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24.021 Message concernant l'initiative populaire «Pour une économie responsable respectant les limites planétaires (initiative pour la responsabilité environnementale)» du 10 janvier 2024

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Pour une économie responsable respectant les limites planétaires (initiative pour la responsabilité environnementale)», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

10 janvier 2024

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Viola Amherd Le chancelier de la Confédération, Viktor Rossi

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Condensé L'initiative populaire «Pour une économie responsable respectant les limites planétaires (initiative pour la responsabilité environnementale)» demande que les activités économiques n'utilisent pas plus de ressources ni n'émettent plus de polluants que ce que les bases naturelles de la vie peuvent supporter. Elle entraînerait toutefois des coûts excessifs, en particulier en raison de la brièveté du délai qu'elle prévoit. Le Conseil fédéral et le Parlement ont déjà arrêté des objectifs et des mesures pour préserver les ressources naturelles. C'est pourquoi le Conseil fédéral recommande de rejeter l'initiative, sans lui opposer de contre-projet.

Contexte L'initiative populaire «Pour une économie responsable respectant les limites planétaires (initiative pour la responsabilité environnementale)» (ci-après: «initiative pour la responsabilité environnementale») a été déposée le 21 février 2023 et a recueilli 105 940 signatures valables. Lancée en août 2021, cette initiative est soutenue par une large alliance, regroupant notamment les Jeunes Vert-e-s Suisse, les VERT-E-S suisses, le PS, la JS, Greenpeace, actif-trafiC, Sentience Politics, HabitatDurable, l'Association des petits paysans et 80 scientifiques. L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé.

Contenu de l'initiative L'initiative prévoit un nouvel article constitutionnel (art. 94a). Cet article exige que l'économie nationale évolue dans les limites posées par la nature et par la capacité de renouvellement de celle-ci. Ainsi, les activités économiques ne pourraient plus utiliser des ressources et émettre des polluants que dans la mesure où les bases naturelles de la vie seraient conservées. L'article requiert que la Confédération et les cantons assurent conjointement le respect de ce principe en tenant compte en particulier de l'acceptabilité sociale, en Suisse et à l'étranger, des mesures qu'ils adoptent.

En vertu de la disposition transitoire (art. 197, ch. 13, de la Constitution), la Confédération et les cantons devraient veiller à ce que, au plus tard dix ans après l'acceptation de l'initiative, l'impact environnemental découlant de la consommation en Suisse ne dépasse plus les limites planétaires, rapportées à la population de la Suisse.

Cette disposition comprend une liste non exhaustive des domaines déterminants
en la matière, par exemple les changements climatiques ou la perte de la diversité biologique. Elle concerne l'impact environnemental engendré par la consommation domestique et emploie les limites planétaires comme unités de mesure.

Avantages et inconvénients de l'initiative L'initiative entend contribuer à la préservation des bases naturelles de la vie sur le long terme. Les ressources naturelles sont fortement sollicitées dans le monde entier.

Il s'ensuit un risque de modifications environnementales tels les changements climatiques, entraînant des conséquences néfastes pour les conditions de vie en Suisse et à l'étranger.

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Cependant, le Conseil fédéral estime que l'approche souhaitée par les auteurs de l'initiative va trop loin, en particulier en ce qui concerne le délai de dix ans figurant dans la disposition transitoire. Pour respecter ce délai court et ferme, la Suisse devrait prendre des mesures drastiques de régulation et d'incitation qui auraient de vastes répercussions négatives sur l'économie et sur la société. Par ailleurs, il faudrait s'attendre à d'importants investissements pour développer des produits, à des augmentations des prix et à une diminution de la diversité de l'offre. Les produits destinés au marché suisse seraient soumis à des exigences de production plus strictes que ceux destinés au marché étranger. Pour les raisons susmentionnées, le Conseil fédéral est d'avis que les dispositions de l'initiative engendreraient des coûts disproportionnés pour l'économie et pour la société.

Proposition du Conseil fédéral Le Conseil fédéral propose donc au Parlement de recommander le rejet de l'initiative pour la responsabilité environnementale. Il n'oppose à cette initiative aucun contreprojet. Il privilégie les diverses dispositions existantes de la Constitution qui exigent déjà un développement durable. Par ailleurs, le Conseil fédéral et le Parlement ont adopté différents objectifs et introduit des mesures pour préserver les ressources naturelles. Développer des solutions viables et socialement acceptables prend du temps et nécessite la participation des acteurs concernés. La mise en oeuvre de l'initiative pour la responsabilité environnementale irait à l'encontre des efforts visant à apporter des solutions mûrement réfléchies.

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire fédérale «Pour une économie responsable respectant les limites planétaires (initiative pour la responsabilité environnementale)» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 94a

Limites posées à l'économie

La nature et sa capacité de renouvellement constituent les limites posées à l'économie nationale. Les activités économiques ne peuvent utiliser des ressources et émettre des polluants que dans la mesure où les bases naturelles de la vie sont conservées.

1

La Confédération et les cantons assurent le respect de ce principe en tenant compte en particulier de l'acceptabilité sociale, en Suisse et à l'étranger, des mesures qu'ils adoptent.

2

Art. 197, ch. 132 13. Disposition transitoire ad art. 94a (Limites posées à l'économie) La Confédération et les cantons veillent à ce que, au plus tard 10 ans après l'acceptation de l'art. 94a par le peuple et les cantons, l'impact environnemental découlant de la consommation en Suisse ne dépasse plus les limites planétaires, rapportées à la population de la Suisse.

1

La présente disposition s'applique notamment au changement climatique, à la perte de la diversité biologique, à la consommation d'eau, à l'utilisation du sol et aux apports d'azote et de phosphore.

2

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Pour une économie responsable respectant les limites planétaires (initiative pour la responsabilité environnementale)» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 10 août 20213, et elle a été déposée le 21 février 2023 avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 22 mars 2023, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 105 940 signatures valables et qu'elle avait donc abouti4.

1 2 3 4

RS 101 Le numéro définitif de la présente disposition transitoire sera fixé par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

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L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral avait jusqu'au 21 février 2024 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 21 août 2025 pour adopter la recommandation de vote qu'elle adressera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.): a)

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b)

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c)

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte

2.1

Contexte scientifique

2.1.1

Importance de la nature et de sa capacité de renouvellement comme fondement du bien-être humain

Les bases naturelles de la vie telles que la biodiversité, l'eau, le sol et l'air sont nécessaires pour répondre aux besoins de l'être humain.

En Suisse, leur préservation est déjà prise en compte par les dispositions légales en vigueur et par la sphère politique (voir ch. 2.2).

2.1.2

Limites planétaires

La disposition transitoire prévue par l'initiative se réfère aux limites planétaires en tant qu'unités de mesure. La notion de limites planétaires (Planetary Boundaries) a été élaborée par un groupe de recherche international. Publiée en 20096, elle fait depuis l'objet d'un développement continu7. Le Conseil fédéral aborde cette notion 5 6 7

RS 171.10 Voir Rockström, J., Steffen, W., Noone, K. et al. (2009). A safe operating space for humanity. nature, 461, 472 à 475.

Voir Richardson, K. et al. (2023). Earth beyond six of nine planetary boundaries. Science advances.

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notamment dans ses rapports environnementaux de 2018 et de 20228. Un dépassement des limites planétaires se traduirait par un risque de graves conséquences pour l'humanité.

2.1.3

Impact environnemental de la Suisse lié à la consommation et limites planétaires

Depuis 2000, la Suisse emploie des indicateurs d'empreinte pour évaluer l'impact environnemental lié à sa consommation. Ces indicateurs tiennent compte des consommations privée d'une part et étatique d'autre part.

Ces indicateurs d'empreinte montrent une tendance, par personne, majoritairement à la baisse9. Cette tendance est due à des gains d'efficience et des efforts privés et de l'État. Cependant, les limites planétaires rapportées à la population de la Suisse sont dépassées, en particulier en ce qui concerne les changements climatiques, la perte de la diversité biologique et les apports d'azote. Selon des études existantes10, il faudrait notamment, pour respecter ces limites, diminuer par rapport à 2018 l'empreinte gaz à effet de serre par personne de plus de 90 %11, l'empreinte biodiversité de 74 %12 et l'empreinte azote de 48 %13 ou 57 %14.

Il faut par ailleurs tenir compte du fait que la part de l'impact environnemental généré à l'étranger augmente depuis 2000 et s'élevait en 2018 à deux tiers environ pour l'ensemble des domaines environnementaux15.

L'alimentation, le logement et la mobilité jouent un rôle majeur dans ces développements. Tous domaines environnementaux confondus, en 2018, les domaines de consommation alimentation et logement étaient chacun à l'origine de 25 %, et la mobilité privée, de 14 % des unités de charge écologique (écopoints)16.

8 9

10

11 12 13 14 15 16

Voir OFEV, Environnement Suisse 2022. Consultable sur www.ofev.admin.ch > Publications, médias > Rapports sur l'environnement > 2022.

Voir «empreinte gaz à effet de serre» dans OFS, MONET. Consultable sur www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > Développement durable > Système d'indicateurs MONET 2030 > Tous les indicateurs > 12 Consommation et production responsables > Empreinte gaz à effet de serre (consulté le 19 juin 2023); autres indicateurs: EBP & Treeze (2022). Empreintes environnementales de la Suisse: Évolution de 2000 à 2018 (résumé en français; version intégrale en allemand). Consultable sur www.ofev.admin.ch > Thèmes > Économie et consommation > Informations pour spécialistes > Utilisation des ressources > Empreinte environnementale.

Voir EBP & Treeze (2022); econcept (2023). La Suisse dépasse les bornes: pour un respect des limites planétaires. Consultable sur https://www.greenpeace.ch; Kulionis, V., Froemelt, A., & Pfister, S. (2021). Multiscale Orientation Values for Biodiversity, Climate and Water: A Scientific Input for Science-Based Targets. Swiss Federal Institute of Technology Zurich.

Voir econcept (2023); Kulionis et al. (2021).

Voir EBP & Treeze (2022).

Voir EBP & Treeze (2022).

Voir sur la base d'econcept (2023).

Voir EBP & Treeze (2022).

Voir EBP & Treeze (2022).

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2.2

Contexte politique

2.2.1

En Suisse

De par les art. 2, 54, 73, 74, 104 et 104a Cst. et d'autres bases constitutionnelles en vigueur, la prise en compte de la durabilité globale repose sur une base constitutionnelle. Ce principe s'inscrit dans l'esprit du préambule, qui fait référence aux responsabilités envers les générations futures.

L'art. 2, al. 2 et 4, Cst., dispose que l'État favorise le développement durable et s'engage en faveur de la conservation durable des ressources naturelles. L'art. 73 Cst. inscrit le principe du développement durable au niveau de la Cst. En vertu de cet article, la Confédération et les cantons oeuvrent à l'établissement d'un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l'être humain.

L'art. 74 Cst. est également central en matière de durabilité, en sa qualité de norme générale définissant les compétences et les tâches dans le domaine de la protection de l'environnement.

Le principe de développement durable figure en outre dans les articles constitutionnels consacrés à l'agriculture (art. 104, al. 1, Cst.) et à la sécurité alimentaire (art. 104a Cst.). Conformément à l'art. 104, al. 1, Cst., la Confédération veille à ce que la production agricole réponde aux exigences du développement durable et, conformément à l'art. 104a, let. e, à ce que l'utilisation des denrées alimentaires préserve les ressources.

De plus, l'objectif de conservation des bases naturelles de la vie doit être atteint non seulement en Suisse, mais aussi à l'étranger. En effet, la préservation des ressources naturelles apparaît également à l'art. 54, al. 2, Cst., en tant qu'objectif de politique extérieure de la Suisse. L'art. 104a, let. d, Cst., exige par ailleurs des relations commerciales transfrontalières qui contribuent au développement durable de l'agriculture et du secteur agroalimentaire.

Les dispositions constitutionnelles en vigueur sont donc clairement orientées en faveur de la durabilité. Elles laissent cependant au législateur une marge de manoeuvre suffisante pour réagir aux derniers développements. Le Conseil fédéral estime que les dispositions en vigueur sont équilibrées.

S'agissant des limites planétaires, le Conseil fédéral a déjà exprimé sa position à plusieurs reprises17. Il opte, selon sa conception de la durabilité, pour un développement durable qui
puisse couvrir les besoins fondamentaux de l'ensemble des êtres humains tout en garantissant aujourd'hui et demain une bonne qualité de vie partout dans le monde. Il s'agit pour ce faire de prendre en considération les trois dimensions de la durabilité que sont la responsabilité écologique, la solidarité et l'efficacité économique de manière équivalente, équilibrée et intégrée, tout en tenant compte des limites des capacités des écosystèmes mondiaux (voir aussi l'Agenda 2030)18.

17 18

Voir p. ex. Environnement Suisse 2022.

Voir www.are.admin.ch > Développement durable.

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De nombreux domaines politiques tels que les politiques environnementale, climatique, agricole, énergétique, d'aménagement du territoire et des transports contribuent aujourd'hui déjà à des améliorations concrètes. Ces domaines se concentrent avant tout sur la part domestique des atteintes environnementales. Par ailleurs, les obligations découlant d'accords internationaux, comme l'Accord de Paris du 12 décembre 2015 (accord sur le climat)19, contribuent également à réduire l'impact environnemental. La Confédération aborde actuellement la réduction de l'impact environnemental en Suisse et à l'étranger dans diverses stratégies. On citera notamment la Stratégie pour le développement durable 2030, la Stratégie climatique à long terme, la Stratégie sur les sols, ainsi que le rapport du Conseil fédéral «Orientation future de la politique agricole», le message relatif à un crédit d'engagement en faveur de l'environnement mondial 2023­2026, ou encore la Stratégie de coopération internationale 2021­2024.

Ces stratégies et documents comprennent des objectifs d'empreinte.

Avec sa stratégie de la politique économique extérieure20, le Conseil fédéral s'appuie sur le cadre réglementaire international, l'accès aux marchés étrangers et des relations économiques durables.

Au niveau formel de la loi, les dispositions ci-après, notamment, sont pertinentes.

Adoptée le 18 juin 2023 par le peuple, la loi fédérale du 30 septembre 2022 sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l'innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique (LCl)21 comporte plusieurs dispositions d'importance dans le présent contexte. La loi introduit notamment un objectif de zéro émission net pour les gaz à effet de serre générés en Suisse (art. 3, al. 1, LCl). Elle précise que toutes les entreprises doivent avoir ramené leurs émissions à zéro net d'ici à 2050 au plus tard (art. 5, al. 1, LCl). Elle prévoit en outre des aides financières pour le recours à des technologies et processus innovants (art. 6 LCl) et dispose que l'administration fédérale centrale doit, d'ici à 2040, avoir au minimum atteint l'objectif de zéro émission net, (art. 10 LCl). De plus, elle modifie la loi du 30 septembre 2016 sur l'énergie (LEne)22, en y introduisant un programme d'impulsion de remplacement des installations de production de chaleur
et de mesures dans le domaine de l'efficacité énergétique (art. 50a LEne). En vertu de la loi du 29 avril 1998 sur l'agriculture (LAgr)23, les pertes d'azote et de phosphore de l'agriculture doivent être réduites de manière adéquate d'ici à 2030 par rapport à la moyenne des années 2014 à 2016 (art. 6a LAgr).

Les débats parlementaires en cours concernant la révision de la loi du 23 décembre 2011 sur le CO224 abordent également diverses dispositions pertinentes dans le contexte de la présente initiative. D'ici à 2030, la Suisse devrait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % par rapport à 1990, avant tout grâce à des réductions réalisées en Suisse. Des mesures à l'étranger pourraient ainsi être déployées du moment qu'elles fussent nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. Le but est d'atteindre, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, un rapport entre 19 20 21 22 23 24

RS 0.814.012 www.seco.admin.ch > Économie extérieure et Coopération économique > Politique économique extérieure > Stratégie de la politique économique extérieure.

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la Suisse et l'étranger d'au moins 60 % pour les émissions générées dans le pays contre 40 % au maximum pour celles produites hors du pays.

Par ailleurs, lors de sa séance du 18 juin 2021, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité du 23 mars 200725 sûr reposant sur des énergies renouvelables. Avec ce projet de loi, qui comprend une révision de la loi sur l'énergie et de la loi sur l'approvisionnement en électricité, il entend renforcer le développement des énergies renouvelables indigènes ainsi que la sécurité de l'approvisionnement de la Suisse, en particulier durant l'hiver.

La loi a été adoptée par le Parlement le 29 septembre 2023.

L'initiative parlementaire 20.433 «Développer l'économie circulaire en Suisse» de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national vise à inscrire dans la loi du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement26 le principe de préservation des ressources naturelles et prévoit plusieurs mesures consacrées à la promotion de l'économie circulaire. Concrètement, il s'agit notamment d'augmenter la durée de vie et la réparabilité des produits et de promouvoir des achats durables ainsi que des méthodes de construction préservant les ressources. Enfin, la Confédération a financé, à travers le programme national de recherche PNR 73, de nombreux projets de recherche dans le domaine de l'économie durable27.

Pour résumer, différents instruments et mesures existants tiennent déjà compte du principe de développement durable. Contrairement à celles de l'initiative (cf. ch. 4), les dispositions existantes n'entraînent pas de conséquences rigoureuses pour l'économie et la société.

2.2.2

À l'étranger

Union européenne À l'échelon de l'Union européenne (UE), la Commission européenne a présenté le «pacte vert pour l'Europe» le 11 décembre 2019. Il s'agit d'une vaste stratégie sur la base de laquelle l'UE a édicté de nombreuses réglementations concernant l'environnement, le commerce et le marché intérieur et a pris différentes mesures politiques et financières. Selon l'UE, cette stratégie devrait permettre d'assurer la transition vers une économie moderne, compétitive et efficace dans la gestion des ressources parvenant à zéro émission net d'ici à 2050 et garantissant une croissance économique dissociée de l'utilisation des ressources. Le développement durable doit se refléter systématiquement dans tous les domaines politiques de l'UE28. Le huitième programme d'action pour l'environnement de l'UE est entré en vigueur le 2 mai 2022. L'objectif 25 26 27

28

RS 734.7 RS 814.01 Voir FNS (2023). Une économie durable: respectueuse des ressources, tournée vers l'avenir, innovante. Recommandations politiques. Livre blanc. Consultable le 16 juin 2023 sur nfp73.ch > Publications > Recommandations politiques, Livre blanc.

Voir Commission européenne. Un pacte vert pour l'Europe. Informations sur www.commission.eu > Aspects stratégiques et politiques > Priorités > Un pacte vert pour l'Europe.

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prioritaire pour 2050 est que les citoyens puissent bien vivre dans les limites de notre planète. Parmi les indicateurs clés permettant de suivre les progrès figurent notamment l'empreinte matérielle et l'empreinte charge environnementale globale29. L'UE cherche à préserver les ressources naturelles et à tenir compte des limites planétaires également sur le plan sectoriel (exemples: textiles30, chaînes d'approvisionnement «zéro déforestation»31).

Des pays européens tels que la France32, l'Italie33, l'Allemagne34, 35, l'Autriche36, les Pays-Bas37 et la Suède38 sont également en train de renforcer leurs bases légales en matière de préservation des ressources, voire l'ont déjà fait. En France par exemple, l'art. L110-1-1 du Code de l'environnement prévoit que la transition vers une économie circulaire vise à atteindre une empreinte écologique neutre dans le respect des limites planétaires et à dépasser le modèle économique linéaire. En Allemagne, l'art. 20a de la loi fondamentale (Deutsches Grundgesetz) dispose que l'État protège les ressources naturelles par devoir envers les générations futures. La stratégie allemande en matière de développement durable 2021 (Deutsche Nachhaltigkeitsstrategie 2021) précise que les limites planétaires constituent, en plus de l'objectif d'une vie dans la dignité pour tous les êtres humains, les fondements de toute décision politique.

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Voir Commission européenne. Huitième programme d'action pour l'environnement: l'UE veut mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs environnementaux et climatiques du pacte vert. Informations sur www.commission.eu > Huitième programme d'action pour l'environnement.

Voir Commission européenne. Stratégie de l'Union européenne pour des textiles durables. Informations sur www.ec.europa.eu > Initiatives publiées > Stratégie de l'Union européenne pour des textiles durables.

Voir Commission européenne. Deforestation-free products. Informations sur www.environment.ec.europa.eu > Topics > Forests > Deforestation > Regulation on deforestation-free products.

Voir République française. Code de l'environnement. Informations sur www.legifrance.gouv.fr > Droit national en vigueur > Codes > Code de l'environnement.

Voir Gazzetta Ufficiale della Republica Italiana, Legge costituzionale 11 febbraio 2022, n. 1 Informations sur www.gazzettaufficiale.it > Elenco delle Gazzette Ufficiali > Serie generale > Anno 163° ­ 2022, Numero 44 (22 février 2022) > GAZZETTA UFFICIALE, La Constituzione.

Voir Deutscher Bundestag. Grundgesetz. Informations sur www.bundestag.de > Parlament > Grundgesetz.

Voir Die Bundesregierung (2021). Deutsche Nachhaltigkeitsstrategie: Weiterentwicklung 2021. Informations sur www.bundesregierung.de > Deutsche Nachhaltigkeitsstrategie: Weiterentwicklung 2021.

Voir Bundesministerium Klimaschutz, Umwelt, Energie, Mobilität, Innovation und Technologie. Kreislaufwirtschafts-Strategie. Informations sur www.bmk.gov.at > Themen > Klima und Umwelt > Abfall und Ressourcenmanagement > Kreislaufwirtschaft > Kreislaufwirtschafts-Strategie.

Voir Rijksoverheid. Nationaal Programma Circulaire Economie 2023­2030.

Informations sur www.rijksoverheid.nl > Documenten > Nationaal Programma Circulaire Economie 2023­2030.

Voir Naturvardsverket. The generational goal. Informations sur www.naturverdsverket.se > Swedish environmental objectives > The generational goal.

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Nations Unies Les Nations Unies ont quant à elles publié plusieurs rapports en lien avec les limites planétaires, comme le rapport «L'avenir de l'environnement mondial ­ GEO6»39 et le rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement intitulé «Global Resource Outlook 2019»40. S'agissant des systèmes environnementaux que sont le climat et la biodiversité, les comités scientifiques intergouvernementaux des Nations Unies (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat et Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) font en outre régulièrement paraître des analyses approfondies41. Plusieurs objectifs de développement durable (ODD) se répercutent de manière positive sur l'objectif de respect des limites planétaires, en particulier l'ODD 6 (ressources en eau), l'ODD 13 (climat) l'ODD 14 (mers et océans) et l'ODD 15 (biodiversité).

La vision du cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal est celle d'une société vivant en harmonie avec la nature, où d'ici à 2050, la biodiversité sera valorisée, conservée, rétablie et utilisée avec sagesse, de manière à préserver les services écosystémiques, la santé de la planète et les avantages essentiels dont bénéficient tous les êtres humains42.

3

Buts et contenu de l'initiative

3.1

Buts visés

L'initiative exige que les activités économiques de la Suisse n'utilisent pas plus de ressources ni n'émettent plus de polluants que ce que les bases naturelles de la vie peuvent supporter. Par activités économiques, on entend en particulier la production, le commerce et la consommation.

3.2

Réglementation proposée

L'initiative prévoit la création d'un nouvel art. 94a Cst. L'al. 1 de cet article exige que l'économie nationale évolue en respectant les limites posées par la nature et par sa capacité de renouvellement. Les activités économiques ne peuvent utiliser des ressources et émettre des polluants que dans la mesure où les bases naturelles de la vie sont conservées.

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Voir Programme des Nations Unies pour l'environnement. L'avenir de l'environnement mondial ­ GEO6 Informations sur www.unep.org > Ressources > L'avenir de l'environnement mondial ­ GEO6.

Voir Programme des Nations Unies pour l'environnement. Global Resource Outlook 2019. Informations sur www.resourcepanel.org > Rapports > Global Resources Outlook.

Voir Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Informations sur www.ipcc.ch; Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. Informations sur www.ipbes.net.

Voir Programme des Nations Unies pour l'environnement. Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal. Informations sur www.unep.org > Ressources > Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal.

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L'al. 2 requiert que la Confédération et les cantons assurent le respect de ce principe en tenant compte en particulier de l'acceptabilité sociale, en Suisse et à l'étranger, des mesures qu'ils adoptent.

En vertu de la disposition transitoire (art. 197, ch. 13, Cst.), la Confédération et les cantons devraient veiller à ce que, au plus tard dix ans après l'acceptation de l'initiative, l'impact environnemental découlant de la consommation en Suisse ne dépasse plus les limites planétaires, rapportées à la population de la Suisse. Par ailleurs, la disposition transitoire comprend une liste non exhaustive des domaines déterminants en la matière (changements climatiques, perte de la diversité biologique, consommation d'eau, utilisation du sol et apports d'azote et de phosphore).

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

L'art. 94a Cst. que prévoit l'initiative vient s'insérer dans les dispositions régissant l'ordre économique.

Selon la teneur de l'initiative et les explications des auteurs de celle-ci, l'al. 1 de cet article exige que l'économie nationale évolue en respectant les limites posées par la nature et par sa capacité de renouvellement. Les activités économiques ne peuvent utiliser de ressources et émettre de polluants que dans la mesure où les bases naturelles de la vie sont conservées. Par conséquent, cette disposition vise à garantir de manière systématique la capacité de renouvellement de la nature. En d'autres termes, il s'agit de maintenir la possibilité d'un renouvellement complet des ressources naturelles. Le cas échéant, il faudrait préciser au niveau de la loi ce que cette disposition signifie concrètement.

Comme l'al. 1 dispose que la nature et sa capacité de renouvellement constituent un cadre fixe posé à l'économie nationale, cette disposition donnerait, en cas de conflit, la préférence à l'écologie au détriment de l'économie, ce qui équivaudrait à renoncer à l'équilibre inscrit à l'art. 73 Cst. en vigueur. Cet alinéa prévoit ainsi une restriction quant à l'impact environnemental que peut avoir l'économie. À l'instar de l'art. 73 Cst., l'art. 94a, al. 1, Cst. précise toutefois un objectif constitutionnel. En d'autres termes, cela signifie que cette disposition, doit se comprendre comme un fil conducteur programmatoire pour les autorités politiques et celles qui appliquent le droit, bien qu'elle ne fonde aucune compétence ou prétention individuelle. Cet objectif constitutionnel laisse aux instances compétentes une grande latitude en matière d'évaluation et de décision pour ce qui est de la manière de réaliser l'objectif.

L'al. 2 charge la Confédération et les cantons d'assurer conjointement le respect de cet objectif, en tenant compte en particulier de l'acceptabilité sociale, en Suisse et à l'étranger, des mesures qu'ils adoptent. On entend par mesure acceptable socialement une mesure n'engendrant aucune injustice sociale. Selon les explications des auteurs de l'initiative, les mesures doivent être conçues de sorte que les personnes et groupes d'entreprises aisés en particulier assument des responsabilités proportionnellement plus importantes43.

43

Voir https://responsabilite-environnementale.ch/ (consulté le 25 mai 2023).

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En vertu de la disposition transitoire (art. 197, ch. 13, Cst.), la Confédération et les cantons doivent veiller à ce que, au plus tard dix ans après l'acceptation de l'initiative, l'impact environnemental découlant de la consommation en Suisse ne dépasse plus les limites planétaires, rapportées à la population de la Suisse.

L'expression «impact environnemental découlant de la consommation en Suisse» est sujette à interprétation. Dans une acception étroite, la «consommation» correspondrait uniquement à la consommation de consommateurs finaux privés. Un argument en faveur de cette interprétation étroite serait le fait que l'art. 97 Cst. relatif à la protection des consommateurs se réfère uniquement aux consommateurs finaux privés (interprétation systématique). Une interprétation plus large de l'expression «impact environnemental découlant de la consommation en Suisse» s'appuierait sur les ouvrages s'intéressant au rapport entre les empreintes environnementales et les limites planétaires.44 Dans ces ouvrages, la «perspective de la consommation» est souvent entendue comme une limite du système qui inclut toute la demande finale et donc aussi bien les consommations privées qu'étatique (interprétation selon le sens et le but de l'initiative). D'autres questions d'interprétation se poseraient, notamment s'il faut, et le cas échéant comment, prendre en compte les investissements et les services. Dans le contexte de l'initiative, le Conseil fédéral retient une interprétation large.

La disposition transitoire ne concerne pas les atteintes environnementales découlant de biens, de services, de matières premières ni de produits intermédiaires qui sont exportés. Dans ces domaines, il y a lieu de viser le respect des exigences de l'art. 94a Cst. indépendamment de tout délai concret (comme ce qui prévaut pour d'autres principes fixés dans la Cst.).

La disposition transitoire ne précise pas comment les limites planétaires devraient être prises en compte. On pourrait envisager qu'il s'agit de respecter les limites planétaires chaque année («budget annuel»). Cependant, une telle interprétation ne serait pas contraignante dans tous les domaines. En effet, dans certains domaines (notamment le climat, l'acidification des océans et la diminution de l'ozone dans la stratosphère), l'élément déterminant en matière de
stabilité des systèmes environnementaux globaux n'est pas la charge actuelle, mais plutôt la charge accumulée au fil du temps. La différence entre l'état actuel et le budget maximal ainsi que la rapidité à laquelle l'enveloppe totale est utilisée varient selon les domaines. Il y aurait lieu en outre de clarifier, d'une part, à quel moment ou durant quelle période la population suisse doit être rapportée à la population mondiale pour obtenir une unité de mesure et, d'autre part, quelle proportion revient à la Suisse par rapport à la proportion de la population mondiale.

44

Voir p. ex. Frischknecht, R., Nathani, C., Alig, M. et al. (2018). Empreintes environnementales de la Suisse. De 1996 à 2015. Consultable sur www.ofev.admin.ch > Thèmes > Économie et consommation > Publications et études > Empreintes environnementales de la Suisse; Wiebe, K. S. et Yamano, N. (2016). Estimating CO2 Emissions Embodied in Final Demand and Trade Using the OECD ICIO 2015: Methodology and Results; EBP & Treeze (2022); AEE & OFEV (2020). Is Europe living within the limits of our planet? Consultable sur https://www.eea.europa.eu. Voir «This report's calculation of European performance takes a consumption-based perspective (also referred to as environmental footprint perspective), which relates environmental pressures to final demand for goods and services.».

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De plus, la liste non exhaustive des domaines déterminants figurant à l'al. 2 de la disposition transitoire contient les changements climatiques, la perte de la diversité biologique, la consommation d'eau, l'utilisation du sol et les apports d'azote et de phosphore.

Pour mettre en oeuvre la disposition transitoire, il faudrait clarifier les deux points suivants au niveau de la loi: ­

comment quantifier et mesurer les limites planétaires dans les domaines cités, sachant que d'autres indicateurs et bases de données que ceux utilisés jusqu'à présent par l'administration fédérale45 seraient en partie envisageables;

­

quelles limites qui ne sont pas explicitement mentionnées devraient également être respectées.

L'ampleur des conséquences de l'art. 197, ch. 13, al. 1, Cst. varie selon la mise en oeuvre au niveau de la loi. La part disponible par personne dépend en outre de l'évolution future de la population mondiale.

Les études existantes suggèrent toutefois que le besoin de réduction serait très élevé pour la Suisse en cas d'acceptation de l'initiative (cf. ch. 2.1.3). La disposition transitoire fixe, pour la Suisse, un objectif de réduction allant au-delà du niveau d'ambition d'autres États s'agissant tant du caractère contraignant que de l'année à laquelle l'objectif doit avoir été atteint.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation de l'objectif de l'initiative

L'initiative entend contribuer à la préservation des bases naturelles de la vie sur le long terme. Les ressources naturelles sont fortement sollicitées dans le monde entier, en particulier concernant les changements climatiques, la biodiversité, les apports d'azote et de phosphore, les changements dans l'utilisation des sols et l'introduction de nouvelles substances.

Le Conseil fédéral est d'avis que l'approche proposée par les auteurs de l'initiative va trop loin. L'objectif de l'initiative, qui entend réduire l'impact environnemental découlant de la consommation intérieure dans un délai de dix ans pour tenir compte des limites planétaires, engendrerait d'énormes coûts économiques et sociétaux (voir ch. 4.2). Or le bénéfice qu'en retireraient les pays producteurs sur le plan environnemental serait limité, car la demande de la Suisse n'a à elle seule qu'un effet modeste en la matière.

La Suisse maintiendra l'approche d'utilisation durable des ressources qu'elle a adoptée jusqu'ici. Le Conseil fédéral renvoie aux différentes dispositions constitutionnelles en vigueur qui exigent un développement durable et une préservation à long terme des ressources naturelles. Par ailleurs, le Conseil fédéral et le Parlement ont déjà adopté différents objectifs et introduit des mesures pour préserver les ressources 45

P. ex. pour la perte de la diversité biologique due à l'utilisation des sols (potentiel de perte des espèces).

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naturelles (voir ch. 2.2.1). Contrairement à celle proposée par l'initiative, la voie suivie actuellement permet une approche pragmatique et flexible.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

Le texte de l'initiative ne précise pas avec quels instruments ses objectifs ambitieux devraient être atteints. Ainsi, les conséquences dépendraient fortement des modalités de mise en oeuvre, qui seraient le cas échéant arrêtées au niveau de la loi. Comme la disposition transitoire fixe un délai très court, on peut supposer qu'il faudrait recourir à des instruments radicaux si l'initiative était acceptée. La Suisse devrait prendre des mesures de régulation et d'incitation radicales qui pourraient même aller au-delà de la future réglementation européenne. Ces mesures auraient de vastes répercussions négatives sur l'économie et sur la société. Le bien-être de la population s'en trouverait considérablement réduit.

4.2.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

Atteindre les objectifs de l'initiative en respectant le délai fixé par la disposition transitoire impliquerait des charges supplémentaires considérables pour la Confédération, les cantons et les communes. Il faudrait planifier et réaliser, dans les domaines les plus divers et en quelques années seulement, des transformations et des restructurations. Il y aurait lieu par exemple de transformer les infrastructures énergétiques et de transport rapidement, parfois bien avant que celles-ci n'atteignent la fin de leur durée de vie.

Concernant la perte de la diversité biologique, la consommation d'eau, l'utilisation du sol et les apports d'azote et de phosphore, il faudrait en particulier agir sur la consommation alimentaire, ce qui se traduirait notamment par des coûts supplémentaires pour des mesures de formation et d'information ainsi que pour la recherche et le développement dans les secteurs de l'agriculture et de l'industrie des denrées alimentaires. La Confédération et les cantons devraient de plus faire face à des coûts d'exécution importants en raison des interventions nécessaires sur le marché (élaboration et révision de mesures tarifaires et réglementaires). Comme les priorités s'en trouveraient modifiées, il faudrait par ailleurs s'attendre à une réaffectation potentielle des ressources disponibles ou à un besoin de ressources supplémentaires au sein de l'administration, ce qui serait à la charge d'autres domaines politiques ou des contribuables.

En tant que demandeurs d'ouvrages de construction, de biens et de services, la Confédération, les cantons et les communes devraient développer leur rôle de modèles sur le plan écologique bien plus rapidement que ce qui était prévu jusqu'ici. Ce dernier point entraînerait également des coûts supplémentaires disproportionnés pour les finances publiques.

Par contre, certains coûts pourraient disparaître (p. ex. des coûts d'atténuation des conséquences négatives des atteintes environnementales).

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4.2.2

Conséquences environnementales

Si l'initiative est acceptée, il faudrait mettre en oeuvre immédiatement des mesures de préservation des ressources juridiquement contraignantes afin de réduire considérablement, dans le délai de dix ans, les empreintes environnementales de la Suisse (notamment dans les domaines des changements climatiques, de la perte de la biodiversité ainsi que des apports d'azote). De telles mesures auraient des répercussions positives sur l'environnement, par exemple dans des domaines comme le climat ou la biodiversité.

4.2.3

Conséquences sociales

L'initiative entend agir en faveur des générations futures et requiert des mesures socialement acceptables. Cependant, ses répercussions sur la société seraient problématiques, car le délai transitoire court qu'elle prévoit nécessite des adaptations importantes et rapides sur le plan de la consommation et de l'économie.

Des solutions liées à la demande pour réduire l'empreinte gaz à effet de serre peuvent certes être compatibles avec le maintien d'un niveau élevé de bien-être46 (ce qui se révèle moins évident pour les autres domaines environnementaux). Cependant, le court délai de transition, de dix ans seulement, impliquerait de mettre en oeuvre des mesures de préservation des ressources bien plus rapidement que ce qui a été prévu jusqu'ici. Pour ce faire, la Suisse devrait prendre de vastes mesures de régulation et d'incitation. Il faudrait alors s'attendre à des conséquences majeures pour la société.

Cela impliquerait d'opérer des changements des habitudes de consommation en l'espace de quelques années seulement. En fonction de la teneur des mesures, la conséquence serait, concernant certains produits particulièrement pertinents sur le plan environnemental, une augmentation des prix et une diminution de la diversité de l'offre, par exemple dans les domaines de l'alimentation, du logement, de la mobilité et des vêtements. Les consommateurs seraient ainsi limités dans leurs choix. À quoi s'ajouteraient des coûts d'adaptation de la société, en particulier des coûts d'information et de transaction.

En raison du court délai de transition, il serait très difficile de garantir l'acceptabilité sociale en Suisse et à l'étranger. Par exemple, des employés risqueraient de perdre leur poste à cause des changements structurels dans leur entreprise. Ce point concerne en particulier les personnes qui ne sont pas en mesure de développer rapidement leurs compétences professionnelles. Cela pourrait exacerber certaines inégalités sociales.

4.2.4

Conséquences économiques

Si l'initiative était acceptée, les exigences posées à l'économie augmenteraient, en particulier dans le secteur primaire (agriculture et extraction de matières premières), 46

Voir Creutzig, F., Niamir, L., Bai, X. et al. (2022). Demand-side solutions to climate change mitigation consistent with high levels of well-being. Nature Climate Change, 12(1), p. 36 à 46.

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tout comme les coûts y afférents. L'art. 94a s'applique tant aux biens et services vendus sur territoire suisse qu'à ceux qui sont exportés.

Le court délai de transition nécessiterait des mesures de régulation et d'incitation radicales pour le marché intérieur et limiterait ainsi la liberté économique. Il se traduirait par des coûts d'exécution supplémentaires.

Les produits et les prestations préalables destinés au marché suisse seraient soumis à des exigences de production plus strictes que ceux destinés au marché étranger. Les entreprises produisant à la fois pour les marchés suisse et étranger et qui ne sont pas en mesure d'adapter leur production en fonction du pays subiraient vraisemblablement un désavantage concurrentiel sur le marché étranger (aux exigences de production moins sévères) en raison des coûts plus élevés qu'elles devraient assumer. Ce point concernerait avant tout les PME, car ces dernières disposent en général de possibilités moindres de différencier leur production.

Dans la mesure où cela serait judicieux sur le plan strictement écologique, certains facteurs de production, les machines en particulier, devraient être modernisés bien plus rapidement que prévu (soit avant la fin de leur durée d'utilisation habituelle).

Cela se traduirait par des charges considérables, en particulier d'un point de vue financier. Il faudrait par ailleurs s'attendre à devoir réaliser d'importants investissements pour développer des produits, ce qui entraînerait des charges à la fois financières et humaines. Cela concernerait avant tout l'industrie des denrées alimentaires, l'agriculture, les secteurs de la construction et de l'immobilier ainsi que l'industrie textile.

Certaines entreprises pourraient connaître de nouvelles opportunités, notamment dans les domaines de l'agriculture et de l'alimentation durables, des technologies de construction novatrices, des énergies renouvelables ou encore du recyclage. L'incitation à investir dans la recherche et le développement agit comme un accélérateur de progrès technologiques, ce qui pourrait renforcer la compétitivité des entreprises (ou de certaines d'entre elles).

Selon la mise en oeuvre au niveau de la loi, il faudrait augmenter l'utilisation des ressources fiscales, ce qui ferait diminuer l'attrait fiscal de la Suisse par rapport à d'autres pays.
Si l'initiative était acceptée, étant donné qu'une grande partie des atteintes environnementales générées par la consommation ont lieu à l'étranger, il serait nécessaire de réguler davantage le commerce, en particulier l'importation de certaines marchandises particulièrement nuisibles à l'environnement. La politique commerciale et les obligations de la Suisse pourraient en pâtir. Les relations commerciales avec les pays étrangers bien établies sur le long terme pourraient souffrir d'éventuelles adaptations unilatérales. Cela pourrait affaiblir la position de la Suisse dans certaines négociations commerciales importantes et retarder, voire empêcher, la conclusion de conventions pertinentes en matière de bien-être (cf. ch. 4.4).

Les coûts liés à l'importation de biens augmenteraient, ce qui pourrait péjorer la compétitivité et les conditions des échanges pour les milieux économiques, qui ont besoin de ces importations en tant que prestations préalables. Ce contexte se révélerait particulièrement problématique pour la Suisse qui, en tant qu'économie ouverte au marché intérieur limité, est tributaire de la circulation de biens et services au niveau interna17 / 20

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tional. Le libre-échange facilite par ailleurs la diffusion de technologies et de connaissances.

Il ressort de ce qui précède que l'initiative, si elle était acceptée, se traduirait par une limitation considérable de la liberté économique. De plus, le bien-être s'en verrait restreint en Suisse, du moins par rapport à l'évolution que connaîtrait le pays si l'initiative n'était pas acceptée.

4.3

Avantages et inconvénients de l'initiative

L'initiative met en avant l'importance de disposer de systèmes environnementaux mondiaux sains. De nos jours, les ressources naturelles sont fortement sollicitées à l'échelle du globe.

La mise en oeuvre de l'initiative (en particulier en raison du délai de dix ans, court et ferme) aurait de graves conséquences pour la population et pour l'économie. L'assortiment de produits serait restreint et les prix de nombre d'entre eux augmenteraient; certains emplois seraient menacés dans le pays et l'économie devrait faire face à des risques en matière de politique commerciale.

Par rapport aux exigences strictes de l'initiative, les dispositions constitutionnelles en vigueur en matière de durabilité, les objectifs fixés et les mesures engagées par le Parlement et le Conseil fédéral sont plus à même de permettre de trouver des solutions viables en concertation avec les acteurs concernés.

4.4

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La compatibilité de l'initiative et des nouvelles dispositions constitutionnelles que celle-ci prévoit avec les obligations internationales de la Suisse ratifiées dans des accords internationaux d'une part et avec les obligations de la Suisse envers l'UE d'autre part dépend des modalités de mise en oeuvre de l'initiative.

Il se pourrait, en particulier si des réglementations sont décidées unilatéralement, telles que des restrictions disproportionnées en matière de mise sur le marché de produits particulièrement polluants, que des problèmes de compatibilité avec certains accords internationaux se posent, notamment avec l'accord général du 30 octobre 1947 sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT)47, l'accord de libre-échange avec l'UE48, la convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association Européenne de LibreÉchange (AELE)49 et d'autres accords de libre-échange.

47 48 49

RS 0.632.21 RS 0.632.401 RS 0.632.31

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5

Conclusions

L'objectif de l'initiative est la préservation à long terme des bases naturelles de la vie.

Toutefois, si elle est acceptée, cette initiative aurait des conséquences négatives considérables pour la Suisse, en particulier en raison du court délai de transition. Elle engendrerait d'énormes coûts de transformation, disproportionnés et insoutenables pour l'État, pour l'économie, et finalement également pour la société.

La Constitution comprend déjà de nombreuses dispositions relatives à la durabilité, tout en laissant au législateur une latitude suffisante pour tenir compte des derniers développements. Les dispositions en vigueur sont équilibrées et ne nécessitent aucun complément au sens de l'initiative. C'est pourquoi le Conseil fédéral propose de ne pas opposer de contre-projet direct à l'initiative.

Le Conseil fédéral et le Parlement ont déjà adopté différents objectifs et introduit des mesures pour préserver davantage les ressources naturelles. De nouvelles modifications au niveau de la loi sont à l'étude et portent sur les conditions-cadres au sens de l'initiative, par exemple dans le contexte de l'initiative parlementaire 20.433 «Développer l'économie circulaire en Suisse» ou en relation avec la révision de la loi sur le CO2 et avec la LCl. Au vu des travaux en cours, il ne serait pas approprié d'engager une procédure législative intersectorielle supplémentaire, raison pour laquelle le Conseil fédéral est d'avis qu'il ne faut pas envisager de contre-projet indirect non plus.

Le Conseil fédéral estime qu'il est plus pertinent de poursuivre les processus législatifs et stratégiques actuels dans les différents domaines politiques.

Par conséquent, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter, sans lui opposer de contre-projet.

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