FF 2024 www.fedlex.admin.ch La version électronique signée fait foi

23.085 Message concernant une modification du code civil (Protection contre les atteintes à la possession d'un immeuble) du 15 décembre 2023

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le projet d'une modification du code civil (protection contre les atteintes à la possession d'un immeuble).

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2017

M

15.3531

Renforcer les moyens de défense contre les squatters en assouplissant les conditions d'application de l'article 926 du code civil (N 03.05.2017, Feller; E 11.09.2017)

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 décembre 2023

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2023-3763

FF 2024 116

FF 2024 116

Condensé Les personnes touchées par une atteinte à leur possession (du fait de squatters notamment) peuvent s'en ressaisir à certaines conditions en faisant usage de leur droit de défense. Cette voie est pourtant souvent semée d'embûches en pratique. Le présent projet vise à améliorer les conditions auxquelles les personnes atteintes dans leur propriété ou leur possession, notamment du fait d'une occupation illicite, peuvent en récupérer la maîtrise.

Contexte La légitime défense et le droit de reprise au sens de l'art. 926 du code civil sont les deux facettes du droit de défense que peut exercer le possesseur d'un immeuble lorsque sa possession est troublée ou usurpée. Les conditions de l'intervention de la police découlent quant à elles du droit cantonal, lequel comporte rarement des dispositions spéciales eu égard à la protection de la possession. Les autorités de police des grandes villes, où les occupations illicites sont les plus fréquentes, ont développé des procédures standard pour faire face à une pesée des intérêts complexe. Lorsqu'une personne veut faire usage de son droit de défense, mais n'arrive pas à mettre fin à l'occupation, elle n'obtient souvent l'intervention de la police que s'il est garanti que l'évacuation aura des effets durables, par exemple parce que l'objet sera utilisé ou détruit immédiatement après.

La motion 15.3531 Feller Olivier «Renforcer les moyens de défense contre les squatters en assouplissant les conditions d'application de l'article 926 du code civil» charge le Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires pour que les propriétaires d'immeubles occupés de façon illicite par des squatters puissent exercer leur droit de reprise à des conditions plus souples. Son auteur demande d'une part que le délai d'exercice du droit de défense soit prolongé à 48 ou 72 heures, là où la réglementation en vigueur exige que le possesseur réagisse «aussitôt». Il déplore d'autre part qu'en cas d'action en vue de la reprise de la possession, la procédure prenne beaucoup de temps et soit relativement compliquée, ce qui empêche les personnes subissant une occupation illicite d'obtenir un résultat rapide.

Le code de procédure civile ne prévoit pas de procédure particulière pour les prétentions matérielles à la protection de la possession. Les propriétaires dont l'immeuble est
occupé ont donc une multitude de possibilités. Cela dit, il peut en résulter des difficultés procédurales et un risque de succomber.

Contenu du projet Le projet vise à assouplir les conditions auxquelles les possesseurs d'immeubles occupés illicitement peuvent récupérer leur bien. Il comporte des adaptations aussi bien du code civil que du code de procédure civile.

Les changements proposés dans le code civil permettent de fixer dans la loi le début du délai au cours duquel le possesseur peut expulser l'usurpateur, le droit en vigueur étant à cet égard sujet à controverse. Le moment déterminant sera à l'avenir celui où le possesseur a eu connaissance de l'usurpation. Ce dernier ne pourra toutefois pas

2 / 42

FF 2024 116

se référer au moment effectif de la prise de connaissance de l'usurpation s'il aurait pu en avoir connaissance plus tôt en faisant preuve de la diligence requise. La notion juridique indéterminée «aussitôt», qui indique le temps de réaction à partir de la prise de connaissance, est en revanche conservée. Les juges garderont ainsi la marge d'appréciation nécessaire pour tenir compte des circonstances du cas concret. Le projet précise par ailleurs, par analogie avec l'usage autorisé de la force au sens général, visé à l'art. 52, al. 3, du code des obligations, et conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, que le fait pour le possesseur de ne pas obtenir à temps l'intervention des autorités est la condition d'un usage licite du droit de reprise. Pour renforcer la protection de la propriété, il codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle les autorités ont en principe l'obligation d'intervenir lorsque les circonstances le justifient, même si cette obligation n'a rien d'absolu. Les cantons ayant la compétence d'édicter le droit policier, le droit fédéral ne peut que préciser le principe de proportionnalité en matière de protection de la possession.

Le projet rend par ailleurs la protection de la possession plus effective. Pour parer à la difficulté de déterminer quelles personnes possèdent la légitimation passive, la mise à ban générale est complétée par un nouvel acte de juridiction gracieuse, à savoir l'injonction. La cessation du trouble et la restitution de la possession pourront être requises par voie d'injonction auprès d'un cercle de personnes indéterminé. Il sera tenu compte dûment des droits procéduraux des personnes visées en appliquant par analogie les règles relatives à la mise à ban générale. Les personnes subissant l'occupation illicite d'un immeuble n'auront dès lors plus à subir les inconvénients de la procédure liés au fait que les occupants changent souvent et ne peuvent être désignés nommément.

3 / 42

FF 2024 116

Table des matières Condensé

2

1

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.4 Classement d'interventions parlementaires

6 6 8

2

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Genèse de l'avant-projet 2.2 Procédure de consultation 2.2.1 Avant-projet 2.2.2 Synthèse des résultats de la procédure de consultation 2.2.3 Appréciation des résultats de la procédure de consultation

9 9 10 10 11 12

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 3.1 Allemagne 3.2 France 3.3 Espagne 3.4 Autriche

16 16 17 19 20

4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.1.1 Début et durée du droit de défense 4.1.2 Concrétisation de l'intervention des autorités 4.1.3 Vers une effectivité accrue des dispositions du code de procédure civile 4.2 Adéquation des moyens requis 4.3 Mise en oeuvre

21 21 21 23

5

Commentaire des dispositions

27

6

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 6.3 Conséquences économiques et sociales 6.4 Conséquences environnementales

34 34

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter

36 36 36 37

7

4 / 42

9 9

26 27 27

35 35 36

FF 2024 116

7.4 7.5 7.6 7.7 7.8

Frein aux dépenses Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale Conformité à la loi sur les subventions Délégation de compétences législatives Protection des données

Bibliographie Code civil (Protection contre les atteintes à la possession d'un immeuble) (Projet)

37 37 37 37 38 39

FF 2024 117

5 / 42

FF 2024 116

Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

Le projet repose sur la motion 15.3531 Feller Olivier «Renforcer les moyens de défense contre les squatters en assouplissant les conditions d'application de l'article 926 du code civil». Selon l'auteur de la motion, le code civil (CC)1 fournit des moyens de défense insuffisants aux propriétaires: d'une part parce que l'action en réintégrande prévue à l'art. 927 CC, dont l'objectif est la restitution de la chose usurpée et la réparation du dommage causé, est relativement compliquée et ne permet pas d'obtenir un résultat rapide, d'autre part parce que l'art. 926 CC, qui permet au possesseur d'exercer un droit de reprise de l'immeuble occupé illicitement ­ soit directement, soit par l'intermédiaire de la police ­ a perdu quasiment toute portée pratique du fait de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Selon l'auteur de la motion, ladite jurisprudence exige, par son interprétation de la notion indéterminée «aussitôt» figurant à l'art. 926, al. 2, CC que le possesseur réagisse dans les quelques heures qui suivent l'occupation illicite de l'immeuble, faute de quoi le droit de reprise ne peut plus être exercé. L'auteur propose de modifier l'art. 926, al. 2, CC pour que le délai dans lequel le possesseur doit réagir soit porté à 48 ou 72 heures. Le Conseil fédéral a proposé de rejeter la motion le 19 août 2015. Il n'a pas jugé utile de légiférer, arguant que l'art. 926 CC, s'il est interprété selon la doctrine dominante, offre au droit de défense du possesseur la flexibilité requise. Selon lui, l'indication explicite de délais ne permettrait pas d'apprécier dans tous les cas la situation en tenant compte de l'ensemble des circonstances. Le Conseil national et le Conseil des États ont respectivement adopté la motion le 3 mai 20172 et le 11 septembre 20173.

Le droit en vigueur ­ en particulier les dispositions sur les droits réels et celles du code de procédure civile (CPC)4 ­ permet aux personnes subissant une occupation illicite de reprendre possession d'un immeuble occupé illicitement. Les autorités de police des territoires (principalement urbains) sur lesquels les occupations illicites sont monnaie courante ont en outre mis au point des procédures standardisées qui permettent de procéder à la pesée des intérêts souvent complexe qui s'impose dans de telles situations. Les propriétaires ou les possesseurs
d'immeubles occupés disposent des bases nécessaires pour exercer la légitime défense et le droit de reprise. Le rapport explicatif du 2 septembre 20205 relatif à l'avant-projet fournit un aperçu du droit en vigueur et de la pratique des autorités cantonales en cas d'occupation illicite. On se référera au ch. 1.2 dudit rapport pour tout complément d'information. Dans la pratique, les propriétaires d'immeubles essaient en outre de plus en plus, parfois à grands frais, de veiller à éviter de laisser leurs biens inutilisés en permettant des utilisations 1 2 3 4 5

RS 210 BO 2017 N 667 BO 2017 E 550 RS 272 Disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

6 / 42

FF 2024 116

transitoires, de les faire surveiller par des services de sécurité, d'en obstruer les accès ou d'en retirer les infrastructures6.

Les évolutions susmentionnées sont responsables de l'opinion répandue selon laquelle le droit en vigueur ne suffit pas à faire sortir rapidement les occupants des lieux.

Il faut noter aussi que l'évacuation par la police d'un immeuble occupé ne peut souvent être obtenue qu'à certaines conditions, voire nécessite un jugement d'expulsion exécutoire. Le chemin jusqu'à l'obtention du titre d'expulsion est souvent semé d'embûches: ­

Le CPC ne prévoit pas de procédure particulière pour qui souhaite faire valoir une prétention matérielle à la protection de la possession (action possessoire).

L'éventail des possibilités pour faire valoir ses droits est large, mais en même temps aucune procédure du CPC ne convient parfaitement à une action possessoire, si bien que les personnes subissant une occupation illicite peuvent se voir confrontées à des difficultés procédurales et à un risque élevé de succomber7.

­

L'identité des occupants étant inconnue et ceux-ci changeant régulièrement (cercle de personnes indéterminé) en cours d'occupation, il s'avère difficile, voire impossible, de déterminer quelles personnes possèdent la légitimation passive. Il en résulte également des difficultés de notification des actes judiciaires.

­

La procédure sommaire peut occasionner des difficultés pour les propriétaires au niveau des preuves, les seuls moyens de preuves admis étant les actes.

­

S'agissant des mesures provisionnelles se pose la question du bien-fondé de l'obligation d'actionner, puisque les mesures de protection de la possession exécutées (par ex. l'expulsion) changent déjà la situation de fait.

La motion 15.3531 critique le manque d'effectivité des instruments existants, dans la mesure où les propriétaires d'immeubles sont renvoyés à la voie civile, qui est longue et relativement compliquée.

Partant d'une approche globale, la présente modification du CC et du CPC vise à améliorer la situation des personnes dont l'immeuble est occupé illicitement. Elle vise à réformer les mesures existantes de protection de la possession (art. 258 ss CPC). Les allègements prévus ont un caractère préventif et visent à réduire l'usage privé de la force: les occupants potentiels doivent savoir qu'il existe des moyens juridiques efficaces pour obtenir une évacuation rapide. Le projet propose l'adaptation de la protection de la possession dans son ensemble, sans opter pour une réglementation spéciale dans le code civil exclusivement pour les occupations d'immeubles. La notion de «possesseur» utilisée dans le commentaire des dispositions englobe aussi les propriétaires, mais a une acception plus large.

La mise en oeuvre pratique de la protection de la possession sous la forme d'une évacuation continuera de dépendre largement du droit (policier) cantonal. Les législateurs 6 7

Büchi/Gehring 2014: no 1 ss; Baumann 2013: no 30 ss.

Voir le ch. 1.2.5 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

7 / 42

FF 2024 116

cantonaux sont les destinataires des obligations de protection découlant des droits fondamentaux8 au même titre que le législateur fédéral. Il leur appartiendra donc de réexaminer le droit policier de leur canton pour déterminer si celui-ci offre un cadre général adéquat.

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

La solution retenue dans le but de renforcer la protection de la possession prévoit les adaptations suivantes du CC et du CPC:

8



Il s'agit d'inscrire dans la loi le moment où le temps de réaction imparti au possesseur pour expulser l'usurpateur et se ressaisir de l'immeuble commence à courir. Le moment déterminant est celui où le possesseur a eu connaissance de l'usurpation. Il ne pourra toutefois pas se référer au moment effectif de la prise de connaissance de l'usurpation s'il aurait pu ou dû en avoir connaissance plus tôt en faisant preuve de la diligence requise. S'il n'a pas eu connaissance de l'usurpation directement après sa réalisation, l'événement qui déclenche le délai est à comprendre dans un sens objectivé. La notion juridique indéterminée «aussitôt», qui définit le temps de réaction admis, est en revanche maintenue (voir le ch. 2.2.3). Le juge conservera ainsi la marge d'appréciation nécessaire pour tenir compte des circonstances du cas concret. Pour des motifs rédactionnels, le droit de reprise des immeubles d'une part et des choses mobilières d'autre part est réglé dans deux alinéas distincts (art. 926, al. 2 et 3, P-CC).



Le projet précise, dans le but de concrétiser l'intervention des autorités, que le fait pour le possesseur de ne pas obtenir à temps l'intervention des autorités est la condition d'un usage licite du droit de reprise. En adéquation avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui accorde au possesseur le droit de bénéficier d'une intervention, même si ce droit n'est pas absolu, le projet prévoit, pour renforcer la protection de la possession, que les autorités compétentes assurent en temps utile au possesseur l'intervention requise par les circonstances (art. 926, al. 4, P-CC). Dans la mesure où les cantons sont compétents pour légiférer en matière de droit policier, la loi fédérale ne peut que préciser le principe de proportionnalité.



Notamment pour parer à la difficulté de déterminer quelles personnes possèdent la légitimation passive en cas d'actions en protection de la possession, la mise à ban générale est complétée par un nouvel acte de juridiction gracieuse, à savoir l'injonction. La cessation du trouble et la restitution de la possession pourront être requises par voie d'injonction auprès d'un cercle de personnes indéterminé. Il sera tenu compte dûment des droits procéduraux des personnes visées en appliquant par analogie les règles relatives à la mise à ban générale.

Le tribunal pourra cependant statuer immédiatement et, sur demande, ordonVoir le ch. 1.2.2 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

8 / 42

FF 2024 116

ner directement les mesures qui s'imposent pour l'affichage de l'injonction sur l'immeuble et pour l'exécution. Par rapport à la mise à ban générale, le délai d'opposition ne sera que de dix jours pour l'injonction et l'opposition devra être dûment motivée (art. 248, let. c, 259, 260a et 260b P-CPC).

Le projet correspond pour l'essentiel à l'avant-projet envoyé en consultation. Il a néanmoins subi quelques adaptations au vu des résultats de celle-ci, et ce afin de clarifier certains points et de rendre l'injonction plus praticable (voir le ch. 2.2.3).

Le ch. 2.2.3 mentionne également les propositions des participants à la consultation qui ont été rejetées après examen. Lors de l'élaboration de l'avant-projet, d'autres options avaient déjà été étudiées, lesquelles sont mentionnées dans le rapport explicatif du 2 septembre 2020, en particulier l'instauration d'un délai en heures et la création d'une procédure spéciale dans le CC9.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202310, ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202311. Il donne suite à une motion (voir le ch. 1.4).

1.4

Classement d'interventions parlementaires

La réglementation proposée permet d'atteindre les objectifs visés par l'intervention parlementaire ci-après, qu'il est proposé de classer: 2017

M 15.3531

Renforcer les moyens de défense contre les squatters en assouplissant les conditions d'application de l'article 926 du code civil (N 03.05.2017, Feller; E 11.09.2017)

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

2.1

Genèse de l'avant-projet

En novembre 2017, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a chargé le Prof. Ramon Mabillard, avocat et notaire, professeur ordinaire à l'université de Fribourg, d'étudier et de présenter dans un avis de droit, en s'appuyant sur la pratique des cantons de Berne,

9

10 11

Pour plus d'informations, voir le ch. 1.4.4 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

FF 2020 1709 FF 2020 8087

9 / 42

FF 2024 116

de Bâle-Ville, de Genève, de Vaud et de Zurich, les besoins de réforme de la protection de la possession en rapport avec les occupations illicites d'immeubles12.

Après une première évaluation de l'avis de droit, l'OFJ a procédé fin janvier 2019 à une consultation d'experts issus de la magistrature, du barreau, de la doctrine et des milieux universitaires, de la police et de l'Office fédéral des constructions et de la logistique. Il les a priés de fournir un avis sur les besoins de réforme de la protection de la possession en vue d'une mise en oeuvre de la motion 15.3531. Il a ensuite mené des entretiens avec l'auteur de l'avis de droit et certains des experts consultés.

2.2

Procédure de consultation

2.2.1

Avant-projet

Le 2 septembre 2020, le Conseil fédéral a envoyé en consultation un avant-projet de modification du CC et du CPC13. La consultation a pris fin le 23 décembre 2020. Les propositions étaient les suivantes:

12

13



Le temps de réaction pour l'exercice du droit de défense au sens de l'art. 926, al. 2, CC devait commencer à courir au moment où le possesseur a eu connaissance de l'usurpation en ayant fait preuve de la diligence requise. La notion juridique indéterminée «aussitôt» devait servir à conserver la marge d'appréciation du tribunal et il était jugé préférable de renoncer à instaurer un délai en heures (art. 926, al. 2, AP-CC).



Il s'agissait aussi de concrétiser l'intervention des autorités dans le but de protéger la possession en complétant l'art. 926, al. 3, CC. En adéquation avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui accorde au possesseur le droit de bénéficier d'une intervention des autorités, même s'il ne s'agit pas d'un droit absolu, l'avant-projet prévoyait que les autorités compétentes assurent en temps utile au possesseur l'intervention requise par les circonstances (art. 926, al. 3, AP-CC). Il clarifie le fait que l'exercice du droit de reprise n'est licite que si l'intervention des autorités ne peut pas être obtenue en temps utile.



L'avant-projet prévoyait de compléter la mise à ban générale, mesure du CPC visant à protéger la possession, par l'injonction, destinée à requérir la cessation du trouble et la restitution de la possession auprès d'un cercle de personnes indéterminé. Ce nouvel instrument devait permettre d'éliminer les écueils de la procédure liés au fait que les occupants changent constamment et ne peuvent être désignés nommément. Il était tenu compte dûment des droits procéduraux des personnes visées grâce à l'application par analogie des principes régissant la mise à ban générale. Le délai d'opposition prévu n'était toutefois que de dix jours et le tribunal devait pouvoir statuer immédiatement Mabillard Ramon, Besitzesschutz bei Hausbesetzungen, avis de droit donnant suite à la motion Feller (15.3531), août 2018. Disponible à l'adresse: www.ofj.admin.ch > Publications & services > Rapports, avis de droit et décisions > Rapports et avis de droit externes.

Le dossier envoyé en consultation est disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

10 / 42

FF 2024 116

et prendre directement les mesures d'exécution qui s'imposent (art. 248, let. c, 259, 260a et 260b AP-CPC).

2.2.2

Synthèse des résultats de la procédure de consultation

25 cantons, 3 partis politiques et 16 organisations et autres participants se sont prononcés. Sur les 44 avis reçus, 15 (14 cantons et 1 organisation) sont favorables à la conception concrète de l'avant-projet. 24 participants adhèrent à l'avant-projet sur le principe, mais soulignent la nécessité de procéder à des adaptations (10 cantons, 2 partis et 12 organisations et autres participants). 5 participants sont opposés à l'avantprojet (1 canton , 1 parti et 3 organisations et autres participants)14.

Une majorité des participants à la consultation accueillent favorablement les grandes lignes des propositions du Conseil fédéral visant à renforcer les droits des personnes dont le logement ou l'immeuble est occupé. Plusieurs relèvent que les adaptations proposées améliorent sensiblement la protection de la possession d'immeubles, apportent des clarifications et, de manière générale, renforcent le droit de défense. La nécessité d'agir est confirmée: d'aucuns critiquent les faiblesses pratiques du droit en vigueur, empêchant régulièrement qu'une protection rapide et efficace de la possession se mette en place. Quelques-uns rejettent la pratique établie au cours des dernières années par certaines polices municipales, qui affaiblit la protection de la propriété en assortissant le dépôt d'une plainte pénale de conditions supplémentaires.

Les participants à la consultation ne sont pas tous convaincus que les modifications proposées simplifieront véritablement l'action contre les occupations d'immeubles.

Certains craignent que le projet puisse rester sans effet sur la pratique policière.

D'autres perçoivent le risque d'abus entourant la nouvelle injonction, dont une opposition non motivée permettra selon eux trop simplement d'annuler les effets. Sur le principe, l'injonction est tout de même jugée positivement, en cela qu'elle élimine les désagréments liés à la procédure découlant du fait que les occupants ne sont pas connus ou qu'ils changent en permanence.

Certains participants rejettent le projet dans son ensemble, jugeant que les instruments à disposition suffisent et que le nombre d'occupations est faible en Suisse. Ils estiment de plus que l'identification des usurpateurs ne pose pas de problème dans la majorité des cas. Selon eux, plutôt que de rendre les règles relatives à la protection de la possession plus strictes, il faudrait s'attaquer à celles qui font obstacle à l'utilisation transitoire d'immeubles vides.

14

La synthèse des résultats de la consultation est disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

11 / 42

FF 2024 116

2.2.3

Appréciation des résultats de la procédure de consultation

Suite à la procédure de consultation, il apparaît que pour les uns, le projet élimine toujours trop peu d'obstacles à la protection de la possession, tandis que pour les autres, il fait (encore plus) du droit de défense un moyen de se faire justice soi-même.

Malgré ces critiques, les avis exprimés montrent que les propositions du Conseil fédéral peuvent contribuer à renforcer la paix juridique. Il faut donc maintenir les grandes orientations de l'avant-projet, tout en l'adaptant sur certains points: Début et durée du droit de reprise


Concernant le maintien du terme «aussitôt» On a étudié et rejeté la possibilité de supprimer le terme «aussitôt» figurant à l'art. 926, al. 2, AP-CC ou de le remplacer par une autre solution plus généreuse telle que «dans un délai raisonnable», comme l'ont demandé environ un quart des participants (2 cantons, 2 partis, 8 organisations). Le fait de fixer le début du droit de reprise constitue déjà un assouplissement des conditions de son exercice, dans la mesure où ce moment est controversé dans le droit en vigueur (voir le ch. 4.1.1). La suppression pure et simple du terme «aussitôt» serait problématique dans la mesure où elle atténuerait le monopole de la puissance publique: le possesseur pourrait décider lui-même pendant combien de temps après la prise de connaissance de l'usurpation il peut faire usage de son droit de reprise. On renonce à remplacer le terme par l'expression «dans un délai raisonnable», qui n'apporte pas d'amélioration. D'une part, il s'agit là aussi d'une notion juridique indéterminée et, d'autre part, il est important de pouvoir continuer à s'appuyer sur la jurisprudence du Tribunal fédéral relative au terme «aussitôt», laquelle est également déterminante quant à la question des délais d'exercice du droit de reprise. Ce sont les circonstances concrètes qui définissent si le possesseur a fait preuve de la diligence requise et s'il a exercé son droit de reprise à temps. Il serait peu utile de fournir des exemples d'application, comme l'ont demandé certains participants à la consultation.

Cependant, le commentaire de l'art. 926, al. 2, P-CC (voir le ch. 5) énumère certains comportements qui pourront le cas échéant être attendus du possesseur pour empêcher l'usurpation.

Concrétisation de l'intervention des autorités


Concernant les conséquences du projet sur la pratique policière Les adaptations proposées auront-elles des conséquences sur la pratique policière en matière d'évacuation des locaux occupés? D'aucuns ont souligné lors de la consultation qu'en l'absence de clarification du texte de loi, il faudra sans doute attendre qu'une jurisprudence s'établisse à propos de la latitude qu'ont notamment les policiers pour intervenir. Certains craignent que la modification proposée à l'al. 3 soit comprise comme l'affirmation d'un droit absolu à l'intervention de la police. Or une telle interprétation ne laisserait pas aux autorités de police toute la latitude requise sur le plan tactique.

12 / 42

FF 2024 116

Le ch. 4.1.2 et le commentaire de l'art. 926, al. 4, P-CC (précédemment l'art. 926, al. 3, AP-CC) sont complétés pour tenir compte de ces critiques. On précise les attentes vis-à-vis des législateurs et des autorités de police des cantons dans le contexte de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'intervention de la police, laquelle est codifiée dans le projet. L'al. 4 s'adressant à toutes les autorités, et pas seulement à la police, on a renoncé à inscrire dans la loi la liste de critères mise au point par le Tribunal fédéral pour justifier l'obligation d'intervenir de la police (voir le ch. 4.1.2).


Concernant l'exercice du droit de reprise lorsque l'intervention des autorités n'a pas été obtenue à temps Certains participants à la consultation ont jugé l'art. 926, al. 3, AP-CC trop indéterminé et peu clair, notamment eu égard au caractère subsidiaire du droit de reprise par rapport à l'intervention des autorités et quant à ce qu'il doit advenir en l'absence de cette intervention. Quelques-uns ont noté que l'on pourrait comprendre l'adaptation proposée comme un blanc-seing au recours à la violence dans les cas où la pratique policière est restrictive (par ex. dans le canton de Vaud, où un immeuble occupé ne peut être évacué par la police que sur décision du juge). Une série de participants (1 canton, 1 parti et 3 organisations) souhaitent que la norme soit adaptée pour éviter de limiter la capacité d'action du possesseur de l'immeuble en cas d'usurpation. Ils exigent que le possesseur puisse se ressaisir de l'immeuble si l'intervention des autorités n'est pas arrivée à temps ou qu'il apparaît qu'elle ne pourra pas être obtenue en temps utile. Ils considèrent que le droit de reprise doit pouvoir s'exercer là où la pratique policière est restrictive, faute de quoi le projet restera sans effet.

L'art. 926, al. 4, P-CC est adapté sur le plan rédactionnel (pas d'adaptation matérielle par rapport à l'art. 926, al. 3, AP-CC) pour souligner la subsidiarité du droit de reprise par rapport à l'intervention des autorités. Le Conseil fédéral ne partage pas la conception selon laquelle le droit de reprise devrait toujours pouvoir être exercé lorsque la pratique policière (régionale) est restrictive. Le juge devra apprécier dans chaque cas d'espèce si l'exercice du droit de reprise était licite (voir le commentaire de l'art. 926, al. 4, P-CC au ch. 5).



Concernant la prise d'influence de la Confédération sur l'intervention des autorités dans les cantons Quelques participants (1 canton, 1 organisation) souhaitent une limitation de la latitude des cantons en matière d'intervention des autorités ou encore l'adoption de règles d'intervention plus uniformes et plus efficaces par les cantons. 1 organisation exige une intervention obligatoire de la police à

13 / 42

FF 2024 116

l'échelon des cantons et des villes et la mise à la charge des coûts éventuels15 aux usurpateurs. La Confédération n'ayant pas la compétence législative requise, il ne peut être donné suite à cette demande (voir le commentaire au ch. 4.1.2).

Injonction


Concernant le champ d'application Il n'est pas donné suite à la demande exprimée par certains de limiter le champ d'application de l'injonction à l'occupation de logements et d'immeubles et à la protection de la propriété (et pas de la possession). Suivant le modèle du droit en vigueur, le projet est censé renforcer la protection de la possession dans son ensemble et pas «uniquement» la protection contre l'occupation de logements. D'autres participants à la consultation (3 cantons et 1 organisation) se félicitent que l'injonction ne requière pas l'existence de droits réels et soit notamment accessible aux locataires.



Concernant le type de procédure Certains (2 cantons, 1 parti) demandent que la protection de la possession soit soumise de manière générale à la procédure sommaire. Ils estiment que la procédure suivant l'injonction devrait elle aussi être sommaire. 1 canton se dit expressément en faveur de la possibilité pour les personnes concernées de choisir un autre type de procédure applicable selon le droit en vigueur pour faire valoir leurs prétentions en matière de protection de la possession. Le projet n'apporte pas de modifications à cet égard. Selon la complexité du cas, une procédure sommaire n'est pas toujours la plus favorable.



Concernant le délai de dépôt de la demande Certains s'enquièrent de savoir si l'injonction doit être demandée «aussitôt» au sens de l'art. 926, al. 2 et 3, AP-CC en relation avec l'art. 260a AP-CPC.

Il est à noter qu'il ne serait guère possible de vérifier dans une procédure à une partie si celle-ci a agi aussitôt «en faisant preuve de la diligence requise».

Le commentaire de l'art. 260a, al. 1, P-CPC est complété pour tenir compte de cet aspect, mais le texte de loi n'est pas adapté.



Concernant la publication de l'injonction L'art. 260a, al. 1, P-CPC est adapté pour tenir compte de la demande exprimée par plusieurs participants (1 canton, 1 parti, 5 organisations) de laisser une autorité procéder à l'affichage de l'injonction sur l'immeuble. Le projet dispose que le tribunal ordonne sur demande les mesures d'affichage qui s'imposent.

15

En 2021, le Conseil cantonal zurichois a refusé d'imposer à la police de demander toujours et impérativement aux usurpateurs le remboursement des frais engagés pour l'évacuation de locaux occupés. Voir Conseil cantonal zurichois, initiative parlementaire «Chaoten statt Steuerzahler belasten» (faire payer les fauteurs de troubles plutôt que les contribuables), no KR 248/2016; concernant le remboursement des coûts lors de manifestations non autorisées donnant lieu au blocage du trafic, voir Conseil cantonal zurichois, RRB 2022/1485 à propos de la question 424/2022 «Unfallopfer oder Aktivisten- wer hat Priorität?» (victimes d'accidents ou activistes, qui a la priorité?).

14 / 42

FF 2024 116



Concernant l'opposition Bien que reconnaissant sur le principe que la possibilité de faire opposition participe à la préservation des droits procéduraux, de nombreux participants y voient un risque de mettre à mal l'efficacité de l'injonction. Certains mentionnent le cas où une seule personne ferait opposition. Le possesseur devrait alors tolérer la présence de l'opposant et éventuellement d'autres personnes désignées comme ses «invités». Quelques participants (3 cantons et 1 parti) considèrent de ce fait l'injonction comme un instrument peu incisif. Certains d'entre eux se félicitent que l'opposant doive s'identifier, ce qui permet à tout le moins de mener une action en justice contre lui, mais rappellent que l'on pourrait régler ce problème par d'autres moyens (plainte pénale pour violation de domicile, identification par la police, puis procédure d'expulsion au sens du code de procédure civile). D'autres participants (1 canton, 1 parti, 5 organisations) déplorent le fait que l'opposition ne doive pas être motivée et qu'il suffise que les usurpateurs s'identifient pour annihiler les effets de l'injonction, sans compter que d'autres moyens permettent d'atteindre ce but ou d'empêcher l'injonction d'être exécutoire (dépôt d'un mémoire préventif au sens de l'art. 270 CPC, action en constatation de l'illicéité de l'injonction). En cas d'opposition, certains de ces participants exigent que le possesseur puisse bénéficier d'une procédure simplifiée et rapide.

Pour tenir compte de ces critiques, le projet prévoit que l'opposition doit être motivée (voir l'art. 206b P-CPC). On renonce en revanche à modifier l'injonction en profondeur et à créer une nouvelle procédure consécutive à l'opposition qui reviendrait à prévoir de nouvelles voies de droit sans avantage réel. Il ne faut pas oublier que l'injonction est prévue comme un instrument de juridiction gracieuse et qu'une procédure à une seule partie est de ce fait possible pour obtenir l'évacuation de l'immeuble en ayant recours à la puissance publique, le cas échéant sans même que la personne visée par la contrainte exercée par l'État puisse s'exprimer. Il s'impose de prendre en compte les éventuels préjudices irréparables que pourraient subir les personnes visées par l'injonction et de s'abstenir de tout assouplissement supplémentaire en faveur de la
personne subissant le trouble à la possession; un tel assouplissement ne pourrait se justifier sous l'angle de l'état de droit. Il faudra donc accepter les éventuels défauts de l'injonction liés au fait qu'un seul des usurpateurs fasse opposition. L'injonction permettra à tout le moins une évacuation rapide de l'immeuble dans les cas où les fauteurs de troubles ou usurpateurs refusent de s'identifier.

Certains participants à la consultation ont proposé de remplacer l'opposition par une action en annulation (sur le modèle de l'action en libération de dette au sens de l'art. 83 de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite16). À l'inverse, 1 canton a demandé que l'injonction soit exécutoire malgré l'opposition et que l'opposant doive faire valoir des préjudices difficilement réparables pour obtenir l'effet suspensif (par analogie à l'art. 325 CPC). C'est donc la décision relative aux effets de l'opposition qui

16

RS 281.1

15 / 42

FF 2024 116

déterminerait qui est le prochain à agir en justice. Les deux approches mentionnées visent à créer de nouvelles possibilités procédurales pour réaliser les droits à la protection de la possession en cas de non-effectivité de l'injonction.

Il est préférable d'y renoncer, tant ces possibilités sont déjà nombreuses. Il est d'ailleurs permis de douter que ces propositions pourraient aboutir à une résolution plus rapide du problème.


Concernant l'exécution Il n'est pas donné suite à la demande de prévoir une amende en cas d'infraction comme c'est le cas pour la mise à ban générale, pour laquelle une amende d'un montant maximal de 2000 francs est la seule sanction que le juge peut prononcer en cas de violation17. En cas d'injonction, le tribunal décidera sur demande quelles mesures d'exécution seraient appropriées, nécessaires et raisonnablement exigibles en cas d'infraction (c'est-à-dire en cas de refus d'élimination du trouble ou de restitution dans les temps; art. 260a, al. 1, P-CPC).



Concernant la crainte d'évacuations et de réoccupations en série liées aux injonctions Une organisation s'oppose à l'évacuation par la police de logements occupés lorsque toutes les conditions ne sont pas réunies selon la pratique policière de la ville concernée. L'application de l'art. 260a P-CPC ne doit pas selon elle donner lieu à une série d'évacuations (par la police) et de réoccupations. Or, en l'état du droit, on ne peut pas non plus exclure une réoccupation après une évacuation de force ordonnée par le tribunal. On ne peut complètement éliminer ce risque si l'évacuation fait suite à une injonction. Le tribunal qui ordonne l'injonction pourra veiller à éviter une telle série en prenant des mesures d'exécution (voir le commentaire de l'art. 260a, al. 1, P-CPC).

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

3.1

Allemagne

En conséquence du monopole de la puissance publique, une personne qui subit l'occupation de son logement ne peut s'en ressaisir elle-même que dans des cas exceptionnels (aussitôt après qu'elle en a perdu la possession; § 859, al. 3, du code civil allemand18). Les moyens procéduraux prévus par le code de procédure civile allemand s'appliquent aux prétentions de droit matériel19. L'évacuation de force fondée sur un titre exécutoire de droit civil requiert un tel titre par lequel les usurpateurs sont identifiables nommément ou de manière sûre. Selon la jurisprudence de la Cour suprême allemande (Bundesgerichtshof, BGH), le droit en vigueur n'admet pas les titres contre inconnu ni les titres liés à un immeuble. Pour autant, le BGH considère que les pro17 18 19

Tenchio/Tenchio 2017a, no 21.

Disponible à l'adresse https://www.gesetze-im-internet.de > Gesetze / Verordnungen (état le 20.9.2023).

Wissenschaftlicher Dienst Deutscher Bundestag 2022, ch. 2.2.

16 / 42

FF 2024 116

priétaires d'immeubles ne sont pas complètement dépourvus de moyens de faire valoir leurs droits, puisque les occupations de logements et d'immeubles réunissent les éléments constitutifs du § 123 du code pénal allemand sur la violation de domicile; elles constituent en cela une atteinte à la sécurité publique au sens de la clause générale de police des Länder. De l'avis du BGH, l'obligation d'intervenir de la police s'applique également lorsque les Länder, dans le cadre de leur législation sur la police et le maintien de l'ordre, chargent la police de protéger les droits privés uniquement si la protection des tribunaux ne peut pas être obtenue à temps et que la mise en oeuvre de ces droits risque d'être rendue impossible ou excessivement difficile sans son intervention20. Une partie de la doctrine s'oppose à cette vision des choses, dans la mesure où certaines occupations de logements ne remplissent pas les éléments constitutifs de la violation de domicile et que la police, contrairement aux huissiers de justice, jouit d'une certaine latitude et n'est pas tenue aux instructions des personnes subissant le trouble à la possession. Rappelons par ailleurs que l'intervention de la police peut générer des coûts importants à la charge de ces personnes21.

3.2

France

Le terme «squatteur» désigne en France quiconque occupe un logement sans droit ni titre. L'art. 226-4 du code pénal français définit le «squat» comme «l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte».

Les locataires qui ne s'acquittent pas de leur loyer ou refusent de quitter les lieux à l'échéance de leur bail ou encore les personnes qui occupent illicitement un immeuble qui n'a pas vocation à servir de logement d'habitation ne sont pas considérés comme des squatteurs. La police peut intervenir directement et expulser immédiatement les usurpateurs si elle a constaté l'occupation illicite du logement dans les 48 heures («délai de flagrance»). Une fois ce délai écoulé, l'évacuation directe du logement n'est plus possible. Il existe alors deux possibilités de rétablir la propriété ou la possession (résidence principale ou résidence secondaire): ­

20 21 22

23

Procédure administrative en vue de l'évacuation forcée. Cette procédure a été renforcée par la loi ASAP22 modifiant l'art. 38 de la loi DALO23. Il s'agit d'une procédure en trois étapes: (1) plainte pénale auprès de la police pour violation de domicile, (2) preuve de l'occupation illicite (par ex. au moyen d'un constat de la police) et de la possession ou de la propriété légale de la résidence principale ou secondaire occupée, (3) demande à la préfecture d'ordonner la mise en demeure. Le préfet doit s'exécuter dans les 48 heures ou motiver le rejet de la demande (preuves insuffisantes ou motif impérieux d'inArrêt du BGH du 13 juillet 2017, I ZB 103/16.

Wissenschaftlicher Dienst Deutscher Bundestag 2022, ch. 3.2.3.

Loi no 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, précisée par la circulaire du 22 janvier 2021 relative à la réforme de la procédure administrative d'évacuation forcée en cas de «squat», disponible à l'adresse https://www.legifrance.gouv.fr > droit national en vigueur > circulaires et instructions (état le 20.9.2023).

Loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

17 / 42

FF 2024 116

térêt général). Si la demande est acceptée, les usurpateurs disposent d'un délai d'au moins 24 heures pour quitter le logement. L'évacuation peut être repoussée s'il y a parmi ces derniers des personnes vulnérables (par ex. femmes enceintes, enfants en bas âge, personnes âgées ou gravement malades). La mise en demeure est notifiée aux usurpateurs et affichée à la mairie et sur le lieu de l'occupation. Si les usurpateurs ne quittent pas le logement dans les délais impartis, le préfet ordonne immédiatement l'évacuation forcée. Il n'y a pas de trêve hivernale24. À l'initiative des huissiers de justice et du ministère du Logement, les personnes subissant l'occupation de leur logement peuvent depuis février 2022 s'adjoindre un huissier de justice à leurs propres frais, de manière à assurer une expertise technique et juridique et à faciliter les échanges avec les services publics concernés.

­

Procédure devant le tribunal civil. Les prescriptions à l'encontre des usurpateurs ont été durcies avec l'entrée en vigueur de la loi ELAN, notamment en cela que la trêve hivernale ne s'applique plus en cas d'occupation illicite d'un logement et ne permet plus de repousser l'expulsion. Par son arrêt du 4 juillet 201925, la Cour de cassation a renforcé la position des propriétaires en affirmant que le droit à l'expulsion des occupants fondé sur le droit de propriété garanti par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales primait le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit de disposer d'un logement décent. La procédure devant le tribunal civil jusqu'à l'obtention d'un commandement d'avoir à libérer les locaux au sens de l'art. L411-1 du Code des procédures civiles d'exécution est en général beaucoup plus longue que la procédure administrative.

En France, il est interdit de forcer un tiers à quitter les lieux «sans avoir obtenu le concours de l'État», sous peine d'une sanction de trois ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende au plus26. Les squatteurs risquent quant à eux un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende pour avoir pénétré sans droit dans un logement27 ou pour l'avoir occupé28.

24

25 26 27

28

Celle-ci prévoit qu'il n'est pas possible d'expulser un locataire entre le 1er novembre et le 31 mars de l'année suivante s'il n'a pas d'autre logement, et ce même si un jugement exécutoire a été prononcé. L'expulsion doit être repoussée.

Arrêt de la Cour de cassation de la République française du 4 juillet 2019 (Chambre civile 3, pourvoi no 18-17119).

Loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR) modifiant l'art. 226-4-2 du Code pénal.

Un nouveau projet de loi prévoit cependant d'augmenter la peine encourue en cas de violation de domicile et de préciser et d'étendre la notion juridique de «squat». Voir Delmas 2022. Des informations complémentaires sur le processus législatif sont disponibles à l'adresse https://www.assemblee-nationale.fr > Liste des dossiers législatifs > Protéger les logements contre l'occupation illicite (état le 20.9.2023).

Pour une vue d'ensemble de la procédure en France: Commissaires de Justice 2022; Sénécal 2022; Service-Public.fr 2022; Tachot 2022.

18 / 42

FF 2024 116

3.3

Espagne

Selon les estimations de l'institut Cerdà, l'Espagne comptait environ 87 500 familles occupant des logements illégalement (soit environ 260 000 personnes) en 201729. Il s'agit de gens du cru vivant dans la pauvreté, de personnes ayant immigré illégalement depuis l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne et de membres de clans criminels qui ont fait de l'occupation illicite un modèle d'affaires. Il n'est pas rare que des bandes organisées extorquent des dizaines voire des centaines de milliers d'euros à des propriétaires d'immeubles en échange de l'évacuation des lieux. Bien que l'usurpation («usurpación», art. 245.2 du code pénal espagnol) soit punissable en Espagne, les propriétaires ont en principe l'interdiction de pénétrer dans le bâtiment occupé et de tenter de s'en ressaisir par la force. La police ne peut intervenir sans injonction d'un tribunal que si l'occupation est dénoncée dans les 48 heures qui suivent le début de l'occupation. Passé ce délai, les squatters disposent provisoirement d'un droit de rester. En effet, la constitution espagnole garantit à chaque personne le droit à un logement décent. Toutefois, même en procédure accélérée, plusieurs mois peuvent s'écouler jusqu'à ce qu'un tribunal ordonne l'expulsion. Le propriétaire se rend punissable s'il accède à son logement avant de disposer d'une décision judiciaire. Les propriétaires tentent de se prémunir en installant des alarmes et des caméras directement reliées à la police afin d'être informés plus rapidement des occupations et de pouvoir procéder à l'évacuation sans décision judiciaire30.

Pour éviter l'abus du droit à un logement décent garanti par la constitution, le législateur a édicté, en été 2018, la loi 5/201831 prescrivant l'évacuation immédiate (desahucio express) dans le but de contrer les «okupas» (usurpateurs). Cette loi autorise la police à expulser rapidement les squatters de certains types d'immeubles (immeubles privés, bâtiments d'organisations caritatives ou infrastructures publiques) dans un délai d'environ 20 jours. Afin de protéger les familles qui ne peuvent pas payer leur hypothèque, les banques, les sociétés ou les fonds qui sont propriétaires d'immeubles ne bénéficient pas de la nouvelle réglementation. La procédure est réglée à l'art. 250, al. 1, ch. 4, du code de procédure civile espagnol (Ley de
Enjuiciamiento Civil). La personne qui subit l'occupation demande au tribunal la restitution de sa possession et la fixation d'un délai d'évacuation. Le tribunal affiche un avis pendant 5 jours ouvrés s'il ne peut notifier sa requête, après quoi celle-ci est réputée notifiée. Si, dans les 5 jours ouvrés après l'admission de la requête, les occupants présumés n'apportent pas des preuves suffisantes que leur occupation est licite, par exemple en produisant un contrat de bail, le tribunal ordonne l'expulsion. Cette décision ne peut pas être attaquée. Le délai habituel de 20 jours jusqu'à l'entrée en force d'une décision judiciaire ne s'applique pas non plus dans la procédure d'évacuation immédiate. L'action en expulsion et le prononcé sont dirigés contre toutes les personnes qui se trouvent dans le logement concerné au moment de la notification, si bien que les défendeurs n'ont pas à être nommés. Si ceux-ci produisent un contrat de bail, une audience est

29 30 31

Institut Cerdà 2017.

Kramer 2022; Lilge 2018; Louven 2018; Manger 2021; Minkner 2018.

Ley 5/2018, de 11 de junio, de modificación de la Ley 1/2000, de 7 de enero, de Enjuiciamiento Civil, en relación a la ocupación ilegal de viviendas (entrée en vigueur le 2 juillet 2018).

19 / 42

FF 2024 116

fixée. Il reste à vérifier si la modification de 2018 accélère effectivement les expulsions, ce qui dépend notamment de la charge de travail des tribunaux32.

Malgré cette révision, les occupations sont en hausse en Espagne. Dans la mesure où les banques ne peuvent se prévaloir de l'évacuation immédiate, les occupations de locaux leur appartenant par des groupes mafieux se multiplient. D'aucuns déplorent que la législation espagnole continue de manquer de clarté et que les autorités sont trop indulgentes envers les usurpateurs33.

La pandémie et l'interdiction d'expulser de force les personnes socialement défavorisées ne disposant pas d'un logement ont visiblement contribué à dégrader la situation.

Une nouvelle révision devrait améliorer la situation en autorisant les évacuations immédiates dans les 48 heures si les occupants ne peuvent pas présenter de titre de possession ou de contrat de bail. Toutefois, si ces derniers sont en mesure de prouver qu'ils se trouvent en situation de détresse et si les communes ne peuvent leur procurer un logement de substitution, l'expulsion demeurera impossible. Ces nouvelles règles visent avant tout à stopper les activités des groupes criminels. Pour ne pas avoir à attendre de décision judiciaire, les personnes qui subissent une usurpation ont souvent recours à des services privés pour procéder à l'évacuation34.

3.4

Autriche

Sur le plan pénal, les dispositions pertinentes en matière d'occupation illicite de logements sont celles relatives à la violation de domicile (§ 109 du code pénal autrichien [öStGB]35), aux dommages à la propriété (§ 125 öStGB) et au détournement illicite d'énergie (§ 132 öStGB). Selon le § 109 öStGB, quiconque pénètre dans le logement d'un autre en usant de violence ou de menaces se rend coupable de violation de domicile. Cette disposition n'est applicable que si des personnes se trouvent à l'intérieur du bâtiment, pas s'il est vide36.

Les personnes subissant une occupation illicite peuvent également faire valoir des prétentions de droit privé, notamment en dommages-intérêts (§§ 1293 ss du code civil autrichien [öABGB]37), ou intenter une action en élimination du trouble de la possession (§§ 454 à 459 du code de procédure civile autrichien [öZPO]38) Les §§ 454 ss öZPO comportent des dispositions spéciales destinées à accélérer la procédure. L'action au sens du § 454 öZPO vise à protéger le dernier possesseur et à rétablir sa possession sur le bien concerné et doit être intentée dans les 30 jours qui suivent la connaissance du trouble et de son auteur. Une fois ce délai échu, il faut passer par la 32 33 34 35 36 37 38

Kramer 2022; Louven 2018; Manger 2021; Minkner 2018.

Mallorca Magazin 05.08.2020; Mallorca Magazin 13.06.2021; Mallorca Magazin 24.01.2022; Mallorca Magazin 22.04.2022; Mallorca Magazin 30.06.2022.

NZZ 13.10.2022, p. 5.

Österreichisches Bundesgesetz vom 23. Jänner 1974 über die mit gerichtlicher Strafe bedrohten Handlungen.

Hense 2012: pp. 357 s.

Österreichisches Allgemeines bürgerliches Gesetzbuch für die gesammten deutschen Erbländer der Oesterreichischen Monarchie.

Österreichisches Gesetz vom 1. August 1895, über das gerichtliche Verfahren in bürgerlichen Rechtsstreitigkeiten.

20 / 42

FF 2024 116

procédure ordinaire pour faire valoir des prétentions possessoires. Il y a une controverse quant à savoir s'il incombe au possesseur de surveiller régulièrement sa possession, ce dont il résulterait que l'ignorance fautive doit être assimilée à la connaissance de l'usurpation. En toute hypothèse, le possesseur a en tous les cas un devoir de se renseigner sur l'identité de l'usurpateur dès qu'il dispose d'indices de l'existence d'un trouble survenu ou d'un trouble futur39. La doctrine remet en question l'utilité pratique de la procédure en raison du trouble de la possession. En plus de ne pas toujours répondre à l'exigence de célérité, celle-ci présente des risques importants40. Le § 344 öABGB autorise aussi le recours à la force pour protéger la possession contre un danger imminent; le possesseur ne peut toutefois exercer son droit de défense que s'il ne peut obtenir l'intervention de l'État à temps41.

Sous l'angle de la politique de sécurité, le § 37, al. 1, de la loi autrichienne sur la politique de sécurité (öSPG)42 autorise la dissolution d'une occupation, pour autant qu'elle ne constitue pas un rassemblement au sens de la loi de 1953 sur la liberté de réunion (Versammlungsgesetz). L'autorité peut ordonner la libération de l'immeuble et en interdire l'accès par voie d'injonction43. Les conditions de la dissolution sont soit le maintien de l'ordre public, soit une requête des possesseurs résultant d'une atteinte grave et injustifiée à leurs droits (§ 37, al. 1, öSPG)44.

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

4.1.1

Début et durée du droit de défense

En usant de la légitime défense au sens de l'art. 926, al. 1, CC, le possesseur peut repousser tout acte de trouble ou toute tentative d'usurpation aussi longtemps que celui-ci ou celle-ci persiste et dans la mesure où il n'y a pas consenti45. Si l'usurpation est en cours, il peut exercer «aussitôt» son droit de reprise au sens de l'art. 926, al. 2, CC. La motion 15.3531 vise à rendre moins stricte l'obligation de réagir immédiatement. Son auteur déplore que le droit de reprise ait perdu quasiment toute effectivité du fait de la jurisprudence du Tribunal fédéral, le propriétaire devant réagir dans les quelques heures suivant le début de l'occupation.

L'affirmation selon laquelle la jurisprudence de l'autorité judiciaire suprême impose une réaction dans les quelques heures, qui provient vraisemblablement d'une prise de

39 40

41 42 43 44 45

Kodek 2017: no 244, 252 s.

En particulier le risque de manquer le délai en cas de troubles répétés, lesquels peuvent être considérés comme formant une unité. Voir Kodek 2017: no 10, 256; jugement du tribunal régional d'Eisenstadt du 22.05.2007, no RES0000134, affaire 37R66/07s.

Kodek 2017: no 134 ss.

Österreichisches Bundesgesetz über die Organisation der Sicherheitsverwaltung und die Ausübung der Sicherheitspolizei.

Landespolizeidirektion Wien 2018.

Hense 2012: pp. 358 s.

Stark/Lindemann 2016b: no 10; Berger-Steiner/Schmid 2021a: no 13 et les références citées; Ernst 2019b: no 5.

21 / 42

FF 2024 116

position du Conseil d'État vaudois46, ne se confirme pas dans la pratique. La notion «aussitôt» ­ «sofort» en allemand, «immediatemente» en italien ­ est une notion juridique indéterminée qui, conformément à la volonté du législateur, doit être précisée au cas par cas par le juge. Le Tribunal fédéral a jusqu'ici développé deux critères généraux: (1) l'action en vue de la reprise de la possession doit avoir lieu immédiatement après le début de l'occupation et (2) elle ne doit en aucun cas être suspendue, même pour un temps très court, c'est-à-dire que le possesseur ne doit pas se satisfaire de la situation, faute de quoi il perd son droit de reprise47.

Il ne s'agit pas seulement de savoir pendant combien de temps le droit de reprise peut être exercé, mais notamment à partir de quand le délai commence à courir (à partir de la réalisation de l'usurpation ou à partir de la prise de connaissance de l'usurpation) et donc combien de temps le propriétaire peut attendre avant de prendre des mesures pour récupérer sa possession. La jurisprudence fait dépendre le temps de réaction approprié des circonstances du cas concret. Si la suspension de l'intervention ou le fait de s'accommoder de la situation peuvent être interprétés comme un consentement exprès ou tacite, alors le droit de reprise, faute d'atteinte illicite à la possession, ne peut être exercé. Dans la mesure où le consentement peut être manifesté par un comportement implicite, le droit de défense peut se périmer relativement rapidement48. Toutefois, de l'avis de la doctrine dominante, le fait de renoncer à la force physique et notamment à l'intervention de la police ne peuvent suffire à fonder un consentement tacite49.

L'interprétation relativement restrictive du droit de reprise inscrit à l'art. 926, al. 2, CC par les tribunaux peut sembler un peu sévère de prime abord. Pour le Conseil fédéral, elle est cependant matériellement correcte. En tant que norme de droit positif faisant figure d'exception au monopole de la puissance publique, le droit de reprise va au-delà des normes générales sur la légitime défense (art. 52, al. 1, du code des obligations [CO]50)51, puisqu'il permet de repousser davantage que des agressions en cours. Une base légale donnant une certaine marge d'interprétation au juge est donc nécessaire pour que celui-ci puisse tenir
compte des circonstances du cas concret.

Une partie de la doctrine estime que le droit de reprise doit s'exercer aussitôt que l'usurpation est réalisée52. D'autres auteurs considèrent que le possesseur doit réagir

46

47

48 49 50 51 52

Voir le ch. 1.2.7 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP; Conseil d'État vaudois, réponse du 6 mai 2015 à l'interpellation 14 lNT 262, 2 (Mabillard 2018: annexe 4, 22).

Voir le ch. 1.2.3 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP; arrêt du TF 1P.109/2006 du 22 juin 2006, consid. 5; ATF 118 IV 292; Mabillard 2018: partie spéciale, I.C.5c. Arrêt du TF du 23 octobre 1980, consid. 6c, in: SJ 1981, pp. 114 ss et 121; arrêt du TF 1P.624/1989 du 8 mai 1991, consid. 3b, in: SJ 1991, pp. 602 ss.

Stark/Lindemann 2016a: no 26 ss; Ernst 2019a: no 13 ss; Mabillard 2018: partie spéciale, I. C.5d.

Stark/Lindemann 2016a: no 27; Ernst 2019a: no 13.

RS 220 Mabillard 2018: partie spéciale, I.A.2. et partie spéciale, I. C.5c; Homberger 1938: no 24.

Arnet/Eitel 2016: no 4.

22 / 42

FF 2024 116

aussitôt qu'il a ou qu'il aurait pu avoir connaissance de l'usurpation53. S'agissant de la notion «aussitôt», la doctrine considère qu'il faut réagir sans délai54 ou dans un bref délai55. Certains auteurs de doctrine défendent l'opinion selon laquelle les ayants droit doivent être invités à intenter une action au sens de l'art. 927 CC s'ils n'ont pas exercé leur droit de reprise immédiatement après la réalisation de l'usurpation56. Une doctrine plus ancienne indique que la notion «aussitôt» ne doit pas être prise au pied de la lettre, le délai devant être évalué par le juge selon une interprétation raisonnable. Il peut être de quelques jours par exemple lorsque le locataire, après une courte absence, trouve son logement occupé par le propriétaire57. Lorsqu'il s'est écoulé tellement de temps que la récupération de l'immeuble apparaît comme un acte indépendant et non comme une réaction à une usurpation, elle ne peut plus être couverte par le droit de reprise58.

Le Conseil fédéral estime que la proposition exposée dans la motion 15.3531, qui consiste à prévoir à l'art. 926, al. 2, CC un délai fixe de réaction de 48 ou 72 heures, n'est pas apte à atteindre le but visé. La fixation de délais pourrait ne pas toujours permettre de tenir compte des circonstances du cas concret. Il est préférable de placer le début du délai imparti pour exercer le droit de reprise juste après que le possesseur a eu connaissance de l'usurpation. Ce dernier ne pourra toutefois pas se référer au moment effectif de la prise de connaissance de l'usurpation s'il aurait pu en avoir connaissance plus tôt en faisant preuve de la diligence requise. Cette mesure permettra de renforcer les moyens de défense contre les squatters comme l'exige la motion 15.3531. En contrepartie, la notion indéterminée «aussitôt» sera maintenue afin que le juge dispose de la marge d'interprétation nécessaire pour prendre en compte les circonstances du cas concret.

4.1.2

Concrétisation de l'intervention des autorités

Pour assurer la protection de la propriété, les autorités cantonales peuvent venir en appui aux personnes subissant une occupation illicite qui font usage de leur droit de défense au sens de l'art. 926 CC. Les conditions auxquelles elles interviennent pour protéger des droits privés découlent toujours du droit public cantonal. Les cantons doivent néanmoins respecter les principes figurant dans le droit fédéral, à savoir le respect de l'état de droit, la subsidiarité, l'interdiction de l'arbitraire, les garanties générales de procédure et les droits fondamentaux59.

53 54 55 56 57 58 59

Stark/Lindemann 2016b: no 16; Ostertag 1917: no 36.

Berger-Steiner/Schmid 2021a: no 14; Berger-Steiner/Schmid 2021b: no 2; de même Stark/Lindemann 2016b: no 16; déjà Ostertag 1917: no 36.

Ernst 2019b: no 6; Homberger 1938: no 25; Tuor/Schnyder/Schmid/Rumo-Jungo 2015: § 91 no 5.

Arnet/Eitel 2016: no 4; Domej 2018: no 19; déjà Homberger 1938: no 25.

Wieland 1909: no 4a.

Homberger 1938: no 25.

Mabillard 2018: partie spéciale, I.C.6a; ATF 119 Ia 28, consid. 2, pp. 30 s.; arrêt du TF 1P.624/1989 du 8 mai 1991, consid. 3a, in: SJ 1991, pp. 602 ss; Waldmann/Borter 2015: no 5 ss, 16 ss.

23 / 42

FF 2024 116

Le droit en vigueur prévoit que le recours à la force peut se faire sans l'intervention des autorités ou avec leur intervention; du point de vue de la licéité, il importe peu que cette intervention soit le fait de la police ou d'un tribunal civil. Le fait que ces différentes possibilités coexistent peut s'avérer déroutant en pratique. De plus, stricto sensu, on ne peut plus parler de recours autorisé à la force une fois que le possesseur demande l'intervention des autorités. Cette intervention, d'ailleurs, a pour effet qu'il n'y a plus d'exception au monopole de la puissance publique. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'exercice du droit de défense au sens de l'art. 926 CC est exclu lorsque l'intervention des autorités peut être obtenue en temps utile. L'autorité judiciaire suprême a noté à cet égard que le recours à la force en application de l'art. 52, al. 3, CO exige que d'après les circonstances, l'intervention des autorités ne puisse être obtenue en temps utile et qu'il n'existe pas d'autre moyen d'empêcher que les droits ne soient perdus ou que l'exercice n'en soit rendu beaucoup plus difficile60. Il en est de même pour l'exercice du droit de défense, puisque l'art. 926, al. 3, CC interdit «... toutes (les) voies de fait non justifiées par les circonstances»61. Les auteurs de doctrine s'opposent sur la licéité de l'exercice du droit de défense lorsque l'aide des autorités est disponible. Ils sont par contre d'accord sur le fait qu'un usage proportionné de la force est autorisé si l'intervention des autorités risque d'arriver trop tard62.

Il reste à savoir si la police a l'obligation d'intervenir, même en l'absence de jugement exécutoire, en cas d'occupation illicite d'un immeuble. Le Tribunal fédéral a jugé, s'agissant de l'obligation d'intervenir fondée sur la garantie de la propriété, que tant que le possesseur ne s'accommodait pas de l'occupation illicite, il s'agissait d'une atteinte profonde à la possession et que l'occupation illicite ne troublait pas seulement les droits privés des personnes qui la subissent, mais qu'elle était également de nature à troubler l'ordre public. Le possesseur a donc en principe une prétention à l'intervention de la police, même si elle ne revêt pas un caractère absolu. Une intervention de la police s'impose: (1) lorsqu'elle est fondée sur le
mandat général de la police, sur le droit cantonal ou sur les principes du droit fédéral, (2) dans les cas d'occupations illicites d'immeubles dont la police a connaissance et contre lesquelles, (3) selon une pesée des intérêts, (4) des mesures policières proportionnées sont possibles dans les faits alors que (5) des mesures ordonnées par un tribunal civil ou d'autres mesures étatiques ne peuvent être obtenues en temps utile63.

L'art. 926, al. 3, P-CC clarifie et précise l'intervention des autorités sur deux points.

D'une part, le possesseur ne pourra user de la force pour protéger son bien que si les autorités compétentes ne peuvent lui assurer en temps utile l'intervention requise par les circonstances. Cette modification clarifie la relation entre l'art. 926 CC et l'art. 52, al. 3, CO et remédie aux défauts mis en avant par la doctrine en la matière. D'autre 60 61 62

63

Arrêt du TF 4P.148/2001 du 25 octobre 2001, consid. 3b.

Arrêt du TF 4P.148/2001 du 25 octobre 2001, consid. 3b.

Arrêt du TF 4P.148/2001 du 25 octobre 2001, consid. 3b; ATF 128 IV 250, consid. 3.2, pp. 253 s.; arrêt du TF 6S.5/2004 du 21 mai 2004, consid. 2.2; Ostertag 1917: no 29; Arnet/Eitel 2016: no 4, 6; Stark/Lindemann 2016b: no 17, 23; Homberger 1938: no 26 Sutter-Somm 2014: no 1331; Ernst 2019b: no 7; Mabillard 2018: partie spéciale, I.C.6b.

Mabillard 2018: partie spéciale, I. C.6d; arrêt du TF du 23 octobre 1980, consid. 6c, in: SJ 1981, pp. 114 ss, 121; arrêt du TF 1P.624/1989 du 8 mai 1991, consid. 3b, in: SJ 1991, pp. 602 ss; arrêts du TF 1P.465/1991 et 1P.183/1992 du 11 février 1993, consid. 2, in: ZBl 1993, pp. 378 ss.

24 / 42

FF 2024 116

part, la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral en rapport avec l'obligation d'intervenir de la police est codifiée (voir l'art. 926, al. 4, P-CC).

Toute règle visant à maintenir l'ordre public et à préserver les intérêts des personnes privées a des implications en matière de sécurité intérieure. Or la sécurité intérieure est une tâche de l'État relevant de la compétence primaire des cantons. La Confédération n'a que des compétences sectorielles ou fragmentaires dans ce domaine, qui ne lui permettent qu'à certaines conditions d'arrêter des prescriptions visant à prévenir ou à repousser les atteintes aux droits de propriété de personnes privées. La législation en matière de police relève fondamentalement des cantons. La Confédération peut adopter des règles visant à sanctionner les actes illicites commis dans le cadre de l'occupation de logements en se fondant sur la compétence de légiférer en matière de droit pénal qui lui est attribuée par l'art. 123 de la Constitution (Cst.)64. Elle ne peut pas, en revanche, sur la base de cette compétence, prévoir des mesures visant à empêcher les auteurs potentiels de commettre ce type d'actes. Une compétence législative de la Confédération fondée sur l'art. 57, al. 2, Cst. est quant à elle admise lorsqu'il s'agit de questions de sécurité qui relèvent au moins en partie de la compétence de la Confédération et qui, de son point de vue, exigent qu'elle soit associée à leur coordination.

Cette compétence de la Confédération ne doit pas simplement être d'importance marginale. L'art. 57, al. 2, Cst. pourrait donc fonder une compétence si les exigences susmentionnées sont remplies. On ne perçoit pas cependant la nécessité d'une coordination assurée par la Confédération ou à laquelle elle serait associée en matière d'occupation de logements ou de trouble de la possession. Les compétences organiques de la Confédération en vertu des art. 173, al. 1, let. b (mesures nécessaires pour préserver la sécurité intérieure que peut adopter l'Assemblée fédérale), et 185, al. 2, Cst. (mesures pour préserver la sécurité intérieure que peut adopter le Conseil fédéral) ne s'appliquent pas davantage, car elles n'habilitent la Confédération à agir qu'en situation extraordinaire et ne peuvent pas être prises en considération dans la gestion courante du trouble de la possession
et de l'usurpation65. Cela dit, le droit fédéral ne peut que préciser le principe de la proportionnalité en rapport avec la protection de la possession, dans la mesure où les cantons ont la compétence législative en matière de droit policier et où les obligations de protection qui découlent des droits fondamentaux ne sont pas absolues66. Les principes de l'opportunité et de la subsidiarité continueront donc de s'appliquer et la latitude dont disposent les autorités de police lorsqu'il s'agit d'évacuer des immeubles occupés demeurera intacte. Les modifications du CC et du CPC proposées auront cela dit une influence indirecte sur la pratique policière en cela que les possesseurs concernés pourront obtenir rapidement un titre d'évacuation exécutoire de la part du juge.

64 65

66

RS 101 Rapport du Conseil fédéral du 2 mars 2012 donnant suite au postulat Malama 10.3045 du 3 mars 2010. Sécurité intérieure. Clarification des compétences, FF 2012 4161 4188; message du 29 août 2007 relatif à une disposition constitutionnelle concernant la lutte contre la violence lors des manifestations sportives (hooliganisme) et à une modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI), FF 2007 2111, 2122 s.; Linsi 2008: pp. 467 ss.

Voir le ch. 1.2.2 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

25 / 42

FF 2024 116

Les évacuations forcées d'immeubles occupés continueront donc de relever essentiellement du droit policier cantonal. Les législateurs cantonaux, en tant que destinataires des normes de protection des droits fondamentaux67, sont tenus d'examiner la protection générale offerte par leurs droits de police respectifs et le cas échéant d'adapter leurs bases légales et leur pratique en matière d'évacuation de logements occupés et d'élimination du trouble de la possession en général en fonction de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'obligation d'intervenir des autorités.

4.1.3

Vers une effectivité accrue des dispositions du code de procédure civile

Le CPC, comme nous l'avons indiqué plus haut, ne prévoit pas de procédure spécifique pour faire valoir des prétentions matérielles dans le cadre d'une action possessoire68. Le droit civil offre donc au possesseur toute une variété de possibilités procédurales pour contrer l'occupation illicite de son immeuble. En même temps, aucune procédure ne convient parfaitement à une action possessoire, si bien que les possesseurs peuvent se voir confrontés à des difficultés procédurales et à un risque élevé de succomber69. L'évacuation d'un immeuble dans le cadre de la procédure civile représente souvent un énorme défi pour les possesseurs. Il est particulièrement compliqué de déterminer qui sont les personnes qui possèdent la légitimation passive, ce qui peut avoir des répercussions sur la procédure et sur l'exécution de l'évacuation70.

De ce fait, il est prévu d'adapter le CPC de manière à le rendre plus favorable aux possesseurs. Les mesures de protection de la possession telles que la mise à ban générale (art. 258 ss CPC) seront étendues. La nouvelle injonction en tant qu'acte de juridiction gracieuse renforcera la protection de la possession et, partant, la protection de la propriété. Conformément au projet, une telle injonction pourra être demandée au juge en cas d'occupation illicite, mais aussi pour mettre fin à tout acte de trouble ou d'usurpation d'un immeuble. Il s'agit, dans l'esprit du droit en vigueur, de renforcer la protection de la possession et de la propriété dans son ensemble et pas seulement la protection contre les occupations illicites. La nouveauté essentielle réside dans le fait que le juge pourra ordonner la suppression du trouble et la restitution de la possession en s'adressant à un cercle de personnes indéterminé. Les personnes subissant une occupation illicite n'auront plus de la sorte à endurer des désagréments procéduraux liés au fait qu'il est impossible de déterminer qui sont les squatters, notamment parce qu'ils changent souvent. Pour que les personnes visées par l'injonction jouissent de

67

68

69

70

Voir le ch. 1.2.2 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

À propos de la différence entre protection possessoire et pétitoire, voir le ch. 1.2.5 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

Voir le ch. 1.2.5 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

Mabillard 2018: partie spéciale, I. G. 7.

26 / 42

FF 2024 116

leurs droits procéduraux, les principes régissant la mise à ban générale s'appliqueront par analogie dans toute la mesure du possible à l'injonction.

4.2

Adéquation des moyens requis

Les modifications proposées respectent la compétence législative des cantons en matière de police et n'ont pas de conséquences financières directes pour la Confédération et les cantons.

4.3

Mise en oeuvre

En principe, les modifications proposées ne nécessitent pas de mise en oeuvre au niveau de l'ordonnance. Cependant, les modifications proposées du code de procédure civile peuvent nécessiter une adaptation des droits cantonaux, en particulier des lois de procédure et d'organisation judiciaire (à ce propos, voir également le ch. 6.2).

5

Commentaire des dispositions

Modification du CC Art. 926, al. 2 L'actuel art. 926, al. 2, CC, qui traite du droit de reprise d'un immeuble, est complété par une précision importante, sans que cela modifie fondamentalement la conception existante de la disposition, qui a fait ses preuves. Le début du délai de réaction pour exercer le droit de reprise sera fixé dans la loi au moment où le possesseur a eu connaissance de l'usurpation ou aurait pu en avoir connaissance en faisant preuve de la diligence requise. Le moment auquel naît le droit au recours à la force en vue de la reprise est réglé dans la loi, ce qui clarifie et, partant, améliore la situation des possesseurs.

Le moment déterminant est celui où le possesseur a eu connaissance de l'usurpation.

Il ne pourra toutefois pas se référer au moment effectif de la prise de connaissance de l'usurpation s'il aurait pu en avoir connaissance plus tôt en faisant preuve de la diligence requise. Si le possesseur ne prend pas connaissance de l'usurpation immédiatement après sa réalisation, l'événement qui déclenche le délai est à comprendre dans un sens objectivé. Il appartiendra aux tribunaux de déterminer, sur la base des circonstances du cas concret, si le possesseur a eu connaissance de l'usurpation ou aurait pu en avoir connaissance plus tôt en faisant preuve de la diligence requise par les circonstances. Cette appréciation se fera en tenant compte du cours habituel des choses et de l'expérience générale de la vie et, partant, d'après les règles de la bonne foi. Il faudra tenir compte de l'affectation de l'immeuble, de sa situation et des moyens qui sont ou qui pourraient être utilisés pour le surveiller et l'administrer, au même titre que des aspects plus subjectifs, comme la distance entre le bien-fonds et le domicile ou la résidence du possesseur et la durée d'une éventuelle absence du possesseur, par 27 / 42

FF 2024 116

exemple s'il est en vacances. La diligence attendue du possesseur sera proportionnelle à son utilisation de l'immeuble concerné: pour un immeuble qui reste vacant longtemps dans une agglomération d'une certaine taille, le possesseur devra faire preuve d'une plus grande diligence que s'il s'agit d'un immeuble dans une région rurale. En fonction des circonstances concrètes, certains dispositifs de sécurité (par ex. allumage et extinction automatique des lumières ou installation d'une alarme le cas échéant couplée à une caméra et à une alerte directe à la police, à une entreprise de sécurité ou au propriétaire) peuvent paraître appropriés.

Le délai dans lequel le possesseur doit reprendre le bien une fois qu'il a connaissance du trouble n'est pas modifié. D'après les règles en vigueur, le possesseur doit réagir aussitôt ou, autrement dit, sans tarder. Sa réaction doit intervenir dans un délai bref et il ne doit pas s'écouler une durée telle que la reprise apparaît comme une action indépendante des circonstances. Les circonstances concrètes permettront de déterminer si les dispositions prises pour organiser et préparer la reprise s'inscrivent dans le cadre d'une réaction en temps approprié. Les principes développés par le Tribunal fédéral en la matière, selon lesquels les actes de reprise doivent être accomplis immédiatement et ne peuvent pas être interrompus ­ même provisoirement ­, faute de quoi le recours à la force devient illicite, restent applicables (voir également à ce sujet le ch. 4.1.1).

Les actes de défense de la possession restent soumis à l'art. 926, al. 1, CC. Ils sont en principe licites tant que dure le trouble ou la tentative d'usurpation et que le possesseur n'y a pas consenti. La révision ne modifie pas non plus le contenu des règles applicables à la reprise de choses mobilières. Pour des motifs rédactionnels, il s'impose de régler le droit de reprise des immeubles et des choses mobilières dans deux alinéas distincts (voir le nouvel art. 926, al. 3, P-CC).

Art. 926, al. 3 Du fait du complément apporté à la norme réglant le droit de reprise des immeubles, il s'impose à des fins de clarification de régler le droit de reprise des choses mobilières dans un alinéa distinct. Cette modification est purement rédactionnelle et, hormis l'ajout proposé concernant le droit de reprise des
immeubles, n'a pas de répercussions sur le plan matériel. Par ailleurs, le texte allemand de la disposition est modernisé pour assurer l'unité et la cohérence du droit («auf frischer Tat betroffen» est remplacé par «auf frischer Tat ertappt»), sans que cela ne touche le contenu de la norme.

Art. 926, al. 4 L'art. 926, al. 3, CC, qui interdit les voies de fait injustifiées, est précisé de manière à intégrer la jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux limites du recours à la force et au devoir des autorités de police d'intervenir pour protéger des droits privés. Afin de ne pas empiéter sur les compétences législatives cantonales en matière de police et en raison de la relativité des garanties découlant des droits fondamentaux, le législateur fédéral ne peut que préciser le principe de proportionnalité (voir le ch. 4.1.2).

L'art. 926, al. 4, P-CC dispose que les autorités compétentes (civiles, pénales ou policières) assurent au possesseur en temps utile l'intervention requise par les circonstances. L'exercice du droit de reprise est donc inapproprié et disproportionné lorsque l'intervention des autorités peut être obtenue à temps. Dès lors, s'il n'y a pas péril en 28 / 42

FF 2024 116

la demeure ­ d'après une appréciation ex ante ­, il faut demander l'intervention des autorités si elle est disponible en temps utile, conformément à la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral71. La forme sous laquelle se manifeste l'aide étatique (procédure civile ou pénale ou intervention de la police) ne joue aucun rôle. Le possesseur qui fait acte de violence alors que les autorités sont en mesure d'intervenir dépasse les limites du recours autorisé à la force. En revanche, là où toute intervention des autorités serait arrivée trop tard, le recours proportionné à la force est licite. L'aide des autorités, si elle peut être obtenue à temps, prendra donc le pas sur l'exercice du droit de légitime défense. Par analogie avec l'art. 52, al. 3, CO, qui règle le recours à la force en général, le projet précise qu'il est subsidiaire et qu'il présuppose donc que les autorités ne peuvent pas intervenir à temps. Une pratique policière (régionale) restrictive en matière d'évacuations ne justifie pas l'exercice du droit de reprise. Il faudra là aussi déterminer en l'espèce si l'intervention requise au vu des circonstances d'ensemble n'a pas été obtenue à temps ou si les autorités n'ont pas pu la fournir à temps, tant et si bien que l'exercice du droit de reprise était licite.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'obligation de la police d'intervenir en cas d'occupation de logements, l'ajout proposé à l'al. 4 exige des autorités (police ou autres autorités étatiques) qu'elles interviennent lorsque, compte tenu des circonstances du cas particulier, elles sont en mesure de protéger la possession à temps. Le droit à l'intervention dont bénéficie le possesseur n'est toutefois pas absolu. Par exemple, l'intervention de la police présuppose toujours une base légale destinée à protéger les droits privés ainsi que la connaissance du trouble de la possession. Ensuite, il faut que la police soit en mesure de prendre des mesures proportionnées, compte tenu des intérêts en présence, pour éliminer le trouble. Le droit à l'intervention de la police est exclu s'il n'y a pas «péril en la demeure» et que des mesures peuvent être ordonnées à temps par un tribunal civil ou une autre autorité. Le principe de proportionnalité, de même que les principes d'opportunité et de subsidiarité restent
applicables. Dès lors, les autorités de police disposent d'un grand pouvoir d'appréciation lorsqu'il s'agit d'éliminer le trouble de la possession, par exemple en expulsant des squatters. Outre les aspects déjà mentionnés, il faut toujours tenir compte des circonstances concrètes ainsi que des capacités et moyens de la police pour déterminer si elle est tenue d'intervenir. Lorsqu'elle fait face à des occupations, la police doit régulièrement réussir un numéro d'équilibriste et jongler avec les aspects juridiques, sécuritaires et politiques.

Modification du CPC Art. 248, let. c Tout comme la mise à ban, l'injonction pourra être soumise à la procédure sommaire.

Titres précédant l'art. 258 Le nouvel instrument de l'injonction permettra au possesseur de requérir du tribunal qu'il ordonne la cessation du trouble ou la restitution à l'encontre d'un cercle de per71

Arrêt du TF 4P.148/2001 du 25 octobre 2001, consid. 3b; ATF 128 IV 250, consid. 3.2, pp. 253 s.

29 / 42

FF 2024 116

sonnes indéterminé. L'injonction s'ajoute à une mesure de protection de la possession qui existe déjà, à savoir la mise à ban générale, prévue aux art. 258 à 260 CPC. Pour cette raison, la règle est insérée au 4e chapitre de la 5e partie du CPC. Le titre de chapitre précédant l'art. 258 CPC est modifié pour tenir compte de l'ajout de l'injonction. Le 4e chapitre du 5e titre du CPC réglera aussi bien la mise à ban générale que cette nouvelle mesure de protection de la possession, chacune de ces procédures faisant l'objet d'une section distincte. Il est à noter que certaines dispositions concernant la mise à ban générale s'appliqueront par analogie à l'injonction. Le titre de section relatif à la mise à ban générale est également inséré avant l'art. 258.

Titre suivant l'art. 260 Le titre de la 2e section du 4e chapitre, consacrée à l'injonction, est inséré après l'art. 260.

Art. 260a

Principe

Le projet étend les mesures de protection de la possession au sens des art. 258 à 260 CPC en créant un nouvel acte de juridiction gracieuse: l'injonction qui, tout comme la mise à ban générale, est dirigée contre un cercle de personnes indéterminé. À la différence de celle-ci, qui accorde une protection de la possession à titre préventif, l'injonction a pour but d'éliminer le trouble de la possession qui est déjà survenu et l'usurpation d'un immeuble lorsqu'elle a déjà été tentée ou est déjà survenue. L'injonction institue une nouvelle procédure permettant de mettre en oeuvre les prétentions à la protection de la possession. Cependant, les procédures civiles existant dans le droit en vigueur resteront disponibles. La personne dont l'immeuble est occupé est libre de mettre en oeuvre ses prétentions par le biais d'une autre forme de procédure du droit en vigueur (ou d'emprunter cette voie parallèlement à celle de l'injonction)72.

L'al. 1 du nouvel art. 260a fixe les principes de l'injonction: tout possesseur dont la possession d'un immeuble est troublée ou usurpée par la force est légitimé à requérir une injonction du tribunal. À la différence de la mise à ban générale, la possession suffit; la titularité d'un droit réel n'est pas exigée, de sorte que les possesseurs dérivés qui louent ou afferment l'immeuble peuvent également requérir l'injonction.

Lorsqu'un logement est occupé, le possesseur est en général entièrement privé de la maîtrise de fait sur l'immeuble. Il se peut toutefois aussi que l'usurpation ne concerne qu'une partie de l'immeuble ou qu'elle ait seulement été tentée, raison pour laquelle la nouvelle règle couvre explicitement ces deux cas de figure. L'occupation d'un logement est sans doute le cas d'application principal de l'injonction, mais pas le seul; elle peut être requise pour toute forme de trouble ou d'usurpation de la possession d'un immeuble. Le but de cet instrument est d'éliminer l'atteinte à la possession (du fait de squatters notamment). Par conséquent, le dispositif d'une injonction doit ordonner à chaque fauteur de troubles ou usurpateur de faire ou ne pas faire quelque chose (restituer, quitter, vider, etc.). Si l'injonction vise un logement occupé, le juge pourra ordonner aux usurpateurs de quitter les locaux, mais aussi leur imposer d'autres 72

Voir le ch. 1.2.5 du rapport explicatif du 2 septembre 2020, disponible à l'adresse www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP.

30 / 42

FF 2024 116

comportements, comme prendre leurs biens avec eux, laisser les clés sur place ou laisser les portes ouvertes. L'injonction doit prévoir un délai ou une échéance (date, heure) pour l'exécution de l'obligation.

Tout comme la mise à ban générale, l'injonction ne s'adresse pas à une personne déterminée, mais à un cercle indéterminé de personnes: des personnes inconnues qui troublent ou ont usurpé la possession sur un immeuble. L'injonction doit toujours s'adresser à un cercle indéterminé de destinataires, rien n'empêchant que certaines personnes du groupe de fauteurs de troubles ou d'usurpateurs soient connus nommément. Par contre, si le possesseur de l'immeuble connaît absolument toutes les personnes qui troublent ou usurpent la possession, il n'a pas d'intérêt digne de protection à obtenir une injonction contre un cercle de personnes indéterminé, ce qui le prive de cette voie. Les éventuelles prétentions doivent être mises en oeuvre dans une procédure contradictoire73. Dès lors, l'injonction ne s'appliquera pas dans les litiges de voisinage et ceux relevant du bail à loyer ou à ferme, dans lesquels il est permis d'attendre que le possesseur connaisse les auteurs ou puisse les identifier facilement. Ces cas seront toujours réglés à l'aide des procédures et des règles actuelles, en particulier en ce qui concerne l'expulsion.

Comme la mise à ban générale, l'injonction sera en principe prononcée sur simple requête du possesseur, dans une procédure unilatérale, c'est-à-dire sans que les personnes concernées soient entendues au préalable. Du point de vue territorial, le tribunal du lieu où l'immeuble est ou devrait être immatriculé au registre foncier est impérativement compétent (art. 29, al. 4, CPC)74. La compétence matérielle est déterminée par le droit cantonal.

Si le juge admet la requête, il prendra aussi sur demande les mesures d'affichage de l'injonction et les mesures d'exécution qui s'imposent si les usurpateurs n'obtempèrent pas, c'est-à-dire ne suivent pas dans les délais impartis les instructions relatives à l'élimination du trouble ou à la restitution du bien.

Si le requérant en fait la demande, une autorité désignée par le tribunal procédera à l'affichage de l'injonction sur l'immeuble (par ex. au moyen de panneaux ou autres).

Les fauteurs de troubles ou les usurpateurs pouvant faire
acte de violence ou effectuer des actions de blocage, il sera difficile voire impossible ou dangereux pour un particulier d'accéder à l'immeuble occupé, d'où la possibilité qui lui est donnée de demander qu'une autorité le fasse. Un autre avantage de cette solution est que le moment où le délai d'opposition commence à courir sera clairement documenté (date à laquelle l'affichage a eu lieu) et donc plus facile à prouver. De plus, il y a un intérêt public à ce que l'avis soit communiqué si possible toujours de la même manière. Le requérant reste responsable de l'avis dans la mesure où c'est en particulier lui qui doit en assumer les coûts. La ratio legis exige que l'affichage intervienne dans les meilleurs délais. En cas d'occupation d'un logement, il devrait être suffisant de placer des affiches sur les portes d'entrée. Il est préférable de renoncer à poser des panneaux au beau 73

74

Par analogie avec la mise à ban, voir Lazopoulos/Leimgruber 2015: no 4 avec un renvoi à l'arrêt du tribunal cantonal zurichois ZR 112 no 5, consid. B; Güngerich 2012b: no 5; Tenchio/Tenchio 2017a: no 2 s.

Le for de la juridiction gracieuse au sens de l'art. 19 CPC n'est pas applicable, voir Güngerich 2012b: no 6.

31 / 42

FF 2024 116

milieu d'un terrain dans la mesure où ceux-ci pourraient nécessiter une autorisation relevant de la police des constructions, ce qui s'opposerait à une élimination du trouble ou à une restitution rapides.

Les mesures d'exécution envisageables sont prévues dans la loi (en particulier à l'art. 343 CPC); en règle générale, en cas d'occupation, c'est l'évacuation de l'immeuble qui sera prononcée. Au moment d'ordonner ces mesures, le juge devra tenir compte des scénarios probables, selon qu'il y ait opposition au sens de l'art. 260b CPC ou non. En l'absence d'opposition, il devra ordonner l'évacuation. Si une seule personne fait opposition, l'utilité d'une évacuation de l'immeuble (par la police) est sujette à caution, dans la mesure où il faudra continuer de tolérer sa présence. Pour éviter les évacuations et réoccupations en série, il pourra s'avérer judicieux dans ce cas de figure d'éviter de procéder à une évacuation immédiate. La personne qui subit l'occupation a par contre la possibilité de demander l'expulsion du seul opposant dans une procédure contradictoire. L'injonction (visant toutes les personnes présentes illégalement), si elle est accompagnée d'un jugement prononçant l'expulsion du seul opposant, pourra alors être exécutée et l'immeuble entièrement évacué. Dans l'intervalle, une mise à ban générale pourra permettre de sanctionner le fait pour des tiers qui n'ont pas fait opposition de pénétrer sur l'immeuble.

Les règles relatives à la mise à ban générale n'indiquent pas dans quel délai la requête doit être déposée. La question ne se pose pas dans la mesure où il s'agit d'un instrument préventif, destiné à éviter de nouvelles violations. Il en va différemment de l'injonction, qui vise à éliminer un trouble déjà apparu et à imposer la restitution de l'immeuble à l'usurpateur. Selon la doctrine, l'absence d'autorité de la chose jugée signifie que le requérant n'exerce pas la prétention découlant des art. 927 s. CC en agissant par la voie de la mise à ban générale (art. 258 à 260 CPC). Cette procédure ne permet donc pas de respecter le délai prévu à l'art. 929, al. 2, CC75. On renonce à fixer une délai pour la requête visant l'obtention de l'injonction. Il appartiendra en l'espèce au juge de déterminer si une attente trop longue peut être interprétée comme un consentement (tacite) au trouble
ou à l'usurpation, ce qui remettrait en question l'existencemême de ce trouble ou de cette usurpation et d'un intérêt légitime.

L'injonction est un acte de juridiction gracieuse, si bien que la maxime inquisitoire limitée s'applique conformément à l'art. 255, let. b, CPC76: le tribunal établit les faits d'office. Il doit se convaincre par lui-même de l'existence des faits allégués par le requérant, mais il n'est pas tenu d'investiguer sur l'état de fait. Lorsque cela est nécessaire, le tribunal exige d'autres preuves du requérant; les moyens de preuve ne sont pas limités (art. 254, al. 2, let. c, CPC)77. Par analogie avec la mise à ban générale, l'al. 2, qui traite du devoir du requérant de collaborer, précise et limite ce principe sur deux points. Le requérant doit prouver sa possession sur l'immeuble concerné par titres (en particulier en produisant un extrait du registre foncier, un contrat de droit de superficie, un contrat de bail à loyer ou à ferme, etc.) (preuve stricte); s'il ne peut produire une telle preuve, la requête doit être rejetée faute de légitimation active. Par ailleurs, la requête doit rendre vraisemblable l'illicéité du trouble ou de l'usurpation 75 76 77

Tenchio/Tenchio 2017a: no 2 et les références citées.

Jent-Sørensen 2021: no 6; Tenchio/Tenchio 2017a: no 8 et 12.

Mazan 2017: no 7; Güngerich 2012a: no 2.

32 / 42

FF 2024 116

de la possession de l'immeuble à l'aide des moyens de preuves admissibles selon l'art. 254 CPC. De plus, conformément aux principes généraux, le requérant doit prouver l'existence d'un intérêt digne de protection (voir l'art. 59, al. 2, let. a, CPC) et, en particulier, que l'injonction s'adresse (aussi) à un cercle indéterminé de destinataires. Afin que l'injonction ne soit pas requise de manière abusive (par ex. pour évincer des locataires, des créanciers de servitudes, des personnes divorcées ou séparées de corps ou des voisins indésirables), le juge devra entre autres vérifier dans ce contexte si les usurpateurs présumés sont effectivement inconnus du requérant. En cas de doute, il pourra s'en assurer avec relativement peu d'efforts, par exemple en vérifiant l'extrait du registre foncier (pour identifier d'éventuels bénéficiaires de servitudes) ou l'annuaire téléphonique ou encore en s'adressant au contrôle des habitants compétent (pour identifier d'éventuels locataires). Il peut être attendu que le juge procède à ces vérifications, destinées à déterminer si les conditions de recevabilité sont remplies, dans la mesure où la maxime inquisitoire partielle s'applique. Lorsqu'il y a des doutes sur la situation décrite par l'auteur de la requête, le juge pourra lui demander des justificatifs servant à rendre suffisamment vraisemblable ce qu'il avance. S'il s'abstient, le juge en tirera les conséquences en tenant compte des circonstances d'ensemble.

Selon l'al. 3, le tribunal statue immédiatement. Cette particularité par rapport à la mise à ban générale est justifiée par le fait que l'injonction tend en premier lieu à éliminer un trouble qui est déjà survenu.

Art. 260b

Avis et opposition

L'art. 260b P-CPC dispose que les art. 259 et 260 CPC sont applicables par analogie à l'injonction pour l'avis (en particulier la publication) et l'opposition.

Afin de préserver les garanties de procédure des usurpateurs touchés par l'injonction, ceux-ci pourront faire opposition. L'art. 260 CPC s'appliquera par analogie, à l'exception de certaines règles spéciales. Une personne qui refuse de reconnaître l'injonction pourra donc faire opposition devant le tribunal qui a rendu l'injonction. Elle devra pour ce faire divulguer son identité. L'injonction du tribunal ne produira plus d'effets envers l'opposant et le requérant sera renvoyé à la procédure contradictoire. Le requérant devra introduire une action ou une requête en justice pour faire valoir ses prétentions à l'égard de l'opposant.

À la différence de l'art. 260 CPC, le délai d'opposition ne sera pas de 30 jours, mais seulement de 10 jours à compter de la publication de l'injonction selon l'art. 259 CPC.

Cela semble justifié étant donné que la procédure de l'injonction concerne un trouble de la possession qui est déjà survenu et qu'il est permis de supposer que les usurpateurs présumés auront connaissance de l'injonction immédiatement après sa publication en application de l'art. 259 CPC. Qu'elles soient frappées d'opposition ou pas, les injonctions, comme la mise à ban générale, n'acquièrent pas d'autorité de la chose jugée. Après l'échéance du délai, une personne touchée par l'injonction pourra dès lors introduire une demande tendant à constater la licéité de l'occupation. L'absence d'autorité de la chose jugée signifie également que le requérant n'exerce pas la prétention découlant des art. 927 s. CC en agissant par la voie de l'injonction, pas plus que ce n'est le cas par la voie de la mise à ban générale. Cette procédure ne permet 33 / 42

FF 2024 116

donc pas de respecter le délai de prescription prévu à l'art. 929, al. 2, CC. Pour imposer la protection de la possession à l'encontre de personnes déterminées, toutes connues par leur nom, il faudra continuer de passer par une procédure contradictoire. Le possesseur pourra demander la mise à ban générale ou une injonction en parallèle d'une autre procédure. L'injonction ne vise pas à trancher définitivement des prétentions matérielles, mais ces prétentions seront éventuellement satisfaites de fait. S'il s'agit de clarifier et de satisfaire les prétentions matérielles, il faudra passer par d'autres procédures (notamment la procédure sommaire visant la protection d'un droit évident, la procédure ordinaire ou la procédure simplifiée)78.

Alors que ce n'est pas le cas pour la mise à ban générale (art. 260, al. 1, CPC), l'opposition contre l'injonction devra être motivée. L'opposant devra s'exprimer sur un éventuel droit préférable qu'il aurait sur l'immeuble. On ne peut évidemment pas exclure que les motifs de l'opposition soient purement procéduriers. Cela dit, des motifs manifestement insuffisants pourront tourner à l'avantage du possesseur dans une procédure judiciaire consécutive, par exemple en application de l'art. 257 CPC sur les cas clairs. L'opposition ne déploiera pas d'effets si elle n'est pas motivée ou déposée à temps ou ne permet pas, sur la base des données personnelles indiquées, d'identifier suffisamment son auteur.

Comme évoqué, l'opposition faite à temps et dans les formes supprimera les effets de l'injonction uniquement envers l'opposant, comme c'est le cas pour la mise à ban générale. Envers tous les autres usurpateurs, l'injonction continuera à produire tous ses effets. Si un usurpateur fait opposition, cela implique tout de même qu'il indique son identité au tribunal. Le possesseur pourra ensuite agir en procédure contradictoire pour obtenir un titre d'exécution contre l'usurpateur, dont le nom sera alors connu. La procédure faisant suite à l'injonction ne sera pas forcément une procédure ordinaire; un autre type de procédure pourra être applicable (par ex. procédure sommaire) si les conditions sont remplies79.

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'aura pas de conséquences directes sur les finances ou le personnel de la Confédération.

78 79

Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6841 6959, ch. 5.18; Ernst 2019a, no 48, 49a; Tenchio/Tenchio 2017a: no 2.

Tenchio/Tenchio 2017b, no 8.

34 / 42

FF 2024 116

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet aura des conséquences pour les cantons à divers égards: ­

La modification du CPC pourra nécessiter une adaptation de certaines lois cantonales de procédure et d'organisation judiciaire. Au moment de fixer l'entrée en vigueur, il faudra veiller à ce que les cantons disposent d'un délai suffisant à cet égard.

­

Les mesures de protection de la possession prononcées dans une injonction rendue par un tribunal civil devront être exécutées par les autorités cantonales, notamment les autorités de police. Il incombera aux cantons de vérifier s'il est nécessaire de modifier les procédures qu'ils ont développées et qu'ils appliquent normalement pour faire face à l'occupation d'immeubles et, le cas échéant, de les adapter et de garantir les ressources nécessaires.

Le projet ne confie pas de nouvelles tâches d'exécution aux cantons. Aujourd'hui déjà, les possesseurs d'immeubles occupés, comme les victimes d'usurpations en général, saisissent les tribunaux. Il ne faut pas s'attendre à une augmentation sensible de la charge administrative et financière des tribunaux du fait qu'il sera possible d'agir contre des personnes dont le nom est inconnu. Par ailleurs, la compétence cantonale en matière de police est préservée et les cantons resteront autonomes dans la définition du rôle qu'ils souhaitent attribuer à la police dans la lutte contre l'occupation d'immeubles.

Les modifications proposées visent avant tout à améliorer la protection de la possession en faveur des possesseurs afin d'obtenir l'expulsion la plus rapide possible des immeubles occupés. Les centres urbains touchés par les occupations d'immeubles, qui s'accompagnent souvent d'autres phénomènes négatifs et parfois de débordements, profiteront en définitive aussi d'une évacuation rapide. Le projet n'a pas de conséquences particulières pour les régions de montagne.

6.3

Conséquences économiques et sociales

En raison du faible nombre d'immeubles occupés80, il ne faut pas s'attendre à des effets sensibles sur l'économie et la société. En outre, de par leur nature, les conséquences économiques des modifications de la procédure civile sont difficilement quantifiables. Comme le Conseil fédéral l'a déjà exposé dans le cadre l'élaboration du 80

À ce propos, voir Mabillard 2018, selon lequel les cantons étudiés ont enregistré le nombre suivant d'immeubles occupés en moyenne annuelle: canton et ville de Genève: 1 à 2 (Mabillard 2018: partie spéciale I G. 2. c. bb.)

canton de Vaud: probablement 2 (Mabillard 2018: partie spéciale I. G. 3. c. bb.)

canton et ville de Berne: pas de données, mais 10 à 16 interventions policières diverses en lien avec des occupations dans les années 2013 à 2017 (Mabillard 2018: partie spéciale I.

G. 4. c. bb.)

canton et ville de Zurich: 15 à 25 (Mabillard 2018: partie spéciale I. G. 5. c. bb.)

canton de Bâle-ville: pas de données (Mabillard 2018: partie spéciale I. G. 6. c. bb.).

35 / 42

FF 2024 116

code de procédure civile, une justice efficace contribue à la prospérité économique et, finalement, à la qualité de vie81.

Les modifications du CPC proposées visent en particulier à améliorer la mise en oeuvre des droits civils et l'administration de la justice, de les rendre plus efficaces et d'améliorer la protection juridique des personnes touchées par l'occupation d'immeubles. Les obstacles qui empêchent aujourd'hui l'obtention d'un titre d'expulsion exécutoire contre des squatters inconnus seront éliminés.

Les modifications proposées protègent et renforcent en définitive les droits de possession et de propriété. Elles s'inscrivent en particulier dans les buts de la protection de la possession, qui sont d'empêcher les atteintes à la possession (du fait de squatters notamment) et de préserver la paix juridique. La stabilité de la société s'en trouvera renforcée, de même que la confiance de la population et de l'économie en l'État de droit et en ses institutions. Le droit privé ne peut contribuer à l'ordre social que si ses règles peuvent être mises en oeuvre et le sont effectivement en cas de litige.

6.4

Conséquences environnementales

Le projet n'a pas de conséquences particulières sur l'environnement.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le projet repose sur l'art. 122, al. 1, Cst., qui attribue à la Confédération la compétence de légiférer dans le domaine du droit civil et de la procédure civile. À propos de la délimitation par rapport aux compétences des cantons en matière de droit de police, voir le ch. 4.1.2.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse n'est actuellement soumise à aucune obligation internationale en matière de protection de la possession. Diverses conventions bilatérales et multilatérales s'appliquent en matière de procédure civile, en particulier la Convention de Lugano du 30 octobre 200782, la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale83, la Convention du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étran-

81 82 83

Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6841, 7017.

RS 0.275.12 RS 0.274.131

36 / 42

FF 2024 116

ger en matière civile ou commerciale84 et la Convention du 1er mars 1954 relative à la procédure civile85. Le projet est compatible avec ces conventions.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit, qui doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst. Le texte est sujet au référendum.

7.4

Frein aux dépenses

Le projet n'instaure ni nouvelles subventions ni nouveaux crédits d'engagement ou plafonds de dépenses. Il n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

7.5

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

Les modifications proposées visent à améliorer la mise en oeuvre des dispositions en vigueur sur la protection de la possession. C'est le cas également des mesures visant à concrétiser l'intervention des autorités en cas de trouble de la possession. qui n'attribuent pas davantage de tâches aux cantons. Les compétences des cantons en matière de droit policier demeurent intactes. Les modifications proposées sont par conséquent conformes aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale. Elles sont justifiées par la nécessité d'une protection de la possession efficace et uniforme à l'échelon suisse, en particulier en matière de procédure civile.

7.6

Conformité à la loi sur les subventions

La loi ne prévoit ni aides financières ni indemnités.

7.7

Délégation de compétences législatives

Le projet ne prévoit pas de délégation de compétences législatives au Conseil fédéral.

84 85

RS 0.274.132 RS 0.274.12

37 / 42

FF 2024 116

7.8

Protection des données

La présente modification du code civil et du code de procédure civile n'aura pas de conséquences du point de vue du traitement de données personnelles.

38 / 42

FF 2024 116

Bibliographie Arnet Ruth / Eitel Paul, in: Peter Breitschmid / Alexandra Jungo (éd.), Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, Sachenrecht (Art. 641­977), 3e édition, Zurich/Bâle/ Genève 2016, ad art. 926 CC (cit. Arnet/Eitel 2016) Baumann Maja, Mietrechtliche Stolpersteine bei der Umnutzung von Liegenschaften, in: Jusletter du 25 novembre 2013 (cit. Baumann 2013) Berger-Steiner Isabelle / Schmid Dominik, in: Kren Kostkiewicz Jolanta / Wolf Stephan / Amstutz Marc / Fankhauser Roland (éd.), OFK ­ Orell Füssli Kommentar, ZGB Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch, 4e édition, Zurich 2021, Orell Füssli, ad art. 926 CC (cit. Berger-Steiner/Schmid 2021a) et 929 CC (cit. BergerSteiner/Schmid 2021b) Büchi Raphael / Gehring Eva, Erstreckung ausgeschlossen: Die Gebrauchsleihe als ideale Vertragsform für die Zwischennutzung von Liegenschaften, in: Jusletter du 10 février 2014 (cit. Büchi/Gehring 2014) Chambre nationale des commissaires de justice, Squat: depuis le 1er février, les huissiers de justice peuvent accompagner les propriétaires victimes, 08.02.2022, disponible à l'adresse https://commissaire-justice.fr > Actualités (état le 20.9.2023) (cit. Commissaires de Justice 2022) Delmas Stéphanie, Les propositions de loi se multiplient pour sévir contre les squatters, 25.10.2022, disponible à l'adresse https://leparticulier.lefigaro.fr > Immobilier > Location (état le 20.9.2023) (cit. Delmas 2022) Domej Tanja, in: Andrea Büchler/Dominique Jakob (éd.), Kurzkommentar ZGB, 2e édition, Bâle 2018, KUKO-Art. 926 ZGB (cit. Domej 2018) Ernst Wolfgang, in: Geiser Thomas / Wolf Stephan (éd.), Basler Kommentar, Besitzesrecht des ZGB, Art. 919­941, vol. ZGB II, 6e édition, Bâle 2019, remarques précédant le commentaire des art. 926 à 929 CC (cit. Ernst 2019a) et ad art. 926 CC (cit.

Ernst 2019b) Güngerich Andreas, in: Heinz Hausheer / Hans Peter Walter (éd.), Berner Kommentar zur Zivilprozessordnung, vol. II, Berne 2012, ad art. 255 CPC (cit. Güngerich 2012a) et 258 CPC (cit. Güngerich 2012b) Hense Philipp, Aufbegehren für ein kleines Stück Freiheit ­ Hausbesetzung(en) in Graz, juridikum Zeitschrift für Kritik Recht Gesellschaft, no 3/2012, pp. 354 ss (cit. Hense 2012) Homberger Arthur, Zürcher Kommentar, Kommentar zum schweizerischen Zivilgesetzbuch, Das Sachenrecht, Besitz und Grundbuch, 2e édition, Zurich 1938,
ad art. 926 (cit. Homberger 1938) Institut Cerdà, rapport «Más de 87 mil familias ocupan ilegalmente viviendas en Españ», mai 2017, disponible (également en anglais) à l'adresse https://www.icerda.org/es > Actualidad > Noticias > mayo 2017 (état le 20.9.2023) (cit. Institut Cerdà 2017)

39 / 42

FF 2024 116

Jent-Sørensen Ingrid, in: Oberhammer, Paul/Domej, Tanja/Haas, Ulrich (éd.), Kurzkommentar ZPO. Schweizerische Zivilprozessordnung. 3e édition, Bâle 2021, ad art. 258 à 260 CPC (cit. Jent-Sørensen 2021) Kodek Georg E., in: Fasching, Hans W./Konecny, Andreas (éd.), Kommentar zu den Zivilprozessgesetzen, 3e édition entièrement revue, Vienne 2017, § 454 (cit. Kodek 2017) Kramer Astrid, Hausbesetzer in Spanien, 4 mai 2022, disponible à l'adresse https://www.andalusien-aktuell.es > Wirtschaft (état le 20.9.2023) (cit. Kramer 2022) Landespolizeidirektion Wien, «Polizei löst Hausbesetzung auf», communiqué de presse du 7 décembre 2018, disponible à l'adresse https://www.ots.at > Aussendersuche > Landespolizeidirektion Wien (état le 20.9.2023) (cit. Landespolizeidirektion Wien 2018) Lazopoulos Michael / Leimgruber Stefan, OFK ­ Orell Füssli Kommentar, ZPO Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, Zurich 2015, ad art. 258 CPC (cit. Lazopoulos/Leimgruber 2015) Lilge Andreas, «Clans besetzen Häuser am Mittelmeer: Deutscher Hausbesitzer erlebt Albtraum auf Mallorca», in: Epoch Times, 22.4.2018, disponible à l'adresse www.epochtimes.de > Politik > Ausland (état le 20.9.2023) (cit. Lilge 2018) Linsi Christian, Verfassungsrechtliche Zuständigkeit des Bundes für den Erlass von Polizeirecht, in: LeGes 19 (2008) 3, pp. 465 à 493 (cit. Linsi 2008) Louven Sandra, «Wie Spanien ungebetene Gäste im Feriendomizil verhindern will», in: Handelsamtsblatt, 14.05.2018, disponible à l'adresse www.handelsblatt.com > Politik > International (état le 20.9.2023) (cit. Louven 2018) Mabillard Ramon, Besitzesschutz bei Hausbesetzungen (uniquement en allemand), avis de droit concernant la motion Feller (15.3531), 20 août 2018, disponible à l'adresse www.ofj.admin.ch Publications & services > Rapports, avis de droit et décisions > Rapports et avis de droit externes (état le 20.9.2023) (cit. Mabillard 2018) Mallorca Magazin, Deutlich mehr Hausbesetzungen in Spanien registriert, 5.8.2020, disponible à l'adresse https://www.mallorcamagazin.com > Nachrichten > Lokales (état le 20.9.2023) (cit. Mallorca Magazin 5.8.2020) Mallorca Magazin, Mehr Anzeigen wegen illegaler Hausbesetzungen auf Mallorca, 13.6.2021, disponible à l'adresse https://www.mallorcamagazin.com > Nachrichten > Lokales (état le 20.9.2023) (cit. Mallorca Magazin 13.6.2021)
Mallorca Magazin, Hausbesetzungen auf Mallorca haben 2021 erheblich zugenommen, 24.1.2022, disponible à l'adresse https://www.mallorcamagazin.com > Nachrichten > Lokales (état le 20.9.2023) (cit. Mallorca Magazin 24.1.2022) Mallorca Magazin, EU soll gegen laxe Gesetzeslage in Spanien bei Hausbesetzungen vorgehen, 22.4.2022, disponible à l'adresse https://www.mallorcamagazin.com > Nachrichten > Lokales (état le 20.9.2023) (cit. Mallorca Magazin 22.4.2022) Mallorca Magazin, Immer mehr Hausbesetzungen auf Mallorca und dem Festland, 30.6.2022, disponible à l'adresse https://www.mallorcamagazin.com > Nachrichten > Lokales (état le 20.9.2023) (cit. Mallorca Magazin 30.6.2022) 40 / 42

FF 2024 116

Manger Sebastian, Rechtslage und Handlungsmöglichkeiten bei illegaler Hausbesetzung durch sog. «Okupas», 11 mai 2021, disponible à l'adresse https://www.riutordabogados.com > Nachrichten (état le 20.9.2023) (cit. Manger 2021) Mazan Stephan, in: Spühler Karl / Tenchio Luca / Infanger Dominik (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, Bâle 2017, ad art. 255 CPC (cit. Mazan 2017) Minkner Lutz, «Nach Hausbesetzung auf Mallorca beschliesst Regierung eilig neues Gesetz», in: FOCUS Online, 4.5.2018, disponible à l'adresse www.focus.de > Immobilien (état le 20.9.2023) (cit. Minkner 2018) Müller Ute, «In Spanien haben Hausbesetzer gute Karten», in: NZZ, 13.10.2022, p. 5 (cit. NZZ 13.10.2022) Ostertag Fritz, Berner Kommentar, Kommentar zum schweizerischen Zivilgesetzbuch, vol. IV: Das Sachenrecht, 3. Abteilung: Besitz und Grundbuch, ad art. 926, Berne 1917 (cit. Ostertag 1917) Sénécal Caroline, Propriétaires victimes de squats: ce qui change au 1er février 2022, 1.2.2022, disponible à l'adresse https://www.challenges.fr > patrimoine > immobilier (état le 20.9.2023) (cit. Sénécal 2022) Service-Public.fr, le site officiel de l'administration française, «Que faire quand des squatters occupent un logement?», 4.0.2022, disponible à l'adresse https://www.service-public.fr > Fiches pratiques par thèmes > Logement > Location immobilière: obligations du locataire (état le 20.9.2023) (cit. Service-Public.fr 2022) Stark Emil/Lindemann Barbara, Berner Kommentar, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Zivilgesetzbuch, Der Besitz, Art. 919-941 ZGB, 4e édition, Berne 2016, remarques précédant les art. 926 à 929 CC (cit. Stark/Lindemann 2016a), ad art. 926 CC (cit. Stark/Lindemann 2016b) Sutter-Somm Thomas, Schweizerisches Privatrecht, Eigentum und Besitz, vol. V/1, 2e édition, Bâle 2014 (cit. Sutter-Somm 2014) Tachot Aurélie, «Squatters: quels sont leurs droits et que faire lorsqu'ils occupent votre logement?», 28.10.2022, disponible à l'adresse https://immobilier.lefigaro.fr (état le 20.9.2023) (cit. Tachot 2022) Tenchio Luca / Tenchio Kristina, in: Spühler, Karl/Tenchio, Luca/Infanger, Dominik (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, Bâle 2017, ad art. 258 CPC (cit. Tenchio/Tenchio 2017a) et 260 CPC (cit. Tenchio/Tenchio 2017b) Tuor Peter / Schnyder Bernhard / Schmid Jörg /
Rumo-Jungo Alexandra, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 14e édition, Zurich 2015 (cit. Tuor/Schnyder/Schmid/RumoJungo 2015) Waldmann Bernhard/Borter Emanuel, Basler Kommentar, Bundesverfassung, Bâle 2015, ad art. 46 Cst. (cit. Waldmann/Borter 2015) Wieland Carl A., Zürcher Kommentar, Kommentar zum schweizerischen Zivilgesetzbuch, Das Sachenrecht, Zurich 1909, ad art. 926 CC (cit. Wieland 1909)

41 / 42

FF 2024 116

Wissenschaftlicher Dienst Deutscher Bundestag, Die Zwangsräumung bei Hausbesetzungen, Rechtliche Grundfragen, Ausarbeitung WD 7 ­ 3000 ­ 035/22 du 29 avril 2022, disponible à l'adresse www.bundestag.de Dokumente Gutachten und Ausarbeitungen (état le 20.9.2023) (cit. Wissenschaftlicher Dienst Deutscher Bundestag 2022)

42 / 42