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Communication des autorités avant des votations Rapport du 21 novembre 2023 de la Commission de gestion du Conseil national Avis du Conseil fédéral du 31 janvier 2024

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport du 21 novembre 2023 de la Commission de gestion du Conseil national «Communication des autorités avant des votations»1.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

31 janvier 2024

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Viola Amherd Le chancelier de la Confédération, Viktor Rossi

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Avis 1

Contexte

Les relations publiques font partie des tâches essentielles que la Constitution (Cst.)2 assigne au Conseil fédéral. Aux termes de l'art. 180, al. 2, Cst., ce dernier «renseigne le public sur son activité en temps utile et de manière détaillée». La loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)3 précise qu'il «informe de manière cohérente, rapide et continue sur son appréciation de la situation, sa planification, ses décisions et les mesures qu'il prend» (art. 10, al. 2, LOGA).

Le Conseil fédéral informe les électeurs sur les objets soumis à une votation fédérale.

En vertu de l'art. 10a de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (LDP)4, il les informe de manière suivie et respecte les principes de l'exhaustivité, de l'objectivité, de la transparence et de la proportionnalité. Il expose les principaux avis exprimés lors de la procédure parlementaire et ne défend pas de recommandation de vote différente de celle formulée par l'Assemblée fédérale.

Avant les votations populaires fédérales, le Conseil fédéral informe en premier lieu par ses explications concernant les objets soumis au vote. Celles-ci sont publiées au plus tard six semaines avant le jour de la votation sur le site Internet du Conseil fédéral et sur l'application VoteInfo. Elles sont également remises à tous les électeurs avec les documents de vote, sous forme de brochure. Conformément à l'art. 11 LDP, les explications doivent être brèves, objectives et exposer l'avis d'importantes minorités.

Dans le cas d'une initiative populaire ou d'un référendum, le comité fait part de ses arguments au Conseil fédéral, lequel les reprend dans ses explications en leur accordant autant de place qu'à ses propres arguments et à ceux du Parlement.

Pour chaque objet soumis au vote, la Chancellerie fédérale produit une vidéo explicative, fondée sur les explications du Conseil fédéral, et la publie sur YouTube. Les brèves allocutions que les membres du Conseil fédéral responsables des différents dossiers prononcent à la radio et à la télévision au nom du collège s'appuient également sur ces explications. Ces activités de communication sont relayées par des contributions dans les médias sociaux, notamment sur les comptes X (anciennement Twitter) et Instagram du Conseil fédéral. Les autres activités
de communication avant les votations, telles que la participation des chefs de département à des débats publics ou à des émissions, ainsi que les informations publiées dans les médias sociaux ou les sites Internet des départements responsables des différents dossiers relèvent de ceux-ci.

À la suite de la publication, à plusieurs reprises, d'informations erronées dans les explications du Conseil fédéral, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a demandé, en 2018, des explications à la Chancellerie fédérale (ChF), organe responsable de ces brochures. Un groupe de travail dirigé par la ChF a examiné de quelle manière la fiabilité des chiffres et des informations concernant le contexte et les con2 3 4

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RS 101 RS 172.010 RS 161.1

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séquences des différents projets pouvait être améliorée. Depuis, la ChF a revu les processus d'élaboration des explications de vote et pris différentes mesures visant à assurer la qualité, ce dont la CdG-N s'est félicitée.

Occasionnellement, la communication des autorités a toutefois encore fait l'objet de critiques, que ce soit à propos des indications figurant dans la brochure explicative ou de la communication de certains membres du Conseil fédéral. Dans ce contexte, les Commissions de gestion ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), le 25 janvier 2022, de réaliser une évaluation de la communication des autorités avant des votations. Se fondant sur l'évaluation du CPA du 19 juin 20235, la CdG-N a publié un rapport le 24 novembre 20236. Elle invite le Conseil fédéral à prendre position d'ici au 16 février 2024 sur les constatations et recommandations formulées dans son rapport et dans le rapport d'évaluation du CPA: elle le prie par ailleurs de lui indiquer au moyen de quelles mesures il entend mettre en oeuvre ces recommandations et à quelle échéance.

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Avis du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral est conscient du fait que, lorsqu'il informe avant des votations fédérales, il évolue sur un terrain sensible du point de vue politique. Il rappelle dans ce contexte les débats parlementaires polémiques, en particulier dans les années 2000, et la rejet sans équivoque de l'initiative populaire «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale» (dite initiative muselière). Les votations populaires sont un élément essentiel de la démocratie directe suisse. Les partis, les médias et le public attendent du Conseil fédéral qu'il s'exprime sur les objets soumis au vote. Il y est tenu par la Constitution et la loi, lesquelles fixent les règles. Il est donc soumis à des conditions plus strictes que les autres acteurs qui mènent campagne lors des votations. Il ne peut informer qu'avec la retenue voulue et doit favoriser la libre formation de l'opinion. Il ne doit pas diriger, dominer ou manipuler le débat public. Il ne doit pas mener campagne mais doit impérativement rester objectif et exposer les positions des minorités. Son rôle en amont des votations est donc complexe et l'admissibilité de son activité d'information est difficile à circonscrire. Au surplus, il met en jeu la confiance que lui accorde le public, confiance dont il dépend pour son activité gouvernementale.

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Communication des autorités avant des votations, rapport du Contrôle parlementaire de l'administration du 19 juin 2023 à l'intention de la Commission de gestion du Conseil national; la grille d'analyse figure dans le document du 19 juin 2023 Behördenkommunikation vor Abstimmungen: Analyseraster zu den rechtlichen Grundsätzen und Fallstudien zu vier umstrittenen Abstimmungsvorlagen, Arbeitspapier der Parlamentarischen Verwaltungskontrolle im Rahmen der Evaluation zum Behördenkommunikation vor Abstimmungen (uniquement en allemand). Documents disponibles à l'adresse: www.parlament.ch > Organes > Commissions > Commissions de surveillance > CdG > Rapports > 21.11.2023 (état: 10.1.2024).

Communication des autorités avant des votations, rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 21 novembre 2023. Document disponible à l'adresse: www.parlament.ch > Organes > Commissions > Commissions de surveillance > CdG > Rapports > 21.11.2023 (état: 10.1.2024).

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Au vu de ce qui précède, le Conseil fédéral se prononce comme suit sur le rapport du CPA et sur le rapport et les recommandations de la CdG-N: ­

Le Conseil fédéral partage l'avis du CPA et de la CdG-N selon lequel les explications de vote sont une source d'information fondamentale, qui jouit d'une grande confiance de la part du public et est utile et appropriée pour la formation de la volonté des électeurs avant les votations.

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Du point de vue de la commission, ce point est à saluer et le Conseil fédéral partage cette appréciation.

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Il estime lui aussi que les dispositions légales concernant les informations fournies par les autorités avant des votations doivent être systématiquement observées.

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Il constate que les analyses statistiques du CPA concernant l'intensité de la communication des autorités avant les votations, fondées sur une large base de données, notamment pour les quatre votations spécifiquement examinées par le CPA, montrent que celle-ci respecte le principe de proportionnalité et que la CdG-N ne juge pas nécessaire d'agir dans ce domaine.

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Il constate que la CdG-N fonde ses critiques concernant la communication des autorités avant des votations en premier lieu sur l'analyse de quatre objets particuliers soumis au vote, pour lesquels les informations fournies par les autorités ont suscité des critiques dans les médias. Les critiques concernant la communication du Conseil fédéral doivent être prises au sérieux, mais elles font désormais partie des campagnes précédant les votations. Elles sont parfois utilisées de manière ciblée pour saper la crédibilité des arguments du Parlement et du Conseil fédéral. Contrairement au Conseil fédéral, les responsables des campagnes ne sont liés par aucune directive, ce dont il faut impérativement tenir compte lors de l'examen des critiques formulées contre la communication des autorités. Le Conseil fédéral regrette donc que le CPA n'ait pas analysé si, et le cas échant combien, d'objets soumis au vote ont parfois été critiqués à tort.

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Il prend acte du fait que la CdG-N estime que la communication des autorités avant des votations est «partiellement appropriée». Il doute de l'opportunité de cette appréciation globale, car la commission ne s'appuie pas sur la constatation de dysfonctionnements systématiques ou récurrents. Les quelques lacunes mises en évidence reposent sur l'analyse de seulement quatre objets soumis au vote. Le jugement porté par la commission n'est donc pas largement étayé.

Le Conseil fédéral est d'accord avec l'orientation générale des recommandations de la CdG-N. Il est prêt à y donner suite en tout ou partie. Son avis sur les différentes recommandations s'aligne sur la structure du rapport de la commission.

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Recommandation 1

Prise de conscience par les départements de leur responsabilité en matière de rédaction Prise de conscience par les départements de leur responsabilité en matière de rédaction

La CdG-N prie le Conseil fédéral de veiller à ce que les départements et les unités administratives qui leur sont subordonnées observent et appliquent les instructions pour la rédaction des explications du Conseil fédéral de manière systématique, notamment en ce qui concerne le contrôle du respect des principes juridiques, de sorte à ne pas prolonger inutilement le processus rédactionnel.

Comme la CdG-N, le Conseil fédéral estime que les instructions de la ChF du 1er août 2020 concernant la rédaction des explications du Conseil fédéral sont adéquates et suffisamment claires pour permettre aux responsables des départements de rédiger les explications du Conseil fédéral. Il est aussi d'avis que le processus rédactionnel gagne en efficacité lorsque les instructions sont rigoureusement suivies.

Le Conseil fédéral accepte la recommandation 1. Il veillera à ce que tous ceux qui participent à l'élaboration des explications du Conseil fédéral, dans les départements et les offices, observent systématiquement les instructions. En outre, les départements et les offices compétents doivent veiller à ce que les spécialistes qui participent à l'élaboration des explications du Conseil fédéral connaissent les principes régissant la communication avant les votations populaires fédérales et assument leur responsabilité afin que les explications ne contiennent pas d'erreurs matérielles.

2.2 Recommandation 2

Assurance d'un double contrôle approprié Assurance d'un double contrôle approprié

La CdG-N prie le Conseil fédéral de veiller à ce que le contrôle des explications du Conseil fédéral dans le cadre du processus rédactionnel soit toujours effectué par des personnes suffisamment qualifiées sur le plan technique.

Le Conseil fédéral partage l'avis de la CdG-N selon lequel les informations et les chiffres doivent toujours être contrôlés par les personnes qui disposent des connaissances techniques nécessaires. C'est pourquoi les spécialistes des départements et des offices compétents sont impliqués dans le processus rédactionnel des explications du Conseil fédéral. Il n'est pas rare que ces personnes consultent d'autres spécialistes, que ce soit dans leur unité ou dans un autre office ou département, lorsque des éléments des explications sont controversés. Les spécialistes de l'Office fédéral de la statistique et de tous les offices concernés par un objet sont en outre invités à vérifier l'exactitude des explications dans le cadre de la consultation des offices.

Le Conseil fédéral estime donc que la recommandation 2 est mise en oeuvre pour l'essentiel. Il l'accepte en partie dans la mesure où il veillera, dans le cadre de la mise en 5/8

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oeuvre de la recommandation 1, à ce que les experts participant à la rédaction des explications connaissent eux aussi leur rôle et leur responsabilité et à ce que toute modification rédactionnelle soit examinée par eux sur le fond.

2.3

Réglementation de la communication lors d'interventions publiques et de publications dans les médias sociaux

Recommandation 3

Réglementation de la communication lors d'interventions publiques et de publications dans les médias sociaux

La CdG-N invite le Conseil fédéral à édicter une réglementation de la communication applicable aux interventions publiques et aux publications dans les médias sociaux. Il convient également de déterminer quelle autorité ou quel niveau communique sur quel aspect.

L'utilisation des canaux traditionnels (explications du Conseil fédéral, communiqués de presse, déclarations à la radio et à la télévision, participation à des émissions de débat) est largement réglée dans les instructions et les documents stratégiques et de base concernant la communication des autorités. Elle est bien rodée. Il n'en va pas encore de même pour les nouveaux canaux, notamment les médias sociaux. On notera que l'art. 10a LDP s'applique aussi à la communication dans ces médias avant des votations. Le Conseil fédéral partage toutefois l'avis de la CdG-N selon lequel il est souhaitable de régler de manière pratique l'utilisation de ces canaux avant les votations. Il relève toutefois que les médias sociaux évoluent constamment et qu'une réglementation ne peut donc être que générale.

Le Conseil fédéral accepte la recommandation 3. Il donnera le mandat de compléter, d'ici à l'automne 2024, les lignes directrices de 2015 de la Conférence des services d'information de la Confédération (CSIC)7 au sujet des interventions publiques et des publications dans les médias sociaux avant les votations populaires fédérales.

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Document disponible à l'adresse: www.admin.ch > Conseil fédéral > Attributions du Conseil fédéral > Informer (état: 10.1.2024).

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2.4

Recommandation 4

Définition des limites à la communication des autorités avant des votations Définition des limites à la communication des autorités avant des votations

La CdG-N invite le Conseil fédéral à définir dans les principes de la communication des autorités avant des votations l'étendue et les limites de l'information admissible, dans le respect du principe de proportionnalité.

Pour le Conseil fédéral, il va de soi que toute activité des autorités doit s'inscrire pleinement dans la légalité. Il reconnaît que l'administration fédérale et lui-même évoluent dans un contexte délicat en ce qui concerne la communication avant des votations fédérales. Ils doivent contribuer, par les informations qu'ils fournissent de manière continue, à la libre formation de l'opinion des citoyens; ils sont tenus de respecter les principes de l'exhaustivité, de l'objectivité, de la transparence et de la proportionnalité. D'autre part, le Conseil fédéral ne peut pas défendre une recommandation de vote différente de celle de l'Assemblée fédérale. Il ne faut toutefois pas assimiler l'objectivité requise à la neutralité, comme le rappelle la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. par ex. ATF 145 I 282). Enfin, les acteurs politiques et les médias aussi attendent des membres du Conseil fédéral qu'ils s'engagent dans les débats précédant les votations. La situation, complexe et mouvante, se présente différemment pour chaque objet soumis au vote. Le Conseil fédéral et l'administration fédérale doivent donc impérativement disposer de la latitude indispensable à leur communication et à l'adaptation de celle-ci, si nécessaire. Dans ce contexte tendu, les limites de la communication admissible ne peuvent pas être définies de manière générale et univoque. La communication du Conseil fédéral implique également qu'il défende auprès du public ses propres arguments et ceux du Parlement. À cet égard, le Conseil fédéral rappelle que ses explications, que la CdG-N juge opportunes et adéquates, contiennent les arguments du Conseil fédéral et du Parlement en faveur ou en défaveur d'un objet.

Les membres du Conseil fédéral répondent aujourd'hui régulièrement aux questions des médias et participent à des émissions de débat. Ils permettent ainsi un examen critique de la position du Conseil fédéral et du Parlement et contribuent, par leur participation à ces débats contradictoires, à la libre formation de la volonté des électeurs.

Le Conseil fédéral est toutefois prêt à réagir à la nécessité de
clarifier l'interprétation du mandat d'information que la CdG-N a constatée. Le Conseil fédéral accepte donc en partie la recommandation 4 et chargera la ChF de préciser, d'ici à l'automne 2024, son aide-mémoire du 25 août 2021 concernant l'information avant des votations, de sorte que les activités qui dépassent le cadre de l'information pour s'apparenter à des campagnes et qui ne respectent donc pas le mandat d'information soient clairement identifiées.

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