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Contrôle de suivi: Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques Rapport de la Commission de gestion du Conseil des États du 14 novembre 2023 Avis du Conseil fédéral du 14 février 2024

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil des États du 14 novembre 2023 concernant la participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques1.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

14 février 2024

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Viola Amherd Le chancelier de la Confédération, Viktor Rossi

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Avis 1

Contexte

Le 14 novembre 2023, la Commission de gestion du Conseil des États (CdG-E) a adopté son rapport sur le contrôle de suivi relatif à la participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques2. Elle a formulé dans ce cadre six nouvelles recommandations relatives à la mise en oeuvre de l'ordonnance du 4 mars 2022 instituant des mesures en lien avec la situation en Ukraine3 (ci-après «ordonnance Ukraine»).

Le Conseil fédéral a pris acte avec satisfaction de ce que la CdG-E parvienne à la conclusion que les données de base concernant l'application de sanctions économiques ont été améliorées et que la circulation des marchandises est contrôlée de manière plus précise, en particulier pour les sanctions contre la Russie. La CdG-E apprécie par ailleurs la mise en oeuvre des mesures spécifiques en lien avec la situation en Ukraine et salue la rapidité de la reprise des sanctions de l'Union européenne (UE) par le Conseil fédéral. Elle reconnaît également le travail du Secrétariat d'État à l'économie (SECO), soumis à d'importants défis en matière de ressources.

Le Conseil fédéral prend acte de la critique formulée par la CdG-E concernant l'implication des cantons dans la mise en oeuvre des sanctions, s'agissant notamment de l'obligation d'annoncer. La commission a en effet estimé que plusieurs cantons n'étaient pas au fait de leur rôle en la matière dans un premier temps et que certaines dispositions légales étaient peu claires pour les cantons avant clarification par la Confédération.

La CdG-E a invité le Conseil fédéral à prendre position sur les six nouvelles recommandations d'ici au 15 février 2024 et à lui indiquer par quelles mesures et dans quels délais il entend mettre en oeuvre ses recommandations.

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Avis du Conseil fédéral

2.1

Rôle des avocats dans la mise en oeuvre des sanctions

Recommandation A

Précision du champ d'application de l'obligation de déclarer pour les avocats

La CdG-E demande au Conseil fédéral de lui fournir des clarifications juridiques approfondies concernant le rapport entre l'art. 321, ch. 3, CP et l'art. 16 de l'ordonnance Ukraine.

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L'art. 16 de l'ordonnance Ukraine dispose que les personnes et les institutions qui détiennent ou gèrent des avoirs ou qui ont connaissance de ressources économiques dont il faut admettre qu'ils tombent sous le coup du gel des avoirs prévu à l'art. 15, al. 1, de ladite ordonnance doivent le déclarer sans délai au SECO. Les avocats qui exercent une activité de gestionnaire de fortune ou de fiduciaire au profit de leur clientèle peuvent être directement concernés par cet article.

Le SECO, en collaboration avec l'Office fédéral de la justice (OFJ) et le Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI), a procédé à des clarifications sur cette question et parvient aux conclusions suivantes: L'art. 321 du code pénal (CP)4 soumet les avocats, les défenseurs en justice, les notaires et d'autres professionnels au secret professionnel. Aux termes du ch. 3 du même article, «les dispositions de la législation fédérale et cantonale statuant un droit d'aviser une autorité et de collaborer, une obligation de renseigner une autorité ou une obligation de témoigner en justice» demeurent toutefois réservées.

Dans sa réponse à l'interpellation 22.3492 Mahaim «Sanctions en lien avec l'Ukraine et secret professionnel des avocats. Des clarifications nécessaires», le Conseil fédéral a par conséquent indiqué que, selon le Tribunal fédéral, seule l'activité professionnelle spécifique de l'avocat est protégée par le secret professionnel, soit la rédaction de projets d'actes juridiques, l'assistance ou la représentation d'une personne devant une autorité administrative ou judiciaire, ainsi que des conseils juridiques5. Le Conseil fédéral attache une grande importance au secret professionnel des avocats. En l'absence de jurisprudence sur la délimitation de l'art. 321, ch. 3, CP en relation avec la loi du 22 mars 2002 sur les embargos (LEmb)6, il part pour l'instant du principe que cette disposition ne doit pas s'appliquer aux activités professionnelles spécifiques des avocats dans le domaine des sanctions.

Toutefois, conformément à la pratique du Tribunal fédéral7, toutes les activités d'un avocat ne sont pas automatiquement couvertes par le secret professionnel. Pour les activités non couvertes, le Conseil fédéral estime qu'en vertu de l'art. 321, ch. 3, CP, l'obligation d'annoncer prime le secret professionnel.

Pour cette raison, l'appréciation du Conseil fédéral est la suivante: 1.

Aide au contournement de sanctions Les avocats peuvent être punissables s'ils aident à enfreindre les dispositions relatives aux sanctions. Le cas échéant, ils enfreindraient non seulement leurs obligations professionnelles, mais seraient également passibles de sanctions pénales.

2.

Obligation d'annoncer Dans le cadre de leurs activités non spécifiques à la profession d'avocat, telles que la gestion de fortune ou les activités fiduciaires, les avocats sont tenus de déclarer les ressources économiques dont ils ont connais-

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RS 311.0 ATF 147 IV 385, consid. 2.2 RS 946.231 ATF 147 IV 385, ainsi que p. ex. ATF 132 II 103 ou ATF 114 III 105.

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3.

sance ou les avoirs qu'ils gèrent ou détiennent dès lors que les ayants droit économiques font l'objet de sanctions.

En vertu du droit en vigueur, pour les activités spécifiques à la profession d'avocat et qui relèvent du secret professionnel (art. 13 de la loi du 23 juin 2000 sur les avocats8) ou du secret professionnel des avocats (art. 321 CP), par exemple la représentation d'une personne devant un tribunal, le secret professionnel de l'avocat prime l'obligation d'annoncer et les avocats ne sont pas tenus de communiquer les avoirs bloqués.

Gel des avoirs Le gel des avoirs et les déclarations correspondantes concernent au premier chef les banques et les établissements financiers. En règle générale, les avocats ne peuvent pas procéder à un tel blocage. Une annonce par des avocats reste de ce fait au second plan dans la pratique et pourrait dans de nombreux cas faire double emploi avec les annonces reçues d'autres tiers.

2.2

Rôle des cantons dans la mise en oeuvre des sanctions

Recommandation B

Intégration du rôle des cantons dans la mise en oeuvre de sanctions

La CdG-E invite le Conseil fédéral à évaluer si la législation relative à l'application de sanctions internationales devrait être revue afin d'y intégrer le rôle des cantons et le définir plus clairement.

La CdG-E soulève notamment la question de l'absence de surveillance de la part du SECO. Le SECO étant responsable du pilotage dans le domaine des sanctions, il doit à ce titre s'assurer que toutes les parties concernées remplissent leurs obligations.

Le Conseil fédéral fait valoir à ce propos que le SECO entretient des contacts réguliers avec les cantons et qu'il les soutient au besoin. Un aide-mémoire consacré à la signification des sanctions a ainsi été élaboré en 2014 déjà pour les offices du registre du commerce, sur demande et avec le concours des cantons.

Le Conseil fédéral reconnaît que les sanctions prises à la suite de l'agression militaire de la Russie contre l'Ukraine allaient à divers égards au-delà de ce qui était connu et qu'elles pouvaient donc susciter des incertitudes au sein des autorités et d'autres cercles concernés. Il se félicite de ce que l'aide-mémoire sur le rôle des cantons9, publié par le SECO le 1er avril 2022, à peine plus d'un mois après la reprise du 1er paquet de sanctions de l'UE, recueille l'assentiment de la CdG-E. De l'avis du Conseil fédé-

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RS 935.61 L'aide-mémoire est disponible sur www.seco.admin.ch > Économie extérieure et Coopération économique > Relations économiques > Contrôles à l'exportation et sanctions > Sanctions/Embargos > Sanctions de la Suisse > Mesures en lien avec la situation en Ukraine > Informations complémentaires.

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ral, le SECO a ainsi prouvé qu'il était à même de réagir de façon rapide et adéquate aux questions ou problèmes liés à la mise en oeuvre de nouvelles sanctions.

Au début de l'imposition des sanctions en lien avec la situation en Ukraine, les cantons n'avaient que rarement connaissance de la possibilité d'accéder, sur le site Internet du SECO, à une base de données mise à jour en continu recensant l'ensemble des personnes et institutions visées par les sanctions en Suisse. La base de données est accessible sans restriction aux autorités comme au grand public. Elle permet aux vendeurs, courtiers et autorités impliquées dans une transaction et à toute autre personne intéressée de vérifier en temps réel si une personne est visée ou non par des sanctions.

Compte tenu du fait qu'aucun manquement à leurs obligations ne peut être reproché aux cantons dans le cadre de la mise en oeuvre des sanctions, et que ces derniers ont tout au plus été confrontés à des incertitudes, le Conseil fédéral est d'avis que la surveillance par la Confédération envisagée par la CdG-E constituerait une mesure de portée très large, voire excessive. Elle revêtirait en outre une dimension politique non négligeable, puisqu'elle toucherait à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons.

Une obligation de surveillance de la part du SECO impliquerait par ailleurs la mise en place de ressources supplémentaires, qui pourraient être utilisées de manière plus profitable dans le cadre de l'application des sanctions. Pour cette raison, le Conseil fédéral renonce à examiner plus avant l'introduction d'une obligation pour le SECO de superviser les cantons dans le domaine des sanctions. Il veillera toutefois à ce que les cantons soient adéquatement accompagnés dans le cadre de la mise en oeuvre d'éventuelles futures sanctions impliquant une action de leur part.

Recommandation C

Clarification du rôle du registre foncier dans la mise en oeuvre de sanctions

La CdG-E invite le Conseil fédéral à évaluer l'adéquation de la législation idoine concernant le rôle des autorités cantonales de surveillance du registre foncier dans la mise en oeuvre de sanctions économiques, dans le but de clarifier les compétences et de garantir la sécurité du droit.

À cet égard, la CdG-E invite également le Conseil fédéral à étudier si une clarification des bases légales serait opportune concernant la mention de blocage dans le registre foncier.

Conformément à l'art. 16, al. 1, de l'ordonnance Ukraine, les personnes et les institutions qui détiennent ou gèrent des avoirs ou qui ont connaissance de ressources économiques dont il faut admettre qu'ils tombent sous le coup du gel des avoirs prévu à l'art. 15, al. 1, de ladite ordonnance doivent le déclarer sans délai au SECO. Il en découle que les personnes et les institutions qui ont connaissance de biens immobiliers dont il y a lieu de penser qu'ils sont concernés par le gel des avoirs doivent le déclarer sans délai au SECO. Les offices du registre foncier sont également soumis à cette obligation d'annoncer.

Rattaché à l'OFJ, l'Office fédéral chargé du droit du registre foncier et du droit foncier (OFRF) a avisé par écrit les offices du registre foncier via les autorités cantonales de 5 / 10

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surveillance du registre foncier qu'ils étaient tenus de mentionner au registre foncier un gel lié aux biens immobiliers de personnes physiques, d'entreprises ou d'entités citées à l'art. 15, al. 1, de l'ordonnance Ukraine. Le fait que toutes les ordonnances instituant des sanctions ne prévoient pas une telle obligation n'est pas considéré par l'OFJ comme un obstacle, car les sanctions imposées dans le cadre de l'agression militaire de la Russie contre l'Ukraine ne sont pas comparables, à plusieurs égards, aux régimes de sanctions précédents.

Dans son avis sur la motion 23.3523 Bellaiche «Commerce de l'or russe. En finir avec les failles juridiques», le Conseil fédéral a déjà fait savoir qu'il était ouvert à l'idée de soumettre la LEmb à une évaluation suite aux sanctions étendues et en partie inédites imposées en relation avec la situation en Ukraine. De tels travaux constitueraient également l'occasion d'examiner l'opportunité de réviser les bases légales relatives à la mise en oeuvre de sanctions internationales, en vue de clarifier davantage le rôle des cantons.

La même démarche s'impose en ce qui concerne la recommandation C de la CdG-E.

La question de l'opportunité de régler clairement dans les bases juridiques la mention d'un blocage au registre foncier pourrait être abordée dans le cadre du réexamen global de la LEmb. Afin de clarifier cette question à court terme, le Conseil fédéral a, dans le cadre de la modification du 31 janvier 202410 de l'ordonnance Ukraine visant à reprendre le 12e paquet de sanctions de l'UE, complété l'art. 31 de l'ordonnance en lui ajoutant un nouvel al. 4. Cette disposition, que l'on retrouve telle quelle dans d'autres ordonnances de sanctions, a la teneur suivante: «Sur instruction du SECO, les autorités compétentes prennent les mesures nécessaires au gel des ressources économiques, par exemple en procédant à la mention d'un blocage dans le registre foncier ou à la saisie ou à la mise sous scellé de biens de luxe.» Comme pour la recommandation B, le Conseil fédéral considère toutefois que ce serait aller très loin que de remettre en question le rôle et les compétences des autorités cantonales de surveillance du registre foncier sur la seule base d'incertitudes liées à une situation de crise particulière et de les définir différemment en relation avec une loi spéciale telle que la LEmb que dans d'autres domaines juridiques ayant des répercussions sur le registre foncier.

Recommandation D

Compétence du SECO de valider les acquisitions ou aliénations au registre foncier en lien avec des sanctions

La CdG-E invite le Conseil fédéral à étudier l'opportunité de créer une base légale donnant au SECO la compétence de valider les éléments constitutifs d'une acquisition ou d'une aliénation concernant les ressortissants d'un pays entier faisant l'objet de sanctions économiques reprises par la Suisse, et ce afin de permettre au SECO d'avoir une vision plus globale des modifications du registre foncier et d'intervenir en cas de violation des sanctions.

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Comme pour la recommandation C, le Conseil fédéral fait valoir que la mise en oeuvre de sanctions complexes, comme celles liées à la situation en Ukraine, implique toute une série d'obligations d'annonce et d'autorisation. Une focalisation unilatérale sur la question des biens immobiliers ne tiendrait que partiellement compte de la complexité de la tâche d'application des sanctions et ne semble guère correspondre, au vu des montants communiqués au SECO par les intermédiaires financiers, à une approche fondée sur les risques.

Une obligation d'autorisation dans le domaine de l'immobilier pour les ressortissants d'un pays donné ne pourrait en outre s'appliquer qu'après la prise de sanctions, et n'améliorerait donc la transparence dans le domaine de l'immobilier qu'a posteriori.

Une fois inscrites sur une liste de sanctions, les personnes visées n'ont en principe plus la possibilité d'acquérir ou d'aliéner des biens immobiliers.

Le principal obstacle à l'identification des biens immobiliers appartenant à des personnes sanctionnées s'est révélé être le fait que les personnes très fortunées détiennent souvent leurs biens immobiliers par le biais de sociétés ou de trusts étrangers. Comme cette situation comporte encore d'autres risques, le Conseil fédéral propose la mise en place d'un registre de transparence dans le cadre de la révision partielle de la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (LBA)11.

Le Conseil fédéral prend acte avec satisfaction du fait que la CdG-E partage son avis selon lequel le registre de transparence proposé dans le cadre de la révision actuelle de la LBA permettrait de remédier efficacement aux difficultés techniques rencontrées dans la recherche d'immeubles appartenant à des propriétaires sanctionnés. Il soumettra prochainement le projet au Parlement. Dans la mesure où le nouveau registre de transparence permettrait d'éviter à l'avenir que des trusts ou des sociétés anonymes détiennent des biens immobiliers en Suisse, on pourrait également renoncer pour cette raison à l'obligation d'obtenir une autorisation du SECO.

Le Conseil fédéral partage l'avis de la CdG-E selon lequel il est important d'augmenter la fréquence des contrôles afin d'améliorer leur efficacité. Le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) observe dans la
pratique quotidienne toute une série d'approches susceptibles de renforcer, au moyen de ressources appropriées, la certitude que l'application des sanctions est efficace en Suisse.

C'est pourquoi le Conseil fédéral propose une approche globale, mettant également l'accent sur d'autres questions relatives à l'application des sanctions en plus de celles liées à la seule acquisition de biens immobiliers. Comme mentionné précédemment, il est disposé à procéder à une évaluation de la LEmb dès lors qu'il sera prévisible que l'UE n'édictera plus de nouvelles sanctions inédites et de large portée à l'encontre de la Russie et que des décisions faisant jurisprudence sur l'interprétation de la LEmb seront rendues par les tribunaux fédéraux.

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2.3

Rôle du SECO dans la mise en oeuvre des sanctions

Recommandation E

Concept de crise du SECO

La CdG-E invite le Conseil fédéral à faire évaluer l'adéquation du concept de crise du SECO et à veiller ainsi à ce que le SECO soit plus flexible et plus réactif en période de crise.

Le Conseil fédéral fait valoir que, dans le domaine des sanctions, des connaissances très spécifiques sont nécessaires, qui ne sont disponibles que dans l'unité organisationnelle concernée. Une structure organisationnelle parallèle, spécialisée dans la gestion de crise, ne pourrait vraisemblablement apporter qu'un allègement limité. Les collaborateurs supplémentaires doivent être formés avec grand soin à cette thématique complexe. Dans le cas présent, le SECO a fait appel à une sélection de collaborateurs venant d'autres domaines pour l'organisation de crise, mais les possibilités sont limitées dans la pratique.

Le Conseil fédéral concorde toutefois avec la CdG-E sur la nécessité de vérifier régulièrement l'adéquation du concept de crise, de former les collaborateurs à son application et d'organiser des simulations. Il est de ce fait disposé à examiner avec le SECO l'opportunité d'optimiser le concept de crise du SECO et la meilleure manière de le faire.

Afin de tenir compte du caractère politiquement sensible du thème des sanctions, le SECO a mis sur pied, au 1er septembre 2023, le centre de prestations Contrôles à l'exportation et sanctions, donnant ainsi plus de poids aux thématiques des contrôles à l'exportation et de l'application des sanctions aux niveaux tant national qu'international.

2.4

Garantie de l'État de droit

Recommandation F

Garantie de l'État de droit

La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner comment le bien-fondé matériel et la conformité au droit de la liste des personnes sanctionnées établie par l'UE et reprise par la Suisse peuvent être garantis et améliorés. Elle demande en outre au Conseil fédéral d'examiner comment améliorer, dans la mesure du possible, le contrôle juridictionnel de cette conformité au droit et la rapidité des procédures de contrôle qui s'y rapportent.

Le Conseil fédéral rappelle que la motion 22.3395 de la Commission de politique extérieure du Conseil national «Pour une politique de sanctions cohérente, globale et indépendante» a été rejetée par les deux conseils. Il est néanmoins disposé à examiner les questions soulevées en lien avec l'actuelle crise en Ukraine dans le cadre d'une évaluation de la LEmb. Il souligne toutefois que toute imposition et mise en oeuvre plus autonome de sanctions exigerait nécessairement une augmentation des res8 / 10

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sources, et pas uniquement au sein du SECO, directement compétent. Il faudrait notamment développer les ressources et les compétences de tous les services pouvant fournir des informations sur les réseaux dans les kleptocraties, sur l'infiltration mafieuse des États et sur la criminalité organisée, et mener les poursuites pénales correspondantes. Seraient notamment concernés l'Office fédéral de la police (Police judiciaire fédérale), le Service de renseignement de la Confédération, dont il faudrait vraisemblablement adapter le mandat de base, ou le Ministère public de la Confédération. D'autres États qui adoptent des sanctions de manière autonome disposent, ne serait-ce qu'au sein de l'autorité chargée de l'application des sanctions financières, de plusieurs fois les ressources du secteur correspondant au sein du SECO (p. ex. au Royaume-Uni, l'Office of Financial Sanctions Implementation, qui regroupe une centaine de collaborateurs, sans compter les collaborateurs chargés des fonctions transversales ou de soutien), et s'appuient en grande partie sur les informations et les analyses de leurs autorités policières et services de renseignement.

Le Conseil fédéral souligne en outre que les personnes, entreprises et entités sanctionnées peuvent bien entendu d'ores et déjà faire valoir leurs droits en Suisse. Tout comme dans l'UE, il leur est possible de déposer auprès du DEFR une demande de radiation de la liste des sanctions (appelée également demande de delisting). Le DEFR examine la demande et rend une décision sujette à recours, pouvant être contestée devant le Tribunal administratif fédéral, puis devant le Tribunal fédéral. Une éventuelle radiation de la liste des sanctions relèverait de la compétence du Conseil fédéral.

De cette manière, l'état de droit est pleinement respecté. Cette pratique a été confirmée à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral et a fait ses preuves. Depuis l'entrée en vigueur de la LEmb, le Tribunal fédéral n'a admis aucun recours contre une décision négative relative à une demande de radiation. Les procédures clôturées jusqu'à présent ne concernaient toutefois pas l'ordonnance Ukraine, mais des régimes de sanctions déjà en vigueur avant février 2022. Les futures décisions relatives à l'ordonnance Ukraine pourront servir à déterminer si la pratique du Conseil fédéral en
matière de sanctions demeure appropriée.

Du fait de la très grande complexité des cas, qui implique l'examen et l'évaluation de vastes collections de documents et des prises de position de la partie adverse par les services compétents de l'administration fédérale, les procédures relatives aux demandes de radiation prennent nécessairement un certain temps. Le DEFR et le SECO s'efforcent, dans la mesure de leurs possibilités, de traiter les procédures avec célérité.

Le Conseil fédéral regrette que les délais habituels n'aient pas toujours pu être respectés en lien avec les sanctions à l'encontre de la Russie. Les retards sont en particulier dus au nombre élevé de demandes de radiation, à leur complexité exceptionnelle et à la situation tendue en matière de ressources.

Le Conseil fédéral retient en conclusion que la reprise des sanctions édictées par nos principaux partenaires commerciaux a fait ses preuves, y compris dans le contexte de l'agression militaire russe en Ukraine. Des sanctions unilatérales seraient d'une efficacité limitée, tandis que la mise en place d'une multitude de mesures divergentes par la Suisse pourrait favoriser le contournement des sanctions et exposerait probablement notre pays au reproche d'adopter un comportement non solidaire, voire imprévisible.

Si la CdG-E estime que ses questions et recommandations n'ont pas été abordées de manière satisfaisante dans le présent document, ces dernières pourront être discutées 9 / 10

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plus en détail dans le cadre d'une future révision de la LEmb. Compte tenu du développement continu des sanctions en lien avec la situation en Ukraine, le Conseil fédéral estime toutefois qu'il est prématuré à ce stade d'établir un calendrier pour cette révision.

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