l'office avait déjà fait de nombreuses concessions envers l'industrie109 et a regretté le manque d'ouverture de cette dernière dans la négociation des prix (cf. à ce sujet chap. 3.2.2). Le CDF, de son côté, a estimé que l'OFSP avait déjà entrepris un certain nombre de démarches pour faciliter les échanges avec les milieux pharmaceutiques, tout en soulignant qu'il était important que l'office préserve son indépendance110.

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109 110

L'OFSP a notamment évoqué un échange institutionnalisé, organisé deux fois par année, avec Interpharma et l'organisation Vips (Vereinigung Pharmafirmen in der Schweiz, Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse).

Audition de l'OFSP du 4.7.2022. L'OFSP a fourni à ce propos les précisions suivantes: «Ce dialogue précoce est soumis au paiement d'un émolument et prend la forme d'une rencontre entre l'OFSP et le titulaire de l'autorisation, lors de laquelle le titulaire présente de manière condensée la demande qu'il entend déposer; il doit notamment s'exprimer sur ses prétentions en matière de prix et sur les modalités de fixation de prix [...]. Ensuite, l'OFSP doit fournir une première évaluation non contraignante à propos de la demande envisagée, sans toutefois effectuer un examen EAE. Ainsi, l'OFSP peut, déjà avant le dépôt de la demande, fournir une évaluation concernant les questions en suspens ainsi que les défis et problèmes susceptibles de se poser au titulaire de l'autorisation. L'idée sousjacente est que la demande qui sera déposée ultérieurement tienne déjà compte de l'appréciation préalable de l'OFSP. Dans l'idéal, cette mesure devrait permettre de réduire les discussions fastidieuses avec les titulaires d'autorisation après le dépôt de la demande et donc de diminuer la durée de traitement de la demande, d'où un gain en efficacité.» Le Conseil fédéral favorise les génériques et l'accès aux médicaments vitaux, communiqué de presse du Conseil fédéral du 22.9.2023. Nouveaux art. 69a et 70b OAMal et 31d OPAS.

Notamment avec le développement des modèles de prix et la mise en place de «prix de vitrine».

Audition du CDF du 15.5.2023.

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Les assureurs-maladie ont jugé «très bonne» leur intégration au processus dans le cadre de la CFM et ont salué la professionnalisation des travaux de la commission ces dernières années. Ils ont en outre salué, sur le principe, le développement du dialogue précoce entre l'OFSP et l'industrie.

Plusieurs acteurs interrogés par la CdG-E111 s'accordent sur le fait qu'une amélioration du processus d'admission et de réexamen des médicaments ne sera possible qu'avec un effort conjoint de l'ensemble des acteurs impliqués. De l'avis des représentants de l'industrie pharmaceutique, tous les partenaires poursuivent un objectif commun, à savoir celui d'un «système de santé sain et performant, dans lequel l'approvisionnement en médicaments est garanti». Dans ce contexte, ils estiment nécessaire de «se réunir pour trouver un consensus et des solutions viables» et ont souligné leur volonté de proposer des mesures en ce sens112. La directrice de l'OFSP s'est montrée confiante quant au fait que des améliorations pourraient être trouvées sur la base d'un dialogue constructif. L'OFSP a toutefois souligné que les éventuelles modifications des lois et ordonnances devaient se faire en incluant l'ensemble des acteurs concernés, et pas uniquement l'industrie.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée aux chap. 4.2.2 et 4.3.

3.2

Évaluation de l'efficacité, de l'adéquation et de l'économicité des médicaments

L'évaluation des critères EAE (cf. chap. 2 et annexe 2) constitue, sur le plan matériel, l'élément central de la procédure d'admission et de réexamen des médicaments. Dans deux postulats déposés en marge de son inspection de 2014, la CdG-E avait prié le Conseil fédéral d'examiner l'opportunité de préciser et de compléter les critères utilisés pour évaluer l'efficacité et l'adéquation (Po. 14.3295)113 et d'examiner l'optimisation des critères d'évaluation de l'économicité (Po. 14.3296)114.

111 112

Notamment industrie pharmaceutique, Swissmedic et CDF.

Les représentants de l'industrie ont cité à ce sujet la mise en place, par l'industrie, d'un «radar» visant à informer l'OFSP des demandes prévues pour les mois et années à venir, afin de faciliter la planification des ressources. Cette mesure faisait suite à une demande de l'OFSP.

113 Po. CdG-E Admission et réexamen des médicaments figurant sur la liste des spécialités (1) du 14.5.2014 (14.3295).

114 Po. CdG-E Admission et réexamen des médicaments figurant sur la liste des spécialités (2) du 14.5.2014 (14.3296).

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3.2.1

Bases légales et autres prescriptions

Les principes directeurs de l'examen des critères EAE sont fixés aux art. 32 et 33 de la LAMal, aux art. 65 à 65g de l'OAMal115 et aux art. 32 à 37b de l'OPAS116. Les dernières modifications importantes des bases légales remontent à 2017117. Les modalités détaillées de l'examen figurent dans les Instructions de l'OFSP concernant la LS, dont la dernière version date également de 2017118.

L'évaluation des critères EAE (et plus particulièrement du critère d'économicité) fait régulièrement l'objet de décisions du Tribunal administratif fédéral et du Tribunal fédéral, qui ont un impact sur la pratique de l'OFSP119. L'office adresse plusieurs fois par année des circulaires et lettres d'information à l'industrie pharmaceutique et aux assureurs-maladie informant sur les modifications ou précisions de la procédure120.

La CdG-E a constaté lors de son contrôle de suivi que l'OFSP avait oeuvré, au cours des dernières années, à concrétiser l'évaluation des critères EAE. L'office a en particulier établi une «évaluation opérationnalisée en fonction des critères EAE», appliquée dès la rédaction de la fiche d'information à l'intention de la CFM. À cet effet, l'OFSP a publié en 2022 un document de base intitulé «Opérationnalisation des critères EAE»121, qui fixe des lignes directrices et des questions pour l'évaluation des trois critères122. Selon le Conseil fédéral, cette manière de procéder doit permettre d'apprécier les demandes «sur la base des données factuelles»123.

Face à la CdG-E, les représentants de l'industrie pharmaceutique ont critiqué le manque de clarté des règles pour l'admission et le réexamen des médicaments. Ils ont estimé que les critères correspondants n'étaient pas consignés de manière transparente et que l'OFSP disposait d'une trop grande marge de manoeuvre pour la fixation des prix, lui permettant de modifier les modalités de son examen de manière arbitraire (cf.

à ce sujet aussi chap. 3.2.2). Par ailleurs, selon les représentants de l'industrie, les différents niveaux normatifs concernant l'admission des médicaments ne seraient pas coordonnés entre eux, voire contradictoires, et la pratique en vigueur serait modifiée en permanence, sans être ni consignée systématiquement ni publiée de manière trans115 116 117 118 119 120

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122

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L'art. 65a OAMal porte sur l'efficacité et les art. 65b-c portent sur l'économicité.

L'art. 32 OPAS porte sur l'efficacité, l'art. 33 sur l'adéquation et les art. 34abis à 37b sur l'économicité.

Des modifications ponctuelles de l'art. 34b OPAS ont encore été effectuées en 2023.

OFSP: Instructions concernant la liste des spécialités (LS), valables dès le 1.5.2017.

Celles-ci précisent notamment les modalités de la CT et de la CPE.

P. ex. arrêt C-5955/2019 du Tribunal administratif fédéral (TAF) du 28.1.2022, arrêt 9C_572/2015 du TF du 22.6.2016, arrêt 9C_417/2015 du TF du 14.12.2015.

À ce sujet, cf. OFSP: Informations sur la liste des spécialités (LS), www.bag.admin.ch > Assurances > Assurance-maladie > Prestations et tarifs > Médicaments (consulté le 1.9.2023).

Opérationnalisation des critères EAE, document de base de l'OFSP du 31.3.2022.

Ce document a remplacé un précédent document de travail datant de 2011. Il a été établi par l'OFSP en collaboration avec les commissions consultatives concernées.

Ce document contient une définition de l'efficacité, de l'adéquation et de l'économicité, des listes de questions pour l'évaluation et l'appréciation des demandes («assessment» et «appraisal») et des principes concernant la formulation de recommandations par la CFM.

Le Conseil fédéral a indiqué que les méthodes appliquées s'inspiraient des principes d'évaluation reconnus à l'international, adaptés au système de santé suisse.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 22.5.2019 (non publiée).

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parente, ce qui poserait problème sur le plan de la sécurité juridique. Enfin, l'industrie estime que les Instructions concernant la LS devraient être actualisées124.

Les représentants de l'OFSP ont fermement rejeté les critiques relatives au manque de clarté et au caractère arbitraire des règles relatives à l'admission et au réexamen.

De leur point de vue, le cadre légal est solide et il a été concrétisé dans les Instructions.

Ils ont reconnu que des modifications de la pratique étaient possibles, notamment en fonction de la jurisprudence, tout en soulignant que l'office s'efforçait d'inscrire les règles de la façon la plus détaillée possible et de les présenter de manière transparente dans les lettres d'information à l'intention des entreprises. L'OFSP a confirmé qu'il disposait d'une marge d'appréciation dans l'évaluation des critères EAE, qui avait été confirmée par les tribunaux et qui, selon lui, est dans l'intérêt des entreprises. Il a également rappelé que les entreprises avaient la possibilité de faire recours contre toutes les décisions125.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.1.

3.2.2

Critère d'économicité

L'évaluation du critère d'économicité126 constitue en règle générale le principal point de désaccord entre l'industrie pharmaceutique et l'OFSP durant la procédure d'admission et de réexamen des médicaments127. Cet aspect joue un rôle déterminant pour la durée de la procédure (cf. chap. 3.1.3)128. L'économicité est évaluée sur la base d'une comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger (CPE) et d'une comparaison avec d'autres médicaments (comparaison thérapeutique, CT), chacune comptant pour moitié.

Mise en oeuvre de l'évaluation du critère d'économicité (CPE et CT) Durant le contrôle de suivi, les représentants de l'OFSP ont indiqué à la CdG-E que l'office était confronté à plusieurs défis lors de l'évaluation de l'économicité: ­

124

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127 128

la difficulté de déterminer le prix adéquat de remboursement pour les traitements complexes, tels que les thérapies oncologiques combinant plusieurs méDans le cadre de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont estimé qu'il était «urgent de publier une nouvelle édition des Instructions concernant la LS».

L'OFSP a souligné que le nombre de recours avait diminué au cours des dernières années, ce qui, selon l'office, montrerait que l'industrie pharmaceutique n'identifie pas d'abus en matière de pouvoir d'appréciation de l'office.

Art. 65b, al. 1 OAMal. Un médicament est réputé économique «lorsqu'il produit l'effet thérapeutique recherché à un coût aussi réduit que possible», c'est-à-dire lorsque «ses tarifs et ses prix sont calculés de façon compréhensible, que son rapport coût-bénéfice, sous l'angle des coûts de santé directs, est favorable par rapport aux solutions alternatives, ou que son surcoût se justifie par une amélioration du bénéfice thérapeutique, et que ses conséquences financières sont supportables pour l'assurance obligatoire des soins». Pour une définition plus détaillée, cf. annexe 2.

L'évaluation des critères d'efficacité et d'adéquation ­ généralement moins disputée ­ n'a pas été spécifiquement approfondie par la CdG-E dans le cadre du contrôle de suivi.

Selon le CDF, les négociations de prix entre l'OFSP et l'industrie représentent environ 80 % de la durée totale du processus d'admission des médicaments.

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dicaments, les thérapies contre les maladies rares ou les préparations à indications multiples129; ­

le fait que les modèles de prix confidentiels pratiqués à l'étranger impliquent des «prix de vitrine» ne correspondant pas au prix réel de remboursement130;

­

les revendications élevées en matière de prix de l'industrie pharmaceutique;

­

la prise en compte des enjeux liés à l'approvisionnement du pays en médicaments;

­

les effets indésirables liés à l'application de la CT pour certaines catégories de médicaments131.

En 2019, l'OFSP a indiqué à la CdG-E que des rencontres avaient été organisées avec l'industrie pharmaceutique et les assureurs-maladie afin de clarifier les questions relatives à la mise en oeuvre de la CPE et de la CT et que le résultat de ces échanges avait été consigné dans les directives de l'office. La CdG-E a en outre relevé que le Conseil fédéral avait précisé à plusieurs reprises, ces dernières années, les dispositions d'ordonnances relatives à la CPE et à la CT132, notamment suite à des décisions de tribunaux. En 2022, le Conseil fédéral a mis en consultation de nouvelles modifications d'ordonnances portant sur la CPE et la CT visant à permettre des économies supplémentaires133; au regard des réactions controversées qu'elles ont suscité, cellesci ont toutefois été abandonnées dans le projet de révision final adopté par le Conseil fédéral en septembre 2023; elles seront «examinées une nouvelle fois lors d'une révision ultérieure»134.

Face à la CdG-E, les représentants de l'industrie pharmaceutique se sont montrés particulièrement critiques concernant l'examen par l'OFSP du critère d'économicité. Selon eux, lors de l'admission et du réexamen des médicaments, l'office se focaliserait de manière unilatérale sur le critère du prix avantageux et négligerait d'autres critères

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C'est-à-dire les médicaments pouvant être utilisés contre des maladies différentes.

Les modalités de la fixation par le DFI des prix pratiqués à l'étranger sont détaillées à l'art. 65b, al. 3 et 4, OAMal et aux art. 34a à 34c OPAS.

Par exemple, selon l'office, «lorsque des médicaments innovants arrivent sur le marché dans des domaines où il n'y a pas eu d'innovation depuis des années et qu'ils sont comparés aux médicaments standard existants, le prix de comparaison peut être trop bas.» Révision de l'OPAS du 29.4.2015 (ajout des art. 34a-c relatifs à la CPE), révision de l'OPAS et de l'OAMal du 1.2.2017 (art. 65b et 65c OAMal, art. 34b OPAS), révision de l'OPAS du 19.4.2023 (art. 34b).

Modification du panel des pays pour la CPE, modification du calcul de la CPE (désormais basée sur la médiane des prix au lieu de la moyenne arithmétique), suppression du critère de protection du brevet pour la formation des groupes de médicaments pour la CT (remplacé par un délai de 15 ans depuis l'autorisation par Swissmedic), modification des règles relatives à la CPE et la CT pour les préparations ayant plusieurs indications et les préparations succédant à une préparation originale. Cf. Améliorer l'accès aux médicaments et l'égalité de traitement des patients, communiqué de presse du Conseil fédéral du 3.6.2022; Mesures dans le domaine des médicaments, fiche d'information de l'OFSP du 3.6.2022.

OFSP: OAMal et OPAS, modifications au 1er janvier 2024. Rapport de l'administration du 15.6.2023 sur les conséquences des modifications, notamment en termes d'économies pour l'assurance obligatoire des soins (AOS).

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comme la qualité, le bénéfice thérapeutique et la sécurité d'approvisionnement135.

Leur principale critique porte sur la réalisation de la CT: les critères pour la constitution des groupes de produits pris en compte ne seraient pas clairs et ces derniers seraient régulièrement modifiés136. Les produits utilisés pour la CT seraient sélectionnés uniquement sur la base de considérations de coûts, sans tenir compte de leur réelle comparabilité en termes d'utilité137. Cette situation rendrait le marché suisse peu attractif pour l'admission de médicaments innovants.

Face à ces critiques, les représentants de l'OFSP ont souligné que le principe de prix avantageux était inscrit dans la LAMal au même titre que la qualité et le caractère approprié des soins138 et qu'il était donc clair ­ au vu de la forte hausse du prix des médicaments ces dernières années ­ que l'attention de l'office devait également se porter sur l'économicité. La directrice de l'office a indiqué à la commission que la mise à disposition de médicaments innovants ne pouvait pas se faire à n'importe quel prix. Elle a déploré la dureté et le manque d'ouverture de l'industrie pharmaceutique dans la négociation des prix139. L'OFSP a par ailleurs rappelé que les pratiques de fixation des prix menées par l'office avaient été confirmées à plusieurs reprises par les tribunaux140. Enfin, l'office a affirmé qu'il portait également une attention particulière à la sécurité de l'approvisionnement de la Suisse en médicaments et qu'il accordait régulièrement, sur cette base, des exceptions en matière de baisse des prix (cf.

aussi chap. 3.3).

Au vu des défis actuels, l'OFSP a indiqué qu'il était en train de clarifier ­ avec le soutien d'experts en économie de la santé ­ si la CPE et la CT constituaient encore des modèles adéquats dans tous les cas, ou si des approches alternatives étaient néces-

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Les représentants de l'industrie ont souligné que la qualité, la sécurité de l'approvisionnement et l'accès aux soins constituaient également des objectifs de la LAMal.

Selon les chiffres de l'industrie, lors du réexamen de 2021, 35 % des produits ont vu leur prix calculé sur la base d'un nouveau panier de comparaison.

Ainsi, selon l'industrie, des nouvelles préparations oncologiques seraient comparées à de très anciennes thérapies rarement utilisées en Suisse. Dans d'autres cas, seules les préparations les moins coûteuses seraient retenues pour la comparaison, sans tenir compte des standards de traitement actuels. Enfin, l'OFSP ne tiendrait pas compte des coûts totaux sur la durée complète du traitement, mais uniquement des coûts directs du médicament. Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont exprimé les critiques supplémentaires suivantes concernant la CPE: «Malgré la suspension, et donc l'absence de base dans l'ordonnance, de l'exclusion de la CPE de l'évaluation du caractère économique d'indications secondaires de produits aux indications multiples, et contrairement à la jurisprudence, l'OFSP continue à la pratiquer. L'industrie pharmaceutique attend que l'OFSP suspende cette pratique jusqu'à nouvelle vérification des faits.» Art. 43, al. 6, LAMal: «Les parties à la convention et les autorités compétentes veillent à ce que les soins soient appropriés et leur qualité de haut niveau, tout en étant le plus avantageux possible.» Selon l'OFSP, le développement du dialogue précoce avec les entreprises (cf. chap. 3.1.6) doit permettre de prévenir les désaccords relatifs au critère d'économicité.

L'OFSP a notamment souligné que, selon la jurisprudence du TF, il n'est pas nécessaire d'effectuer, dans le cadre de la CT, des comparaisons avec toutes les alternatives thérapeutiques possibles, mais que les variantes moins chères peuvent être privilégiées.

L'OFSP a indiqué qu'il se basait généralement, pour la CT, sur les médicaments utilisés comme traitements standard pour les maladies à traiter.

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saires pour la fixation du prix de certains médicaments onéreux141, notamment en lien avec les modèles de prix (cf. chap. 3.4.3). La CdG-E a également abordé avec l'OFSP, l'industrie pharmaceutique et les assureurs-maladie l'option d'introduire des systèmes d'admission précoce incluant la fixation de prix provisoires (cf. chap. 3.1.5).

Les représentants des assureurs-maladie, quant à eux, ont estimé face à la commission que les règles relatives à la CPE et la CT étaient «relativement claires». De leur point de vue, l'OFSP agit de manière adéquate en mettant l'accent sur le critère du prix avantageux prévu par la LAMal et il est approprié que l'office dispose d'une certaine marge d'appréciation. S'ils ont salué le fait que l'OFSP examine d'un oeil critique les revendications de prix émises par l'industrie, ils ont regretté que les négociations débouchent souvent sur des situations de blocage retardant l'admission des médicaments. Ils ont appelé de leurs voeux une meilleure transparence concernant le processus de fixation des prix et les négociations menées par l'office avec l'industrie pharmaceutique. Enfin, ils ont déploré que les assureurs-maladie ne disposent pas d'un droit de recours contre les décisions de prix de l'office142.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.2.

Évaluation du bénéfice thérapeutique des médicaments L'évaluation du bénéfice thérapeutique constitue un élément déterminant pour la fixation du prix des médicaments. L'OAMal prévoit en effet que les médicaments qui apportent un progrès thérapeutique important peuvent bénéficier ­ pendant quinze ans au maximum ­ d'une prime à l'innovation, prise en compte dans le cadre de la CT143.

Par le passé, la CFM était tenue, lors de son appréciation, de classer les médicaments en cinq catégories en fonction de leur progrès thérapeutique144. En 2014, la CdG-E avait demandé au Conseil fédéral d'examiner la pertinence de cette catégorisation et, au besoin, de l'adapter (recommandation 2). Elle avait également demandé au Conseil fédéral de veiller à une application uniforme des instructions concernant la prime à l'innovation et de préciser ses conditions d'octroi (Po. 14.3296).

En 2015, le DFI a décidé de supprimer les catégories de progrès thérapeutique prévues dans l'OAMal. Selon le Conseil fédéral,
«il était apparu [...] que l'application de ces critères de classement n'était pas d'un grand secours pour l'appréciation des critères EAE»145. Désormais, l'OFSP et la CFM fondent leur examen sur l'«évaluation opérationnalisée des critères EAE» et sur le document correspondant, qui fixe des lignes directrices pour l'évaluation et l'établissement de recommandations (cf. chap. 3.2.1).

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En lien notamment avec la mise en oeuvre de la Mo. Dittli «Coûts des médicaments.

Adaptation du système d'autorisation de mise sur le marché et de fixation des prix dans l'assurance de base» du 19.6.2019 (19.3703).

La justice est arrivée à la conclusion que les assureurs-maladie ne disposaient pas d'un tel droit de recours, en raison d'une base légale insuffisante. Les représentants des assureursmaladie ont fait part de leur souhait de bénéficier d'un tel droit, sans effet suspensif.

Art. 65b, al. 7, OAMal Ancien art. 31, al. 3, OPAS. Cet article prévoyait que la CFM classe chaque médicament dans l'une des catégories suivantes: percée médico-thérapeutique, progrès thérapeutique, économie par rapport à d'autres médicaments, aucun progrès thérapeutique ni économie, inadéquat pour l'assurance-maladie sociale.

Lettre du Conseil fédéral à la CdG-E du 22.5.2019 (non publiée).

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Lors de son contrôle de suivi, la CdG-E a noté que l'OFSP avait développé au cours des dernières années ­ en collaboration avec les assureurs-maladie et l'industrie pharmaceutique ­ des «modèles d'appréciation du bénéfice thérapeutique». Ceux-ci visent à quantifier à l'aide de critères structurés le bénéfice d'un médicament par rapport à la thérapie standard et à attribuer ce médicament à une catégorie de bénéfice146. Cette appréciation sert de base, le cas échéant, à la détermination de la prime à l'innovation dans le cadre de la CT147. Un tel modèle a été finalisé en 2020 et mis en oeuvre depuis 2021 pour la catégorie des médicaments oncologiques148; les dispositions de l'ordonnance visant à son application systématique ont été adoptées par le Conseil fédéral en septembre 2022149. Un modèle d'appréciation applicable aux autres types de médicaments est en cours de développement et devrait «être mis en oeuvre dans les meilleurs délais».

La CdG-E a constaté que le développement des modèles d'appréciation du bénéfice thérapeutique était accueilli de manière globalement favorable par l'ensemble des acteurs. Les représentants des assureurs-maladie ont considéré que ces modèles constituaient une «très bonne solution». Selon l'OFSP, cet exemple témoigne des efforts de l'office pour améliorer la prévisibilité et la sécurité juridique dans l'admission des médicaments. Les représentants de l'industrie pharmaceutique, de leur côté, ont salué le développement de tels modèles; ils ont néanmoins regretté que ceux-ci aient tardé à entrer en vigueur de manière contraignante et se sont montrés critiques concernant certaines modalités de leur fonctionnement150.

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Les catégories suivantes sont prévues: bénéfice nul, minime, modéré, grand, très grand.

Une prime à l'innovation ne peut être octroyée que si le progrès thérapeutique est important, c'est-à-dire si le bénéfice supplémentaire est élevé ou très élevé. Le montant de la prime à l'innovation est de 5 % ou 10 % en cas de bénéfice supplémentaire élevé et de 15 % ou 20 % en cas de bénéfice supplémentaire très élevé.

148 Ce modèle est basé sur les standards d'appréciation établis par les organisations spécialisées dans le domaine de l'oncologie, tels que ceux de l'European Society for Medical Oncology (ESMO) et de la Société suisse d'oncologie médicale (SSOM).

149 Le Conseil fédéral favorise les génériques et l'accès aux médicaments vitaux, communiqué de presse du Conseil fédéral du 22.9.2023. Cf. aussi OFSP: OAMal et OPAS, modifications au 1er janvier 2024, Teneur des modifications et commentaire du 22.9.2023.

Il s'agit en particulier du nouvel art. 65bter OAMal. Dans le cadre de la même révision, le Conseil fédéral a également fixé des règles concernant la définition du bénéfice thérapeutique pour la prise en charge dans des cas particuliers (cf. chap. 3.4.4).

150 L'industrie critique en particulier le rôle accordé aux assureurs-maladie ­ par le biais de leurs médecins-conseils ­ dans les modèles d'appréciation du bénéfice thérapeutique et, par ce biais, leur influence sur la formation des prix des médicaments. Elle juge par ailleurs inapproprié que la prime à l'innovation ne s'applique qu'à la CT, qui est parfois faible, en particulier dans les domaines thérapeutiques qui n'ont pas vu d'innovations depuis longtemps. Cela aurait pour conséquence que beaucoup d'entreprises, en particulier des start-ups, renonceraient à proposer leurs produits en Suisse. À ce propos, l'OFSP a indiqué que de son point de vue, une application de la prime à l'innovation à la CPE «serait paradoxale, étant donné que les coûts des médicaments remboursés en Suisse sont élevés comparés [à l'étranger]. De plus, on peut supposer que les innovations sont également récompensées à l'étranger. L'introduction d'une prime à l'innovation applicable à la CPE reviendrait ainsi à une potentialisation des primes à l'innovation et entraînerait des hausses de coûts massives.» Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport,
en octobre 2023, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont par ailleurs regretté que la mise en oeuvre du modèle pour les médicaments non-oncologiques soit en attente depuis deux années.

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L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.2.

3.2.3

Évaluation des technologies de la santé

Dans le cadre de sa stratégie «Santé 2020» adoptée en 2013151, le Conseil fédéral a fait part de sa volonté de renforcer l'évaluation des technologies de la santé (ETS, en anglais Health technology assessments, HTA152). Cette démarche vise à examiner de manière plus approfondie les prestations ou médicaments pour lesquels on soupçonne que les critères EAE ne sont pas suffisamment remplis ou font défaut et pouvoir, si nécessaire, les retirer du catalogue des prestations remboursées par l'AOS ou réduire leur prise en charge153. Dans le domaine des médicaments, de telles évaluations jouent notamment un rôle dans le cadre du réexamen périodique (cf. chap. 3.3).

Suite à un premier projet pilote154, le Conseil fédéral a décidé en 2016 de créer une section ETS au sein de l'OFSP, distincte des sections consacrées à l'admission et au réexamen des médicaments. Celle-ci a été mise en place par étapes à partir de 2017.

Lors du contrôle de suivi, la CdG-E a examiné plus en détail les activités de cette section et son impact concret dans l'évaluation des médicaments.

Activités de la section ETS La section ETS est constituée en l'état actuel de six postes à plein temps155 et d'un budget de l'ordre de 4,5 millions de francs156. Elle est chargée de sélectionner les prestations ou médicaments qui seront soumis à une évaluation approfondie. Toutes les personnes ou organisations qui le souhaitent peuvent déposer des propositions en ce sens. La section ETS ne se charge pas elle-même de procéder aux évaluations, mais mandate des agences externes indépendantes à cet effet. Selon les cas, une évaluation complète («full HTA») ou succincte («short HTA») peut être réalisée. Les résultats des évaluations sont publiés sur le site Internet de l'OFSP et pris en compte dans les phases suivantes de la procédure (appréciation de la CFM et décision de l'OFSP). En

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DFI: Politique de la santé: les priorités du Conseil fédéral, rapport de janvier 2013.

Pour une présentation détaillée des ETS et du programme correspondant, cf. OFSP: Évaluation des technologies de la santé (ETS), www.bag.admin.ch > Assurances > Assurance-maladie > Prestations et tarifs (consulté le 13.9.2023). Cf. également CDF: Audit de l'efficience de la procédure portant sur les technologies de la santé, rapport d'audit du 19.5.2020, chap. 2.1 (texte en allemand, résumé en français).

En lien avec l'art. 32 et l'art. 33, al. 3, LAMal. Ce dernier prévoit que le Conseil fédéral détermine dans quelle mesure l'AOS prend en charge les coûts d'une prestation, nouvelle ou controversée, dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique sont en cours d'évaluation.

Celui-ci a été mené entre 2015 et 2017. À cet effet, le Conseil fédéral avait accordé à l'OFSP des moyens financiers à hauteur de 600 000 francs par an, sans ressources en personnel supplémentaires.

Selon les informations fournies par le DFI en 2019, les ressources en personnel correspondaient alors à 7,1 postes à plein temps.

Une évaluation réalisée en 2019 par le DFI était arrivée à la conclusion que le budget initial était trop élevé par rapport au nombre de projets que l'équipe HTA pouvait réellement assumer; celui-ci avait par conséquent été réduit de 6 à 5 millions de francs.

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2018, le Conseil fédéral a indiqué qu'il prévoyait que 6 à 8 ETS seraient réalisés par année157.

En 2020, le CDF a publié un audit158 dans lequel il est arrivé à la conclusion que l'efficacité du programme ETS devait être renforcée. Il a estimé que le nombre d'ETS réalisé par an était trop faible et que le processus d'évaluation était trop lent et a constaté que, jusque-là, aucune évaluation n'avait débouché sur une recommandation de suppression ou de limitation. Il a notamment recommandé à l'OFSP d'augmenter le nombre d'évaluations présentant un potentiel d'économies élevé, de privilégier davantage les évaluations succinctes, de renforcer les partenariats internationaux en matière d'ETS et d'alléger la procédure de consultation des parties prenantes. L'OFSP a indiqué qu'il partageait, dans l'ensemble, les constats et recommandations du CDF.

Durant son contrôle de suivi, la CdG-E a régulièrement échangé avec l'OFSP sur les défis liés à la réalisation des ETS. Les représentants de l'office ont signalé que les procédures ETS faisaient très souvent l'objet de demandes de consultation des documents de la part des entreprises pharmaceutiques, impliquant parfois des procédures judiciaires159. Par ailleurs, la mise en oeuvre de certains rapports ETS a été retardée en raison de la priorisation donnée à la clôture du réexamen triennal des médicaments (cf. chap. 3.3). Concernant les recommandations du CDF, l'OFSP a indiqué que celles-ci avaient été mises en oeuvre progressivement160.

Face à la commission, les représentants de l'industrie pharmaceutique ont critiqué le fait que les ETS menés par l'OFSP soient essentiellement focalisés sur les médicaments161 et que les évaluations portent uniquement sur des prestations individuelles; selon eux, une approche globale, incluant l'ensemble des prestations selon une approche systémique et tenant compte de paramètres comme la qualité et l'efficience, ferait défaut. Par ailleurs, les différences de qualité seraient grandes entre les évaluations. L'industrie a également déploré que les entreprises concernées ne soient pas informées directement par l'OFSP concernant la réalisation des ETS et que la consultation des parties prenantes soit limitée.

En réponse à ces critiques, les représentants de l'OFSP ont indiqué à la commission que le processus relatif aux ETS était transparent et basé sur une méthodologie établie au niveau international. Ils ont précisé que l'office n'avait pas pour objectif de se fo157

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Le Conseil fédéral avait estimé le potentiel d'économies annuel à 10 millions de francs par prestation examinée, soit 180 à 220 millions de francs cumulés en trois ans.

Cf. Réponse du Conseil fédéral à l'Ip. Fiala Doris «Système de santé. Vérification des prestations prises en charge» du 13.3.2018 (18.3146).

CDF: Audit de l'efficience de la procédure portant sur les technologies de la santé, rapport d'audit du 19.5.2020 (texte en allemand, résumé en français).

Selon les explications de l'office, le TF est arrivé à la conclusion que les entreprises ne disposaient pas d'un droit de consultation des documents dès le début de la procédure, mais que ce droit était garanti dès le moment où une ETS est disponible.

Selon les informations de l'office, l'identification des thèmes a été renforcée, la communication entre les sections a été intensifiée, le nombre de consultations dans le cadre du processus ETS a été réduit et des formats de rapports raccourcis ont été testés.

Selon les chiffres de l'industrie, environ 60 % des ETS concerneraient des médicaments.

Les représentants de l'industrie ont fait valoir que les médicaments sont déjà le segment le plus examiné du domaine de la santé ­ car soumis à l'examen des critères EAE lors de l'admission et du réexamen triennal ­ et qu'ils ne représentent qu'environ 12 % des coûts totaux de la santé.

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caliser sur un type de prestation en particulier, mais d'examiner celles-ci dans toute leur variété, et que des propositions pouvaient être soumises par tous les acteurs. Le directeur adjoint de l'office a estimé que la proportion d'ETS concernant des médicaments était équilibrée162, mais s'est déclaré ouvert à ce que celle-ci soit réduite, à condition que les acteurs apportent des justifications concrètes. Par ailleurs, le DFI a indiqué que l'OFSP avait pris en compte le voeu des parties prenantes d'être davantage impliquées163.

Les représentants des assureurs-maladie, de leur côté, ont jugé que la qualité des rapports ETS était en constante amélioration, mais que les mesures qui en découlaient demeuraient relativement limitées. Ils ont estimé qu'un potentiel d'amélioration existait pour que les médicaments qui n'apportent pas le bénéfice promis soient, à l'issue d'un ETS, retirés de la LS ou clairement limités.

En août 2023, le Conseil fédéral a tiré un bilan intermédiaire du programme ETS164.

Il a indiqué que 28 rapports avaient été publiés depuis 2017 et que ceux-ci avaient abouti à quinze décisions de remboursement et à des économies d'environ 75 millions de francs par année pour l'AOS. Selon les informations publiées sur le site Internet de l'OFSP165, un peu plus de la moitié des évaluations en cours ou clôturées ont concerné directement ou indirectement des médicaments. Néanmoins, seules trois ETS relatives à des médicaments ont mené à des modifications du remboursement et aucune ETS n'a jusqu'ici conduit à la suppression d'un médicament de l'AOS. Face à la commission, le DFI a souligné que «la difficulté d'une mise en oeuvre rapide de tels ajustements tient à ce que les titulaires de l'autorisation peuvent faire usage des droits procéduraux inscrits dans la loi fédérale sur la procédure administrative (PA)166, en tant que parties lésées» (voir aussi ch. 3.3 et ch. 3.4.2).

Option d'une agence ETS indépendante La CdG-E a abordé la question de savoir s'il serait opportun de créer une agence ETS indépendante de l'OFSP ­ selon le modèle de pays étrangers ­ afin de garantir une séparation plus claire des rôles dans le processus d'examen (cf. aussi chap. 3.1.1).

Cette mesure a été recommandée par la Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine (CNE) en juillet 2020, «de façon à
garantir une séparation stricte entre les études d'ETS et les recommandations qui en découlent, d'une part, et les décisions politiques, d'autre part»167. Face à la commission, le vice-président de la CNE a es-

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Selon ses affirmations, celle-ci s'élève à environ 50 %.

L'OFSP a réintroduit une consultation des parties prenantes qui avait été biffée en 2020 et informe désormais aussi directement les parties prenantes (en l'occurrence les titulaires de l'autorisation) à propos des ETS menées.

Le programme d'évaluation des technologies de la santé freine les coûts de la santé, communiqué de presse du Conseil fédéral du 30.8.2023.

OFSP: Aperçu du projet d'ETS, www.bag.admin.ch > Assurances > Assurance-maladie > Prestations et tarifs > Évaluation des technologies de la santé (consulté le 13.9.2023).

Loi fédérale du 20.12.1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021).

CNE: Le prix des médicaments ­ Considérations sur l'accès équitable aux nouveaux médicaments onéreux, prise de position no 35/2020 du 2.7.2020. Cf. aussi Le prix des médicaments ­ Considérations sur l'accès équitable aux nouveaux médicaments onéreux, communiqué de presse de la CNE du 5.10.2020.

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timé qu'il n'était pas acceptable que l'OFSP soit simultanément chargé de l'évaluation, des recommandations et de la prise de décision168.

En 2014, le Conseil fédéral avait fait part de sa volonté de concrétiser l'option d'une agence ETS indépendante169. Au vu des positions divergentes émises par les acteurs de la santé lors des consultations sur le projet correspondant170, il avait finalement renoncé à cette option et opté pour la création d'une section ETS au sein de l'OFSP (cf. plus haut). L'office a indiqué que la solution interne avait été retenue car il s'agissait de «celle qui pouvait être mise en oeuvre le plus facilement et le plus rapidement et qu'il n'était pas nécessaire d'adapter la loi». Cette décision «allait également dans le sens des préoccupations exprimées lors de la consultation, à savoir qu'il faut pouvoir s'appuyer sur les connaissances disponibles en matière d'ETS dans les instituts universitaires»171. L'office a souligné que, même si l'OFSP est le mandant des évaluations, les rapports ETS sont rédigés par des agences externes indépendantes sur lesquelles il n'a pas d'influence172. Pour ces raisons, l'OFSP juge que la création d'une institution ETS indépendante pour la Suisse n'est pas nécessaire.

Dans le cadre du contre-projet indirect à l'initiative populaire «Pour un frein aux coûts dans le système de santé»173, les Chambres fédérales ont décidé en septembre 2023 d'ajouter un nouvel alinéa à l'art. 32 LAMal, portant sur l'évaluation des critères EAE174. Lors du traitement au Conseil national, une proposition visant à ce que «la Confédération charge des tiers indépendants de l'administration de réaliser la procédure d'évaluation» a été formulée; elle a toutefois été abandonnée lors de l'élimination des divergences.

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Audition de la CNE du 24.2.2022. Comme exemple d'institution ETS indépendante, il a mentionné le Swiss Medical Board, ayant oeuvré entre 2011 et 2022 à la réalisation de rapports ETS (www.swissmedicalboard.ch, consulté le 14.9.2023). Cet organisme reposait sur une association composée notamment de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), de l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM), d'Interpharma et de Santésuisse ainsi que de l'Organisation suisse des patients.

Jusqu'en 2022, le Swiss Medical Board a publié 23 rapports HTA et 4 études d'approfondissement en collaboration avec des instituts universitaires. Il a cessé ses activités en 2022, «car l'utilisation des synergies avec le programme fédéral [...] n'avait pas abouti».

Réponses du Conseil fédéral aux Mo. Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) «Garantie de la qualité AOS» du 19.5.2010 (10.3353) et Mo. Groupe libéral-radical «Pour une véritable agence nationale de Health Technology Assessment» du 16.6.2010 (10.3451).

Un réseau pour améliorer la qualité des soins, communiqué de presse du Conseil fédéral du 13.5.2015.

Feuille d'information de l'OFSP à l'intention de la CdG-E du 23.8.2021 (non publiée).

L'OFSP a indiqué que le processus ETS était un processus scientifique indépendant, réalisé selon une méthodologie transparente établie au niveau international, qui intègre les parties prenantes et fait l'objet d'une évaluation par des spécialistes indépendants en méthodologie (peer review).

Pour des primes plus basses. Frein aux coûts dans le système de santé (initiative pour un frein aux coûts). Initiative populaire et contre-projet indirect (modification de la loi fédérale sur l'assurance maladie) (21.067).

Art. 32, al. 3, LAMal: «En présence d'indices annonçant qu'une prestation n'est pas ou n'est plus efficace, adéquate ou économique, celle-ci sera évaluée dans le cadre d'une procédure basée sur des données probantes. La procédure d'évaluation se fonde sur des critères transparents et les connaissances scientifiques les plus récentes et respecte le principe de la proportionnalité.»

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L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.1.

3.2.4

Proposition d'examen différencié des critères EAE

Dans le cadre du 2e volet du projet de révision de la LAMal visant à maîtriser les coûts de la santé175, le Conseil fédéral a soumis au Parlement une proposition visant à permettre un «examen différencié des critères EAE»176. Le Conseil fédéral estime en effet qu'il n'est pas nécessaire que l'examen des critères EAE soit mené dans tous les cas avec le même degré de détail; il est d'avis qu'une différenciation devrait être possible en fonction du type de prestation et du cycle de vie de la prestation177. Selon lui, une telle différenciation permettrait de se focaliser sur les domaines pour lesquels le réexamen permet d'escompter un bénéfice quant à l'amélioration de la prise en charge et la maîtrise des coûts; cela permettrait par exemple de réduire la fréquence de réexamen de médicaments au prix très avantageux, afin d'éviter que ceux-ci disparaissent du marché faute de rentabilité. Si la modification de loi est adoptée, le Conseil fédéral prévoit de régler les modalités détaillées de l'examen différencié178 au niveau des ordonnances.

Dans son message au Parlement, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion que cette modification de loi devrait permettre de préciser l'examen des critères EAE concernant les médicaments selon les étapes de leur cycle de vie (p. ex. admission initiale, réexamen périodique, radiation). En conséquence, il a proposé le classement des trois postulats déposés par la CdG-E en 2014. La CdG-E ne s'est pas opposée à ce classement; elle estime néanmoins que plusieurs aspects devront encore être clarifiés, le cas échéant, lors de l'adaptation des ordonnances (cf. chap. 4).

175

Message du Conseil fédéral du 7.9.2022 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (FF 2022 2427), en particulier chap. 1.4, 4.1.2 et 4.3.2.

176 Nouvel art. 32, al. 3, LAMal proposé par le Conseil fédéral: «Le Conseil fédéral peut fixer la fréquence et l'ampleur d'un réexamen différencié de l'efficacité, l'adéquation et du caractère économique en fonction du type de prestation.» À noter que cette proposition ne porte pas que sur le domaine des médicaments, mais sur l'ensemble des prestations couvertes par l'AOS, pour lesquelles les critères EAE au sens de l'art. 32 LAMal s'appliquent.

177 P. ex. admission initiale, application établie, réexamen, remplacement par de nouvelles prestations.

178 Notamment les prestations à évaluer, la méthode et les modalités de l'évaluation en fonction de l'étape dans le cycle de vie de la prestation. Concrètement, «le degré de détail de l'examen EAE sera plus grand, et la charge de travail plus élevée, si de nouvelles données sur une prestation ou sur des traitements alternatifs, ou encore de nouvelles lignes directrices, sont disponibles, ou lorsqu'un rapport HTA est établi pour une prestation.». Le Conseil fédéral fixe les lignes directrices suivantes: «De manière générale, [...]

le premier examen d'une prestation sous l'angle des critères EAE est par principe effectué de manière systématique et complète. Pour le réexamen périodique, s'agissant de l'efficacité et de l'adéquation, il importe surtout d'examiner chaque fois si, depuis le dernier examen, de nouvelles études font état de changements dans les connaissances scientifiques ou dans la pratique médicale, ou si certaines prestations ont été remplacées par d'autres, nouvelles. Si tel n'est pas le cas, il n'est en principe pas nécessaire d'examiner de façon approfondie l'efficacité et l'adéquation d'une prestation. [...] En résumé, un examen approfondi est toujours effectué lorsque la situation a changé considérablement.»

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Le projet de révision de loi a été traité en première lecture au Conseil national lors de la session d'automne 2023. Celui-ci n'a pas suivi la proposition du Conseil fédéral relative à l'introduction d'un examen différencié des critères EAE. Le projet sera probablement traité au Conseil des États dans le courant de l'année 2024.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.1.

3.3

Réexamen triennal des médicaments

Selon l'art. 32, al. 2, LAMal, l'efficacité, l'adéquation et le caractère économique des prestations doivent être réexaminés périodiquement. Dans le domaine des médicaments, ce réexamen a lieu tous les trois ans (cf. chap. 2). En 2014, la CdG-E avait demandé au Conseil fédéral de s'assurer qu'un examen complet des critères EAE soit effectué dans ce cadre, ce qui n'était alors pas le cas179 (recommandation 7). Dans un premier temps, le Conseil fédéral avait annoncé que certaines adaptations ponctuelles seraient mises en oeuvre180. Néanmoins, dans un arrêt de décembre 2015, le TF est arrivé à la conclusion que la pratique de l'OFSP ne respectait toujours pas la loi. Il a estimé que l'office ne devait pas se limiter à une CPE, mais devait également systématiquement procéder à une CT181; ce jugement a contraint le Conseil fédéral à revoir en profondeur les modalités du réexamen. Après une révision de la législation182, les réexamens ont pu reprendre à partir de 2017.

Mise en oeuvre du réexamen triennal Depuis 2017, la CdG-E s'est régulièrement informée de la mise en oeuvre du réexamen par l'OFSP. Elle a constaté que la nouvelle procédure avait représenté un défi majeur pour l'office durant les premières années. Entre 2017 et 2020, l'OFSP n'a pas été en mesure de clore le réexamen dans le délai prévu par l'ordonnance (1er décembre)183 et a été contraint à plusieurs reprises de procéder à des mesures de priorisation184. Au vu de cette situation, le Conseil fédéral a décidé d'accorder des ressources supplémentaires à l'office et la section compétente a été réorganisée (cf. chap. 3.1.2). La CdG-E a constaté que la situation s'était améliorée par la suite. Néanmoins, en 2021 et 2022 également, le réexamen n'a pas pu être entièrement achevé au 1er décembre.

179 180

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184

La CdG-E avait constaté, sur la base de l'évaluation du CPA, que l'OFSP se limitait généralement à examiner, lors du réexamen, le critère d'économicité, sur la base d'une CPE.

Avis du Conseil fédéral du 27.8.2014 (FF 2014 7595). Le Conseil fédéral avait notamment annoncé que, dans certaines conditions, les critères d'efficacité et d'adéquation pourraient être évalués dans le cadre du réexamen.

ATF 9C_417/2015 du 14.12.2015 Art. 65d OAMal, art. 34d à 34h OPAS Art. 34h OPAS. En 2017, le réexamen s'est achevé avec environ trois mois de retard sur le calendrier prévu. En 2018 et 2019, 90 % du réexamen a été mené à bien au 1er décembre et les 10 % restants au cours des mois suivants. En 2020, environ 70 % des médicaments ont pu être examinés au 1er décembre (en raison notamment de changements dans le personnel et de la sollicitation de l'office durant la pandémie de COVID-19).

En 2018, l'OFSP a supprimé une des séances annuelles de la CFM, reportant une partie des demandes d'admission de nouveaux médicaments. En 2020, l'office a repoussé la mise en oeuvre de rapports ETS et renoncé à procéder aux réexamens des médicaments dont le brevet avait expiré.

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Selon les informations du Conseil fédéral et de l'OFSP, le premier cycle de réexamens (2017­2019) a permis de procéder à des économies de l'ordre de 470 millions de francs par an au total, tandis que le deuxième cycle (2020­2022) a débouché sur des économies annuelles de 270 millions de francs185. Le réexamen 2023 devrait mener à économies supplémentaires de 120 millions de francs186. De manière générale, des baisses de prix ont été ordonnées pour 50 % à 60 % des médicaments examinés187.

Il convient par ailleurs de signaler que les réexamens réalisés durant la période 2012­ 2014 (soit avant la modification de la pratique de l'office) avaient permis d'économiser environ 600 millions de francs188. En tenant compte de ces chiffres, les économies annuelles pour le système de santé issues du réexamen s'élèvent à presque 1,5 milliard de francs189.

Défis liés au réexamen triennal Face à la CdG-E, l'OFSP a mentionné les défis suivants liés au réexamen triennal: premièrement le grand nombre de préparations devant être examinées chaque année (entre 600 et 750, dont environ deux tiers de préparations originales), deuxièmement la complexité de certains médicaments à réexaminer et troisièmement les difficultés procédurales liée à la garantie du droit d'être entendu et aux recours déposés par les entreprises190. L'office a évoqué les «prises de position très longues» des entreprises et les demandes de prolongations de délai déposées par celles-ci191. Il a souligné les efforts entrepris pour renforcer l'efficacité de l'unité concernée et pour améliorer la transparence sur sa pratique, notamment à travers les lettres d'information.

Les représentants de l'industrie pharmaceutique ont critiqué le fait que l'OFSP se focalise excessivement, lors de son réexamen, sur le critère du prix avantageux et ont estimé que la pratique relative à la CT était arbitraire (cf. aussi chap. 3.2.2). Ils ont néanmoins salué les réunions annuelles avec l'OFSP au sujet du réexamen, jugées constructives et ayant permis de réduire les procédures de plainte. Les représentants des assureurs-maladie, de leur côté, ont salué les économies ayant pu être atteintes grâce aux réexamens et la transparence de l'office à ce sujet. Ils ont néanmoins regretté que certains médicaments soient exemptés d'un réexamen192.

185 186 187 188 189

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Baisse du prix des médicaments: économies d'au moins 250 millions de francs pour la période 2020­2022, communiqué de presse de l'OFSP du 3.11.2022.

Réexamen 2023: l'Office fédéral de la santé publique baisse le prix de médicaments, communiqué de presse de l'OFSP du 2.11.2023.

Pour la période 2020­2022, les baisses de prix étaient en moyenne de l'ordre de 10 %.

Réexamen du prix des médicaments selon de nouvelles modalités, communiqué de presse du Conseil fédéral du 6.7.2016.

Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont estimé que, «par les contrôles de prix institutionnalisés, l'industrie pharmaceutique est le seul acteur du système de santé suisse qui contribue notablement à la maîtrise des coûts.» La CdG-E a toutefois constaté que le nombre de recours avait diminué au fil des années (34 pour les années 2017­2018, 13 pour 2020, 7 pour 2021).

Audition de l'OFSP du 4.7.2022.

Selon l'art. 34d, al. 2, OPAS, le réexamen ne s'applique pas aux préparations originales dont le prix a déjà été réexaminé en raison d'une extension des indications ou d'une modification ou suppression d'une limitation, ainsi qu'aux préparations originales figurant sur la LS depuis moins de treize mois au 1er janvier de l'année de réexamen.

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La commission a abordé avec les acteurs la question de l'impact du réexamen triennal sur la sécurité d'approvisionnement de la Suisse. Les représentants de l'industrie ont souligné qu'en raison des baisses de prix, certains produits de premier recours risquaient de passer en-dessous du seuil de rentabilité et disparaître du marché193. Selon eux, il serait souhaitable de procéder à un bilan global de l'efficacité du réexamen, incluant le fait que certains produits sont retirés et remplacés par d'autres produits plus chers. L'OFSP a indiqué à la commission qu'il accordait une grande attention, lors du réexamen, à la sécurité de l'approvisionnement et qu'à ce titre il avait, au cours des dernières années, renoncé à réduire le prix de produits vitaux et bon marché dans certains cas exceptionnels194. Les représentants des assureurs-maladie, de leur côté, ont souligné que les problèmes d'approvisionnement en Suisse étaient surtout liés à des défaillances dans la chaîne logistique et non aux prix, qui demeurent souvent supérieurs à ceux pratiqués à l'étranger.

Enfin, les représentants de l'industrie ont estimé que la multiplication des dates de baisse de prix ou leur communication tardive était problématique en termes de planification; les risques de pertes de valeur dans la gestion logistique mèneraient les acteurs à réduire leurs stocks, augmentant le risque de pénuries.

Évaluation des critères EAE Lors de son contrôle de suivi, la CdG-E a constaté que l'OFSP continuait à se concentrer, lors du réexamen, sur le critère de l'économicité (CPE et CT). L'office a indiqué qu'il examinait également les critères d'efficacité et d'adéquation195, mais qu'il n'existait souvent pas de nouvelles données pertinentes concernant ces deux critères, et qu'il n'était pas possible de procéder à un contrôle approfondi pour tous les médicaments soumis au réexamen. L'OFSP a toutefois précisé qu'en cas de doutes concernant l'efficacité ou l'adéquation d'un médicament, un contrôle approfondi sous forme d'ETS pouvait être ordonné (cf. chap. 3.2.3)196. L'office a indiqué que c'était surtout pour des médicaments relativement anciens que l'efficacité et l'adéquation méritaient d'être réexaminées, mais que ceux-ci présentaient souvent un potentiel d'économies restreint en raison de leur faible chiffre d'affaires.

193

Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont fait valoir les éléments suivants: «Lors du réexamen des prix, l'administration s'efforce de manière générale d'abaisser les prix vers zéro. Cela peut avoir pour effet d'accélérer encore les retraits du marché.» 194 Selon les chiffres fournis par l'office, entre 2019 et 2022, 87 demandes de renonciation à une baisse de prix ont été approuvées (13 rejetées). Durant cette même période, l'office a aussi augmenté le prix de 27 médicaments ne disposant pas d'alternative thérapeutique équivalente. Les augmentations de prix ne sont toutefois pas décidées lors du réexamen triennal (les augmentations dans ce cadre étant interdites conformément à l'art. 65d OAMal), mais dans le cadre d'une procédure séparée.

195 Notamment sur les travaux d'instituts HTA ou d'expertises réalisés à l'étranger.

196 L'office a cité plusieurs exemples de cas dans lesquels les résultats d'ETS avaient pu être pris en compte lors des réexamens suivants.

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Réexamen après expiration du brevet Selon l'OAMal, l'OFSP est tenu de procéder à un réexamen complet des conditions d'admission d'un médicament dès que la protection du brevet est arrivée à échéance197. Cette règle fait suite à un arrêt du TF, qui avait estimé en 2016 que ce réexamen devait inclure une évaluation poussée des critères EAE. La CdG-E a constaté qu'entre 2016 et 2018, l'OFSP n'avait pas été en mesure ­ en raison des ressources limitées et de la priorité accordée aux réexamens triennaux ­ de procéder dans les délais impartis à de tels examens; les médicaments concernés ont en grande partie été traités dans le cadre du réexamen triennal standard. L'office a pu réaliser à nouveau des réexamens séparés pour ce genre de cas à partir de 2019. En 2022, le Conseil fédéral a proposé de renoncer à un réexamen systématique à l'échéance du brevet dans la mesure où tous les médicaments de la LS sont déjà réexaminés tous les trois ans198; toutefois, suite à la consultation relative aux modifications d'ordonnances correspondantes, il a finalement décidé de maintenir ce réexamen, car «il permet à l'AOS d'effectuer des économies plus rapidement»199.

Perspectives liées au réexamen Dans le cadre du 2e volet du projet de révision de la LAMal visant à maîtriser les coûts de la santé, le Conseil fédéral a soumis au Parlement une proposition visant à permettre un «examen différencié des critères EAE» (cf. chap. 3.2.4). Selon le Conseil fédéral, cette mesure devrait notamment permettre de régler le réexamen des médicaments de manière plus différenciée, par exemple en réduisant la fréquence de celui-ci pour certaines préparations. Cela devrait aussi permettre de renoncer à une évaluation approfondie de l'efficacité et de l'adéquation lors du réexamen en l'absence d'indices de manquements ou de nouvelles connaissances scientifiques200.

197

Art 65e OAMal; cf. aussi art. 37 OPAS. Ces dernières années, cela concernait entre 5 et 20 médicaments par année environ.

198 Améliorer l'accès aux médicaments et l'égalité de traitement des patients, communiqué de presse du Conseil fédéral du 3.6.2022 (cf. également fiche d'information de l'OFSP du 3.6.2022).

199 OFSP: OAMal et OPAS, modifications au 1er janvier 2024. Rapport de l'administration du 15.6.2023 sur les conséquences des modifications, notamment en termes d'économies pour l'assurance obligatoire des soins (AOS). Le Conseil fédéral a également proposé une modification des dispositions d'ordonnance concernant la prise en compte du statut du brevet lors de la CT. Jusqu'ici, les préparations de comparaison protégées par un brevet étaient comparées entre elles et les médicaments dont le brevet a expiré entre eux.

Au vu de la difficulté de vérifier les droits de protection liés aux brevets, le Conseil fédéral a proposé qu'à l'avenir, le critère de statut du brevet soit remplacé par un critère de délai (15 ans écoulés depuis l'autorisation par Swissmedic de la première forme commerciale de la préparation originale ou l'admission d'un générique ou d'un biosimilaire). Cette modification a toutefois été abandonnée en raison des controverses suscitées lors de la consultation à ce sujet.

200 Message du Conseil fédéral du 7.9.2022 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (FF 2022 2427), en particulier chap. 1.4, 4.1.2 et 4.3.2.

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Ces dernières années, différents acteurs de la santé ont demandé que les médicaments soient soumis à un réexamen annuel et non plus triennal201. Le Conseil fédéral a indiqué que cette option serait examinée, le cas échéant, lors de la mise en oeuvre du projet d'examen différencié des critères EAE. Il a toutefois indiqué à la CdG-E qu'un réexamen annuel exigerait des ressources supplémentaires considérables pour l'OFSP et que les économies attendues seraient limitées, dans la mesure où les prix de la majorité des médicaments à l'étranger ne varient que peu à court terme202. De son point de vue, un examen plus fréquent ferait surtout sens pour les nouveaux médicaments onéreux.

Lors de la première lecture du projet de révision de loi, en automne 2023, le Conseil national n'a pas suivi la proposition du Conseil fédéral relative à l'introduction d'un examen différencié des critères EAE (cf. chap. 3.2.4). Il a par contre décidé que certaines prestations devaient pouvoir être exemptées du réexamen périodique, en particulier celles présentant un faible chiffre d'affaires ou si l'approvisionnement est menacé.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.2.

3.4

Cas particuliers liés à l'admission et au réexamen

3.4.1

Admissions temporaires

L'OAMal prévoit que l'OFSP peut admettre pour une durée limitée un médicament prometteur dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique sont en cours d'évaluation203. En 2014, la CdG-E avait recommandé au Conseil fédéral de communiquer de manière transparente les décisions d'admission temporaire et de veiller à ce que les médicaments qui, après évaluation, ne satisfont pas aux critères EAE soient exclus de la prise en charge par l'AOS (recommandation 4).

Lors de son contrôle de suivi, la CdG-E a constaté que l'OFSP avait renforcé la transparence en ce qui concerne ses décisions d'admissions temporaires (cf.

chap. 3.1.4)204. La commission a toutefois également noté que le nombre d'admissions temporaires avait considérablement augmenté ces dernières années. Selon le Conseil fédéral, l'accélération des procédures d'admission a pour conséquence que, pour beaucoup de médicaments, l'on dispose uniquement de premières données pro201

Cette mesure a notamment été recommandée dans le rapport d'experts de 2017 relatif aux coûts de la santé (Mesures visant à freiner la hausse des coûts dans l'assurance obligatoire des soins, rapport du groupe d'experts du 24.8.2017, mesure no 30). Les assureurs-maladie se sont également déclarés favorables à cette mesure, en particulier pour les nouveaux médicaments onéreux dont le prix diminue rapidement.

202 Selon le Conseil fédéral, ce sont surtout les prix des nouveaux médicaments qui, en règle générale, baissent considérablement à l'étranger les premières années. Il a souligné que l'OFSP optait fréquemment, pour ces médicaments, pour une admission temporaire assortie d'une obligation de réexamen (cf. chap. 3.4.1), permettant de procéder rapidement à un ajustement du prix et ainsi à des économies considérables.

203 Art. 65, al. 5, OAMal, en lien avec art. 33, al. 3, LAMal. Cette disposition s'applique aux médicaments ne disposant pas d'alternative thérapeutique ou qui promettent une plus grande efficacité par rapport aux traitements existants.

204 L'office publie désormais systématiquement les bases de son évaluation ainsi que la durée des admissions temporaires.

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visoires concernant les critères EAE205, raison pour laquelle leur admission doit être assortie de charges. Les médicaments concernés sont soumis à un réexamen approfondi avant la fin de leur admission limitée (généralement dans un délai de 1 à 3 ans)206. Le Conseil fédéral tire un bilan globalement positif de cette pratique: selon lui, celle-ci garantit un accès flexible et rapide des patients à de nouvelles thérapies, tout en gardant un contrôle des coûts. Les réexamens avant échéance de la limitation auraient ainsi permis d'appliquer des baisses de prix rapides, synonymes d'économies à hauteur de plusieurs dizaines de millions de francs par année. Le Conseil fédéral a souligné que la pratique des admissions temporaires permettait, dans les faits, de procéder à des réexamens plus fréquemment que tous les trois ans pour les nouveaux médicaments coûteux.

La CdG-E a toutefois aussi constaté qu'il était très rare qu'un médicament soit radié de la LS au terme de l'admission temporaire207. Selon le Conseil fédéral, cela s'explique par le fait que, généralement, les critères EAE peuvent être considérés comme remplis avant que cette durée ne soit écoulée. Dans les cas où l'OFSP ne dispose toujours pas de données suffisamment sûres pour une évaluation définitive, le médicament est à nouveau admis pour une durée limitée; si besoin, l'office peut mandater une ETS approfondie. Il n'existe pas de règles spécifiques concernant la prolongation d'une admission temporaire. De l'avis du Conseil fédéral, il ne serait pas approprié de fixer un nombre maximal de prolongations, car la grande majorité des médicaments sont admis après deux prolongations tout au plus208.

Le Conseil fédéral a reconnu qu'il était, dans les faits, difficile de retirer de la LS un produit admis de manière temporaire, dans la mesure où les patients s'y sont habitués209. Cela justifie d'autant plus, selon lui, que les médicaments soient examinés avec grand soin avant d'être admis dans la LS. Le Conseil fédéral a précisé que, dans des cas particuliers, un médicament retiré de la LS à l'issue de la période limitée 210 peut être pris en charge sur la base des art. 71a à 71d OAMal (cf. chap. 3.4.4).

Face à la commission, les représentants des assureurs-maladie ont jugé globalement positivement la pratique de l'OFSP concernant les admissions
temporaires. Ils ont néanmoins émis le souhait que le registre tenu par l'office à ce sujet soit accessible de manière plus transparente, afin de permettre une vue d'ensemble dans la durée. Du point de vue de l'industrie, des admissions temporaires peuvent être judicieuses dans certains cas spécifiques. Cependant, les associations faîtières de l'industrie soulignent que l'augmentation des admissions temporaires implique une plus grande charge de 205

206 207 208 209 210

Selon le Conseil fédéral et l'OFSP, il arrive souvent que des données relatives à des critères d'efficacité déterminants, par exemple la survie globale, manquent encore et que les données requises pour une utilisation à long terme ne soient fournies que tardivement.

Il arrive aussi que l'adéquation ne puisse pas être reconnue tant que la place du médicament dans le processus de traitement n'est pas claire. Enfin, il est de plus en plus fréquent que le critère d'économicité ne puisse pas être rempli en raison du coût initial élevé du médicament et du faible nombre d'informations relatives aux prix appliqués à l'étranger.

Ce réexamen doit être mené distinctement du réexamen triennal.

Entre 2014 et 2019, par exemple, seuls trois médicaments et une indication pour deux autres médicaments n'ont plus été pris en charge au terme de l'admission temporaire.

Seuls font exception les médicaments avec modèles de prix; ceux-ci sont admis définitivement dès qu'un prix peut être appliqué sans modèle de prix.

Cette problématique avait déjà été identifiée par le CPA dans son évaluation de 2013.

Par exemple parce que son prix demeure trop élevé.

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travail pour l'OFSP. De ce fait, des ressources importantes feraient défaut pour le processus de prise en charge de nouveaux médicaments. Il en découlerait un surcroît de travail administratif et de coûts au niveau de l'OFSP, des membres de la CFM et des titulaires d'autorisations.

En lien avec cet aspect, la CdG-E a également approfondi l'option d'une prise en charge précoce de certains médicaments sur la base de prix provisoires (cf.

chap. 3.1.5).

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.2.

3.4.2

Radiation de médicaments de la LS

En 2014, la CdG-E avait constaté qu'au cours des années précédentes, aucun médicament n'avait été radié de la LS sur la base d'une évaluation négative des critères EAE par l'OFSP. Dans un postulat, elle avait demandé au Conseil fédéral d'examiner quelles mesures permettraient de radier effectivement de la LS les médicaments qui ne satisfont plus aux critères EAE (Po. 14.3297)211.

Dans le cadre du contrôle de suivi, le Conseil fédéral a indiqué qu'entre 2014 et 2018, 90 à 180 médicaments avaient été rayés de la LS chaque année. La plupart des retraits ont eu lieu sur demande du titulaire de l'autorisation ou en raison d'une mesure ordonnée par l'OFSP212. Dans certains cas, les entreprises ont retiré le médicament suite à une baisse de prix lors du réexamen triennal213. Enfin, dans de rares cas, l'OFSP a radié un médicament après avoir constaté dans le cadre du réexamen que les critères d'efficacité et d'adéquation n'étaient plus remplis214. De l'avis du Conseil fédéral, les modifications d'ordonnances entrées en vigueur en 2017 concernant le réexamen (cf.

chap. 3.3) et le développement des ETS (cf. chap. 3.2.3) ont permis de renforcer l'examen des critères EAE et ainsi la possibilité de retirer un médicament de la LS. Le Conseil fédéral a par ailleurs estimé que l'introduction d'un examen différencié des critères EAE (cf. chap. 3.2.4) contribuerait aussi à faciliter de telles radiations.

Face à la CdG-E, le Conseil fédéral et l'OFSP ont néanmoins souligné la grande difficulté de supprimer des médicaments de la LS, premièrement parce que les patients y sont habitués et deuxièmement en raison des oppositions de l'industrie pharmaceutique. L'industrie pharmaceutique, de son côté, estime que le nombre de suppressions risque d'augmenter en raison des modifications d'ordonnances, «ce qui aura un effet négatif sur la sécurité d'approvisionnement en substances actives nouvelles et établies».

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.3.

211

Po. CdG-E «Admission et réexamen des médicaments figurant sur la liste des spécialités» (3) du 14.5.2014 (14.3297).

212 Parce que le médicament n'était plus disponible sur le marché ou parce qu'il n'était plus autorisé par Swissmedic.

213 22 médicaments en 2017­2018.

214 Cela a abouti, en 2017­2018, à 9 radiations et 12 adaptations de la limitation.

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3.4.3

Fixation de rabais dans la limitation et modèles de prix

Lors de son évaluation de 2013, le CPA avait identifié quelques cas de médicaments pour lesquels l'OFSP avait fixé un prix de remboursement public élevé, tout en incluant dans la limitation un rabais accordé aux caisses-maladie. La CdG-E s'était étonnée de cette utilisation détournée de la limitation et avait prié le Conseil fédéral d'examiner cette pratique (recommandation 5). Ce dernier était arrivé à la conclusion que celle-ci pouvait s'avérer judicieuse et légale dans certains cas215; il n'avait pas identifié de nécessité d'agir, dans la mesure où cela ne concernait à l'époque que deux à trois médicaments et que l'OFSP s'efforçait de mener une pratique prudente à ce sujet.

Lors de son contrôle de suivi, la CdG-E a constaté que la pratique dite des «modèles de prix»216 s'était multipliée durant les dernières années en Suisse et que ceux-ci étaient de plus en plus souvent confidentiels217. Face à la commission, le Conseil fédéral a expliqué que de tels modèles de prix étaient couramment utilisés à l'étranger et qu'il n'était plus possible de garantir l'accès à certains nouveaux traitements efficaces à des prix économiques sans appliquer ceux-ci en Suisse également. Une telle pratique serait également nécessaire au regard de la plus grande complexité des médicaments et la multiplication des thérapies combinées218 ou des médicaments pour lesquels différents montants de remboursement doivent être appliqués selon leur utilisation. Par ailleurs, les entreprises ne seraient disposées à négocier des rabais qu'à condition que de tels modèles confidentiels soient appliqués219. Ces modèles de prix permettraient de s'accorder plus rapidement sur des montants de remboursement remplissant le critère d'économicité (cf. chap. 3.2.2) et ainsi de réduire la durée de procédure d'admission (cf. chap. 3.1.3).

215 216

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219

En particulier pour les médicaments utilisés dans des domaines d'application et des combinaisons différents.

Cette pratique consiste à fixer pour les médicaments un prix public de remboursement (ou «prix de vitrine») et de convenir avec les entreprises pharmaceutiques d'un rabais (ou «restitution») que celles-ci accordent aux assureurs-maladie. Des «prix de vitrine» élevés sont dans l'intérêt de l'industrie pharmaceutique, puisque ceux-ci sont utilisés pour la fixation des prix en comparaison internationale. Les modèles de prix peuvent prendre différentes formes: p. ex. modèles avec limitations des volumes (chiffre d'affaires maximal remboursable par année), modèles avec un montant maximal remboursable par traitement et par patient («Capping»), ou modèles liant le prix au volume avec une réduction de prix en fonction des volumes atteints.

Dans un premier temps, l'OFSP indiquait dans la limitation le montant des rabais convenus avec les entreprises; toutefois, dès 2019, l'office a progressivement renoncé à publier le montant du rabais pour certains médicaments. En 2020, les rabais confidentiels concernaient une demi-douzaine de médicaments.

Face à la CdG-E, l'OFSP a mentionné l'exemple d'une thérapie innovante combinant deux médicaments coûtant 40 000 francs chacun. Le prix de la thérapie combinée est fixé à 70 000 francs dans la LS. En parallèle, un rabais confidentiel de 20 000 francs est convenu avec les entreprises pharmaceutiques concernées.

L'OFSP a expliqué à la commission que la politique de transparence des prix appliquée en Suisse dissuadait les entreprises pharmaceutiques de déposer des demandes relatives à des médicaments innovants, respectivement que certaines entreprises préféraient renoncer à proposer leurs médicaments en Suisse plutôt que d'accepter un prix de remboursement public trop bas.

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Dans le cadre du 2e volet du projet de révision de la LAMal visant à maîtriser les coûts de la santé220, le Conseil fédéral a proposé de renforcer les bases juridiques relatives aux modèles de prix et de prévoir que les informations à ce sujet ne soient plus accessibles au public221. Les propositions correspondantes ont été traitées par le Conseil national en première lecture lors de la session d'automne 2023, qui les a en grande partie acceptées222.

La CdG-E s'est entretenue ponctuellement avec les différents acteurs de la santé au sujet des avantages et inconvénients des modèles de prix; dans la mesure où cet aspect est traité par le Parlement et les commissions législatives compétentes, elle renonce néanmoins à l'approfondir dans le présent rapport.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.3.

3.4.4

Prise en charge dans des cas particuliers

Dans le cadre du contrôle de suivi, la CdG-E a constaté que beaucoup de médicaments ne bénéficiant pas (encore) d'une autorisation de Swissmedic ou ne figurant pas (encore) sur la LS étaient pris en charge par l'AOS en vertu des art. 71a à 71d OAMal223.

Dans de tels cas, le montant du remboursement est fixé individuellement par l'assureur, après avoir consulté le titulaire de l'autorisation ainsi que le médecin-conseil.

Face à la CdG-E, l'OFSP a estimé que la prise en charge dans des cas particuliers constituait ­ à côté de l'admission régulière dans la LS ­ une option permettant la prise en charge par l'AOS de médicaments vitaux et innovants de manière très rapide, avant même leur autorisation définitive par Swissmedic224.

Face à la CdG-E, les représentants des assureurs-maladie ont jugé plutôt positivement la possibilité que des médicaments soient pris en charge avant leur admission dans la LS dans certains cas exceptionnels. Ils ont toutefois souligné que cela représentait une charge de travail importante, puisque chaque cas nécessite une demande spécifique de la part du fournisseur de prestations (p. ex. le médecin concerné). L'industrie pharmaceutique, de son côté, est défavorable à cette option, utilisée selon elle de manière

220

221 222

223

224

Message du Conseil fédéral du 7.9.2022 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (FF 2022 2427), en particulier chap. 4.1.3, 4.1.4, 4.2.3, 4.2.4, 4.3.3 et 4.3.4.

Nouveaux art. 52b et 52c LAMal.

Le Conseil national a décidé d'ajouter un alinéa supplémentaire à l'art. 52c LAMal, portant sur le contrôle des modèles de prix confidentiels. Celui-ci prévoit que «l'OFSP publie régulièrement un rapport, réalisé par un organisme indépendant, sur la mise en oeuvre des modèles de prix».

Selon l'OFSP, cette règlementation concerne environ 40 000 cas particuliers par an, dont environ 80% concernent des médicaments en «off-label-use», c'est-à-dire ne bénéficiant pas (encore) d'une autorisation de Swissmedic.

À condition qu'il n'existe aucune alternative thérapeutique appropriée et que l'usage dudit médicament permette d'escompter un bénéfice élevé. Selon l'OFSP, cette mesure permet de pallier le «submission gap», c'est-à-dire les cas où des médicaments ont déjà été approuvés par une autorité de contrôle des produits thérapeutiques à l'étranger, mais que l'entreprise concernée tarde à déposer une demande d'autorisation en Suisse.

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«abusive» pour pallier les retards d'admission dans la LS. Elle estime que ce processus n'est pas adapté à la prise en charge de nouvelles thérapies innovantes225.

Sur la base d'une évaluation réalisée en 2020226, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion que les modalités de la prise en charge dans des cas particuliers devaient être précisées, afin de garantir une pratique harmonisée entre les assureurs-maladie et ainsi une égalité de traitement des patients227. En 2022, il a mis en consultation diverses propositions de modifications de l'OAMal et de l'OPAS en ce sens; celle-ci ont toutefois suscité des critiques sévères de la part des parties prenantes. Après avoir remanié le projet sur divers points, le Conseil fédéral a adopté les modifications d'ordonnances en septembre 2023228.

Dans la mesure où la prise en charge dans des cas particuliers n'est qu'indirectement liée à la pratique d'admission des médicaments dans la LS menée par l'OFSP, la CdGE n'a pas approfondi davantage cet aspect.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.3.

3.4.5

Admission et réexamen des génériques

La fixation et le réexamen du prix de remboursement des médicaments génériques229 sont réglés aux art. 65c OAMal et 34g OPAS230. Dans son rapport de 2014, la CdG-E avait invité le Conseil fédéral à examiner quelles mesures permettraient de créer des incitations plus efficaces pour faire baisser le prix des génériques et des préparations originales auxquelles ils se réfèrent et pour promouvoir la prescription de génériques.

Elle l'avait en particulier invité à se prononcer sur l'introduction d'un système de prix de référence231 (recommandation 8).

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226

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228

229

230 231

L'industrie critique en particulier le fait qu'à travers ce mécanisme, l'évaluation initiale des médicaments innovants soit transférée aux assureurs-maladie. Cette pratique entraînerait le risque d'inégalités de traitement pour les patients.

Kägi, W. / Brugger, C. / Bollag, Y. / Frey, M. / Möhr, T.: Evaluation der Vergütung von Arzneimitteln im Einzelfall nach den Art. 71a­71d KVV. BSS Volkswirtschaftliche Beratung und asim. Evaluation im Auftrag des Bundesamts für Gesundheit, 24.7.2020.

La nécessité d'établir une réglementation équitable de l'accès aux médicaments en «off-label-use» (c'est-à-dire ne bénéficiant pas d'une autorisation de Swissmedic) a aussi été soulignée par la CNE dans sa prise de position de 2020 sur les médicaments onéreux (cf. chap. 3.5).

Le Conseil fédéral favorise les génériques et l'accès aux médicaments vitaux, communiqué de presse du Conseil fédéral du 22.9.2023. Les modifications incluent notamment l'utilisation d'un instrument commun d'évaluation du bénéfice pour tous les assureursmaladie, la possibilité pour les assureurs-maladie de procéder à des évaluations communes du bénéfice, l'implication d'experts cliniques dans l'élaboration des bases de l'évaluation du bénéfice thérapeutique et la définition de critères relatifs à la fixation du prix.

Est considéré comme générique un médicament qui est interchangeable avec la préparation originale (dont le brevet est échu) parce qu'il contient les mêmes principes actifs et présente les mêmes formes galéniques et les mêmes dosages qu'elle.

Lors de l'examen des génériques, l'OFSP se focalise sur le critère de l'économicité, considérant que l'efficacité et l'adéquation sont identiques à la préparation originale.

Autrement dit, un système prévoyant que les médicaments contenant les mêmes principes actifs ne sont remboursés par les caisses maladie qu'à hauteur du prix de la préparation le meilleur marché.

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Le Conseil fédéral a donné suite à cette recommandation en incluant, dans le 1er volet du projet de révision de la LAMal visant à maîtriser les coûts de la santé232, la proposition d'un système de prix de référence pour les médicaments dont le brevet a expiré233. Lors du traitement du projet entre 2020 et 2022, les Chambres fédérales ont toutefois rejeté cette proposition; elles ont préféré opter pour différentes mesures alternatives visant à encourager l'utilisation des génériques234.

En 2022, le Conseil fédéral a mis en consultation différentes modifications supplémentaires de l'OAMal et de l'OPAS concernant la fixation du prix des génériques et des biosimilaires235. Suite à diverses critiques émises dans le cadre de la consultation, le Conseil fédéral a décidé d'adapter le projet sur divers points. Il a adopté les modifications d'ordonnances correspondantes en septembre 2023236.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.3.

3.5

Questions éthiques relatives au prix des médicaments

La multiplication des demandes d'admission de médicaments onéreux à charge de l'AOS soulève diverses questions éthiques relatives à l'accès équitable aux soins. En 2020, la Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine (CNE) a publié une prise de position sur cette question, sur demande de l'OFSP237. La CdG-E s'est entretenue à ce sujet avec le vice-président de la CNE et avec l'office.

La CNE est d'avis que l'application des critères EAE ne suffira guère à l'avenir pour maintenir les coûts dans un budget acceptable. De son point de vue, compte tenu des ressources restreintes, il est indispensable de fixer des limites concernant l'accès aux nouveaux médicaments onéreux. La CNE formule à cet effet des «considérations de 232 233 234

235

236

237

Message du Conseil fédéral du 21.8.2019 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (FF 2019 5765), cf. chap. 1.2.4, 2.1.4, 2.2.4, 2.3.4, 4.1.4 et 4.3.4.

Le Conseil fédéral proposait la fixation d'un prix de remboursement maximal si trois médicaments au moins ont la même composition de substances actives.

Les Chambres ont notamment décidé d'étendre le droit de substitution des pharmaciens aux médicaments onéreux contenant un principe actif d'origine biologique (remplacement par d'autres moins chers ayant le même principe actif) et de faciliter l'importation de génériques.

Lorsque les brevets et l'exclusivité des données sur un médicament chimique arrivent à expiration, des génériques apparaissent sur le marché. Dans le cas des principes actifs biologiques, on parle de biosimilaires.

Le Conseil fédéral favorise les génériques et l'accès aux médicaments vitaux, communiqué de presse du Conseil fédéral du 22.9.2023. Les modifications incluent notamment la hausse de l'écart de prix par rapport à la préparation originale dès l'admission pour les génériques dont les substances actives représentent un volume de marché de 4 à 8 millions de francs et lors du réexamen pour tous les génériques, l'introduction d'un système d'écarts de prix échelonnés pour les biosimilaires (sur le modèle du système appliqué pour les génériques), ainsi que l'augmentation de la quote-part pour les médicaments dont le prix est excessif par rapport à d'autres médicaments contenant les mêmes substances actives.

CNE: Le prix des médicaments ­ Considérations sur l'accès équitable aux nouveaux médicaments onéreux, prise de position no 35/2020 du 2.7.2020. Cf. aussi Le prix des médicaments ­ Considérations sur l'accès équitable aux nouveaux médicaments onéreux, communiqué de presse de la CNE du 5.10.2020.

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fond et de procédure pour la détermination de limites aussi équitables que possible et compréhensibles pour la population». Elle estime qu'outre la maximisation des bénéfices, les règles en la matière doivent tenir compte des principes de respect de la dignité humaine, de solidarité et de besoin médical et que les droits fondamentaux d'égalité des droits et de non-discrimination doivent être garantis238. Par ailleurs, la CNE estime nécessaire d'encourager des «débats publics fondés sur des faits» concernant l'accès aux nouveaux médicaments, sur la base du modèle suédois239, afin de garantir que les restrictions bénéficient d'une justification démocratique et transparente. Cette mesure doit aussi permettre de soutenir la conscience et l'action solidaires dans la population en vue de décisions futures difficiles. Enfin, la CNE recommande de renforcer la légitimité démocratique des critères d'admission des médicaments en les inscrivant dans la loi et de créer une institution d'ETS indépendante de l'OFSP (cf. chap. 3.2.3)240. Enfin, la CNE met en avant le fait qu'une augmentation des coûts de la santé liée à l'introduction de médicaments onéreux pourrait avoir un impact financier négatif sur d'autres champs de la politique sociale et compromettre par-là, à long terme, l'objectif de protection de la santé publique241.

L'OFSP a salué l'apport des recommandations de la CNE dans l'optique de l'évolution future du système de fixation des prix. Il partage l'appréciation de la CNE qu'il est justifié d'appliquer des limitations à la prise en charge des médicaments et estime 238

Selon la CNE, les aspects suivants doivent être considérés: gravité de la maladie, urgence du traitement, prise en compte appropriée de la maximisation de l'utilité. Interrogé sur la question de savoir comment ces principes pourraient être concrétisés dans la pratique, le vice-président de la CNE a estimé que cela ne pourrait se faire que de manière itérative, c'est-à-dire en lien avec des cas concrets, et dans un dialogue étroit avec les acteurs de la santé. Il a par ailleurs souligné la nécessité de pouvoir se baser sur des faits concrets relatifs à l'utilité des médicaments concernés.

239 Le «Modèle national pour la définition des priorités dans les soins de santé» développé en Suède a pour but de promouvoir et de mener un débat public sur les principes éthiques servant de bases aux décisions et sur la justification des limitations, dans l'optique de parvenir à un consensus national sur ce thème. Les débats ont été organisés sur la base d'initiatives régionales coordonnées de manière centralisée par l'État et des sondages ont été réalisés dans la population. Des démarches similaires ont eu lieu en Grande-Bretagne.

240 La CNE souligne en outre que différents paramètres entrent en tension pour la fixation d'un prix approprié (permettre un large accès aux médicaments, couvrir les coûts de développement, de production et de mise sur le marché, refléter la valeur ajoutée du produit, récompenser l'innovation et la prise de risque, être le résultat d'un processus intelligible et raisonnable). Selon la CNE, la combinaison de ces critères constitue l'une des difficultés de ce débat.

241 Dans le cadre de la consultation relative au présent rapport, les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique (Interpharma, Vips, Intergenerika) ont indiqué que cette affirmation n'était pas plausible de leur point de vue. Elles ont fait valoir à ce propos les éléments suivants: «Nous souhaitons souligner que la plupart des médicaments ont pour effet de faire baisser les coûts dans d'autres domaines du système de santé, des assurances sociales ou, de manière générale, de la société et de l'économie du pays. Nous renvoyons à cet égard par exemple à l'étude de [Frank] Lichtenberg (2022), qui montre que les innovations pharmaceutiques introduites en Suisse sur le marché ont réduit les nuits d'hôpital de 17,3 %
en 2019, d'où des économies pour le système de santé suisse à hauteur de quelque 3 milliards de francs cette même année, et ont réduit d'un tiers la mortalité précoce des moins de 85 ans. Nous constatons hélas trop souvent que, en matière de prise en charge des médicaments, on se concentre de manière unilatérale sur les coûts de l'AOS.

L'industrie pharmaceutique est tout à fait disposée à se soumettre à une évaluation globale des coûts et bénéfices de ses produits.»

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que de telles mesures pourraient s'imposer à l'avenir. L'office a souligné que la conscience et l'action solidaires ainsi que le respect de l'égalité devant la loi et l'interdiction de la discrimination constituaient déjà un élément primordial lors des décisions d'admission. Par ailleurs, selon l'office, bien que les principes de dignité humaine, de besoin médical et de solidarité ne sont pas explicitement mentionnés dans les Instructions concernant la LS, ceux-ci transparaissent dans les bases légales242 et rien n'empêche l'OFSP de s'y conformer. Enfin, certains principes éthiques ont été repris dans le document «Opérationnalisation des critères EAE» publié en 2022 (cf. chap. 3.2.1).

De l'avis de l'office, l'exigence d'associer la population aux décisions concernant le prix des médicaments est déjà remplie grâce à la représentation des assurés au sein de la CFM. Par ailleurs, il estime que les révisions prévues de la LAMal et la mise en oeuvre de diverses interventions parlementaires243 constituent une opportunité de mener un débat politique et public sur ce thème, qu'il appelle de ses voeux. Enfin, l'office a indiqué qu'il serait disposé à examiner les possibilités de collaborer avec les cantons pour encourager les discussions publiques sur cette question, tout en soulignant qu'il s'agissait d'un sujet difficile.

L'OFSP a tiré un bilan très positif de la collaboration avec la CNE sur ce thème. La CdG-E a néanmoins constaté que l'office n'avait pas entretenu d'échanges directs avec la commission suite à la publication de sa prise de position. L'OFSP a indiqué qu'un tel dialogue n'avait pas été prévu lors du lancement des démarches, mais qu'il n'hésiterait pas à solliciter la CNE si de nouvelles questions devaient se présenter.

L'appréciation de la CdG-E concernant ces aspects est présentée au chap. 4.2.3.

4

Appréciation de la CdG-E

4.1

Remarques générales

De l'avis de la CdG-E, l'admission des médicaments sur la LS et leur réexamen périodique sont un enjeu central dans la gestion de la politique de santé de la Confédération. Ces procédures doivent permettre l'accès de la population à des médicaments appropriés et de haute qualité, à des tarifs aussi avantageux que possible (art. 43, al. 6, LAMal). La pratique des autorités en la matière a une influence directe sur les coûts à charge de l'AOS et, plus généralement, sur les coûts de la santé en Suisse.

Dans ce contexte, la CdG-E a relevé avec satisfaction lors de son contrôle de suivi que le Conseil fédéral, le DFI et l'OFSP ont accordé ces dernières années une grande attention à cette thématique. Le Conseil fédéral a procédé à plusieurs révisions des ordonnances dans son champ de compétences et a soumis au Parlement diverses propo242

L'OFSP a cité à cet effet les critères EAE (art. 32 LAMal) ainsi que la garantie de l'accès à un système de soins de qualité et le plus avantageux possible (art. 43, al. 6, LAMal).

243 L'OFSP a cité à ce sujet le 2e volet du projet de révision de la LAMal visant à maîtriser les coûts de la santé (notamment les propositions relatives aux modèles de prix) ainsi que les Mo. Dittli «Coûts des médicaments. Adaptation du système d'autorisation de mise sur le marché et de fixation des prix dans l'assurance de base» du 19.6.2019 (19.3703) et Po. Cassis «Combien doit payer la collectivité pour une année de vie?» du 17.3.2011 (11.3218).

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sitions de modifications de la loi. La commission arrive à la conclusion que les mesures prises par le Conseil fédéral depuis 2014 ont permis d'améliorer les procédures d'admission et de réexamen des médicaments à plusieurs niveaux (cf. chap. 4.2 à 4.4) et de mettre en oeuvre plusieurs recommandations qu'elle avait formulées.

De manière générale, la CdG-E n'a pas identifié de manquements fondamentaux dans la gestion du Conseil fédéral, du DFI et de l'OFSP en matière d'admission et de réexamen des médicaments. Sur la base des informations reçues, elle estime que l'action des autorités fédérales respecte le critère d'opportunité: de son point de vue, les autorités fédérales font usage de manière appropriée de la marge de manoeuvre qui leur revient pour atteindre les buts visés. Sur le plan de la légalité, la CdG-E n'a identifié aucun indice laissant penser que les autorités ne respectent pas les bases légales en vigueur dans le domaine des médicaments. La commission tire par contre un bilan nettement plus mitigé concernant le critère de l'efficacité: la mise en oeuvre actuelle permet certes globalement de garantir l'accès de la population à des médicaments appropriés et de haute qualité, mais les délais d'admission sont élevés et les procédures touchent à leurs limites face aux nouvelles thérapies onéreuses, au manque de transparence des prix sur le plan international et aux problèmes d'approvisionnement en médicaments. Par ailleurs, malgré les économies considérables atteintes grâce aux réductions du prix des médicaments effectuées dans le cadre du réexamen triennal, les coûts à charge de l'AOS dans ce domaine ont augmenté sans discontinuer depuis 2014.

Dans ce contexte, la CdG-E estime que des mesures supplémentaires sont indispensables pour garantir une mise en oeuvre plus efficace des dispositions de la LAMal dans le domaine des médicaments, en tenant compte de manière équilibrée des différents enjeux (en particulier maîtrise des coûts de la santé, promotion de l'innovation, sécurité de l'approvisionnement). Pour la commission, ces mesures peuvent être prises indépendamment de l'issue des délibérations parlementaires actuelles sur ce thème244.

Ci-après, la CdG-E présente son appréciation quant à la mise en oeuvre de ses recommandations de 2014245. Elle met en évidence au chap. 4.2 les points pour lesquels elle identifie une nécessité supplémentaire d'agir de la perspective de la haute surveillance. Les autres aspects sont présentés au chap. 4.3.

4.2

Principaux enjeux actuels du point de vue de la haute surveillance et nouvelles recommandations

De l'avis de la CdG-E, les principaux points de blocage du système actuel découlent de la divergence fondamentale entre les autorités fédérales et l'industrie pharmaceutique concernant l'évaluation de l'économicité des médicaments. Elle estime que des améliorations doivent être apportées sur ce point et, de manière plus générale, concer244

En sa qualité d'organe de haute surveillance parlementaire, la CdG-E se focalise sur la mise en oeuvre par le Conseil fédéral des dispositions légales existantes; elle ne se prononce pas sur l'adéquation des décisions prises par le Parlement ou actuellement examinées par celui-ci, ces aspects étant du ressort des commissions législatives.

245 Le texte intégral des recommandations de 2014 est présenté à l'annexe 4.

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nant l'évaluation des critères EAE (chap. 4.2.1). Par ailleurs, elle propose diverses mesures visant à renforcer l'efficacité et la clarté des procédures d'admission et de réexamen des médicaments (chap. 4.2.2). Enfin, elle juge indispensable que le Conseil fédéral clarifie les questions éthiques concernant la prise en charge de médicaments très onéreux par l'AOS (chap. 4.2.3). Sur cette base, elle formule une série de nouvelles recommandations à l'intention du Conseil fédéral. Elle a en outre décidé de déposer deux postulats.

4.2.1

Clarifier l'évaluation de l'efficacité, de l'adéquation et de l'économicité

Bases légales et autres prescriptions (chap. 3.2.1 et 3.2.4) De manière générale et à l'exception de certains aspects spécifiques évoqués plus bas (cf. recommandations 2 et 3), la CdG-E n'identifie pas de nécessité d'intervenir du point de vue de la haute surveillance en ce qui concerne la qualité des ordonnances et des autres prescriptions relatives à l'évaluation des critères EAE pour les médicaments. Elle reconnaît que la structure des dispositions actuelles est complexe et que la modification fréquente du cadre législatif et réglementaire (loi, ordonnances, directives et instructions)246 représente un défi pour l'ensemble des acteurs, en particulier pour les entreprises concernées. Elle constate néanmoins que l'OFSP s'efforce de communiquer à ce sujet de manière transparente et régulière, au moyen de circulaires et de lettres d'information.

La commission prie le Conseil fédéral de s'assurer que l'OFSP continue d'améliorer, dans la mesure du possible, l'information publique concernant les règles en vigueur dans ce domaine, en tirant profit de la numérisation. Elle l'invite par exemple à examiner l'opportunité d'établir un répertoire en ligne, régulièrement actualisé. Par ailleurs, au vu des récentes modifications d'ordonnances adoptées par le Conseil fédéral, elle juge important que l'OFSP procède de manière prioritaire à une actualisation des Instructions relatives à la LS, six ans après leur dernière mise à jour.

Enfin, la commission salue les travaux menés par l'OFSP au cours des dernières années pour concrétiser les critères d'évaluation des critères EAE. En particulier, elle estime que la récente publication du document «Opérationnalisation des critères EAE» (cf. chap. 3.2.1) constitue un progrès important pour garantir l'homogénéité et la transparence de l'examen mené par l'office; ce document met en partie en oeuvre la demande de précision des critères EAE que la CdG-E avait formulée dans les Po. 14.3295 et 14.3296. Elle invite l'OFSP à tenir régulièrement ce document à jour et à le compléter sur la base des connaissances les plus récentes.

246

En raison des décisions du Conseil fédéral et du Parlement ainsi que de la jurisprudence.

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Recommandation 1

Bases légales et autres prescriptions concernant l'évaluation des critères EAE

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que l'OFSP actualise les Instructions relatives à la LS et ­ si nécessaire ­ le document relatif à l'opérationnalisation des critères EAE.

En outre, il est prié de s'assurer que l'OFSP continue d'améliorer l'information publique concernant les bases légales, les prescriptions et la jurisprudence dans le domaine de l'évaluation des critères EAE pour l'admission et le réexamen des médicaments. L'office est invité à tirer profit de la numérisation à cet effet.

Par ailleurs, la CdG-E a pris note de la proposition du Conseil fédéral aux Chambres fédérales d'introduire un «examen différencié des critères EAE», devant permettre de varier le degré de détail de l'évaluation des critères EAE en fonction du type de prestations et du cycle de vie de la prestation (cf. chap. 3.2.4)247. Sur le fond, la commission est d'avis qu'une pondération de l'évaluation des critères EAE et une flexibilisation du rythme des réexamens peuvent faire sens dans certains cas, afin de se focaliser sur les produits pour lesquels une évaluation est nécessaire en raison de nouvelles informations ou pour lesquels un bénéfice élevé en terme de soins ou de réduction des coûts est attendu248. Elle estime toutefois important qu'un tel examen différencié ne mène pas à un affaiblissement global de l'évaluation des critères EAE. En conséquence, elle demande ­ dans le cas où cette proposition est acceptée par le Parlement ­ que le Conseil fédéral établisse de manière transparente, au niveau des ordonnances, des lignes directrices concernant l'évaluation des critères EAE pour les différents types d'examens et de réexamens.

Cas spécifique de l'évaluation du critère d'économicité (chap. 3.2.2) De l'avis de la CdG-E, l'évaluation du critère d'économicité constitue le défi majeur de la procédure d'admission et de réexamen des médicaments et cette problématique devrait perdurer ces prochaines années. Les divergences fondamentales entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique à ce sujet ont un impact substantiel sur la durée des procédures d'admission et de réexamen (chap. 4.2.2), sur la disposition au dialogue entre l'office et l'industrie (chap. 4.2.2) et, au final, sur l'efficacité des procédures dans leur ensemble. La commission regrette que ces désaccords mènent à des situations de blocage pouvant repousser de plusieurs mois l'admission de certains médicaments.

247

Cette proposition est examinée par les Chambres fédérales dans le cadre du 2e volet du projet de révision de la LAMal visant à maîtriser les coûts de la santé. En première lecture, le Conseil national n'y a pas donné suite; le Conseil des États traitera cet aspect en 2024.

248 Ainsi, aux yeux de la commission, il pourrait être approprié de renoncer à un réexamen triennal pour certains médicaments dont le prix est déjà très bas, afin d'éviter que ceux-ci disparaissent du marché faute de rentabilité. À l'inverse, un réexamen plus fréquent (p. ex. une fois par année) pourrait se justifier pour certains nouveaux médicaments pour lesquels on ne dispose que de données partielles concernant l'efficacité ou l'adéquation.

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La commission relève positivement que le Conseil fédéral a oeuvré à plusieurs niveaux, ces dernières années, pour compléter et préciser les modalités de l'évaluation du critère d'économicité (CPE et CT). Tout d'abord, il a régulièrement proposé des modifications des ordonnances pertinentes, tout en tenant compte de l'appréciation des acteurs concernés249. Il a par ailleurs élaboré, en collaboration avec l'industrie pharmaceutique et les assureurs-maladie, un modèle d'évaluation du bénéfice thérapeutique pour les médicaments oncologiques, servant de base au calcul de la prime à l'innovation incluse dans la CT (cf. aussi plus bas). La publication du document «Opérationnalisation des critères EAE» en 2022 a également renforcé la transparence de l'activité de l'office concernant l'évaluation de l'économicité. Enfin, en proposant d'ancrer dans la loi les nouveaux modèles de prix incluant des rabais confidentiels (cf.

chap. 3.4.3 et 4.3), le Conseil fédéral a accepté une importante exception aux principes habituels du calcul de l'économicité, afin d'encourager la recherche de solutions avec l'industrie pharmaceutique pour la fixation des prix.

La CdG-E constate que l'évaluation de l'économicité constitue une tâche complexe et que les défis auxquels l'OFSP est confronté dans ce cadre sont nombreux (cf.

chap. 3.2.2). Dans ce contexte, la commission juge adéquat que l'office dispose d'une certaine marge de manoeuvre lors de son examen. Celle-ci doit lui permettre de trouver, en fonction des médicaments examinés, le meilleur équilibre entre les différents objectifs parfois antagonistes de la LAMal, afin de fixer le prix de remboursement approprié. Cette marge d'appréciation a été confirmée à plusieurs reprises par les tribunaux250. Au vu de l'évolution actuelle des coûts de la santé, la CdG-E juge compréhensible que l'office porte une attention particulière au critère du prix avantageux.

Les clarifications qu'elle a menées montrent toutefois que l'office ne se focalise pas de manière unilatérale sur le prix, mais qu'il tient également compte des autres enjeux, comme l'innovation et la sécurité de l'approvisionnement.

Dans le prolongement des demandes formulées dans son Po. 14.3296 de 2014 et au regard des divergences fondamentales constatées entre les autorités fédérales et l'industrie pharmaceutique,
la CdG-E juge important que le Conseil fédéral continue autant que possible à clarifier et optimiser les modalités d'évaluation de l'économicité des médicaments. À ce propos, elle le prie d'examiner notamment: ­

Si des lignes directrices générales devraient être définies concernant la sélection des médicaments de comparaison retenus par l'OFSP lors de la CT et de la CPE, tout en préservant la marge de manoeuvre de l'office pour la sélection au cas par cas;

­

Dans quelle mesure les dispositions des ordonnances251 pourraient être optimisées afin que les prix des médicaments effectivement remboursés à l'étranger soient pris en compte dans la CPE et non les «prix de vitrine» sensiblement plus élevés. À cet effet, la commission invite le Conseil fédéral à renforcer les contacts bilatéraux avec les pays inclus dans la CPE;

249

Par exemple, le Conseil fédéral a renoncé aux modifications d'ordonnances qu'il avait proposées en 2022 au sujet de la CPE et de la CT, suite aux réactions controversées que celles-ci ont suscité en consultation.

250 Au regard du principe de séparation des pouvoirs, il ne revient pas à la CdG-E de se prononcer quant au contenu des décisions de tribunaux sur cet aspect.

251 En particulier art. 65b, al. 2 et 3, OAMal et art. 34b et 34c OPAS.

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­

Dans quelle mesure la CPE et la CT constituent encore des modèles adéquats dans tous les cas, ou si des approches alternatives sont nécessaires, notamment pour la fixation du prix de certains médicaments onéreux.

La commission estime en outre que différentes autres mesures devraient contribuer à améliorer l'évaluation de l'économicité des médicaments, notamment l'optimisation des ETS (cf. postulat 1 ci-dessous) et l'encouragement d'un dialogue régulier entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique (cf. chap. 4.2.2).

Recommandation 2

Évaluation du critère d'économicité

Le Conseil fédéral est prié de clarifier et d'optimiser autant que possible les modalités d'évaluation de l'économicité des médicaments, afin d'améliorer l'efficacité de la comparaison thérapeutique (CT) et de la comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger (CPE). Dans ce cadre, il est notamment prié d'examiner, en collaboration avec les acteurs concernés: ­

Si des lignes directrices générales devraient être définies concernant la sélection des médicaments de comparaison retenus par l'OFSP lors de la CT et de la CPE;

­

Dans quelle mesure les dispositions des ordonnances (OAMal et OPAS) pourraient être optimisées afin que les prix des médicaments effectivement remboursés à l'étranger soient pris en compte dans la CPE;

­

Dans quelle mesure la CPE et la CT constituent encore des modèles adéquats dans tous les cas, ou si des approches alternatives sont nécessaires.

Évaluation du bénéfice thérapeutique (chap. 3.2.2) La CdG-E salue le développement par l'OFSP, en collaboration avec les assureursmaladie et l'industrie pharmaceutique, des «modèles d'appréciation du bénéfice thérapeutique» utilisés pour déterminer la prime à l'innovation lors du calcul de la CT.

Elle estime que ceux-ci constituent une étape importante pour clarifier l'évaluation du critère d'économicité. Comme indiqué plus haut, elle salue la mise en oeuvre d'un tel modèle pour les médicaments oncologiques. Elle invite le Conseil fédéral à s'assurer que l'OFSP oeuvre de manière prioritaire à la finalisation et l'introduction d'un tel modèle applicable aux autres types de médicaments (non-oncologiques). Elle part en outre du principe que les bases légales et les prescriptions pertinentes (notamment les Instructions concernant la LS) seront adaptées si nécessaire.

Recommandation 3

Modèle d'appréciation du bénéfice thérapeutique pour médicaments non-oncologiques

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que l'OFSP finalise et introduise de manière prioritaire un modèle d'appréciation du bénéfice thérapeutique pour les médicaments non-oncologiques.

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Sous réserve de la mise en oeuvre de la recommandation 3 ci-dessus, la CdG-E estime que le Conseil fédéral a mis en oeuvre sa recommandation 2 de 2014 ainsi qu'une partie du Po. 14.3296 (application uniforme de la prime à l'innovation et précision des conditions d'octroi).

Évaluation des technologies de la santé (chap. 3.2.3) La CdG-E tire un bilan contrasté du développement des ETS au cours des dernières années. Sur le principe, elle juge particulièrement important que les médicaments pour lesquels on soupçonne que les critères EAE ne soient pas remplis fassent l'objet d'un examen approfondi; une telle démarche permet de fonder les décisions de l'office sur des faits avérés. Elle salue les efforts entrepris par l'OFSP dans ce domaine depuis 2016 et constate que la section consacrée aux ETS a atteint ­ après quelques années de mise en place ­ le rythme de travail annoncé par le Conseil fédéral. Lors de son contrôle de suivi, la commission n'a pas identifié de problèmes de gestion liés au fonctionnement de cette section. Elle constate que celle-ci exerce ses activités avec sérieux et oeuvre à l'amélioration de la qualité des rapports. Elle salue la transparence de l'OFSP concernant le résultat des examens. Elle juge adéquat que chaque personne ou organisation puisse formuler des propositions d'évaluations. Enfin, elle n'identifie pas de nécessité d'agir au sujet de la proportion actuelle d'ETS concernant des médicaments (environ 50 %).

La commission est plus mitigée en ce qui concerne l'impact concret des évaluations.

Elle relève en particulier que l'influence des ETS dans le domaine des médicaments est restée très limitée jusqu'à présent252. Les économies atteintes grâce aux ETS, tous domaines confondus (environ 75 millions de francs par an selon le Conseil fédéral), sont bien inférieures aux estimations initiales. La CdG-E est consciente que cette situation est notamment due à l'usage des droits procéduraux par les entreprises concernées; par ailleurs, le nombre restreint de cas de modifications du remboursement suite à une ETS témoigne de la bonne qualité de l'évaluation initiale des critères EAE par l'OFSP. La commission juge néanmoins important que l'efficacité du programme ETS soit encore renforcée, dans le prolongement des mesures déjà prises. Lors du choix des évaluations, l'OFSP doit se
focaliser autant que possible sur les médicaments et prestations pour lesquels les critères EAE sont disputés ou qui présentent un important potentiel d'économies. L'échange d'expériences avec les agences ETS d'autres pays et la reprise de rapports ETS réalisés à l'étranger devraient aussi être renforcés. Enfin, la CdG-E estime que l'OFSP devrait mener davantage d'ETS en lien avec les nouveaux médicaments bénéficiant de prix provisoires ou d'admissions temporaires, ainsi que les médicaments pour lesquels des divergences avec l'industrie pharmaceutique surviennent lors du réexamen périodique (cf. chap. 4.2.2).

La CdG-E est en outre d'avis que l'option de la création d'une institution ETS indépendante de l'OFSP demeure d'actualité. La commission reconnaît certes que la section ETS est distincte des autres unités de l'office et que les rapports ETS sont rédigés par des agences externes sur lesquelles l'OFSP n'a pas d'influence. Néanmoins, elle partage l'avis de la CNE que l'option d'une institution indépendante contribuerait à 252

Sur une quinzaine d'évaluations, seules trois ont mené à des modifications du remboursement et aucune n'a mené à une radiation de la LS.

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une séparation plus claire des rôles dans le processus d'examen. Cela renforcerait probablement la perception publique d'indépendance des évaluations et la légitimité de celles-ci face aux acteurs concernés du domaine de la santé253. Une telle agence pourrait être mise sur pied en collaboration avec d'autres acteurs institutionnels concernés (par exemple les cantons et le monde académique), afin de tirer profit des synergies possibles dans ce domaine.

Au vu de ces éléments, la CdG-E a décidé de déposer le postulat ci-dessous.

Postulat 1

Évaluation des technologies de la santé: Bilan, renforcement de l'efficacité et examen d'une institution indépendante

Le Conseil fédéral est prié: 1.

De tirer, d'ici 2025, un bilan détaillé de la pratique de l'OFSP en matière d'évaluation des technologies de la santé (ETS), incluant une analyse de la qualité des ETS, une analyse des suites données aux évaluations, une estimation des économies atteintes et une liste des principaux défis auxquels l'office est confronté;

2.

D'examiner, sur cette base, quelles mesures pourraient être prises afin de renforcer l'efficacité des ETS;

3.

D'examiner l'option de la création d'une agence ETS indépendante, établie en collaboration avec d'autres acteurs institutionnels.

Le Conseil fédéral est prié de faire part du résultat de ses travaux dans un rapport.

4.2.2

Optimiser la procédure d'admission et de réexamen des médicaments

Durée de la procédure d'admission (chap. 3.1.3) La CdG-E constate que la durée de la procédure continue à représenter l'un des principaux défis en lien avec l'admission des médicaments. Elle relève en outre que l'OFSP et l'industrie pharmaceutique présentent des positions très divergentes concernant l'établissement des faits sur ce point, en particulier concernant le respect du délai fixé à l'art. 31b OPAS254.

La commission juge préoccupant que, dans de nombreux cas, le délai indicatif de 60 jours prévu à l'art. 31b OPAS ne soit pas respecté et que le nombre de demandes en suspens demeure élevé.

Sur le fond, elle partage l'appréciation de l'industrie pharmaceutique qu'une réduction de la durée de traitement des demandes d'admission est souhaitable. Elle estime néan253

L'industrie pharmaceutique, en particulier, présente une appréciation critique concernant les activités de l'OFSP en général (cf. chap. 3.1.6) et, notamment, de la section ETS.

254 La CdG-E n'a pas procédé à une analyse approfondie de la plausibilité des données fournies par l'office et l'industrie pharmaceutique au sujet de la durée des procédures, une telle analyse dépassant le cadre du présent contrôle de suivi.

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moins que les critiques émises par l'industrie pharmaceutique à l'encontre de l'OFSP doivent être relativisées à plusieurs égards: ­

Premièrement, la CdG-E note que le Conseil fédéral et l'OFSP ont oeuvré de manière active, ces dernières années, pour réduire la durée des procédures, par exemple à travers l'augmentation des ressources de l'office (cf. chap. 3.1.2) ou le renforcement de la collaboration avec Swissmedic (cf. chap. 3.1.5), et que le nombre de demandes traitées par année par l'OFSP est plus élevé que par le passé. La CdG-E constate en outre que la Suisse semble présenter une durée de traitement plutôt compétitive en comparaison internationale.

­

Deuxièmement, la CdG-E constate que la durée de la procédure ne s'explique pas principalement par un manque d'efficience ou de compétences au sein de l'OFSP, mais par les dissensions fondamentales entre l'office et l'industrie pharmaceutique concernant le critère d'économicité (cf. chap. 4.2.1). En l'état actuel, la CdG-E juge adéquat qu'en cas de désaccord sur le critère d'économicité d'un médicament, l'OFSP poursuive les négociations avec l'entreprise concernée au-delà du délai de 60 jours afin de trouver une solution consensuelle plutôt que de prendre une décision de refus unilatérale.

­

Troisièmement, la CdG-E estime que l'industrie pharmaceutique porte également une part de responsabilité dans la durée des procédures d'admission. Les clarifications de la CdG-E montrent ainsi que, dans une partie des cas, les entreprises tardent à déposer leurs demandes d'admission auprès de l'OFSP, respectivement ne font pas usage de la possibilité de déposer celles-ci dès le préavis de Swissmedic255. Il arrive également que les données fournies à l'office soient incomplètes. De manière plus générale, la complexité croissante des demandes déposées et l'augmentation de leur nombre a également un impact sur les délais de traitement.

La CdG-E prie le Conseil fédéral de continuer à oeuvrer à une amélioration de la durée pour le traitement des demandes d'admission des médicaments. Dans ce cadre, elle l'invite à examiner dans quelle mesure les dispositions d'ordonnance concernant les délais devraient être complétées ou précisées, par exemple en fixant des délais différenciés pour certaines catégories de médicaments. La commission prie également le Conseil fédéral d'examiner dans quelle mesure la transparence concernant les délais de traitement effectifs des demandes d'admission pourrait être renforcée, par exemple à travers la publication régulière par l'OFSP de statistiques sur ce point.

La commission invite en outre le Conseil fédéral à examiner l'introduction explicite dans les ordonnances d'un système «stop the clock» sur le modèle de Swissmedic256 lors du traitement des demandes. Enfin, elle invite le Conseil fédéral à examiner dans quelle mesure la procédure rapide d'admission prévue à l'art. 31a OPAS pourrait être 255

La CdG-E relève que l'OFSP et l'industrie pharmaceutique présentent une position différente concernant l'établissement des faits sur ce point (cf. chap. 3.1.3). L'audit du CDF réalisé récemment semble néanmoins confirmer les affirmations de l'office.

256 Selon les informations de Swissmedic, lorsque des informations complémentaires pour le traitement d'une demande d'autorisation doivent être requises auprès de l'entreprise pharmaceutique concernée, l'institut peut suspendre le décompte du délai de traitement.

L'entreprise est ainsi incitée à fournir les informations nécessaires le plus rapidement possible.

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optimisée. De manière générale, elle juge toutefois essentiel que l'accélération des procédures ne se fasse pas au détriment de la qualité de l'examen des critères EAE.

Enfin, la CdG-E estime que le renforcement du dialogue entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique ainsi que la dotation adéquate en ressources de l'OFSP et de la CFM (cf. plus bas) constituent des conditions centrales pour une amélioration de la durée de traitement.

Recommandation 4

Durée de traitement des demandes d'admission

Le Conseil fédéral est prié d'oeuvrer à une amélioration de la durée de traitement des demandes d'admission des médicaments. Dans ce cadre, il est invité à examiner, en collaboration avec les acteurs concernés, dans quelle mesure les dispositions d'ordonnance concernant les délais devraient être complétées ou précisées.

Le Conseil fédéral est également prié d'examiner dans quelle mesure la transparence concernant les délais de traitement des demandes d'admission pourrait être renforcée, par exemple à travers la publication régulière par l'OFSP de statistiques sur ce point.

Enfin, le Conseil fédéral est invité à examiner l'introduction explicite dans les ordonnances d'un système «stop the clock» lors du traitement des demandes d'admission des médicaments ainsi qu'à examiner dans quelle mesure la procédure rapide d'admission prévue à l'art. 31a OPAS pourrait être optimisée.

Échanges de l'OFSP avec l'industrie pharmaceutique (chap. 3.1.6) Durant son contrôle de suivi, la CdG-E a relevé que l'OFSP et l'industrie pharmaceutique présentaient une appréciation très différente au sujet de leur collaboration concernant l'admission des médicaments. Les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique, en particulier, se sont montrées très critiques envers l'office sur ce point.

Pour la CdG-E, il est compréhensible que l'OFSP et l'industrie pharmaceutique, au vu de leurs intérêts différents, se retrouvent régulièrement dans des situations de divergence lors de la procédure d'admission des médicaments. Les faits collectés par la CdG-E montrent toutefois que l'OFSP s'est efforcé, ces dernières années, de renforcer et systématiser ses contacts avec l'industrie pharmaceutique. La commission salue en particulier l'introduction du dialogue précoce avec les entreprises, sous forme d'entretiens de clarification avant le dépôt des demandes257. La commission voit également d'un oeil positif la volonté de l'OFSP de participer aux réunions entre Swissmedic et l'industrie pharmaceutique («pipeline meetings»)258. Enfin, la commission relève que le Conseil fédéral a adopté plusieurs mesures allant dans le sens des sou257

Nouveaux art. 69a et 70b OAMal et 31d OPAS, adoptés en septembre 2023, en vigueur dès le 1.1.2024. Cette mesure doit contribuer à réduire les divergences durant la procédure d'admission et donc à diminuer sa durée. La commission juge néanmoins proportionné que cette option demeure facultative et ait lieu à la demande et aux frais des entreprises concernées, dans la mesure où un tel dialogue ne se justifie pas forcément pour chaque médicament et implique une charge de travail supplémentaire pour l'office.

258 Cette mesure devrait permettre à l'office de mieux anticiper les demandes d'admission et d'optimiser en conséquence la planification de ses ressources.

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haits de l'industrie pharmaceutique, comme l'introduction des modèles de prix confidentiels (cf. chap. 3.4.3 et 4.3) ou la mise en place d'une procédure d'accès anticipé (cf. chap. 3.1.5 et ci-après).

La CdG-E est d'avis qu'une collaboration constructive entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique est indispensable pour renforcer l'efficacité du processus d'admission des médicaments. Elle estime que les efforts de l'office en ce sens doivent être poursuivis. Elle invite le Conseil fédéral à s'assurer que l'office entretienne un dialogue régulier et structuré avec les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique et les entreprises concernées. Afin de favoriser un échange constructif, elle juge important que les réunions soient planifiées suffisamment à l'avance et leur contenu fixé de manière transparente. En parallèle, la commission estime essentiel que l'industrie pharmaceutique contribue elle aussi de manière active à la recherche de solutions et se montre ouverte aux négociations, notamment sur le critère d'économicité; elle salue la volonté de dialogue exprimée par les associations faîtières.

La commission souligne que le renforcement du dialogue entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique ne doit pas empêcher l'office de mener en toute indépendance son mandat légal. Conformément à la loi et aux ordonnances, il revient à l'OFSP de procéder à l'examen des critères EAE et de prendre les décisions relatives au prix des médicaments, en tenant compte des intérêts de l'ensemble des acteurs (patients, industrie pharmaceutique, assureurs-maladie, autres) et des objectifs formulés dans la LAMal. Dans le même sens, les éventuelles modifications des lois et ordonnances doivent inclure l'ensemble des acteurs concernés, et pas uniquement l'industrie.

La CdG-E attend que l'ensemble des acteurs concernés entretiennent un dialogue constructif dans le cadre de la mise en oeuvre des recommandations du présent rapport.

Recommandation 5

Échanges entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que l'OFSP continue d'entretenir des échanges réguliers et structurés avec les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique et les entreprises concernées au sujet du processus d'admission et réexamen des médicaments. Les échanges doivent être orientés vers la recherche de solutions constructives pouvant être soutenues par l'ensemble des acteurs. L'indépendance de l'OFSP dans l'exercice de son mandat légal doit être respectée.

Mise en place d'une procédure d'accès anticipé (chap. 3.1.5) La commission évalue positivement les efforts du Conseil fédéral et de l'OFSP, ces dernières années, pour mettre en place un système d'initialisation plus précoce de la procédure d'admission pour les médicaments répondant à un besoin médical élevé, afin que ceux-ci puissent être pris en charge par l'AOS rapidement après leur autorisation par Swissmedic sur la base d'un prix provisoire («accès anticipé»)259. Elle regrette néanmoins qu'il ait fallu attendre 2022 pour que les propositions de l'industrie pharmaceutique en ce sens soient examinées par l'OFSP. Elle invite l'office à pour259

Projet pilote mené en 2022­2023, nouveaux art. 69a et 70b OAMal et art. 31d OPAS adoptés en septembre 2023, en vigueur dès le 1.1.2024, cf. chap. 3.1.5.

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suivre la réalisation de projets pilotes dans ce domaine, en collaboration avec l'ensemble des acteurs concernés.

La CdG-E juge important que le Conseil fédéral porte une attention particulière aux risques liés à l'introduction d'une telle procédure, en particulier en lien avec la fixation de prix provisoires à un stade précoce de l'examen. Elle partage l'avis de l'OFSP qu'il faudra veiller à ce que ce système ne conduise pas à une consolidation de prix excessivement élevés pendant de nombreuses années, en l'absence d'éléments suffisants pour évaluer les critères EAE260. Dans ce contexte, elle invite le Conseil fédéral à tirer un bilan de cette nouvelle procédure, par le biais de la recommandation suivante.

Recommandation 6

Bilan de la procédure d'accès anticipé

Le Conseil fédéral est prié de procéder, d'ici trois à quatre ans, à un bilan de la nouvelle procédure d'accès anticipé pour les médicaments répondant à un besoin médical élevé. Dans ce cadre, il est invité à accorder une attention particulière à l'impact de cette mesure sur les délais d'admission et les prix de remboursement.

Admissions temporaires de médicaments (chap. 3.4.1) La CdG-E estime que sa recommandation 4 de 2014, qui demandait un renforcement de la transparence concernant les admissions temporaires et une radiation conséquente des médicaments qui, après évaluation, ne satisfont pas aux critères EAE, a été partiellement mise en oeuvre. Elle constate avec satisfaction que la transparence relative aux admissions temporaires a été renforcée au cours des dernières années (cf.

chap. 3.1.4). Elle partage en outre l'avis du Conseil fédéral que les admissions temporaires, couplées à un réexamen étroit des critères EAE à brève échéance, constituent une solution appropriée pour faire face à la multiplication des médicaments pour lesquels on ne dispose que de premières données provisoires, et ainsi de garantir un accès rapide à des thérapies innovantes tout en gardant un contrôle des coûts.

La commission note néanmoins que cette pratique comporte des risques. En particulier, elle relève qu'il demeure très rare qu'un médicament soit radié de la LS au terme de l'admission temporaire. Si l'OFSP ne dispose pas de données suffisamment sûres pour une évaluation définitive des critères EAE, le médicament est à nouveau admis pour une durée limitée. De l'avis de la CdG-E, cette pratique pourrait mener à ce que des médicaments pour lesquels les preuves relatives aux critères EAE ne sont pas apportées continuent d'être pris en charge par l'AOS pendant plusieurs années. En raison de l'absence de règles spécifiques concernant la prolongation des admissions temporaires, la pression sur les entreprises pharmaceutiques pour fournir rapidement des informations complémentaires demeure faible.

La commission prie le Conseil fédéral de s'assurer que l'OFSP exerce un suivi étroit des médicaments bénéficiant d'une admission temporaire dans la LS. Elle l'invite par ailleurs à examiner quelles mesures pourraient être prises pour réduire le nombre de 260

À ce propos, elle juge adéquat que le prix de tels médicaments soit fréquemment réévalué, par exemple chaque année (cf. plus bas).

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cas de prolongations des admissions temporaires et pour garantir que, dans de tels cas, les informations permettant une évaluation des critères EAE soient disponibles le plus rapidement possible. À ce titre, les options suivantes pourraient être envisagées: premièrement, une limitation du nombre maximal de prolongations de l'admission temporaire (assortie d'exceptions pour les cas de rigueur); deuxièmement, une diminution forfaitaire du prix de remboursement en cas de prolongations de l'admission temporaire en l'absence de nouvelles informations relatives aux critères EAE; troisièmement, la réalisation systématique d'une ETS pour les médicaments pour lesquels une prolongation de l'admission temporaire est nécessaire. La commission considère que ces principes pourraient également s'appliquer aux médicaments bénéficiant d'une procédure d'«accès anticipé» couplée à des prix provisoires (cf. plus haut).

Par ailleurs, aux yeux de la CdG-E, il est important que l'accent mis par l'OFSP sur le suivi des admissions temporaires n'ait pas un impact négatif sur les ressources consacrées à l'admission et au réexamen des autres médicaments. En cas de besoin, elle invite le Conseil fédéral à examiner l'opportunité de renforcer les ressources de l'office dans les domaines concernés (cf. recommandation 9 ci-après).

Recommandation 7

Admissions temporaires

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que l'OFSP exerce un suivi étroit des médicaments bénéficiant d'une admission temporaire dans la LS.

Le Conseil fédéral est par ailleurs invité à examiner, en collaboration avec les acteurs concernés, quelles mesures pourraient être prises pour réduire le nombre de cas de prolongations des admissions temporaires et pour garantir que, dans de tels cas, les informations permettant une évaluation des critères EAE soient disponibles le plus rapidement possible.

Réexamen périodique des médicaments (chap. 3.3) La CdG-E arrive à la conclusion que sa recommandation 7 de 2014, qui demandait une application conséquente des dispositions de la LAMal concernant le réexamen périodique, a été en grande partie concrétisée. Elle salue les efforts entrepris par le Conseil fédéral depuis 2017 pour mettre en oeuvre le réexamen triennal des médicaments conformément aux prescriptions de la LAMal et à la jurisprudence du TF261.

La commission relève positivement que le réexamen triennal des médicaments mené par l'OFSP a permis de procéder à des baisses de prix synonymes d'économies de plusieurs centaines de millions de francs par année pour l'AOS depuis 2017 et de près d'un milliard et demi de francs depuis 2012. En ce sens, elle juge que les investissements consentis pour renforcer l'efficience de la procédure de réexamen ont été largement rentabilisés. Elle relève néanmoins que la mise en oeuvre a constitué ­ et constitue encore ­ un défi majeur pour l'OFSP. Cela s'explique notamment par le grand nombre de préparations devant être examinées dans un délai restreint et par la com261

La commission relève que l'arrêt du TF de 2015 a confirmé l'appréciation qu'elle avait déjà émise dans son rapport de 2014, à savoir que le réexamen périodique doit systématiquement inclure une CPE et une CT.

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plexité des négociations avec l'industrie pharmaceutique. Ici également, les divergences fondamentales concernant le critère d'économicité (cf. chap. 4.2.1) constituent le principal facteur de blocage.

La commission estime adéquat que l'OFSP dispose, lors de la procédure de réexamen (comme évoqué plus haut, cf. chap. 4.2.1), d'une marge de manoeuvre dans l'évaluation du critère d'économicité afin de trouver, en fonction des médicaments examinés, le meilleur équilibre entre les objectifs en jeu. La CdG-E considère que la prise en compte des enjeux liés à l'approvisionnement du pays est importante dans la réalisation du réexamen; elle a noté que l'office tenait compte de manière proportionnée de cette question lors des réexamens et qu'il avait décidé sur cette base, à plusieurs reprises ces dernières années, de renoncer à réduire le prix de certains médicaments262.

La commission juge néanmoins approprié que le Conseil fédéral tire, à l'issue du troisième cycle (2023­2025), un bilan global de l'efficacité du réexamen des médicaments, tenant compte des économies effectuées, mais aussi des implications sur l'approvisionnement de la Suisse en médicaments et sur la qualité du système de santé.

Concernant la nécessité de préciser les modalités de la CT et de la CPE, la commission renvoie à sa recommandation 2.

La CdG-E a constaté lors de son contrôle de suivi que l'OFSP ne procédait que rarement à une évaluation approfondie des critères d'efficacité et d'adéquation dans le cadre du réexamen, comme elle l'avait déjà relevé en 2014. Elle reconnaît qu'il ne serait pas réaliste, au vu des ressources disponibles, de procéder à une évaluation approfondie pour chaque médicament. Dans ce contexte, elle juge adéquat que l'office se focalise sur les médicaments pour lesquels des nouvelles données sont disponibles ou des indices de manquements existent. Elle invite toutefois le Conseil fédéral à s'assurer que l'office réalise de manière encore plus fréquente des ETS (cf. chap. 4.2.1) dans le cadre des réexamens.

La CdG-E prie le Conseil fédéral de continuer à oeuvrer à l'amélioration du processus de réexamen au cours des années à venir263. De son point de vue, il est important que le plus de médicaments possible soient examinés dans les délais requis par l'ordonnance, tout en évitant les mesures de priorisation
ayant un impact négatif sur d'autres tâches de l'office. Elle invite le Conseil fédéral à examiner si des adaptations devraient être apportées en ce qui concerne la procédure et les délais pour l'annonce des baisses de prix, afin de garantir une meilleure sécurité de planification aux acteurs concernés.

La commission estime également approprié que le Conseil fédéral examine l'option d'une plus grande flexibilisation du rythme des réexamens: la fréquence pourrait être réduite pour les préparations dont le tarif est déjà très bas et augmentée (p. ex. à un rythme annuel) pour les nouveaux médicaments onéreux. Néanmoins, dans un tel cas, les critères déterminants pour le rythme de réexamen devraient être fixés de manière très claire.

262

Certaines augmentations de prix ont par ailleurs été accordées par l'office, en dehors du réexamen triennal.

263 La CdG-E part du principe que les économies supplémentaires des prochaines années seront inférieures à celles des cycles précédents, dans la mesure où une grande partie des médicaments concernés ont déjà été réexaminés à deux reprises.

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Enfin, la commission salue la volonté du Conseil fédéral de maintenir le réexamen des médicaments après expiration du brevet. Elle le prie de s'assurer qu'un tel réexamen ait lieu de manière systématique et indépendamment du réexamen triennal, dans le respect des dispositions de l'OAMal.

Recommandation 8

Réexamen périodique des médicaments

Le Conseil fédéral est prié de continuer à améliorer la procédure de réexamen des médicaments, en collaboration avec les acteurs concernés. Il est notamment invité à examiner si des adaptations devraient être apportées en ce qui concerne la procédure et les délais pour l'annonce des baisses de prix. Il est également invité à examiner l'option d'une plus grande flexibilisation du rythme des réexamens (assortie de critères clairs). Enfin, il est invité à réaliser de manière encore plus fréquente des évaluations des technologies de la santé (ETS) dans le cadre des réexamens.

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que le réexamen après expiration du brevet ait lieu dans le respect des dispositions de l'OAMal.

Enfin, le Conseil fédéral est prié de tirer, à l'issue du troisième cycle (2023­2025), un bilan global de l'efficacité du réexamen des médicaments.

Ressources et compétences spécialisées de l'OFSP et de la CFM (chap. 3.1.2) De manière générale, la CdG-E arrive à la conclusion que sa recommandation 3 de 2014, qui demandait que la CFM et l'OFSP soient dotés des ressources nécessaires à l'accomplissement de leur mandat, a été en grande partie mise en oeuvre. Elle relève que le Conseil fédéral a oeuvré à plusieurs niveaux, durant les dernières années, pour que cette demande soit remplie. À ses yeux, cette condition est déterminante pour garantir que l'admission et le réexamen des médicaments ait lieu conformément aux prescriptions légales.

Concernant l'OFSP, la commission salue le renforcement des ressources en personnel de l'office et la réorganisation de la section consacrée aux médicaments, qui ont permis d'améliorer l'efficience des procédures. Elle note néanmoins que la situation en la matière demeure tendue. La CdG-E juge important que le Conseil fédéral continue à suivre de manière étroite la situation et qu'il procède, si nécessaire, à une augmentation supplémentaire des ressources de l'office. Le cas échéant, elle estime qu'une telle augmentation devrait être financée au moins en partie par le biais d'émoluments prélevés auprès des entreprises déposant des demandes, considérant qu'une accélération des procédures est dans leur intérêt.

La CdG-E n'a pas identifié de nécessité d'agir en ce qui concerne les compétences spécialisées de l'OFSP et la qualité de l'évaluation des demandes. Elle
a relevé que l'office, en plus des pharmaciennes et pharmaciens dont il dispose, recourt régulièrement à des experts externes dans certains domaines spécialisés. Elle juge également positivement les efforts de l'OFSP pour renforcer ses coopérations internationales en matière d'anticipation des évolutions technologiques et l'encourage à poursuivre en ce sens. Enfin, elle salue le fait que l'OFSP soit disposé à examiner le recours à da-

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vantage de spécialistes et l'invite à entretenir un dialogue étroit avec Swissmedic et l'industrie pharmaceutique à ce sujet. Elle invite également le Conseil fédéral à examiner si un renforcement des compétences de l'office dans le domaine économique ­ comme suggéré par les représentants des assureurs-maladie ­ serait souhaitable.

La CdG-E note avec satisfaction que les compétences spécialisées de la CFM semblent avoir été renforcées ces dernières années. Elle estime que l'intégration de deux oncologues à partir de 2019 constitue une mesure essentielle en ce sens. Elle partage l'avis du Conseil fédéral qu'il ne serait pas réaliste de garantir une représentation exhaustive de toutes les spécialisations médicales au sein de la CFM; à ce titre, elle juge adéquat que la commission continue, à l'avenir, de bénéficier du soutien d'experts externes lorsqu'elle le juge nécessaire. La CdG-E invite toutefois le Conseil fédéral à examiner l'opportunité d'adapter le dédommagement alloué aux membres de la commission; selon elle, une rémunération adéquate est déterminante pour garantir la participation de spécialistes qualifiés264. Enfin, la CdG-E salue les mesures prises durant les dernières années afin que la CFM bénéficie d'une base d'informations plus complète et l'augmentation du nombre de séances de la commission, qui ont contribué à renforcer son rôle (cf. chap. 3.1.1). La question de l'indépendance de la CFM est abordée au chap. 4.3.

Recommandation 9

Ressources et compétences de l'OFSP et de la CFM

Le Conseil fédéral est prié d'examiner si la situation en matière de ressources et de compétences spécialisées de l'OFSP et de la CFM pour l'admission et le réexamen des médicaments est adéquate et de procéder, en fonction des développements probables du dossier, à des adaptations en la matière.

Concernant l'OFSP, il est invité à examiner si les compétences de l'office dans le domaine économique doivent être renforcées.

Concernant la CFM, il est invité à examiner si le dédommagement alloué aux membres de la commission doit être adapté.

Transparence de la procédure d'admission et de réexamen (chap. 3.1.4) La CdG-E estime que sa recommandation 6 de 2014, qui demandait un renforcement de la transparence des procédures, a été en grande partie mise en oeuvre. Elle constate que le Conseil fédéral a, au cours des dernières années, adopté plusieurs modifications d'ordonnances en ce sens, non seulement concernant l'admission, mais également le réexamen des médicaments. De son point de vue, ces mesures contribuent à renforcer la crédibilité de l'office et garantir qu'il agit de manière uniforme et dans le respect du cadre juridique.

La commission constate néanmoins que le Conseil fédéral a, en parallèle, admis une restriction importante au principe de transparence, en proposant d'ancrer dans la loi les modèles de prix confidentiels pour les médicaments onéreux, qui ne seraient pas soumis à la LTrans (cf. chap. 3.4.3 et 4.3). La commission prend note des arguments 264

Le dédommagement des membres de la CFM devrait tenir compte de la charge grandissante de travail liée à l'examen des dossiers par la commission.

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qui justifient cette décision, du point de vue du Conseil fédéral. Elle juge adéquat que cette question de fond soit soumise à l'appréciation des Chambres fédérales; dans la mesure où cet aspect fait actuellement l'objet d'un traitement législatif, elle s'abstient d'émettre une appréciation à ce propos.

En-dehors du cas spécifique des modèles de prix, la CdG-E prie le Conseil fédéral de continuer à oeuvrer là où cela est possible pour un renforcement de la transparence dans la procédure d'admission et de réexamen des médicaments. Elle salue l'engagement de la Suisse pour accroître la transparence en matière de prix des médicaments au niveau international265 et invite le Conseil fédéral à poursuivre ses efforts en ce sens.

Recommandation 10

Transparence des procédure d'admission et de réexamen

Le Conseil fédéral est prié d'examiner dans quelle mesure la transparence dans la procédure d'admission et de réexamen des médicaments en Suisse peut être renforcée.

Il est également prié d'informer la commission sur la façon dont la Suisse prévoit de s'engager sur le plan international pour accroître la transparence en matière de prix des médicaments.

4.2.3

Aborder les questions éthiques relatives à l'admission de médicaments très onéreux

À l'issue de son contrôle de suivi, la CdG-E constate que la prise en charge par l'AOS de médicaments très onéreux soulève des questions éthiques fondamentales, auxquelles l'OFSP sera confronté ces prochaines années dans la procédure d'admission.

Ces questions, au vu de leur caractère sensible, ne peuvent pas être laissées à la seule appréciation de l'office. La commission juge primordial que le Conseil fédéral les aborde de manière prioritaire, qu'il encourage un débat de société élargi à ce sujet et qu'il fixe des principes directeurs clairs en la matière.

La commission salue le fait que l'OFSP ait mandaté la CNE pour procéder à une première analyse sur cette question (cf. chap. 3.5). Elle partage l'appréciation de la CNE que la simple application des critères EAE ne suffira pas, à terme, à maintenir les coûts de la santé dans un budget acceptable. En conséquence, comme la CNE et l'OFSP, elle estime qu'il sera inévitable de fixer des limites pour la prise en charge par l'AOS des nouveaux médicaments très onéreux. Elle salue les considérations générales formulées par la CNE pour la définition de telles limites. La commission reconnaît que les principes déterminants à ce propos (p. ex. égalité devant la loi, interdiction de la discrimination, dignité humaine, besoin médical) transparaissent déjà dans la LAMal, dans les ordonnances et dans la pratique de l'OFSP. Elle estime toutefois que ces principes ainsi que les procédures correspondantes devraient être fixés 265

Notamment au sein de l'OMS. La CdG-E souligne qu'un renforcement de la transparence des prix au niveau international a un impact déterminant sur la fixation des prix en Suisse, puisque cette dernière repose en partie sur la CPE (cf. chap. 3.2.2).

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de manière explicite dans la législation et les directives pertinentes, dans l'optique de cas d'application concrets.

Comme la CNE, la CdG-E estime que des limitations à la prise en charge pour les médicaments onéreux ne pourront être comprises et acceptées au sein de la population que si un débat de société ouvert et basé sur les faits a lieu à ce sujet au préalable. Aux yeux de la commission, le traitement par le Parlement des révisions de la LAMal ou des interventions sur cette question ne sera probablement pas suffisant pour garantir qu'un tel débat de société ait lieu. Elle prie donc le Conseil fédéral d'examiner, en collaboration avec les cantons, les possibilités de lancement d'un débat public national sur ce thème. Une telle démarche doit permettre de garantir que ce sujet soit abordé, autant que possible, dans toutes les régions de Suisse, afin de sensibiliser la population aux enjeux concernés et à dégager des solutions de consensus. Le Conseil fédéral est invité à s'inspirer, à cet effet, de l'exemple de la Suède (cf. chap. 3.5). Au vu de ces éléments, la commission a décidé de déposer le postulat ci-après.

Postulat 2

Clarifier la prise en charge par l'AOS de médicaments très onéreux

Le Conseil fédéral est prié de fixer les principes directeurs pour la prise en charge par l'AOS des médicaments très onéreux, en collaboration avec la Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE) et les autres acteurs concernés. À cet effet, il est prié: 1.

D'examiner avec les cantons les possibilités de lancement d'un débat public national sur ce thème, en s'inspirant de l'exemple de la Suède;

2.

Sur cette base, de procéder aux adaptations nécessaires de la législation et des directives pertinentes et de déterminer les procédures correspondantes.

4.3

Autres aspects

Au-delà des aspects évoqués précédemment, la CdG-E présente ci-après les éléments pour lesquels elle considère que ses recommandations de 2014 ont été mises en oeuvre ou pour lesquels elle n'a pas identifié de nécessité supplémentaire d'agir du point de vue de la haute surveillance parlementaire.

Répartition des tâches dans la procédure d'admission et de réexamen (chap. 3.1.1) Aux yeux de la CdG-E, le fait que les étapes d'évaluation («assessment») et de décision soient toutes deux de la responsabilité de l'OFSP va à l'encontre d'une situation idéale où des instances distinctes effectueraient ces tâches. Par ailleurs, l'indépendance de la CFM, chargée de la phase d'appréciation («appraisal»), demeure partielle dans la mesure où ses délibérations se fondent sur des fiches d'évaluation rédigées par l'OFSP et que le secrétariat de la commission est assuré par l'office. La CdG-E a néanmoins relevé que le Conseil fédéral s'était penché sur ces questions et qu'il avait pris, ces dernières années, différentes mesures visant à clarifier la répartition des tâches dans la procédure d'admission et de réexamen.

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En ce qui concerne la CFM, la CdG-E estime que son rôle a été précisé et renforcé depuis 2014. Elle n'a relevé aucun indice qui mettrait en doute l'indépendance de cet organe dans son activité d'appréciation. Elle salue l'association d'un grand nombre d'acteurs de la santé au sein de la CFM. Au vu des arguments présentés par le Conseil fédéral, elle juge en outre que le modèle d'une commission extra-parlementaire demeure adapté. Il est néanmoins très important à ses yeux que la CFM puisse bénéficier, lorsqu'elle l'estime nécessaire, du soutien d'experts externes (cf. chap. 4.2.2).

Enfin, la commission salue la création d'une section consacrée aux ETS au sein de l'OFSP et le fait que l'office confie les évaluations à des agences externes (cf.

chap. 3.2.3). Elle invite toutefois le Conseil fédéral à examiner l'option de créer une agence ETS indépendante de l'office (cf. postulat 1, chap. 4.2.1). Selon elle, cette mesure contribuerait à encore mieux distinguer la répartition des tâches dans la procédure.

Exception faite des propositions relatives aux ETS, la commission considère que sa recommandation 1 de 2014 ainsi que les passages concernés de sa recommandation 3 sont mis en oeuvre.

Collaboration entre l'OFSP et Swissmedic (chap. 3.1.5) La commission salue les mesures prises par l'OFSP et Swissmedic afin de renforcer leur collaboration dans le domaine des médicaments. Elle invite les deux entités à poursuivre leurs efforts en vue de plus grandes synergies et que l'OFSP continue à s'inspirer des pratiques innovantes de Swissmedic266. La commission juge néanmoins approprié que l'office et l'institut procèdent à leurs examens respectifs de manière indépendante et selon des critères distincts, dans la mesure où ceux-ci répondent à des objectifs différents en termes de santé publique.

Collaboration entre l'OFSP et les assureurs-maladie (chap. 3.1.6) La CdG-E n'a pas identifié de nécessité d'agir du point de vue de la haute surveillance à ce sujet. Elle constate que les assureurs-maladie tirent un bilan favorable de leur intégration au processus d'admission et de réexamen des médicaments et qu'ils portent un jugement globalement positif sur l'activité de l'OFSP dans ce domaine, tout en identifiant un potentiel d'amélioration sur certains points (p. ex. compétences de l'office dans le domaine économique,
efficacité des ETS).

Radiation de médicaments de la LS (chap. 3.4.2) La CdG-E a constaté, lors de son contrôle de suivi, qu'il demeurait rare que des médicaments soient radiés de la LS parce que les critères d'efficacité et d'adéquation ne sont plus remplis267. De son point de vue, il est compréhensible que de telles radiations

266 267

En ce qui concerne la procédure d'accès anticipé, cf. chap. 4.2.2.

La majorité des médicaments radiés de la LS le sont soit à la demande du titulaire de l'autorisation (par exemple suite à une baisse de prix lors du réexamen), soit parce que le médicament n'est plus disponible sur le marché, soit parce que l'autorisation de Swissmedic a été retirée.

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demeurent exceptionnelles268. Par ailleurs, la commission est consciente de la difficulté de radier des médicaments auxquels les patients sont habitués et des enjeux liés à l'approvisionnement du pays dans le cas où certains médicaments ne seraient plus pris en charge par la LS.

La commission estime néanmoins qu'il est important que l'OFSP procède systématiquement à un examen approfondi (par exemple au moyen d'une ETS) lorsque l'on soupçonne qu'un médicament ne remplit plus les critères EAE et que le médicament soit radié de manière conséquente si ces soupçons sont confirmés. Elle estime en particulier qu'un suivi étroit doit être exercé sur les médicaments au bénéfice d'une admission temporaire (cf. recommandation 7, chap. 4.2.2).

Sous réserve des améliorations demandées au chap. 4.2 et des autres propositions formulées par le Conseil fédéral (notamment l'examen différencié des critères EAE, cf.

chap. 3.2.4), la CdG-E considère que l'OFSP dispose des outils nécessaires pour permettre la radiation des médicaments qui ne satisfont plus aux critères EAE. Elle estime en conséquence que son Po. 14.3297 est rempli.

Rabais dans la limitation et modèles de prix (chap. 3.4.3) La CdG-E relève que la pratique des rabais inclus dans la limitation s'est multipliée ces dernières années sous la forme de «modèles de prix» confidentiels. Elle prend note des arguments qui justifient cette évolution, du point de vue du Conseil fédéral. Elle juge adéquat que cette nouvelle pratique soit soumise à l'appréciation des Chambres fédérales. Dans la mesure où cet aspect fait actuellement l'objet d'un traitement législatif, elle s'abstient d'émettre une appréciation à ce propos.

La commission constate que le Conseil fédéral s'est penché de manière approfondie sur cette question et considère donc que sa recommandation 5 de 2014 est remplie269.

Prise en charge dans des cas particuliers (chap. 3.4.4) La commission constate que la prise en charge dans des cas particuliers, prévue aux art. 71a à 71d OAMal, suscite des réactions contrastées chez les acteurs de la santé.

La CdG-E relève que le Conseil fédéral a oeuvré activement, ces dernières années, à une précision des bases légales sur ce point. Dans la mesure où cette question n'est qu'indirectement liée à la pratique d'admission des médicaments dans la LS menée par
l'OFSP, la CdG-E n'a pas approfondi davantage cet aspect et renonce à émettre une appréciation à ce sujet.

Admission et réexamen des génériques (chap. 3.4.5) La commission relève que le Conseil fédéral a mis en oeuvre sa recommandation 8 de 2014 en soumettant au Parlement une proposition de prix de référence pour les génériques. Celle-ci a néanmoins été rejetée par les Chambres fédérales. La CdG-E note 268

Premièrement, parce que les médicaments considérés par l'OFSP comme efficaces et adéquats le restent généralement pour une longue durée, sous réserve du développement d'autres thérapies qui remplissent encore mieux ces critères. Deuxièmement, parce que les nouvelles études concernant l'efficacité et l'adéquation d'anciens médicaments sont rares.

269 En ce qui concerne l'aspect de l'impact des modèles de prix sur la transparence, cf. chap. 4.2.2 et recommandation 8.

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que le Conseil fédéral a continué, par la suite, à formuler des propositions relatives à la fixation du prix des génériques au niveau des ordonnances. Elle part du principe qu'il continuera à accorder une attention prioritaire à cet aspect et à soumettre des propositions d'optimisation en la matière, que cela soit au niveau de la loi, des ordonnances ou des directives, en y associant les acteurs concernés et, le cas échéant, le Parlement.

5

Conclusions

Dans le cadre du contrôle de suivi de son inspection de 2014, la CdG-E a analysé la pratique de l'OFSP en matière d'admission et de réexamen des médicaments figurant sur la LS. Elle a examiné dans quelle mesure le Conseil fédéral avait mis en oeuvre les 8 recommandations et 3 postulats issus de son inspection de l'époque. Elle s'est également penchée sur les défis actuels et futurs dans ce domaine.

La CdG-E relève avec satisfaction que le Conseil fédéral, le DFI et l'OFSP ont accordé ces dernières années une grande attention à cette thématique. Elle arrive à la conclusion que les mesures prises depuis 2014 ont permis d'améliorer les procédures d'admission et de réexamen des médicaments et de mettre en oeuvre plusieurs recommandations qu'elle avait formulées. Elle relève à ce sujet notamment l'augmentation des ressources de l'OFSP, le renforcement de la transparence de la procédure d'admission et de réexamen, l'élaboration des «modèles d'appréciation du bénéfice thérapeutique», la création d'une section de l'OFSP dédiée aux ETS, la mise en place d'une procédure d'accès anticipé pour les médicaments innovants ou encore l'amélioration de la procédure de réexamen des médicaments.

Sur la base des informations reçues, la CdG-E arrive à la conclusion que l'action des autorités fédérales dans le domaine de l'admission et du réexamen des médicaments respecte le critère d'opportunité. Elle n'a identifié aucun indice laissant penser que le critère de légalité ne serait pas rempli dans ce domaine. Par contre, elle estime que l'efficacité des procédures doit impérativement être améliorée, au regard des défis qui se présentent dans le domaine des médicaments (hausse des coûts à charge de l'AOS, apparition de nouvelles thérapies onéreuses et risques liés à l'approvisionnement).

Elle relève par ailleurs que plusieurs aspects font l'objet de divergences fondamentales d'appréciation entre les autorités fédérales et l'industrie pharmaceutique. Dans ce contexte, la commission formule 10 nouvelles recommandations à l'intention du Conseil fédéral et dépose 2 postulats.

La commission est d'avis qu'une amélioration du processus d'admission et de réexamen des médicaments ne sera possible qu'avec un effort conjoint de la part de l'ensemble des acteurs impliqués, c'est-à-dire non seulement de l'OFSP, mais également de
l'industrie pharmaceutique, des assureurs-maladie et des autres intervenants. Elle invite ces acteurs à entretenir une coopération constructive sur ce thème, orientée vers la recherche de solutions pouvant être soutenue par l'ensemble des parties prenantes.

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Mise en oeuvre des recommandations et postulats de 2014 La CdG-E arrive à la conclusion que ses recommandations 1 (séparation des tâches et compétences), 5 (rabais dans la limitation) et 8 (prix des génériques) ainsi que le Po. 14.3297 (radiation de médicaments) ont été mis en oeuvre par le Conseil fédéral ou qu'ils ne présentent pas de nécessité d'agir supplémentaire du point de vue de la haute surveillance parlementaire.

La commission salue les mesures prises par le Conseil fédéral afin de donner suite aux recommandations 2 (catégorisation du bénéfice thérapeutique), 3 (ressources de la CFM et de l'OFSP), 4 (admissions temporaires de médicaments), 6 (transparence de la procédure d'admission) et 7 (réexamen périodique), ainsi qu'aux Po. 14.3295 et 14.3296 (optimisation de l'évaluation des critères EAE). Elle estime néanmoins que des améliorations supplémentaires sont nécessaires dans ces domaines. Pour cette raison, et au vu des défis identifiés durant le contrôle de suivi, elle a décidé de formuler une série de nouvelles recommandations.

Principaux enjeux actuels et nouvelles recommandations La commission est d'avis que des améliorations doivent encore être apportées en ce qui concerne l'évaluation des critères EAE par l'OFSP lors de l'admission et du réexamen des médicaments. Elle note que les principaux points de blocage du système actuel découlent presque systématiquement des divergences fondamentales entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique concernant l'évaluation de l'économicité des médicaments. À ce propos, elle juge adéquat que l'OFSP dispose d'une certaine marge d'appréciation dans son examen. Elle prie néanmoins le Conseil fédéral d'examiner diverses mesures visant à clarifier et à optimiser l'évaluation de ce critère par l'office (recommandation 2). Elle attend en outre que l'OFSP continue d'améliorer l'information publique concernant les règles en vigueur en matière d'évaluation des critères EAE et qu'il actualise les documents de référence lorsque cela est nécessaire (recommandation 1). Par ailleurs, la commission juge important que l'office oeuvre de manière prioritaire à la finalisation et à l'introduction d'un modèle d'appréciation du bénéfice thérapeutique pour les médicaments non-oncologiques (recommandation 3).

Enfin, elle estime que l'efficacité des évaluations des
technologies de la santé (ETS) réalisées par l'OFSP doit encore être renforcée et que le Conseil fédéral devrait examiner l'option d'une agence ETS indépendante; elle a déposé un postulat à ce sujet (postulat 1).

En ce qui concerne les procédures d'admission et de réexamen des médicaments, la commission salue les mesures d'amélioration prises durant les dernières années.

Elle estime toutefois que ces procédures peuvent encore être optimisées et formule différentes propositions en ce sens. Celles-ci concernent les délais de traitement (recommandation 4), les échanges entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique (recommandation 5), les admissions temporaires de médicaments (recommandation 7), le réexamen périodique des médicaments (recommandation 8), les ressources de l'OFSP et de la CFM (recommandation 9) ainsi que la transparence des procédures (recommandation 10). Elle attend également du Conseil fédéral qu'il tire un bilan de la nouvelle procédure d'accès anticipé pour les médicaments innovants, introduite en 2023 (recommandation 6).

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Enfin, la CdG-E constate que l'apparition de nouveaux traitements très onéreux soulève des questions éthiques fondamentales quant à leur prise en charge par l'AOS. La commission juge primordial que le Conseil fédéral aborde celles-ci de manière prioritaire. Elle le prie d'examiner le lancement d'un débat national sur ce thème et de fixer ensuite les principes directeurs en la matière au niveau de la législation et des directives pertinentes. Elle a décidé de déposer un postulat à ce sujet (postulat 2).

Prochaines étapes La CdG-E invite le Conseil fédéral à tenir compte des constatations et des nouvelles recommandations formulées dans le présent rapport dans ses travaux à venir. Elle le prie de bien vouloir lui remettre un avis à ce sujet d'ici au 17 avril 2024.

14 novembre 2023

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des États (CdG-E): Le président, Matthias Michel La secrétaire, Ursina Jud Huwiler Le président de la sous-commission DFI/DETEC, Marco Chiesa Le secrétaire de la sous-commission DFI/DETEC, Nicolas Gschwind

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Abréviations AOS

Assurance obligatoire des soins

ASSM

Académie suisse des sciences médicales

CDF

Contrôle fédéral des finances

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des États

CDS

Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé

CFM

Commission fédérale des médicaments

CNE

Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine humaine

CPA

Contrôle parlementaire de l'administration

CPE

Comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger

Critères EAE

Critères d'efficacité, d'adéquation et d'économicité

CSSS-E

Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États

CT

Comparaison thérapeutique

DFI

Département fédéral de l'intérieur

EFPIA

Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques

EPT

Équivalent plein temps

ESMO

European Society for Medical Oncology

ETS

Évaluation des technologies de la santé

HTA

Health technology assessments

IHSI

International Horizon Scanning Initiative

Ip.

Interpellation

LAMal

Loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (RS 832.10)

LPTH

Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (Loi sur les produits thérapeutiques; RS 812.21)

LS

Liste des spécialités

LTrans

Loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (Loi sur la transparence; RS 152.3)

Mo.

Motion

OAMal

Ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie (RS 832.102)

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OAMéd

Ordonnance du 14 novembre 2018 sur les autorisations dans le domaine des médicaments (RS 812.212.1)

OFS

Office fédéral de la statistique

OFSP

Office fédéral de la santé publique

OMéd

Ordonnance du 21 septembre 2018 sur les médicaments (RS 812.212.21)

OMS

Organisation mondiale de la santé

OPAS

Ordonnance du DFI du 29 septembre 1995 sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (Ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins; RS 832.112.31)

PA

Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (RS 172.021)

Po.

Postulat

SSOM

Société suisse d'oncologie médicale

TAF

Tribunal administratif fédéral

TF

Tribunal fédéral

Vips

Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse

W.A.I.T.

Waiting to Access Innovative Therapies

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Annexe 1

Liste des personnes auditionnées Représentantes et représentants du DFI et de l'OFSP Bruhin, Lukas

Ancien secrétaire général du DFI (jusqu'à fin mars 2020) / Président du conseil d'institut de Swissmedic (depuis août 2020)

Christen, Thomas

Directeur suppléant, chef de l'unité de direction Assurance maladie et accidents, OFSP

Gresch, Lukas

Secrétaire général du DFI (depuis avril 2020)

Indermitte, Jörg

Responsable de la section Admission des médicaments, division Prestations de l'assurance maladie, unité de direction Assurance maladie et accidents, OFSP

Lévy, Anne

Directrice de l'OFSP (depuis octobre 2020)

Rizzi, Andrea

Responsable de la section Réexamen des médicaments, division Prestations de l'assurance maladie, unité de direction Assurance maladie et accidents, OFSP

Schneider, Marc

Co-responsable de la division Prestations de l'assurance maladie, unité de direction Assurance maladie et accidents, OFSP (depuis août 2021)

Tandjung, Ryan

Ancien responsable de la division Prestations de l'assurance maladie, unité de direction Assurance maladie et accidents, OFSP (depuis février 2019 jusqu'à juillet 2021)

Autres personnes auditionnées Bruhin, Raimund

Directeur, Swissmedic

Girard, Philippe

Directeur adjoint, Swissmedic

Kilchenmann, Christoph

Directeur suppléant, Santésuisse

Köhli, Martin

Responsable de domaine, CDF

Müller, Axel

Directeur, Intergenerika

Niemack, Ernst

Directeur, Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse (Vips)

Plattner, Marcel

Président, Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse (Vips)

Sandmeier, Heiner

Directeur suppléant, Interpharma

Sarbach, Daniel

Responsable du groupe de travail biosimilar.ch, Intergenerika

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Schiesser, Andreas

Chef de projet Pharma, Curafutura

Stirnimann, Pascal

Directeur, CDF

Walter, Patrick

Chef de projet Médicaments, Santésuisse

Zängerle, Pius

Directeur, Curafutura

Ziegler, Markus

Membre de la direction et responsable Patient Access et IPR, Interpharma

Zimmermann, Markus

Vice-président, Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine humaine

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Annexe 2

Définition des critères EAE Efficacité: Ce critère se réfère à l'impact du médicament sur le patient en termes de succès médical. Une prestation est jugée efficace notamment lorsqu'elle est propre à atteindre les objectifs visés et qu'il est prouvé par des méthodes scientifiques que son rapport bénéfices-inconvénients est favorable par rapport aux prestations alternatives.

Pour l'admission dans la LS, l'OFSP évalue l'efficacité par rapport aux autres médicaments comparables déjà remboursés.

Adéquation: Ce critère se réfère à la pertinence du médicament et son caractère approprié dans le parcours de soins, c'est-à-dire à son «besoin médical». Une prestation remplit ce critère lorsqu'elle est pertinente et appropriée aux soins à dispenser au patient par rapport aux solutions alternatives, qu'elle est compatible avec les conditions légales ainsi qu'avec les aspects ou valeurs éthiques et sociaux, et que la qualité de la prestation et le recours approprié à celle-ci dans la pratique sont garantis.

Économicité: Selon l'OAMal, un médicament est réputé économique lorsqu'il produit l'effet thérapeutique recherché à un coût aussi réduit que possible. Une prestation remplit ce critère lorsque ses tarifs et ses prix sont calculés de façon compréhensible, que son rapport coût-bénéfice est favorable par rapport aux solutions alternatives ou que son surcoût se justifie par une amélioration du bénéfice thérapeutique, et que ses conséquences financières sont supportables pour l'AOS270. L'économicité est évaluée sur la base d'une comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger (CPE)271 et d'une comparaison avec d'autres médicaments similaires admis en Suisse (comparaison thérapeutique, CT)272. La CPE et la CT comptent chacune pour moitié dans l'évaluation de l'économicité. Pour les médicaments apportant un progrès thérapeutique important, l'OAMal prévoit la possibilité d'inclure une prime à l'innovation dans la CT. L'examen de l'économicité constitue, dans les faits, le critère déterminant ­ et le plus disputé ­ de la procédure d'admission dans la LS.

Selon l'art. 43, al. 6, LAMal, les acteurs concernés et les autorités compétentes veillent, dans leurs négociations relatives à la fixation des prix à charge de l'AOS, «à ce que les soins soient appropriés et leur qualité de haut niveau, tout en étant le plus avantageux possible».

270

Selon la jurisprudence du TF, lorsque l'efficacité et l'adéquation sont comparables, c'est par principe l'alternative la plus avantageuse qui est considérée comme économique.

En revanche, un meilleur rapport bénéfices-inconvénients et une meilleure adéquation justifient des coûts plus élevés et leur prise en charge par l'AOS. Aucune limite supérieure n'a été fixée en Suisse pour le rapport coût-utilité; le principe de proportionnalité s'applique néanmoins, au regard notamment de la maîtrise des coûts dans le système de santé.

271 Art. 65b OAMal, art. 34abis, 34b et 34c OPAS. La CPE porte sur une sélection de 9 pays.

272 Art. 65b OAMal

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Annexe 3

Illustrations Illustration 3 Évolution des coûts à charge de l'AOS dans le domaine des médicaments

Source: OFSP

Illustration 4 Ressources des sections de l'OFSP consacrées aux médicaments

Source: OFSP

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Illustration 5 Délais de traitement pour l'admission de médicaments selon les calculs de l'industrie pharmaceutique

Source: Interpharma, Vips, Intergenerika, état octobre 2023

Illustration 6 Durée médiane entre l'autorisation et la prise en charge des médicaments

Source: EFPIA / IQVIA

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Illustration 7 Durée moyenne entre l'autorisation et la prise en charge des médicaments

Source: EFPIA / IQVIA

Illustration 8 Proposition de processus alternatif pour l'admission des médicaments formulée par l'industrie pharmaceutique

Source: Interpharma, Vips, Intergenerika, février 2022

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Illustration 9 Proposition de l'industrie pharmaceutique pour un processus de prise en charge précoce des médicaments («remboursement de l'accès accéléré des patient-e-s à l'innovation»)

Source: Interpharma, Vips, Intergenerika, octobre 2023

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Annexe 4

Recommandations et postulats de 2014 Recommandation 1: La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner si l'actuelle séparation des tâches entre la CFM et l'OFSP est pertinente et optimisée en fonction du processus ainsi qu'en adéquation avec la composition de ces entités.

Le Conseil fédéral est notamment prié d'examiner l'opportunité d'introduire une séparation nette des compétences, conformément à la procédure en trois étapes («assessment», «appraisal» et «decision») reconnue sur le plan international.

Recommandation 2: La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner la pertinence et l'applicabilité de la catégorisation prévue à l'art. 31, al. 3, OPAS et de procéder, au besoin, aux adaptations nécessaires.

Recommandation 3: La CdG-E demande au Conseil fédéral de garantir que la CFM et la section compétente de l'OFSP soient dotées des ressources nécessaires à l'accomplissement de leur mandat, en fonction des rôles que ces deux institutions joueront à l'avenir et en tenant compte des résultats de l'examen d'efficacité de l'OFSP en cours. Dans ce contexte, le Conseil fédéral tiendra notamment compte de l'indépendance de la CFM et veillera à une séparation organisationnelle appropriée entre la CFM et l'OFSP.

Recommandation 4: La CdG-E recommande au Conseil fédéral de communiquer les décisions d'admission temporaire de médicaments dans la LS de manière transparente et de veiller à ce que les médicaments qui, après évaluation, ne satisfont pas aux critères légaux EAE soient exclus de la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins de manière conséquente.

Recommandation 5: La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner la pratique des rabais fixés dans la limitation d'un médicament.

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Recommandation 6: La CdG-E recommande au Conseil fédéral d'examiner comment les étapes de la procédure et la décision d'admission d'un médicament dans la LS pourraient être mieux documentées et communiquées au public intéressé.

Elle l'invite à tenir compte pour cela aussi bien de l'intérêt du public et des fournisseurs de prestations à connaître l'évaluation du bénéfice thérapeutique du médicament ainsi que des intérêts des fabricants de médicaments concernant le respect du secret commercial. Dans ce contexte, le Conseil fédéral veille à ce que l'OFSP justifie suffisamment les décisions qui s'écartent des appréciations de la CFM.

Recommandation 7: La CdG-E demande au Conseil fédéral d'expliquer comment le mandat légal, défini à l'art. 32, al. 2, LAMal, qui exige la réalisation d'un examen périodique dans le domaine des médicaments, pourra à l'avenir être entièrement rempli.

Recommandation 8: La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner, dans le domaine des médicaments hors brevets, quelles mesures permettraient de créer des incitations plus efficaces pour faire baisser les prix des préparations originales et des génériques ainsi que pour promouvoir la prescription de génériques. Dans ce contexte, il se prononce en particulier sur la possibilité d'introduire un système de prix de référence.

Postulat 14.3295: La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner l'opportunité de préciser et de compléter les critères utilisés pour évaluer l'efficacité et l'adéquation des médicaments et de présenter un rapport à ce sujet. Elle le prie en particulier de veiller à ce que le bénéfice thérapeutique du médicament soit davantage pris en considération.

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Postulat 14.3296: La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner l'optimisation des critères d'évaluation de l'économicité et de présenter un rapport à ce sujet.

S'agissant de la comparaison thérapeutique, le Conseil fédéral est invité à se pencher en particulier sur la délimitation des groupes utilisés pour la comparaison et sur le développement de l'analyse coût-bénéfice. Pour ce qui est de la comparaison avec le prix pratiqué à l'étranger, le Conseil fédéral est prié d'examiner l'opportunité d'une meilleure prise en considération des prix des médicaments effectivement remboursés par les caisses-maladie à l'étranger. Enfin, la commission demande au Conseil fédéral de veiller à une application uniforme des instructions concernant la prime à l'innovation en précisant les conditions d'octroi d'une telle prime.

Postulat 14.3297: La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner quelles mesures permettraient de radier effectivement de la LS les médicaments qui ne satisfont plus aux critères EAE et de présenter un rapport à ce sujet.

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Annexe 5

Nouvelles recommandations et nouveaux postulats de la CdG-E Recommandation 1

Bases légales et autres prescriptions concernant l'évaluation des critères EAE

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que l'OFSP actualise les Instructions relatives à la LS et ­ si nécessaire ­ le document relatif à l'opérationnalisation des critères EAE.

En outre, il est prié de s'assurer que l'OFSP continue d'améliorer l'information publique concernant les bases légales, les prescriptions et la jurisprudence dans le domaine de l'évaluation des critères EAE pour l'admission et le réexamen des médicaments. L'office est invité à tirer profit de la numérisation à cet effet.

Recommandation 2

Évaluation du critère d'économicité

Le Conseil fédéral est prié de clarifier et d'optimiser autant que possible les modalités d'évaluation de l'économicité des médicaments, afin d'améliorer l'efficacité de la comparaison thérapeutique (CT) et de la comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger (CPE). Dans ce cadre, il est notamment prié d'examiner, en collaboration avec les acteurs concernés: ­

Si des lignes directrices générales devraient être définies concernant la sélection des médicaments de comparaison retenus par l'OFSP lors de la CT et de la CPE;

­

Dans quelle mesure les dispositions des ordonnances (OAMal et OPAS) pourraient être optimisées afin que les prix des médicaments effectivement remboursés à l'étranger soient pris en compte dans la CPE;

­

Dans quelle mesure la CPE et la CT constituent encore des modèles adéquats dans tous les cas, ou si des approches alternatives sont nécessaires.

Recommandation 3

Modèle d'appréciation du bénéfice thérapeutique pour médicaments non-oncologiques

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que l'OFSP finalise et introduise de manière prioritaire un modèle d'appréciation du bénéfice thérapeutique pour les médicaments non-oncologiques.

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Postulat 1

Évaluation des technologies de la santé: Bilan, renforcement de l'efficacité et examen d'une institution indépendante

Le Conseil fédéral est prié: 1.

De tirer, d'ici 2025, un bilan détaillé de la pratique de l'OFSP en matière d'évaluation des technologies de la santé (ETS), incluant une analyse de la qualité des ETS, une analyse des suites données aux évaluations, une estimation des économies atteintes et une liste des principaux défis auxquels l'office est confronté;

2.

D'examiner, sur cette base, quelles mesures pourraient être prises afin de renforcer l'efficacité des ETS;

3.

D'examiner l'option de la création d'une agence ETS indépendante, établie en collaboration avec d'autres acteurs institutionnels.

Le Conseil fédéral est prié de faire part du résultat de ses travaux dans un rapport.

Recommandation 4

Durée de traitement des demandes d'admission

Le Conseil fédéral est prié d'oeuvrer à une amélioration de la durée de traitement des demandes d'admission des médicaments. Dans ce cadre, il est invité à examiner, en collaboration avec les acteurs concernés, dans quelle mesure les dispositions d'ordonnance concernant les délais devraient être complétées ou précisées.

Le Conseil fédéral est également prié d'examiner dans quelle mesure la transparence concernant les délais de traitement des demandes d'admission pourrait être renforcée, par exemple à travers la publication régulière par l'OFSP de statistiques sur ce point.

Enfin, le Conseil fédéral est invité à examiner l'introduction explicite dans les ordonnances d'un système «stop the clock» lors du traitement des demandes d'admission des médicaments ainsi qu'à examiner dans quelle mesure la procédure rapide d'admission prévue à l'art. 31a OPAS pourrait être optimisée.

Recommandation 5

Échanges entre l'OFSP et l'industrie pharmaceutique

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que l'OFSP continue d'entretenir des échanges réguliers et structurés avec les associations faîtières de l'industrie pharmaceutique et les entreprises concernées au sujet du processus d'admission et réexamen des médicaments. Les échanges doivent être orientés vers la recherche de solutions constructives pouvant être soutenues par l'ensemble des acteurs. L'indépendance de l'OFSP dans l'exercice de son mandat légal doit être respectée.

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Recommandation 6

Bilan de la procédure d'accès anticipé

Le Conseil fédéral est prié de procéder, d'ici trois à quatre ans, à un bilan de la nouvelle procédure d'accès anticipé pour les médicaments répondant à un besoin médical élevé. Dans ce cadre, il est invité à accorder une attention particulière à l'impact de cette mesure sur les délais d'admission et les prix de remboursement.

Recommandation 7

Admissions temporaires

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que l'OFSP exerce un suivi étroit des médicaments bénéficiant d'une admission temporaire dans la LS.

Le Conseil fédéral est par ailleurs invité à examiner, en collaboration avec les acteurs concernés, quelles mesures pourraient être prises pour réduire le nombre de cas de prolongations des admissions temporaires et pour garantir que, dans de tels cas, les informations permettant une évaluation des critères EAE soient disponibles le plus rapidement possible.

Recommandation 8

Réexamen périodique des médicaments

Le Conseil fédéral est prié de continuer à améliorer la procédure de réexamen des médicaments, en collaboration avec les acteurs concernés. Il est notamment invité à examiner si des adaptations devraient être apportées en ce qui concerne la procédure et les délais pour l'annonce des baisses de prix. Il est également invité à examiner l'option d'une plus grande flexibilisation du rythme des réexamens (assortie de critères clairs). Enfin, il est invité à réaliser de manière encore plus fréquente des évaluations des technologies de la santé (ETS) dans le cadre des réexamens.

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que le réexamen après expiration du brevet ait lieu dans le respect des dispositions de l'OAMal.

Enfin, le Conseil fédéral est prié de tirer, à l'issue du troisième cycle (2023­2025), un bilan global de l'efficacité du réexamen des médicaments.

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Recommandation 9

Ressources et compétences de l'OFSP et de la CFM

Le Conseil fédéral est prié d'examiner si la situation en matière de ressources et de compétences spécialisées de l'OFSP et de la CFM pour l'admission et le réexamen des médicaments est adéquate et de procéder, en fonction des développements probables du dossier, à des adaptations en la matière.

Concernant l'OFSP, il est invité à examiner si les compétences de l'office dans le domaine économique doivent être renforcées.

Concernant la CFM, il est invité à examiner si le dédommagement alloué aux membres de la commission doit être adapté.

Recommandation 10

Transparence des procédure d'admission et de réexamen

Le Conseil fédéral est prié d'examiner dans quelle mesure la transparence dans la procédure d'admission et de réexamen des médicaments en Suisse peut être renforcée.

Il est également prié d'informer la commission sur la façon dont la Suisse prévoit de s'engager sur le plan international pour accroître la transparence en matière de prix des médicaments.

Postulat 2

Clarifier la prise en charge par l'AOS de médicaments très onéreux

Le Conseil fédéral est prié de fixer les principes directeurs pour la prise en charge par l'AOS des médicaments très onéreux, en collaboration avec la Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE) et les autres acteurs concernés. À cet effet, il est prié: 1.

D'examiner avec les cantons les possibilités de lancement d'un débat public national sur ce thème, en s'inspirant de l'exemple de la Suède;

2.

Sur cette base, de procéder aux adaptations nécessaires de la législation et des directives pertinentes et de déterminer les procédures correspondantes.

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