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Indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 Rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 17 novembre 2023

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L'essentiel en bref À leur séance du 24 janvier 2023, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé de lancer une inspection sur les indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 et, à cet effet, ont institué un groupe de travail composé de six membres. Le groupe de travail s'est réuni pour la première fois le 15 février 2023, adoptant une stratégie d'enquête.

Conformément à son mandat, le groupe de travail s'est concentré sur les thèmes principaux suivants: déterminer quelles indiscrétions ont été commises dans le cadre du traitement de la crise du COVID-19 au Conseil fédéral, qui en est à l'origine, et qui étaient les destinataires de ces indiscrétions; quelles mesures le chef du Département fédéral de l'intérieur (DFI), d'une part, et l'ensemble du Conseil fédéral, d'autre part, ont prises pour la période en question afin d'éviter les indiscrétions répétées. Eu égard aux procédures pénales en cours, les CdG ont chargé le professeur Giovanni Biaggini de clarifier certaines questions concernant la distinction entre les investigations de la haute surveillance et celles des procédures pénales en cours et concernant la protection des droits de la personnalité, et de leur remettre un avis de droit à ce sujet.

Indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 Le groupe de travail a effectué une veille médiatique des articles parus dans les médias avant et après les séances concernées du Conseil fédéral, a auditionné tous les membres du Conseil fédéral qui étaient en fonction pendant la période sous revue ainsi que d'autres personnes et a analysé plusieurs courriels afin de savoir quelles indiscrétions ont été commises, qui en était à l'origine et qui était au courant de ces indiscrétions. Eu égard à la procédure pénale en cours contre l'ancien chef de la communication du DFI, les CdG n'ont pas demandé à ce qu'on leur remette les dossiers actuellement sous scellés près le tribunal des mesures de contraintes. De même, plusieurs courriels potentiellement pertinents pour l'enquête avaient déjà été effacés ou n'étaient plus disponibles dès le début de l'enquête, et d'autres ont été effacés ultérieurement. Par conséquent, il faudra tenir compte du fait que les sources étaient lacunaires lorsqu'il s'agira d'apprécier les conclusions
des CdG.

Se fondant sur une liste que le Conseil fédéral leur a remise et sur une veille médiatique effectuée sur cette base, les CdG constatent que les projets du Conseil fédéral relatifs au COVID-19 ont régulièrement fait l'objet d'indiscrétions. La veille médiatique confirme que différents médias disposaient particulièrement souvent d'informations classifiées dont ils se faisaient l'écho. Les investigations des CdG ont en outre montré que le directeur de Ringier avait reçu des informations classifiées «CONFIDENTIEL» de la part de l'ancien chef de la communication du DFI, mais la veille médiatique n'a pas révélé d'indice montrant que ces informations ont été utilisées par les médias. En outre, la veille médiatique et les sources sur lesquelles le groupe de travail s'est fondé n'ont permis d'identifier ni d'autres personnes à l'origine des nombreuses indiscrétions commises pendant la pandémie, ni d'autres destinataires, ni d'éventuelles personnes qui étaient au courant.

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Mesures du Conseil fédéral visant à empêcher les indiscrétions ­ conséquences des indiscrétions sur sa gestion des affaires Les investigations des CdG ont montré que le Conseil fédéral avait pris différentes mesures pour réduire le nombre d'indiscrétions. Sur la proposition du DFI et de la Chancellerie fédérale (ChF), il avait par exemple décidé de publier lui-même les documents de consultation et de prévoir une procédure spéciale pour ses affaires particulièrement sensibles. Ces mesures n'ayant toutefois pas porté leurs fruits, elles ont été abandonnées, parfois peu de temps après leur entrée en vigueur. La question des indiscrétions a par ailleurs été abordée au sein de différents organes supradépartementaux et ­ plus rarement ­ lors de séances du Conseil fédéral. Les commissions ont toutefois constaté qu'une certaine résignation s'était installée et que c'était l'une des raisons pour lesquelles aucune autre mesure n'a été prise. Concrètement, en dépit des nombreuses indiscrétions, seules deux plaintes pénales ont été déposées ­ toutes deux par le DFI (cf. ci-dessous) ­ pendant la période sous revue.

D'après les constatations des commissions, le nombre, et parfois aussi le type d'indiscrétions ­ notamment celles dont les séances du Conseil fédéral ont fait l'objet ­ ont entraîné une importante perte de confiance au sein du Conseil fédéral. La multiplication des indiscrétions a eu des conséquences concrètes sur le processus de prise de décision du Conseil fédéral. Par exemple, davantage d'affaires ont reçu un niveau de classification plus élevé que nécessaire, ce qui a conduit à se passer de la précieuse expertise de spécialistes. De même, les cheffes et chefs de département ont plus souvent renoncé à présenter des corapports, ce qui a compliqué la préparation des affaires. Les CdG regrettent que, en dépit de la perte de confiance manifeste découlant des nombreuses indiscrétions commises pendant la pandémie, le Conseil fédéral ne se soit penché sur la question qu'en janvier 2023, dans le contexte des comptes rendus des médias sur les indiscrétions présumées liées au COVID-19 provenant du DFI.

Mesures du chef du DFI, d'une part, et des autres membres du Conseil fédéral, d'autre part, visant à empêcher les indiscrétions L'enquête a montré que le chef du DFI avait connaissance des contacts réguliers
entre son chef de la communication et le directeur de Ringier. Le groupe de travail ne disposait toutefois d'aucune preuve montrant que le chef du DFI était informé du contenu concret de leurs échanges ou que les indiscrétions ont été commises sur son mandat.

Malgré tout, les CdG ne comprennent que partiellement que le chef du DFI n'ait pas pris de mesures spécifiques au sein de son département, étant au courant de ces contacts et des indiscrétions nombreuses et répétées sur des affaires du DFI. Toutefois, elles précisent que l'enquête n'a identifié aucune preuve montrant que les indiscrétions provenaient du DFI et que le chef du département avait connaissance ou avait toléré d'éventuelles fuites.

Tous les membres du Conseil fédéral auditionnés ont souligné que leur département avait appliqué (ou applique) une politique de tolérance zéro concernant les indiscrétions, ce qui rend d'autant plus étonnante, aux yeux des CdG, la diffusion massive d'informations classifiées «CONFIDENTIEL» non seulement pendant la période sous revue, mais aussi plus récemment.

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Les commissions estiment que le dépôt d'une plainte pénale pour violation du secret de fonction constitue une importante mesure de lutte contre les indiscrétions. Toutefois, force est de constater que, pendant la période sous revue, aucun département ­ à l'exception du DFI ­ ni la ChF n'a déposé de plainte pénale au nom du Conseil fédéral. Les personnes auditionnées ont expliqué que les chances de succès d'une plainte pénale étaient minces. Les CdG regrettent cette situation et, pour ces mêmes raisons, elles saluent les mandats que le Conseil fédéral a confiés sur la base des travaux du groupe de travail «Indiscrétions / Bases légales» institué par le chancelier de la Confédération; ces mandats, qui sont en cours de mise en oeuvre, visent notamment à améliorer les chances de succès d'une plainte pénale pour violation du secret de fonction et à davantage sensibiliser les collaboratrices et les collaborateurs de l'administration fédérale à cette problématique.

Les investigations du groupe de travail ont également montré que différentes indiscrétions concernaient directement les discussions menées pendant des séances du Conseil fédéral. Il faut en déduire que ces indiscrétions provenaient de l'entourage proche des membres du Conseil fédéral et, partant, que les débriefings des séances du Conseil fédéral, qui sont menés de façon très hétérogène par les départements, jouent un rôle important. Tous les membres du Conseil fédéral auditionnés ont déclaré gérer de façon très restrictive les informations classifiées; et pourtant, les médias ont régulièrement fait état du contenu de séances du Conseil fédéral.

Les CdG regrettent énormément que le Conseil fédéral, en tant qu'organe, n'ait pour l'heure pas réussi à gérer de façon plus efficace la problématique des indiscrétions.

Par conséquent, elles formulent dans le présent rapport neuf recommandations à l'intention du Conseil fédéral. Ce dernier est invité à prendre position sur ces recommandations et sur les constatations des CdG d'ici au 2 février 2024.

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Table des matières L'essentiel en bref

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1

Introduction 1.1 Contexte et éléments déclencheurs de l'enquête 1.2 Objet et questions principales de l'enquête des CdG 1.3 Procédure

7 7 8 11

2

Indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral 2.1 Définition et cadre légal 2.2 Délimitation par rapport aux procédures pénales

12 12 13

3

Indiscrétions pendant la pandémie de COVID-19 3.1 Veille médiatique 3.1.1 Méthodologie 3.1.2 Résultats 3.1.3 Bilan (intermédiaire) de la veille médiatique 3.2 Analyse des courriels 3.2.1 Analyse des courriels de l'ancien chef de la communication du DFI 3.2.2 Analyse des courriels du chef du DFI et contacts avec le directeur de Ringier 3.3 Déclarations des personnes auditionnées concernant les indiscrétions 3.4 Résumé

15 15 15 17 24 24

4

5

Gestion par le Conseil fédéral des différentes indiscrétions liées au COVID-19 et incidence de ces dernières sur son travail 4.1 Prescriptions / mesures visant à garantir la confidentialité 4.1.1 Avant la pandémie de COVID-19 4.1.2 Pendant la pandémie de COVID-19 4.1.3 Travaux en cours et enseignements de la pandémie de COVID-19 4.1.4 Appréciation des prescriptions et des mesures en matière de protection de la confidentialité 4.2 Influence des indiscrétions sur le travail du Conseil fédéral et la relation de confiance entre ses membres 4.3 Discussion menée au sein du Conseil fédéral le 25 janvier 2023 4.4 Appréciation des répercussions des indiscrétions régulières sur le fonctionnement et le travail du Conseil fédéral ainsi que sur la relation de confiance entre ses membres Gestion et mesures prises par les départements et la Chancellerie fédérale face aux indiscrétions liées au COVID-19 5.1 Département fédéral de l'intérieur

25 29 30 32 35 35 36 40 45 47 49 52

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5.1.1

5.2

5.3

Mesures mises en oeuvre en vue d'éviter les indiscrétions au sein du DFI 5.1.2 Rôle de l'ancien chef de la communication du DFI 5.1.3 Synthèse et appréciation Les autres départements et la Chancellerie fédérale 5.2.1 Chancellerie fédérale 5.2.2 Département fédéral des finances 5.2.3 Département fédéral des affaires étrangères 5.2.4 Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche 5.2.5 Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports 5.2.6 Département fédéral de justice et police 5.2.7 Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Synthèse et appréciation des mesures

57 60 62 64 64 65 67 68 70 71 72 73

6

Appréciation synthétique et liste des recommandations

76

7

Suite de la procédure

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Abréviations Annexes 1 Liste des personnes auditionnées 2 Veille médiatique: séances du Conseil fédéral concernées sans aucun doute ou très probablement par des indiscrétions

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte et éléments déclencheurs de l'enquête

Le 24 janvier 2023, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé d'enquêter sur différentes questions portant sur plusieurs indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19, après que diverses informations sur des indiscrétions présumées provenant d'une procédure pénale contre l'ancien chef de la communication du Département fédéral de l'intérieur (DFI) ont été portées à la connaissance du public par les médias.

Le 10 novembre 2020, les CdG avaient déposé une plainte pénale contre inconnu pour violation du secret de fonction, à la suite d'une indiscrétion constatée lors de la consultation des offices dans l'affaire Crypto. Étant donné que le Ministère public de la Confédération (MPC) avait lui aussi reçu une partie du projet de rapport dans le cadre de la consultation, il avait demandé à son Autorité de surveillance (AS-MPC) de désigner un procureur fédéral extraordinaire pour mener la poursuite pénale. L'AS-MPC avait alors nommé Peter Marti à cette fonction. Celui-ci a classé la procédure lancée contre l'ancien chef de la communication du DFI concernant la violation du secret de fonction invoquée au sujet de Crypto. Lors de ses investigations, il a cependant eu connaissance d'informations indiquant que des indiscrétions concernant des affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 avaient été commises.

M. Marti a donc commencé à enquêter également dans cette direction, pour violation du secret de fonction, et l'AS-MPC a étendu le mandat qui lui avait été confié en conséquence, en application du principe de l'unité de la procédure. La procédure pénale était notamment menée contre l'ancien chef de la communication du DFI. Par la suite, ce dernier a demandé la mise sous scellés de différents supports de données et courriels que M. Marti avait reçus notamment de l'Office fédéral de l'information et de la télécommunication (OFIT)1.

En janvier 2023, le public a eu connaissance de différentes informations provenant de la procédure pénale menée par M. Marti, notamment du contenu de procès-verbaux d'audition et de courriels de l'ancien chef de la communication du DFI2. Selon les articles de presse en question, ce dernier aurait transmis à plusieurs reprises au directeur de Ringier différentes informations soumises au secret de fonction au moment de leur remise.

1

2

L'ancien chef de la communication du DFI a déposé une plainte pénale contre M. Peter Marti pour abus d'autorité. L'AS-MPC a alors nommé un autre procureur fédéral extraordinaire, M. Stephan Zimmerli, pour mener les poursuites pénales engagées contre M. Marti pour abus d'autorité. M. Zimmerli a mis un terme à la procédure le 19.6.2023, constatant qu'il n'y avait eu aucun comportement punissable de la part de M. Marti (cf. communiqué de presse de Stephan Zimmerli du 20.6.2023: «Classement de la procédure pénale contre le procureur fédéral extraordinaire Peter Marti»). Le Tribunal pénal fédéral n'a pas encore statué sur le recours formé contre cette décision.

En réaction à la divulgation de ces informations, le MPC a déposé une plainte pénale contre inconnu pour violation du secret de fonction.

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À titre de remarque préalable, il y a lieu de noter que les CdG sont conscientes que la gestion de la pandémie de COVID-19 a été particulièrement exigeante pour le Conseil fédéral: il s'agissait d'une situation sans précédent qui a engendré les défis les plus variés. La pression sur le Conseil fédéral en tant que collège, et en particulier sur les membres du gouvernement ayant dû gérer la plus grande partie des affaires liées au COVID-19, était constamment élevée.

1.2

Objet et questions principales de l'enquête des CdG

À leur séance du 24 janvier 2023, les CdG se sont penchées pour la première fois sur les indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19. Elles ont mené de premières auditions avec des représentantes et des représentants de l'AS-MPC et du MPC afin d'avoir un aperçu du cadre juridique en vigueur et des procédures pénales qui étaient en cours; à la suite de ces auditions, elles ont décidé de lancer une inspection3. Partant du principe que cette inspection nécessiterait de traiter des documents et des informations qui pouvaient être extrêmement sensibles, les CdG ont également décidé d'instituer un groupe de travail commun, composé de trois membres de la Commission de gestion du Conseil des États (CdG-E) et de trois membres de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N): les conseillers aux États Philippe Bauer (PLR/NE, président du groupe de travail), Daniel Fässler (Le Centre/AI) et Hans Stöckli (PS/BE), ainsi que les conseillères nationales Manuela Weichelt (Les Vert-e-s/ZG) et Katja Christ (PVL/BS) et le conseiller national Thomas de Courten (UDC/BL).

Étant donné que les courriels de l'ancien chef de la communication du DFI publiés dans la presse ont été les éléments déclencheurs de l'enquête ­ et concernaient en premier lieu le DFI ­, les CdG ont décidé de mettre l'accent sur ce département. Le mandat qu'elles ont confié au groupe de travail avait la teneur suivante:

3

1.

Le groupe de travail est chargé de déterminer quelles indiscrétions ont été commises dans le cadre du traitement de la crise du COVID-19 au Conseil fédéral, qui en est à l'origine ou les a facilitées, et qui étaient les destinataires de ces indiscrétions.

2.

Le groupe de travail doit examiner quelles mesures le Conseil fédéral a prises en tant que collège pour la période en question afin d'empêcher, de manière générale, les indiscrétions en provenance des départements ou pour faire cesser les fuites régulièrement constatées dans les médias en amont des séances du Conseil fédéral.

3.

Le groupe de travail doit examiner quelles mesures le président de la Confédération, Alain Berset, a prises pour la période en question afin d'éviter, de manière générale, les indiscrétions en provenance du DFI ou pour faire cesser les fuites régulièrement constatées dans les médias en amont des séances du Conseil fédéral.

Cf. communiqué de presse des CdG du 24.1.2023 «Les Commissions de gestion enquêtent sur les indiscrétions concernant les affaires du Conseil fédéral relatives à la pandémie de COVID-19, y compris sur le rôle joué par le chef du DFI».

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Les CdG ont précisé qu'il fallait préserver le bon fonctionnement de la poursuite pénale, qui est garanti par la Constitution, et soigneusement soupeser cet intérêt avec celui de la haute surveillance, qui est lui aussi garanti par la Constitution. Parallèlement, elles ont chargé la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG), en vertu de l'art. 153, al. 7, de la loi sur le Parlement (LParl)4, d'examiner les indiscrétions rendues publiques ainsi que d'autres indiscrétions éventuelles en provenance du DFI sur la base des procès-verbaux des séances du Conseil fédéral et des propositions faites par le DFI à ce sujet, ainsi que des corapports des autres départements, et d'adresser un rapport écrit au groupe de travail commun des CdG. Dans leur mandat, les CdG ont également défini la période sous revue: de février 2020 à juin 2022.

Le groupe de travail s'est doté d'une stratégie d'enquête détaillée, qui contient les questions principales suivantes:

4

1.

Quelles indiscrétions ont été commises dans le cadre du traitement d'affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19?

a. Quelles indiscrétions ont été commises?

b. Qui est à l'origine de ces indiscrétions?

c. Qui était le ou la destinataire de ces indiscrétions?

d. Qui était au courant de ces indiscrétions?

2.

Quelles mesures le Conseil fédéral a-t-il prises pour empêcher ou faire cesser les fuites concernant les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19?

a. Existe-t-il des prescriptions (légales) [directives, etc.] à ce sujet?

b. De quelle façon le Conseil fédéral a-t-il traité les indiscrétions?

c. De quelle façon les indiscrétions ont-elles été traitées au sein de la Conférence des services d'information (CSIC), dirigée par la Chancellerie fédérale (ChF)? Quelles conclusions ont été tirées de ces examens?

d. Quelles mesures le Conseil fédéral et la ChF ont-ils prises?

e. Quelle incidence les indiscrétions ont-elles eue sur le fonctionnement du Conseil fédéral pendant la crise?

f. Lors de la séance du Conseil fédéral du 25 janvier 2023, une discussion a eu lieu au sujet des indiscrétions commises concernant les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19.

i. Quel était le contenu de cette discussion?

ii. Quelles ont été les principales conclusions concernant les informations transmises par le DFI ou d'autres départements au groupe Ringier ou à d'autres médias?

iii. Quels enseignements le Conseil fédéral, en tant que collège, a-t-il tirés concernant les indiscrétions commises?

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement [LParl]; RS 171.10).

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3.

Indiscrétions commises par le DFI concernant les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 a. Qui, au sein du DFI, a eu accès, durant la période en question, aux documents classés confidentiel concernant les affaires relatives au COVID19 qui ont été présentées au Conseil fédéral?

b. Quelle est la responsabilité du conseiller fédéral Alain Berset s'agissant des indiscrétions commises au sein du DFI concernant les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 et que savait-il à ce sujet?

c. Le conseiller fédéral Alain Berset était-il au courant des contacts entre son ancien chef de la communication et le groupe Ringier?

d. Quelles mesures le conseiller fédéral Alain Berset a-t-il prises pour empêcher ou faire cesser les fuites concernant les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 (par ex. dépôt d'une plainte pénale, élaboration de directives internes, etc.)?

e. De quelle façon et à quel niveau le SG-DFI s'est-il penché sur les indiscrétions? Quel était le rôle du SG-DFI en la matière?

f. Quelles circonstances ont conduit à la résiliation du contrat de travail de l'ancien chef de la communication du DFI? Celle-ci a-t-elle eu lieu (entre autres) en raison des indiscrétions?

4.

D'autres départements que le DFI ont-ils été concernés par des indiscrétions commises dans le cadre du traitement des affaires relatives au COVID-19?

a. Quelles affaires relatives au COVID-19 provenant d'autres départements ont fait l'objet d'indiscrétions?

b. Quelles mesures les départements concernés ont-ils prises pour prévenir ou empêcher les indiscrétions?

c. Qui, au sein des secrétariats généraux, a accès aux informations classées confidentiel qui sont transmises au Conseil fédéral?

Dans sa stratégie d'enquête, le groupe de travail a également précisé que l'objet de ses investigations devait être bien distinct de celui des investigations des sous-commissions Tribunaux/MPC déjà en cours concernant les indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral en général. Les sous-commissions précitées ont notamment été chargées de vérifier si le MPC disposait de ressources suffisantes pour mener à bien la poursuite pénale dans ce domaine et s'il y avait lieu de prendre des mesures législatives en matière d'indiscrétions. Plus tard, les CdG ont décidé que le groupe de travail devait transmettre aux sous-commissions les informations et les documents utiles provenant de son enquête.

Le groupe de travail a porté sa stratégie d'enquête à la connaissance de la CdG-E et de la CdG-N à leurs séances respectives du 17 et du 24 février 2023.

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1.3

Procédure

Dans le cadre de son enquête, le groupe de travail s'est réuni à 14 reprises et a auditionné 16 personnes au total, notamment tous les chefs et cheffes de département qui étaient en fonction pendant la période sous revue, le chancelier et les vice-chanceliers de la Confédération, l'ancien chef de la communication du DFI et le procureur fédéral extraordinaire Peter Marti5. Le groupe de travail a également souhaité auditionner le directeur de Ringier, Marc Walder, mais celui-ci a refusé, invoquant la protection des sources que les journalistes peuvent faire valoir.

Le groupe de travail a en outre analysé des documents émanant de tous les départements, de la ChF, de différents offices fédéraux, de l'AS-MPC, du MPC, du procureur fédéral extraordinaire Peter Marti et de l'ancien chef de la communication du DFI. De plus, il a chargé le prof. Giovanni Biaggini de clarifier certaines questions juridiques concernant la portée du droit à l'information des CdG, en particulier la distinction entre les investigations de la haute surveillance et celles des procédures pénales en cours, et de lui remettre un avis de droit à ce sujet6 (cf. chap. 2.2). Avec le soutien de la Bibliothèque du Parlement, le groupe de travail a également effectué une veille médiatique, afin notamment de répondre à la question 1 (Quelles indiscrétions ont été commises? Qui est à l'origine de ces indiscrétions? Qui était le ou la destinataire de ces indiscrétions? Qui était au courant de ces indiscrétions?; cf. chap. 3.1).

Vu que le groupe de travail a eu accès, dans le cadre de ses investigations, à des informations très sensibles ­ généralement classifiées «CONFIDENTIEL», parfois même «SECRET» ­, il a pris certaines mesures particulières en vue de leur protection.

Non seulement le nombre de membres du groupe de travail était restreint, mais les documents des séances étaient systématiquement personnels et numérotés. De plus, les membres du groupe ne pouvaient que consulter les documents confidentiels particulièrement sensibles et tous les documents classifiés «secret», et uniquement sur place. Enfin, les appareils électroniques (ordinateurs et téléphones portables) étaient bannis de la salle de séance. Malheureusement, ces mesures n'ont manifestement pas pu empêcher certaines indiscrétions. En conséquence, les CdG ont déposé une plainte
pénale contre inconnu.

Le présent rapport se fonde sur des informations tirées des différentes auditions, des documents reçus par le groupe de travail, de la veille médiatique et de l'avis de droit du prof. Giovanni Biaggini. Il contient une définition plus précise de la notion d'indiscrétion ainsi que des explications sur la distinction entre l'enquête et la procédure pénale (chap. 2), des informations tirées de l'analyse des rapports des médias et des courriels (chap. 3), une description de la façon dont le Conseil fédéral a géré les indiscrétions et de l'incidence de ces dernières sur le travail du collège gouvernemental (chap. 4), une présentation de la façon dont le DFI et les autres départements ont géré les indiscrétions liées au COVID-19 et des mesures qu'ils ont prises à cet effet (chap. 5) et, enfin, les principales conclusions et les recommandations des commissions (chap. 6).

5 6

Cf. liste en annexe.

Giovanni Biaggini, Gutachterliche Abklärungen im Hinblick auf die Inspektion «Indiskretionen im Zusammenhang mit Covid-19-Geschäften des Bundesrates» du 30.9.2023 (ci-après: Biaggini, 2023) [uniquement en allemand].

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Indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral

2.1

Définition et cadre légal

Il n'existe aucune définition légale de la notion d'indiscrétion. Toutefois, on peut la définir à la lumière de la définition légale de la violation du secret de fonction.

Selon l'art. 320 du code pénal7, quiconque révèle un secret à lui confié en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il a eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi ou en tant qu'auxiliaire d'une autorité ou d'un fonctionnaire, commet une violation du secret de fonction. La révélation n'est pas punissable si elle est faite avec le consentement écrit de l'autorité supérieure. La violation du secret de fonction est une infraction poursuivie d'office. Elle a été déclarée punissable afin de garantir le fonctionnement de l'administration de l'État8. Un secret est un fait connu uniquement d'un nombre restreint de personnes et dont le détenteur ou la détentrice a un intérêt légitime à son maintien9.

Étant donné que la violation du secret de fonction est une notion de droit pénal, elle ne sera pas utilisée dans le présent rapport; en lieu et place, les CdG parleront d'indiscrétion. Pour son enquête, le groupe de travail s'est doté de sa propre définition d'une indiscrétion, laquelle englobe moins d'éléments que la définition de la violation du secret de fonction: La transmission à des personnes non autorisées, notamment à des journalistes, d'informations qui, en raison de leur classification, n'étaient pas destinées au public au moment de la transmission10, voire qui auraient dû rester confidentielles.

Les CdG se sont particulièrement intéressées aux indiscrétions matérielles qui, par exemple, ont fait l'objet d'articles de presse les 1411 et 2112 janvier 2023. La définition retenue par le groupe de travail devait permettre de ne pas mettre au centre des investigations des CdG les indiscrétions concernant le moment où le Conseil fédéral devait se pencher sur un objet en particulier, par exemple. En outre, le mandat que les CdG ont confié au groupe de travail a limité l'objet de l'enquête aux indiscrétions ayant un lien avec les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19.

7 8 9 10 11 12

Code pénal suisse du 21.12.1937 (CP; RS 311.0).

Oberholzer Niklaus, Art. 320 StGB, paragraphes 1 et 5, dans: Niggli Marcel Alexander, Wiprächtiger Hans (éd.), Basler Kommentar Strafrecht, 4e éd., 2019.

Oberholzer Niklaus, Art. 320 StGB, paragraphe 8, dans: Niggli Marcel Alexander, Wiprächtiger Hans (éd.), Basler Kommentar Strafrecht, 4e éd., 2019.

Il s'agit notamment de la transmission d'informations concernant des mesures sur lesquelles le Conseil fédéral n'a pas encore pris de décision.

Schweiz am Wochenende AZ du 14.1.2023, «Berset und der Blick: die geheimen Corona-Protokolle».

Schweiz am Wochenende AZ du 21.1.2023, «Das grosse Misstrauen» et «Wegen Leaks: Interne Prüfung bei Ringier».

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La définition choisie par le groupe de travail diffère de celle qui a été retenue dans le rapport du groupe de travail «Indiscrétions / Bases légales» de l'administration fédérale13, qui s'inspire fortement de la définition de la violation du secret de fonction: L'indiscrétion est une notion de nature non pas juridique, mais politique. De manière générale, elle désigne une violation du secret de fonction commise pour faire parvenir des informations à des journalistes de sorte que ceux-ci puissent les utiliser à des fins de publication14 [traduction].

La définition du groupe de travail des CdG se distingue de la définition reproduite cidessus parce qu'il s'agit en premier lieu, en l'espèce, du fonctionnement du Conseil fédéral et de la relation de confiance entre ses membres.

2.2

Délimitation par rapport aux procédures pénales

L'enquête des CdG qui fait l'objet du présent rapport constitue, en quelque sorte, le traitement du volet politique des indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 du point de vue de la haute surveillance parlementaire. Cela signifie notamment que l'enquête n'est pas une procédure pénale. Les commissions de surveillance ne sont pas des organes des autorités de poursuite pénale et n'ont aucun pouvoir en la matière. Conformément à la pratique des CdG, celles-ci n'examinent généralement pas des thèmes qui font l'objet de procédures pénales en cours.

Toutefois, les faits concernés par les procédures pénales qui étaient en cours au début de l'enquête ­ et par celles qui l'étaient encore lorsque ce rapport a été publié ­ revêtent en l'espèce une importance certaine sur le plan institutionnel: les indiscrétions présumées pourraient avoir influencé la façon de travailler et le fonctionnement de l'autorité exécutive suprême de la Suisse. C'est pourquoi les CdG ont décidé, le 24 janvier 2023, de se pencher sur la question, en tenant compte explicitement du principe de la séparation des pouvoirs.

Les commissions sont conscientes que les intérêts des procédures pénales en cours et ceux de l'exercice de la haute surveillance sont en concurrence. Cette difficulté découle directement de la Constitution. D'une part, celle-ci confère à l'Assemblée fédérale la compétence d'exercer la haute surveillance sur le Conseil fédéral, l'administration fédérale, les tribunaux fédéraux et les autres organes ou personnes auxquels sont confiées des tâches de la Confédération (art. 169 de la Constitution)15. Ces compétences ont été précisées aux art. 153 ss LParl. D'autre part, la Constitution prévoit également la protection du but de l'instruction (intérêts de la poursuite pénale) et le bon fonctionnement des autorités de poursuite pénale; ces deux éléments revêtent un

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14 15

Rapport du groupe de travail «Indiscrétions / Bases légales» du 31.5.2022 (complété en décembre 2022) «Rechtsgrundlagen zur Verfolgung von Indiskretionen im Zusammenhang mit Bundesratsgeschäften: Mögliche Massnahmen zur Erhöhung des Ermittlungserfolg» (CONFIDENTIEL, non public; ci-après rapport du groupe de travail Indiscrétions / Bases légales). Ce groupe de travail était composé de représentantes et représentants de la ChF, du MPC et de l'Office fédéral de la justice (OFJ).

Rapport du groupe de travail Indiscrétions / Bases légales, p. 2.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (Cst.; RS 101).

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intérêt public majeur au sens de l'art. 5 Cst16. Il convient de résoudre (ou d'atténuer) le problème de la concurrence entre les différents intérêts constitutionnels en procédant à une interprétation du droit à l'information des CdG (art. 153 ss LParl) conforme à la Constitution17.

Eu égard aux faits qui font l'objet de leur enquête, les CdG ont chargé le prof. Giovanni Biaggini de leur présenter un nouvel avis qui permettrait de clarifier les questions ci-après18: ­

L'une ou l'autre conclusion de l'avis de droit de 2008 a-t-elle fondamentalement changé (en tenant compte en particulier du droit à l'information des CdG)?

­

Les CdG peuvent-elles faire valoir leur droit à l'information s'agissant des documents provenant de la procédure pénale qui a été menée par le procureur fédéral extraordinaire Peter Marti? Quid des pièces placées sous scellés et quelles sont les restrictions en la matière19?

­

Les commissions sont-elles autorisées à analyser des informations tirées d'une messagerie électronique privée s'il s'agit d'affaires de nature professionnelle, et quelles conditions y a-t-il lieu de prendre en considération?

Selon ce nouvel avis de droit, les commissions ont globalement le droit d'obtenir toutes les informations utiles, y compris celles qui émanent de la procédure pénale.

Ce droit concerne aussi la messagerie électronique privée de l'ancien chef de la communication du DFI (art. 153, al. 2, LParl.). À lui seul, le fait d'analyser des documents ne saurait aller à l'encontre de l'intérêt de la poursuite pénale ni en entraver le bon fonctionnement. En outre, les membres des commissions sont tenus d'observer le secret de fonction dans l'exercice de leur mandat parlementaire (art. 8 LParl). La question de la portée du droit à l'information des CdG ne se pose donc pas dans un rapport interne, c'est-à-dire dans le cadre des travaux du groupe de travail et des commissions.

La concurrence entre l'intérêt constitutionnel de l'exercice de la haute surveillance parlementaire, d'une part, et l'intérêt de la poursuite pénale (préservation du but de l'enquête) et de son bon fonctionnement, d'autre part, n'entre en jeu que lorsqu'il s'agit d'utiliser en externe les informations obtenues (par exemple de les publier dans un rapport). En outre, il faut tenir compte de la protection de la personnalité ­ garantie par la Constitution ­ des personnes concernées par la procédure pénale et notamment de la présomption d'innocence20. Il incombe aux CdG de procéder à l'exercice (parfois difficile) qui consiste à délimiter son enquête par rapport aux procédures pénales 16

17

18 19 20

Giovanni Biaggini, Droit à l'information des Commissions de gestion des Chambres fédérales dans le cadre d'une poursuite pénale du point de vue constitutionnel, avis de droit du 5.6.2008 sur mandat de la Commission de gestion du Conseil national (ci-après Biaggini, 2008), p. 22.

Biaggini, 2008, p. 34: selon Biaggini, il ne faut pas approuver à la légère une limitation du bon fonctionnement de la poursuite pénale; on peut imaginer que certains cas justifient le retrait du droit à l'information des commissions afin d'éviter de menacer, voire de faire échouer une enquête en cours.

Les questions sont reportées de manière sommaire dans le présent rapport; elles peuvent être tirées de façon plus détaillée de l'avis de droit publié.

Le groupe de travail n'a à aucun moment demandé de consulter les pièces sous scellés.

Biaggini, 2023. Vu que cet avis est lui aussi publié, les CdG ne le présentent pas en détail dans le présent rapport.

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en cours, en gardant par exemple à l'esprit que le principe de la proportionnalité joue un rôle important21.

Enfin, l'avis de droit estime que les conclusions de l'enquête commandée par le Département fédéral des finances (DFF) concernant la remise, par l'OFIT, des courriels au procureur fédéral extraordinaire ­ conclusions selon lesquelles cette remise n'était pas conforme au droit ­ ont une portée limitée pour l'enquête des CdG et n'empêchent pas ces dernières de prendre en considération et d'utiliser les courriels si les informations concernées sont utiles22.

Dans le présent rapport, les commissions ont pesé ces intérêts soigneusement et conformément à la Constitution, de sorte que leurs déclarations, considérations et recommandations n'entrent pas en contradiction avec les différents intérêts garantis par la Constitution (fonctionnement de la poursuite pénale, intérêt de la poursuite pénale et protection de la personnalité).

Enfin, les CdG soulignent que les poursuites pénales menées par le procureur fédéral extraordinaire Peter Marti pour violation du secret de fonction dans les affaires Crypto et COVID-19 ne font pas l'objet du présent rapport. S'agissant de la surveillance des procureurs fédéraux extraordinaires institués par l'AS-MPC, il y a lieu de préciser que la CdG-N a décidé en juin 2023, dans un autre contexte, de déposer un postulat à ce sujet23 (23.3963). En dépit de la proposition de rejet du Conseil fédéral, le Conseil national a adopté ce postulat le 27 septembre 2023, par 158 voix contre 0 et 1 abstention, et l'a transmis au Conseil fédéral.

3

Indiscrétions pendant la pandémie de COVID-19

Comme elles l'ont indiqué en introduction, les CdG souhaitaient déterminer aussi précisément que possible, lors de leur inspection, quelles indiscrétions ont été commises concernant les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19, qui en était à l'origine, qui étaient les destinataires et qui était au courant de ces indiscrétions.

Pour répondre à ces questions, le groupe de travail a analysé les articles de presse, les courriels pertinents liés à la période sous revue et les différentes auditions.

3.1

Veille médiatique

3.1.1

Méthodologie

Le Conseil fédéral a indiqué avoir traité, entre février 2020 et juin 2022, presque 900 affaires ou notes d'information relatives au COVID-19; par ailleurs, selon une étude de l'Université de Lucerne, plus d'un demi-million d'articles à ce sujet sont 21 22 23

Biaggini, 2023, p. 16.

Biaggini, 2023, p. 39.

Postulat 23.3963 «Surveillance exercée sur les procureures et procureurs extraordinaires de la Confédération nommés par l'AS-MPC». Les sous-commissions Tribunaux/MPC des CdG traiteront les éventuelles questions supplémentaires liées à l'AS-MPC et aux procureures et procureurs fédéraux extraordinaires nommés par elle.

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parus dans les médias suisses-alémaniques et romands rien que du début 2020 à la moitié de l'année 202124. En conséquence, il a été impossible d'effectuer une veille médiatique exhaustive.

Pour ces raisons, le groupe de travail a décidé de restreindre sa veille médiatique aux publications relatives aux séances du Conseil fédéral ayant donné lieu à des indiscrétions présumées et de se concentrer sur une sélection représentative de titres de la presse écrite25. Afin de disposer d'une base de travail, il a demandé au Conseil fédéral de lui fournir une liste de toutes ses affaires relatives au COVID-19 qui ont fait l'objet d'indiscrétions présumées avant ou après avoir été inscrites à l'ordre du jour d'une séance. Parallèlement, le groupe de travail a défini une sélection représentative de titres de la presse écrite dont il y avait lieu d'examiner attentivement les articles avec le concours de la Bibliothèque du Parlement. Il a finalement retenu 24 titres de presse (quotidiens, hebdomadaires, journaux du dimanche, titres individuels ou faisant partie de grands groupes de presse), dont tous les titres d'importance nationale des différentes régions linguistiques26. L'objectif était de garantir que la veille médiatique couvre la majeure partie des articles de la presse écrite fondés sur des indiscrétions.

Sur mandat du groupe de travail, la Bibliothèque du Parlement a ensuite constitué une revue de presse pour chaque affaire ou séance du Conseil fédéral concernée par des indiscrétions présumées.27 Cette revue de presse a ensuite été passée au crible. Les articles ont été analysés sur la base des critères suivants:

24

25

26 27

28

­

Moment de la publication: l'article est-il paru avant ou après la séance du Conseil fédéral, ou plus précisément avant ou après la communication officielle des décisions du Conseil fédéral?

­

Contenu de la publication: l'article donne-t-il des informations sur des mesures en cours de discussion au sein du Conseil fédéral (y compris sur des propositions et sur des informations ou documents y afférents)28 ou fait-il (également) état de la prise de décision du Conseil fédéral (en particulier: contient-il des informations sur la discussion qui a eu lieu au Conseil fédéral, sur les positions des différents membres, sur des corapports)?

­

«Qualification»: l'article contient-il clairement ou très probablement des informations qui découlent d'indiscrétions? C'est notamment le cas lorsqu'un Ort Alexander, Rohrbach Tobias, Diviani Nicola und Rubinelli Sara (2023): Covering the Crisis: Evolution of Key Topics and Actors in COVID-19 News Coverage in Switzerland. In: International Journal of Public Health 67:1605240.

Le groupe de travail est conscient que des indiscrétions ont également été diffusées à la radio, à la télévision et dans les médias sociaux, mais il est parti du principe que ces mêmes indiscrétions ont généralement été reprises ou également diffusées dans la presse écrite. Pour cette raison, et parce qu'il n'aurait guère été possible d'examiner les émissions radiophoniques et télévisuelles ainsi que les publications dans les médias sociaux, il a renoncé à le faire.

Voir annexe 2.

La bibliothèque du Parlement a mis l'accent sur les 24 titres sélectionnés (voir ci-dessus).

Mais dans la revue de presse, des articles d'autres médias ont également été repris et ensuite évalués.

Le 20.1.2021, le Conseil fédéral a décidé de publier lui-même les documents relatifs à la consultation des cantons (cf. chap. 4.1.2 et 5.1.1).

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article contient des informations concernant la discussion au sein du Conseil fédéral ou reprend mot pour mot des (parties de) propositions, de corapports ou de notes de discussion.

­

Source de l'indiscrétion: peut-on déduire de l'article d'où viennent les informations (confidentielles)? (Si oui, la source est-elle nommée?)

Le groupe de travail est convaincu que cette méthodologie lui a permis d'avoir une bonne vue d'ensemble de la problématique et de tirer des conclusions édifiantes, même si elle ne pouvait pas remplir l'objectif d'exhaustivité.

3.1.2

Résultats

Le Conseil fédéral a fait état de 65 affaires et de 50 séances concernées par des indiscrétions présumées. Parmi les titres de presse sélectionnés, la Bibliothèque du Parlement a trouvé plus de 500 articles relatifs à ces affaires ou séances, dont quelque 200 contenaient des informations qui découlaient clairement ou probablement d'indiscrétions, en particulier des informations sur des propositions et des mesures prévues avant que celles-ci fassent l'objet d'une communication officielle, mais aussi des informations sur des corapports et sur des prises de décision du Conseil fédéral.

L'analyse détaillée des articles trouvés donne les résultats suivants: ­

Sur 38 des 50 séances pour lesquelles le Conseil fédéral a soupçonné des , ce soupçon était avéré avec certitude ou grande probabilité. À l'inverse, pour 12 séances, aucun article reposant clairement ou très probablement sur des indiscrétions n'a été trouvé dans les titres de presse sélectionnés.

­

La plupart des indiscrétions concernaient des propositions ou des projets de mesures visant à gérer la pandémie, y compris les modifications d'ordonnance requises. Souvent, les articles concernés paraissaient la veille ou le jour de la séance du Conseil fédéral, parfois quelques jours plus tôt.

La première année de la pandémie, de février 2020 à janvier 2021, le Conseil fédéral n'a pris des décisions et informé le public qu'après une consultation externe. Dans ce cadre, il a impliqué les cantons, mais aussi parfois des associations, des groupes d'intérêt ou même les partis politiques. En conséquence, les informations relatives aux mesures discutées par le Conseil fédéral étaient chaque fois connues d'un grand nombre de personnes, alors même qu'elles étaient soumises au secret de fonction. Plusieurs personnes auditionnées par le groupe de travail ont supposé que de nombreuses indiscrétions découlaient de ces consultations. Pour cette raison, le Conseil fédéral a décidé, le 20 janvier 2021, de publier lui-même les documents lorsqu'il les mettait en consultation auprès des cantons (cf. chap. 4.1.2). Cependant, même après ce changement de procédure, des indiscrétions ont continué d'être commises concernant des mesures prévues: elles concernaient désormais des propositions sur lesquelles le Conseil fédéral se penchait en vue de les soumettre aux cantons.

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Exemples Couverture médiatique concernant la séance du Conseil fédéral du 8.9.2021:29 ­ SonntagsZeitung, 5.9.: Nun also doch: Am Mittwoch wird der Bundesrat beschliessen, den Anwendungsbereich des Covid-Zertifikats auszuweiten. Gesundheitsminister Alain Berset hat am Freitag beim Treffen mit den Spitzen der Bundesratsparteien SVP, FDP und Die Mitte diesen Schritt in Aussicht gestellt, wie mehrere Quellen bestätigen.

­ Blick, 8.9.: Und jetzt dürfte es schnell gehen: Hatte Gesundheitsminister Alain Berset (49) vergangene Woche mit der Ausdehnung der Covid-Zertifikatspflicht noch gezögert, soll es nun bereits ab Montag so weit sein, wie Blick.ch publik machte. Berset hat einen entsprechenden Antrag eingebracht, über den der Gesamtbundesrat heute entscheidet.

­ Le Temps, 8.9.: Selon plusieurs sources concordantes qui confirment les informations du Blick, le ministre de la Santé propose ce mercredi à ses collègues d'étendre dès lundi prochain le passeport sanitaire à plusieurs lieux clos: [...]

­ NZZ, 8.9.: Gesundheitsminister Alain Berset beantragt seinen Bundesratskollegen an diesem Mittwoch, die angekündigte Ausweitung der Zertifikatspflicht Anfang Woche in Kraft zu setzen.

­ Tages-Anzeiger, 8.9.: Der Bundesrat wird den Antrag am Mittwoch beraten.

In Kraft setzen will Berset die neue Massnahme am nächsten Montag, 13. September. Er begründet sein Umdenken laut zuverlässigen Informationen mit der sehr angespannten Situation auf den Intensivpflegestationen, [...] Die Grundzüge der neuen Massnahmen sind bereits bekannt, seitdem der Bundesrat sie vor zwei Wochen in eine Konsultation geschickt hat. In mehreren Punkten hat Berset die Vorlage jedoch angepasst und präzisiert: [...]

­ Tages-Anzeiger, 9.9.: Ohne Widerspruch gingen die Vorschläge aus dem Departement von Gesundheitsminister Alain Berset nicht durch. Die SVPVertreter Ueli Maurer und Guy Parmelin blieben in der Bundesratssitzung mit Blick auf ihre Verantwortungsbereiche ­ Finanzen und Wirtschaft ­ bei ihrer ablehnenden Haltung zum Zertifikat, wie bundesratsnahe Kreise berichten.

Auch andere Departemente äusserten demnach in vertraulichen Mitberichten oder direkt in der Sitzung Kritik, wobei sich diese eher auf Detailfragen in der Ausgestaltung der Zertifikatspflicht bezog.

29

Dans le cadre de la consultation de l'administration, le chef du DFI a indiqué que les articles mentionnés ci-après, en particulier celui de la SonntagsZeitung du 5.9.2020, n'étaient pas fondés sur des indiscrétions commises par l'administration. Il a expliqué que, le 3.9.2020, le Conseil fédéral avait rencontré une délégation des partis représentés au Conseil fédéral et l'avait délibérément mise au courant de ses considérations. Selon le chef du DFI, un participant ou une participante à la discussion a ensuite confirmé à la SonntagsZeitung les informations reçues dans ce cadre-là.

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­

En outre, une cinquantaine d'articles contenaient des informations sur la prise de décision au sein du Conseil fédéral, en particulier sur des corapports et leur contenu, sur le déroulement et le contenu des discussions au Conseil fédéral et sur la position des différents membres du Conseil fédéral. Étant donné que seul un nombre restreint de personnes avaient accès à ces informations, le nombre de personnes susceptibles de les transmettre (à d'autres personnes internes ou externes à l'administration fédérale) était réduit. En outre, seules les personnes ayant participé aux séances, c'est-à-dire les sept membres du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération et les deux vice-chanceliers, connaissaient le contenu et les discussions. Il est intéressant de noter que les articles renvoyant à des corapports paraissaient souvent la veille (en ligne) ou le jour même de la séance; or, il faut savoir que les corapports ne sont déposés que peu de temps avant une séance (en règle générale la veille jusqu'à 14 heures ou 18 heures dans des cas exceptionnels; pendant la pandémie de COVID-19, des délais encore plus brefs étaient parfois appliqués), puis distribués aux autres départements.

Exemples Couverture médiatique concernant la séance du Conseil fédéral du 11.12.2020: ­ Blick, 11.12.30: Doch trotz massiver Kritik versucht SP-Gesundheitsminister Alain Berset (48) die harte Linie zu halten, heisst es in Bundesbern. Verwässere man die Vorschläge zu stark, drohe zwischen Weihnachten und Neujahr eine epidemiologische Katastrophe. Das sehen nicht alle so. So soll Karin Keller-Sutter (56) einen kritischen Mitbericht verfasst haben ­ und Ueli Maurer (70) ist ohnehin skeptisch.

Couverture médiatique concernant la séance du Conseil fédéral du 11.8.2021: ­ Tages-Anzeiger, 11.8.31: Nun ist es aber ein SVP-Bundesrat, der den Druck auf Ungeimpfte erhöhen will: Laut mehreren bundesratsnahen Quellen hat SVP-Bundesrat und Finanzminister Ueli Maurer einen entsprechenden Mitbericht verfasst. Er fordert das Ende der Gratistests.

­

30 31 32

Si l'on considère les titres dans lesquels les articles reposant sur des indiscrétions sont parus, on constate que les journaux alémaniques sont surreprésentés par rapport à ceux de la Suisse romande et du Tessin32. L'analyse montre en outre que certains titres ­ plus précisément les journaux des groupes Ringier (Blick et SonntagsBlick) et Tamedia (Tages-Anzeiger et SonntagsZeitung) ­ disposaient plus souvent que d'autres titres d'informations confidentielles (60 articles pour chacun des quatre titres précités). Ces deux groupes sont L'article est paru avant la séance du Conseil fédéral et fait référence à un corapport.

Cf. note de bas de page 30.

Il y a lieu de noter que la diversité de quotidiens et de journaux dominicaux est beaucoup plus importante en Suisse alémanique que dans les régions latines; partant, la sélection effectuée par le groupe de travail contenait aussi bien plus de titres germanophones que de titres francophones ou italophones.

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ceux qui assurent la plus grande couverture médiatique du pays et disposent par conséquent du plus grand nombre de journalistes à Berne. Dans certains cas, ils étaient les premiers à publier des projets de mesures ou des contenus de propositions ou de corapports. Cela s'est manifesté par le fait que d'autres journaux ont ensuite explicitement fait référence à ces premières publications dans leurs propres articles. Par ailleurs, NZZ et NZZ am Sonntag (28) et Aargauer Zeitung (17) ont publié un nombre d'articles reposant sur des indiscrétions supérieures à la moyenne, quoique dans une bien moindre mesure que les titres précités. Dans les titres francophones, Le Temps et 24 Heures ont chacun publié 6 articles fondés sur des indiscrétions; le nombre était encore plus bas dans les titres italophones. Dans certains cas, des titres plus modestes, comme Nebelspalter, ont été les premiers à diffuser des informations qui semblaient provenir d'indiscrétions.

Exemples Couverture médiatique concernant la séance du Conseil fédéral du 28.10.2020: ­ Blick, 24.10.: Der Bundesrat will aber erst am Mittwoch über weitere Massnahmen entscheiden. Er hat nun einen Entwurf an die Kantone verschickt. Dieser liegt BLICK vor. Das sind die wichtigsten Punkte: [...]

­ NZZ am Sonntag, 25.10.: An diesem Wochenende legt er ihnen eine Reihe von drastischen Massnahmen vor, wie der «Blick» schreibt. Mehrere Quellen bestätigen diese auch gegenüber der «NZZ am Sonntag».

­ 24 Heures, 27.10.: Le Conseil fédéral attend mercredi pour annoncer d'éventuelles nouvelles mesures. Selon les informations de «Blick», le ministre de la Santé Alain Berset plaiderait pour un port du masque généralisé en extérieur.

«Chaque personne doit porter un masque facial dans l'espace public des zones habitées», aurait-il proposé aux Cantons, selon le journal alémanique.

­ Blick, 29.10.: Die Bundesratssitzung dauerte ungewöhnlich lange. Schon im Vorfeld war der Ton gehässig. Berset hatte eine ganze Reihe an Mitberichten erhalten. Parmelin und SVP-Finanzminister Ueli Maurer (69) hätten Bersets Vorschläge zerzaust, heisst es aus Bundesbern. Ihre Mitberichte seien «ungewohnt scharf» formuliert gewesen ­ sie hätten Berset «lausige Arbeit» vorgeworfen. CVP-Bundesrätin Viola Amherd (58) wiederum setzte sich für noch strengere Massnahmen ein. Auch die ausschlaggebenden
Freisinnigen Karin Keller-Sutter (56) und Ignazio Cassis (59) stützten Bersets Stossrichtung. Ihr Ziel: einen zweiten Lockdown mit Betriebsschliessungen und damit noch schlimmeren wirtschaftlichen Folgen verhindern. Cassis verzichtete sogar bewusst auf einen Mitbericht, weil er das Hickhack im Bundesrat nicht befeuern wollte.

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Couverture médiatique concernant la séance du Conseil fédéral du 10.12.2021: ­ Nebelspalter, 8.12.: «Angesichts der Subsidiaritätskriterien, die der Bundesrat beim zweiten Corona-Einsatz festgelegt hat, halten wir es für wenig wahrscheinlich, dass das Unterstützungsgesuch dem Jura bewilligt wird. In der Tat ist die Subsidiarität in diesem Stadium nicht erfüllt», steht in einer internen Korrespondenz von VBS-Kaderbeamten, die dem «Nebelspalter» vorliegt. Die Berichte aus dem VBS zeigen, dass ... Das Gesuch wird nun trotzdem bewilligt.

Berset sei über die «Anfrage aus dem Jura informiert worden» und «würde einen Einsatz der Armee befürworten», steht in einem internen Schreiben.

­

Globalement, la veille médiatique ne permet pas de déduire clairement la source et l'origine des indiscrétions ni d'identifier d'éventuelles personnes qui étaient au courant des indiscrétions: les articles analysés ne précisaient évidemment pas d'où les informations étaient obtenues (protection des sources).

Les informations contenues dans certains articles pourraient avoir été données par des cantons ou des associations qui avaient été consultés; c'est ce que pensent certaines personnes auditionnées. Dans d'autres articles, il est question de sources «bien informées» ou «proches du gouvernement», ou de «l'entourage» de membres du Conseil fédéral. C'est en particulier lorsqu'elles concernaient les prises de décision du Conseil fédéral que les informations provenaient de l'entourage des membres du gouvernement ou du chancelier de la Confédération.

Exemples Couverture médiatique concernant la séance du Conseil fédéral du 13.1.2021: ­ Neue Zürcher Zeitung, 12.1.: Der Bundesrat hat den Kantonen weitergehende Massnahmen vorgeschlagen, die er ergreifen will, falls sich in der CoronaPandemie die Lage verschlechtert. [...] Ein Teil der Regierungen, unter anderem diejenige des Kantons Zürich, will seine Rückmeldung nicht vor Mittwoch offenlegen. Zehn Kantone haben jedoch auf Anfrage Einblick gewährt, [...]

­ 20 Minutes, 13.1.: Parmi elles, la fermeture des magasins ne vendant pas de biens de consommation courante, la limitation des rassemblements à dix personnes et le télétravail qui deviendrait obligatoire autant que possible, a rappelé hier le «Tages-Anzeiger». Le Canton du Valais nous a transmis sa réponse à la consultation de la Confédération. [...]

­ Tages-Anzeiger, 13.1.: So jedenfalls ist ein Mail zu verstehen, welches das Innendepartement von Bundesrat Alain Berset am Montagabend an die anderen Departemente geschickt hat: Die hoch ansteckende britische Variante des Virus macht sich in der Schweiz breit, [...] Berset beantragt darum «klar», alle Verschärfungen, die vergangene Woche zur Stellungnahme an die Kantone gingen, «voll» und innert der nächsten Tage durchzusetzen, wie eine Person aus dem Umfeld des Bundesrats sagt. Mehrere Quellen bestätigen die Infor-

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mation. [...] Das Wirtschaftsdepartement und das Finanzdepartement von Bundesrat Ueli Maurer sehen aber noch bürokratische Hindernisse: [...] Aus den Departementen mit linkerer Spitze hingegen heisst es, jetzt mit einer Verschärfung zuzuwarten, vergrössere das Problem nur.

­ Neue Zürcher Zeitung, 14.1.: Die Verschärfung ist dem Vernehmen nach auf Bundesrätin Karin Keller-Sutter (fdp.) zurückzuführen. [...] Laut mehreren Quellen hat sich lediglich ein Bundesrat dieser Strategie entschlossen in den Weg gestellt: Ueli Maurer (svp.), der Finanzminister. Aus seiner Sicht lässt sich das Gremium von Angst treiben. Maurer hat einen Mitbericht verfasst, der in der Verwaltung zu reden gab: [...] Gegen diese hatte sich neben Maurer auch Wirtschaftsminister Parmelin ausgesprochen, an der Sitzung soll er aber eingelenkt haben. Von den zwei FDP-Vertretern sei kaum Opposition gekommen.

­ Tages-Anzeiger, 14.1.: Wie bundesratsnahe Kreise bestätigen, war es Finanzminister Ueli Maurer (SVP), der sich in einem Mitbericht gegen die Anträge Bersets ausgesprochen hatte. Maurers Antrag, auf neuerliche Verschärfungen zu verzichten, hatte im Bundesrat wegen der Angst vor dem neuen Virus keine Chance. Selbst Bundespräsident Parmelin, der Parteikollege Maurers, trug schliesslich die Verschärfungen mit.

­ Blick, 13.2.: Trotzdem verzichten Berset und sein Bundesamt für Gesundheit (BAG) auf eine Altersheimstrategie. Das geht auch aus einem Begleitschreiben zum Verschärfungspaket Mitte Januar hervor, das BLICK vorliegt. [...] Auch SVP-Bundesrat Ueli Maurer (71) konnte sich einen Seitenhieb gegen Berset nicht verkneifen. «Wir sind erstaunt, [...]», schrieb sein Generalsekretariat in der Ämterkonsultation. [...] Das Wirtschaftsdepartement von SVP-Bundespräsident Guy Parmelin (61) schlug in dieselbe Kerbe. Statt eines Laden-Lockdowns «favorisieren wir lieber konkrete Massnahmen im Bereich Alters- und Pflegeheime», schrieb es Mitte Januar. [...] Auch das Justizdepartement von FDP-Magistratin Karin Keller-Sutter (57) stellte sich kopfschüttelnd auf die Seite der beiden SVP-Mannen. Ihr Generalsekretariat bat das Innendepartement mit süffisantem Unterton, «darzulegen, warum der Bund hier auf rechtliche Vorgaben ­ zum Beispiel zur seriellen Testung des Pflegepersonals ­ verzichten sollte».

­

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L'analyse de la couverture médiatique révèle en outre une alternance de phases durant lesquelles presque chaque séance du Conseil fédéral a fait l'objet d'indiscrétions et de phases où moins d'indiscrétions ont été commises. Il n'est guère étonnant que les indiscrétions se soient avant tout produites lorsque la situation pandémique devenait critique et que des décisions difficiles devaient être prises. Il y a ainsi eu un nombre particulièrement élevé d'indiscrétions en mars-avril 2020, alors que des mesures drastiques étaient prises pour la première fois, que le confinement était décrété et que, parallèlement, un vaste programme d'aide économique était lancé. La deuxième phase caractérisée par de nombreuses indiscrétions s'est étendue de décembre 2020 à la fin janvier 2021, environ, lorsque la Suisse était touchée par la deuxième

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vague et que des mesures radicales ont de nouveau été envisagées puis prises (port du masque obligatoire, restrictions concernant les fêtes de fin d'année et le tourisme). Enfin, la troisième phase à avoir fait l'objet d'un grand nombre d'indiscrétions correspond à la période allant de septembre 2021 à février 2022, durant laquelle la situation épidémiologique s'est de nouveau détériorée: une nouvelle série de mesures a été envisagée, alors que la résistance aux mesures augmentait et que des assouplissements étaient réclamés avec plus d'insistance.

­

L'analyse ci-dessus illustre le fait que les indiscrétions ont surtout été commises lorsque le Conseil fédéral devait prendre des décisions délicates. Ainsi, s'agissant des affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19, la veille médiatique ne peut confirmer la supposition faite par certains chefs et cheffes de département selon laquelle la situation dépendait aussi de la présidente ou du président de la Confédération (plus précisément de leur façon de diriger les séances et de rappeler au collège gouvernemental la nécessité de faire preuve de collégialité et de respecter la confidentialité).

­

Enfin, il convient de noter que, pendant la pandémie de COVID-19, il y a aussi eu des articles qui ont dénoncé le nombre important d'indiscrétions et les problèmes qui pouvaient en découler.

Exemples ­ Le Temps, 10.12.2020: Depuis le début de la crise, on a pris l'habitude de prendre connaissance, par des fuites dans un quotidien alémanique, des restrictions envisagées par Alain Berset avant qu'elles ne soient formellement adoptées par le Conseil fédéral.

­ Aargauer Zeitung, 11.12.2020: Am letzten Freitag drückte sich das Gremium um diese Entscheidung. Die bürgerlichen Bundesräte wollten den Kantonen noch einmal eine Chance geben, um härtere Massnahmen zu beschliessen. [...]

Das Gremium diskutierte lange und intensiv, um einen Konsens zu finden. Um die Reihen wieder zu schliessen. Ob der Bundesrat die Öffentlichkeit informieren soll über die Vorschläge, war intern umstritten. [...] Die geplanten Regeln wären ohnehin an die Öffentlichkeit gelangt. Die Indiskretionen aus dem Bundesrat sind zum Merkmal dieser Krise geworden. «Bei so schwierigen Geschäften darf es das nicht geben», konstatierte alt Bundesrat Pascal Couchepin diese Woche in der NZZ. Die Indiskretionen würden Schlagzeilen und Unruhe bringen. Recht hat er. Nur sind die Kantone daran nicht ganz unschuldig. [...]

­ Nebelspalter, 23.9.2021: Marc Walder, Mitbesitzer des Ringier-Verlags, ist seit Jahren befreundet mit Alain Berset und hat jederzeit Zugang zum Gesundheitsminister. [...] Im Gegenzug werden die Ringier-Medien aufs zuverlässigste mit Interna aus dem Departement Berset versorgt. Die übrigen sechs Bundesräte müssen jeweils nur den Blick konsultieren, wenn sie wissen wollen, welche Anträge der Gesundheitsminister an der nächsten Bundesratssitzung stellen wird.

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3.1.3

Bilan (intermédiaire) de la veille médiatique

La veille médiatique montre clairement qu'il y a eu de nombreuses indiscrétions pendant la pandémie de COVID-19. Même si aucune comparaison n'a été effectuée avec les périodes antérieure et postérieure, on peut partir du principe que les indiscrétions étaient plus nombreuses qu'à l'accoutumée, vu que, pendant certaines phases, il n'y avait pratiquement aucune séance du Conseil fédéral qui ne donnait pas lieu à des indiscrétions. Les indiscrétions étaient particulièrement nombreuses lorsque la situation épidémiologique se détériorait et que le Conseil fédéral devait se prononcer sur des mesures plus ou moins drastiques (concrètement: lors de la première vague de la pandémie, en mars-avril 2020, lors de la deuxième vague, à l'hiver 2020/2021, et à partir de l'automne 2021, lorsqu'un deuxième hiver sous le signe du coronavirus s'annonçait).

En outre, il ressort clairement de cette analyse que certains titres, en particulier ceux de Ringier et de Tamedia (surtout Blick et Tages-Anzeiger), ont souvent été les premiers à publier des informations ­ dans tous les cas très détaillées ­ sur des décisions imminentes, sur des projets de mesures ou de propositions qui devaient être soumises au Conseil fédéral, mais aussi sur des informations internes au Conseil fédéral. Selon les CdG, il faut donc partir du principe que certains médias, ou leurs représentants et représentantes ou employés et employées, étaient souvent les destinataires des indiscrétions.

S'agissant de l'origine des indiscrétions, on peut constater qu'il est difficile d'identifier les sources. Pour les affaires du Conseil fédéral concernant des projets de mesures, le nombre de personnes potentiellement à l'origine d'indiscrétions était en outre très important, car ces mesures étaient discutées avec les cantons, les associations et les groupes d'intérêts, parfois même les partis politiques. Pour les indiscrétions relatives à des corapports, à des discussions au sein du Conseil fédéral et aux positions de ses membres, le nombre de personnes potentiellement à l'origine de fuites est généralement beaucoup plus restreint: outre les membres du gouvernement, le chancelier et les vice-chanceliers, seules les personnes de leur entourage professionnel devaient avoir accès à ces informations. Toutefois, vu que certaines informations sur les prises de
décision au Conseil fédéral étaient ensuite partagées avec d'autres personnes, en particulier lors des débriefings sur les séances du Conseil fédéral effectués au sein des départements et de la ChF, ce nombre a enflé. Sur ce point, on peut se demander dans quelle mesure il est nécessaire de transmettre des informations pour la mise en oeuvre des décisions et, le cas échéant, quelles informations doivent être transmises et sous quelle forme (cf. chap. 5.1.1 et 5.2 concernant les débriefings).

3.2

Analyse des courriels

Pour déterminer qui était à l'origine d'indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 et qui était au courant de ces indiscrétions, le groupe de travail a demandé qu'on lui remette, à des fins d'analyse, non seulement certains documents, mais aussi les courriels de l'ancien chef de la communication du DFI et ceux du chef du DFI. Vu que l'enquête n'a identifié aucun indice concret laissant 24 / 86

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penser que d'autres personnes (externes au DFI) avaient transmis des informations, l'analyse des courriels n'a pas été étendue à d'autres personnes. En effet, les documents que la haute surveillance se procure doivent être utiles à l'exercice de son mandat, considérant que le principe de la proportionnalité revêt une importance non négligeable. Fort de ces considérations, le groupe de travail a conclu qu'il aurait été disproportionné d'analyser les courriels d'autres personnes en l'absence de raisons concrètes.

Lors de son analyse des courriels de l'ancien chef de la communication du DFI et de ceux du chef du DFI, le groupe de travail a aussi tenu compte du principe de la proportionnalité. Les courriels demandés et analysés concernaient une période clairement limitée. En raison du départ de l'ancien chef de la communication du DFI de l'administration fédérale, les courriels remis par l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication (OFIT)33 au groupe de travail ne couvraient qu'une partie de la période sous revue (février 2020 ­ septembre 2021). Cela est dû au fait que les courriels de personnes ayant quitté l'administration fédérale sont généralement irréversiblement supprimés 135 jours après leur départ34.

Lors de l'analyse des courriels du chef du DFI, seuls les courriels adressés par et destinés à certaines personnes ont été demandés, et ce, uniquement pour la période sous revue. Pour prendre en considération la protection de la personnalité des personnes concernées, le groupe de travail a pris des mesures spécifiques de protection des informations35.

3.2.1

Analyse des courriels de l'ancien chef de la communication du DFI

Les CdG soulignent que leur enquête n'était pas dirigée contre l'ancien chef de la communication du DFI: elles ont respecté la répartition des compétences entre la haute 33

34

35

Après qu'il eut été révélé que l'OFIT avait remis trop de courriels de l'ancien chef de la communication du DFI au procureur fédéral extraordinaire Peter Marti, la cheffe du Département fédéral des finances (DFF), la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, a lancé une enquête informelle. Les conclusions de cette dernière étaient que la remise de l'intégralité de la messagerie électronique de l'ancien chef de la communication du DFI au procureur fédéral extraordinaire Peter Marti était contraire au droit. Le DFF n'a toutefois déposé aucune plainte pénale. Par la suite, l'OFIT a adapté sa pratique relative à la remise de courriels aux autorités de poursuite pénale.

Courriel de la ChF du 22.5.2023 à l'intention du groupe de travail (CONFIDENTIEL, non public). Le groupe de travail ne disposait que des courriels de la période pour laquelle l'OFIT avait fait une copie de sécurité lorsqu'il les avait remis au procureur fédéral extraordinaire Peter Marti lors de l'enquête de ce dernier. Un certificat spécifique était nécessaire pour lire les courriels chiffrés de l'ancien chef de la communication du DFI. Le groupe de travail a limité sa lecture aux courriels potentiellement utiles pour son enquête.

Les courriels de l'ancien chef de la communication ont été remis au groupe de travail le 30.3.2023 sur un disque dur protégé par un mot de passe. L'analyse de ce disque a été effectuée par une seule personne du secrétariat afin de restreindre le nombre de personnes informées. Les courriels du chef du DFI ont été remis au secrétariat le 8.6.2023 sur deux clefs USB protégées par des mots de passe, qui ont été rendues au DFI à la fin des travaux. Dans les deux cas, seuls les courriels utiles à l'enquête ont été remis aux membres du groupe de travail.

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surveillance et les autorités de poursuite pénale, s'assurant que leurs travaux n'entravaient pas la poursuite pénale en cours.

Elles ne reproduisent en principe pas, dans le présent rapport, les courriels de l'ancien chef de la communication du DFI, afin de garantir la protection de la personnalité, de ne pas entraver la procédure pénale et de respecter la présomption d'innocence garantie par la Constitution, tout en tenant compte du principe de la proportionnalité. Pour ces mêmes raisons, le rapport ne contient aucune information sur les expéditeurs et les destinataires lorsqu'il est question des sources. Quoi qu'il en soit, de nombreux courriels considérés comme problématiques par le groupe de travail avaient déjà trouvé un écho dans les médias et devraient donc être connus du public.

L'analyse des courriels de l'ancien chef de la communication du DFI a montré que celui-ci avait régulièrement transféré des courriels au contenu professionnel et confidentiel sur sa messagerie électronique privée. Le groupe de travail a donc décidé de se procurer ces courriels, plus précisément ceux de certains destinataires et expéditeurs, afin de tenir compte du principe de la proportionnalité. Il souhaitait savoir pourquoi l'ancien chef de la communication du DFI avait souvent envoyé des informations professionnelles et confidentielles à son adresse privée et à qui il avait éventuellement transmis ces informations depuis sa messagerie privée. Cette procédure devait lui permettre, du moins en partie, de répondre aux questions de l'enquête relatives à l'origine des indiscrétions et aux personnes qui étaient au courant.

Le groupe de travail a donc essayé d'obtenir de Swisscom les courriels privés de l'ancien chef de la communication du DFI. L'entreprise l'a informé, par lettre du 21 juillet 2023, qu'elle n'était pas en mesure de lui remettre les courriels demandés, la messagerie électronique concernée ayant été supprimée le 14 mai 202336. L'ancien chef de la communication du DFI a résilié le contrat avec Swisscom sept semaines après son audition par le groupe de travail, suite à quoi l'entreprise a supprimé les e-mails, conformément au contrat37.

Les courriels professionnels de l'ancien chef de la communication du DFI montrent qu'il y a eu de nombreux contacts, souvent directs, entre lui et le directeur de Ringier.
L'objet de ces échanges était souvent des informations sur des décisions que le Conseil fédéral était sur le point de prendre. Par exemple, l'ancien chef de la communication du DFI a remis au directeur de Ringier des (projets de) communiqués de presse ou l'en a informé avant que le Conseil fédéral ne prenne une décision à ce sujet (courriels des 27 et 28.4.2021, 23.6.2021, 26.5.2021 et 11.8.2021). Un projet de communiqué de presse fait partie intégrante de la documentation relative à une séance du Conseil fédéral: il est classifié en conséquence jusqu'à la décision du Conseil fédéral et ne doit pas être partagé hors du cercle des personnes qui y ont accès d'office. La ChF a confirmé cette règle38. Lors d'une conférence de presse, le communiqué est remis aux 36

37

38

C'est en raison des clarifications juridiques préalablement nécessaires que le groupe de travail a attendu un certain temps avant de demander à Swisscom les courriels privés de l'ancien chef de la communication du DFI.

Lettre de Swisscom du 21.7.2023 à l'intention du groupe de travail (CONFIDENTIEL, non public). À l'échéance d'un contrat portant sur une messagerie électronique, celle-ci est supprimée, de même que son contenu et les adresses électroniques. Un compte résilié ne peut pas être réactivé.

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 33 (CONFIDENTIEL, non public).

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journalistes accrédités avant la conférence, sous réserve d'un embargo, mais dans tous les cas après que le Conseil fédéral a pris sa décision39.

Il ressort également des courriels que l'ancien chef de la communication du DFI et le directeur de Ringier ont évoqué oralement des informations confidentielles (courriel du 11.8.2021). On peut déduire de certains courriels que des informations sur des affaires mises à l'ordre du jour de séances du Conseil fédéral ont été transmises et on y trouve aussi la proposition de s'entretenir à ce sujet (courriels des 2.3.2021 et 15.3.2021); on trouve également une appréciation personnelle des rapports de majorité au Conseil fédéral (courriel du 6.11.2020), ou on en déduit qu'il y a eu des entretiens lors desquels des informations confidentielles ont été partagées. La veille médiatique n'a mis au jour aucun indice de l'utilisation, dans les médias, des informations transmises par l'ancien chef de la communication du DFI au directeur de Ringier.

En outre, d'autres courriels envoyés par ou destinés à l'ancien chef de la communication du DFI laissent penser, selon les CdG, que les informations classifiées ou non publiques étaient traitées à la légère et qu'il n'était pas rare que des informations soient sciemment partagées avec des personnes extérieures ou des médias (par ex. courriel d'un collaborateur du SG-DFI à l'ancien chef de la communication du DFI du 14.12.2020: «wir sollten das leaken»; cette information concernait l'annexe d'une ordonnance du Conseil fédéral dont la mise à jour incombait au DFI après consultation du Département fédéral de justice et police (DFJP), du DFF et du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)40; il convient de noter que le groupe de travail n'a trouvé aucun élément indiquant que ce courriel ait été à l'origine d'une publication dans les médias)41.

Lors de l'audition de l'ancien chef de la communication du DFI, il lui a été demandé comment il définirait une indiscrétion liée aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19. Sa réponse a montré que sa conception ne correspondait pas aux prescriptions, notamment celles figurant dans l'ordonnance concernant la protection des informations42, ni aux lignes directrices de la Conférence des services d'information de la Confédération (CSIC). Selon lui, des renseignements pouvaient sans problème être 39 40

41

42

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 33 (CONFIDENTIEL, non public).

Ordonnance du Conseil fédéral du 2.7.2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) dans le domaine du transport international de voyageurs (Ordonnance COVID-19 mesures dans le domaine du transport international de voyageurs; RO 2020 2737), dont l'art. 3, al. 2, contenait la norme de délégation.

L'art. 41, al. 3, de la loi sur les épidémies (LEp; RS 818.101) confère la compétence au Conseil fédéral, plus précisément à l'Office fédéral de la santé publique.

Le chef du DFI a également indiqué au groupe de travail qu'il s'agissait en l'occurrence non pas d'une affaire du Conseil fédéral, mais d'une affaire du DFI. Il a fait remarquer que la modification de l'annexe était automatique et que, hormis la date de la signature, il n'était pas question d'un secret de fonction. Selon lui, l'expression «leaken» n'avait pas encore, en décembre 2020, la signification qu'elle a revêtue au fil de la pandémie et de la campagne de presse qui a commencé au début de l'année 2023. Et de conclure que, compte tenu de ces considérations et au terme d'un examen préliminaire approfondi du département, il ne voit aucun signe de reproches d'ordre pénal ou disciplinaire et n'engagera par conséquent pas d'autres démarches ni ne lancera une enquête disciplinaire.

Ordonnance du 4.7.2007 concernant la protection des informations de la Confédération (ordonnance concernant la protection des informations, OPrI; RS 510.411).

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partagés avec des journalistes afin de leur donner des informations contextuelles; de plus, la situation extraordinaire rendait nécessaire une information active43. Il a précisé qu'il lui incombait de préparer le terrain pour que la population accepte la voie médiane choisie par la Suisse pour gérer la pandémie. Même dans le contexte de la situation extraordinaire, le groupe de travail ne comprend pas cette façon de voir les choses. Il a également jugé intéressante la déclaration de l'ancien chef de la communication du DFI selon laquelle l'échange avec le directeur de Ringier était un échange normal44, ce qui a également suscité le scepticisme d'autres personnes auditionnées45.

Les lignes directrices de la CSIC mentionnent explicitement les informations sur le fond («Hintergrundgespräche» en allemand), dont elles disent qu'elles sont admises «dans la mesure où elles permettent de rendre l'information plus complète»46. D'après les renseignements fournis par la ChF, le partage d'informations sur le fond représente une sorte de conférence de presse de niveau technique47. Les lignes directrices de la CSIC disent clairement qu'elles ne portent pas sur l'information et la communication en situation de crise. Les CdG constatent que les prescriptions relatives au partage d'informations sur le fond sont formulées de manière peu, voire pas du tout précise dans les lignes directrices précitées et dans les instructions concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale48. Selon la ChF, les mêmes principes s'appliquent au partage d'informations sur le fond qu'à la communication ordinaire: il est en particulier interdit de fournir des informations sur le fond avant une décision du Conseil fédéral49.

Lors de son audition, le chef du DFI a jugé inadéquats certains des courriels que son ancien chef de la communication avait envoyés au directeur de Ringier; cependant, il a aussi estimé qu'on ne pouvait en déduire qu'il y avait eu des indiscrétions du DFI50 et a considéré que les informations transmises au préalable ­ du moins celles dont il avait connaissance ­ servaient plutôt à soigner les contacts51. Le chef du DFI a indiqué que la grande proximité entre son ancien chef de la communication et le directeur de Ringier avait peut-être entraîné une confiance excessive. Toutefois, il n'avait pas l'impression que les informations avaient été transmises au directeur de Ringier dans le but de les faire parvenir à une rédaction52.

43 44 45 46 47 48 49 50 51 52

Procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, pp. 13 s. et 20 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, p. 13 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, pp. 35 s. (CONFIDENTIEL, non public).

Lignes directrices de la Conférence des services d'information de la Confédération, Information et communication du Conseil fédéral et de l'administration fédérale, p. 7.

Lignes directrices de la Conférence des services d'information de la Confédération, Information et communication du Conseil fédéral et de l'administration fédérale, p. 7.

Instructions du Conseil fédéral du 21.6.2019 concernant la gestion des crises dans l'administration fédérale.

Courriel du porte-parole du Conseil fédéral au groupe de travail du 13.10.2023.

Procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, p. 23 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, p. 24 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, p. 29 (CONFIDENTIEL, non public).

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3.2.2

Analyse des courriels du chef du DFI et contacts avec le directeur de Ringier

Le groupe de travail a également analysé les courriels du président de la Confédération, Alain Berset, se limitant toutefois aux courriels envoyés par ou destinés au directeur de Ringier et à l'ancien chef de la communication du DFI et à d'autres courriels que le groupe de travail jugeait pertinents dans le contexte des indiscrétions. Le chef du DFI a remis au groupe de travail les courriels concernés, malgré des doutes

de nature juridique, politique et portant sur le respect de la proportionnalité et la protection de la personnalité. En raison de leur contenu sensible, diverses mesures de protection des informations ont été prises, d'entente avec le chef du DFI.

L'analyse des courriels de l'ancien chef de la communication du DFI et de ceux du chef du DFI n'a pas permis de conclure que le président de la Confédération connaissait le contenu concret des échanges entre l'ancien chef de la communication du DFI et le directeur de Ringier, ce qu'a d'ailleurs confirmé l'ancien chef de la communication du DFI au groupe de travail53. Toutefois, il faut tenir compte du fait que, selon les déclarations du chef du DFI et de l'ancien chef de la communication du DFI, leurs échanges étaient très intenses pendant cette période et se sont déroulés essentiellement par oral, notamment lors des briefings quotidiens54. Selon les informations fournies par les personnes du DFI auditionnées, des briefings avaient lieu quotidiennement; les discussions portaient notamment sur la revue de presse la plus récente et les indiscrétions étaient régulièrement abordées55. Outre le chef du DFI, ses deux collaborateurs personnels, le secrétaire général, les deux chefs de la communication et une personne représentant l'antichambre du chef du département participaient à ces briefings (cf. chap. 5.1)56.

Les divers courriels et auditions montrent toutefois clairement que le chef du DFI savait que son ancien chef de la communication et le directeur de Ringier étaient en contact. II a participé lui-même à quelques séances concernant des projets concrets qui sont détaillées plus loin57. Au dire de l'ancien chef de la communication du DFI, celui-ci a même été chargé une fois de transmettre à Marc Walder les salutations du chef du DFI58, ce qu'il a fait par courriel adressé au directeur de Ringier (courriel du 6.11.2020 à sa messagerie privée, adressé à Marc Walder).

Lors de ses deux auditions par le groupe de travail, le chef du DFI a expliqué avoir été ponctuellement en contact avec le directeur de Ringier; toutefois, il a précisé qu'il ne le considérait pas comme un journaliste, mais comme le directeur d'une entreprise 53 54 55

56 57 58

Procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, p. 18 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 26.6.2023, pp. 11 et 15 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 17.8.2023, p. 8 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, pp. 4 et 24 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, pp. 16 et 24 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 17.8.2023, p. 8 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, pp. 16 et 18 (CONFIDENTIEL, non public), divers courriels et inscriptions dans Outlook.

Procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, p. 18 (CONFIDENTIEL, non public), courriel du 6.11.2020 à une adresse privée avec l'adresse de Marc Walder. Autre présentation des faits par le président de la Confédération, Alain Berset, in: procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, p. 29 (CONFIDENTIEL, non public): Alain Berset ne s'en souvient pas.

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multinationale présente dans 19 pays59. Il a également précisé n'avoir jamais été particulièrement proche du directeur de Ringier ni eu une relation d'amitié avec lui, soulignant que les rencontres étaient purement professionnelles60. Il a précisé que ces contacts étaient réguliers pendant la pandémie, durant laquelle le directeur de Ringier a soumis différentes idées et projets. II s'est agi en particulier en automne et hiver 2020 d'une initiative de plusieurs CEO de grandes entreprises pour accompagner les conséquences psychiques de la pandémie et du télétravail sur le personnel. Cela a donné lieu à plusieurs projets, dont la journée «santé mentale» en décembre 2020. Au printemps et en été 2021, sous l'impulsion du directeur de Ringier, un groupe de grandes entreprises a mis sur pieds une campagne de vaccination dans les entreprises.

Le projet pilote, porté par la Confédération et le canton de Zurich, a été réalisé. Il y a eu également la proposition du directeur de Ringier d'envisager la mise à disposition de Ticket Corner pour l'organisation de la vaccination ou d'associer plus étroitement Digital Switzerland à l'élaboration du certificat.61 Selon les informations des CdG, le directeur Ringier a également cherché le contact avec d'autres membres du Conseil fédéral62.

Conformément à l'art. 153 en relation avec l'art. 156 LParl, le directeur de Ringier n'était pas tenu d'accepter d'être auditionné par le groupe de travail. Il a refusé une telle audition, se référant à la protection des sources prévue par le droit pénal que les journalistes peuvent faire valoir63. En se considérant comme journaliste, il a une autre conception que le chef du DFI, qui le considère plutôt comme le directeur d'une entreprise multinationale.

3.3

Déclarations des personnes auditionnées concernant les indiscrétions

Le chapitre ci-après vise à reproduire des informations reçues par le groupe de travail lors des différentes auditions et concernant d'éventuelles autres indiscrétions. En outre, le groupe de travail s'est demandé quelle était la motivation derrière chaque indiscrétion.

Fréquence et nature des indiscrétions La plupart des personnes auditionnées ont souligné la fréquence notable des indiscrétions pendant la période sous revue ­ elles ont évoqué des indiscrétions permanentes.

59 60 61 62 63

Procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, pp. 17 et 27 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.6.2023, p. 11 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, pp. 16 s. (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, pp. 17 et 27 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 26.6.2023, p. 15 (CONFIDENTIEL, non public).

Lettres de Marc Walder au groupe de travail du 4.5.2023 et du 16.6.2023 (CONFIDENTIEL, non public). Selon la doctrine, la protection des sources en droit pénal peut être invoquée non seulement par des journalistes, mais aussi par des auxiliaires tels que les éditeurs (Franz Zeller, Kommentar zu Art. 28a StGB Rz. 43, in: Niggli/Wiprächtiger, Basler Kommentar Strafrecht, 2019). En l'espèce, on ne peut répondre clairement à la question de savoir dans quelle mesure l'invocation de la protection des sources est effectivement valable, étant donné que M. Walder, conformément à la LParl, n'est pas tenu de faire des déclarations devant les CdG.

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Plusieurs d'entre elles ont relevé que, pendant la pandémie, les indiscrétions avaient en particulier augmenté avant les séances du Conseil fédéral et les corapports parvenaient très rapidement à des médias. Certaines personnes ont indiqué qu'il s'était parfois écoulé à peine une heure entre le dépôt de corapports et les questions de journalistes. Les indiscrétions portaient non seulement sur les corapports et les propositions, mais aussi, dans une certaine mesure, sur le contenu des discussions menées au sein du Conseil fédéral (cf. chap. 4.2).

Raisons possibles des indiscrétions ­ facteurs favorisant celles-ci Plusieurs personnes auditionnées ont souligné que les indiscrétions constituaient un instrument politique: on donne une information en espérant une contrepartie64. Selon ces personnes, le fait de citer des propos tenus pendant les séances du Conseil fédéral est une indiscrétion ciblée, qui vise soit à en tirer profit, soit à nuire à un membre du Conseil fédéral ou à le discréditer65. Une autre motivation a été évoquée: les indiscrétions commises en amont des séances du Conseil fédéral renforçaient la position du département compétent en l'occurrence, l'information préalable du public restreignant la marge de manoeuvre du collège gouvernemental66. Des personnes ont estimé que les indiscrétions relatives aux corapports des départements mis en minorité lors des votes pouvaient servir à rendre publiques des positions minoritaires, afin de montrer l'engagement porté contre des mesures rejetées par une partie de la population, ou encore pour mettre sous pression les porteurs des dossiers.

D'après plusieurs personnes auditionnées, les indiscrétions ont également été favorisées par la situation tendue qui a caractérisé la pandémie, surtout durant la deuxième vague. Selon l'une d'entre elles, l'ambiance était si électrique pendant cette deuxième vague que les indiscrétions intéressaient aussi bien les opposants aux mesures que leurs partisans67; à terme, c'est toute la population qui s'intéressait de près à la situation68. Plusieurs des personnes auditionnées ont en outre souligné qu'il arrivait qu'un grand nombre de personnes (Conseil fédéral, administration fédérale, cantons, partenaires sociaux, etc.) aient accès aux documents pertinents69. Selon le chef du DFI, une indiscrétion nuit surtout
au département qui traite l'affaire concernée, car cela augmente la pression et entrave la communication70. À l'inverse, d'autres membres du Conseil fédéral sont partis du principe que les indiscrétions provenaient du DFI et qu'elles lui avaient été bénéfiques71.

64

65 66 67 68 69

70 71

Procès-verbal de l'audition du 4.5.2023, p. 2 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 14 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 2 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 4.5.2023, p. 10 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 12 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 4.5.2023, p. 2 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, p. 9 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, p. 15 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, p. 27 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, p. 25 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 4.5.2023, pp. 1 s. (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, pp. 3 et 19 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, p. 24 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 4.5.2023, p. 4 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 15 (CONFIDENTIEL, non public).

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Lors de son audition, le chancelier de la Confédération a parlé d'au moins cinq facteurs susceptibles de favoriser une indiscrétion: 1) la capacité de conduite du Conseil fédéral et de chacun des chefs et cheffes de département, 2) les circonstances (crise ou situation normale?), 3) les procédures (loi sur la sécurité de l'information, ordonnance concernant la protection des informations, gestion des documents du Conseil fédéral par la ChF, etc.), 4) la poursuite d'indiscrétions par le MPC et 5) la politique en matière de personnel72. En outre, des machinations et des campagnes politiques sont susceptibles de déclencher des indiscrétions, tout comme des journalistes peuvent se servir d'une personne de l'administration fédérale contre une autre pour obtenir des informations ou des indiscrétions peuvent provenir de collaborateurs ou collaboratrices insatisfaits ou qui veulent se rendre importants73.

Source des indiscrétions Les personnes auditionnées ont évoqué plusieurs sources possibles d'indiscrétions durant la pandémie. Certaines avaient l'impression que la majeure partie des indiscrétions provenaient du département qui déposait une proposition, alors que d'autres supposaient l'existence de diverses sources ou n'ont pas voulu s'exprimer au sujet des sources présumées. Par ailleurs, certaines personnes ont indiqué que les indiscrétions n'étaient pas forcément commises au plus haut niveau, c'est-à-dire à l'échelle du Conseil fédéral, supposant qu'elles provenaient de l'entourage professionnel des chefs et cheffes de département et que les débriefings des séances du Conseil fédéral avaient joué un rôle majeur à cet égard74. Les CdG estiment elles aussi que les débriefings sont importants dans ce contexte car, comme l'ont indiqué plusieurs personnes auditionnées, les indiscrétions concernaient directement le contenu des discussions du Conseil fédéral et avaient lieu immédiatement après les séances de ce dernier.

3.4

Résumé

Au cours de leurs travaux, les CdG ont relevé plusieurs éléments attestant que des indiscrétions ont été commises au sujet des affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 ou permettant de déduire l'existence de telles indiscrétions. D'une part, la liste du Conseil fédéral sur laquelle est fondée la veille médiatique montre que des indiscrétions ont souvent été commises pendant que le gouvernement gérait la pandémie. D'autre part, les différents courriels analysés et les propos des personnes auditionnées confirment que les projets du Conseil fédéral liés au COVID-19 ont régulièrement fait l'objet d'indiscrétions durant la période sous revue.

La veille médiatique permet d'identifier les médias qui ont été les principaux destinataires des indiscrétions (Ringier et Tamedia). L'analyse des courriels de l'ancien chef de la communication du DFI montre en outre que, en tout cas, le directeur de Ringier 72 73

74

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, pp. 4 et 14 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, p. 13 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, p. 27 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 4.5.2023, p. 4 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 22 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 5 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 22 (CONFIDENTIEL, non public).

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a reçu des informations reposant sur des indiscrétions. La veille médiatique n'a mis au jour aucun indice de l'utilisation, dans les médias, des informations transmises par l'ancien chef de la communication du DFI au directeur de Ringier. Globalement, la veille médiatique et les sources dont disposait le groupe de travail n'ont pas permis de déterminer qui était à l'origine des indiscrétions, quels en étaient les destinataires, ni qui était éventuellement au courant de celles-ci. Cet aspect explique sans doute largement pourquoi la plupart des procédures du MPC contre inconnu pour violation du secret de fonction sont abandonnées (cf. chap. 4.1 et 5).

Il ressort de la veille médiatique et des différentes auditions que, pour bien des affaires, le nombre de personnes en possession d'informations était important, voire très important. Concrètement, non seulement divers services de l'administration fédérale, mais également les cantons, les associations et les groupes d'intérêts ainsi que, dans une certaine mesure, les partis politiques étaient au courant des affaires du Conseil fédéral traitées pendant la pandémie. Le nombre de personnes ayant accès, totalement ou en partie, aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 est dans la plupart des cas trop important pour que l'on puisse déterminer de manière fiable qui a commis une indiscrétion ou, du moins, en a eu connaissance.

La veille médiatique et les auditions permettent de conclure que le contenu même des discussions du Conseil fédéral a fait l'objet d'indiscrétions. Les personnes a priori les plus susceptibles d'avoir commis ces indiscrétions sont celles qui ont participé aux séances (les sept chefs ou cheffes de département, le chancelier de la Confédération et les deux vice-chanceliers). Il faut toutefois partir du principe ­ notamment en raison des propos tenus par les personnes auditionnées ­ que les indiscrétions sont également liées, du moins en partie, aux débriefings et donc à la transmission des informations par les chefs et cheffes de département à leurs équipes respectives.

Dans certains cas, le groupe de travail a pu identifier, au moyen des courriels de deux personnes du DFI qu'il a analysés, des éléments indiquant l'existence d'indiscrétions, respectivement de la transmission d'informations non publiques ou d'une invitation
à en commettre75. Les courriels en question ont, pour la plupart, déjà été publiés dans les médias. Les CdG peuvent confirmer l'authenticité de ces messages. L'examen des courriels montre en outre que l'ancien chef de la communication du DFI a transféré sur sa messagerie électronique privée des courriels au contenu professionnel et, parfois, même confidentiel, ce que les commissions ne peuvent pas comprendre. Les courriels étaient non seulement transférés sur la messagerie privée, mais aussi adressés à d'autres personnes et un «code» était alors utilisé (pour indiquer l'objet du courriel, l'ancien chef de la communication du DFI utilisait une lettre qui variait en fonction du destinataire). Lorsqu'il a été auditionné, le 27 mars 2023, l'ancien chef de la communication du DFI ne s'est pas exprimé sur la raison ayant motivé le transfert de ces courriels sur sa messagerie privée.

Le groupe de travail ne dispose d'aucune preuve du fait que le chef du DFI ait été au courant des indiscrétions provenant de son département et rien ne suggère qu'il ait donné l'ordre d'en commettre. Les courriels du chef du DFI qui ont été analysés ne 75

Cf. chap. 3.2.1: l'invitation à transmettre une information non publique concernait l'annexe d'une ordonnance du Conseil fédéral dont la mise à jour incombait au DFI après consultation du DFJP, du DFF et du DFAE.

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comportent aucun indice en ce sens. Il convient toutefois de relever deux choses à ce propos. Premièrement, le chef du DFI et l'ancien chef de la communication du département ont surtout communiqué par oral durant la période considérée. On peut supposer que la communication a fonctionné de la même manière avec d'autres personnes au sein du DFI. Deuxièmement, le chef du DFI était au courant des contacts parfois très étroits entre le chef de la communication de son département et le directeur de Ringier.

La LParl règle de manière exhaustive la mission des CdG et leurs moyens d'investigation, qui se distinguent fondamentalement de ceux des autorités de poursuite pénale.

Les CdG sont des commissions des Chambres fédérales et donc des organes politiques. Il s'agit ainsi d'opérer une délimitation entre les procédures pénales (en cours) et les considérations du présent rapport. Eu égard à ces précisions, les CdG tiennent à souligner que, en cas de procédure pénale, la présomption d'innocence s'applique à toutes les personnes impliquées.

En outre, les CdG indiquent que la veille médiatique montre clairement que, dans le contexte des affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19, le DFI n'était pas le seul département concerné par des indiscrétions. La liste que le Conseil fédéral a établie pour le groupe de travail révèle que d'autres départements l'étaient aussi76.

S'agissant du partage d'informations sur le fond («Hintergrundgespräche»), les CdG parviennent à la conclusion que les prescriptions en la matière ne sont guère claires ni exhaustives, ce qui peut donner lieu, selon elles, à des situations et des résultats insatisfaisants77.

Recommandation 1 Le Conseil fédéral veille, en collaboration avec la ChF, à définir clairement et à régler de manière juridiquement contraignante les critères applicables au partage d'informations sur le fond («Hintergrundgespräche»), d'une manière générale et en situation de crise. Il indiquera aux commissions dans quel produit cette recommandation trouvera sa mise en oeuvre.

Enfin, les CdG souhaitent aborder la pratique consistant à supprimer les courriels de personnes 135 jours après leur départ de l'administration fédérale. L'enquête du groupe de travail a montré que ce délai ne reposait sur aucune base légale. Les CdG considèrent qu'il est globalement approprié et peuvent en comprendre les motifs (espace de stockage, protection des données, etc.). Cependant, elles estiment qu'il 76

77

Exemples: «Atténuation économique des mesures prises par les autorités pour lutter contre le COVID-19» (affaire du DEFR du13.3.2020); «Crédits transitoires COVID-19: crédit supplémentaire pour les cautionnements solidaires COVID-19» (affaire du DFF du 3.4.2020); «COVID-19: mesures supplémentaires pour soutenir les voyageurs suisses bloqués à l'étranger et les représentations suisses à l'étranger» (affaire du DFAE du 5.6.2020).

Voir par exemple, à ce propos, un courriel adressé le 15.10.2020 par l'ancien chef de la communication du DFI à une collaboratrice du Blick: l'auteur de ce message, dont l'objet s'intitulait «Hintergrundgespräch», se montrait disposé à partager des informations sur un autre membre du Conseil fédéral. Il convient de préciser qu'il ne s'agissait pas d'une information relative au COVID-19.

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n'est ni approprié ni proportionné s'agissant des chefs et cheffes de département et des autres personnes occupant une fonction de cadre. En règle générale, les CdG exercent la haute surveillance a posteriori: cela implique que, parfois, il n'est plus possible de retracer précisément des évènements si une messagerie est déjà supprimée 135 jours après le départ de la personne concernée. C'est pourquoi les commissions sont favorables à une solution différenciée.

Recommandation 2 Le Conseil fédéral veille à la création d'une base légale portant sur la suppression des courriels de personnes ayant quitté l'administration fédérale. Il mettra en place une solution différenciée prévoyant de prolonger de façon substantielle le délai de 135 jours dans lequel les courriels des chefs et cheffes de département et des autres personnes occupant une fonction de cadre sont supprimés. Le Conseil fédéral précisera quelles personnes sont considérées comme des cadres au sens de la future disposition.

4

Gestion par le Conseil fédéral des différentes indiscrétions liées au COVID-19 et incidence de ces dernières sur son travail

Le chapitre ci-après vise à illustrer la façon dont le Conseil fédéral a géré les diverses indiscrétions durant la période sous revue et à déterminer si et, le cas échéant, de quelle manière celles-ci ont influencé le travail du gouvernement. Le groupe de travail a interrogé à ce sujet l'ensemble des chefs et cheffes de département qui étaient alors en fonction ainsi que le chancelier de la Confédération et les deux vice-chanceliers.

Une question centrale, dans ce contexte, est de savoir quelles mesures le Conseil fédéral a prises afin d'empêcher ou de faire cesser les indiscrétions concernant les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19. Les CdG aborderont également la séance du Conseil fédéral du 25 janvier 2023, lors de laquelle celui-ci a parlé des indiscrétions présumées provenant du DFI. Elles présenteront le contenu de la discussion, les conclusions auxquelles le collège gouvernemental est parvenu et les enseignements qu'il a tirés de son analyse.

4.1

Prescriptions / mesures visant à garantir la confidentialité

Pour pouvoir déterminer quelles mesures le Conseil fédéral a prises dans le cadre de la gestion de la pandémie de COVID-19, en vue de protéger les informations, il est nécessaire de préciser tout d'abord quelles prescriptions s'appliquent d'une manière générale en la matière. Les mesures prises seront ensuite présentées et expliquées, et le rôle de la Chancellerie fédérale à cet égard sera analysé.

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4.1.1

Avant la pandémie de COVID-19

En ce qui concerne les prescriptions et les mesures relatives à la protection de la confidentialité des affaires du Conseil fédéral, il convient de mentionner en premier lieu la consultation des offices et la procédure de corapport. Par souci de clarté, seuls les principaux aspects de ces deux procédures sont présentés ci-après.

Selon la ChF, avant qu'une affaire ne parvienne en procédure de corapport, elle est préparée au sein des offices, des secrétariats généraux et des groupes de travail interdépartementaux78. Les projets ainsi élaborés sont ensuite soumis à la consultation des offices, une procédure interne à l'administration fédérale. Un grand nombre de personnes ont ainsi accès aux documents ­ la ChF ne dit toutefois pas combien exactement79. À cette étape, toutes les unités administratives qui sont concernées par le projet sont consultées (au minimum tous les secrétariats généraux, la ChF, l'OFJ, la Commission interne de rédaction [CIR], l'Administration fédérale des finances [AFF] et l'Office fédéral du personnel [OFPER]). Cela s'applique aux documents qui ne sont pas classifiés CONFIDENTIEL ou SECRET. Lorsqu'il s'agit de documents confidentiels ou secrets, le cercle des destinataires est fortement restreint et l'OFJ et, selon les cas, la ChF, l'AFF, l'OFPER et la CIR sont consultés sur les questions juridiques importantes et litigieuses avant la séance du Conseil fédéral80.

Avant qu'une affaire ne soit traitée par le Conseil fédéral, elle est soumise à la procédure de corapport (prévue par l'art. 15 LOGA), qui commence le jour où le département compétent signe sa proposition destinée au Conseil fédéral (art. 5, al. 1bis, OLOGA). La proposition signée ou la note de discussion signée est transmise à la ChF sous forme électronique, via le système de gestion des processus interdépartementaux GEVER INTERDÉP. La ChF vérifie et enregistre l'affaire, puis la met en ligne sur la plateforme centrale des affaires du Conseil fédéral, EXEBRC. Parallèlement, elle transmet toutes les affaires, via GEVER INTERDÉP, aux systèmes GEVER de l'ensemble des départements et de la ChF. À partir de ce moment, les départements et la ChF peuvent déposer des corapports concernant les affaires. Ceux-ci peuvent inclure des propositions, des commentaires ou des questions. Les corapports déposés sont mis en ligne sur
EXEBRC et transmis parallèlement aux systèmes GEVER de tous les départements et de la ChF selon la procédure décrite ci-dessus. Le département compétent rend généralement un avis sur les corapports déposés. En prévision de la séance du Conseil fédéral, la ChF synthétise les corapports et les avis relatifs à ceux-ci sur une «liste des divergences»81.

Pour qu'une affaire soit inscrite à l'ordre du jour d'une séance du mercredi du Conseil fédéral, il faut que les dossiers électroniques concernés parviennent dans la boîte de

78

79 80 81

Bundesratsgeschäfte, Übersicht der BK vom 22.2.2023 zu Prozessen, Zugriffen und Applikationen zuhanden von GPK und GPDel (disponible uniquement en allemand), p. 1 (ci-après: vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023).

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 1.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 1.

Informations de la ChF: www.bk.admin.ch > Soutien au gouvernement > Affaires du Conseil fédéral > Avant la séance du Conseil fédéral (consulté le 27.7.2023); vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 2.

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réception GEVER INTERDÉP au plus tard le jeudi précédant la séance, à 9 h 3082.

Sur cette base, la ChF établit l'ordre du jour définitif de la séance83. Les éventuels corapports doivent être remis au plus tard la veille de la séance, à 14 heures, et les avis relatifs à ceux-ci au plus tard à 20 heures84.

Pour les affaires classifiées CONFIDENTIEL ou SECRET, le cercle des personnes autorisées à accéder aux données, la procédure et les délais varient par rapport aux indications fournies ci-dessus. C'est le département compétent, ou la ChF (pour ses propres affaires), qui effectue la classification.

Seul un nombre restreint de personnes peuvent avoir accès aux affaires du Conseil fédéral classifiées CONFIDENTIEL85. Les documents sont également transmis au moyen des applications GEVER INTERDÉP et EXEBRC, mais sous forme chiffrée, ce qui permet de limiter encore le nombre de personnes y ayant accès86. Les personnes autorisées à consulter les documents peuvent toutefois modifier le chiffrement de l'affaire et rendre celle-ci accessible à d'autres personnes87. Les délais relatifs aux corapports et aux avis ne sont pas différents de ceux qui sont prévus pour les affaires non confidentielles ou non secrètes du Conseil fédéral88.

S'agissant des affaires du Conseil fédéral classifiées SECRET, la ChF est responsable de l'enregistrement, de la distribution, de la récupération, de l'archivage et de la destruction des documents relatifs à ces affaires, ainsi que du contrôle documentaire89. À cet égard, elle doit veiller à respecter l'ordonnance concernant la protection des informations. Le département concerné doit annoncer à la ChF le plus rapidement possible une affaire classifiée SECRET et remettre les documents en mains propres au responsable du secteur Conseil fédéral de la ChF (vice-chancelier)90. Cette dernière tire le nombre de copies nécessaires sur papier vert, les numérote et les remet aux personnes concernées91. Les documents sont récupérés pendant la séance même, puis détruits; à noter que les membres du Conseil fédéral sont autorisés à conserver des documents pour la suite du traitement d'une affaire (ils doivent toutefois restituer les documents classifiés SECRET à la fin de leur mandat, au plus tard)92. La ChF met par écrit les décisions éventuellement prises par le Conseil fédéral, avant de les faire parvenir aux membres du gouvernement et aux autres personnes concernées93.

82

83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 2: GEVER INTERDÉP est une application informatique dans laquelle sont enregistrés les documents destinés aux séances du Conseil fédéral. Ceux-ci peuvent ensuite être consultés, via un lien, dans EXEBRC, une application servant à la gestion des affaires et des séances du Conseil fédéral. Les affaires classifiées SECRET ne sont enregistrées dans aucune des deux applications. Les délais normalement prévus (remise des affaires le jeudi pour la séance du mercredi) font l'objet d'exceptions pendant les sessions (remise le lundi pour la séance du vendredi).

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 2: la ChF procède au retrait ou à l'annonce tardive d'affaires au plus tard à 9 h 30 le mardi précédant la séance.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 2.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 3.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 3.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 3.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 3.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 3.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 3.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 3.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, pp. 3 s.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 4.

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Un document de la ChF concernant le nombre d'affaires du Conseil fédéral classifiées SECRET ces 14 dernières années montre que celui-ci a augmenté depuis 2020 et a atteint un nouveau pic en 202294. La plupart des affaires du Conseil fédéral continuent cependant à être classifiées CONFIDENTIEL ou INTERNE. La réflexion à l'origine de l'enquête des CdG soulève les questions ci-après relatives aux droits d'accès à EXEBRC et aux systèmes GEVER des départements et de la ChF: ­

Qui décide des droits d'accès?

­

Qui contrôle le respect des droits d'accès? Un suivi est-il assuré en la matière?

D'après la ChF, la réglementation de l'accès aux affaires non confidentielles incombe aux départements95. Ceux-ci sont tenus d'octroyer les droits d'accès selon le principe du need-to-know (seules les personnes ayant besoin des informations pour accomplir leurs tâches y ont accès)96. S'agissant des affaires classifiées CONFIDENTIEL, les droits d'accès à EXEBRC sont réglés par la Conférence des secrétaires généraux (CSG)97. Il existe sept rôles différents et donc sept catégories de droits d'accès. En tout, 667 personnes travaillant dans l'administration fédérale ont accès à EXEBRC98; 108 personnes ont accès aux affaires classifiées CONFIDENTIEL: 25 autorisations ont été délivrées à des personnes travaillant dans les sections Affaires du Conseil fédéral et Stratégie et planification de la ChF, dix autorisations sont prévues pour les chefs et cheffes de département, le chancelier de la Confédération et les deux vicechanceliers et six pour la DélCdG, la Délégation des finances (DélFin) et le Contrôle fédéral des finances (CDF); les départements disposent actuellement de huit à dix droits d'accès chacun aux affaires classifiées CONFIDENTIEL. Par ailleurs, 143 droits d'accès sont limités, au sein des départements et de la ChF, à des affaires non confidentielles ayant un contenu matériel (décisions du Conseil fédéral, documentation relative aux affaires, documents issus des procédures de corapport, etc.)99.

Avant la pandémie de COVID-19, les possibilités d'accéder aux affaires confidentielles du Conseil fédéral étaient plus restreintes et limitées à six personnes par département, plus le chef ou la cheffe du département, le chancelier de la Confédération et les deux vice-chanceliers100.

Jusqu'à cette pandémie, la ChF avait le contrôle et la vue d'ensemble des autorisations d'accès à EXEBRC: elle était donc au clair ­ du fait du système ­ sur le cercle des personnes qui avaient accès, dans les systèmes GEVER des départements et de la ChF, 94 95

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 4.

Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 19 (CONFIDENTIEL, non public); note de discussion de la ChF du 4.2.2022 aux membres de la CSG. On y trouve des explications détaillées sur la façon de traiter les affaires non confidentielles dans les départements.

96 Procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 8 (CONFIDENTIEL, non public).

97 Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 19 (CONFIDENTIEL, non public).

98 Anzahl Berechtigungen EXEBRC nach Rolle und Departement / BK, Übersicht der BK (disponible uniquement en allemand, état au 6.6.2023): 416 droits d'accès correspondent à la catégorie relative aux droits les moins étendus. Les personnes concernées n'ont en particulier pas accès aux informations matérielles, mais uniquement aux métadonnées.

99 Tous les chiffres proviennent du document de la ChF cité à la note précédente (état au 6.6.2023).

100 Note de la ChF du 26.3.2021: accès à EXEBRC et procédure spéciale pour les affaires du DFI liées au COVID-19, p. 1.

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aux affaires du Conseil fédéral. Les CdG ignorent cependant dans quelle mesure un contrôle périodique des accès effectifs était effectué. Durant la pandémie, la CSG a accru la transparence, à la demande de la ChF. Depuis, la vue d'ensemble du nombre de personnes d'un département ayant accès aux affaires du Conseil fédéral est mise à jour deux fois par an. D'après les informations que le groupe de travail des CdG a reçues de la ChF, il n'existait aucun contrôle, aucun suivi ni aucune vue d'ensemble des accès avant la pandémie de COVID-19, et donc avant la période sous revue.

Une autre mesure de lutte contre les indiscrétions est la poursuite pénale des violations du secret de fonction. À la demande du Conseil fédéral, la ChF a déposé plainte, dans certains cas, pour violation du secret de fonction101 (cf. chap. 5 ci-après pour ce qui est des plaintes pénales émanant des différents départements). Les CdG ne disposent pas d'un aperçu précis du nombre de plaintes déposées avant la pandémie. Au 1er juin 2023, dix procédures pénales pour violation du secret de fonction concernant des affaires du Conseil fédéral, mais pas le COVID-19, étaient pendantes auprès du MPC102. Six d'entre elles avaient été suspendues; les plaintes relatives aux quatre cas en cours de traitement ont été déposées en 2023. Sur les dix plaintes, quatre ont été déposées au nom du Conseil fédéral103. Selon la ChF, c'est en premier lieu aux départements qu'il incombe de proposer le dépôt d'une plainte pénale104. Aucune plainte déposée ces 20 dernières années n'a abouti à une condamnation105. Lors des auditions menées par le groupe de travail, un cas a également été évoqué dans lequel le Conseil fédéral a débattu de l'éventualité de déposer une plainte pénale à la suite d'une indiscrétion dont l'auteur ou l'autrice devait appartenir à un cercle très étroit de cadres supérieurs de l'administration fédérale, mais ne l'a finalement pas fait106.

Selon la grande majorité des déclarations des chefs et cheffes de département et du chancelier de la Confédération, la question de savoir si des indiscrétions se produisent au sein d'un département relève de la conduite107. De même, les échanges d'un chef ou d'une cheffe de département avec son parti et les informations qui sont partagées dans ce cadre, que ce soit par le chef ou la cheffe du
département concerné ou par son entourage direct au sein du secrétariat général, constituent également des aspects importants de la conduite108. Les personnes concernées ont précisé que, lorsque le Conseil fédéral accueille un nouveau membre, celui-ci bénéficie d'un soutien appuyé de la part de la ChF pendant les semaines qui précèdent son entrée en fonction. Le nou101 102 103 104 105 106

Rapport du groupe de travail Indiscrétions / Bases légales (GT IB), p. 1.

Lettre du MPC à la ChF du 6.6.2023.

Lettre du MPC à la ChF du 6.6.2023.

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, p. 8 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, p. 8 (CONFIDENTIEL, non public).

Il s'agissait en l'occurrence d'un article paru dans la Weltwoche. Les informations publiées à la suite de l'indiscrétion ne concernaient pas une affaire liée au COVID-19, mais l'initiative populaire «Sortons de l'impasse! Renonçons à rétablir des contingents d'immigration».

107 Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, pp. 4 et11 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 5.4.2023, p. 10 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, pp. 9, 16 et 28 s. (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, pp. 2, 17 s. et 23 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, pp. 17 s. (CONFIDENTIEL, non public).

108 Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, pp. 17 s. (CONFIDENTIEL, non public).

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veau membre reçoit notamment des informations sur la façon de traiter des documents classifiés, sur le déroulement des séances du Conseil fédéral, sur les procédures de corapport et sur d'autres sujets109. Par ailleurs, le porte-parole du Conseil fédéral est chargé d'accueillir et de sensibiliser le nouveau ou la nouvelle responsable de la communication au niveau du département110, et cette personne est spécifiquement informée des conséquences en cas d'indiscrétions111. Dans ce contexte, on peut se demander s'il ne serait pas opportun, lors de l'accueil de nouveaux responsables de la communication dans les départements et de nouveaux secrétaires généraux, de sensibiliser ces derniers à la problématique des indiscrétions et à leurs conséquences.

4.1.2

Pendant la pandémie de COVID-19

Il y a lieu de souligner que le Conseil fédéral a dû considérablement augmenter le rythme de ses séances au début de la pandémie de COVID-19: à partir de la fin du mois de mars 2020, il a tenu deux séances par semaine (mercredi et vendredi)112.

S'agissant de la séance du vendredi, il a suivi les règles usuelles concernant les affaires qui ne concernaient pas le COVID-19. Pour les affaires relatives au COVID-19, il a prévu des délais spéciaux, qui s'appliquaient à la séance du mercredi ainsi qu'aux affaires du vendredi relatives au COVID-19113. Lors de l'inscription des affaires à l'ordre du jour, la priorité a été donnée à celles qui concernaient le COVID-19.

Droits d'accès et procédures Pendant la pandémie de COVID-19, le nombre de personnes ayant le droit d'accéder, dans EXEBRC, à des affaires du Conseil fédéral confidentielles est passé de sept (en comptant le chef ou la cheffe du département concerné) à un maximum de dix par département114. Conformément à la décision de la Conférence des secrétaires généraux (CSG) du 17 mars 2020, ces trois autorisations supplémentaires étaient accordées pour une durée limitée115.

De nombreuses indiscrétions ayant été commises dans le cadre des consultations menées par le DFI, il a été décidé de présenter les documents au Conseil fédéral avant de les mettre en consultation. Ce changement de procédure a été mis en oeuvre le 8 décembre 2020. À sa séance du 20 janvier 2021, le Conseil fédéral a décidé, sur la 109

110 111 112 113 114 115

Procès-verbal de la séance du 26.5.2023, p. 31 (CONFIDENTIEL, non public). La ChF a indiqué que les membres du Conseil fédéral nouvellement élus étaient informés très précisément à ce sujet: une discussion a notamment lieu sur les attentes relatives aux débriefings ainsi que sur les échanges avec les partis et les médias; des exemples sont également fournis et les procédures sont expliquées aux nouveaux membres.

Procès-verbal de la séance du 26.5.2023, p. 31 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de la séance du 26.5.2023, p. 31 (CONFIDENTIEL, non public).

Aide-mémoire de la ChF du 1.4.2020: COVID-19: aide-mémoire pour le déroulement de la séance du Conseil fédéral, p. 1 (uniquement en allemand).

Aide-mémoire de la ChF du 1.4.2020: COVID-19: aide-mémoire pour le déroulement de la séance du Conseil fédéral, p. 1.

Note de la ChF du 26.3.2021: accès à EXEBRC et procédure spéciale pour les affaires du DFI liées au COVID-19, p. 1.

Note de la ChF du 26.3.2021: accès à EXEBRC et procédure spéciale pour les affaires du DFI liées au COVID-19, p. 1.

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proposition du DFI et en raison des indiscrétions qui continuaient d'avoir lieu régulièrement, de mener les procédures de corapport sur les affaires relatives au COVID19 particulièrement sensibles uniquement sur papier, et non plus de manière numérique116. Cette procédure spéciale n'a toutefois été appliquée que pour quatre notes de discussion du DFI et une proposition de modification d'ordonnance (entre le 2.2.2021 et le 18.3.2021)117; même dans ces conditions, entre 40 et 68 personnes ont finalement eu connaissance de l'affaire, alors que seuls onze exemplaires papier ont à chaque fois été distribués par la ChF118. Selon cette dernière, les documents ont été copiés ou scannés par les départements, qui les ont ensuite distribués à leur tour dans le cadre de la préparation des séances du Conseil fédéral119. La ChF a conclu que la procédure spéciale ne permettait pas d'atteindre l'objectif d'éviter les indiscrétions, même si moins de personnes avaient accès aux informations120, et avait pour effet de contourner les procédures existantes et connues: par exemple, les commissions de surveillance des Chambres fédérales (plus précisément la DélFin et la DélCdG) n'ont pas été impliquées121; enfin, la procédure spéciale a entraîné un surcroît de travail pour tous les départements et pour la ChF122 et il n'a pas été possible de contrôler qui a effectivement eu accès aux informations123. Sur la base de ces expériences, la procédure spéciale a été abandonnée le 18 mars 2021. Le 25 février 2022, la CSG a décidé de ne plus mener les procédures de corapport sans suivre les processus usuels124.

Le Conseil fédéral ayant également consulté les cantons sur de nombreuses affaires relatives au COVID-19, les documents étaient connus d'un grand nombre de personnes. La plupart des personnes auditionnées soupçonnent que certaines indiscrétions soient provenues de ces consultations, donc des cantons125. Le 20 janvier 2021, afin d'empêcher ce genre d'indiscrétions, le Conseil fédéral a décidé, sur la proposition de la ChF, de publier les documents au moment où ils étaient mis en consultation126. La veille médiatique montre qu'il y a effectivement eu moins d'indiscrétions juste après cette décision, mais cela est probablement plutôt dû à la situation épidémiologique. En effet, comme l'indique la veille médiatique, les indiscrétions augmentaient avant tout lorsque la situation se détériorait et que le Conseil fédéral devait prendre des mesures drastiques.

116 117 118

119 120 121 122 123 124 125 126

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 4.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 5.

Note de la ChF du 26.3.2021: accès à EXEBRC et procédure spéciale pour les affaires du DFI liées au COVID-19, p. 2: les CdG disposent d'une liste détaillée, par département et ChF, des personnes qui ont accédé aux informations; note de discussion de la ChF du 4.2.2022 en vue de la CSG du 25.2.2022, p. 7.

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, p. 4 (CONFIDENTIEL, non public).

Note de la ChF du 26.3.2021: accès à EXEBRC et procédure spéciale pour les affaires du DFI liées au COVID-19, p. 2.

Note de la ChF du 26.3.2021: accès à EXEBRC et procédure spéciale pour les affaires du DFI liées au COVID-19, p. 2.

Note de la ChF du 26.3.2021: accès à EXEBRC et procédure spéciale pour les affaires du DFI liées au COVID-19, p. 2.

Note de discussion de la ChF du 4.2.2022 en vue de la CSG du 25.2.2022, p. 8.

Vue d'ensemble de la ChF du 22.2.2023, p. 6.

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, p. 5 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, p. 5 (CONFIDENTIEL, non public).

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Plaintes pénales Pendant la période sous revue, le Conseil fédéral (ou, en son nom, le chancelier de la Confédération) n'a déposé aucune plainte pénale pour indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 (cf. les chap. 5.1 et 5.2 s'agissant des plaintes pénales déposées par les départements). La ChF ne dépose de plainte pénale que sur mandat du Conseil fédéral ou si ses propres projets sont concernés127. En principe, il appartient à chacun des départements de déposer une plainte pénale en cas d'indiscrétions sur ses propres affaires. Aux dires de la ChF, la raison pour laquelle le Conseil fédéral n'a déposé aucune plainte pénale pendant cette période est que, ces dernières années, les plaintes pénales n'avaient jamais produit aucun résultat128.

Traitement des indiscrétions par le Conseil fédéral Eu égard au droit à l'information étendu dont la DélCdG dispose, les CdG ont chargé cette dernière de demander les procès-verbaux des séances du Conseil fédéral pertinents pour l'enquête et d'en faire rapport au groupe de travail à ce sujet. Dans les conclusions qu'elle a présentées au groupe de travail, la DélCdG a souligné que, selon les procès-verbaux, le Conseil fédéral s'était penché lors de trois séances sur les indiscrétions répétées liées aux affaires relatives au COVID-19 pendant la période sous revue (séances des 11.12.2020, 20.1.2021 et 30.11.2021, dont une fois en tant que point distinct de l'ordre du jour [séance du 30.11.2021]). La DélCdG a toutefois aussi relevé qu'on ne pouvait exclure que cette question ait été traitée lors d'autres séances ou de discussions menées en marge des séances dont la DélCdG n'aurait pas connaissance, vu que celles-ci n'avaient pas été consignées. Lors de leurs auditions, les chefs et cheffes de département et le représentant de la ChF ont d'ailleurs confirmé que tel avait été le cas. C'est toutefois le propre des discussions informelles menées en marge des séances de ne pas faire l'objet d'un procès-verbal.

Les procès-verbaux des trois séances susmentionnées indiquent de manière générale que les indiscrétions sont regrettables et inacceptables, et qu'il incombe à chacun des chefs et cheffes de département de prendre des mesures. À la séance du 20 janvier 2021, décision a été prise d'introduire la procédure spéciale (cf. ci-dessus).
La DélCdG a également indiqué que les procès-verbaux des séances du Conseil fédéral étaient rédigés de manière très sommaire («procès-verbaux élargis des décisions») et qu'il était donc impossible de connaître la position de chacun des membres du gouvernement, y compris sur les indiscrétions.

Le Conseil fédéral a par ailleurs discuté du problème des indiscrétions à sa séance du 25 janvier 2023 (cf. chap. 4.3).

Traitement des indiscrétions dans des organes supradépartementaux Les indiscrétions ont également été discutées au sein des organes supradépartementaux129 que sont la CSG et la CSIC, ainsi que la conférence hebdomadaire des secrétaires généraux suppléants.

127 128 129

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, p. 8 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, p. 8 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, pp. 4 s. (CONFIDENTIEL, non public).

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La CSG est l'organe de coordination suprême de l'administration fédérale; placée sous la direction du chancelier de la Confédération, elle assume des tâches de coordination, notamment dans le cadre de la préparation des affaires du Conseil fédéral130.

Tous les secrétaires généraux des départements ainsi que les deux vice-chanceliers en font partie131. Pendant la période sous revue, la CSG s'est penchée à plusieurs reprises sur les indiscrétions (huit fois au total, selon une vue d'ensemble dressée par la ChF)132. Les extraits de procès-verbaux concernés, rédigés de manière très sommaire, montrent que la question des indiscrétions a été mise à l'ordre du jour sous le point «Divers» dans six cas sur huit, la plupart du temps sous la forme d'une information transmise par la ChF ou un département à la CSG. À la séance du 29 octobre 2021, la ChF a demandé aux départements de faire en sorte que les indiscrétions cessent. À la séance du 25 février 2022, la ChF a soumis à la CSG une note de discussion133 relative à l'accès aux affaires du Conseil fédéral dans les systèmes GEVER des départements et de la ChF et dans EXEBRC. Cette note de discussion contient des informations sur les diverses procédures, les droits d'accès, les accès effectifs et les conclusions d'un sondage effectué par la ChF auprès des départements. Elle contenait au total quatre recommandations visant à réduire le risque d'indiscrétion. Il s'agissait de renoncer à la procédure spéciale et de réaffirmer le principe selon lequel seules ont accès aux données les personnes qui en ont besoin pour accomplir leurs tâches (principe «need to know»). La ChF était en outre invitée à remettre chaque semestre aux départements, à des fins de contrôle et de validation, une liste des personnes ayant accès à EXEBRC, le but étant de garantir que les droits d'accès soient à jour. En outre, la ChF voulait examiner la possibilité de demander une autorisation générale afin d'évaluer les accès effectifs à EXEBRC134. À cette même séance, les secrétaires généraux sont parvenus à la conclusion qu'il y avait lieu de modifier les bases légales afin de renforcer les possibilités de surveillance et de sanction et que c'était leur seul moyen de réduire efficacement les indiscrétions. Pour autant qu'ont pu en juger les CdG, la CSG s'est ralliée aux recommandations
formulées par la ChF dans sa note de discussion135.

Parallèlement à la CSG, il existe également une conférence hebdomadaire des secrétaires généraux suppléants, qui est dirigée par le chef du secteur Conseil fédéral de la ChF (soit l'un des vice-chanceliers) et qui est notamment chargée de préparer la séance à venir du Conseil fédéral. Les indiscrétions ont aussi été abordées dans ce cadre. Les participantes et les participants ont conclu qu'il était indispensable de res130 131

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Art. 53, al. 1 et 2, de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 21.3.1997 (LOGA; RS 172.010).

Informations de la ChF: www.bk.admin.ch > La Chancellerie fédérale > Organisation de la Chancellerie fédérale > Organisations interdépartementales > Conférence des secrétaires généraux (dernière consultation: 11.8.2023): le secrétaire général de l'Assemblée fédérale et les deux vice-chanceliers participent aux réunions avec voix consultative.

Traitement de la question des indiscrétions par la CSG entre février 2020 et juin 2022.

Les indiscrétions ont été discutées aux séances de la CSG suivantes: 14.12.2020, 22.1.2021, 29.3.2021, 29.10.2021, 26.11.2021, 13.12.2021, 25.2.2022 et 24.6.2022.

Note de discussion de la ChF du 4.2.2022 à l'intention des membres de la CSG: accès aux affaires du Conseil fédéral dans les systèmes GEVER des départements et de la ChF et dans EXEBRC.

Note de discussion de la ChF du 4.2.2022 à l'intention des membres de la CSG: accès aux affaires du Conseil fédéral dans les systèmes GEVER des départements et de la ChF et dans EXEBRC, pp. 9 s.

Extrait du procès-verbal de la CSG du 25.2.2022.

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treindre davantage les accès aux affaires du Conseil fédéral pour réduire au minimum les indiscrétions136, mais que cela ne devait pas mener à interdire l'accès à des personnes qui en ont besoin137.

Les questions d'information et de communication qui concernent tous les départements sont coordonnées par la CSIC; celle-ci se compose du porte-parole du Conseil fédéral, qui la préside, ainsi que des responsables de l'information des différents départements, de la ChF et des Services du Parlement138. La CSIC a elle aussi abordé la question des indiscrétions. Le maintien du secret de fonction, la confidentialité avant les décisions du Conseil fédéral et les indiscrétions sont mentionnés dans ses lignes directrices139. Selon les extraits de procès-verbaux des séances de la CSIC, les indiscrétions ont été abordées à deux reprises pendant la période sous revue140. Il a été constaté que les indiscrétions compliquaient le travail du Conseil fédéral, car il était impossible de garder la maîtrise de la communication141. Le président de la CSIC a rappelé aux autres membres que les indiscrétions nuisaient globalement à la confiance dans le Conseil fédéral, raison pour laquelle il les a exhortés, lors des deux séances, à empêcher les indiscrétions142. Selon les informations fournies par la ChF lors des auditions, ces interventions ont été bien accueillies et les membres de la CSIC partageaient l'avis de leur président143.

À la séance du 3 mars 2021, la question des indiscrétions a été traitée au sein de la CSIC et consignée. Dans le projet de procès-verbal, il est indiqué que les indiscrétions devaient à nouveau être discutées à la prochaine séance; cet élément a toutefois été biffé de la version définitivement approuvée du procès-verbal. La ChF a expliqué qu'on avait finalement décidé de ne pas se pencher une nouvelle fois sur cette question, car les membres de la CSIC considéraient que cela ne servait à rien144.

Enfin, il y a lieu de mentionner le fait que le porte-parole du Conseil fédéral a écrit, dans un courriel envoyé le7 janvier 2021 aux responsables de la communication des départements, qu'il les priait une dernière fois de veiller à faire cesser les indiscrétions145.

136 137 138

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140 141 142 143 144 145

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, p. 11 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, p. 11 (CONFIDENTIEL, non public).

Informations de la ChF: www.bk.admin.ch > La Chancellerie fédérale > Organisation de la Chancellerie fédérale > Organisations interdépartementales > Conférence des services d'information de la Confédération (dernière consultation: 11.8.2023).

Lignes directrices de la Conférence des services d'information de la Confédération, Information et communication du Conseil fédéral et de l'administration fédérale, pp. 7 et 13.

Aux séances de la CSIC des 14.12.2020 et 3.3.2021.

Procès-verbal de la CSIC du 14.12.2020.

Procès-verbaux de la CSIC des 14.12.2020 et 3.3.2021.

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, p. 10 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de la séance du 27.2.2023, p. 15 (CONFIDENTIEL, non public).

Courriel du vice-chancelier André Simonazzi du 7.1.2021 aux responsables de la communication des départements.

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4.1.3

Travaux en cours et enseignements de la pandémie de COVID-19

Différents travaux sont en cours au sein de l'administration fédérale pour réduire le nombre d'indiscrétions. L'une des mesures prévues vise à améliorer la poursuite pénale des violations du secret de fonction.

Institution du groupe de travail «Indiscrétions/Bases légales» En raison des indiscrétions répétées concernant des affaires du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération a institué le groupe de travail «Indiscrétions/Bases légales» (GT IB) en janvier 2022, conjointement avec le MPC et l'OFJ, à l'issue de discussions préliminaires avec le procureur général de la Confédération; il en a informé le Conseil fédéral. Placé sous l'égide de la ChF, le GT IB était composé de représentantes et représentants de la ChF, du MPC et de l'OFJ146. À l'origine, il était aussi question d'indiscrétions qui ne portaient pas sur des affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19.

Vu que les procédures pénales ont, jusqu'à présent, presque toujours été suspendues ou classées, le GT IB a été chargé de proposer des modifications des bases légales (code pénal, code de procédure pénale, droit parlementaire, etc.) à même d'augmenter les chances de succès du MPC lors de la poursuite de violations du secret de fonction en lien avec des affaires du Conseil fédéral147. Le GT IB a rédigé un rapport de 42 pages à l'intention du MPC et de la ChF. Il y a conclu qu'il ne serait pas judicieux de modifier le code pénal et le code de procédure pénale, car cela n'augmenterait pas les chances de succès ou serait incompatible avec le droit supérieur148. Il recommande en revanche de prendre éventuellement des mesures concernant l'identification de personnes suspectes. Il faudrait alors modifier le droit régissant l'organisation de l'administration et le droit du personnel de la Confédération ainsi que l'activité d'investigation149, même si ce dernier point n'est pas prioritaire, eu égard aux faibles perspectives de succès d'une procédure pénale et au manque de ressources du MPC150. Si des mesures étaient prises, il faudrait dans un premier temps les approfondir et vérifier leur compatibilité avec la Constitution et le droit international151.

Le rapport du GT IB a été présenté au Conseil fédéral à sa séance du 22 février 2023.

Le Conseil fédéral a chargé la ChF d'approfondir les mesures esquissées dans le rapport, en collaboration avec l'OFJ. Il s'agissait en premier lieu des aspects suivants: ­

146

147 148 149 150 151

accès simplifié aux données secondaires de systèmes utilisés pour le traitement des affaires du Conseil fédéral;

Rapport du groupe de travail Indiscrétions/Bases légales (GT IB) du 31.5.2022 (et rapport complémentaire de décembre 2022), bases légales relatives à la poursuite d'indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral: mesures possibles pour augmenter les chances de succès, p. 1 (CONFIDENTIEL, non public; ci-après: rapport du groupe de travail Indiscrétions/Bases légales du 31.5.2022) [en allemand uniquement].

Rapport du groupe de travail Indiscrétions/Bases légales du 31.5.2022, p. 2.

Rapport du groupe de travail Indiscrétions/Bases légales du 31.5.2022, p. 24.

Rapport du groupe de travail Indiscrétions/Bases légales du 31.5.2022, p. 24.

Rapport du groupe de travail Indiscrétions/Bases légales du 31.5.2022, p. 24.

Rapport du groupe de travail Indiscrétions/Bases légales du 31.5.2022, p. 24.

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­

obligation de déclarer toute interaction avec des journalistes / mise en place d'un système spécifique d'alerte interne.

Par ailleurs, la ChF doit être chargée d'édicter un aide-mémoire afin de mieux identifier et prévenir les violations du secret de fonction dans l'administration fédérale.

La ChF a examiné en détail les différentes mesures et en a fait rapport au Conseil fédéral lors de la séance que ce dernier a tenue le 22 septembre 2023. Le même jour, le Conseil fédéral a écrit au groupe de travail «Indiscrétions COVID-19» des CdG pour l'informer de ses principales décisions: ­

D'ici la fin du mois de juin 2024, la ChF présentera au Conseil fédéral un message portant modification de la LOGA, dont l'objectif est de permettre l'analyse des données secondaires de systèmes utilisés pour le traitement des affaires du Conseil fédéral.

­

Le DFF est chargé d'examiner l'éventualité d'intensifier l'utilisation du système d'alerte interne du CDF s'agissant de la communication d'indiscrétions et de renforcer les bases légales en la matière.

En outre, le Conseil fédéral a précisé les exigences relatives à l'aide-mémoire que la ChF est chargée d'édicter et qui doit contribuer à sensibiliser le personnel de l'administration fédérale.

Examen périodique de la nécessité des droits d'accès Le 22 février 2023, le Conseil fédéral a chargé la ChF, sur la proposition de cette dernière, de dresser une liste des personnes ayant accès aux systèmes GEVER des départements et de la ChF et de veiller à ce que cette liste soit périodiquement mise à jour, selon le principe du need-to-know, l'objectif étant de faire état des accès de manière transparente152. À cet égard, la ChF a invité tous les départements à examiner périodiquement les droits d'accès et à les adapter si nécessaire (mandat: examen périodique de la nécessité des droits d'accès, réduction du nombre d'autorisations d'accès et optimisation du traitement des affaires du Conseil fédéral classifiées SECRET). La ChF doit présenter au Conseil fédéral un rapport à ce sujet d'ici fin 2023.

Information périodique par le MPC sur l'état des procédures pénales Le 22 février 2023, le Conseil fédéral a chargé la ChF de s'informer périodiquement auprès du MPC de l'état des investigations relatives aux indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral. Le 1er mars 2023, la ChF a envoyé un premier courrier à ce sujet au MPC, qui lui a remis les renseignements souhaités par lettre du 6 juin 2023153.

Dans cette lettre, on peut lire que, sur les treize procédures pénales pendantes au 1er juin 2023 ouvertes contre inconnu en raison d'indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral, huit ont été suspendues154, en raison du grand nombre de personnes

152 153

Procès-verbal de la séance du 16.5.2023, p. 8 (CONFIDENTIEL, non public).

Lettre du MPC à la ChF du 6.6.2023. On y lit que le MPC prévoit de remettre la liste deux fois par an (vers la mi-janvier et la mi-juillet).

154 Annexe à la lettre du MPC à la ChF du 6.6.2023: liste des procédures concernant les indiscrétions relatives aux affaires du Conseil fédéral, état au 1.6.2023.

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qui avaient accès aux informations ayant fuité155. Le MPC n'a donné aucune information détaillée sur les cinq cas restants, étant donné que les investigations étaient en cours156.

4.1.4

Appréciation des prescriptions et des mesures en matière de protection de la confidentialité

Les CdG saluent les différentes mesures prises par le Conseil fédéral et la ChF ­ en général sur la base de propositions du DFI ou de la ChF ­ pour réduire le nombre d'indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19. Elles constatent que le problème a été abordé et que différents instruments ­ en particulier la procédure spéciale applicables aux affaires relatives au COVID-19 ­ ont été utilisés pour tenter de mieux protéger les informations confidentielles en restreignant plus fortement l'accès à certaines affaires du Conseil fédéral. Parallèlement, il faut noter que, dans chaque département, davantage de personnes ont obtenu le droit d'accéder dans EXEBRC aux affaires du Conseil fédéral classifiées CONFIDENTIEL pendant la pandémie de COVID-19, ce qui est quelque peu contradictoire avec les mesures de protection précitées. L'augmentation des autorisations d'accès a notamment été justifiée par l'urgence et le fait qu'elle devait être provisoire, sans qu'on sache bien pour combien de temps les autorisations supplémentaires devaient être accordées.

La procédure spéciale n'a pas atteint son objectif, qui était de réduire le nombre d'indiscrétions, notamment parce que le nombre de personnes qui, en fin de compte, pouvaient effectivement consulter les dossiers en version papier n'a pas diminué, ou qu'en partie. Les CdG comprennent que le Conseil fédéral ait supprimé cette procédure peu de temps après l'avoir introduite, d'autant plus qu'elle ne respectait pas totalement les prescriptions légales.

Selon les CdG, ce constat coïncide avec les déclarations faites par différentes personnes lors de leurs auditions: des mesures purement techniques ne suffisent pas à empêcher les indiscrétions, ni même à en réduire le nombre. En outre, les investigations des CdG montrent une certaine résignation au sein de plusieurs organes ­ en particulier de la CSIC, mais également de la CSG, de la conférence hebdomadaire des secrétaires généraux suppléants et du Conseil fédéral lui-même ­ sur la question des indiscrétions. Globalement, on peut constater que les quatre organes précités ont effectivement abordé cette problématique. Toutefois, vu que les mesures qu'ils ont prises ­ adaptation des procédures applicables aux affaires du Conseil fédéral et thématisation de cette problématique ­ sont restées sans effet, aucune autre mesure n'a été prise.

155 156

Annexe à la lettre du MPC à la ChF du 6.6.2023.

Annexe à la lettre du MPC à la ChF du 6.6.2023.

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Recommandation 3 Le Conseil fédéral est invité à examiner comment faire en sorte que la thématique des indiscrétions soit abordée plus souvent et comment tirer profit des travaux menés actuellement par le groupe de travail «Indiscrétions / Bases légales» pour qu'un réel changement ait lieu grâce à des mesures efficaces. Il s'agit entre autres de déterminer ­ dans l'optique d'une définition de la notion d'indiscrétion ­ quelles informations ne peuvent être partagées avec des personnes non autorisées.

Par ailleurs, les CdG regrettent que les procès-verbaux des séances du Conseil fédéral continuent d'être extrêmement sommaires, ce qui rend les discussions et les décisions intraçables. La façon actuelle de consigner les séances ne satisfait pas aux exigences légales de l'art. 13, al. 3, LOGA, selon lequel les éléments essentiels des délibérations et les décisions du Conseil fédéral sont intégralement consignés et le procès-verbal des séances en assure la traçabilité. L'établissement de procès-verbaux sommaires est un obstacle à une gestion efficace, car il n'est plus possible de comprendre a posteriori certains éléments essentiels de la prise de décision; cette façon de consigner les décisions n'est donc pas opportune. En outre, la haute surveillance parlementaire s'en trouve entravée, voire devient impossible, ce que les CdG jugent inacceptable.

Recommandation 4 Le Conseil fédéral et, en particulier, la Chancellerie fédérale veillent à ce que les procès-verbaux du Conseil fédéral soient rédigés de façon à assurer la traçabilité des délibérations et des décisions du Conseil fédéral.

Pour les CdG, les explications données par les personnes auditionnées ne permettent pas de savoir clairement quelle importance est donnée à la question des indiscrétions lors de l'entrée en fonction d'un nouveau membre du Conseil fédéral, d'un nouveau ou d'une nouvelle responsable de la communication d'un département ou d'un nouveau secrétaire général ou d'une nouvelle secrétaire générale. Un contrôle de sécurité relatif aux personnes est effectué au moins pour toutes les personnes travaillant avec des informations confidentielles. Celles qui travaillent dans l'entourage direct d'un membre du Conseil fédéral sont même soumises à un contrôle approfondi qui dure plusieurs heures et lors duquel le risque d'indiscrétions
constitue un critère essentiel.

Recommandation 5 Le Conseil fédéral veille à ce que ses nouveaux membres, les nouveaux responsables de la communication des départements et les nouveaux secrétaires généraux bénéficient d'une sensibilisation et d'une formation suffisantes concernant le problème des indiscrétions. Il est invité à présenter aux commissions une stratégie en la matière, laquelle inclura la question des briefings et des débriefings des séances du Conseil fédéral et celle de l'échange d'informations avec son propre parti. S'il s'est déjà doté d'une telle stratégie, il la remettra aux commissions.

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Le Conseil fédéral a demandé à ce que les accès et les droits d'accès soient réexaminés deux fois par année et à ce que le résultat des réexamens soit communiqué à la ChF, ce dont les CdG se félicitent. La ChF est ensuite chargée de dresser une vue d'ensemble à l'intention de tous les départements. L'objectif de cette mesure est d'assurer une meilleure traçabilité des accès. Selon les commissions, il faudra lier ce monitorage à la surveillance des accès effectifs et de la transmission d'informations classifiées au sein des départements. En outre, les CdG prennent acte du fait que, le 22 septembre 2023, le Conseil fédéral a demandé à la ChF, sur la proposition de cette dernière, d'élaborer un projet de modification de la LOGA visant à permettre ou à simplifier l'accès aux données secondaires de systèmes utilisés pour le traitement des affaires du Conseil fédéral. L'objectif est de pouvoir procéder immédiatement à une analyse nominale se rapportant aux personnes des accès en cas d'indiscrétions.

Il est actuellement impossible de savoir si ce monitorage et les autres mesures (rapport du MPC à la ChF, notamment) produiront des effets, en particulier si elles permettront de réduire le nombre d'indiscrétions. On ne peut pas non plus évaluer définitivement la mise en oeuvre des travaux du GT IB. Les CdG constatent que, selon les personnes auditionnées, les minces chances de succès d'une plainte pénale contre inconnu pour violation du secret de fonction sont la principale raison pour laquelle on renonce souvent d'emblée à déposer une telle plainte, alors même que la violation du secret de fonction est un délit poursuivi d'office. À cet égard, les travaux subséquents relatifs au rapport du GT IB seront très importants. Conformément au mandat des commissions, le présent rapport porte sur les indiscrétions commises pendant la pandémie de COVID-19 (cf. chap. 1.2). Au regard de la décision des CdG du 24 janvier 2023, la thématique des indiscrétions en général reste du ressort des sous-commissions Tribunaux/MPC, qui se chargeront donc des travaux subséquents relatifs au rapport du GT IB.

Les CdG se rallient à l'avis de la majorité des membres du Conseil fédéral et du chancelier de la Confédération selon lequel la question de savoir si de nombreuses indiscrétions se produisent au sein d'un département relève de la conduite. Toutefois, les commissions souhaitent faire remarquer que des indiscrétions peuvent survenir même si la conduite du département est stricte.

4.2

Influence des indiscrétions sur le travail du Conseil fédéral et la relation de confiance entre ses membres

Les CdG ont cherché à savoir si les nombreuses indiscrétions commises ont eu une influence sur le travail du Conseil fédéral. Elles sont parvenues à la conclusion que cela a été le cas à plusieurs égards. Durant la pandémie, le Conseil fédéral a été exposé a de nombreuses tentatives insistantes de prise d'influence de la part de personnes externes157, ce qui a nui aussi bien à son travail qu'à la relation de confiance entre ses membres.

157

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 3 (CONFIDENTIEL, non public).

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Inscription de certaines affaires à l'ordre du jour des séances du Conseil fédéral Selon les dires des personnes auditionnées, à la suite des indiscrétions survenues, certaines affaires ont été inscrites à l'ordre du jour d'une séance du Conseil fédéral plus tôt que prévu et ce dernier a pris une décision plus rapidement sur certaines affaires que cela aurait été le cas sans la pression exercée par l'opinion publique158.

Influence sur la classification des affaires Les indiscrétions répétées auraient notamment conduit à ce que des affaires soient classifiées CONFIDENTIEL, voire SECRET, alors que leur contenu ne le nécessitait pas159. Cela a eu pour conséquence que les documents concernés ont été accessibles à un moins grand nombre de personnes que s'ils avaient été classifiés correctement et que des personnes disposant d'une précieuse expertise n'ont parfois pas été impliquées, ce qui a généré un surcroît de travail.

Renonciation aux corapports et remise tardive des documents La quasi-totalité des membres du Conseil fédéral entendus ont indiqué qu'eux-mêmes ou d'autres membres du Conseil fédéral avaient renoncé, au moins en partie, à la remise de corapports, qu'ils n'avaient formulé des propositions ou des questions que sous forme orale lors de la séance160 ou que les documents pertinents n'avaient été remis que très tardivement161. Ils ont expliqué que cette dernière mesure avait été prise avant tout afin de réduire le plus possible le risque d'une indiscrétion dans la presse dominicale162. À leurs yeux, le processus de prise de décision a également été mis à mal par cette mesure, car le peu de temps de préparation à disposition ne permettait pas de se pencher de manière approfondie sur l'affaire concernée163.

Perte de confiance et détérioration du climat de travail Les indiscrétions ont entraîné une perte de confiance au sein du Conseil fédéral et une détérioration ­ au moins temporaire ­ du climat de travail. C'est ce qu'ont confirmé la grande majorité des personnes auditionnées164. Selon ces dernières, les nombreuses

158 159 160

161 162 163 164

Procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, pp. 5 et 9 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, p. 12 et procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 15 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, p. 4 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 5.4.2023, p. 5 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 13 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 21 (CONFIDENTIEL, non public); cf. ci-dessous chap. 5.1 ss.

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, p. 14 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 15 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, p. 12 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 15 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.3.2023, p. 24 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 4.5.2023, p. 3 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, pp. 9 et 23 s. (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 32 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, pp. 2 et 10 s. (CONFIDENTIEL, non public).

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indiscrétions avaient quelque chose de corrosif165 et ont notamment rendu la collaboration au sein du Conseil fédéral plus difficile166.

Comme décrit ci-dessus, des indiscrétions ont aussi régulièrement porté sur le contenu des séances du Conseil fédéral et les discussions au sein du Conseil fédéral (cf. chap. 3). Selon les déclarations de plusieurs personnes entendues, ces indiscrétions ont à plusieurs reprises été abordées pendant les séances du Conseil fédéral et en marge de ces dernières, et un sentiment de résignation perceptible s'est installé167.

D'après les personnes concernées, ces indiscrétions ont particulièrement sapé la confiance au sein du collège gouvernemental, car seuls les cheffes et chefs de département ainsi que le chancelier de la Confédération et les deux vice-chanceliers étaient présents aux séances168. Les personnes auditionnées ont toutefois précisé qu'une indiscrétion ne devait pas nécessairement provenir d'une des personnes présentes, mais qu'elle pouvait aussi être le fait de personnes ayant participé aux débriefings au sein des départements169. Selon la ChF, ces débriefings doivent se limiter au strict nécessaire et, partant, porter uniquement sur les contenus des séances du Conseil fédéral et les décisions, et non pas sur les déclarations et les prises de position des différents membres du Conseil fédéral170. D'après elle, il n'existe pas de directives écrites ou de guide concernant les débriefings171, mais elle aborde cette thématique lors de l'accueil de nouveaux membres du Conseil fédéral172.

Influence sur le processus de prise de décision et la qualité du travail du Conseil fédéral S'agissant de la question de savoir si les indiscrétions ont eu une influence sur le processus concret de prise de décision au sein du Conseil fédéral, les avis des personnes entendues divergeaient. Tandis que certaines ont nié catégoriquement toute influence173, d'autres se sont montrées plus nuancées, en partant toutefois du principe que les indiscrétions n'avaient pas joué un rôle décisif dans le processus de décision174. D'autres encore ont clairement constaté l'influence des indiscrétions sur la prise de décision du Conseil fédéral. Selon elles, l'indépendance du processus a été

165 166 167 168 169 170 171 172 173

174

Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 15 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 23 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 11 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 17 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, pp. 9 et 22 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 13 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, pp. 13 et 31(CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 13 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, pp. 30 s. (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 18 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 18 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 14 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, p. 12 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 28.4.2023, p. 26 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 25 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 5 (CONFIDENTIEL, non public).

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entravée et certaines décisions ont été prises différemment en raison des indiscrétions et de la pression qui en a découlé175.

Selon certaines personnes, les indiscrétions ont porté atteinte à la qualité des décisions et au processus de prise de décision en tant que tel et exercé une influence négative sur la qualité du travail du Conseil fédéral176. Le GT IB a même estimé que la garantie de la capacité d'action et la cohésion du Conseil fédéral avaient été mises en péril177.

Aux yeux de certaines personnes auditionnées, les nombreuses indiscrétions émanant directement des séances du Conseil fédéral ont même constitué une menace pour la bonne gouvernance de l'État178.

Influence sur la crédibilité du Conseil fédéral Selon les explications fournies au sein de la CSIC, des indiscrétions récurrentes nuisent à la crédibilité du Conseil fédéral179. La crédibilité du Conseil fédéral et des institutions pourrait être renforcée s'il n'y avait plus d'indiscrétions180. Lorsqu'un si grand nombre d'indiscrétions se produit, cela sape la confiance de la population dans le Conseil fédéral181.

4.3

Discussion menée au sein du Conseil fédéral le 25 janvier 2023182

Après la mise au jour des contacts étroits entre l'ancien chef de la communication du DFI et le directeur de Ringier, le Conseil fédéral a mené une discussion à ce sujet lors

175

176

177 178 179 180 181 182

Procès-verbal de l'audition du 4.5.2023, pp. 3 s. (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 5 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, pp. 10 et 31 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 27.2.2023, p. 12 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, pp. 13 et 23 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 15 (CONFIDENTIEL, non public).

Rapport du groupe de travail Indiscrétions / Bases légales du 31.5.2022, pp. 4 s.

Procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 22 (CONFIDENTIEL, non public).

Extrait du procès-verbal de la séance de la CSIC du 18.4.2019.

Extrait du procès-verbal de la séance de la CSIC du 18.4.2019.

Extrait du procès-verbal de la séance de la CSIC du 14.12.2020.

Lors de la consultation de l'administration sur le projet du présent rapport, la ChF et le chef du DFI ont indiqué que les délibérations du Conseil fédéral ne sont pas publiques, conformément à l'art. 21 LOGA, et qu'il y avait donc lieu de biffer ce passage. Les CdG ont estimé que, selon le commentaire de la LOGA (Sägesser, 2007), l'objectif de cette disposition de la LOGA est de permettre au Conseil fédéral de former librement son opinion et de parvenir à un consensus; il ne s'agit pas, selon les CdG, d'interdire toute investigation ultérieure sur la prise de décision du Conseil fédéral. D'ailleurs, les CdG ont généralement accès à ces informations. Toutefois, lorsqu'elles les exploitent, elles font preuve de retenue et ne s'y réfèrent que pour exercer leur mandat légal et pour garantir la traçabilité de leur appréciation; ce faisant, elles pèsent les différents intérêts en présence.

En l'espèce, la discussion qui a eu lieu au sein du Conseil fédéral est au coeur de l'enquête des CdG. Les références à des informations non publiques ont été réduites au strict minimum afin de tenir compte des réserves exprimées par la ChF et le chef du DFI. En outre, le Conseil fédéral a lui-même informé le public de cette discussion et, lors de leurs auditions, plusieurs membres du Conseil fédéral ont fait référence à cette discussion et se sont exprimés à ce sujet.

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de sa séance du 25 janvier 2023183. Il semble que l'objectif de cette discussion ait été de clarifier les reproches et de rétablir la confiance au sein du Conseil fédéral et la confiance du public. Certaines personnes interrogées ont estimé que, compte tenu des indiscrétions qui avaient lieu en permanence, cette discussion était importante, voire qu'elle aurait dû avoir lieu plus tôt184.

Lors de la discussion, le chef du DFI a pu présenter son point de vue aux autres membres du Conseil fédéral; une partie de la discussion a été menée en l'absence du chef du DFI. À la conférence de presse consécutive à cette discussion, il a été déclaré que le chef du DFI avait assuré ses collègues qu'il ne savait rien d'éventuelles indiscrétions et que la confiance avait été rétablie au sein du Conseil fédéral.

Dans l'ensemble, les cheffes et chefs de département ont tiré un bilan positif de la discussion185. Toutefois, les personnes entendues n'ont pas toutes affirmé qu'elles avaient eu l'impression que la confiance avait pu être rétablie à l'issue de cette discussion186. À leurs yeux, le fait que le chef du DFI ait pu confirmer au reste du collège qu'il ne savait rien des éventuelles indiscrétions et qu'il ne tolérait aucune indiscrétion était néanmoins essentiel187.

4.4

Appréciation des répercussions des indiscrétions régulières sur le fonctionnement et le travail du Conseil fédéral ainsi que sur la relation de confiance entre ses membres

Aux yeux des CdG, les explications ci-dessus montrent que les indiscrétions régulières ont mis à mal la relation de confiance entre les membres du Conseil fédéral et compliqué le travail de ce dernier. Les différentes mesures prises en vue de prévenir les indiscrétions ont en partie porté atteinte au fonctionnement du Conseil fédéral et à la qualité de son travail. Selon les CdG, il convient à cet égard de relever en particulier les aspects suivants:

183 184 185 186 187

­

Le fait d'attribuer à une affaire un niveau de classification plus élevé que ce qu'exige son contenu a pour conséquence que moins de personnes ont accès à cette affaire et aux documents y afférents. Cela peut impliquer que les connaissances nécessaires issues de l'administration fédérale ne puissent pas être intégrées dans la prise de décision et que, par conséquent, la qualité d'une décision du Conseil fédéral s'en trouve réduite.

­

Le fait de renoncer à la remise de corapports écrits ou de remettre tardivement des documents en vue d'une séance du Conseil fédéral peut également impliquer que les connaissances spécifiques de l'administration fédérale ne puissent pas être sollicitées ou ne puissent l'être que partiellement, ce qui est susLe Conseil fédéral a mis le procès-verbal de la séance concernée à la disposition du groupe de travail (SECRET, non public).

Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 1 (SECRET, non public).

Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 1 (SECRET, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, pp. 22 et 32 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 14 (CONFIDENTIEL, non public).

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 14 (CONFIDENTIEL, non public).

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ceptible d'avoir des répercussions sur la qualité des décisions. Un autre problème lié à la renonciation à la remise de corapports écrits est la traçabilité des décisions du Conseil fédéral, notamment pour la haute surveillance parlementaire.

­

En outre, la renonciation à la remise de corapports rend également plus difficile la présidence des séances. Ainsi, le président ou la présidente ne sait pas dans quel sens ira telle ou telle discussion, ce qui ne lui permet pas de se préparer de manière optimale188.

Les CdG parviennent à la conclusion que les mesures décrites (renonciation à des corapports écrits, sur-classification des affaires, remise tardive des documents) étaient certes en partie compréhensibles durant la pandémie de COVID-19. Toutefois, à leurs yeux, celles-ci ne doivent en aucun cas devenir la norme eu égard aux conséquences négatives exposées. Les commissions estiment que la renonciation à des corapports écrits est particulièrement préoccupante et tiennent à souligner ici l'importance de la procédure de corapport. Elles considèrent en effet qu'il s'agit d'un instrument très important de l'État de droit, qui permet de garantir la qualité des décisions du Conseil fédéral et doit donc être utilisé dans la mesure du possible.

Recommandation 6 Le Conseil fédéral et la Chancellerie fédérale sont invités à préciser les dispositions relatives à la procédure de corapport en y indiquant qu'on ne peut renoncer aux corapports écrits que pour de justes motifs.

Parmi les personnes entendues, un grand nombre partent du principe que les indiscrétions qui concernaient directement les séances du Conseil fédéral ou qui portaient sur leur contenu ont trouvé leur origine dans les débriefings au sein des départements. Les CdG se rallient à ce point de vue. Les commissions critiquent le fait qu'il n'existe pas de consignes ou de directives concernant le déroulement des débriefings des séances du Conseil fédéral. Les CdG ne peuvent pas juger dans quelle mesure la sensibilisation et la formation prodiguées par la ChF lors de l'entrée en fonction d'un nouveau membre du Conseil fédéral sont opportunes et adéquates. Au sein des départements et de la ChF, les débriefings se déroulent de manière très hétérogène (forme, participants et participantes, contenu, etc.; cf. à ce sujet les explications aux chap. 5.1 s.).

Recommandation 7 Le Conseil fédéral et la Chancellerie fédérale sont invités à élaborer et à mettre en oeuvre des lignes directrices relatives au déroulement des débriefings, au sein des départements et de la Chancellerie fédérale, des séances du Conseil fédéral. L'objectif est que ces débriefings se déroulent de manière aussi homogène que possible. L'accueil des nouveaux membres du Conseil fédéral devra dorénavant se fonder sur ces lignes directrices.

188

Procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 10 (CONFIDENTIEL, non public).

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Les CdG peuvent comprendre que certaines circonstances puissent avoir des répercussions négatives sur la relation de confiance entre les membres du Conseil fédéral et que des tensions plus sérieuses que de simples divergences de vue concernant certains dossiers puissent apparaître. Il y a déjà eu par le passé, pour de multiples raisons, des phases où la collaboration au sein du Conseil fédéral a été, vu de l'extérieur, plus difficile. Il semble assez évident que les indiscrétions fréquentes survenues pendant la crise pandémique ont pu nuire à la relation de confiance entre les membres du Conseil fédéral. Les nombreuses indiscrétions et la perte de confiance au sein du Conseil fédéral ont porté préjudice à l'institution que constitue le Conseil fédéral en tant que telle, y compris à la façon dont elle a été perçue de l'extérieur. Cela a suscité des incertitudes au sein de la population et entaché la crédibilité du Conseil fédéral. Selon les CdG, de telles conséquences sont problématiques, notamment en période de crise.

Pour les raisons susmentionnées, les CdG recommandent au Conseil fédéral de poursuivre ses efforts visant à mettre en place des mesures plus efficaces pour poursuivre les indiscrétions et, partant, déployer un effet préventif (cf. recommandation 3).

Les CdG saluent expressément le fait que le Conseil fédéral ait mené une discussion sur cette question importante lors de sa séance du 25 janvier 2023. Comme décrit cidessus, il s'agissait là d'une situation difficile. Les CdG souhaitent néanmoins encourager le Conseil fédéral à ne pas hésiter à recourir de nouveau à cet instrument si la relation de confiance entre ses membres devait être affectée par des indiscrétions ou d'autres incidents. Elles s'étonnent d'ailleurs qu'une telle discussion n'ait pas eu lieu plus tôt, compte tenu de la fréquence des indiscrétions. En effet, la relation de confiance s'était déjà détériorée bien avant la publication des reproches adressés à l'ancien chef de la communication du DFI.

En outre, les CdG constatent qu'il ne ressort ni du procès-verbal ni des auditions des diverses parties impliquées si d'autres mesures avaient été décidées s'agissant de la discussion menée ou si des travaux de suivi avaient été prévus.

Les CdG estiment qu'il incombe en premier lieu au président ou à la présidente de la
Confédération d'inscrire une discussion à l'ordre du jour d'une séance. Durant la pandémie de COVID-19, les personnes concernées ont, selon leurs propres dires, abordé le sujet des indiscrétions dans un cadre informel, par exemple en marge d'une séance189. Ces entretiens n'étant pas consignés, les commissions ne peuvent pas juger si le sujet des indiscrétions a effectivement été abordé et, dans l'affirmative, à quelle fréquence. Cela est notamment problématique du point de vue de la haute surveillance, car il n'est pas possible de vérifier les déclarations concernées. Le président ou la présidente de la Confédération a un rôle important à jouer, car il ou elle a la légitimité, de par sa fonction, pour inscrire le sujet des indiscrétions à l'ordre du jour de la séance hebdomadaire du Conseil fédéral190. Le président ou la présidente de la Confédération doit s'efforcer de créer un climat constructif qui soit propice au travail du collège gouvernemental. Cela peut notamment contribuer à réduire le risque d'indiscrétion.

189

Procès-verbal de l'audition du 16.5.2023, p. 21 (CONFIDENTIEL, non public); procès-verbal de l'audition du 26.5.2023, p. 24 (CONFIDENTIEL, non public).

190 Procès-verbal de l'audition du 19.6.2023, p. 18 (CONFIDENTIEL, non public).

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Recommandation 8 Le Conseil fédéral est invité à se pencher régulièrement sur la question des indiscrétions et, s'il lui semble qu'une grave perte de confiance est survenue en son sein, à aborder ce point lors d'une discussion générale. Il devra notamment tenir compte de la recommandation 4 et établir un procès-verbal détaillé au sens de l'art. 13, al. 3, LOGA, qui rende également compte de la décision relative aux éventuelles mesures prises et à la suite de la procédure.

La Chancellerie fédérale est priée d'indiquer le rôle qu'elle pourrait jouer en matière d'observation et de conseil du Conseil fédéral.

5

Gestion et mesures prises par les départements et la Chancellerie fédérale face aux indiscrétions liées au COVID-19

Les chapitres suivants traitent de l'attitude de la ChF et des départements face aux indiscrétions en général et dans le contexte de la pandémie en particulier. Ils présentent d'une part les mesures prises en interne dans les départements et à la ChF en complément aux bases légales et aux directives générales en vigueur pour prévenir les indiscrétions. D'autre part, ils indiquent si des plaintes pénales ont été déposées. Enfin, ils examinent dans le détail la question de savoir comment les départements ont adapté leur gestion face à l'accumulation des indiscrétions durant la pandémie.

Les CdG ont demandé des informations à tous les départements et à la ChF. Les réactions à l'exercice du droit à l'information des CdG ont toutefois été très hétérogènes.

Ces dernières ne disposant pas de la même quantité d'informations pour tous les départements et la ChF, les chapitres ci-après se distinguent également de par leur contenu.

5.1

Département fédéral de l'intérieur

Ce chapitre, comme les suivants sur les autres départements, explique les mesures prises par le DFI pour éviter les indiscrétions. Conformément au concept d'enquête, il aborde également des questions spécifiques liées au rôle de l'ancien chef de la communication du DFI (accès à des informations confidentielles, contacts avec les médias, départ du département).

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5.1.1

Mesures mises en oeuvre en vue d'éviter les indiscrétions au sein du DFI

Mesures générales mises en oeuvre au sein du département en vue d'éviter les indiscrétions Le DFI ne disposait pas de directives ou d'instructions spécifiques relatives aux indiscrétions ou au traitement d'informations confidentielles191. Les personnes interrogées au DFI ont indiqué que les dispositions relatives au secret de fonction et au secret professionnel s'appliquaient et que tous les collaborateurs et collaboratrices y étaient rendus attentifs au début de leurs rapports de travail. Dans le cercle restreint, et en particulier au sein de l'équipe de briefing192 entourant le chef de département, il était clair pour toutes et tous que la confidentialité prévalait, notamment lors de la préparation des affaires du Conseil fédéral, et que la formation de l'opinion du gouvernement était digne de protection. Tant les deux secrétaires généraux interrogés que le chef de département lui-même ont souligné qu'il a toujours été clairement communiqué que les indiscrétions ne seraient pas tolérées et qu'elles entraîneraient des sanctions fondées sur le droit du personnel. Ils ont précisé qu'une plainte pénale avait été déposée lorsque des éléments laissaient penser que des indiscrétions provenant du DFI avaient été commises. Le chef du DFI a également indiqué qu'il avait déjà eu plusieurs discussions avec le chancelier de la Confédération sur ce thème dès 2018, à la suite d'une augmentation des indiscrétions. Le résultat de ces discussions avait été plus ou moins le même que celui du GT IB: Dans les faits, il est quasiment impossible d'agir contre ces indiscrétions.

Il ressort des investigations menées par les CdG que le chef du DFI s'appuyait principalement sur son équipe de briefing193 pour préparer les affaires et les séances du Conseil fédéral. Ce cercle de personnes se réunissait chaque jour pour discuter des rendez-vous à venir, des affaires et, ponctuellement, des mesures de communication.

Le briefing comprenait une revue de presse quotidienne, dont les principaux éléments étaient présentés oralement au chef du DFI.

L'équipe de briefing assiste aux débriefings tenus après les séances du Conseil fédéral, auxquels s'ajoutent d'autres personnes en fonction des affaires et de leur niveau de confidentialité. Le chef du DFI a indiqué qu'il veillait toujours de très près, lors des débriefings, à communiquer
uniquement les décisions du Conseil fédéral et les informations nécessaires à la poursuite du travail par les personnes concernées. Aujourd'hui, il renonce très souvent à un débriefing ou transmet les informations nécessaires de manière bilatérale à la personne directement compétente. Il a relevé que peu de débriefings concernant les affaires des autres départements avaient eu lieu durant la pandémie, par manque de temps, contrairement aux briefings quotidiens, qui ont toujours eu lieu.

191

La directive du DFI sur la gestion électronique des affaires au sein du SG-DFI (directive GEVER) règle le traitement des documents (classifiés).

192 Outre le secrétaire général et les deux collaborateurs personnels, cette équipe comprend également le chef de la communication, la conseillère pour les affaires internationales et l'antichambre du chef de département.

193 Cf. note de bas de page 192.

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Tant le chef du département que l'ancien et l'actuel secrétaire général du DFI ont souligné que les indiscrétions étaient thématisées au sein de l'équipe de briefing, de la conférence des directeurs d'office et du secrétariat général, et que les collaboratrices et collaborateurs étaient régulièrement rendus attentifs au secret de fonction. Il convient de noter que deux collaborateurs du SG-DFI, dont le chef de la communication, ont estimé que les informations classifiées pouvaient être partagées avec des tiers sous certaines conditions, par exemple dans le cadre d'informations sur le fond («Hintergrundgespräche») et en indiquant leur caractère confidentiel (voir aussi chap. 3.2.1).

Le chef du DFI a déclaré avoir expressément demandé d'entretenir les contacts avec certaines parties prenantes externes et, en particulier, d'évoquer avec les secteurs économiques directement concernés la façon dont il était prévu de mettre en oeuvre les mesures. Il a toutefois précisé qu'une distinction claire avait été opérée entre ces parties prenantes et les journalistes s'agissant d'informations relatives à des futures séances du Conseil fédéral. Un collaborateur du secrétariat général a évoqué une «zone grise» en parlant des contacts avec les parties prenantes, puisque les mesures liées au COVID devaient être discutées avec ces dernières. Dans ce contexte, tous deux ont souligné le caractère exceptionnel de la situation: il était très important de faire accepter les décisions difficiles afin de surmonter au mieux la crise.

Indiscrétions survenues pendant la période sous revue et plaintes pénales déposées Selon le chef du DFI, durant la pandémie, il y a eu des périodes où les affaires de son département occupaient 80 à 90 %, voire 100 %, des discussions au sein du Conseil fédéral, si bien qu'il y a eu beaucoup d'indiscrétions sur les affaires du DFI.

Durant la pandémie, le DFI a déposé une plainte pénale dans deux cas (le 13 janvier et le 29 novembre 2021). Selon l'actuel secrétaire général du DFI, il s'agissait de cas où les informations divulguées n'étaient accessibles qu'à un cercle restreint de personnes194.

Le chef du DFI ainsi que l'ancien et l'actuel secrétaire général du département ont indiqué qu'ils s'étaient régulièrement irrités des indiscrétions et qu'ils étaient souvent arrivés à la conclusion
qu'il fallait porter plainte, mais qu'ils y avaient renoncé en raison des expériences faites lors de précédentes dénonciations. Selon eux, une telle démarche est fastidieuse. Au DFI, ils n'auraient pas eu le temps, surtout durant la pandémie et compte tenu de l'immense charge de travail, de déposer des plaintes pénales pour lesquelles il était clair dès le départ que le cercle des personnes impliquées était large et que le MPC soit ne lancerait pas de procédure, soit la suspendrait assez rapidement. Le chef et les personnes interrogées au sein du DFI ont précisé qu'un sentiment de frustration ou de résignation régnait au sein de l'administration fédérale quant aux chances de voir aboutir des plaintes pénales pour violation du secret de fonction.

Les personnes du DFI entendues, en particulier le chef du département, l'actuel secrétaire général et l'ancien chef de la communication, ont indiqué aux CdG qu'ils ne pensaient pas que les indiscrétions puissent provenir de leur département. Le chef du DFI a indiqué que les indiscrétions nuisent surtout au département en charge et com194

Le MPC a suspendu ces deux procédures.

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pliquent considérablement son travail. Les indiscrétions ont notamment beaucoup compliqué le travail de communication. Une bonne compréhension des mesures adoptées était pourtant un facteur essentiel de la gestion de crise, les mesures ne pouvant porter leurs fruits que si elles étaient comprises et suivies par la population. En outre, le chef du département et l'actuel secrétaire général ont tous deux estimé que c'était le chef du DFI qui était au centre de l'attention des médias et du public, et non le Conseil fédéral dans son ensemble. Avec pour conséquence que la colère des opposantes et opposants aux mesures s'est également dirigée contre le chef du DFI, de sorte que lui et sa famille ont été sérieusement menacés et ont eu besoin d'une protection policière.

Le chef du DFI a décrit au groupe de travail les pressions auxquelles lui-même ainsi que ses collaboratrices et collaborateurs ont été soumis durant la pandémie et les menaces dont sa famille et lui ont fait l'objet. En tout temps, l'objectif a été de préparer les affaires dans le calme et sans indiscrétions et de n'informer le public qu'une fois que le Conseil fédéral avait pris ses décisions. Or les indiscrétions ont rendu cela impossible. Chaque indiscrétion a contribué à encore augmenter la pression, déjà énorme. Selon fedpol, plus de 90 % des menaces proférées à l'encontre de membres du Conseil fédéral ont été dirigées contre le chef du DFI et les indiscrétions ont eu pour conséquence directe la profération de menaces de mort.

Du point de vue des personnes interrogées au sein du DFI, les indiscrétions provenaient de diverses autres sources. Selon elles, les auteurs pouvaient être des personnes de l'administration ayant eu accès aux dossiers concernés, les membres du comité de pilotage COVID-19, dont faisaient partie tous les secrétaires généraux, toutes les secrétaires générales et d'autres parties prenantes, ou encore les destinataires de documents de consultation confidentiels dans les cantons ou les associations économiques ou parmi les partenaires sociaux.

Il ressort des investigations menées par le groupe de travail que les personnes auditionnées dans d'autres départements ne partagent que partiellement l'avis du DFI.

Certains des autres chefs de département ont indiqué qu'ils pensaient que les fuites provenaient du DFI. Une
personne a souligné qu'il existait en fait un «consensus» sur le fait qu'il y avait des indiscrétions ciblées en provenance du DFI et que cela avait été thématisé avec le chef du DFI en marge des séances du Conseil fédéral. Deux autres membres du Conseil fédéral avaient également cherché à s'entretenir en bilatéral avec le chef du DFI à propos des indiscrétions, mais dans un cas, il ne s'agissait pas d'une indiscrétion liée à une affaire relative au COVID-19195.

Changements apportés à la gestion des affaires, en particulier aux débriefings et aux corapports, à la suite des indiscrétions répétées Les collaborateurs et collaboratrices du DFI auditionnés ont indiqué que différentes mesures avaient été prises pour éviter les indiscrétions, dont notamment l'adaptation de la procédure de corapport, introduite début 2021 à l'initiative du DFI et appliquée pendant quelques semaines (cf. chap. 4.1.2). En outre, le DFI et la Chancellerie fédé195

Un autre membre du Conseil fédéral a également confirmé avoir pris contact bilatéralement avec un collègue à la suite d'une indiscrétion liée au COVID-19, sans toutefois donner de nom.

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rale ont proposé que les consultations des cantons et d'autres acteurs externes soient ouvertes par le Conseil fédéral plutôt que par le DFI et qu'à partir de fin janvier 2021, les documents de consultation soient chaque fois directement publiés. De plus, selon son chef, le DFI a essayé de réduire les délais au plus court et de ne distribuer les documents qu'au dernier moment, une proposition toutefois rejetée par les autres départements, car cela ne permettait pas une préparation adéquate.

Au sein du DFI, la gestion n'a fait l'objet d'aucune adaptation spécifique durant la pandémie. Son chef a toutefois indiqué qu'il avait souvent renoncé à un débriefing après les séances du Conseil fédéral pour des raisons de temps, car il fallait à chaque fois préparer immédiatement la communication publique et la conférence de presse.

La question de renoncer aux corapports ne s'est guère posée pour le chef du DFI, puisque la majorité des affaires provenaient de son département. Il a toutefois indiqué qu'il avait abordé à plusieurs reprises le sujet des indiscrétions au sein de l'équipe de briefing et qu'ils avaient réfléchi sur leur origine. Mais pour lui, il est certain que les indiscrétions ne provenaient pas de là, car personne ne se rendrait la tâche aussi ardue.

5.1.2

Rôle de l'ancien chef de la communication du DFI

Accès à des informations confidentielles L'ancien chef de la communication du DFI faisait partie du cercle de collaboratrices et collaborateurs le plus proche du chef de département et donc aussi de l'«équipe de briefing» (cf. chap. 5.1.1). Tant le chef du DFI que l'ancien chef de la communication ont souligné qu'une bonne communication n'est possible que si les personnes responsables de la communication sont parfaitement informées des affaires du Conseil fédéral. C'est pourquoi l'ancien chef de la communication avait accès à la base de données des affaires du Conseil fédéral (EXEBRC). Comme il assistait aux briefings quotidiens, aux séances de préparation des séances du Conseil fédéral et aux débriefings après celles-ci, il avait accès à toutes les informations, à l'exception des affaires classifiées SECRET.

Le chef du DFI a indiqué au groupe de travail que, pendant la pandémie, tous les membres de son équipe avaient collaboré très étroitement, vu qu'ils passaient douze heures par jour ensemble, et que les sujets importants étaient discutés oralement. L'ancien secrétaire général du DFI a précisé au groupe de travail que le service de communication du département ne dépendait pas du secrétaire général, mais directement du chef de département, et que les détails de la communication étaient définis par ce dernier et le chef de la communication.

Contacts avec les médias Comme décrit au chap. 3.2.1, l'ancien chef de la communication a eu de nombreux échanges avec le directeur de Ringier. Lui-même et le chef du DFI ont souligné qu'un grand nombre de ces contacts concernaient des projets concrets et qu'il s'agissait donc d'«échanges normaux». Le chef du DFI a indiqué qu'il était en principe informé de ces contacts, que son chef de la communication avait également entretenu des contacts étroits avec d'autres médias et que cela faisait partie de ses tâches.

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Comme expliqué au chap. 3.2.1, l'ancien chef de la communication a parfois partagé des informations confidentielles avec le directeur de Ringier. Tant la ChF que le chef du DFI ont confirmé que la transmission des informations était problématique, eu égard aux lignes directrices de la CSIC et de l'ordonnance concernant la protection des informations. Le chef du DFI a toutefois estimé qu'il ne s'agissait pas d'indiscrétions ciblées et que le but était d'entretenir les contacts (cf. chap. 3.2.1). L'ancien chef de la communication a avancé des arguments similaires.

Il n'est pas possible de répondre à la question de savoir si l'ancien chef de la communication a également partagé des informations avec des journalistes via son compte de messagerie privé. L'analyse des courriels professionnels montre qu'il a adressé de manière répétée des courriels de son compte professionnel à sa messagerie privée. En raison de l'enquête pénale en cours, il n'a pas souhaité s'exprimer sur ces courriels, auxquels le groupe de travail n'a pas eu accès (cf. chap. 3.2.1). Cela étant, il convient de rappeler ici que la transmission d'informations internes ou confidentielles à une adresse électronique privée est généralement interdite en vertu de l'ordonnance concernant la protection des informations.

De l'avis des CdG, il convient également de relever que l'ancien chef de la communication du DFI a écrit, dans un courriel, qu'il était disposé à fournir des renseignements sur un autre membre du Conseil fédéral dans le cadre d'un partage d'informations sur le fond (pour autant qu'on puisse en juger, il ne s'agissait pas d'une question liée à une affaire du Conseil fédéral relative au COVID-19; toutefois, cet exemple illustre bien la problématique du partage d'informations sur le fond, cf. chap. 3.2.1 et 3.4). Dans le cadre de son enquête, le groupe de travail est par ailleurs tombé sur un courriel d'un collaborateur du secrétariat général adressé à l'ancien chef de la communication, dans lequel ce dernier est informé d'une décision à venir qui est d'intérêt public et qui devrait donc être divulguée196. Les courriels reçus ne contiennent aucune réaction écrite de l'ancien chef de la communication. Par la suite, un article de journal contenant l'information en question est paru, mais l'enquête n'a pas mis à jour que celle-ci
avait effectivement été transmise par le collaborateur concerné ou par l'ancien chef de la communication197. Le collaborateur concerné a été auditionné par le groupe de travail. Pour les CdG, il est important de souligner une nouvelle fois que la présomption d'innocence s'applique aux personnes concernées.

Fin des rapports de travail Le chef du DFI a appris l'arrestation de son ancien chef de la communication le 17 mai 2022. Il s'est alors immédiatement mis à la disposition du procureur fédéral extraordinaire pour une audition, que celui-ci n'a toutefois voulu mener que quelques jours plus tard. Jusqu'à cette audition du 22 mai 2022, le chef du DFI a supposé que l'arrestation était liée à l'enquête sur le rapport Crypto. Il n'aurait appris les accusations concernant les fuites liées au COVID-19 que lors de l'audition sur place. Il a précisé avoir rencontré l'ancien chef de la communication juste après et l'a interrogé sur les contacts avec Ringier. Il n'a pas vraiment reçu de réponse, mais il a eu l'im196

Le courriel indique précisément ceci: «Wir sollten das leaken.» (en français: «Nous devrions faire fuiter cette information.»).

197 L'information publiée concernait l'annexe d'une ordonnance du Conseil fédéral dont la mise à jour incombait au DFI après consultation du DFJP, du DFF et du DFAE.

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pression que son ancien chef de la communication avait peut-être fait preuve d'une trop grande confiance, sans pour autant avoir agi de manière intentionnelle. Au cours de cet entretien, le chef de la communication l'aurait également informé oralement de sa démission. Dans la foulée, le chef du DFI a ordonné, par mesure de précaution, que son ancien chef de la communication, encore en poste à ce moment-là, n'ait plus accès à son courrier électronique et aux systèmes de l'administration.

Le lendemain, c'est-à-dire le 23 mai 2022, le chef du DFI a demandé par courriel à son secrétaire général d'envisager l'ouverture d'une enquête administrative ou disciplinaire. Celui-ci lui a conseillé d'y renoncer, arguant que la procédure pénale en cours était de toute façon prioritaire et que le chef de la communication avait déjà remis sa démission198.

5.1.3

Synthèse et appréciation

Les CdG tiennent à souligner qu'elles ont conscience de la situation exceptionnelle à laquelle le DFI a dû faire face pendant la pandémie: pour elles, il est clair que la charge de travail et la pression ont pris des proportions gigantesques. Elles regrettent que le chef du DFI et sa famille aient fait l'objet de menaces sérieuses.

Cela étant, les CdG ne savent pas dans quelle mesure il existait un lien direct entre les indiscrétions et les menaces précitées. Selon elles, le chef du DFI, en sa qualité de chef du département tenu de proposer des mesures drastiques, était par la force des choses dans le viseur des médias et du public. On ne peut exclure que les indiscrétions aient renforcé l'intérêt pour sa personne; toutefois, on ne peut en conclure que les indiscrétions ne pouvaient pas provenir du DFI, et qu'elles provenaient donc forcément d'autres départements, comme l'ont parfois affirmé certaines personnes du DFI lors de leurs auditions.

L'enquête des CdG montre par ailleurs que l'ancien chef de la communication du DFI a parfois partagé des informations confidentielles avec le directeur de Ringier, même s'il n'y a aucune preuve que celles-ci aient ensuite été publiées. Plusieurs personnes auditionnées, y compris dans les rangs du DFI, ont estimé que les contacts étroits et les échanges réguliers entre les deux hommes étaient inhabituels, voire problématiques s'agissant de l'égalité de traitement de tous les médias. Les CdG sont du même avis, considérant qu'il n'y a aucune raison légitime d'informer le directeur de Ringier ­ ou toute autre personne hors de l'administration fédérale ­ de futures décisions du Conseil fédéral, voire de leur transmettre des projets de communiqué de presse, avant que le Conseil fédéral ait pris ses décisions.

Les CdG soulignent également que certains membres du Conseil fédéral ont dit, lors de leurs auditions, supposer que le DFI était (dans de nombreux cas) à l'origine des indiscrétions. En dépit des contacts étroits susmentionnés199, les commissions ne peuvent pas déterminer si cette supposition est correcte. En raison des sources lacunaires 198

En se référant à la communication orale du 22.5.2022, l'ancien chef de la communication a remis le 30.5.2022 sa démission écrite pour le 31.8.2022. Celle-ci lui a été confirmée le 29.6.2023, la déclaration de démission date du 26.8.2022.

199 Cf. à ce sujet chap. 3.2.1 et 5.1.2

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dont elles disposent, elles ne peuvent pas prouver que les informations transmises par l'ancien chef de la communication du DFI au directeur de Ringier ont été utilisées par les médias.

Il convient de souligner que les CdG n'ont trouvé aucun indice laissant penser que le chef du DFI était au courant d'éventuelles indiscrétions et de la transmission d'informations confidentielles par son chef de la communication. Lors de son audition, le chef du DFI a expliqué qu'il était au courant des contacts de son ancien chef de la communication, mais qu'il n'en connaissait pas le contenu exact. Pour les raisons qui suivent, les CdG ne peuvent juger ce point de manière définitive. Premièrement, les échanges quotidiens entre le chef du DFI et son ancien chef de la communication avaient lieu surtout par oral et il est donc impossible de les reconstituer. Deuxièmement, seuls les courriels du compte professionnel de l'ancien chef de la communication pour la période allant de février 2020 à septembre 2021 étaient à la disposition des CdG pour leur enquête: les courriels professionnels hors de cette période200 et les courriels de la messagerie privée de l'ancien chef de la communication ne leur ont pas été fournis. L'ancien chef de la communication du DFI a résilié le contrat avec Swisscom sept semaines après son audition par le groupe de travail, suite à quoi l'entreprise a supprimé les e-mails, conformément au contrat. Les e-mails sont toujours sous scellés et l'ancien chef de la communication n'a pas voulu les mettre à la disposition du groupe de travail, invoquant la procédure pénale en cours. Les CdG regrettent qu'il n'ait pas été possible d'effectuer une analyse complète des courriels et que certaines questions soient restées sans réponse. En particulier, une analyse complète aurait peut-être montré si les courriels envoyés par l'ancien chef de la communication à sa messagerie privée avaient été retravaillés et transmis.

Les commissions se sont aussi demandé si le chef du DFI avait pris les précautions appropriées pour réagir aux nombreuses indiscrétions. Il est difficile de se faire une idée précise de la situation: les investigations des CdG ont montré que le DFI avait tenté d'empêcher les indiscrétions au moyen de diverses mesures. À l'initiative du DFI et de la ChF, une procédure spéciale a été appliquée
pendant un certain temps, l'objectif étant de mieux protéger la confidentialité de la procédure de corapport (cf. chap. 4.1.2). S'agissant des consultations effectuées auprès des cantons, le DFI et la ChF ont également eu l'idée de présenter les éléments soumis à la consultation au Conseil fédéral avant de les publier. Cependant, le chef du DFI n'a pris aucune mesure dans son propre département et, selon les informations dont les CdG disposent, il n'a pas remis en question les contacts étroits entre son ancien chef de la communication et certains médias. Pour expliquer cette absence de réaction, le chef du DFI a dit qu'il était absolument certain que les indiscrétions ne provenaient pas de son département.

Les CdG ne comprennent que partiellement l'argumentation selon laquelle le chef du DFI a renoncé à prendre des mesures spécifiques parce qu'il était parti du principe que les fuites ne provenaient pas du DFI: à leurs yeux, le chef du DFI aurait dû prendre des mesures dans son propre département ­ ou au moins envisager de le faire ­, compte tenu des discussions récurrentes à propos d'indiscrétions et du fait qu'il était au courant des contacts entretenus par son ancien chef de la communication. Quoi qu'il en soit, le chef du DFI a déclaré qu'il avait régulièrement abordé la probléma200

Cf. chap. 3.2.

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tique des indiscrétions avec son équipe de briefing. En outre, il faut souligner que le DFI, contrairement aux autres départements et à la ChF, a déposé une plainte pénale pour violation présumée du secret de fonction dans deux cas liés à des affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 (cf. chap. 5.3).

En fin de compte, les CdG ne peuvent que constater que le chef du DFI n'a pas tenté de savoir si les nombreuses indiscrétions provenaient de son département ou de son entourage et n'a pris aucune mesure interne. Elles précisent toutefois que l'enquête n'a mis en lumière aucune preuve attestant que le DFI était à l'origine des indiscrétions et que le chef du DFI avait connaissance d'éventuelles fuites ou les avait tolérées.

Dans ce contexte, elles soulignent également qu'aussi bien le chef du DFI que l'ancien secrétaire général et le secrétaire général actuel du département ont attiré l'attention sur les bases légales claires concernant les indiscrétions. Les CdG ont toutefois trouvé des indices montrant que cela n'était pas aussi limpide pour tous les collaborateurs et collaboratrices du SG-DFI.

Selon l'ancien chef de la communication du DFI, dans certains cas, il était non seulement possible, mais même nécessaire de partager des informations classifiées avec des médias ou des tiers, en les considérant comme des informations contextuelles, afin de favoriser l'acceptation des décisions du gouvernement et de maîtriser au mieux la crise. Comme déjà évoqué, de l'avis des CdG, ce point de vue n'explique pas pourquoi le directeur de Ringier qui, selon les déclarations de l'ancien chef de la communication, n'exerce aucune activité journalistique, a reçu de telles informations, ni pourquoi l'ancien chef de la communication du DFI s'est déclaré disposé à donner des renseignements sur le chef d'un autre département à l'occasion d'un partage d'informations sur le fond («Hintergrundgespräch»). Les CdG estiment qu'un tel entretien n'est pas compatible avec les prescriptions et les objectifs du partage d'informations sur le fond.

Un autre collaborateur du SG-DFI a parlé d'une «zone grise» entourant la transmission d'informations confidentielles lors des contacts avec les parties prenantes. Si les CdG peuvent concevoir qu'il n'est pas toujours aisé de savoir où se trouvent les limites, elles constatent
néanmoins que les bases juridiques sont claires à ce sujet et qu'elles ne prévoient aucune marge de manoeuvre pour la transmission d'informations confidentielles. À ses yeux, il est tout à fait probable que les points de vue de l'ancien chef de la communication et du collaborateur du SG-DFI concernant les informations confidentielles aient pu laisser à penser qu'il existait bel et bien une zone grise et que certaines indiscrétions étaient jugées opportunes, compte tenu notamment du fait que, pendant cette période, aucune consultation ordinaire n'a pu être menée.

5.2

Les autres départements et la Chancellerie fédérale

5.2.1

Chancellerie fédérale

En préambule, il convient de préciser que la ChF, en tant qu'état-major du Conseil fédéral, joue un rôle clé dans le cas présent. Ce chapitre se concentre sur les mesures prises au sein de la ChF pour éviter les indiscrétions. Les mesures prises par la ChF ou mises en oeuvre par elle sur mandat du Conseil fédéral sont présentées au chap. 4.

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Mesures générales mises en oeuvre au sein de la Chancellerie fédérale en vue d'éviter les indiscrétions Environ 130 collaborateurs et collaboratrices de la ChF sont impliqués d'une manière ou d'une autre dans les affaires du Conseil fédéral. Une indiscrétion pourrait donc théoriquement provenir de la ChF. Les personnes de la ChF auditionnées ont condamné les fuites liées aux séances du Conseil fédéral, soulignant que cette pratique était combattue au sein de la ChF et qu'ils partaient du principe que les indiscrétions ne provenaient pas de là.

La ChF a été concernée au premier chef par les mesures décidées par le Conseil fédéral pour le traitement des affaires. Il s'agit ici en premier lieu de la procédure spécialement mise en place pour les affaires sensibles du DFI. Aucune autre mesure n'a été décidée au sein de la ChF. Les indiscrétions auraient toutefois été thématisées dans toutes les instances auxquelles la ChF participe (cf. chap. 4.1.2).

Indiscrétions survenues pendant la période sous revue et plaintes pénales déposées Comme évoqué plus haut, la ChF dépose une plainte pénale dans deux cas: dans le premier, sur mandat du Conseil fédéral et, dans le second, lorsque cela concerne/concernait une affaire qu'elle a inscrite à l'ordre du jour. Ces deux cas ne sont pas intervenus durant la période sous revue.

Changements apportés à la gestion des affaires, en particulier aux débriefings et aux corapports, à la suite des indiscrétions répétées Au sein de la ChF, trois personnes ont accès aux affaires du Conseil fédéral classifiées SECRET: le chancelier de la Confédération et les deux vice-chanceliers. En règle générale, aucun briefing ou débriefing n'a lieu sur ces affaires. Pour celles non secrètes, le débriefing se limite à un renvoi à la proposition ou à la prise de position correspondante («selon la proposition», «selon la prise de position»). En cas de mandats de suivi pertinents pour la ChF, les décisions du Conseil fédéral sont présentées de manière plus détaillée. Comme il y a eu des affaires secrètes ou confidentielles supplémentaires pendant la pandémie de COVID-19, le cercle des participantes et participants aux débriefings a été plus restreint que d'habitude et la transmission des informations a été encore plus restrictive.

5.2.2

Département fédéral des finances

Mesures générales mises en oeuvre au sein du département en vue d'éviter les indiscrétions Au cours de son audition, l'ancien chef du DFF a souligné qu'il ne disposait pas, au contraire d'autres chefs ou cheffes de département, d'un état-major des rapporteurs et rapporteuses, et qu'il communiquait surtout avec les directeurs et directrices des offices rattachés à son département. Il a précisé qu'il n'avait pas édicté de directives écrites spécifiques à son département sur la manière de gérer des informations classifiées, mais qu'il a régulièrement attiré l'attention de ses collaborateurs et collaboratrices sur le fait que toute violation du secret de fonction entraînerait un licenciement immédiat. Il a par ailleurs indiqué qu'il avait mené une politique restrictive en matière 65 / 86

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d'information au sein de son département de sorte que, en cas de questions des médias, les directeurs et directrices d'office s'étaient systématiquement adressés au chef de la communication du DFF avant de fournir des informations. Selon lui, le chef de la communication l'a par ailleurs toujours consulté pour les questions sensibles, ne répondant lui-même qu'aux questions courantes. Et d'ajouter que, en tant que chef de département, il avait pris soin de restreindre le cercle des personnes informées afin de réduire le risque que des informations ne soient rendues publiques par mégarde.

Indiscrétions survenues pendant la période sous revue et plaintes pénales déposées Selon les explications fournies par l'ancien chef du DFF, les corapports établis par son département ont fait l'objet de davantage d'indiscrétions que d'autres départements, leur contenu ayant fuité presque systématiquement. Il avait été frappant de constater que les médias commençaient à poser des questions très peu de temps après la remise du corapport. Dans un cas, le DFF a dû publier un communiqué de presse pour «corriger» des informations erronées publiées par le Tagesanzeiger201. Dans ce cas, comme dans les autres, le Secrétariat général du DFF (SG-DFF) n'a déposé aucune plainte pénale, en raison des faibles chances de succès.

Changements apportés à la gestion des affaires, en particulier aux débriefings et aux corapports, à la suite des indiscrétions répétées Constatant que le contenu des corapports et des discussions menées lors des séances du Conseil fédéral avait à maintes reprises été publié dans la presse ­ surtout pendant la pandémie ­, la question s'était posée, pour le DFF comme pour les autres départements (cf. ci-après), de savoir s'ils devaient présenter des corapports et sous quelle forme ils devaient organiser des briefings ou des débriefings sur les séances du Conseil fédéral. Durant la pandémie, l'ancien chef du DFF a parfois choisi, selon ses dires, de rédiger lui-même les corapports, afin d'éviter toute prise de connaissance par quelqu'un d'autre dans son département et d'exclure ainsi tout risque de fuite. De même, il a généralement veillé à retarder le plus possible la remise de ses corapports.

En outre, l'ancien chef du DFF a dans certains cas renoncé à établir un corapport écrit, privilégiant un avis oral.
Le cercle des personnes participant aux débriefings était généralement limité aux directeurs et directrices des offices, au secrétaire général et à son suppléant, y compris durant la pandémie. Lors de ces séances, seules les informations concernant les décisions impliquant des travaux subséquents pour le DFF étaient communiquées; selon l'ancien chef du DFF, les discussions menées au sein du Conseil fédéral n'étaient, quant à elles, jamais abordées.

201

Communiqué de presse du DFF du 3.3.2021: «Clarification concernant le plan d'ouverture du conseiller fédéral Ueli Maurer».

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5.2.3

Département fédéral des affaires étrangères

Mesures générales mises en oeuvre au sein du département en vue d'éviter les indiscrétions Durant son audition, le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a déclaré que, depuis son entrée en fonction, il avait appliqué le principe de la tolérance zéro au sein de son département et que ses collaborateurs et collaboratrices savaient que toute indiscrétion entraînerait au moins l'ouverture d'une procédure disciplinaire.

De plus, il a souligné que, dès son entrée en fonction, il avait restreint l'accès à certaines informations, notamment aux notes d'information destinées au Conseil fédéral sur les visites diplomatiques, au sein de son département. En ce qui concerne la communication, le DFAE a appliqué une approche descendante. Son service de communication ne doit en principe faire aucun commentaire sur les affaires que le Conseil fédéral n'a pas encore traitées en séance. En outre, le département suit la règle des «sept + deux» pour ce qui est des affaires classifiées «confidentiel»: lorsque l'accès est accordé à un collaborateur ou à une collaboratrice, il est automatiquement retiré à une autre personne.

Les documents supplémentaires fournis par le Secrétariat général du DFAE (SGDFAE) montrent également que le chef actuel du département a pris activement les choses en main dès 2018 en ce qui concerne les indiscrétions. Cette année-là, à la suite de plusieurs indiscrétions, il a amené le sujet sur la table dans le cadre de la Délégation pour la sécurité (Délséc), au sein de laquelle siègent, outre le DFAE, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et le Département fédéral de justice et police (DFJP); le DDPS a alors dressé un état des lieux complet. En mars 2021, les directeurs ou les directrices des différentes directions du DFAE ont défini un plan d'action visant à sensibiliser leur personnel à la question de la sécurité de l'information. Ce plan, dont l'objectif premier est de limiter les risques d'espionnage, de fuites ou de vol d'information au sein du DFAE, aborde également la question des indiscrétions.

Le DFAE dispose en outre d'un Compliance office, rattaché au SG et chargé de traiter les irrégularités constatées au sein du département. Les violations du secret de fonction font partie des irrégularités qui doivent être
signalées. En novembre 2021, le DFAE a mis en ligne une plateforme d'annonce interne destinée à renforcer le système de signalement et qui permet notamment de signaler les violations du secret de fonction202.

Par ailleurs, le DFAE a déposé plusieurs plaintes pénales pour soupçon de violation du secret de fonction (6 plaintes entre 2018 et 2022, dont une entre dans le cadre de la période sous revue). De plus, à la fin octobre 2022, le chef du département a adressé un courriel à l'ensemble des collaborateurs et collaboratrices du DFAE après avoir constaté qu'un journaliste du Blick avait disposé, le 19 octobre déjà, d'informations détaillées sur le voyage en Ukraine prévu dès le 20 octobre; ce courriel n'a suscité aucune réaction.

202

Au moment où ce rapport est rédigé, aucune statistique concernant l'utilisation de cette plateforme n'est disponible.

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Changements apportés à la gestion des affaires, en particulier aux débriefings et aux corapports, à la suite des indiscrétions répétées Au sein du DFAE ­ comme d'autres départements ­, les personnes présentes lors des débriefings varient en fonction de la nature et du nombre des affaires traitées, de leur confidentialité et des travaux subséquents. Aucun briefing ni débriefing n'est tenu concernant des affaires du Conseil fédéral classifiées «secret». Durant la pandémie, la pratique des débriefings, déjà restrictive en temps normal, selon les indications du DFAE, n'a pas été davantage restreinte et aucun changement n'a été opéré.

Durant la pandémie, le chef du DFAE a lui aussi renoncé en partie à établir des corapports en raison des fréquentes indiscrétions commises.

Mesures prises en tant que président de la Confédération pour éviter les indiscrétions Lors de son audition, le chef du DFAE a expliqué que, durant sa présidence, il avait régulièrement soulevé la question des indiscrétions au début des séances du Conseil fédéral. Et de préciser qu'il avait demandé aux membres du Conseil fédéral d'attirer l'attention de leurs collaborateurs et collaboratrices sur le fait qu'il était inacceptable que le collège gouvernemental ne puisse pas discuter d'un sujet sans être influencé par les médias.

5.2.4

Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche

Mesures générales mises en oeuvre au sein du département en vue d'éviter les indiscrétions Dans le cadre de son audition, le chef du Département de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) a déclaré que les collaborateurs et collaboratrices du Secrétariat général de son département (SG-DEFR) se voyaient régulièrement rappeler leurs obligations légales et savaient que les indiscrétions n'étaient pas tolérées. Il a en outre indiqué qu'il informait les nouveaux cadres du SG-DEFR des règles en vigueur et les répétait fréquemment, notamment lors des séances des directeurs et directrices d'office. Pour ce qui est des relations avec les médias, il avait donné pour instruction à son service de la communication de ne pas répondre aux questions touchant aux discussions du Conseil fédéral. De plus, il ressort de son audition que le chef du DEFR privilégie la prudence en matière d'information au sein du SG-DEFR: de manière générale, il ne transmet les informations dont il dispose qu'une fois que le traitement d'une affaire est terminé, ce afin de s'assurer que les éventuelles informations ayant fuité dans la presse avant les séances du Conseil fédéral ne proviennent pas de son département. Lors des débriefings, seules les décisions sont communiquées; rien n'est communiqué sur le déroulement des débats. En outre, pour ce qui est de l'information des médias, le SG-DEFR veille à se coordonner étroitement avec les offices du département, afin d'éviter que ces derniers ne laissent par mégarde filtrer des informations confidentielles.

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Indiscrétions survenues pendant la période sous revue et plaintes pénales déposées Durant la période sous revue, le DEFR a tenté, avec le concours du DFAE, d'identifier l'auteur ou l'autrice des indiscrétions commises en juin 2020, lesquelles avaient vraisemblablement servi à la rédaction d'un article publié dans la NZZ203. Le chef du DEFR a ainsi chargé son secrétaire général suppléant d'investiguer sur la diffusion du courriel supposément transmis à la NZZ. Celui-ci avait à l'origine été adressé à dix personnes, avant d'être envoyé finalement à 32 personnes au total. Après ces clarifications, les deux départements ont décidé de ne pas déposer de plainte pénale contre inconnu.

D'après la liste établie par le DEFR, une vingtaine d'indiscrétions relatives aux affaires concernant le COVID-19 ont concerné le département durant la pandémie. Dans tous ces cas, le SG-DEFR a décidé de ne pas déposer de plainte pénale, en raison des faibles chances d'obtenir gain de cause.

Changements apportés à la gestion des affaires, en particulier aux débriefings et aux corapports, à la suite des indiscrétions répétées Dans le cadre de son audition, le chef du DEFR a souligné qu'il ne renonçait que rarement à recourir aux corapports et qu'il avait généralement continué d'établir les corapports qui lui semblaient nécessaires, considérant qu'ils contribuaient à la qualité des séances du Conseil fédéral. Concernant les débriefings, il a fait savoir qu'il y avait toujours recouru avec une grande retenue, prenant soin d'opérer une distinction entre les types de débriefing. De manière générale, il n'informait qu'un petit nombre de personnes des affaires confidentielles et ne donnait jamais d'informations sur le contenu des discussions du Conseil fédéral. Durant la pandémie, le cercle des personnes assistant à ces débriefings a été réduit encore davantage.

Mesures prises en tant que président de la Confédération pour éviter les indiscrétions En tant que président de la Confédération en 2021, le chef du DEFR a sensibilisé ses collègues du Conseil fédéral à la question des indiscrétions, en particulier au début de son année présidentielle, lors de la séance du 20 janvier 2021. Au vu du grand nombre d'indiscrétions commises peu auparavant, il a inscrit cette problématique à l'ordre du jour et a demandé aux départements de
rappeler à leurs collaborateurs et collaboratrices les règles relatives au secret de fonction. Lors de la séance précitée, le Conseil fédéral a demandé à la ChF de ne distribuer certains documents papier confidentiels concernant le COVID-19 qu'aux seules personnes participant à ses séances (cf.

chap. 4.1.2).

Lorsque le nouveau procureur général de la Confédération, Stefan Blättler, est entré en fonction à l'automne 2021, le président de la Confédération et le chancelier de la Confédération lui ont adressé une lettre pour l'inviter à discuter ensemble de la problématique des poursuites pénales relatives aux indiscrétions; une réunion s'est tenue le 24 novembre 2021 pour déterminer comment lutter plus efficacement contre les violations du secret de fonction. À l'issue de cette rencontre, un groupe de travail

203

Indiscrétions DEFR/DFAE, incident de juin 2020 (CONFIDENTIEL, non public).

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associant la ChF et le Ministère public de la Confédération (MPC) a élaboré des propositions de mesures en ce sens (cf. chap. 4.1.3).

5.2.5

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

Mesures générales mises en oeuvre au sein du département en vue d'éviter les indiscrétions Lors de son audition, la cheffe du DDPS a souligné que son département pratiquait la tolérance zéro en ce qui concerne les indiscrétions. Selon ses dires, tous les collaborateurs et collaboratrices du Secrétariat général du DDPS, au moment de leur entrée en fonction, se voient systématiquement remettre les bases légales en vigueur ainsi que des dépliants et des brochures contenant les informations pertinentes. Elle a ajouté que des formations obligatoires sur le thème de la protection de l'information étaient organisées chaque année. Une autre mesure mise en oeuvre est le contrôle régulier des bureaux, pour vérifier si les informations classifiées sont sécurisées correctement. De plus, le secrétaire général rappelle régulièrement aux cadres que la divulgation d'informations classifiées constitue un motif de licenciement. Pendant la période sous revue, il est documenté que le secrétaire général a rappelé à deux reprises la confidentialité lors de la séance de direction du DDPS et indiqué que la fuite d'informations constituait un motif de licenciement204. Lors de son audition, la cheffe du DDPS a également évoqué le cas d'un collaborateur qui avait transmis des informations internes par téléphone dans le train et dont l'écran de l'ordinateur portable était visible pour un autre passager. Le collaborateur en question a été licencié.

Dans l'intérêt de la protection de l'information, le cercle des personnes participant aux briefings est maintenu aussi restreint que possible - en règle générale, seules trois personnes (la cheffe du DDPS, le secrétaire général et la rapporteuse ou le rapporteur concerné) ont connaissance des affaires classifiées SECRET. Par ailleurs, celles-ci seraient traitées uniquement sur des ordinateurs autonomes et imprimées sur des imprimantes sans accès au wifi. Lors des débriefings des séances du Conseil fédéral, les informations portent en outre exclusivement sur les décisions pertinentes pour le traitement ultérieur des affaires; le cercle des personnes informées est en outre très restreint (cheffe du DDPS, secrétaire général et rapporteuse/rapporteur concerné) et sont transmises oralement.

Indiscrétions survenues pendant la période sous revue et plaintes pénales déposées Selon la
liste des indiscrétions présumées survenues en lien avec les affaires relatives au COVID-19 pendant la période sous revue et les informations que le groupe de travail des CdG a reçues directement du Secrétariat général du DDPS, aucune indiscrétion n'est connue en rapport avec les affaires du DDPS relatives au COVID-19. Cela

204

Courriel du SG DDPS au groupe de travail des CdG du 16.3.2023, annexe 2, vue d'ensemble des déclarations du SG DDPS sur les indiscrétions et les violations du secret de fonction lors de séances de la direction du SG DDPS.

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mérite d'être relevé dans la mesure où le DDPS a lui aussi soumis régulièrement des projets de lutte contre la pandémie au Conseil fédéral.

Changements apportés à la gestion des affaires, en particulier aux débriefings et aux corapports, à la suite des indiscrétions répétées En réaction aux indiscrétions répétées durant la période sous revue, la cheffe du DDPS a en partie renoncé avec regret aux corapports écrits, car elle considère la procédure de corapport comme très importante pour les discussions au sein du Conseil fédéral.

Durant la pandémie, les débriefings ont généralement eu lieu par conférence téléphonique; le cercle déjà restreint de personnes y assistant a été maintenu pendant cette période. Quant aux affaires classifiées CONFIDENTIEL ou SECRET, elles ont continué à faire l'objet d'un retour en bilatéral.

5.2.6

Département fédéral de justice et police

Mesures générales mises en oeuvre au sein du département en vue d'éviter les indiscrétions Lors de son audition, l'ancienne cheffe du DFJP a indiqué qu'il était régulièrement rappelé aux collaboratrices et collaborateurs de son département que les violations du secret de fonction étaient punissables et que la direction du département ne les tolérerait pas. L'ancienne secrétaire générale aurait également informé à plusieurs reprises les collaboratrices et collaborateurs du DFJP de son obligation de fournir leurs noms au MPC si celui-ci venait à enquêter sur des plaintes pénales pour violation du secret de fonction. Dans ce contexte, il n'a pas été jugé opportun d'édicter des directives spécifiques au département en matière de protection de l'information.

Comme il est d'usage au DFJP, ont participé aux débriefings les directeurs et directrices des offices et du Secrétariat d'État ainsi que la secrétaire générale, la secrétaire générale adjointe, le chef de la communication, les conseillères et conseillers spécialisés et les collaboratrices et collaborateurs personnels. La confidentialité a été garantie par le fait qu'aucune information confidentielle n'a été transmise lors de ces débriefings, notamment en ce qui concerne le contenu des discussions au sein du Conseil fédéral.

Indiscrétions survenues pendant la période sous revue et plaintes pénales déposées L'enquête menée par le groupe de travail des CdG n'a pas permis de déterminer clairement dans quelle mesure les affaires du Conseil fédéral ou les corapports du DFJP ont été concernés par des indiscrétions durant la période sous revue. La liste établie par le Conseil fédéral sur la base des réponses reçues des départements ne contenait aucune affaire du DFJP. Sur question du groupe de travail des CdG, la ChF a confirmé fin mars, après avoir consulté le secrétaire général du DFJP, qu'aucune fuite matérielle concernant des affaires du DFJP n'avait été documentée. Lors de son audition, qui a eu lieu quelques semaines plus tard, l'ancienne cheffe du DFJP a fait état de plusieurs indiscrétions concernant des corapports du DFJP. En réponse à la demande du groupe de travail formulée après son audition, la cheffe du département a expliqué que les

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exemples de fuites de documents du DFJP mentionnés n'étaient pas exhaustifs et qu'elle n'avait aucune vue d'ensemble en la matière.

Changements apportés à la gestion des affaires, en particulier aux débriefings et aux corapports, à la suite des indiscrétions répétées Au début de la pandémie de COVID-19, le nombre de débriefings a chuté au DFJP.

L'ancienne cheffe du DFJP n'informait généralement, selon ses propres dires, que l'ancienne secrétaire générale des décisions prises ainsi que des éventuelles mesures à prendre par le DFJP suite aux séances. Durant cette période, le DFJP a également réduit le nombre de personnes ayant accès aux affaires du Conseil fédéral par le biais du système de gestion électronique des affaires GEVER. Lors de son audition, l'ancienne cheffe du DFJP a expliqué qu'en conséquence, elle avait dû elle-même investir plus de temps dans la préparation des séances.

De même, l'ancienne cheffe du DFJP s'est abstenue de participer à la rédaction de corapports pendant la période sous revue. Lors de son audition, elle a toutefois souligné qu'elle n'aurait pas renoncé à un corapport en cas d'éventuelles objections juridiques qu'elle aurait dû faire valoir par écrit en tant que ministre de la Justice.

5.2.7

Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication

Mesures générales mises en oeuvre au sein du département en vue d'éviter les indiscrétions Le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) n'avait aucune directive spécifique en plus des règles générales en vigueur. Lors de son audition, l'ancienne cheffe du DETEC a souligné que la question des indiscrétions était avant tout une question de conduite et de culture. C'est pourquoi elle a estimé que des messages de sensibilisation transmis oralement de manière répétée étaient plus efficaces qu'une consigne écrite, qui peut vite tomber dans l'oubli. Pour elle, il était essentiel de faire comprendre régulièrement au sein de son département que les objectifs fixés devaient être atteints sans recourir à des indiscrétions. Ce point a montré toute son importance lorsqu'une indiscrétion a porté préjudice à son propre département.

C'est généralement un cercle restreint de personnes qui a participé aux briefings et aux débriefings, à savoir le secrétaire général, le secrétaire général adjoint ainsi que les rapporteurs et rapporteuses qui ont préparé les dossiers du Conseil fédéral. Selon la confidentialité des affaires, les discussions ont eu lieu en comité restreint, parfois uniquement avec le secrétaire général. Lors des débriefings, ni les détails ni les noms évoqués durant les séances du Conseil fédéral n'ont été mentionnés et il a régulièrement été rappelé que les discussions étaient confidentielles.

Indiscrétions survenues pendant la période sous revue et plaintes pénales déposées D'après la liste établie pour les indiscrétions matérielles, aucune indiscrétion n'a été enregistrée concernant les affaires du DETEC relatives au COVID-19. Selon l'ancienne cheffe du département, le fait que les affaires de son département aient sans 72 / 86

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doute été moins touchées par les fuites que d'autres affaires tient certainement au cercle plus restreint des personnes consultées sur les affaires du DETEC relatives au COVID-19, comparé à d'autres mesures, et que les décisions prises, par exemple les aides financières accordées au secteur des transports publics, étaient moins controversées que d'autres mesures, comme l'obligation de porter un masque.

Changements apportés à la gestion des affaires, en particulier aux débriefings et aux corapports, à la suite des indiscrétions répétées Durant la pandémie, les débriefings se sont déroulés majoritairement (exclusivement à certaines périodes) en ligne. Ceux par Skype ont été réalisés en petit comité.

L'ancienne cheffe du DETEC n'a pas renoncé aux corapports. Elle juge la procédure de corapport essentielle, en ce sens qu'elle permet au Conseil fédéral de poser des questions en amont et de s'intéresser à des questions techniques.

Mesures prises en tant que présidente de la Confédération pour éviter les indiscrétions En tant que présidente de la Confédération durant la première année de la pandémie, il était important pour elle de faire comprendre régulièrement au collège gouvernemental dans son ensemble que les indiscrétions n'étaient pas dans l'intérêt général de la Suisse. Pour elle, il était essentiel de créer un état d'esprit selon lequel il était dans l'intérêt du pays de préserver la confidentialité. Elle y est parvenue au cours de l'année présidentielle sur plusieurs dossiers importants, par exemple sur les discussions en cours avec l'Union européenne.

5.3

Synthèse et appréciation des mesures

Dans le présent chapitre, les CdG procèdent à l'appréciation des mesures prises par les départements sous l'angle de la haute surveillance parlementaire. L'appréciation relative au DFI fait l'objet du chap. 5.1.3 et n'est mentionnée ici que si la situation l'exige.

Les considérations exposées au chap. 5.2 montrent que les pratiques des différents départements et de la ChF étaient très hétérogènes s'agissant des mesures visant à empêcher les indiscrétions.

Mesures générales En résumé, les CdG constatent que tous les chefs et cheffes de département et le chancelier de la Confédération ont souligné, lors de leurs auditions, la façon stricte dont ils avaient traité les informations classifiées. Selon les personnes auditionnées, la plupart des départements ont appliqué une politique de tolérance zéro concernant les indiscrétions. Dans certains cas, des indiscrétions ­ qui n'étaient toutefois pas liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 ­ ont même entraîné des licenciements. En outre, la majorité des membres du Conseil fédéral misent sur une sensibilisation par oral tant lors de l'arrivée de nouveaux collaborateurs et collaboratrices que par la suite, selon les besoins, ainsi que dans le cadre de formations.

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Plaintes pénales Pendant la période sous revue, aucun département ­ à l'exception du DFI ­ ni la ChF n'a déposé de plainte pénale pour violation du secret de fonction liée à une affaire du Conseil fédéral relative au COVID-19. Les personnes auditionnées ont expliqué que la charge de travail découlant du dépôt d'une plainte pénale n'en valait pas la peine, en raison des faibles chances de succès (cf. à ce sujet les chap. 4.1.1, 4.1.2 et 4.1.4).

Vu qu'il s'agit ici d'une question qui ne concerne pas uniquement les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19, mais plus généralement la poursuite de violations du secret de fonction, les sous-commissions Tribunaux/MPC des CdG poursuivent les travaux qu'elles mènent actuellement à ce sujet. Elles devront y intégrer les résultats de l'enquête qui fait l'objet du présent rapport.

En 2021, en raison des faibles chances qu'une plainte pénale aboutisse, le chancelier de la Confédération a mis sur pied le GT IB, en collaboration avec le MPC et l'OFJ.

Le mandat de ce groupe de travail était d'élaborer des options permettant de rendre plus efficaces les poursuites pénales menées par le MPC lors de violations du secret de fonction. Les sous-commissions Tribunaux/MPC se pencheront sur le suivi de ces travaux.

Débriefings Vu que les différentes indiscrétions portaient sur le contenu des discussions du Conseil fédéral, le groupe de travail s'est notamment renseigné auprès des chefs et cheffes de département sur la question des débriefings des séances du Conseil fédéral. Lors d'un débriefing, les personnes présentes à la séance du Conseil fédéral concernée font part des décisions du Conseil fédéral à leurs collègues les plus proches, c'est-à-dire à celles et ceux qui sont responsables des affaires en question. Si elles ne proviennent pas directement d'une personne ayant participé à la séance ­ à savoir un chef ou une cheffe de département, le chancelier de la Confédération ou un des deux vice-chanceliers ­, les indiscrétions sont forcément commises par une personne qui, lors du débriefing, a reçu des informations sur la discussion du Conseil fédéral. À leurs auditions, les chefs et cheffes de département et le chancelier de la Confédération ont toutefois souligné qu'ils ne donnaient aucune information concrète sur la discussion ou sur la position de l'un ou
l'autre membre du Conseil fédéral lors de ces débriefings.

Plusieurs chefs et cheffes de département ont indiqué avoir encore limité le cercle des participants et participantes aux débriefings pendant la pandémie de COVID-19, ne serait-ce que parce que, lors de la gestion de la crise, un nombre particulièrement élevé d'affaires du Conseil fédéral étaient classifiées CONFIDENTIEL ou SECRET (s'agissant des débriefings, cf. également le chap. 4.4 et la recommandation concernée).

Corapports Pendant la pandémie, la plupart des chefs et cheffes de département ont évité, du moins en partie, de déposer des corapports écrits, l'ont fait le plus tard possible ou n'ont pris position que lors de la séance, par oral (cf. également le chap. 4.4 et la recommandation concernée).

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Appréciation Globalement, il ressort des auditions que les chefs et cheffes de département et le chancelier de la Confédération n'ont pris que ponctuellement des mesures pour empêcher les indiscrétions lors de la pandémie de COVID-19 (règles strictes concernant le traitement de documents classifiés, limitation du cercle des participants et participantes aux débriefings, renonciation partielle aux corapports écrits, etc.). Étant donné que les indiscrétions ont continué, force est de constater que ces mesures n'ont pas produit les effets escomptés ou ont eu une utilité limitée. De l'avis des CdG, il est intéressant de souligner que des indiscrétions ont régulièrement été commises alors que tous les membres du Conseil fédéral ainsi que le chancelier et les vice-chanceliers de la Confédération ont assuré n'avoir rien dit du contenu des discussions du Conseil fédéral lors des débriefings.

Les CdG se félicitent que le Conseil fédéral ait reconnu qu'il fallait agir, ait été conscient de l'acuité du problème et, sur la proposition de la ChF, se soit penché sur les conclusions du GT IB. Elles aussi estiment que la menace de plainte pénale en cas de violation du secret de fonction n'a actuellement aucun effet préventif ni dissuasif. La question de savoir si le Conseil fédéral a tiré les conclusions qui s'imposaient et pris les mesures appropriées sort du cadre de l'enquête faisant l'objet du présent rapport et devra être évaluée dans le cadre de l'enquête menée actuellement par les sous-commissions Tribunaux/MPC.

En outre, les CdG estiment que les mesures prises au sein de l'administration fédérale sont actuellement insuffisantes, en particulier la sensibilisation à la question des violations du secret de fonction. On ne peut se contenter de présenter les bases légales aux nouvelles collaboratrices et aux nouveaux collaborateurs des secrétariats généraux au moment de leur prise de fonction et donc ne les informer qu'implicitement du caractère pénalement répréhensible d'une indiscrétion. Il est de la responsabilité des chefs et cheffes de département, eu égard à leurs tâches de conduite, de faire en sorte que toutes les personnes travaillant au sein de leur secrétariat général respectif connaissent la définition et la portée d'une violation du secret de fonction. En outre, ils doivent veiller à la mise en
oeuvre d'une stratégie de sensibilisation systématique et complète à tous les niveaux et à tous les offices d'un département: de l'avis des commissions, il s'agit là d'une tâche de conduite centrale. Par conséquent, les CdG saluent les efforts du Conseil fédéral, en particulier le mandat qu'il a confié à la ChF d'édicter un aide-mémoire portant sur la sensibilisation en la matière, et l'invitent à tenir compte de la recommandation ci-après.

Recommandation 9 Les chefs et cheffes de département s'assurent que tous les collaborateurs et collaboratrices d'un département (offices fédéraux, secrétariats d'État, etc.) et de la Chancellerie fédérale bénéficient à intervalles réguliers d'une sensibilisation approfondie sur la question des indiscrétions. Les chefs et cheffes de département et le chancelier de la Confédération font rapport à la Chancellerie fédérale des mesures qu'ils ont prises ou prévoient de prendre en la matière.

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Enfin, les CdG souhaitent faire part de la réflexion suivante. Si on est persuadé ­ comme la plupart des chefs et cheffes de département ­ qu'une indiscrétion ne peut pas provenir de son propre département, il est logique qu'aucune mesure ne soit prise.

Si, sur le principe, les CdG peuvent concevoir cette approche, il n'en demeure pas moins qu'elles la déplorent en l'occurrence, car elle implique en fin de compte que rien (de tangible) n'a été entrepris et donne à penser que les chefs et cheffes de département accordent trop peu d'importance à la question des indiscrétions, qu'ils ne sensibilisent pas suffisamment leur entourage à cette problématique et, dans les faits, ne pratiquent pas véritablement la tolérance zéro au sein de leur équipe.

6

Appréciation synthétique et liste des recommandations

Le présent chapitre reprend les questions principales de l'enquête et en expose les résultats essentiels. En premier lieu, les CdG relèvent qu'il n'a pas été possible, sur la base de la documentation parfois très lacunaire dont elles disposaient, d'apporter des réponses définitives aux questions de l'enquête. Non seulement elles n'ont pas eu accès à toutes les sources (documents sous scellés, messagerie supprimée, conversations non consignées ou non documentées, etc.), mais elles partent aussi du principe que de nombreuses indiscrétions sont passées par des canaux qui ne sont plus traçables aujourd'hui.

1. Le groupe de travail est chargé de déterminer quelles indiscrétions ont été commises dans le cadre du traitement de la crise du COVID-19 au Conseil fédéral, qui en est à l'origine ou les a facilitées, et qui étaient les destinataires de ces indiscrétions.

Les informations diffusées par les médias à propos d'un nombre apparemment important d'indiscrétions et le fait qu'il pourrait s'agir là d'un phénomène récurrent ont été les éléments déclencheurs du lancement d'une enquête par les CdG. L'enquête en question a confirmé qu'il y avait effectivement eu de nombreuses indiscrétions liées aux affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19. Les auditions, la veille médiatique et l'analyse des différents documents ne permettent pas de tirer des conclusions définitives sur l'origine des indiscrétions et sur les éventuelles personnes qui en étaient au courant. Même si l'analyse des courriels de l'ancien chef de la communication du DFI a montré que ce dernier avait transmis des informations confidentielles à des personnes non autorisées, et même si la veille médiatique a confirmé que certains médias, dont Blick, disposaient souvent d'informations confidentielles, il est important de souligner que les CdG ne peuvent, en se fondant sur les documents qu'elles ont pu consulter, identifier un lien de causalité direct entre la transmission de courriels par l'ancien chef de la communication du DFI ­ notamment au directeur de Ringier ­ et les informations parues dans les médias. Le chef du DFI avait connaissance des contacts parfois étroits entre son chef de la communication et le directeur de Ringier.

Le groupe de travail n'a cependant aucune preuve permettant de conclure que le chef du DFI avait été informé
des indiscrétions provenant de son département ou qu'il avait lui-même demandé que des informations soient transmises. En fin de compte, le groupe de travail n'est pas en mesure de juger définitivement des faits.

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L'enquête n'a pas non plus permis de constater si, et dans quelle mesure, des informations classifiées CONFIDENTIEL provenant d'autres départements ont été partagées avec des journalistes.

La veille médiatique a néanmoins montré que les journaux TagesAnzeiger et Blick étaient particulièrement bien informés et étaient souvent les premiers médias à évoquer des affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 qui étaient encore confidentielles à ce moment-là.

2. Le groupe de travail doit examiner quelles mesures le Conseil fédéral a prises en tant que collège pour la période en question afin d'empêcher, de manière générale, les indiscrétions en provenance des départements ou pour faire cesser les fuites régulièrement constatées dans les médias en amont des séances du Conseil fédéral.

Le groupe de travail a cherché à savoir quelles mesures ont été prises au niveau du Conseil fédéral et au niveau de chacun des départements, et quelles procédures ont été appliquées.

Ses investigations ont montré que le Conseil fédéral, à quelques exceptions près, a continué de travailler dans les structures réglementaires et selon ses procédures ordinaires. Pendant la pandémie, il a toutefois généralement tenu deux séances hebdomadaires au lieu d'une seule. En outre la CSG a décidé d'augmenter de sept à dix par département le nombre d'autorisations d'accès aux affaires du Conseil fédéral confidentielles. À la suite des premières indiscrétions, le Conseil fédéral a décidé, en janvier 2021, sur la proposition du DFI, de prévoir une procédure sur papier pour les affaires relatives au COVID-19 particulièrement sensibles, afin d'éviter le plus possible les indiscrétions. Cette procédure a été abrogée peu de temps après son introduction, car elle n'avait pas atteint son objectif ­ réduire le nombre d'indiscrétions ­ et avait même entraîné de nouveaux problèmes.

Le Conseil fédéral et la ChF ­ au sein des organes placés sous son égide (CSIC et CSG) ­ ont parfois soulevé la question des indiscrétions. Le 25 janvier 2023, après qu'il a été question des indiscrétions présumées provenant du DFI dans la presse dominicale, le Conseil fédéral a mené une discussion sur cette question.

Globalement, les CdG arrivent à la conclusion que les indiscrétions ont rarement été évoquées, que ce soit par le Conseil fédéral ou par d'autres
organes. Elles supposent que cela est dû à une certaine résignation. Selon les CdG, la discussion du 25 janvier 2023 était importante, car l'enquête a montré que les nombreuses indiscrétions ont durablement ébranlé les relations de confiance au sein du gouvernement.

La plupart des chefs et cheffes de département ont déclaré avoir renoncé, au moins partiellement, aux corapports écrits s'agissant des affaires relatives au COVID-19.

Les CdG estiment que la qualité de la prise de décision et la conduite efficace de la séance peuvent pâtir de cette approche. Selon elles, la procédure de corapport est un instrument démocratique essentiel dont il ne faudrait pas faire l'économie, même en période de crise. En renonçant à produire un corapport, on se passe en quelque sorte de l'expertise du département; en outre, on empêche les autres chefs et cheffes de département de se préparer, vu que les propositions ou les questions ne sont formulées qu'oralement, lors de la séance.

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La façon de traiter les indiscrétions varie fortement d'un département à un autre et chacun des chefs et cheffes de département estime en l'occurrence que les indiscrétions ne provenaient pas de ses rangs. Cela a eu pour conséquence, selon les CdG, que les chefs et cheffes de département n'étaient pas disposés à prendre des mesures drastiques ou estimaient que de telles mesures n'étaient pas nécessaires; en d'autres termes, ils n'ont pas été assez actifs là où ils auraient pu exercer une influence. Les CdG se rallient au moins partiellement à l'opinion selon laquelle les indiscrétions peuvent être évitées ­ du moins en partie ­ grâce à une conduite forte. Elles estiment que c'est particulièrement le cas là où une telle conduite se fait sentir jusque dans les niveaux inférieurs des départements, notamment au sein des offices fédéraux et d'autres unités administratives.

Aux yeux des commissions, il n'est pas acceptable que même la discussion et la position défendue par chacun des membres du Conseil fédéral lors des séances aient régulièrement fait ­ et continuent de faire ­ l'objet d'indiscrétions. Si ces indiscrétions ne proviennent pas d'une personne présente lors de la séance, elles doivent forcément trouver leur origine dans les débriefings effectués au sein des départements après la séance. Les CdG prennent acte avec étonnement du fait qu'il n'existe aucune directive ni règle concernant les débriefings qui soit contraignante pour l'ensemble des départements et estiment insuffisante, entre autres, la façon dont les nouveaux membres du Conseil fédéral sont sensibilisés à la question. Elles attendent que celle-ci fasse l'objet d'une meilleure attention dans le futur.

Les commissions considèrent que les nombreuses indiscrétions ­ notamment pendant la pandémie ­ sont inacceptables et critiquent le fait que des mesures n'ont été prises que ponctuellement pour y remédier.

3. Le groupe de travail doit examiner quelles mesures le président de la Confédération, Alain Berset, a prises pour la période en question afin d'éviter, de manière générale, les indiscrétions en provenance du DFI ou pour faire cesser les fuites régulièrement constatées dans les médias en amont des séances du Conseil fédéral.

Les données disponibles ne permettent pas de déterminer dans quelle mesure le chef du DFI avait connaissance
des indiscrétions de son chef de la communication de l'époque. Les déclarations des personnes auditionnées divergent fortement. De manière générale, les CdG sont surprises que, ayant été au courant des contacts étroits entre son ancien chef de la communication et le directeur de Ringier et des indiscrétions commises de façon répétée ­ notamment concernant des affaires du DFI ­, le chef du DFI n'ait pas pris de mesures spécifiques pour endiguer les indiscrétions. Une procédure spéciale relative à la distribution des documents concernant des affaires COVID-19 particulièrement sensibles a certes été mise en place sur proposition du DFI, mais aucune mesure n'a été prise au sein du département lui-même. Les CdG ne comprennent pas non plus que l'ancien chef de la communication du DFI ait adopté une définition de la notion d'indiscrétion qui ne soit pas conforme aux dispositions de l'ordonnance concernant la protection des informations et aux lignes directrices de la CSIC. Pour les CdG, on peut se demander pourquoi le chef du DFI n'a pas eu d'influence à cet égard.

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Les CdG ne comprennent pas les déclarations faites par plusieurs personnes du DFI auditionnées selon lesquelles les indiscrétions ne pouvaient émaner du DFI étant donné que, selon elles, le personnel du DFI était exposé à une énorme pression (y compris à des menaces) et que celle-ci était à chaque fois encore augmentée par les nouvelles indiscrétions qui se produisaient. Les commissions regrettent vivement les menaces personnelles qui visaient en premier lieu le chef du DFI et sa famille et reconnaissent la situation difficile dans laquelle se trouvaient les dirigeantes et dirigeants politiques de la Confédération durant la pandémie de COVID-19. Cependant, elles ne peuvent établir de lien de causalité entre les indiscrétions et la pression publique, d'autant que le chef du DFI était de toute façon sous les feux des projecteurs de l'opinion publique, avec ou sans indiscrétions.

Sur la base des explications ci-dessus, les CdG ont décidé d'adresser neuf recommandations au Conseil fédéral, lesquelles sont récapitulées ci-après.

Recommandation 1 Le Conseil fédéral veille, en collaboration avec la ChF, à définir clairement et à régler de manière juridiquement contraignante les critères applicables au partage d'informations sur le fond («Hintergrundgespräche»), d'une marnière générale et en situation de crise. Il indiquera aux commissions dans quel produit cette recommandation trouvera sa mise en oeuvre.

Recommandation 2 Le Conseil fédéral veille à la création d'une base légale portant sur la suppression des courriels de personnes ayant quitté l'administration fédérale. Il mettra en place une solution différenciée prévoyant de prolonger de façon substantielle le délai de 135 jours dans lequel les courriels des chefs et cheffes de département et des autres personnes occupant une fonction de cadre sont supprimés. Le Conseil fédéral précisera quelles personnes sont considérées comme des cadres au sens de la future disposition.

Recommandation 3 Le Conseil fédéral est invité à examiner comment faire en sorte que la thématique des indiscrétions soit abordée plus souvent et comment tirer profit des travaux menés actuellement par le groupe de travail «Indiscrétions / Bases légales» pour qu'un réel changement ait lieu grâce à des mesures efficaces. Il s'agit entre autres de déterminer ­ dans l'optique d'une définition de la notion d'indiscrétion ­ quelles informations ne peuvent être partagées avec des personnes non autorisées.

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Recommandation 4 Le Conseil fédéral et, en particulier, la Chancellerie fédérale veillent à ce que les procès-verbaux du Conseil fédéral soient rédigés de façon à assurer la traçabilité des délibérations et des décisions du Conseil fédéral.

Recommandation 5 Le Conseil fédéral veille à ce que ses nouveaux membres, les nouveaux responsables de la communication des départements et les nouveaux secrétaires généraux bénéficient d'une sensibilisation et d'une formation suffisantes concernant le problème des indiscrétions. Il est invité à présenter aux commissions une stratégie en la matière, laquelle inclura la question des briefings et des débriefings des séances du Conseil fédéral et celle de l'échange d'informations avec son propre parti. S'il s'est déjà doté d'une telle stratégie, il la remettra aux commissions.

Recommandation 6 Le Conseil fédéral et la Chancellerie fédérale sont invités à préciser les dispositions relatives à la procédure de corapport en y indiquant qu'on ne peut renoncer aux corapports écrits que pour de justes motifs.

Recommandation 7 Le Conseil fédéral et la Chancellerie fédérale sont invités à élaborer et à mettre en oeuvre des lignes directrices relatives au déroulement des débriefings, au sein des départements et de la Chancellerie fédérale, des séances du Conseil fédéral. L'objectif est que ces débriefings se déroulent de manière aussi homogène que possible. L'accueil des nouveaux membres du Conseil fédéral devra dorénavant se fonder sur ces lignes directrices.

Recommandation 8 Le Conseil fédéral est invité à se pencher régulièrement sur la question des indiscrétions et, s'il lui semble qu'une grave perte de confiance est survenue en son sein, à aborder ce point lors d'une discussion générale. Il devra notamment tenir compte de la recommandation 4 et établir un procès-verbal détaillé au sens de l'art. 13, al. 3, LOGA, qui rende également compte de la décision relative aux éventuelles mesures prises et à la suite de la procédure.

La Chancellerie fédérale est priée d'indiquer le rôle qu'elle pourrait jouer en matière d'observation et de conseil du Conseil fédéral.

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Recommandation 9 Les chefs et cheffes de département s'assurent que tous les collaborateurs et collaboratrices d'un département (offices fédéraux, secrétariats d'État, etc.) et de la Chancellerie fédérale bénéficient à intervalles réguliers d'une sensibilisation approfondie sur la question des indiscrétions. Les chefs et cheffes de département et le chancelier de la Confédération font rapport à la Chancellerie fédérale des mesures qu'ils ont prises ou prévoient de prendre en la matière.

En fin de compte, même après l'enquête menée par les CdG, on ne sait toujours pas pourquoi les affaires du Conseil fédéral relatives au COVID-19 ont fait l'objet d'autant d'indiscrétions, alors que cela n'a pas été le cas ou que ce n'est pas le cas pour d'autres affaires. L'enquête a montré qu'une multitude de motifs entrent en ligne de compte à cet égard.

Les sous-commissions Tribunaux/MPC s'occuperont du suivi de ce rapport, de la mise en oeuvre des recommandations et se pencheront sur la nécessité de mettre en place d'éventuelles mesures plus efficaces pour poursuivre les violations du secret de fonction. Elles détermineront également en temps voulu si d'autres recommandations sont nécessaires

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Suite de la procédure

Les CdG invitent le Conseil fédéral à prendre position sur les constatations et recommandations ci-dessus d'ici au 2 février 2024 au plus tard.

17 novembre 2023

Au nom des Commissions de gestion des Chambres fédérales: Le président de la CdG-E, Matthias Michel La présidente de la CdG-N, Prisca Birrer-Heimo La secrétaire des CdG, Ursina Jud Huwiler Le président du groupe de travail «Indiscrétions COVID-19» des CdG, Philippe Bauer Le secrétaire du groupe de travail «Indiscrétions COVID-19» des CdG, Stefan Diezig Pour le secrétariat du groupe de travail «Indiscrétions COVID-19» des CdG, Céline Andereggen

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Abréviations AFF

Administration fédérale des finances

al.

alinéa

art.

article

AS-MPC

Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération

AZ

Aargauer Zeitung

ChF

Chancellerie fédérale

CDF

Contrôle fédéral des finances

CdG

Commissions de Gestion de l'assemblée fédérale

CdG-E

Commission de Gestion du Conseil des États

CdG-N

Commission de Gestion du Conseil national

chap.

chapitre

CIR

Commission interne de rédaction

CP

Code pénal suisse du 21.12.1937 (CP; RS 311.0)

CSG

Conférence des secrétaires généraux

CSIC

Conférence des services d'information de la Confédération

Cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (Cst.; RS 101)

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

DélFin

Délégation des Commissions des Finances

DélCdG

Délégation des Commissions de Gestion

Délséc

Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité

DEFR

Département fédéral del'économie,

DETEC

Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DFF

Département fédéral des finances

DFI

Département fédéral de l'intérieur

DFJP

Département fédéral de justice et police

Dr.

Docteur

Éd.

Édition / éditeurs

EXEBRC

Plateforme centrale des affaires du Conseil fédéral

GEVER

Gestion électronique des affaires de la Confédération 83 / 86

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GEVER Système GEVER pour des processus interdépartementaux INTERDÉP GT IB

Groupe de travail «Indiscrétions / Bases légales»

LEp

Loi fédéral du 28.9.2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (Loi sur les épidémies, LEp; RS 818.101)

let.

lettre

LOGA

Loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010)

LParl

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10)

MPC

Ministère public de la Confédération

NZZ

Neue Zürcher Zeitung

OFIT

Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication

OFJ

Office fédéral de la justice

OFPER

Office fédéral du personnel

OFSP

Office fédéral de la santé publique

OLOGA

Ordonnance du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1)

OPrI

Ordonnance du 4.7.2007 concernant la protection des informations de la Confédération (Ordonnance concernant la protection des informations, OPrI; RS 510.411)

p./pp.

page(s)

Prof.

Professeur

RO

Recueil officiel du droit fédéral

RS

Recueil systématique du droit fédéral

s.

suivant(s)

SG

Secrétariat général / Secrétaire générale / Secrétaire général

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Annexe 1

Liste des personnes auditionnées Amherd, Viola

Cheffe du DDPS

Berset, Alain

Chef du DFI

Biaggini, Giovanni

Professeur Dr. iur., Chaire de droit public, droit administratif et droit européen, université de Zurich

Bruhin, Lukas

Ancien secrétaire général du DFI (jusqu'au 31.3.2020)

Cassis, Ignazio

Chef du DFAE

Gresch-Brunner, Lukas Secrétaire général du DFI (depuis le 1.4.2020) Keller-Sutter, Karin

Cheffe du DFF (depuis le 1.1.2023) / cheffe du DFJP (jusqu'au 31.12.2022)

Lauener, Peter

Ancien chef de la communication du DFI (jusqu'au 31.8.2022)

Marti, Peter

Procureur fédéral extraordinaire

Maurer, Ueli

Ancien conseiller fédéral, chef du DFF (jusqu'au 31.12.2022)

Parmelin, Guy

Chef du DEFR

Rossi, Viktor

Vice-chancelier de la Confédération, ChF

Simonazzi, André

Vice-chancelier de la Confédération et porte-parole du Conseil fédéral, ChF

Sommaruga, Simonetta Ancienne conseillère fédérale, cheffe du DETEC (jusqu'au 31.12.2022) Thurnherr, Walter

Chancelier de la Confédération, ChF

(anonyme)

Collaborateur du SG-DFI

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Annexe 2

Veille médiatique: séances du Conseil fédéral concernées sans aucun doute ou très probablement par des indiscrétions

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