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24.026 Message relatif à l'initiative populaire «Pour une imposition individuelle indépendante de l'état civil (initiative pour des impôts équitables)» et au contre-projet indirect (loi fédérale sur l'imposition individuelle) du 21 février 2024

Monsieur le Président, Madame la Présidente Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Pour une imposition individuelle indépendante de l'état civil (initiative pour des impôts équitables)», en leur recommandant de la rejeter. Nous vous soumettons simultanément un contre-projet indirect sous la forme d'une loi fédérale sur l'imposition individuelle, en vous proposant de l'adopter.

2024-0501

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Simultanément, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 2005

M

04.3276

Passage à l'imposition individuelle (N 15.6.05, Groupe radical-libéral; E 28.9.05; classement proposé FF 2009 4237)

2009

M

05.3299

Mesures d'urgence en vue d'un passage à l'imposition individuelle (N 9.5.06, Groupe radical-libéral; E 10.8.09)

2011

P

11.3545

Impôts et rentes indépendants de l'état civil (N 23.12.11, Groupe BD)

2014

P

14.3005

Conséquences économiques et fiscales des différents modèles d'imposition individuelle (N 4.6.14, Commission des finances CN)

2015

M

10.4127

Pour en finir avec la discrimination des couples mariés (N 17.6.11, Bischof; E 4.3.15)

2016

M

16.3044

Éliminer la pénalisation fiscale du mariage (E 13.6.16, Bischof; N 14.12.16)

2021

P

21.3284

Imposition commune avec splitting intégral, et imposition individuelle. Évaluer les deux modèles (E 2.6.21, Würth)

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

21 février 2024

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Viola Amherd Le chancelier de la Confédération, Viktor Rossi

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Condensé L'initiative populaire «Pour une imposition individuelle indépendante de l'état civil (initiative pour des impôts équitables)» demande que les personnes physiques soient imposées individuellement. Le Conseil fédéral rejette l'initiative et lui oppose un contre-projet indirect. De cette manière, l'objectif de l'initiative, à savoir l'imposition indépendante de l'état civil, pourra être atteint plus rapidement.

Objectifs de l'initiative et du contre-projet indirect Les objectifs de l'initiative pour des impôts équitables et du contre-projet indirect du Conseil fédéral (loi fédérale sur l'imposition individuelle) sont l'imposition indépendante de l'état civil et, partant, l'abolition de la pénalisation du mariage, l'augmentation des incitations à exercer une activité lucrative pour les personnes réalisant le revenu secondaire et l'amélioration de l'égalité entre femmes et hommes. Dans le cadre du programme de la législature 2019 à 2023, le Parlement a chargé le Conseil fédéral de préparer un projet en ce sens.

Contre-projet indirect Les grandes lignes du contre-projet indirect sont les suivantes: ­

Les couples mariés seront imposés individuellement à l'instar des couples non mariés.

­

Pour l'impôt fédéral direct, les déductions relatives aux enfants seront en principe réparties par moitié entre les parents.

­

La déduction pour enfants applicable dans le cadre de l'impôt fédéral direct sera portée de 6700 francs actuellement à 12 000 francs.

­

Le barème de l'impôt fédéral direct sera adapté.

­

L'imposition individuelle s'appliquera aux trois échelons de l'État.

Conséquences financières et rapports entre les charges fiscales Le Conseil fédéral s'attend à ce que le projet entraîne une diminution des recettes de l'impôt fédéral direct qui s'élèvera à un milliard de francs environ par année (chiffre basé sur l'année fiscale 2024). Ce manque à gagner sera supporté par la Confédération à raison d'environ 800 millions de francs et par les cantons, d'environ 200 millions de francs.

La part des contribuables qui verront la charge de l'impôt fédéral direct baisser grâce à la réforme est nettement plus grande que celle des contribuables dont la charge fiscale augmentera.

Les allégements profiteront principalement aux personnes mariées dont les revenus sont répartis plus ou moins également entre les deux époux et à de nombreux couples de rentiers mariés.

Une adaptation du barème applicable apportera également un allégement pour la plupart des personnes non mariées sans enfant.

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Dans le droit en vigueur, les personnes non mariées avec enfants bénéficient d'un barème préférentiel. Pour ce groupe de personnes, la réforme entraînera globalement une charge fiscale accrue en raison de l'abandon de ce barème. Cet accroissement de la charge fiscale sera toutefois largement atténué et même compensé en moyenne pour les revenus bas et moyens par le relèvement de la déduction pour enfants et par le nouveau barème adapté.

La réforme pourra entraîner des charges supplémentaires pour les couples mariés qui ne disposent que d'un seul revenu ou d'un revenu principal et d'un revenu secondaire faible. Seront concernés en particulier les couples mariés avec enfants dans les classes de revenus moyennes et supérieures. Outre l'abandon du barème actuel pour les personnes mariées, il faut en chercher la raison dans la répartition par moitié entre les deux parents de la déduction pour enfants: du fait de cette répartition, le parent qui n'a pas de revenu ou dont le revenu imposable est faible ne bénéficiera que dans une faible mesure (voire pas du tout) de l'effet d'allégement visé. L'augmentation de la déduction pour enfants a pour but de faire contrepoids à cette situation.

L'allégement, qui se montera à un milliard de francs au total, se répartira sur toutes les classes de revenus, les plus faibles revenus et les revenus moyens ne payant toujours pas l'impôt fédéral direct. Dans les autres classes de revenus, la réforme entraînera en moyenne un allégement.

Effets sur l'emploi et contribution à l'égalité L'introduction de l'imposition individuelle augmentera les incitations à exercer une activité lucrative notamment pour les personnes qui réalisent le revenu secondaire au sein du couple, car ces dernières réagissent de manière plus élastique à une modification de la charge fiscale. C'est pourquoi, s'agissant des effets sur l'emploi, le plus grand potentiel concerne les personnes mariées qui génèrent le revenu secondaire.

Par rapport à l'imposition commune actuelle, ces personnes bénéficieront, sous le régime de l'imposition individuelle, d'une charge fiscale nettement moins lourde en cas de prise d'activité lucrative ou d'augmentation de leur revenu. Ces effets sur l'emploi devraient se traduire par une meilleure utilisation du potentiel de main-d'oeuvre (qualifiée) indigène et, ainsi,
par une impulsion économique. L'indépendance financière des deux époux en sera en outre renforcée. Leur couverture de prévoyance vieillesse et leur sécurité en cas de divorce s'en trouveront améliorées, ce qui contribuera à l'égalité entre femmes et hommes. Cette évolution va également dans le sens de la récente jurisprudence du Tribunal fédéral concernant l'entretien après le divorce, qui souligne l'importance du devoir d'autonomie financière des deux parties.

Charge administrative Pour les administrations fiscales cantonales, l'introduction d'une imposition individuelle entraînera une charge supplémentaire liée au changement de modèle et des charges récurrentes accrues. Il faut s'attendre à ce que le nombre de déclarations d'impôt à traiter augmente d'environ 1,7 million à l'échelle nationale. On peut toutefois relativiser cette charge supplémentaire au vu de la progression du traitement électronique des procédures fiscales. Le projet d'imposition individuelle a en outre été pensé pour réduire au minimum les interdépendances entre les dossiers des époux,

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que ce soit en matière de contenu ou de procédure, et il apportera aussi des simplifications (par ex. en matière d'impôt à la source ou lors du décès d'un des époux).

Mise en oeuvre Étant donné que l'imposition individuelle sera mise en oeuvre à tous les échelons de l'État, les cantons devront aussi adapter leurs lois. Ils devront réexaminer leurs barèmes fiscaux et certaines déductions pour les redéfinir le cas échéant. Le Conseil fédéral fixera la date d'entrée en vigueur et tiendra compte dans sa décision de la demande des cantons, qui souhaitent disposer d'un délai raisonnable de plusieurs années pour la mise en oeuvre.

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Table des matières Condensé

3

1

Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

9 9 9 10

2

Contexte de l'initiative 2.1 Droit en vigueur 2.2 Discussions menées jusqu'ici autour de la réforme 2.3 Autres initiatives populaires concernant l'imposition des couples mariés

10 10 12

3

Buts et contenu de l'initiative 3.1 Buts de l'initiative 3.2 Réglementation proposée 3.3 Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

15 15 16 16

4

Appréciation de l'initiative 4.1 Buts de l'initiative 4.2 Conséquences en cas d'acceptation 4.3 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

17 17 18 20

5

Conclusions

20

6

Contre-projet indirect 6.1 Procédure préliminaire, consultation comprise 6.1.1 Projet mis en consultation 6.1.2 Résultats de la consultation 6.1.2.1 Avis général des personnes consultées 6.1.2.2 Mesures de correction pour les couples à un seul revenu 6.1.2.3 Autres aspects 6.2 Grandes lignes du projet 6.2.1 Imposition des couples mariés selon les règles applicables aux couples non mariés ou selon les dispositions du droit civil 6.2.1.1 Principe 6.2.1.2 Actes juridiques entre partenaires 6.2.1.3 Neutralité de l'état civil 6.2.2 Imposition des personnes avec enfants 6.2.2.1 Prise en compte des frais liés aux enfants 6.2.2.2 Imposition des enfants mineurs 6.2.2.3 Répartition des déductions pour enfants entre leurs parents

20 20 20 21 21

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15

22 23 24 25 25 28 30 30 30 31 31

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6.2.3 6.2.4

6.3

6.4

6.5 6.6 6.7

Modification du barème Procédure 6.2.4.1 Généralités 6.2.4.2 Droit de consulter les pièces 6.2.4.3 Révision 6.2.4.4 Procédure en rappel d'impôt 6.2.5 Responsabilité 6.2.6 Droit pénal en matière fiscale 6.2.7 Imposition d'après la dépense 6.2.8 Impôt à la source 6.2.9 Conséquences de l'imposition individuelle sur d'autres domaines juridiques 6.2.9.1 Généralités 6.2.9.2 Réduction des primes d'assurance-maladie 6.2.9.3 Tarifs des crèches 6.2.10 Mise en oeuvre 6.2.10.1 Charge administrative 6.2.10.2 Ancrage de l'imposition individuelle aux trois niveaux de l'État Conceptions examinée, mais rejetée, de l'imposition individuelle 6.3.1 Modèle à deux barèmes (Ecoplan) 6.3.2 Mesure de correction pour les couples mariés à un seul revenu 6.3.3 Déduction pour les ménages ne comptant qu'une personne adulte (personnes seules, familles monoparentales) 6.3.4 Déduction pour enfants Digression: modèles d'imposition commune 6.4.1 Modèles de splitting 6.4.1.1 Principe 6.4.1.2 Splitting intégral 6.4.1.3 Splitting partiel 6.4.1.4 Système de quotient familial 6.4.2 Calcul alternatif de l'impôt 6.4.3 Taux d'imposition unique Imposition des couples mariés à l'étranger Commentaire des dispositions Conséquences 6.7.1 Base de données 6.7.1.1 Statistique de l'impôt fédéral direct 6.7.1.2 Cas normaux vs cas particuliers 6.7.2 Conséquences financières 6.7.2.1 Conséquences financières pour la Confédération 6.7.2.2 Conséquences financières pour les cantons 6.7.3 Conséquences sur l'état du personnel et l'informatique 6.7.3.1 Confédération

34 37 37 37 38 39 39 39 40 41 42 42 43 44 44 44 45 46 46 49 51 52 53 53 53 54 56 58 58 60 64 64 76 76 76 78 78 78 79 80 80 7 / 108

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6.7.3.2 Cantons Conséquences sur les rapports entre les charges fiscales dans le domaine de l'impôt fédéral direct 6.7.4.1 Généralités 6.7.4.2 Conséquences sur les rapports entre les charges fiscales dans certaines configurations 6.7.4.1 Répartition des effets d'allégement sur différentes catégories de personnes 6.7.4.1 Répartition de l'effet d'allégement entre les classes de revenus 6.7.1 Conséquences sur les rapports entre les charges fiscales dans le cadre des impôts cantonaux sur le revenu 6.7.2 Conséquences sur l'emploi 6.7.2.1 Contexte 6.7.2.2 Hypothèses concernant les estimations 6.7.2.3 Modification de la charge fiscale sur le revenu secondaire 6.7.2.4 Résultats des estimations quant aux effets sur l'emploi résultant de la réforme au niveau de l'impôt fédéral direct 6.7.2.5 Extrapolation aux impôts cantonaux de l'effet sur l'emploi 6.7.3 Conséquences sur l'égalité entre femmes et hommes Aspects juridiques 6.8.1 Constitutionnalité 6.8.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 6.8.3 Assujettissement au frein aux dépenses

80

6.7.4

6.8

80 80 81 90 93 96 96 96 98 98 101 103 104 105 105 108 108

Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «Pour une imposition individuelle indépendante de l'état civil» (Initiative pour des impôts équitables) (Projet) FF 2024 590 Loi fédérale sur l'imposition individuelle (Projet)

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

Le texte de l'initiative populaire «Pour une imposition individuelle indépendante de l'état civil (initiative pour des impôts équitables)» est le suivant: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 127, al. 2bis 2bis

Les personnes physiques sont imposées indépendamment de leur état civil.

Art. 197, ch. 122 12. Disposition transitoire ad art. 127, al. 2bis (Imposition individuelle indépendante de l'état civil) L'Assemblée fédérale édicte les dispositions d'exécution de l'art. 127, al. 2bis, trois ans au plus tard après l'acceptation dudit article par le peuple et les cantons.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Pour une imposition individuelle indépendante de l'état civil (initiative pour des impôts équitables)» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 23 février 20213, et elle a été déposée le 8 septembre 2022 avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 4 octobre 2022, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 112 218 signatures valables et qu'elle avait donc abouti4.

L'initiative revêt la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral lui oppose un contreprojet indirect. Conformément à l'art. 97, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral avait jusqu'au 8 mars 2024 pour soumettre au Parlement les projets d'arrêtés fédéraux accompagnés d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 8 mars 2025 pour adopter la recommandation de vote qu'elle adressera au peuple et aux cantons (sous réserve d'une prorogation du délai en vertu de l'art. 105 LParl).

1 2 3 4 5

RS 101 Le numéro définitif de la présente disposition transitoire sera fixé par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

FF 2021 459 FF 2022 2386 RS 171.10

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1.3

Validité

L'initiative populaire remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.): a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte de l'initiative

2.1

Droit en vigueur

L'art. 9 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)6, qui règle l'imposition des époux, prévoit l'imposition commune. La famille est considérée comme une unité économique et constitue donc aussi une unité au regard du droit fiscal. Les revenus des époux faisant ménage commun sont additionnés, quel que soit leur régime matrimonial (addition des éléments imposables). Les partenariats enregistrés entre deux personnes de même sexe sont assimilés au mariage (art. 9, al. 1bis, LIFD). La LIFD prévoit un modèle de barème multiple (art. 36 LIFD), trois barèmes étant fixés pour l'imposition des personnes physiques: un barème de base pour les personnes seules, un barème pour les couples mariés et un barème parental (indépendant de l'état civil) pour les personnes qui vivent avec des enfants. Le barème parental se compose du barème pour personnes mariées (base) et d'une déduction annuelle sur le montant de l'impôt à concurrence de 259 francs par enfant ou par personne nécessiteuse. La déduction du montant de l'impôt prévue pour le barème parental est une mesure tarifaire directe et non pas une déduction sociale. Les couples mariés bénéficient pour leur part d'une déduction pour personnes mariées (art. 33, al. 2, LIFD), qui atténue quelque peu l'effet de la progressivité lié au cumul des éléments imposables (l'addition des revenus des deux époux aux fins de l'imposition commune), et d'une déduction pour double revenu, qui allège la charge des couples mariés qui génèrent deux revenus par leurs activités lucratives.

En matière d'imposition du couple marié, la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)7 suit fondamentalement la LIFD et établit l'imposition commune des époux faisant ménage commun (art. 3, al. 3, LHID). Les partenariats enregistrés entre deux personnes de même sexe sont assimilés au mariage (art. 3, al. 4, LHID). En raison de l'autonomie tarifaire des cantons, il incombe à ceux-ci de fixer les barèmes, les taux et les montants exonérés de base (art. 129, al. 2, Cst.).

6 7

RS 642.11 RS 642.14

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Toutes les lois fiscales cantonales contiennent des mesures d'allégement pour les couples mariés visant à corriger l'effet de la progressivité lié au cumul des éléments imposables. Ces allégements et leur ampleur sont cependant conçus de manières très diverses (état: mai 2023): ­

Huit cantons appliquent un système à deux barèmes (ZH, BE, LU, ZG, BS, AR, TI et JU).

­

Sept cantons se fondent sur un splitting intégral (FR, BL, AI, SG, AG, TG et GE) et sept autres sur un splitting partiel (SZ, SO, SH et GR: diviseur 1,9 / NW: diviseur 1,85 / NE: diviseur 1,92 / GL: diviseur 1,6).

­

Le canton de Vaud applique un système de quotient familial (imposition selon les unités de consommation): pour déterminer le taux de l'impôt, le revenu global est divisé selon un quotient variant en fonction du nombre des membres de la famille. Il s'agit là d'une forme particulière de splitting.

­

Le canton du Valais applique un barème unique. Une déduction opérée sur le montant d'impôt permet d'alléger la charge des couples mariés.

­

Deux cantons (UR, OW) connaissent un barème unique proportionnel (flat rate tax). Ces deux cantons allègent la charge des couples mariés en retranchant de la base de calcul une déduction sociale supérieure à celle prévue pour les personnes seules.

Actuellement, l'imposition commune des couples mariés associée au barème progressif dans le domaine de l'impôt fédéral direct entraîne, selon les situations, une charge fiscale plus ou moins élevée pour les couples mariés par rapport aux couples non mariés dans une situation économique comparable mais imposés individuellement.

Dans le cadre de l'impôt fédéral direct, ce sont notamment les couples mariés dont le revenu global est assez élevé et réparti de manière relativement égale entre les conjoints qui sont actuellement discriminés par rapport aux couples non mariés («pénalisation du mariage»). Les couples mariés disposant d'un revenu global plus faible ou réparti de manière inégale ont par contre tendance à être mieux lotis.

À des fins de plausibilisation, l'Administration fédérale des contributions (AFC) a effectué de nouvelles estimations sur la base des données WiSiER (analyse de la situation économique des personnes en âge d'activité et à l'âge de la retraite) de 2015 extrapolées aux données de la statistique de l'impôt fédéral direct de 2018. Selon ces estimations, quelque 610 000 couples mariés sont désavantagés du point de vue fiscal, tandis que 670 000 sont favorisés. Ces estimations portent sur les traitements privilégiés ou les discriminations dans le cadre desquels la charge des couples mariés due à l'impôt fédéral direct diffère de plus de 10 % par rapport à celle de couples non mariés dans une situation économique comparable.

Ces estimations sont toutefois entachées d'incertitudes importantes. À l'inverse des données de l'AFC sur l'impôt fédéral direct, les données WiSiER contiennent des informations sur la répartition entre les époux du revenu global du couple. Cependant, comme les données WiSiER se rapportent aux impôts cantonaux sur le revenu, cette répartition doit être réévaluée pour l'impôt fédéral direct en raison des différences en ce qui concerne les montants des déductions. En outre, les données WiSiER ne permettent pas d'attribuer clairement tous les éléments du revenu à l'un ou l'autre des 11 / 108

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époux; il reste donc nécessaire d'émettre des hypothèses, en particulier pour les rendements de la fortune. De plus, ces informations ne portent que sur dix cantons. Le 8 novembre 2018, le Conseil fédéral reconnaissait dans un communiqué: «Les données statistiques relatives à l'impôt fédéral direct auxquelles l'Administration fédérale des contributions (AFC) peut recourir sont insuffisantes. L'estimation du nombre de couples concernés par la pénalisation du mariage reste donc entachée d'incertitude.» Cette affirmation est toujours d'actualité.

2.2

Discussions menées jusqu'ici autour de la réforme

Durant les dernières décennies, l'imposition des couples a donné lieu à de nombreuses discussions sur la réforme. En 1984, le Tribunal fédéral a statué que la charge fiscale des couples mariés devait être allégée par rapport à celles des personnes seules et ne devait pas être supérieure à celle des couples non mariés. En principe, la charge fiscale des couples mariés ne doit pas dépendre de la source du revenu dans le couple (l'un des époux ou les deux) ni, lorsque les deux époux génèrent un revenu, de la répartition proportionnelle de ces deux revenus. Les éventuels avantages fiscaux doivent a priori être accordés aux couples mariés et non aux couples non mariés8.

En 1994, dans le cadre d'un recours pour arbitraire, le Tribunal fédéral a relativisé cet arrêt en rapport avec les couples mariés avec enfants. Figure au premier plan pour le législateur non pas la comparaison entre les couples mariés et les couples non mariés avec enfants, mais la comparaison entre les couples mariés et les couples non mariés sans enfant, car les couples non mariés sans enfant sont beaucoup plus nombreux que les couples non mariés avec enfants. Pour ce qui est de l'assiette de l'impôt des couples mariés avec enfants, il ne faut pas fonder la comparaison principalement sur la charge fiscale d'un couple non marié avec enfants, mais sur celle des autres groupes de contribuables, en particulier les personnes seules et les couples de concubins sans enfant. C'est pourquoi le Tribunal fédéral a conclu qu'il n'y a rien à objecter du point de vue du principe de l'égalité de droit si le législateur s'accommode du fait que l'imposition des couples mariés est relativement plus élevée que celle des couples de concubins avec enfants, qui sont bien moins nombreux9.

Par la suite, plusieurs tentatives de révision des modalités de l'imposition du couple et de la famille ont été entreprises sur le plan politique: Dans le cadre du train de mesures fiscales 2001, le Conseil fédéral et les Chambres fédérales s'étaient prononcés pour un splitting partiel avec un diviseur de 1,9 pour l'imposition des couples mariés (voir ch. 6.4.1). Toutefois, ce projet a été rejeté lors de la votation populaire du 16 mai 2004.

En octobre 2006, les Chambres fédérales ont adopté des mesures immédiates dans le cadre de l'impôt fédéral direct. En plus d'une
augmentation de la déduction pour double revenu, une déduction spécifique a été introduite en faveur de tous les couples mariés. Malgré cette modification entrée en vigueur le 1er janvier 2008, la discrimina-

8 9

ATF 110 Ia 7, consid. 4c et 4d.

ATF 120 Ia 329, consid. 6.

12 / 108

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tion par rapport aux couples non mariés n'a pas pu être entièrement supprimée pour l'ensemble des couples mariés.

En 2007, le Conseil fédéral a organisé une consultation pour savoir si les couples mariés devaient être imposés en commun ou séparément. Le projet mis en consultation en vue du choix d'un système d'imposition portait sur quatre modèles d'imposition (imposition individuelle modifiée, imposition commune avec splitting intégral, droit d'option des époux entre l'imposition commune et l'imposition basée sur un splitting partiel, nouveau barème double [voir ch. 6.4]). L'évaluation des résultats a montré toutefois qu'une modification fondamentale du système actuel qui bénéficierait d'un large soutien n'était alors pas susceptible de rallier une majorité des voix. Il n'y avait en effet pas de consensus entre les partis sur la manière dont il fallait tenir compte des changements économiques et socioéconomiques des dernières décennies dans le droit fiscal.

En août 2012, le Conseil fédéral a une nouvelle fois mis en consultation des propositions pour une imposition équilibrée des couples et de la famille10. Il a proposé le modèle d'un «barème multiple avec calcul alternatif de l'impôt» pour que les couples mariés ne soient pas imposés plus lourdement que les couples non mariés à l'avenir (voir ch. 6.4.2). Les résultats de la consultation11 ont montré que les avis restaient divergents quant à la forme d'imposition idéale des couples mariés. Les points controversés portaient en particulier sur la question de savoir si l'imposition devait être effectuée sur une base individuelle ou sur une base commune.

Le 5 novembre 2012, le Parti démocrate-chrétien (PDC, aujourd'hui Le Centre) déposait son initiative populaire «Pour le couple et la famille ­ Non à la pénalisation du mariage» (13.085). Cette initiative visait notamment à inscrire dans la loi que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme qui, du point de vue fiscal, constitue une communauté économique. D'après le texte de l'initiative, le mariage ne devait pas être pénalisé par rapport à d'autres modes de vie, notamment en matière d'impôts et d'assurances sociales. Le 28 février 2016, cette initiative a été rejetée par le peuple par 50,8 % des voix, malgré une majorité favorable des cantons. Le 10 avril 2019, le Tribunal fédéral a annulé
la votation populaire12. Le comité de l'initiative populaire a retiré son texte le 4 février 2020.

Suite à la votation sur l'initiative populaire du PDC, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral des finances (DFF), en août 2016, d'élaborer un nouveau message visant à supprimer la «pénalisation du mariage» en matière d'impôt fédéral direct. Le 21 mars 2018, le Conseil fédéral adoptait le message relatif à la modification de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (imposition équilibrée des couples et de la famille)13.

10

11

12 13

Voir à ce sujet le rapport explicatif du 29 août 2012 sur la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD) (imposition équilibrée des couples et de la famille), www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2012 > DFF.

Voir à ce sujet le rapport du 18 avril 2013 «Résultats de la procédure de consultation sur l'imposition équilibrée du couple et de la famille», www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2012 > DFF.

Arrêt du Tribunal fédéral du 10 avril 2019 1C_315/2018.

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13 / 108

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Le 14 août 2019, le Conseil fédéral a adopté un message additionnel relatif à un calcul alternatif de l'impôt qui contenait de nouvelles estimations concernant la «pénalisation du mariage»14. Le Parlement a renvoyé ce message au Conseil fédéral le 18 décembre 2019. Il le chargeait de présenter d'autres modèles, notamment le modèle des quotients familiaux appliqué dans le canton de Vaud (voir ch. 6.4.1), celui de l'imposition individuelle, ou tout autre modèle qu'il jugerait adéquat.

Enfin, durant la session d'automne 2020, le Parlement a décidé d'intégrer au programme de la législature 2019 à 2023 l'adoption d'un message sur l'introduction de l'imposition individuelle.

Ces 20 dernières années, nombreuses ont été les interventions transmises qui, thématisant l'imposition des couples mariés et de la famille, se concentraient soit sur l'imposition individuelle, soit sur l'imposition commune: ­

Motion 04.3276 du groupe libéral-radical du 3 juin 2004 «Passage à l'imposition individuelle».

­

Motion 05.3299 du groupe libéral-radical du 15 juin 2005 («Mesures d'urgence en vue d'un passage à l'imposition individuelle»).

­

Motion 10.4127 Bischof du 17 décembre 2010 «Pour en finir avec la discrimination des couples mariés».

­

Postulat 11.3545 du groupe BD du 15 juin 2011 «Impôts et rentes indépendants de l'état civil».

­

Postulat 14.3005 de la commission des finances CN du 30 janvier 2014 «Conséquences économiques et fiscales des différents modèles d'imposition individuelle».

­

Motion 16.3044 Bischof du 3 mars 2016 «Eliminer la pénalisation fiscale due au mariage».

­

Postulat 21.3284 Würth du 18 mars 2021 ( «Imposition commune avec splitting intégral, et imposition individuelle. Évaluer les deux modèles». Le Conseil fédéral a déjà procédé à l'évaluation demandée des deux modèles lors de la consultation sur l'imposition individuelle.

De plus, quatre initiatives cantonales dont l'examen préliminaire n'est pas encore terminé ont été déposées (état: janvier 2024):

14

­

Initiative 21.317 du canton de Bâle-Ville du 6 juillet 2021 «Introduction et mise en oeuvre rapides de l'imposition individuelle».

­

Initiative 23.300 du canton de Lucerne du 23 décembre 2022 «Pour une imposition individuelle indépendante de l'état civil».

­

Initiative 23.305 du canton des Grisons du 15 mars 2023 «Introduction de l'imposition individuelle».

­

Initiative 23.313 du canton de Bâle-Campagne du 31 août 2023 «Imposition individuelle. Enfin l'égalité en droit fiscal».

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2.3

Autres initiatives populaires concernant l'imposition des couples mariés

La récolte des signatures pour l'initiative populaire du Centre intitulée «Oui à des impôts fédéraux équitables pour les couples mariés ­ Pour en finir avec la discrimination du mariage!» a débuté le 27 septembre 2022. Cette initiative demande que les revenus du couple marié soient additionnés aux fins du calcul de l'impôt fédéral direct sans que ces couples ne soient désavantagés par rapport aux autres contribuables. Si cette initiative populaire est acceptée, mais qu'elle n'est pas mise en oeuvre dans la législation fiscale dans un délai de trois ans, le Conseil fédéral édictera par voie d'ordonnance des dispositions pour que, parallèlement au calcul de l'imposition commune des époux, un calcul alternatif soit effectué sur la base des barèmes et des déductions applicables aux personnes non mariées selon la législation sur l'impôt fédéral direct.

Le plus faible des deux montants d'impôt calculés sera pris en compte. Le délai pour la récolte des signatures court jusqu'au 27 mars 2024.

3

Buts et contenu de l'initiative

3.1

Buts de l'initiative

L'initiative exige que les personnes physiques soient imposées indépendamment de leur état civil.

Concrètement, une imposition indépendante de l'état civil signifie qu'il n'importe pas, pour l'imposition d'une personne physique, que celle-ci soit mariée, divorcée, veuve ou célibataire. Toutes les personnes sont imposées individuellement.

En conséquence, l'actuelle imposition commune des couples mariés doit être supprimée au profit d'une imposition individuelle.

Les arguments des initiants en faveur du passage à l'imposition individuelle sont les suivants15: Le principe de l'imposition selon la capacité économique est inscrit dans la Constitution. Mais actuellement, la capacité financière individuelle des couples soumis à l'imposition commune (mariage ou partenariat enregistré) est évaluée aux fins fiscales d'une autre manière que celle des concubins et des personnes seules. La capacité financière individuelle ne peut se calculer sur le plan fiscal qu'indépendamment de l'état civil.

Le système fiscal actuel peut conduire à ce que les couples imposés conjointement soient défavorisés et paient plus d'impôts que les couples comparables de concubins imposés individuellement («pénalisation du mariage»). Cette situation survient en particulier lorsque les deux époux exercent une activité lucrative. L'imposition individuelle permettrait d'éliminer cette pénalisation du mariage.

L'imposition individuelle rendant justice à toutes les formes de vie en commun, le droit fiscal encouragerait, après la réforme, l'égalité de tous les modèles de vie.

15

https://fr.individualbesteuerung.ch/ (état: novembre 2023).

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Le système fiscal actuel favorise les couples mariés où seul l'un des époux exerce une profession et assure le revenu du ménage. Des femmes qualifiées, en particulier, restent ainsi à l'écart du marché du travail. Or, quiconque est longtemps absent du marché du travail n'a plus guère de chance de faire carrière. L'imposition individuelle permettrait de créer les incitations fiscales adéquates pour encourager l'exercice d'une activité lucrative, ce qui contribuerait à remédier à la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée tout en faisant progresser l'égalité des chances sur le marché du travail.

3.2

Réglementation proposée

L'art. 127 Cst. est complété par un al. 2bis qui dispose que l'imposition des personnes physiques est indépendante de leur état civil.

Selon la disposition transitoire prévue, l'Assemblée fédérale édicte les dispositions d'exécution de l'art. 127, al. 2bis, Cst. trois ans au plus tard après l'acceptation dudit article par le peuple et les cantons.

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

Disposition constitutionnelle La disposition constitutionnelle proposée (art. 127, al. 2bis, Cst.) prévoit que les personnes physiques sont imposées indépendamment de leur état civil. L'imposition individuelle n'est pas expressément prescrite. Cependant, la disposition transitoire parle d'«imposition individuelle indépendante de l'état civil». Il apparaît ainsi avec suffisamment de clarté que l'initiative demande l'introduction d'une imposition individuelle. Il est implicite que l'imposition individuelle indépendante de l'état civil devra s'appliquer aux trois niveaux de l'État.

En cas d'acceptation de l'initiative, un retour à l'imposition commune des couples mariés qui s'applique à l'heure actuelle aux niveaux fédéral et cantonal serait exclu sans une nouvelle modification de la Constitution.

La disposition constitutionnelle ne serait pas immédiatement applicable: elle nécessiterait sa mise en oeuvre par le législateur fédéral, qui devrait modifier la LIFD et la LHID en conséquence.

Les cantons devraient adapter leur législation en se basant sur la modification de la LHID. Il faudra ménager aux cantons suffisamment de temps à cet effet, puisqu'ils devront réexaminer et éventuellement redéfinir les barèmes, les déductions ainsi que les déductions sociales et adapter leurs procédures informatiques (traitement électronique des données).

Les nouveautés concernant l'impôt fédéral direct ainsi que les nouvelles dispositions des lois fiscales cantonales devraient entrer en force simultanément en application du principe d'harmonisation inscrit à l'art. 129 Cst. Des différences de réglementation (par ex. parce que la Confédération prévoirait l'imposition individuelle à partir d'une date x à laquelle tous les cantons ou une partie d'entre eux appliqueraient encore l'im-

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position commune des époux) entraîneraient une charge disproportionnée pour les contribuables et les autorités fiscales.

Disposition transitoire L'initiative demande que l'Assemblée fédérale édicte les dispositions d'exécution de l'art. 127, al. 2bis, Cst. trois ans au plus tard après l'acceptation de l'initiative par le peuple et les cantons.

Le libellé de la disposition transitoire indique clairement que l'Assemblée fédérale doit adopter (édicter), dans ce délai de trois ans, une loi qui introduise l'imposition individuelle. Le Conseil fédéral assurera ensuite l'entrée en vigueur, sous réserve d'un référendum, pour autant que le législateur n'ait pas lui-même déjà fixé la date d'entrée en vigueur.

Cette interprétation est soutenue par le texte de l'initiative, qui prévoit explicitement des dispositions d'exécution et non pas l'entrée en vigueur, contrairement à certaines dispositions transitoires prévues par d'autres initiatives populaires16.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Buts de l'initiative

Le passage à l'imposition individuelle permet de réaliser les objectifs de l'initiative: l'imposition indépendante de l'état civil et, partant, l'abolition de la «pénalisation du mariage», l'augmentation des incitations pour les deux conjoints à exercer une activité lucrative et l'amélioration de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le 2 décembre 2022, le Conseil fédéral a décidé de recommander le rejet de l'initiative tout en proposant un contre-projet indirect. Sa décision se fonde notamment sur les arguments suivants:

16

­

L'élimination de la pénalisation fiscale des couples mariés dans le domaine de l'impôt fédéral direct est sur le tapis depuis environ 40 ans. L'inscription au niveau constitutionnel de l'imposition indépendante de l'état civil représente certes une décision de principe contraignante pour le législateur, mais il faudrait encore élaborer des mesures d'application de la nouvelle disposition constitutionnelle.

­

L'introduction de l'imposition individuelle est aussi possible sans inscrire de disposition correspondante dans la Constitution. Une modification au niveau de la loi permettra d'atteindre l'objectif fixé plus rapidement.

­

Inscrire dans la Constitution la méthode d'imposition (individuelle ou commune pour les couples mariés ou non) restreint les possibilités qui s'offrent au législateur.

Voir dispositions transitoires ad art. 95, al. 3, et 121a, al. 2, Cst.

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­

Un projet de loi correspondant était déjà en cours d'élaboration, puisque le Parlement a chargé le Conseil fédéral de lui soumettre un projet d'instauration de l'imposition individuelle dans le programme de la législature 2019 à 2023.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

L'acceptation de l'initiative populaire obligera le législateur à prendre des mesures d'application de la nouvelle disposition constitutionnelle.

Cette obligation s'appliquerait tant à la Confédération qu'aux cantons (et aux communes), puisque la disposition constitutionnelle concerne les trois niveaux de l'État.

En outre, l'imposition indépendante de l'état civil suppose que le législateur édicte des dispositions légales correspondantes et que le peuple les accepte en cas de référendum.

Imposition des couples Si le législateur instaurait l'imposition individuelle en vertu de la nouvelle disposition constitutionnelle, l'imposition indépendante de l'état civil éliminerait aussi bien l'avantage lié au mariage que la pénalisation du mariage.

Un conflit d'objectifs se présente entre la neutralité de l'état civil (imposition individuelle) et l'imposition du revenu global (imposition commune). Dans un système fiscal progressif, ces deux postulats de l'équité fiscale ne peuvent pas être satisfaits simultanément.

En cas d'imposition commune, la charge fiscale des couples mariés est en principe indépendante de la répartition des revenus. La charge globale varie toutefois en fonction de l'état civil.

En revanche, l'imposition individuelle entraîne pour les couples mariés des charges globales différentes selon la répartition des revenus. La charge fiscale globale est toutefois indépendante de l'état civil.

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Comme l'imposition individuelle allège la charge fiscale pesant sur le revenu secondaire comparativement à l'actuelle imposition des couples mariés, elle créerait des incitations à exercer une activité lucrative et pourrait donc induire une meilleure exploitation du potentiel de main-d'oeuvre (qualifiée) indigène. Dans la plupart des cas, ce sont les femmes qui perçoivent le revenu secondaire. C'est pourquoi l'augmentation desdites incitations favoriserait aussi une répartition plus égale des revenus de l'activité lucrative au sein des couples, ce qui contribuerait à l'égalité des chances et à l'égalité entre femmes et hommes.

Limitation de la marge de manoeuvre du législateur L'acceptation de l'initiative populaire exclurait la réintroduction de l'imposition commune en l'absence d'une nouvelle modification de la Constitution. Par conséquent, la marge de manoeuvre du législateur serait limitée.

Coût de mise en oeuvre pour les cantons et les contribuables L'imposition individuelle devrait aussi être instaurée aux niveaux des cantons et des communes. Il en résulterait pour les cantons une charge initiale assez élevée sur les plans législatif et administratif.

La charge administrative récurrente qu'impliquera la réforme pour les administrations fiscales cantonales dépend pour une part déterminante de la conception de l'imposition individuelle (deux déclarations fiscales par couple marié, mise en relation des déclarations fiscales, par ex. pour les frais liés aux enfants).

L'imposition individuelle entraînerait aussi une charge supplémentaire pour les couples mariés imposés conjointement à l'heure actuelle, parce que chacun des époux devrait remettre sa propre déclaration fiscale, qui donnerait lieu à une procédure de taxation et à une éventuelle procédure de recours individuelles. Lors de la première imposition séparée, en particulier, non seulement les procédures distinctes pourraient générer une charge supplémentaire formelle, mais elles pourraient aussi susciter des questions matérielles, concernant l'attribution des valeurs patrimoniales par exemple.

Autres domaines juridiques L'état civil influence actuellement, entre autres, les prestations des assurances sociales, en particulier celles de l'AVS / AI, de la prévoyance professionnelle, de l'assurance-accidents et de l'assurance militaire,
ainsi que les subventions (par ex. réduction des primes d'assurance-maladie). Ces autres domaines juridiques tiennent compte du mariage en tant que communauté économique. En cas d'introduction de l'imposition individuelle, il y aurait donc des différences «systémiques» entre le système fiscal et d'autres domaines juridiques.

Pourtant, il est juridiquement possible de convertir le système fiscal à l'imposition individuelle tout en continuant de considérer le couple marié comme une communauté économique dans les autres domaines du droit. Notons en l'occurrence que le postulat 21.4430 du groupe libéral-radical «Conséquences d'une prévoyance vieillesse indépendante de l'état civil?», qui a été adopté le 18 mars 2022 par le Conseil national, charge le Conseil fédéral de présenter un rapport sur les conséquences qu'entraînerait l'introduction d'une prévoyance vieillesse individuelle, complètement indépendante de l'état civil du bénéficiaire.

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4.3

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

L'initiative n'a aucune influence sur les obligations internationales de la Suisse.

5

Conclusions

L'initiative pour des impôts équitables vise à inscrire l'imposition indépendante de l'état civil dans la Constitution. En l'adoptant, le peuple et les cantons prendraient une décision de principe. Il incomberait ensuite au législateur de mettre en oeuvre l'imposition indépendante de l'état civil, c'est-à-dire individuelle, dans la loi.

L'imposition individuelle inciterait les personnes qui génèrent le revenu secondaire (généralement des femmes) à exercer une activité lucrative ou à relever leur taux d'occupation. Elle aurait donc une incidence positive sur l'égalité des chances et sur l'égalité entre hommes et femmes (voir ch. 6.7.7).

La neutralité de l'état civil inhérente à l'imposition individuelle entraînerait aussi l'élimination de la pénalisation du mariage.

Comme une disposition constitutionnelle n'est pas nécessaire à l'instauration d'une imposition individuelle et que l'éventuelle acceptation de l'initiative ne constituerait qu'une décision de principe qui requerrait encore sa mise en oeuvre au niveau de la loi, le Conseil fédéral propose de rejeter l'initiative et lui oppose, à titre de contreprojet indirect, la loi fédérale sur l'imposition individuelle. De cette manière, l'objectif de l'initiative, à savoir l'imposition indépendante de l'état civil, pourra être atteint plus rapidement.

6

Contre-projet indirect

6.1

Procédure préliminaire, consultation comprise

6.1.1

Projet mis en consultation

Durant la session d'automne 2020, le Parlement a décidé d'intégrer au programme de la législature 2019 à 2023 l'adoption d'un message sur l'introduction de l'imposition individuelle. Le 2 décembre 2022, le Conseil fédéral a chargé le DFF d'ouvrir une procédure de consultation sur la loi fédérale sur l'imposition individuelle. La procédure de consultation s'est achevée le 16 mars 2023.

Le Conseil fédéral a mis en consultation un projet portant principalement sur les points suivants: ­

Les revenus et les valeurs patrimoniales des couples mariés sont attribués aux partenaires selon le régime appliqué actuellement aux couples non mariés, c'est-à-dire selon la situation de droit civil ou d'autres droits légaux.

­

La déduction pour enfants applicable à l'impôt fédéral direct est portée de 6500 à 9000 francs.

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­

Pour les ménages ne comptant qu'un adulte, une déduction pour frais de ménage d'un montant de 6000 francs est prévue dans le cadre de l'impôt fédéral direct.

­

S'agissant de l'impôt fédéral direct frappant les couples mariés sans revenu secondaire ou dont le revenu secondaire est faible, deux solutions ont été soumises (l'une avec et l'autre sans mesure corrective).

­

L'imposition individuelle s'applique à tous les échelons de l'État.

­

Le Conseil fédéral visait, pour les deux solutions proposées, un allégement qui se traduirait par une réduction des recettes de l'ordre de 1 milliard de francs dans le cadre de l'impôt fédéral direct. Ce manque à gagner serait supporté par la Confédération à hauteur de 78,8 % (soit env. 800 millions de francs) et par les cantons à hauteur de 21,2 % (soit env. 200 millions de francs). L'estimation des conséquences financières portait sur l'année fiscale 2022.

6.1.2

Résultats de la consultation17

6.1.2.1

Avis général des personnes consultées

Le projet d'imposition individuelle a suscité de vives discussions, et les 103 participants à la procédure de consultation (7 partis, 26 cantons, 65 organisations, 5 particuliers) ne sont pas parvenus à un consensus. Tous estiment qu'il faut enfin éliminer la discrimination fiscale de certains couples mariés par rapport aux couples non mariés dans le domaine de l'impôt fédéral direct. Par contre, le modèle d'imposition à retenir reste loin de faire l'unanimité.

L'imposition individuelle rencontre l'approbation de 4 partis (PLR, PVL, Les Vert-es suisses, PSS), 5 cantons (BE, BS, FR, LU, ZH) et 50 organisations. Ces intervenants estiment que l'imposition individuelle accroît l'incitation à l'exercice d'une activité lucrative, ce qui est favorable à l'égalité des chances entre femmes et hommes. Selon eux, l'État bénéficiera de recettes fiscales supplémentaires, l'économie, d'un accroissement de la main d'oeuvre spécialisée et la société, d'une meilleure sécurité économique pour bon nombre de femmes. Ils apprécient également l'imposition indépendante de l'état civil et la suppression de la pénalisation du mariage et estiment que l'imposition individuelle présente le meilleur rapport coût-utilité en comparaison avec d'autres modèles d'imposition.

L'introduction d'une imposition individuelle est rejetée par 3 partis (Centre, PEV, UDC), 21 cantons (AG, AI, AR, BL, GE, GL, GR, JU, NE, NW, OW, SG, SH, SO, SZ, TG, TI, UR, VD, VS, ZG), 14 organisations et 3 particuliers. Les opposants à l'imposition individuelle avancent en particulier l'argument selon lequel l'imposition individuelle crée de nouvelles inégalités et des incitations inopportunes, du fait qu'elle désavantage les couples avec un seul revenu ou un grand écart entre les revenus. De 17

Voir à ce sujet le rapport du 9 août 2023 sur les résultats de la consultation relative à la loi fédérale sur l'imposition individuelle, www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultations > Procédures de consultation terminées > 2022 > DFF.

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leur avis, même des correctifs ne permettront pas de supprimer entièrement ces problèmes et il ne faut donc pas examiner la capacité économique de chaque personne indépendamment de celle de la communauté. Pour ces intervenants, l'imposition ne doit pas amener les contribuables à devoir opter pour un mode de vie plutôt qu'un autre. Ils considèrent également que cette solution entraîne un surcroît de travail administratif pour les contribuables et les autorités fiscales et complexifie la fiscalité pour une grande part de la population. Ils doutent que les effets escomptés sur l'emploi se réalisent. De leur avis, la décision d'exercer une activité lucrative ou d'accroître son taux d'occupation dépend de nombreux facteurs non fiscaux, tels que l'indépendance économique, l'offre en matière d'emplois ou les possibilités de garde d'enfants.

De nombreux intervenants, dont le Centre, le PEV et l'UDC ainsi que la majorité des cantons, considèrent que l'imposition des couples mariés doit rester conjointe. Selon leur point de vue, la suppression de la pénalisation du mariage dans le cadre de l'impôt fédéral direct pourra être implémentée plus rapidement si le projet n'affecte que cet impôt-là.

6.1.2.2

Mesures de correction pour les couples à un seul revenu

Divers participants à la procédure de consultation n'ont pas émis de recommandation explicite quant aux variantes proposées.

La variante 1 (sans mesure de correction ou d'allégement pour les couples avec un seul revenu) obtient le soutien de 4 partis (PLR, PVL, Les Vert-e-s suisses, PSS), 3 cantons (BS, FR, ZH) et 43 organisations. Selon ces intervenants, l'imposition individuelle ne pourra pleinement déployer ses effets positifs et être véritablement indépendante de l'état civil que sans mesures d'allégement pour les couples avec un seul revenu. À leurs yeux, la variante 1 maximise l'encouragement à participer au marché du travail tout en étant moins laborieuse du point de vue de la mise en oeuvre, car elle demande moins de coordination des dossiers fiscaux; en effet les contribuables remplissent leur déclaration d'impôt de manière autonome et les procédures fiscales sont pour l'essentiel séparées.

La variante 2 (avec mesure d'allégement pour les couples avec un seul revenu) rencontre l'approbation avant tout des participants qui rejettent fondamentalement l'imposition individuelle. Il s'agit de 3 partis (PEV, le Centre, UDC), 12 cantons (AI, AR, BE, GE, LU, NW, SG, SZ, TG, TI, UR, VS) et 8 organisations. Selon ces participants, la variante 2 tient mieux compte du mariage comme communauté économique, est plus conforme au principe de l'imposition en fonction de la capacité économique et discrimine moins les couples mariés avec un seul revenu par rapport aux couples mariés ayant deux revenus. De leur point de vue, l'imposition individuelle ne doit pas conduire à modifier fortement les rapports de charge entre différents types de ménages. Pour ces raisons, ils préconisent la variante 2, même si elle est plus complexe et demande plus de travail dans la mise en oeuvre, car elle tient mieux compte des diverses formes de famille et est plus conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral sur l'imposition des couples mariés.

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6.1.2.3

Autres aspects

L'attribution des revenus et des valeurs patrimoniales en fonction des rapports de droit civil ou d'autres droits légaux rencontre globalement un bon accueil. Plusieurs cantons et la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF), en particulier, sont expressément favorables à cette solution, considérant qu'une autre répartition entraînerait de graves problèmes juridiques et pratiques lors de la taxation des contribuables.

La répartition par moitié sur chaque parent des déductions pour enfants est saluée par la grande majorité des participants. Les modalités concrètes de cette déduction ne font en revanche pas l'unanimité. De manière générale, les participants saluent la proposition d'augmenter à 9000 francs la déduction pour enfants, car l'introduction de l'imposition individuelle altère l'allégement qu'offre cette déduction par rapport au droit en vigueur. Certains souhaitent une augmentation encore plus importante.

Nombre d'intervenants estiment que la réglementation proposée imposera une coordination des procédures fiscales pour les deux parents d'un enfant majeur en formation afin de pouvoir répartir correctement la déduction. Ils considèrent par conséquent que la déduction pour les enfants majeurs devrait également être partagée par moitié dès lors que les deux parents contribuent à l'entretien, comme pour les enfants mineurs. La déduction pourrait être augmentée pour les enfants majeurs en formation, compte tenu du coût élevé des formations.

Le PLR, le PVL et diverses organisations de femmes proposent un traitement fiscal préférentiel des familles avec enfants, au moyen d'un barème allégé, afin de tenir compte des charges particulières associées à la prise en charge d'un enfant (modèle dit «Ecoplan», voir ch. 6.3.1). Ces intervenants estiment en outre que les familles en question devraient elles aussi bénéficier des déductions pour enfants.

La déduction pour frais de ménage proposée rencontre des avis très divergents. Le PLR, Travail.Suisse, GE et VD sont en faveur d'une déduction pour les personnes vivant seules et les familles monoparentales. Certains participants à la consultation, dont de nombreux cantons, demandent de renoncer au moins à une déduction pour frais de ménage pour les personnes vivant seules: cette déduction entraînerait une charge de travail
excessive en pratique, car il faudrait vérifier dans de nombreux cas si la personne est effectivement seule à occuper le logement.

Certains participants, dont le PVL et diverses organisations de femmes, sont opposés à des allégements spécifiques pour des groupes déterminés. Ils estiment qu'il vaut mieux prévoir une «déduction pour frais de ménage» unique afin d'amortir la charge fiscale pour les couples dont les deux parties touchent des revenus inégaux ainsi que les personnes seules ou les familles monoparentales (frais de ménage).

Selon la proposition du Conseil fédéral, les couples mariés comme les autres remettront deux déclarations d'impôt séparées. Si cette proposition est majoritairement acceptée, nombre de participants, dont de nombreux cantons, soulignent que cela augmente considérablement la charge de travail administratif, car il est impossible d'automatiser entièrement les travaux d'investigation et de coordination incombant aux cantons. Pour cette raison, de nombreux intervenants exigent que l'imposition

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individuelle soit introduite de manière aussi peu bureaucratique et aussi simple que possible à tous les niveaux; il s'agit d'éviter une coordination des procédures de taxation des deux époux.

Les participants à la consultation partagent largement l'opinion selon laquelle l'introduction d'une imposition individuelle requiert une mise en oeuvre par toutes les juridictions fiscales à l'échelle nationale, c'est-à-dire aux trois échelons de l'État. Les cantons font remarquer que si la Confédération et les cantons appliquent des modèles de taxation différents pour les couples, le système serait trop complexe pour les contribuables et les autorités fiscales feraient face à une augmentation de leur charge de travail ainsi qu'à une vulnérabilité accrue aux erreurs. De nombreux cantons, en particulier, demandent un délai de mise en oeuvre d'au moins dix ans, car les procédures politiques nécessaires à la refonte complète de leurs barèmes, déductions et franchises, ainsi que les travaux législatifs et les votations populaires associés nécessiteront beaucoup de temps.

La plupart des participants à la consultation estiment qu'il est possible de passer à l'imposition individuelle sans adopter automatiquement, pour les couples mariés, une approche indépendante de l'état civil dans les autres domaines juridiques.

Les aspects financiers de l'imposition individuelle font débat. Divers participants à la consultation, dont le PLR, le PVL et diverses organisations de femmes, acceptent la baisse de recettes de l'impôt fédéral direct, de l'ordre de 1 milliard de francs, qui résulte du projet mis en consultation. Ils estiment qu'à ce prix, la quasi-totalité des contribuables bénéficiera d'un allégement au niveau de cet impôt.

D'autres participants, dont les Vert-e-s suisses, l'Association des Communes Suisses, l'Union syndicale suisse, la CDF et divers cantons, estiment qu'une telle perte de recettes est excessive et insupportable. La réduction de recettes devrait à leurs yeux être moins importante, afin de conserver une marge de manoeuvre financière pour les tâches importantes et pour que le projet soit susceptible d'emporter la majorité.

D'après les Vert-e-s suisses, cela pourrait par exemple être réalisé en relevant les taux d'imposition marginaux applicables aux revenus supérieurs, considérés comme très
bas. economiesuisse estime qu'un contre-financement sera nécessaire.

Les pertes de recettes fiscales sont inacceptables pour d'autres participants, dont le PSS. La mise en oeuvre de l'imposition individuelle à l'échelon fédéral ne doit pas avoir d'incidence sur le produit de l'impôt.

6.2

Grandes lignes du projet

Selon les résultats de la consultation, les principes suivants doivent être appliqués: ­

Les couples seront imposés individuellement à l'instar des couples non mariés. Leurs revenus et leurs valeurs patrimoniales seront répartis entre les époux selon les rapports de droit civil, comme c'est déjà le cas pour les couples non mariés. Les époux devront remplir deux déclarations séparées.

­

Pour l'impôt fédéral direct, les déductions concernant les enfants seront en principe réparties par moitié entre les parents.

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­

La déduction pour enfants applicable dans le cadre de l'impôt fédéral direct sera portée de 6700 francs actuellement à 12 000 francs.

­

Le barème de l'impôt fédéral direct sera adapté (abaissement des taux d'imposition pour les bas et moyens revenus, relèvement du montant exonéré de base, réduction du montant à partir duquel le taux d'imposition maximum est atteint).

­

L'imposition individuelle s'appliquera aux trois échelons de l'État.

­

Dans le domaine de l'impôt fédéral direct, le projet aura pour conséquence une diminution des recettes estimée à 1 milliard de francs (état: année fiscale 2024). Ce manque à gagner sera supporté par la Confédération à raison d'environ 800 millions de francs et par les cantons pour environ 200 millions de francs.

6.2.1

Imposition des couples mariés selon les règles applicables aux couples non mariés ou selon les dispositions du droit civil

6.2.1.1

Principe

Le Conseil fédéral entend instaurer l'imposition individuelle et imposer séparément les époux comme les partenaires non mariés. Pour ces derniers, le droit en vigueur prévoit que les revenus et valeurs patrimoniales propres sont imposés selon les rapports de droit civil. Il existe à ce propos d'ores et déjà des pratiques basées sur la jurisprudence (par ex. propriété commune d'un immeuble) auxquelles il est en principe possible de se référer pour fonder l'imposition des couples (mariés) sur les principes de l'imposition individuelle.

Par conséquent, le Conseil fédéral entend, à l'avenir, attribuer les revenus et valeurs patrimoniales des couples mariés et des couples non mariés en particulier selon les rapports de droit civil ou en fonction des autres droits prévus par la loi.

Dans les configurations où, selon le droit en vigueur, une attribution en fonction des règles de rattachement économiques prévaut déjà, le passage à l'imposition individuelle n'entraînera aucun changement. Tel est par exemple le cas des relations de fiducie et de trust ou en cas d'usufruit. Autrement dit, les éléments imposables resteront attribués au fiduciant ou à l'usufruitier et non au propriétaire de droit civil.

Dans ce contexte, l'attribution des éléments imposables reposera surtout sur les grandes lignes suivantes, qui découlent du principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique (art. 127, al. 2, Cst.), certaines divergences s'expliquant par l'économie de la taxation: ­

Les revenus seront attribués à la personne qui les génère. Il faudra par exemple se référer à l'exercice de l'activité lucrative en cas de revenu provenant d'une activité professionnelle, au droit à bénéficier de rentes dans le cas d'un revenu provenant de rentes et aux droits de propriété sur le bien économique concerné s'il s'agit de rendements de la fortune.

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­

La personne à qui des revenus seront attribués pourra faire valoir les frais d'acquisition de ces revenus (par ex. frais professionnels, frais de gestion de la fortune, entretien des immeubles) quel que soit celui des partenaires qui assume effectivement ces frais. Ceci permettra de réduire le coût de l'imposition. Sinon, l'autorité de taxation devrait vérifier, en exigeant les justificatifs, lequel des partenaires a effectivement procédé aux paiements et si les partenaires se versent éventuellement des compensations.

­

Les prestations volontaires en faveur d'organisations d'utilité publique (dons), cotisations de membres et les versements en faveur d'un parti politique (dons à des partis politiques) déductibles ainsi que les prestations volontaires en faveur de personnes nécessiteuses pourront être revendiqués par la personne qui les a effectivement financés.

­

Certaines déductions sont personnelles, c'est-à-dire liées à la personne, comme pour les coûts de maladie et les frais de formation et de perfectionnement à des fins professionnelles. Par conséquent, seule la personne concernée pourra les revendiquer.

­

L'attribution des déductions relatives aux enfants reposera largement sur la réglementation d'ores et déjà en vigueur pour les couples non mariés qui assument l'autorité parentale en commun18.

­

Les valeurs patrimoniales (fortune mobilière et immobilière) seront attribuées sur la base des rapports de propriété.

­

Les dettes et les intérêts passifs seront imputés à la personne débitrice selon le contrat générateur d'obligations.

Aperçu de l'attribution des éléments imposables aux partenaires Dans le tableau ci-dessous, les références aux dispositions légales se rapportent au droit en vigueur et au projet de loi. Lorsque le numéro de l'article du droit en vigueur diffère de celui du projet de loi, ce dernier est cité explicitement (P-LIFD).

Éléments imposables

Revenus Revenus provenant ­ de l'activité lucrative dépendante (art. 16 et 17 LIFD) ­ de l'activité lucrative indépendante (art. 18 et 19 LIFD) ­ de la fortune mobilière (art. 20 et 20a LIFD) ­ de la fortune immobilière (art. 21 LIFD) ­ de la prévoyance (art. 22 LIFD) ­ d'autres sources (art. 23 LIFD)

18

Attribution dans le cadre de l'imposition individuelle

L'attribution se fonde en règle générale sur les rapports de droit civil; il faut se référer à l'exercice de l'activité lucrative en cas de revenu provenant d'une activité professionnelle, aux droits de propriété sur le bien économique concerné s'il s'agit de rendements de la fortune, au droit à bénéficier de rentes et des autres revenus dans le cas d'un revenu provenant de rentes et d'autres revenus.

Voir la circulaire no 30 de l'AFC, www.estv.admin.ch > Impôt fédéral direct > Circulaires > Imposition des époux et de la famille.

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Éléments imposables

Fortune Fortune mobilière

Attribution dans le cadre de l'imposition individuelle

Dettes

Droits réels (rapports de propriété): si plusieurs personnes sont propriétaires de la fortune mobilière, la moitié de celle-ci leur est attribuée.

Droits réels (rapports de propriété, généralement selon le registre foncier); si plusieurs personnes figurent dans le registre foncier, la fortune immobilière est attribuée en fonction de leur part dans la propriété collective.

Selon le contrat générateur d'obligations

Déductions Frais professionnels en cas d'activité lucrative dépendante (art. 26 LIFD)

La personne à qui les revenus correspondants sont attribués, c'est-à-dire la personne qui exerce l'activité lucrative dépendante

Fortune immobilière

Frais justifiés par l'usage commercial ou pro- La personne à qui les revenus correspondants fessionnel dans le cadre d'une activité lucra- sont attribués, c'est-à-dire la personne qui tive indépendante exerce l'activité lucrative indépendante (art. 27 LIFD) Frais liés à la fortune immobilière privée (par ex. frais nécessaires à l'entretien, art. 32 LIFD)

Selon les rapports de propriété, en général le registre foncier: la personne à qui les revenus provenant de la fortune en question sont attribués

Frais liés à la fortune privée mobilière (frais d'administration), art. 32 LIFD)

Selon les rapports de propriété: la personne à qui les revenus provenant de la fortune en question sont attribués Débiteur selon le contrat générateur d'obligations Débiteur

Intérêts passifs privés (art. 33, al. 1, let. a, LIFD) Déduction pour charges durables et rentes viagères (art. 33, al. 1, let. b, LIFD) Déduction pour pension alimentaire (art. 33, al. 1, let. c, LIFD) Cotisations au premier et au deuxième pilier (art. 33, al. 1, let. d, LIFD) Cotisations au pilier 3a (art. 33, al. 1, let. e, LIFD) Déduction pour versements aux assurances (art. 33, al. 1, let. g, LIFD) Frais provoqués par la maladie et les accidents ainsi que ceux liés à un handicap (art. 33, al. 1, let. h et hbis, LIFD) Cotisations aux partis politiques (art. 33, al. 1, let. i, LIFD) Frais de formation et de formation continue à des fins professionnelles (art. 33, al. 1, let. j, LIFD)

Débiteur La personne assurée La personne assurée Preneur d'assurance ou selon les rapports de propriété en cas d'intérêts d'épargne La personne concernée par les frais qu'elle subit Cotisation de membre: la personne membre du parti Versement: la personne qui paie le montant La personne concernée par les frais qu'elle subit

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Éléments imposables

Attribution dans le cadre de l'imposition individuelle

Déduction pour les assurances des enfants Selon la déduction pour enfants (voir art. 35, (art. 33, al. 1bis, let. b, LIFD) al. 1, let. a et b, P-LIFD).

Déduction pour les frais de garde des enfants ­ Parent détenant l'autorité parentale sur un par des tiers enfant vivant dans le même ménage: déduc(art. 33, al. 3, LIFD) tion complète ­ Si les deux parents vivent dans le même ménage que l'enfant et partagent l'autorité parentale: répartition par moitié ­ Si les parents vivent séparément, qu'ils détiennent conjointement l'autorité parentale et assurent la garde alternée: en principe répartition par moitié Mise dans les jeux d'argent La personne à laquelle est attribué le gain peut (art. 33, al. 4, LIFD) faire valoir la mise.

Dons La personne qui verse le don peut faire valoir la (art. 33a LIFD) déduction.

Déduction pour enfants ­ Répartition par moitié si l'enfant est soumis (art. 35, al. 1, let. a, LIFD, ou art. 35, al. 1, à l'autorité parentale commune et dans la let. a et b, P-LIFD) mesure où aucune déduction de contribution d'entretien fiscalement appréciable n'est demandée; sinon, le parent qui reçoit les contributions d'entretien ou qui assume seul l'autorité parentale peut faire valoir son droit aux déductions pour enfants.

­ S'agissant d'enfants majeurs en formation, l'attribution se fait également par moitié si les deux parents contribuent à l'entretien de l'enfant.

Déduction pour personne à charge La personne qui fournit des prestations peut re(art. 35, al. 1, let. b, LIFD ou art. 35, al. 1, vendiquer la déduction à condition que son aide let. c, P-LIFD) atteigne au moins le montant de celle-ci.

Déduction sur le montant de l'impôt pour La déduction peut être demandée par: les parents ­ les contribuables qui font ménage commun (art. 36, al. 2bis, LIFD ou art. 36, al. 2, avec des enfants mineurs ou des enfants maP-LIFD) jeurs en formation et qui peuvent faire valoir une déduction pour enfants; la répartition de la déduction est fonction de celle de la déduction pour enfants; ­ les contribuables qui font ménage commun avec des personnes nécessiteuses pour lesquelles ils reçoivent une déduction pour personne à charge.

6.2.1.2

Actes juridiques entre partenaires

L'évaluation fiscale des actes juridiques entre partenaires pourra se fonder sur la pratique existante pour l'application du droit en vigueur concernant les couples de concubins. Toutefois, à ce stade, l'AFC n'a que rarement été confrontée à de tels cas dans le cadre de son activité de surveillance.

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En vertu de l'art. 168 du code civil (CC), des actes juridiques peuvent aussi être convenus entre époux. Normalement, le droit fiscal se rattache à la forme que prend l'acte juridique en droit civil pour autant que le contenu de cet acte soit effectivement vécu (art. 18 du code des obligations réserve de la simulation).

Les conséquences fiscales de la forme prise en droit civil par les actes juridiques sont valables sous réserve qu'on ne soit pas en présence d'un cas d'évasion fiscale.

Divers aspects choisis concernant les actes juridiques entre partenaires sont présentés ci-après. Les actes juridiques dans le domaine privé sont distingués des actes juridiques dans le domaine commercial.

Dans le domaine privé, il est possible de passer des contrats sans restriction. Si le contrat prévoit une contre-prestation, celle-ci ne doit pas être supérieure à une contreprestation conforme au marché. Lorsque cette condition n'est pas remplie, l'autorité de taxation apporte les corrections qui s'imposent: la contre-prestation est réduite de manière à être conforme au marché et la partie excédentaire est assimilée à une donation. On procède ainsi notamment pour les prêts et les contrats de travail ou de location.

La garde des enfants par des tiers représente un cas particulier. Quiconque confie la garde de ses enfants à une personne qui est elle-même tenue de contribuer à leur entretien en vertu du droit civil ne peut pas faire valoir des frais de garde des enfants par des tiers au sens de l'art. 33, al. 3, LIFD.

Si la contre-prestation provient de la fortune commerciale, les conséquences fiscales sont analogues. À cet égard, l'autorité fiscale se réfère à l'art. 18, al. 3, en relation avec l'art. 58 LIFD.

Concernant l'évaluation fiscale de faits relatifs à la cession d'immeubles, il sera particulièrement important de savoir (comme à l'heure actuelle déjà) si ceux-ci se trouvent en propriété exclusive, en copropriété ou en propriété commune, et s'ils appartiennent à la fortune privée ou commerciale.

Les partenaires peuvent céder contractuellement à l'autre personne, à titre onéreux ou gratuit, sous forme de contrat de bail ou de prêt, d'un usufruit ou d'un droit d'habitation, des immeubles entiers ou des parties de ceux-ci qui font partie de leur fortune privée.

La future pratique concernant les époux
s'alignera sur la pratique actuelle.

En cas de cession gratuite (usufruit et droit d'habitation en particulier), il faut en général supposer qu'il ne s'agit pas d'une utilisation propre et imposer la valeur locative à la personne autorisée à utiliser l'objet. Si l'immeuble est cédé gratuitement sans que son grèvement ne soit inscrit au registre foncier sous forme de droit d'habitation ou de jouissance, on considère qu'il s'agit d'une utilisation propre et la valeur locative doit être imposée au propriétaire. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette règle s'applique aussi aux loyers préférentiels. Si un loyer usuel sur le marché est versé, cette contre-prestation doit être imposée.

Si une personne privée cède un immeuble, dans son intégralité ou en partie, contre un loyer ou un fermage adéquat à son ou à sa partenaire qui exerce une activité lucrative indépendante, l'immeuble reste dans la fortune privée. En conséquence, ces loyers ou 29 / 108

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fermages doivent être imposés et sont déductibles pour l'entreprise individuelle ou de personnes à titre de charges justifiées par l'usage commercial. En revanche, l'immeuble qui est cédé gratuitement ou pour un loyer ou un fermage trop élevé ou trop bas passe dans la fortune commerciale dans la mesure où le partenaire occupe alors une position de copropriétaire de fait. Dans tous les autres cas, il faut supposer une cession gratuite à des fins d'usage et l'immeuble reste dans la fortune privée. Le propriétaire reste alors soumis à l'imposition de la valeur locative. Quant à l'entreprise individuelle ou de personnes, elle ne peut pas faire valoir une charge justifiée par l'usage commercial si la cession est gratuite.

6.2.1.3

Neutralité de l'état civil

L'imposition sera indépendante de l'état civil. On trouve des réglementations spéciales concernant les couples mariés notamment dans certaines dispositions relatives aux régimes matrimoniaux (succession fiscale visée à l'art. 12, al. 2, LIFD; dévolution visée à l'art. 24, let. a, LIFD).

Grâce à l'imposition indépendante de l'état civil, il sera possible d'éliminer la charge supérieure ou inférieure des couples mariés par rapport aux couples non mariés, y compris la «pénalisation du mariage». La neutralité de l'état civil pourra être assurée notamment en renonçant à instaurer une déduction pour écart de revenu en faveur des couples mariés sans revenu secondaire ou dont le revenu secondaire est faible.

6.2.2

Imposition des personnes avec enfants

6.2.2.1

Prise en compte des frais liés aux enfants

L'actuelle déduction pour enfants de 6700 francs applicable à l'impôt fédéral direct sera augmentée. Cette augmentation sera encore plus importante que ne le proposait le projet mis en consultation (12 000 au lieu de 9000 francs). Par contre, il n'est pas prévu de relever les autres déductions liées aux enfants intervenant dans l'impôt fédéral direct, à savoir la déduction pour les assurances des enfants, à concurrence de 700 francs au maximum par enfant (art. 33, al. 1bis, let. b, P-LIFD), la déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers, d'au maximum 25 500 francs par enfant (art. 33, al. 3, P-LIFD) et la déduction sur le montant de l'impôt, de 259 francs par enfant (art. 36, al. 2, P-LIFD).

La forte augmentation de la déduction pour enfants, de 6700 à 12 000 francs, compensera la charge supplémentaire que le changement de système entraînera pour les familles monoparentales et les couples mariés avec enfants mais sans double revenu ou dont le revenu secondaire est faible. Le passage à l'imposition individuelle réduit notamment l'allégement qu'offrent les déductions pour enfants aux couples mariés à un revenu ou dont le revenu secondaire est très faible. Dans le cadre de l'imposition individuelle, la personne dont le revenu est inférieur aura, dans nombre de cas, un taux d'imposition marginal plus bas, ce qui entraînera aussi une réduction de l'effet d'allégement lié à la déduction pour enfants. Le relèvement de la déduction pour enfants contrecarrera cet effet. L'efficacité de cette mesure dépendra cependant des conditions 30 / 108

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individuelles. S'agissant des couples mariés sans revenu secondaire ou dont le revenu secondaire est faible, l'augmentation de la déduction pour enfants peut totalement ou partiellement manquer sa cible, en particulier pour le deuxième revenu, en raison de la répartition par moitié de la déduction. Il faudra néanmoins s'en accommoder afin de simplifier autant que possible la taxation, ce qui suppose des solutions schématiques. Un report sur l'autre partenaire des déductions inopérantes créerait une interdépendance entre les deux dossiers fiscaux, ce qui accroîtrait sensiblement les coûts administratifs (voir ch. 6.2.10.1).

Le montant et la répartition des déductions liées aux enfants admises sur le plan cantonal relèveront de l'autonomie des cantons. Ces derniers conserveront donc la possibilité de déterminer comment et dans quelle mesure ils entendent tenir compte fiscalement des coûts liés aux enfants.

6.2.2.2

Imposition des enfants mineurs

Les enfants mineurs continueront d'être imposés avec leurs parents, à l'exception du revenu de l'activité lucrative, qui devra être déclaré séparément comme aujourd'hui par les enfants.

Par contre, les autres revenus et les valeurs patrimoniales des enfants devront être déclarés par leurs parents. La répartition entre les parents dépendra de l'exercice de l'autorité parentale. À l'instar de l'imposition actuelle des enfants dont les parents ne sont pas imposés en commun19, l'attribution sera toujours à raison de moitié en cas d'autorité parentale commune, que les parents soient mariés ou non. Pour les couples à revenu unique, la moitié des revenus des enfants pourra donc rester sans effet, c'està-dire échapper à l'imposition. Si l'autorité parentale n'est exercée que par l'un des parents, celui-ci sera seul à devoir déclarer les revenus et valeurs patrimoniales.

En outre, les enfants seront comme aujourd'hui solidairement responsables du versement de la part qui leur échoit dans l'impôt total de chaque parent jusqu'à concurrence du montant de cette part.

6.2.2.3

Répartition des déductions pour enfants entre leurs parents

Enfants mineurs S'agissant de l'impôt fédéral direct, pour les couples mariés ou non qui exercent conjointement l'autorité parentale, les déductions concernant les enfants seront en principe attribuées par moitié. La répartition par moitié des déductions visées aux art. 33, al. 1bis, let. b, 35, al. 1, let. a, et 36, al. 2, let. a, P-LIFD pour les enfants mineurs suppose qu'aucune prestation d'entretien ne soit demandée. Quiconque reçoit des prestations pour enfants doit déclarer les sommes en question et assumer l'entretien des 19

Voir la circulaire no 30 de l'AFC, www.estv.admin.ch > Impôt fédéral direct > Circulaires > Imposition des époux et de la famille.

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enfants concernés. Il est donc logique que cette personne puisse faire valoir l'intégralité des déductions liées aux enfants.

Concrètement, les choses se passeront comme suit: ­

La déduction pour enfants dans le cadre de l'impôt fédéral direct, qui sera désormais de 12 000 francs, sera répartie par moitié entre les parents. En ce qui concerne les couples sans revenu secondaire ou dont le revenu secondaire est faible, cette solution a pour effet que la moitié de la déduction pour enfants ou une partie de celle-ci sera inopérante. Afin de simplifier autant que possible la taxation, ce qui suppose des solutions schématiques, il faudra s'accommoder de cette situation (voir ch. 6.3.4).

­

La déduction de 700 francs pour les assurances des enfants sera également répartie par moitié. Comme sous le régime en vigueur, le droit à cette déduction sera lié à l'attribution de la déduction pour enfants. En ce qui concerne l'impôt fédéral direct, cette règle sera inscrite dans la loi. Dans ce cas aussi, il faudra s'accommoder de ce que la déduction pour les assurances des enfants puisse se révéler inopérante.

­

La déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers sera répartie à raison de moitié, à l'instar de ce que prévoit la réglementation en vigueur pour les couples non mariés qui exercent l'autorité parentale en commun: dans le cadre de l'impôt fédéral direct, chaque parent pourra déduire au maximum 12 750 francs des frais attestés de garde des enfants par des tiers. Comme c'est le cas actuellement, la LHID ne comportera aucune disposition explicite concernant la répartition afin de laisser aux cantons une certaine marge de manoeuvre à cet égard. Il en résulte une certaine disharmonie, comme dans la situation actuelle. La déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers entraînera une charge de coordination entre les dossiers des parents pour l'autorité fiscale, car elle n'est accordée que si les parents exercent simultanément une activité lucrative. Des travaux de coordination seront également nécessaires lorsque les frais de garde des enfants par des tiers peuvent être répartis par moitié.

­

La déduction de 259 francs du montant de l'impôt, prévue pour les contribuables avec enfants (art. 36, al. 2bis, LIFD), est actuellement couplée dans la LIFD avec le barème applicable aux personnes mariées (barème pour les personnes mariées + déduction sur le montant de l'impôt = barème parental). En dissociant cette déduction du barème, il sera possible de la répartir entre les parents par analogie avec la déduction pour enfants. En l'occurrence également, il faudra s'accommoder du fait que la déduction sur le montant de l'impôt puisse être partiellement inopérante pour les couples sans revenu secondaire ou dont le revenu secondaire est faible.

Lorsqu'un seul des parents (mariés ou non) détient l'autorité parentale, l'attribution des déductions relatives aux enfants dans le cadre de l'impôt fédéral direct restera en principe régie par les dispositions prévues par la circulaire no 30 de l'AFC: le parent qui détient l'autorité parentale peut faire valoir la déduction pour enfants ainsi que la déduction pour les primes d'assurance et les intérêts des capitaux d'épargne en faveur de l'enfant. Cette personne a également droit à la déduction des frais de garde des 32 / 108

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enfants par des tiers à concurrence du montant maximum, pour autant qu'elle remplisse les conditions de cette déduction. Les modalités prévues pour les diverses configurations familiales figurent dans la circulaire mentionnée.

L'imposition en vigueur des contributions d'entretien s'applique tant au niveau fédéral qu'au niveau cantonal. Il ne faut en principe rien changer à cela. Pour les parents d'enfants mineurs, les points suivants resteront donc valables: les contributions d'entretien qu'un parent reçoit pour les enfants sur lesquels il détient l'autorité parentale seront imposées pleinement par la personne qui les reçoit, tandis que le parent qui les verse pourra les déduire entièrement de son revenu imposable. La déductibilité des contributions d'entretien destinées aux enfants mineurs ne vaut cependant que pour les contributions d'entretien dues en vertu du droit de la famille et non pour les contributions fournies volontairement.

Dans le nouveau droit, cependant, les contributions d'entretien pour enfants ne seront plus déductibles que si, lorsque l'autorité parentale est exercée conjointement, l'autre parent ne vit pas dans le même ménage. Les contributions d'entretien ne seront donc plus imposées également que dans ce cas auprès du parent qui les reçoit. S'agissant de partenaires non mariés qui partagent l'autorité parentale et vivent dans le même ménage, la personne qui fournit les prestations d'entretien pour un enfant mineur ne pourra plus les déduire, et ces prestations ne seront plus imposées auprès de la personne qui les reçoit. Dans ce cas de figure, la déduction pour enfants sera répartie par moitié. Les couples non mariés et les couples mariés seront ainsi soumis aux mêmes règles, puisque ces derniers ne pourront pas non plus déduire les contributions d'entretien versées pour les enfants mineurs. Cette mesure concorde avec le principe selon lequel les prestations d'entretien en faveur de membres de la famille constituent fiscalement une utilisation du revenu, raison pour laquelle elles ne sont fondamentalement pas déductibles. La déduction des prestations d'entretien versées pour les enfants mineurs aux parents divorcés ou séparés constitue l'exception.

Enfants majeurs Dans la pratique actuelle, les parents non mariés sont soumis à la réglementation selon laquelle le parent
qui fournit les prestations financières les plus élevées peut revendiquer la déduction pour enfants, tandis que l'autre peut faire valoir son droit à la déduction pour personne à charge, pour autant que ses prestations atteignent au moins le montant de cette déduction. Cette réglementation, prévue pour tous les parents dans le projet mis en consultation, a été supprimée compte tenu des résultats de la consultation.

Si les deux parents fournissent des contributions d'entretien, la déduction pour enfants sera divisée par moitié pour les enfants majeurs en formation également. Sinon, le parent qui paie les frais d'entretien de l'enfant pourra faire valoir l'intégralité de la déduction. Cette réglementation implique une interdépendance matérielle des dossiers des parents.

À l'instar de ce qui prévaut aujourd'hui, une circulaire devra préciser les conditions à remplir pour que la contribution du ou des parents à l'entretien de l'enfant soit reconnue.

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Pour les enfants majeurs en formation aussi, la déduction pour les assurances et la déduction sur le montant de l'impôt devront être attribuées aux parents de manière analogue à la déduction pour enfants.

Faut-il adapter l'obligation faite aux autorités fiscales de garder le secret quant aux renseignements issus des dossiers fiscaux (art. 110 LIFD et 39, al. 1, LHID), eu égard aux interactions potentielles entre les dossiers des parents? Le droit de consulter les dossiers n'autorise pas en soi explicitement les autorités fiscales à transmettre spontanément à l'un des parents des informations tirées du dossier fiscal de l'autre parent.

Mais le droit en vigueur offre à cet égard une marge de manoeuvre suffisante, dans certaines configurations, pour coordonner le traitement des dossiers de parents non mariés qui présentent des connexités. Qualitativement, le passage à l'imposition individuelle ne changera rien à cette situation. Il n'est donc pas nécessaire de compléter le texte de la loi sur ce point.

6.2.3

Modification du barème

Le barème applicable actuellement aux personnes non mariées (état au 1er janvier 2024) servira de référence pour le barème à utiliser lors de l'imposition individuelle dans le cadre de l'impôt fédéral direct. Sur cette base, le projet de réforme prévoit une modification du barème en vigueur pour deux raisons. Premièrement, appliquer le barème sans changement (en combinaison avec les autres facteurs de la réforme) entraînerait une concentration des effets d'allégement pour les revenus les plus élevés. En effet, le passage à l'imposition individuelle induit, pour des raisons inhérentes au système, un affaiblissement des effets de la progressivité de l'impôt fédéral direct, car l'imposition individuelle allège notamment la charge des couples à deux revenus dont le revenu global est élevé.

Deuxièmement, l'allégement fiscal devrait entraîner au total une diminution des recettes fiscales de 1 milliard de francs pour l'impôt fédéral direct. En conséquence, la part des contribuables qui verront leur charge de l'impôt fédéral direct baisser du fait de la réforme sera nettement plus grande que celle des contribuables dont la charge fiscale augmentera. La modification proposée du barème permettra d'atteindre cet objectif.

L'adaptation du barème de base en vigueur se déroulera en deux étapes.

Durant la première étape, les taux d'imposition seront abaissés pour les bas et moyens revenus, et légèrement relevés pour les hauts et très hauts revenus. Concrètement, les modifications suivantes sont prévues: ­

Augmentation de 15 000 à 20 000 francs du montant exonéré de base prévu par le barème.

­

Abaissement de 783 300 actuellement à 751 100 francs du montant auquel le taux d'imposition légal maximum de 11,5 % prévu par la Constitution est atteint (art. 128, al. 1, let. a, Cst.).

­

Diminution des taux d'imposition marginaux pour les bas revenus et augmentation correspondante des taux d'imposition marginaux pour les revenus su-

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périeurs de manière que le taux maximum de 11,5 % s'applique à partir d'un revenu imposable de 751 100 francs, comme mentionné ci-dessus.

Les adaptations réalisées durant la première étape accroîtront la progressivité du barème et compenseront de ce fait l'affaiblissement de ses effets dû au changement de système. Elles permettent de répartir plus régulièrement les effets d'allégement de la réforme sur toutes les classes de revenus.

La deuxième étape consistera à étendre (abaisser) le barème de manière que la réforme débouche sur une diminution des recettes estimée à 1 milliard de francs pour l'année fiscale 2024. La démarche est analogue à celle poursuivie pour compenser les conséquences de la progression à froid: tous les échelons du barème seront relevés d'un facteur déterminé. La seule différence par rapport à la compensation des effets de la progression à froid est que le montant exonéré de base ne sera pas concerné par l'extension du barème. Selon le projet, il sera possible d'atteindre la diminution voulue des recettes de 1 milliard de francs en appliquant un facteur d'extension d'environ 1,07. Par exemple: dans le barème actuel, le troisième échelon commence à partir d'un revenu imposable de 42 900 francs. En étendant le barème par un facteur de 1,07 environ, le troisième échelon commence à environ 46 000 francs (1,07×42 900). Cette extension du barème revient à l'abaisser, puisque l'échelon tarifaire supérieur commence à un revenu imposable plus élevé.

La figure 1 présente le barème de base en vigueur et le nouveau barème selon le scénario de la réforme. Le graphique du haut présente sur l'abscisse les revenus imposables compris entre 0 et 800 000 francs (au-delà de ce montant, le taux d'imposition ne change plus). Pour que le changement survenant au niveau des bas et moyens revenus apparaisse plus clairement, le graphique du bas montre les revenus imposables entre 0 et 250 000 francs.

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Figure 1

Barème fiscal selon le statu quo (barème de base pour les personnes non mariées) et selon le scénario de la réforme (imposition individuelle). Dans le graphique du haut (bas), l'abscisse représente les revenus imposables de 0 à 800 000 francs (de 0 à 250 000 francs).

Dans le graphique inférieur, le relèvement du montant exonéré de base apparaît plus nettement grâce au changement d'échelle: concrètement, les contribuables commencent à payer l'impôt à partir d'un revenu imposable plus élevé dans le scénario de la 36 / 108

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réforme que dans le statu quo. L'abaissement du montant à partir duquel le taux d'imposition maximum prévu (11,5 %) est atteint figure sur le graphique supérieur. Ce même graphique montre également que, pour les revenus très élevés, les taux d'imposition dans le statu quo et le scénario de la réforme sont très proches. Ainsi, le relèvement des taux d'imposition prévus par le barème, exprimé en points de pourcentage, est faible dans cette plage de revenus alors que leur abaissement est plus marqué dans les plages de revenus inférieures.

6.2.4

Procédure

6.2.4.1

Généralités

Si l'imposition individuelle est pleinement mise en oeuvre, chaque personne exercera pour elle-même les droits de procédure qui lui reviennent et se conformera aux obligations de procédure qui lui incombent. Il est donc correct que les autorités fiscales adressent leurs communications aux contribuables individuellement. Chaque personne devra déclarer ses éléments imposables dans sa propre déclaration.

Il serait certes envisageable que les époux continuent de remplir une déclaration fiscale commune après le passage à l'imposition individuelle. Ceci réduirait la charge administrative des autorités fiscales cantonales tout en facilitant la coordination des dossiers dans la procédure de taxation.

Néanmoins, dans l'esprit du concept fondamental de l'imposition individuelle, il faut tabler sur deux déclarations fiscales séparées pour les couples mariés. La compétence financière et l'autonomie de chacune des personnes s'en trouveront renforcées. C'est pourquoi les droits et les obligations de procédure seront exercés et assumés de manière autonome par chacun des époux, qui seront ainsi individuellement responsables de la déclaration correcte et du versement de l'impôt. En conséquence, les procédures de réclamation et de recours engagées par un conjoint n'auront pas d'influence sur la validité juridique de l'imposition de l'autre. Des problèmes de procédure importants surgiraient concernant l'établissement des faits, le droit d'être entendu ou le secret fiscal si les éléments imposables de l'autre époux pouvaient être mis en question dans le cadre d'une procédure d'estimation ou de recours.

6.2.4.2

Droit de consulter les pièces

L'actuel droit de consultation réciproque des époux prévoit que l'un et l'autre peuvent prendre connaissance de tous les dossiers fiscaux de la communauté conjugale (art. 114, al. 1, LIFD). Cette disposition correspond à la réglementation de droit privé visée à l'art. 170 CC en relation avec l'art. 159 CC: pour que les époux puissent préserver la prospérité de la communauté d'un commun accord, ils doivent l'un et l'autre être informés quant à l'essentiel de leur situation financière respective. Chacun peut demander à son conjoint qu'il le renseigne sur ses revenus, ses biens et ses dettes. Le juge peut astreindre l'époux du requérant ou des tiers à fournir les renseignements utiles et à produire les pièces nécessaires.

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Selon la doctrine dominante, l'art. 170 CC constitue dans la législation fédérale une base suffisante pour lever le secret fiscal à la demande des tribunaux civils20.

Selon le droit en vigueur, à partir du moment de la séparation, un époux ne peut plus consulter les dossiers fiscaux de l'autre, puisque les deux sont imposés séparément et qu'il ne s'agit donc plus de dossiers fiscaux communs au sens de l'art. 9 LIFD en relation avec l'art. 114, al. 1, LIFD21. Il en découle que les dossiers qui se rapportent à l'époque de la taxation commune peuvent encore être consultés.

Étant donné que les époux seront imposés séparément dans l'imposition individuelle, le droit réciproque de consulter les dossiers pour les personnes mariées non séparées devrait en principe disparaître.

6.2.4.3

Révision

Selon le droit en vigueur, une décision de taxation ou un prononcé entré en force peut être révisé, en particulier lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts après l'entrée en force (art. 147, al. 1, let. a, LIFD; art. 51, al. 1, let. a, LHID). Un fait important est réputé nouveau lorsqu'il est découvert a posteriori, c'està-dire seulement après l'entrée en force de la décision de taxation ou du prononcé, mais qu'il n'est pas survenu après cette entrée en force. Mais la révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 147, al. 2, LIFD; art. 51, al. 2, LHID).

Chaque époux peut demander à son conjoint qu'il le renseigne sur ses revenus, ses biens et ses dettes (art. 170, al. 1, CC). De ce fait, chaque époux devrait en principe connaître la situation financière et fiscale de l'autre, c'est-à-dire que chacun devrait être en mesure, dès le moment où il remplit sa déclaration d'impôt, de clarifier les faits fiscalement pertinents de manière à évaluer s'il a ou non droit à une certaine déduction (par ex. déduction liée aux enfants dans certaines situations).

En vertu du droit civil, les époux sont tenus d'obtenir auprès de leur conjoint les informations nécessaires à une déclaration complète et correcte. S'ils ne le font pas ou qu'ils ne le font pas de manière conforme au droit, ils doivent en assumer les conséquences et, donc, les inconvénients.

Les conditions justifiant une demande de révision au sens de l'art. 147 LIFD ou 51 LHID ne seraient donc pas réunies si les éléments imposables de l'autre époux n'étaient pas suffisamment connus.

20

21

Locher, P., (2019), Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 1e partie, 2e éd., art. 110 DBG, n. 50, assorti de remarques: «par son arrêt du 12.5.2009, le Tribunal de district de Sion a décidé que l'art. 170, al. 2, CC constitue une base légale fédérale suffisante pour permettre à l'autorité administrative de communiquer les pièces et dossiers requis, raison pour laquelle les autorités fiscales sont tenues d'informer le juge civil si le différend entre époux porte sur des questions de fortune» (Revue valaisanne de jurisprudence, 2009, 256, 258 ss).

Voir la circulaire no 30 de l'AFC, www.estv.admin.ch > Impôt fédéral direct > Circulaires > Imposition des époux et de la famille, ch. 15.6.

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Comme les deux dossiers seront fondamentalement indépendants l'un de l'autre après la réforme, il ne devrait pas être nécessaire pour l'autorité de taxation de consulter systématiquement la déclaration fiscale de l'autre époux durant la procédure d'estimation. Cependant, les autorités fiscales consultent d'ores et déjà des dossiers fiscaux aux fins de comparaisons croisées (par ex. comparaison des prestations d'entretien et des déductions pour enfants, répartition de la déduction pour enfants, etc.). Cette pratique restera possible avec l'imposition individuelle.

6.2.4.4

Procédure en rappel d'impôt

Comme les taxations respectives des partenaires mariés ne dépendront fondamentalement pas l'une de l'autre, les époux devraient être traités comme les autres personnes également dans les procédures en rappel d'impôt. En conséquence, il ne devrait être possible d'engager une procédure en rappel d'impôt que si les conditions générales visées à l'art. 151 LIFD ou 53 LHID sont remplies. Il pourra être nécessaire de mettre en relation les deux dossiers des parents afin de répartir la déduction pour enfants majeurs en formation et la déduction des frais de garde des enfants par des tiers (voir ch. 6.3.4). Dans de tels cas, s'il ressort après coup, sur la base de la déclaration d'impôt ou de la taxation de l'autre parent, qu'une imposition entrée en force est incomplète, un fait nouveau au sens de l'art. 151 LIFD ou 53 LHID justifiera le rappel d'impôt.

Une disposition spéciale pour les parents n'est pas nécessaire.

6.2.5

Responsabilité

Les époux ne répondront que de leur propre impôt. Une responsabilité solidaire n'est pas nécessaire étant donné que les deux époux ne déclareront que leurs propres revenus et valeurs patrimoniales, leur part dans la fortune commune et les revenus qui en proviennent.

Chaque époux déclarera la moitié des revenus des enfants et portera la responsabilité correspondante. En revanche, les enfants soumis à l'autorité parentale resteront solidairement responsables avec leurs parents jusqu'à concurrence de leur part de l'impôt total (art. 13, al. 1, LIFD).

6.2.6

Droit pénal en matière fiscale

Une personne n'est amendable que pour la soustraction de ses propres éléments imposables. Comme tout autre contribuable, un époux est punissable pour avoir participé à la soustraction fiscale d'une autre personne. Aucune adaptation du droit actuel n'est nécessaire.

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6.2.7

Imposition d'après la dépense

L'imposition d'après la dépense (art. 14 LIFD et 6 LHID) est un calcul particulier de l'impôt applicable aux citoyens étrangers qui sont assujettis en Suisse à titre illimité pour la première fois ou après une absence d'au moins dix ans et qui n'y exercent aucune activité lucrative. Dans le droit en vigueur, les époux doivent remplir l'un et l'autre toutes les conditions permettant l'imposition d'après la dépense. Si tel n'est pas le cas, les deux époux sont soumis au régime ordinaire de détermination du revenu.

Après le passage à l'imposition individuelle, l'imposition d'après la dépense devra également reposer sur une approche individuelle et non plus sur les caractéristiques du partenaire. Dans certaines situations, l'époux qui n'a pas la nationalité suisse pourra ainsi être imposé d'après la dépense tandis que l'époux de nationalité suisse sera soumis à l'imposition ordinaire.

L'imposition d'après la dépense se calcule selon les frais annuels qui, engendrés par le train de vie du contribuable et des personnes dont il a la charge, surviennent en Suisse et à l'étranger durant la période de taxation.

Dans le cadre de l'imposition individuelle, chaque époux sera considéré indépendamment. Pour les contribuables tenant leur propre ménage, la valeur minimale de la dépense mondiale est de sept fois le montant du loyer annuel ou de la valeur locative annuelle de leur propre maison ou du logement qu'ils occupent dans un immeuble leur appartenant; pour les autres contribuables, elle est de trois fois le prix de la pension comprenant le logement et la nourriture. Une base de calcul minimale absolue de 421 700 francs s'applique. En cas d'imposition individuelle, cette base de calcul minimale absolue s'appliquera à chaque personne, tandis que ce montant vaut actuellement conjointement pour les deux époux. Globalement, il pourra en résulter, selon les circonstances, une charge fiscale supérieure à celle d'aujourd'hui pour les couples mariés.

Si le couple a des enfants en commun, l'attribution des frais de maintien du train de vie des enfants devra se faire selon les mêmes modalités que l'attribution de la déduction pour enfants. En d'autres termes: dans les cas où la personne contribuable ne pourrait faire valoir qu'une demi-déduction pour enfants dans le cadre de la taxation ordinaire, elle ne se verra
attribuer que la moitié des frais liés au train de vie de l'enfant. Cette restriction permettra d'éviter que les deux parents se voient attribuer l'intégralité des frais d'entretien des enfants.

Si la personne soumise à l'imposition d'après la dépense soutient d'autres personnes, la prestation d'entretien est prise en compte à titre de charges dans le cadre des frais liés au maintien de son train de vie.

Le nombre de personnes imposées d'après la dépense évoluera en fonction de deux effets opposés.

D'une part, l'imposition individuelle accroîtra le nombre de personnes qui rempliront les conditions d'imposition d'après la demande lors de leur arrivée en Suisse. Actuellement, un couple marié ne peut faire valoir le droit à l'imposition d'après la dépense que si les deux époux remplissent toutes les conditions. Si l'un des époux remplit les conditions mais pas l'autre (qui serait par ex. de nationalité suisse), le couple marié est aujourd'hui imposé selon la procédure ordinaire. Après le passage à l'imposition 40 / 108

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individuelle, une personne mariée pourra faire valoir son droit à l'imposition d'après la dépense indépendamment de la situation de son conjoint pour autant qu'elle remplisse les conditions.

D'autre part, l'attrait de l'imposition d'après la dépense pour les couples mariés sera réduit, puisque la base de calcul minimale de 421 700 francs s'appliquera individuellement à chacun des époux. Pour le couple marié considéré globalement, la base de calcul minimale sera de ce fait multipliée par deux. Après la réforme, il est ainsi probable que certaines personnes mariées actuellement imposées d'après la dépense renoncent à ce type d'imposition. En outre, un plus petit nombre de personnes mariées devraient faire valoir leur droit à l'imposition d'après la dépense.

6.2.8

Impôt à la source

L'impôt à la source auquel sont soumis certains employés constitue une forme particulière (de perception) de l'impôt au niveau de la Confédération, des cantons et des communes. Il est déduit de la prestation imposable par les débiteurs (par ex. employeurs, assurances). Les dispositions relatives à l'impôt à la source s'alignent pour l'essentiel sur celles régissant la procédure de taxation ordinaire, certains forfaits étant utilisés pour calculer les barèmes de l'imposition à la source.

Sur le fond, les dispositions en vigueur pour l'imposition à la source opèrent une distinction entre quatre groupes de personnes (voir art. 1, al. 1, de l'ordonnance du 11 avril 2018 sur l'imposition à la source [OIS]22): ­

personnes seules sans enfant (barème A),

­

couples mariés à revenu unique, avec ou sans enfants (barème B),

­

couples mariés à deux revenus, avec ou sans enfants (barème C),

­

personnes seules faisant ménage commun avec des enfants (barème H).

Dans le cadre de l'imposition individuelle, l'impôt à la source devra continuer d'être perçu sur la base de règles empiriques et fondées sur la pratique. Il s'agira surtout d'éviter que la déduction de cet impôt n'oblige les employeurs à effectuer davantage de vérifications des faits qu'aujourd'hui.

Selon le droit en vigueur, une personne domiciliée en Suisse qui devrait être imposée à la source ne l'est pas dans la mesure où elle fait ménage commun avec son époux de nationalité suisse ou au bénéfice d'un permis d'établissement. Les deux époux sont alors imposés en commun selon la procédure ordinaire (art. 83, al. 2, LIFD). Dans le cadre de l'imposition individuelle, une personne mariée sera également imposée selon la procédure ordinaire dès lors que son conjoint détiendra la nationalité suisse ou un permis d'établissement. Les personnes seront toutefois taxées individuellement.

Il faudra modifier aussi les barèmes de l'impôt à la source compte tenu du relèvement prévu de la déduction pour enfants, des déductions à supprimer dans certains cas

22

RS 642.118.2

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(déduction pour personnes mariées, déduction pour double revenu) et de l'adaptation du barème.

Le barème applicable dépend de la situation personnelle de la personne imposée à la source au moment du paiement, du virement, de l'inscription au crédit ou de l'échéance de la prestation imposable (voir art. 2, al. 1, OIS). Cependant, contrairement à ce qui prévaut dans l'imposition ordinaire, il n'est pas possible de prendre en compte individuellement le montant des déductions. Dans le cadre de l'imposition à la source, les déductions sont intégrées dans les barèmes sous la forme de forfaits.

Dans le cadre de l'imposition individuelle, il faudra en outre supprimer toutes les dispositions relatives à l'impôt à la source qui se réfèrent à l'époux, notamment celles concernant la taxation ordinaire ultérieure (TOU) et celles qui intègrent les revenus de l'autre époux.

Dans l'ensemble, l'impôt à la source devrait être un peu plus simple à appliquer avec l'imposition individuelle que dans le droit en vigueur (voir ch. 6.2.10).

6.2.9

Conséquences de l'imposition individuelle sur d'autres domaines juridiques

6.2.9.1

Généralités

L'état civil influence actuellement, entre autres, les prestations des assurances sociales, en particulier celles de l'AVS et de l'AI, de la prévoyance professionnelle, de l'assurance-accidents et de l'assurance militaire, ainsi que les prestations de transfert (par ex. réduction des primes d'assurance-maladie, bourses) et l'impôt ecclésiastique.

Ces domaines juridiques tiennent compte du mariage en tant que communauté économique. En cas d'introduction de l'imposition individuelle, le système fiscal présenterait donc une différence «systémique» par rapport à d'autres domaines du droit. Cependant, on tient déjà compte des couples non mariés dans certains domaines juridiques liés aux assurances sociales. Par exemple, en cas de décès, de nombreuses caisses de pension versent une rente ou un capital unique au partenaire survivant lorsque certaines conditions sont remplies (par ex. une certaine durée du partenariat, présence d'enfants communs, etc.).

Juridiquement, il est possible de convertir le système fiscal à l'imposition individuelle tout en continuant de considérer le couple marié comme une communauté économique dans d'autres domaines du droit. Notons en l'occurrence que le postulat 21.4430 du groupe libéral-radical «Conséquences d'une prévoyance vieillesse indépendante de l'état civil?», qui a été adopté le 18 mars 2022 par le Conseil national, charge le Conseil fédéral de présenter un rapport sur les conséquences qu'entraînerait l'introduction d'une prévoyance vieillesse individuelle, complètement indépendante de l'état civil du bénéficiaire.

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6.2.9.2

Réduction des primes d'assurance-maladie

Les art. 65 à 66a de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)23 prévoient que les cantons accordent une réduction de primes aux assurés de condition économique modeste.

Les cantons disposent d'une grande marge de manoeuvre pour définir les modalités de la réduction des primes24.

De ce fait, les bénéficiaires de la réduction des primes sont fixés au niveau cantonal.

Les critères déterminants sont le revenu, la fortune, l'état civil ou le ménage ainsi que le nombre d'enfants. La réduction des primes est calculée en fonction de l'imposition fiscale. Les systèmes cantonaux de réduction des primes d'assurance-maladie se distinguent fortement les uns des autres.

Pour les couples mariés, ces réductions sont actuellement déterminées en fonction du revenu et de la fortune de la famille. Ces éléments peuvent être repris de la taxation commune. En cas d'introduction de l'imposition individuelle, il faudra savoir sur quelle base calculer la réduction des primes. Devra-t-elle s'appuyer uniquement sur le revenu et la fortune d'une seule personne, indépendamment de l'état civil et de la situation familiale, ou, pour les couples mariés, devra-t-elle continuer de reposer sur le revenu et la fortune de la famille? Dans ce deuxième cas de figure, les autorités compétentes ou le requérant devront disposer des éléments imposables du conjoint. Si l'on ne se référait plus qu'aux revenus et à la fortune d'un individu, il pourrait par exemple arriver qu'une personne dont les revenus et la fortune sont modestes se voie accorder une réduction de primes alors que son conjoint a de hauts revenus ou est fortuné.

Comme les dispositions édictées par les cantons concernant la réduction des primes de l'assurance-maladie constituent fondamentalement des règles cantonales autonomes d'exécution du droit fédéral25, l'introduction de l'imposition individuelle ne requiert pas de modification des dispositions de la LAMal. Toutefois, les cantons devront réexaminer leurs législations en matière de réduction des primes d'assurancemaladie pour clarifier s'il est éventuellement nécessaire d'adapter la base permettant de déterminer si un assuré est de condition économique modeste. Autrement dit, s'agissant du droit à bénéficier de prestations, le droit fédéral laisse aux cantons le soin de décider s'ils veulent ou
non prendre en compte les revenus et la fortune des partenaires (mariés) ou éventuellement ceux des personnes vivant dans le même ménage. Il arrive déjà dans certains cas, pour les couples non mariés, que les cantons 23 24

25

RS 832.10, voir également les ordonnances afférentes, RS 832.112.4 et RS 832.112.5.

Voir à cet égard Frick, Rolf (2020), dans le Commentaire bâlois de la loi sur l'assurancemaladie (LAMal), Blechta, Gabor., Colatrell, Philomena, Rüedi, Hubert, Staffelbach, Daniel (éd.), 1e éd., n. 12 relative à l'art. 65 LAMal (traduction libre en français): «Ils ne peuvent pas seulement déterminer la manière dont ils répartissent le montant total disponible pour la réduction des primes. [...] Ils fixent également le cercle de bénéficiaires, la procédure, le mode de versement et les limites de revenu. Les cantons décident ainsi de manière autonome comment doit être interprétée la notion juridique de «condition économique modeste», qui n'est pas clairement définie. [...] Par conséquent, les systèmes de réductions de prime prévus par les dispositions d'exécution varient fortement d'un canton à l'autre.». Voir à ce sujet ATF 136 I 220.

Voir ATF 134 I 313, consid. 3 avec renvois, p. 315.

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tiennent compte du revenu du partenaire pour évaluer s'il y a lieu d'octroyer une réduction de primes26.

6.2.9.3

Tarifs des crèches

Le montant des subventions pour la garde des enfants par des tiers varie fortement d'une commune à l'autre. Les tarifs des crèches dépendent en grande partie du revenu des parents et de l'ampleur des subventions publiques. Les émoluments se fondent souvent sur la taille de la famille, son revenu annuel déterminant, sa fortune et la durée de la garde.

Le revenu des parents qui font ménage commun avec l'enfant gardé est pris en compte. Si celui-ci ne vit qu'avec l'un de ses parents, on considère alors généralement le revenu et la fortune de ce parent ainsi que ceux du partenaire avec lequel il est marié, a conclu un partenariat enregistré ou vit en partenariat hors mariage. Ainsi, le revenu et la fortune du partenaire non marié sont notamment pris en considération lorsqu'il y a des enfants communs ou lorsque le partenariat hors mariage dure depuis plus de cinq ans.

Pour les couples mariés, le revenu et la fortune de la famille figurent actuellement dans la déclaration d'impôt commune. Si l'imposition individuelle est introduite, la question se posera du mode de calcul des tarifs des crèches.

6.2.10

Mise en oeuvre

6.2.10.1

Charge administrative

La taxation et la perception de l'impôt fédéral direct sont effectuées par les cantons, sous la surveillance de l'AFC (art. 2 LIFD). L'introduction d'une imposition individuelle entraînera une charge administrative supplémentaire pour les administrations fiscales cantonales, notamment si les époux doivent soumettre deux déclarations d'impôt séparées. Dans ce cas de figure, il faut s'attendre à ce que le nombre de déclarations d'impôt à traiter augmente, selon les estimations, d'environ 1,7 million à l'échelle nationale, ce qui correspond à une hausse du volume d'un tiers environ.

Aux fins de simplifier l'exécution autant que possible, il convient de renoncer aux interdépendances tant matérielles que procédurales entre les dossiers des partenaires (mariés). Les besoins de coordination dans le processus de taxation compliqueraient la procédure de masse pour les autorités fiscales.

Ainsi, en règle générale, les traitements des deux déclarations fiscales d'un couple marié ne devront pas être coordonnés. Si le couple a des enfants communs, il en résultera toutefois une dépendance matérielle entre les dossiers en ce qui concerne la déduction liée aux enfants majeurs en formation, puisque la répartition par moitié n'intervient que si les deux parents contribuent à l'entretien de l'enfant majeur. Une 26

Voir par ex. le § 9, al. 2, de la loi relative à la loi fédérale sur l'assurance-maladie (KVGG) du canton d'Argovie (SAR 837.200, en allemand uniquement).

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dépendance matérielle existera également pour ce qui est de la déduction des frais de garde par des tiers, car cette déduction ne sera admise que si les deux parents remplissent certaines conditions, par exemple s'ils exercent simultanément une activité lucrative (voir art. 33, al. 3, P-LIFD).

Dans certains cas de figure, la répartition des éléments imposables des époux (par ex. véhicules, oeuvres d'art) entre deux déclarations d'impôt n'est pas si aisée. Les immeubles ou les comptes en banque ne posent toutefois aucun problème. Après la réforme, les actes juridiques entre époux (par ex. les prêts) deviendront fiscalement pertinents. Cependant, l'imposition individuelle apportera aussi des simplifications.

Ainsi, le décès d'un conjoint n'aura, par exemple, plus d'effet sur l'imposition du conjoint survivant. Actuellement, le revenu imposable de celui-ci subit une conversion en vue de la détermination du taux d'imposition.

L'imposition individuelle donnera vraisemblablement aux personnes mariées certaines possibilités d'optimisation fiscale dont bénéficient d'ores et déjà les couples non mariés. Cependant, dans un ordre juridique libéral, il faut pouvoir accepter le recours à certaines dispositions juridiques (par ex. transfert de valeurs patrimoniales, octroi de prêts, transfert d'usufruit). Les transactions déraisonnables peuvent faire l'objet d'une correction (voir ch. 6.2.1.2). La question est de savoir dans quelle mesure les autorités fiscales seront en mesure de détecter et de traiter de tels cas à un coût acceptable. Toutefois, il ne serait pas pertinent d'adopter d'autres dispositions légales visant à restreindre les possibilités d'optimisation fiscale.

L'imposition individuelle a également des effets sur l'impôt à la source. Il faudra adapter certains barèmes et en supprimer d'autres (par ex. le barème visant les doubles revenus). Ces changements impliqueront, particulièrement dans leur phase d'introduction, un coût supplémentaire pour les administrations fiscales cantonales et les employeurs. Les nouveaux barèmes devront être programmés. Généralement, les administrations fiscales recalculent chaque année les tableaux de barèmes. Les employeurs devront continuer à choisir les barèmes à appliquer et clarifier certaines informations à cet effet. Mais ils ne devront plus tirer au clair si
les travailleurs mariés constituent des couples à un ou à deux revenus ni, dans ce dernier cas, lequel des partenaires génère le plus haut revenu. Globalement, l'imposition individuelle devrait mener à une simplification pour les employeurs.

Il faut en outre considérer que, pour tout nouveau barème ordinaire de l'impôt à la source (actuellement A, B, C et H), un barème correspondant doit être créé pour les frontaliers allemands et italiens.

6.2.10.2

Ancrage de l'imposition individuelle aux trois niveaux de l'État

L'imposition individuelle devra être mise en oeuvre par toutes les juridictions fiscales.

Une réglementation hétérogène au sein de la Confédération, des cantons et des communes entraînerait une désharmonisation et accroîtrait considérablement la complexité du système fiscal. L'ancrage de l'imposition individuelle aux trois niveaux signifie que les cantons devront adapter leur législation. Ils devront réexaminer et, le cas échéant, redéfinir leurs barèmes fiscaux et certaines déductions. Le processus 45 / 108

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législatif, votation populaire comprise le cas échéant, devra avoir lieu. Les administrations fiscales cantonales devront aussi préparer l'exécution des nouvelles dispositions, la formation du personnel et l'adaptation de l'infrastructure et des services informatiques. À cet effet, il conviendra de ménager suffisamment de temps aux cantons. Les nouvelles dispositions devront entrer en vigueur simultanément dans le cadre de l'impôt fédéral direct et des lois fiscales cantonales. Selon le projet de loi, le Conseil fédéral déterminera la date d'entrée en vigueur. En vertu de l'art. 72 LHID, un délai d'au moins deux ans est généralement accordé aux cantons pour qu'ils puissent adapter leur législation. Le changement fondamental que représente le passage à l'imposition individuelle exigera cependant un plus long délai. Comme il est d'usage, le Conseil fédéral consultera la CDF quant à la date envisageable pour la mise en oeuvre.

Si un canton n'a pas transposé l'imposition individuelle en droit cantonal dans le délai imparti, les dispositions de la LHID s'appliqueront directement (art. 72, al. 2, LHID).

Cette clause suppose toutefois que la LHID contienne des réglementations directement applicables. Or, cela ne concerne pas toutes les dispositions relatives à l'imposition individuelle. Il faudra notamment fixer le barème d'imposition applicable aux contribuables, la LHID ne précisant pas ce point. L'art. 72, al. 3, LHID habilite les gouvernements cantonaux à édicter les dispositions provisoires nécessaires dans de tels cas. Cependant, des limites sont imposées aux gouvernements cantonaux, qui ne peuvent déroger au droit cantonal que dans la mesure où l'application de la LHID l'exige impérativement27.

6.3

Conceptions examinée, mais rejetée, de l'imposition individuelle

6.3.1

Modèle à deux barèmes (Ecoplan)

Consultées au début de 2022 sur l'imposition individuelle, les deux Commissions de l'économie et des redevances (CER-N et CER-E) des Chambres fédérales ont estimé qu'un barème préférentiel pour les contribuables avec enfants devrait être prévu dans le cadre de l'imposition individuelle. Le bureau de recherche et de conseil Ecoplan avait proposé un tel modèle dans une étude de 201928. Lors de la consultation, cette proposition a reçu le soutien notamment du PLR, du PVL et de diverses organisations de femmes.

Contrairement aux autres modèles d'imposition individuelle, le modèle d'Ecoplan ne s'appuie pas sur un barème unique, mais sur un double barème: un barème de base pour les contribuables sans enfant et un barème préférentiel pour les contribuables avec enfants.

27

28

Hunziker, Silvia, Bigler, Corinna (2022), dans Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), Zweifel, Martin, Beusch, Michael (éd.), 4e éd., art. 72 LHID, n. 20.

Ecoplan (2019), Auswirkungen einer Individualbesteuerung ­ Vergleich verschiedener Steuersysteme in der Schweiz (en allemand uniquement), www.ecoplan.ch > Projekte.

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Divers arguments plaident en défaveur d'un double barème dans l'imposition individuelle: ­

Dans le droit en vigueur, le barème pour couples mariés vise à tenir compte du fait que les revenus des époux sont additionnés, c'est-à-dire qu'il s'agit du revenu de deux personnes adultes (addition des éléments imposables). Non seulement le barème pour couples mariés comporte un montant exonéré de base plus élevé, il évolue aussi différemment. Comme chaque personne est taxée individuellement dans le cas de l'imposition individuelle, le double barème n'est plus approprié. Si, dans le cadre de l'imposition individuelle, on appliquait l'actuel barème pour couples mariés aux contribuables avec enfants, conformément au modèle d'Ecoplan, on compenserait une addition d'éléments imposables inexistante.

­

Le barème fiscal détermine la charge fiscale sur la base du revenu imposable.

Le revenu imposable (ou le revenu déterminant le taux d'imposition) reflète la capacité économique. Les déductions extrafiscales qui ne sont pas fondées sur la capacité économique dérogent à ce principe et requièrent notamment une base constitutionnelle spéciale (par ex. la déduction des frais d'investissement dans les immeubles servant aux économies d'énergie et à la protection de l'environnement, qui repose sur l'art. 108 Cst. concernant l'encouragement de la construction de logements et de l'accession à la propriété). Tous les contribuables doivent être soumis au même barème pour garantir que les personnes de même capacité économique supportent la même charge fiscale.

S'agissant de l'imposition individuelle, l'uniformité du barème pour tous les contribuables est donc une exigence qui découle du principe de l'égalité de traitement.

­

Le droit fiscal en vigueur prend en compte de deux manières les coûts liés aux enfants: ­ La déduction à concurrence de 6700 francs par enfant suit la logique selon laquelle le minimum vital exonéré fiscalement augmente, avec chaque enfant, du montant de la déduction. En conséquence, on déduit de la base de calcul un montant indépendant du revenu. S'y ajoutent diverses déductions liées aux enfants qui s'appliquent également à la base de calcul.

­ La réduction de 259 francs par enfant du montant de l'impôt suit la logique selon laquelle une aide financière déterminée est versée pour chaque enfant. Ce but est atteint en réduisant le montant de l'impôt de la somme fixée pour chaque enfant, indépendamment du revenu. Cependant, comme le droit actuellement en vigueur ne prévoit pas de montant d'impôt négatif, l'aide n'est pleinement allouée qu'aux contribuables qui acquittent l'impôt fédéral direct.

Avec un barème double, l'allégement dépend par contre de la conception du barème préférentiel par rapport au barème de base. Généralement, l'allégement destiné aux contribuables avec enfants ne suit aucune logique apparente.

Deux situations, notamment, l'illustrent. (1) L'effet d'allégement obtenu par le barème préférentiel peut se convertir en une déduction pour enfants. On 47 / 108

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calcule alors le montant que cette déduction devrait atteindre pour obtenir le même allégement qu'avec le barème préférentiel. Il en ressort que le montant que doit atteindre la déduction pour enfants varie fortement en fonction du revenu. Exemple: pour un revenu de 70 000 francs (revenu net selon les statistiques sur l'impôt fédéral direct), l'application du barème préférentiel correspond à une déduction de 11 300 francs (en plus de la déduction ordinaire de 6700 francs de la base de calcul et de la déduction de 259 francs opérée sur le montant de l'impôt); pour un revenu de 100 000 francs, l'allégement issu de l'application du barème équivaut à une déduction de 10 800 francs, et pour un revenu de 150 000 francs, il représente une déduction de 15 000 francs. (2) Un barème plus favorable entraîne un allégement pour le premier enfant, mais aucun allégement supplémentaire pour chacun des enfants suivants. Le barème considère donc seulement le fait qu'une personne ait un ou des enfants, mais il ne tient aucunement compte du nombre d'enfants, contrairement à la déduction pour enfants.

­

Si l'on utilisait l'actuel barème pour couples mariés ou un barème semblable à titre de barème préférentiel pour les contribuables avec enfants, comme le prévoit le modèle d'Ecoplan, l'allégement accordé aux contribuables avec enfants serait trop important. Le relèvement du montant exonéré de base pour le premier enfant en témoigne. Dans le droit en vigueur (état: 1er janvier 2024), le barème prévoit pour une personne adulte un montant exonéré de base de 15 000 francs. En appliquant le barème pour couples mariés, le montant exonéré de base combiné à la déduction pour enfants passerait d'un coup à quelque 36 000 francs au premier enfant. S'y ajoute la déduction opérée sur le montant de l'impôt, qui accroît de fait d'encore environ 24 700 francs le montant exonéré de base. Ainsi, associée à la déduction pour enfants sur le montant de l'impôt, l'application du barème prévu pour les couples mariés a pour effet, s'agissant des contribuables avec enfants, que le montant exonéré fiscalement pour le premier enfant équivaut à plus du double de celui prévu pour une personne adulte.

­

Pour les couples avec enfants, il faudrait déterminer quel parent bénéficie du barème préférentiel ou si les deux parents en bénéficient. Si, comme le prévoit le modèle d'Ecoplan, le barème préférentiel est attribué au parent dont le revenu est le plus élevé, celui-ci assume de ce fait, dans de nombreuses configurations, une charge fiscale inférieure à celle du partenaire qui génère le revenu le plus bas. Cette situation serait problématique sous l'angle du droit constitutionnel. En outre, une telle réglementation impliquerait une certaine coordination entre les dossiers fiscaux des parents.

Plus le barème préférentiel diverge du barème de base, plus les rapports entre les charges fiscales résultant d'un modèle à double barème tendent à être problématiques.

Un cas particulier est celui du barème préférentiel qui présente seulement un montant exonéré de base supérieur à celui du barème de base, alors que son évolution reste la même. En termes figurés, il s'agit d'un simple glissement du barème de base vers la droite, qui équivaut toutefois à une déduction opérée sur la base de calcul. Un barème préférentiel de ce type n'entraînerait pas, contrairement à un barème dont l'évolution serait foncièrement différente du barème ordinaire, les rapports problématiques entre 48 / 108

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les charges fiscales que nous avons décrits. Néanmoins, dans ce cas, une déduction serait plus transparente.

Le droit en vigueur connaît aussi un barème préférentiel pour les contribuables avec enfants et les rapports problématiques entre les charges fiscales qu'il induit. Le Conseil fédéral a déjà qualifié cette réglementation de contraire au principe de l'imposition selon la capacité économique et, par conséquent, d'«avantage anticonstitutionnel»29. Il s'appuie en l'occurrence notamment sur un arrêt du Tribunal fédéral rendu en 2005 selon lequel ménager aux familles monoparentales et aux contribuables assurant l'entretien de personnes nécessiteuses la même réduction tarifaire qu'aux couples mariés enfreint le principe de l'imposition en fonction de la capacité contributive30.

6.3.2

Mesure de correction pour les couples mariés à un seul revenu

Le Conseil fédéral a soumis deux variantes dans le projet mis en consultation: une variante sans mesure de correction et une variante avec une mesure de correction pour les couples mariés à un seul revenu et ceux dont le revenu secondaire est faible.

À titre de correctif pour l'impôt fédéral direct, il a proposé d'octroyer une déduction à celui des partenaires mariés qui génère le revenu supérieur (déduction pour écart de revenu). Cette déduction devait être de 14 500 francs pour autant que l'autre partenaire n'ait pas de revenu. Afin d'éviter des effets de seuil, il aurait fallu que cette déduction baisse à mesure que le revenu secondaire croît. Pour les personnes avec enfants, le montant maximum de la déduction aurait été augmenté pour chaque enfant de la moitié de la déduction pour enfants, c'est-à-dire de 4500 francs, et de la moitié de la déduction pour les assurances des enfants, soit de 350 francs. En ce qui concerne les couples sans revenu secondaire ou dont le revenu secondaire est faible, cette solution aurait permis d'éviter que la moitié de la déduction pour enfants ou une partie de celle-ci soit inopérante. La déduction ne devait être accordée qu'aux personnes mariées faisant ménage commun.

Lors de la consultation, la majorité des partisans de l'imposition individuelle a pris position contre une mesure d'allégement spéciale en faveur des couples mariés à revenu unique, au motif que seule la renonciation à une telle mesure permettrait à l'imposition individuelle de déployer complètement ses effets positifs, notamment en ce qui concerne les incitations à exercer une activité lucrative, et de constituer une imposition indépendante de l'état civil.

Cependant, dans son arrêt Hegetschweiler31 de 1984, le Tribunal fédéral a précisé que, s'agissant d'imposition individuelle, il fallait prévoir un correctif en faveur des couples mariés à un seul revenu afin que les dispositions constitutionnelles soient respectées: «En effet, si l'époux qui génère le revenu d'un couple marié à revenu unique devait être imposé selon un barème unique, et même si le conjoint sans activité lucra29 30 31

Message du 21 mars 2018 relatif à la modification de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (imposition équilibrée des couples et de la famille), FF 2018 2173.

Voir à ce sujet ATF 131 II 710 et 131 II 697 avec renvois à la doctrine.

ATF 110 Ia 7

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tive était exonéré de l'impôt, les deux époux seraient taxés aussi fortement qu'une personne seule qui disposerait du même revenu»32.

De nombreux opposants à l'imposition individuelle se sont ralliés à cet avis en invoquant qu'une imposition individuelle sans mesure d'allégement entrerait en contradiction évidente avec le principe de l'imposition du revenu global, et qu'elle viderait de sa substance la définition en droit civil du mariage en tant que communauté économique tout en défavorisant massivement les familles monoparentales de manière injustifiée. Ces effets, incompatibles avec le principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique, seraient anticonstitutionnels. Par contre, assorti d'une mesure d'allégement, le nouveau système fiscal serait plus équilibré.

Compte tenu des avantages et des inconvénients des deux solutions envisagées, aucune mesure d'allégement en faveur des couples mariés à revenu unique et de ceux dont le revenu secondaire est faible n'est prévue pour l'impôt fédéral direct (voir ch. 6.8.1). Les raisons en sont les suivantes: ­

Il paraît adéquat d'évaluer la capacité économique individuellement et non plus au niveau de la communauté conjugale à une époque où l'activité professionnelle des femmes va de soi. Cette conception concorde avec la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral concernant l'entretien après le divorce, selon laquelle la personne qui n'exerçait pas d'activité lucrative durant le mariage doit être indépendante économiquement après le divorce33.

­

Sans mesure de correction, les deux partenaires seront davantage incités à exercer une activité lucrative et l'imposition individuelle ainsi conçue devrait donc déployer une plus grande utilité économique.

­

Si la mesure d'allégement n'était accordée qu'aux couples mariés, l'imposition ne serait pas indépendante de l'état civil. Si elle devait être également octroyée aux couples non mariés, il faudrait définir à quelles conditions on considérerait la relation des partenaires non mariés comme suffisamment établie pour justifier l'octroi de la mesure d'allégement. Dès lors, il pourrait en découler de nouvelles injustices.

­

L'introduction d'une déduction dégressive, à l'instar de celle proposée dans le cadre de la consultation, entraînerait un surcroît de travail pour les autorités de taxation. Il faudrait relier les dossiers des époux concernés, ce qui impliquerait inévitablement de coordonner les procédures de taxation des deux époux. Les cantons rejettent avec véhémence une telle coordination forcée.

Les cantons seront libres de prévoir ou non dans leur droit des mesures de correction pour les couples à revenu unique (par ex. une déduction pour écart de revenu conçue comme déduction sociale).

32 33

ATF 110 Ia 7, consid. 3b Voir à ce sujet les arrêts du Tribunal fédéral 5A_907/2018 du 3 novembre 2020, 5A_104/2018 du 2 février 2021, 5A_311/2019 du 11 novembre 2020, 5A_891/2018 du 2 février 2021 et 5A_800/2019 du 9 février 2021.

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6.3.3

Déduction pour les ménages ne comptant qu'une personne adulte (personnes seules, familles monoparentales)

S'agissant de l'impôt fédéral direct, le projet mis en consultation prévoyait une déduction pour frais de ménage de 6000 francs par ménage ne comptant qu'une seule personne adulte (personne seule ou famille monoparentale). L'objectif était de tenir compte du fait qu'indépendamment de l'état civil et de l'existence d'une relation de couple, les ménages composés d'au moins deux personnes adultes bénéficient de certaines économies sur les frais de ménage, en particulier en ce qui concerne les frais de logement.

La déduction a reçu un accueil très mitigé en procédure de consultation. Quelques participants à la consultation, notamment le parti vert'libéral et plusieurs organisations féminines se sont prononcés contre des allégements spéciaux en faveur de certains groupes de personnes. En lieu et place, il conviendrait selon eux de prévoir une déduction pour frais de ménage uniforme afin d'atténuer la charge fiscale. Cette déduction permettrait d'atténuer la charge fiscale pour les couples affichant une répartition inégale du revenu et pour les personnes seules et les familles monoparentales (frais de ménage).

Les cantons, en particulier, ont proposé qu'une déduction soit tout au plus prévue pour les contribuables qui vivent seuls avec des enfants ou des personnes nécessiteuses.

Une déduction pour frais de ménage entraîne toutefois fondamentalement des difficultés d'exécution et, partant, une charge administrative supplémentaire considérable, parce qu'il faut contrôler pour de nombreux contribuables si le logement est ou non occupé par une seule personne. Étant donné qu'il n'est en outre pas possible dans de nombreux cantons de consulter la composition des ménages dans les registres (identificateur de bâtiment et identificateur de logement), les cantons considèrent qu'il serait préférable de renoncer totalement à une déduction pour frais de ménage.

La pesée des avantages et des inconvénients a conduit à renoncer à une déduction pour frais de ménage pour l'impôt fédéral direct. Les raisons sont les suivantes: ­

La question de la mise en place d'une déduction pour frais de ménage ne se pose pas que pour l'imposition individuelle, elle concerne tous les modèles d'imposition des couples mariés et des familles. Prendre en compte les conditions de logement au moyen d'une déduction pour frais de ménage pour les personnes seules et les familles monoparentales se justifie surtout si des mesures d'allégement sont aussi prévues pour d'autres catégories de contribuables. Si l'on renonce toutefois à une mesure d'allégement pour les couples à revenu unique notamment, la déduction pour frais de ménage proposée ne se justifie pas au vu du rapport entre les charges fiscales respectives des ménages à un seul revenu et des personnes seules. Si une telle déduction était mise en place, une personne seule paierait moins d'impôts, à revenu égal, qu'un couple marié à revenu unique, alors que deux personnes doivent vivre du revenu dans le second cas.

­

Le contrôle des conditions liées à la déduction pour frais de ménage impliquerait un travail supplémentaire pour l'autorité fiscale.

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­

Sous l'angle des rapports entre les charges fiscales des diverses configurations de ménage, il est égal que l'on octroie la déduction pour frais de ménage à toutes les personnes ou exclusivement à celles dont le ménage ne compte qu'une seule personne adulte. Quant aux rapports entre les charges fiscales des couples à revenu unique et des couples à deux revenus, une déduction accordée à chaque ménage sans condition n'améliore guère la situation en faveur des couples à revenu unique, puisque les deux catégories recevraient la même déduction.

­

Il serait problématique de n'accorder la déduction pour frais de ménage qu'aux familles monoparentales eu égard au principe d'imposition selon la capacité économique. Les personnes seules ne réalisent pas plus d'économies ménagères que les familles monoparentales, dont les charges liées aux enfants sont prises en compte par les déductions correspondantes.

Les cantons seront libres de prévoir ou non dans leur droit une déduction pour frais de ménage conçue comme une déduction sociale.

6.3.4

Déduction pour enfants

Dans la mesure où le projet prévoit, en cas d'exercice conjoint de l'autorité parentale, de répartir la déduction pour enfants par moitié entre les deux parents, cette déduction risque d'être entièrement ou partiellement inopérante, en particulier chez les personnes sans revenu ou dont le revenu est faible. En même temps, la personne qui perçoit le revenu principal ne pourra faire valoir que la moitié de la déduction.

Parmi les autres solutions possibles, on pourrait partir du principe que chaque parent assume les frais liés aux enfants en proportion de ses revenus et qu'il faut donc répartir entre eux la déduction pour enfants dans les mêmes proportions. Une telle règle serait appropriée dans de nombreux cas mais créerait une forte interdépendance entre les contenus des deux dossiers, ce qui compliquerait considérablement l'exécution. La moindre modification des éléments imposables de l'un des parents aurait un effet immédiat sur l'imposition de l'autre parent.

On pourrait aussi imaginer que si la solution proposée est retenue (répartition de la déduction par moitié), la demi-déduction inopérante chez un parent soit attribuée à l'autre parent. On créerait là aussi une forte interdépendance entre les deux dossiers.

Autre possibilité: attribuer la déduction pour enfants à celui des parents qui déclare le revenu le plus élevé. Cela poserait problème pour les couples à double revenu, car l'autre parent assume lui aussi une partie des frais liés aux enfants et ne pourrait pas le faire valoir. De plus, cette solution créerait aussi une corrélation entre les dossiers.

La solution praticable qui convient à toutes les situations n'existe pas. Le Conseil fédéral a donc opté pour la variante la moins lourde du point de vue administratif afin de permettre une taxation aussi simple que possible, ce qui suppose des solutions schématiques.

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6.4

Digression: modèles d'imposition commune

6.4.1

Modèles de splitting

6.4.1.1

Principe

Le splitting est une forme d'imposition commune. Il considère le couple marié comme une communauté économique et donc comme une unité d'imposition. Les personnes non mariées sont imposées individuellement.

Le splitting allège la charge fiscale d'un couple marié par rapport à celle d'une personne non mariée au revenu équivalent en divisant le revenu imposable du couple marié par un facteur de splitting (diviseur) pour déterminer le taux d'imposition applicable. Ce taux d'imposition est appliqué à l'ensemble du revenu imposable du couple marié. En cas de splitting intégral, le facteur est 2, en cas de splitting partiel, il est inférieur à 2.

Sur le plan conceptuel, le splitting est étroitement apparenté au modèle du double barème en vigueur dans le domaine de l'impôt fédéral direct. Dans les deux cas, le taux d'imposition appliqué aux couples mariés est inférieur à celui utilisé pour une personne non mariée dont le revenu est équivalent. On peut théoriquement convertir un modèle de splitting en un double barème et atteindre exactement les mêmes rapports entre les charges fiscales.

Le principe du splitting tient compte du fait que pour imposer en commun un couple marié, on additionne les revenus de deux personnes («addition des éléments imposables»). Selon cette logique, l'avantage du splitting devrait être réservé aux couples mariés imposés en commun. Si un modèle de splitting était instauré, il faudrait repenser le principe en vigueur selon lequel la réduction tarifaire est aussi appliquée aux personnes non mariées avec enfants qui sont déjà imposées individuellement.

En tant que modèle d'imposition commune, le splitting satisfait au principe de l'imposition du revenu global. En d'autres termes, la totalité des revenus du couple marié est déterminante pour la charge fiscale. La répartition des revenus entre les deux époux ne joue en principe pas de rôle pour la charge fiscale que supporte le couple marié.

Pour un revenu total identique, les couples mariés à revenu unique ont donc la même charge fiscale que les couples mariés à deux revenus.

Dans le cadre du splitting, les personnes non mariées sont imposées individuellement et les couples mariés conjointement. Cette forme d'imposition va donc à l'encontre du principe de neutralité de l'état civil. Ainsi, dans le modèle du splitting, la charge
fiscale dépend de l'état civil. Le conflit d'objectifs entre les principes de l'imposition du revenu global et de la neutralité de l'état civil s'observe de manière générale: aucun système fiscal progressif ne peut satisfaire simultanément à ces deux principes.

Théoriquement, on pourrait étendre l'application du splitting aux couples non mariés.

La question se poserait alors de savoir quels couples sont considérés comme des couples de concubins au sens du droit fiscal. Le splitting ne s'appliquerait ni aux couples qui ne sont pas considérés comme des couples de concubins au sens du droit fiscal ni aux personnes seules. Ainsi, l'extension de l'application du splitting ne ferait que déplacer la limite de l'inégalité de traitement et créer des problèmes de délimitation.

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Coût administratif du changement de modèle Un modèle de splitting pourrait être mis en oeuvre pour l'impôt fédéral direct sans entraîner, pour les autorités cantonales de taxation, de frais administratifs significatifs liés au changement de modèle. Rien ne changerait dans la déclaration actuelle des éléments imposables pertinents. Les autorités de taxation n'auraient pas besoin d'informations supplémentaires comparé à ce que prescrit le droit actuel. Les couples mariés continueraient de déclarer conjointement leurs éléments imposables.

6.4.1.2

Splitting intégral

En cas de splitting intégral, le facteur de 2 signifie que les couples mariés sont soumis au taux d'imposition prévu dans le barème fiscal pour la moitié du revenu imposable global. Exemple: si un couple marié génère conjointement un revenu global imposable de 150 000 francs, le taux d'imposition appliqué à ce revenu global est celui que le barème prévoit pour un revenu imposable de 75 000 francs. Dans le cadre de l'impôt fédéral direct, un passage au splitting intégral équivaudrait essentiellement à une baisse de barème sur une grande partie de l'éventail des revenus des couples mariés.

Rapport entre les charges fiscales des couples mariés et celles des personnes non mariées En raison du facteur de splitting de 2, la charge fiscale d'un couple marié est la même que la somme des charges fiscales de deux personnes non mariées dont les revenus respectifs s'élèveraient à la moitié du revenu global du couple marié.

Si les revenus des deux époux sont exactement identiques, la charge fiscale calculée selon le modèle du splitting intégral correspond à celle de l'imposition individuelle.

En revanche, s'ils ne sont pas identiques, dans un système d'imposition du revenu progressif, un couple marié est soumis à une charge fiscale plus faible que deux personnes non mariées aux revenus correspondants à ceux des deux époux. L'avantage fiscal d'un couple marié par rapport à des personnes non mariées qui touchent le même revenu est d'autant plus marqué que la différence entre les revenus des deux époux est grande.

Sur la base de l'avantage fiscal que le splitting intégral confère aux couples mariés dans presque tous les cas de figure, des questions se posent, au regard du droit constitutionnel, quant au respect de l'imposition en fonction de la capacité économique (art. 127, al. 2, Cst.). Dans un arrêt datant de 1994, le Tribunal fédéral a discuté des lignes directrices relatives à la charge fiscale pour différents types de ménage. Il y note que la capacité économique des différents types de ménages est prise en compte lorsque la charge fiscale d'un couple marié est inférieure à celle d'une personne seule au revenu équivalent, mais supérieure à la charge fiscale de deux personnes seules dont les revenus respectifs équivaudraient à la moitié du revenu du couple marié34.

Compte tenu de ces considérations du Tribunal fédéral, il convient de se demander si un splitting intégral respecte le principe de l'imposition selon la capacité économique 34

ATF 120 Ia 329, consid. 4b.

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s'il n'est pas assorti d'une mesure d'accompagnement visant à alléger la charge des personnes seules et des familles monoparentales. Sans mesure d'allégement, la charge fiscale d'un couple marié n'est pas plus élevée que celle de deux personnes seules dont chacune toucherait la moitié du revenu du couple marié. Selon les considérations citées précédemment, les deux personnes seules touchant chacune la moitié du revenu sont soumises à une charge fiscale excessive par rapport au couple marié. Afin de corriger, dans le cadre d'un modèle de splitting intégral, le rapport entre les charges de sorte qu'il corresponde aux considérations du Tribunal fédéral, il serait nécessaire de prévoir une déduction pour frais de ménage pour les personnes seules et les familles monoparentales.

Modifications nécessaires des dispositions légales En cas de passage au splitting intégral pour l'impôt fédéral direct, les déductions liées à l'état civil au bénéfice des couples mariés n'auraient plus lieu d'être. Plus précisément, il s'agirait de la déduction pour les époux qui font ménage commun (art. 35, al. 1, let. c, LIFD) et de la déduction pour double revenu (art. 33, al. 2, LIFD). Combinées au splitting intégral, ces déductions induiraient une charge fiscale excessive pour les personnes non mariées par rapport aux couples mariés.

De plus, s'agissant du rapport entre les charges fiscales, il conviendrait de se demander si, comme mentionné, il y a lieu d'introduire une déduction pour frais de ménage pour les personnes seules et les familles monoparentales en vue de respecter le principe de l'imposition selon la capacité économique.

Un splitting intégral à partir du barème en vigueur pour les personnes non mariées (art. 36, al. 1, LIFD) serait possible sur le plan technique, mais les barèmes en vigueur, avec leur progression excessive, ne conviennent pas au modèle conceptuel du splitting. Dans le droit actuel, le taux d'imposition moyen maximal de 11,5 % fixé par la Constitution est atteint pour un revenu imposable de 783 300 francs. Comme les taux d'imposition sont nettement plus bas pour les classes de revenus inférieures, les taux d'imposition marginaux devraient temporairement dépasser 11,5 %.

Dans le barème en vigueur, avec sa progression excessive, le taux d'imposition moyen reste constant dès qu'il a atteint
11,5 %. Conséquence: à partir d'un certain niveau de revenu, l'application du facteur de splitting ne réduit plus le taux d'imposition applicable. Il peut arriver, notamment dans les cas où un revenu très élevé se combine à un revenu plus faible, que le splitting intégral entraîne une charge fiscale supplémentaire par rapport à l'imposition individuelle. Cette situation est contraire à l'idée du splitting intégral. Il faudrait donc envisager de combiner la mise en place du splitting intégral à une adaptation de barème.

Concernant l'harmonisation verticale formelle des impôts, l'introduction du splitting intégral dans le champ de l'impôt fédéral direct n'impliquerait pas de modification en matière d'impôts cantonaux sur le revenu. À l'instar du droit en vigueur, le splitting intégral est un modèle d'imposition commune au niveau de la Confédération et des cantons.

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Conséquences sur les incitations à exercer une activité lucrative Tout comme le droit actuel, le splitting intégral entraîne, par rapport à l'imposition individuelle, une faible imposition du revenu principal du ménage et une charge fiscale plus importante pour celui qui touche le revenu secondaire, à niveau de recettes fiscales égal. Comparativement à l'imposition individuelle, l'allégement apporté par le splitting intégral réduit davantage la charge qui grève le revenu principal du ménage. Le revenu secondaire est plus lourdement imposé parce que le couple passe à un échelon supérieur du barème en raison du revenu principal (voir ch. 6.7.6).

Selon des études empiriques, les personnes réalisant le revenu secondaire du ménage réagissent plus fortement à l'imposition que celles réalisant le revenu principal (voir les études citées à la note de bas de page no 46). En outre, en Suisse, le potentiel de main-d'oeuvre est déjà largement exploité s'agissant des revenus principaux. Les possibilités d'exploiter le potentiel de main-d'oeuvre par des réformes fiscales sont nettement plus grandes pour ce qui est des revenus secondaires.

Dans ces conditions, un splitting intégral se révèle défavorable sous l'angle des incitations à exercer une activité lucrative. Les changements que l'introduction du splitting intégral induirait concernant ces incitations dépendraient notamment de la conception du barème. Si celui-ci était conçu de sorte à ne pas avoir d'incidence sur les recettes fiscales, les incitations à exercer une activité lucrative diminueraient vraisemblablement par rapport au droit en vigueur. Une telle détérioration surviendrait en particulier si l'on supprimait la déduction pour double revenu afin d'ajuster les rapports entre les charges fiscales des couples mariés et celles des personnes seules.

Une amélioration des incitations à exercer une activité lucrative ne pourrait se faire qu'au prix de pertes de recettes considérablement plus élevées, car il faudrait compenser, à l'aide de baisses de barème, l'effet négatif exercé par le système sur ces incitations.

6.4.1.3

Splitting partiel

En cas de splitting partiel, le facteur de splitting est supérieur à 1 mais inférieur à 2. Il en résulte un allégement fiscal pour les couples mariés par rapport à la situation d'une personne non mariée au revenu équivalent. Cet allégement est toutefois plus faible qu'en cas de splitting intégral. Les cantons qui appliquent le splitting partiel prévoient des facteurs de 1,6 à 1,9. Exemple avec un facteur de splitting de 1,7: si un couple marié génère un revenu global imposable de 150 000 francs, le taux d'imposition appliqué à ce revenu global est celui que le barème prévoit pour un revenu imposable de 88 200 francs. Il en résulte pour le couple marié une charge fiscale supérieure dans un système fiscal progressif qu'en cas de splitting intégral, où le taux d'imposition applicable est celui que le barème prévoit pour 75 000 francs (voir plus haut).

Dans le cas de l'impôt fédéral direct, le passage au splitting partiel correspondrait, sur le plan conceptuel, à modifier le barème pour les couples mariés en fonction du facteur de splitting retenu. Cette modification entraînerait une hausse du taux d'imposition pour les revenus les plus bas et une baisse du taux d'imposition pour les revenus plus

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élevés. Plus le facteur de splitting se rapproche de 2, plus la proportion de couples mariés qui verraient baisser leur taux d'imposition serait élevée.

Rapport entre les charges fiscales des couples mariés et celles des personnes non mariées En cas de splitting partiel, le rapport entre les charges des couples mariés et des couples non mariés dépend du facteur de splitting choisi. Plus ce dernier est élevé, plus l'allégement dont bénéficie le couple marié est élevé par rapport à un couple non marié avec un revenu équivalent. Étant donné qu'en cas de splitting partiel, le facteur de splitting est inférieur à 2, les couples mariés bénéficient d'un allégement réduit par rapport au splitting intégral. Leur charge fiscale est donc plus élevée que celle de deux célibataires touchant chacun la moitié des revenus du couple marié.

Un couple marié subit une charge fiscale supérieure ou inférieure à celle d'un couple non marié selon la répartition de ses revenus et le facteur de splitting. Plus la répartition des revenus est équilibrée et plus le facteur de splitting retenu est faible, plus la charge du couple marié sera lourde par rapport à celle d'un couple non marié.

Modifications nécessaires des dispositions légales En cas de mise en oeuvre dans le domaine de l'impôt fédéral direct, la déduction pour les couples mariés faisant ménage commun (art. 35, al. 1, let. c, LIFD) n'aurait plus lieu d'être. Cette déduction équivaut à une mesure s'appliquant au barème, qui serait reproduite dans le facteur de splitting.

Il faudrait par ailleurs examiner à la lumière du facteur de splitting et modifier si nécessaire la conception de la déduction pour double revenu (art. 33, al. 2, LIFD). Plus le facteur de splitting retenu est élevé, plus la marge permettant un allégement supplémentaire pour les couples mariés au moyen de la déduction pour double revenu se réduit.

Comme pour le splitting intégral, il faut réfléchir à la conception du barème. On l'a vu dans le commentaire du splitting intégral: la conception du barème en vigueur, avec sa progression excessive, fait que l'application du facteur de splitting ne réduit pas le taux d'imposition applicable aux très hauts revenus. Cet effet étant contraire au principe du splitting partiel, il faudrait se demander s'il faut associer à la réforme une adaptation du barème.
L'introduction du splitting partiel aurait aussi les mêmes effets que celle du splitting intégral en ce qui concerne l'harmonisation verticale formelle des impôts. Elle n'impliquerait pas de modification en matière d'impôts cantonaux sur le revenu.

Conséquences sur les incitations à exercer une activité lucrative Le splitting partiel a des effets analogues sur les incitations à exercer une activité lucrative que le splitting intégral. Étant donné qu'il procure un allégement moindre au revenu principal du ménage, on peut, pour un niveau de recettes fiscales donné, opter pour un barème plus bas que pour le splitting intégral. Il en résulterait une charge fiscale un peu moins lourde pour le revenu secondaire. Compte tenu de ces éléments, le splitting partiel est un peu plus avantageux que le splitting intégral en ce qui concerne les incitations à exercer une activité lucrative. Il l'est encore davantage s'il est 57 / 108

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associé à une déduction pour double revenu. Mais même dans ce cas, il produira de moins bons résultats qu'un modèle d'imposition individuelle à niveau de recettes fiscales égal.

6.4.1.4

Système de quotient familial

Le système de quotient familial, une forme particulière d'imposition recourant au splitting, repose sur un barème unique appliqué tant aux personnes seules qu'aux personnes mariées. En Suisse, seul le canton de Vaud utilise ce modèle inspiré du système français.

Contrairement aux systèmes de splitting traditionnel, le revenu total de la famille n'est pas divisé par un diviseur fixe, mais par un diviseur qui varie selon la taille du ménage, et plus précisément en fonction d'un quotient familial ajusté selon le nombre de personnes vivant dans le ménage. Ainsi, les charges liées aux enfants ne sont pas prises en considération principalement par une déduction pour enfants, mais par le splitting.

Le splitting tient compte des enfants puisque le diviseur du couple marié est accru d'un certain facteur pour chaque enfant. Pour les couples mariés, le système de quotient familial peut autant prendre la forme d'un splitting intégral que d'un splitting partiel.

6.4.2

Calcul alternatif de l'impôt

Principe et projet du Conseil fédéral du 21 mars 2018 Le 21 mars 2018, le Conseil fédéral présentait un projet relatif à une imposition équilibrée du couple et de la famille qui comprenait un modèle de calcul alternatif de l'impôt35. Ce modèle était fondé sur la taxation commune et sur le barème multiple prévu par le droit en vigueur. Selon ce système, l'autorité de taxation commence par calculer l'impôt du couple marié selon les règles de la taxation ordinaire commune, en additionnant les revenus des époux. Elle procède ensuite à un deuxième calcul de l'impôt (calcul alternatif) qui se fonde sur l'imposition des personnes non mariées. Pour effectuer ce calcul, les revenus de l'activité lucrative et ceux tirés des rentes ainsi que les déductions afférentes sont répartis entre les époux conformément à la situation réelle telle qu'elle ressort de la déclaration d'impôt. Le barème ordinaire est alors appliqué aux éléments imposables ainsi déterminés de chacun des époux. Le moins élevé des deux montants calculés selon ces méthodes est retenu.

Dans son projet, le Conseil fédéral proposait, par souci de simplicité, de répartir les revenus restants (notamment le revenu de la fortune) et les autres déductions par moitié entre les époux.

Comme le calcul alternatif de l'impôt aurait avant tout allégé la charge fiscale des couples mariés à double revenu, le projet prévoyait l'instauration d'une déduction 35

FF 2018 2173, voir également le message additionnel du 14 août 2019 relatif à la modification de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (imposition équilibrée des couples et de la famille), FF 2019 5547.

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pour revenu unique afin de limiter l'écart entre la charge fiscale des couples mariés à revenu unique et celle des couples mariés à double revenu.

Le projet prévoyait aussi d'abolir l'application du barème des couples mariés, plus avantageux, aux personnes non mariées avec enfants. Afin d'atténuer la charge supplémentaire qui en aurait résulté, il prévoyait une déduction pour famille monoparentale.

La réforme n'aurait nécessité aucune modification des impôts cantonaux.

Rapport entre les charges fiscales des couples mariés et celles des personnes non mariées Le modèle proposé dans le projet du 21 mars 2018 contient des éléments d'imposition individuelle et des éléments d'imposition commune.

Le projet ne changerait en principe rien pour les couples mariés à revenu unique, car l'imposition commune en vigueur entraîne une charge fiscale moindre que le calcul alternatif de l'impôt. S'agissant des couples mariés à double revenu et des couples de rentiers mariés, le calcul alternatif de l'impôt produirait surtout des effets chez ceux dont les revenus sont plus élevés et chez ceux dont les revenus sont répartis plus ou moins également entre les deux époux, en rapprochant la charge de ces couples mariés de celle des couples non mariés aux revenus équivalents.

La charge fiscale des couples mariés à double revenu et des couples de rentiers mariés aux revenus modestes et celle des couples mariés à revenu unique resteraient inférieures à celle des couples non mariés aux revenus équivalents. Dans les tranches de revenus basses et une partie des tranches moyennes, la charge fiscale du couple marié est inférieure, avec le barème des couples mariés associé aux déductions liées à l'état civil, à celle de deux personnes seules dont les revenus respectifs équivaudraient à la moitié du revenu du couple marié. Elle donc inférieure à celle qui résulterait d'un splitting intégral. Comme on l'a vu dans le commentaire du splitting intégral, cela soulève des questions quant au respect du principe de l'imposition en fonction de la capacité économique.

L'instauration d'une déduction pour revenu unique ferait augmenter le nombre des couples mariés dont la charge fiscale est inférieure à celle qui découlerait d'un splitting intégral.

Le projet ne changerait rien par rapport au droit en vigueur pour les personnes non
mariées sans enfants. Pour les personnes non mariées avec enfants, la disparition du barème plus avantageux entraînerait une augmentation de l'impôt que pourrait compenser, selon le niveau du revenu, la déduction pour famille monoparentale prévue.

Coût administratif du changement de modèle Le modèle du calcul alternatif de l'impôt pourrait être mis en oeuvre pour l'impôt fédéral direct sans entraîner, pour les autorités cantonales de taxation, de frais administratifs significatifs liés au changement de modèle. Rien ne changerait dans la déclaration des éléments imposables pertinents. Les autorités de taxation n'auraient pas besoin d'informations supplémentaires comparé à ce que prescrit le droit actuel. Les couples mariés continueraient de déclarer conjointement leurs éléments imposables.

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Les autorités fiscales devraient configurer une seule fois dans leur système de taxation la répartition par moitié de certains éléments de revenu et de certaines déductions.

Si l'on voulait suivre la proposition du Conseil fédéral du 21 mars 2018 d'instaurer une déduction pour famille monoparentale, les autorités fiscales devraient en outre déterminer, pour chaque personne non mariée avec enfants, si elle vit seule ou en couple.

Conséquences sur les incitations à exercer une activité lucrative Pour les couples mariés sur lesquels le calcul alternatif de l'impôt aurait un effet, le modèle aurait des conséquences analogues à celles de l'imposition individuelle. La diminution de la charge fiscale marginale du revenu secondaire accroîtrait les incitations à exercer une activité lucrative pour les personnes touchant le revenu secondaire.

La mise en oeuvre du calcul alternatif de l'impôt dans le domaine de l'impôt fédéral direct aurait sur l'emploi des effets nettement moindres que la mise en oeuvre de l'imposition individuelle par la Confédération et les cantons. Deux raisons à cela: premièrement, les impôts cantonaux sur le revenu ont sur l'emploi un effet potentiel nettement supérieur à celui de l'impôt fédéral direct en raison de leur volume plus important, et deuxièmement, pour beaucoup de couples mariés, le calcul selon l'imposition commune l'emporterait face au calcul alternatif, ce qui ne modifierait pas pour eux les incitations à exercer une activité lucrative.

6.4.3

Taux d'imposition unique

Le principe de l'impôt à taux unique (flat rate tax) se rapporte à la conception du barème. Il serait envisageable dans le cadre de l'imposition commune des époux comme dans celui de l'imposition individuelle.

Il consiste à exonérer de l'impôt un montant fixe et à appliquer à chaque franc de revenu imposable supplémentaire un taux d'imposition marginal unique. Un tel barème présente une progressivité indirecte du fait que l'importance du montant exonéré diminue au fur et à mesure que le revenu augmente. Les barèmes en vigueur de l'impôt fédéral direct sont directement progressifs, car les taux d'imposition marginaux augmentent eux aussi progressivement jusqu'à un revenu imposable de 182 600 francs (barème ordinaire) ou de 150 300 francs (barème pour couples mariés, l'un et l'autre selon le droit en vigueur au 1er janvier 2024).

L'AFC a présenté, avec le projet du Conseil fédéral du 2 décembre 2022 mis en consultation, des estimations quantitatives de l'instauration d'une flat rate tax dans le domaine de l'impôt fédéral direct dans le cadre de l'imposition individuelle36. La diminution des recettes engendrée par le modèle était estimée, comme pour les propositions de réforme mises en consultation, à 1 milliard de francs (chiffres de l'exercice 2019 extrapolés à 2022). Les estimations reposaient sur un montant exonéré de base de 14 500 francs et un taux d'imposition marginal uniforme de 3,44 %. Cela si36

www.estv.admin.ch > L'AFC > Politique fiscale > Thèmes de politique fiscale > Imposition du couple et famille > Imposition individuelle.

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gnifierait pour tous les contribuables, quel que soit leur état civil, que les 14 500 premiers francs de leur revenu imposable seraient exonérés d'impôt et que chaque franc dépassant ce montant serait taxé à 3,44 %. Le projet ne prévoyait pas de déductions spéciales pour les personnes vivant en couple avec un seul revenu, ni pour les ménages ne comptant qu'un seul adulte. Conformément au droit en vigueur en 2022, la déduction pour enfants était de 6500 francs et la déduction pour enfants sur le montant de l'impôt de 251 francs.

Il est possible d'influencer légèrement les effets de la flat rate tax par le choix du montant exonéré et la modification en conséquence du taux d'imposition marginal uniforme. Plus le montant exonéré est élevé, plus le taux d'imposition marginal doit l'être pour atteindre un niveau donné de recettes fiscales. Une flat rate tax est généralement d'autant plus progressive que le montant exonéré est élevé. En même temps, plus ce montant est élevé, plus le nombre de contribuables qui ne paient pas d'impôt fédéral direct augmente. Le principe constitutionnel de l'universalité de l'imposition (art. 127, al. 2, Cst.), qui veut que toute personne disposant d'une capacité économique minimale paie des impôts, limite l'augmentation du montant exonéré.

Rapport entre les charges fiscales des couples mariés et celles des personnes non mariées Si l'on appliquait une flat rate tax, seule l'imposition individuelle serait entièrement neutre du point de vue de l'état civil. Lorsque les couples mariés sont soumis à l'imposition commune, la flat rate tax a certes pour effet de réduire les différences de charge fiscale entre les couples mariés et les personnes non mariées par rapport au barème directement progressif en vigueur, mais la neutralité vis-à-vis de l'état civil n'est alors pas entière et ce, principalement, en raison du montant exonéré de base, qu'il faut déterminer séparément pour les couples mariés et les personnes non mariées sous le régime de l'imposition commune. La neutralité de l'état civil ne serait pas non plus respectée si l'on maintenait la répartition par moitié des déductions pour enfants pour les couples non mariés. En effet, ces déductions pourraient devenir inopérantes dans les configurations où le revenu secondaire est faible ou inexistant au sein d'un couple non
marié, mais non au sein d'un couple marié. Pour exclure cette possibilité, il faudrait mettre en place le transfert des déductions pour enfants non consommées.

La flat rate tax ne serait neutre sur le plan de l'état civil en cas d'imposition commune que si les deux revenus étaient suffisamment élevés pour dépasser le montant exonéré de base et pour que les déductions pour enfants déploient leurs effets. Cela concernerait les couples présentant des revenus au moins moyens et à peu près équivalents. Si l'on mettait en oeuvre la réforme selon le projet du 2 décembre 2022 mis en consultation dans le cadre d'une imposition commune, il faudrait qu'un couple avec deux enfants perçoive deux revenus imposables d'au moins 28 300 (= 14 500 + 6500 + 251 / 0,0344) francs pour que la charge fiscale soit neutre du point de vue de l'état civil (hypothèse: montant exonéré deux fois plus élevé pour un couple marié que pour les personnes non mariées et répartition par moitié des déductions pour enfants entre les parents non mariés). Si l'un des deux revenus était inférieur à ce montant, la charge fiscale du couple marié serait plus faible que celle d'un couple non marié dans la même situation économique, ce qui serait contraire à la neutralité de l'état civil.

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Charge administrative Étant donné que le principe de la flat rate tax se rapporte à la conception du barème, il aurait peu d'influence, administrativement parlant, sur l'application du droit par les autorités de taxation.

L'instauration de la flat rate tax dans domaine de l'impôt fédéral direct dans le cadre actuel de l'imposition commune des couples mariés n'entraînerait quasiment aucun changement administratif. Les cantons pourraient procéder à la taxation avec les informations dont ils disposent aujourd'hui. Instaurée dans le cadre d'une imposition individuelle, la flat rate tax impliquerait un effort d'adaptation surtout chez les cantons, tout comme le projet du Conseil fédéral.

Si la flat rate tax était instaurée dans le cadre d'une imposition individuelle, la marge d'optimisation fiscale au moyen d'actes juridiques entre époux (rapports de travail, par ex.) serait moindre qu'avec un barème directement progressif. Pour autant que les revenus dépassent le montant exonéré de base et que les déductions pour enfants déploient leurs effets, les deux époux sont soumis au même taux d'imposition marginal.

Les actes juridiques entre époux qui réduisent le revenu d'un des époux tout en augmentant celui de l'autre ne modifieraient pas la somme des charges fiscales du ménage.

Indépendamment du type d'imposition des couples, la flat rate tax apporte certaines simplifications grâce au taux d'imposition marginal uniforme. Dès que le revenu dépasse le montant exonéré de base et que les déductions pour enfants déploient leurs effets, la marge de planification fiscale diminue. Peu importe, dès lors, si l'on étale un rachat dans la caisse de pension sur plusieurs années ou si on l'effectue sur une seule année. On pourrait aussi supprimer les dispositions spéciales visant à corriger l'effet de la progressivité directe sur les recettes uniques ou irrégulières (bénéfices de liquidation, prestations en capital de la prévoyance, voire versements en capitaux remplaçant des prestations périodiques).

Effet de répartition entre les classes de revenus La flat rate tax générerait, du fait de sa limitation à un taux d'imposition marginal uniforme, une progressivité moindre que celle d'un barème directement progressif.

Selon les estimations de l'AFC, la variante de la flat rate tax présentée en relation avec le projet
du 2 décembre 2022 mis en consultation entraînerait, dans le domaine de l'impôt fédéral direct, un allégement fiscal d'environ 4,67 milliards de francs dans la classe des 10 % de revenus les plus élevés. Il en résulterait donc, dans les classes inférieures, un alourdissement de la charge d'environ 3,67 milliards de francs, d'où en fin de compte une diminution des recettes de 1 milliard de francs. Une telle réforme entraînerait globalement, selon les estimations, une augmentation de la charge fiscale pour 64 % des contribuables et un allégement pour 9 % d'entre eux.

Les représentations de la modification de la charge fiscale pour différentes configurations, publiées en relation avec la consultation, confirment ce tableau. Dans toutes les configurations représentées (couples mariés et célibataires, avec ou sans enfants) la flat rate tax entraînerait, par rapport au statu quo, des augmentations d'impôt dans les classes de salaire basses, moyennes et moyennes supérieures, et des diminutions d'impôt dans les classes les plus élevées.

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Modifications nécessaires des dispositions légales L'instauration d'une flat rate tax dans le cadre d'une imposition individuelle supposerait les mêmes modifications législatives que le contre-projet indirect du Conseil fédéral qui fait l'objet du présent message. La différence résiderait dans la conception du barème (art. 36 LIFD). Sur le plan technique, il faudrait par ailleurs décider si le montant exonéré de base doit être fixé dans le barème ou prendre la forme d'une déduction sociale.

Instaurer une flat rate tax dans le cadre de l'imposition commune en vigueur nécessiterait une modification du barème (art. 36 LIFD). La déduction pour couple marié (art. 35, al. 1, let. c, LIFD) n'aurait plus lieu d'être, car elle serait reflétée dans le montant exonéré de base pour couple marié. Comme pour le splitting intégral, il faudrait garder à l'esprit les conclusions du Tribunal fédéral concernant le rapport entre les charges fiscales, selon lesquelles la charge d'un couple marié doit être plus élevée que celle de deux célibataires touchant chacun la moitié du revenu du couple marié. Si le montant exonéré d'un couple est deux fois plus élevé que celui des personnes non mariées, faut-il, en vertu du principe de la capacité économique, instaurer une déduction pour frais de ménage pour les célibataires et les familles monoparentales? La déduction pour double revenu (art. 33, al. 2, LIFD) n'aurait pas lieu d'être dans ce cas, car elle entraînerait une surcharge pour les personnes non mariées par rapport aux couples mariés.

Conséquences sur les incitations à exercer une activité lucrative Une imposition individuelle avec flat rate tax devrait avoir des effets plus faibles sur l'emploi que le projet proposé par le Conseil fédéral, qui se fonde sur le barème ordinaire directement progressif en vigueur. Selon l'estimation relative à la flat rate tax publiée dans le cadre du projet du 2 décembre 2022 mis en consultation, les effets sur l'emploi seraient moitié moindres que ceux des variantes de l'imposition individuelle mises en consultation par le Conseil fédéral. En effet, associée à une flat rate tax, dans la plupart des cas, l'imposition individuelle réduit moins la charge fiscale marginale du revenu secondaire d'un couple marié que le barème directement progressif. Étant donné que la flat rate tax augmente
le taux d'imposition des bas revenus, elle produit pour la plupart des personnes touchant le revenu secondaire avec peu d'heures de travail des incitations moindres à exercer une activité lucrative que l'imposition individuelle fondée sur le barème ordinaire en vigueur. À l'inverse, la flat rate tax produit une nette réduction de la charge fiscale marginale des revenus élevés ou très élevés.

Or ils sont moins nombreux.

Une flat rate tax serait moins bénéfique pour l'emploi dans le cadre d'une imposition commune des couples mariés que dans le cadre d'une imposition individuelle. Pourquoi? Principalement parce que l'addition des éléments imposables des couples mariés fait que la personne qui touche potentiellement le revenu secondaire serait, dans la plupart des cas, imposée au taux marginal uniforme dès le premier franc gagné, à cause du revenu principal de son conjoint. En effet, pour ajuster les rapports entre les charges fiscales des couples mariés et celles des personnes seules, on serait au moins obligé de limiter la déduction pour double revenu.

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6.5

Imposition des couples mariés à l'étranger

Les systèmes fiscaux des États membres de l'Union européenne prévoient aussi bien des modèles d'imposition commune que différentes formes de modèles d'imposition individuelle.

De nombreux pays européens sont passés de l'imposition commune à l'imposition individuelle au cours des dernières décennies37. Toutefois, les régimes fiscaux des pays concernés ne sont souvent pas comparables à celui appliqué en Suisse. La plupart des pays européens ont un système fiscal centralisé et matériellement uniforme. Certains pays prévoient une imposition à la source du revenu de l'activité lucrative (parfois sans nécessité de remplir une déclaration d'impôt) ou un système qui privilégie les subventions par rapport à l'octroi de déductions générales et sociales. En général, la fortune n'est pas imposée.

Le fédéralisme fiscal qui prédomine en Suisse et l'impôt sur la fortune rendraient la mise en oeuvre de l'imposition individuelle en Suisse plus complexe que dans ces pays.

À propos de la réglementation de l'imposition individuelle dans différents pays, des explications plus détaillées se trouvent dans le rapport explicatif du 2 décembre 2022 concernant la loi fédérale sur l'imposition individuelle38 mise en consultation.

6.6

Commentaire des dispositions

Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct Remarques préliminaires ­

Dans le texte allemand, les termes «Steuerpflichtige(n)» et «Mithaftende(r)» sont remplacés par des équivalents non sexistes.

­

Pour compenser les effets de la progression à froid, le DFF a adapté les barèmes et les déductions applicables en matière d'impôt fédéral direct à partir du 1er janvier 2024. Cette adaptation permet d'éviter que les contribuables ne soient imposés à un taux plus élevé en raison d'une augmentation de leur revenu qui compense seulement une perte de pouvoir d'achat induite par le renchérissement. Le projet mis en consultation s'appuyait encore sur les barèmes et déductions en vigueur en 2022. Le projet commenté ici contient les montants adaptés pour le 1er janvier 2024.

Art. 3, al. 5, 5e phrase Le renvoi à l'art. 9 LIFD est supprimé.

37

38

Voir notamment la vue d'ensemble publiée dans Veranlagung von Ehepartnern zur Einkommensteuer in Deutschland und anderen europäischen Staaten, Deutscher Bundestag, 26 octobre 2021 (en allemand).

www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2022.

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Art. 8a Dans le droit en vigueur, le principe de l'imposition commune des couples mariés est fixé à l'art. 9, al. 1. Du point de vue de la systématique fiscale, cet article figure au chapitre 3 de la loi, qui traite des règles particulières concernant l'impôt sur le revenu.

Étant donné que dans le cadre de l'imposition individuelle, toutes les personnes physiques sont imposées séparément, les dispositions de base relatives à l'imposition individuelle ne peuvent plus être mentionnées dans le chapitre traitant des règles particulières. C'est pourquoi les règles d'attribution des éléments imposables entre les contribuables figurent dans un nouveau chapitre 2a «Attribution du revenu et des déductions». Les éléments (revenu et déductions) seront attribués en fonction de la situation civile et des autres droits légaux aussi pour les époux. Ce changement fait l'objet d'une clause générale explicite, inscrite à l'al. 1. Il en résulte, par exemple, que l'imposition des couples qui détiennent un immeuble en propriété commune dépendra des rapports de propriété en matière de droits réels. Étant donné qu'en cas de dette hypothécaire, l'attribution peut se faire sur la base des droits réels (part inscrite au registre foncier pour l'immeuble correspondant) ou du droit des obligations, la loi précise en outre à l'al. 2 qu'en cas de dette, les intérêts passifs sont, de manière générale, attribués conformément aux contrats correspondants (par ex. contrat de prêt ou contrat hypothécaire). De plus, il est précisé que les frais d'acquisition du revenu sont attribués à la personne qui déclare les revenus correspondants. Comme tous les éléments imposables ne peuvent pas être imputés selon les conditions inhérentes au droit civil (par ex. selon les droits réels ou le droit des obligations), l'attribution repose alors sur d'autres bases légales, par exemple sur les dispositions du droit des assurances sociales pour les rentes AVS ou AI. À cet égard, voir ch. 6.2.1.

Il se peut que l'attribution en fonction des rapports de droit civil se révèle compliquée surtout lors de la première déclaration d'impôt effectuée selon le nouveau système, notamment si les valeurs patrimoniales des époux sont fortement imbriquées.

Art. 9

Enfants sous autorité parentale

L'art. 9 ne règle plus que l'imposition pour les enfants sous autorité parentale.

En vertu de la nouvelle disposition de l'al. 1, les parents qui exercent conjointement l'autorité parentale sur un enfant se verront imposer chacun la moitié de son revenu.

Jusqu'à présent, on se fondait sur la garde de l'enfant, conformément à la circulaire no 30 de l'AFC39. Dans un souci de simplification, le revenu d'un enfant sera dorénavant toujours attribué par moitié aux parents lorsque ceux-ci détiennent conjointement l'autorité parentale, qu'ils soient ou non mariés. Si l'autorité parentale n'est pas exercée de manière conjointe, le revenu de l'enfant sera intégralement attribué à la personne qui détient l'autorité parentale exclusive.

L'al. 2 dispose toujours que les enfants sont imposés séparément pour leur revenu provenant d'une activité lucrative.

39

Voir la circulaire no 30 de l'AFC, www.estv.admin.ch > Impôt fédéral direct > Circulaires> Imposition des époux et de la famille.

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Art. 9a

Personnes liées par un partenariat enregistré

Le statut des personnes liées par un partenariat enregistré est réglé à l'art. 9a dans le projet de loi. Lorsque la LIFD prévoit des règles particulières pour les époux, cellesci s'appliquent également aux personnes liées par un partenariat enregistré (par ex.

concernant l'imposition des pensions alimentaires, la succession fiscale, la dévolution de fortune ensuite de la liquidation du régime matrimonial). Cette clarification reste nécessaire pour les personnes qui, n'ayant pas converti leur partenariat enregistré en mariage, conservent l'état civil «partenariat enregistré».

Art. 13, titre et al. 1 et 2 Une fois introduite l'imposition individuelle, chaque personne ne sera plus responsable que de sa propre dette fiscale. La responsabilité solidaire des époux deviendra obsolète. Les al. 1 et 2 sont donc abrogés.

La responsabilité solidaire des époux est aussi supprimée pour la part correspondant au revenu des enfants.

Toutefois, les enfants mineurs demeureront solidairement responsables avec le contribuable détenteur de l'autorité parentale pour la part de dette fiscale correspondant à leurs éléments imposables (al. 3, let. a).

Art. 14, al. 2 et 4 Selon le droit en vigueur, un couple marié ne peut être imposé d'après la dépense que si les deux partenaires remplissent les conditions visées à l'art. 14, al. 1.

Avec l'imposition individuelle, chaque personne est imposée seule. Il en résulte qu'à l'avenir, un conjoint pourra être imposé d'après la dépense, tandis que l'autre sera imposé selon les modalités ordinaires s'il ne remplit pas les conditions. L'al. 2 est par conséquent abrogé.

L'al. 4 a été modifié pour renvoyer au barème unique visé à l'art. 36, al. 1, P-LIFD et à la déduction sur le montant de l'impôt prévue à l'art. 36, al. 2, P-LIFD, dissociée du barème pour les personnes mariées dans le projet de loi. Cela signifie que l'impôt sera calculé selon le nouveau barème unique et que la déduction sur le montant de l'impôt pour chaque enfant mineur ou chaque enfant majeur faisant un apprentissage ou des études et pour chaque personne nécessiteuse avec lesquels le contribuable fait ménage commun continuera de ne pas s'appliquer.

Art. 23, let. f Les contributions d'entretien que touche l'un des membres d'un couple non marié pour ses enfants mineurs ne seront plus imposables que si les
parents qui exercent conjointement l'autorité parentale ne font pas ménage commun. Les couples mariés ne seront pas non plus tenus de déclarer ce type de contributions d'entretien pour les enfants versées entre conjoints. Il faut donc aussi revoir la déduction des contributions d'entretien. Voir à ce propos le commentaire de l'art. 33, al. 1, let. c, P-LIFD.

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Art. 33, al. 1, let. c, g, h et hbis, al. 1bis, let. b et c, et 2 et 3 L'al. 1, let. c, modifie la règle relative à la déduction des contributions d'entretien pour les enfants mineurs. En concordance avec l'art. 23, let. f, P-LIFD, dans les couples non mariés dont les parties exercent conjointement l'autorité parentale et font ménage commun, la personne qui verse les contributions d'entretien pour les enfants mineurs ne pourra plus les déduire de son revenu. Ces couples sont dans une situation analogue à celle des époux ayant des enfants communs, qui ne peuvent pas non plus déduire les contributions d'entretien pour les enfants. Si dans un couple non marié qui fait ménage commun, un seul des partenaires exerce l'autorité parentale sur les enfants communs, la règle en vigueur pour l'imposition des contributions d'entretien continuera de s'appliquer: le bénéficiaire devra déclarer les contributions d'entretien qu'il reçoit pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, tandis que le parent qui les verse pourra les déduire en totalité.

L'al. 1, let. g, modifié (déduction pour versements aux assurances et intérêts des capitaux d'épargne) ne distingue plus les époux faisant ménage commun des autres contribuables. Tout contribuable pourra déduire ses versements, cotisations et primes d'assurances-vie, d'assurances-maladie, d'assurances-accidents n'entrant pas dans le champ d'application de la let. f, ainsi que ses intérêts des capitaux d'épargne jusqu'à concurrence d'un montant global de 1800 francs. Les déductions pour primes d'assurance concernant les personnes à l'entretien desquelles le contribuable survient sont à présent réglées uniquement à l'al. 1bis, let. b et c.

Al. 1, let. h et hbis: conformément au droit en vigueur, le contribuable peut déduire ses frais de maladie, d'accident et d'invalidité de même que ceux des personnes à l'entretien desquelles il survient. Ces dernières incluent d'une part les enfants pour lesquels le contribuable peut faire valoir une déduction pour enfants, et d'autre part, conformément à la circulaire no 11 de l'AFC40, toute personne nécessiteuse, à l'entretien de laquelle le contribuable subvient effectivement. Sont réputées nécessiteuses les personnes qui remplissent les conditions de la déduction pour personne à charge visée à l'art. 35, al. 1, let. b,
LIFD (let. c, P-LIFD), c'est-à-dire les personnes totalement ou partiellement incapables d'exercer une activité lucrative. La personne à charge (il peut s'agir du conjoint ou du partenaire non marié) doit être incapable d'assurer seule son entretien temporairement ou durablement pour des raisons objectives. Cette condition est remplie lorsqu'une personne, indépendamment de sa volonté, n'est pas, ou n'est que partiellement, en mesure d'exercer une activité lucrative.

La loi modifiée mentionne explicitement la pratique en vigueur en clarifiant que les personnes à l'entretien desquelles le contribuable subvient au sens des let. h et hbis sont des personnes totalement ou partiellement incapables d'exercer une activité lucrative, pour lesquelles le contribuable peut faire valoir une déduction pour personne à charge.

La let. h reprend en outre la pratique en vigueur selon laquelle les frais provoqués par la maladie et les accidents peuvent être déduits dans la mesure où ils dépassent 5 % des revenus imposables diminués des dépenses prévues aux art. 26 à 32 et des autres 40

Circulaire no 11 de l'AFC, www.estv.admin.ch > Impôt fédéral direct > Circulaires > Questionnaire médical.

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déductions prévues à l'art. 33. Cette formulation permet d'exclure les frais visés à la let. h, évitant ainsi un raisonnement circulaire.

Selon la circulaire no 11 de l'AFC, le contribuable ne peut déduire les frais liés au handicap d'une personne à sa charge qu'à condition qu'ils soient supérieurs au montant de la déduction pour personne à charge. Cette clause est, elle aussi, ajoutée au texte de loi.

Seuls les frais effectifs de ces personnes à charge sont déductibles. En revanche, les personnes divorcées ou séparées pour lesquelles le contribuable fait valoir la déduction de la pension alimentaire visée à l'art. 33, al. 1, let. c, LIFD ne sont pas réputées à sa charge. En effet, dans un tel cas, l'assistance apportée est déjà couverte par les aliments versés, qui sont déductibles. Ces éléments vaudront aussi dans le cadre de l'imposition individuelle.

En outre, aux let. h et hbis visées, la condition inscrite dans le droit en vigueur selon laquelle les frais ne sont déductibles que si le contribuable les supporte lui-même, est supprimée. Cette mention, qui n'est pas prévue pour les autres déductions générales (par ex. art. 33, al. 1, let. g et j), est inutile, puisqu'il est évident que seuls les frais effectivement supportés par le contribuable sont déductibles. Sont réputés tels, aux let. h et hbis, les frais dont le contribuable doit s'acquitter après déduction de toutes les prestations fournies par les assurances et institutions publiques, professionnelles ou privées (AVS, AI, SUVA, assurance militaire, assurance-maladie, assurance RC, assurance-accidents privée, oeuvres d'entraide et fondations, etc.).

Selon la circulaire no 30 de l'AFC, pour les contribuables qui ont des enfants mineurs ou majeurs qui suivent une formation, la déduction pour les primes d'assurance et les intérêts des capitaux d'épargne en faveur des enfants est en principe déjà liée à la déduction pour enfants. Cette attribution de la déduction pour les assurances des enfants doit est précisée explicitement à l'al. 1bis, let. b, de la loi. Cela signifie que la déduction pour assurances continuera d'être attribuée par moitié aux parents lorsque la déduction pour enfants est elle aussi répartie à parts égales entre eux. Dans le texte modifié, la déduction pour primes d'assurance pour les personnes nécessiteuses à l'entretien
desquelles le contribuable subvient est réglée à l'al. 1bis, let. c.

La déduction pour double revenu prévue à l'al. 2 actuellement est une mesure relevant de l'imposition commune, qui considère le mariage comme une communauté économique41. Avec l'introduction de l'imposition individuelle et du barème unique, il est possible de renoncer à cette déduction.

L'al. 3 règle la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers. Le projet rattache cette déduction à l'autorité parentale. Les contribuables qui ne détiennent pas l'autorité parentale ne pourront faire valoir aucune déduction pour frais de garde des enfants par des tiers. Le but est d'établir une certaine homogénéité avec d'autres déductions pour enfants, qui dépendent elles aussi de l'autorité parentale. Les autres conditions resteront inchangées.

41

Voir à ce sujet le message du 21 mars 2018 relatif à la modification de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (Imposition équilibrée des couples et de la famille), FF 2018 2173.

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Comme pour toutes les déductions concernant les enfants, la question de la répartition de la déduction entre les parents se pose ici aussi. Les dispositions correspondantes sont réparties entre trois lettres: La let. a fixe le principe: aura droit à la déduction, pour le montant total, le contribuable qui fait ménage commun avec l'enfant dont la garde est confiée à des tiers et qui détient l'autorité parentale (exclusive ou conjointe). Cette réglementation vise surtout les parents (séparés, divorcés, non mariés) qui ne vivent pas ensemble. Dans ces cas, sera concerné généralement le parent qui reçoit les contributions d'entretien pour l'enfant conformément à l'art. 23, let. f, LIFD. Néanmoins, la réglementation pourra aussi s'appliquer, par exemple, aux parents mariés ou aux couples non mariés qui vivent ensemble lorsqu'un seul des deux parents détient l'autorité parentale.

Lorsque les deux parents font ménage commun avec l'enfant placé sous leur autorité parentale conjointe, une répartition de la déduction est prévue. C'est pourquoi, selon les dispositions de la let. b, les personnes mariées comme les personnes non mariées détenant l'autorité parentale de manière conjointe seront soumises à la réglementation prévue actuellement pour les couples non mariés dans la circulaire no 30 de l'AFC: chacun des parents pourra déduire, au maximum, la moitié du montant de la déduction au titre des frais prouvés de garde des enfants par des tiers (12 750 francs). Peu importera, en l'occurrence, le nom auquel est libellée la facture pour garde des enfants, et qui l'a payée.

Enfin, la let. c prévoit que cette réglementation s'applique en principe aussi aux parents séparés qui se partagent l'autorité parentale et la garde des enfants (garde alternée). Si, en cas de garde alternée, un seul des parents a des frais de garde par des tiers, ce parent pourra, comme le parent qui détient seul l'autorité parentale, faire valoir la déduction jusqu'à concurrence du plafond fixé. Cela pourra être le cas lorsqu'un seul des parents exerce une activité lucrative pendant son tour de garde et remplit dès lors les conditions de la déduction. La répartition de la déduction par moitié n'est pas appropriée dans ce cas de figure.

Demander une autre répartition entre les parents ne sera pas possible quelle que soit la situation,
principalement pour des raisons d'économie administrative (selon la circulaire no 30 de l'AFC, les parents non mariés peuvent actuellement demander une répartition différente).

Art. 35, al. 1 Le projet règle la déduction pour enfants dans deux lettres distinctes: la let. a pour les enfants mineurs et la let. b pour les enfants majeurs en formation.

Let. a La déduction annuelle par enfant mineur sera relevée de 6700 francs à 12 000 francs.

En outre, dans le cas des enfants mineurs, le droit à bénéficier de la déduction sera lié à l'exercice de l'autorité parentale. Le but à cet égard est d'harmoniser les déductions concernant les enfants (déduction pour les assurances des enfants, déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers, déduction sur le montant de l'impôt) en subordonnant l'accès à celles-ci à l'exercice de l'autorité parentale, parmi d'autres conditions.

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Dans le cadre de l'introduction de l'imposition individuelle, il convient en outre de régler la répartition de la déduction entre les parents mariés, qui étaient jusqu'à présent soumis à une imposition commune. À l'instar de ce qui prévaut pour les autres déductions concernant les enfants, la réglementation suivante, en vigueur pour les couples non mariés, devra également s'appliquer ici: La déduction pour enfants sera répartie par moitié entre les parents s'ils exercent l'autorité parentale de manière conjointe et qu'ils ne demandent pas la déduction d'une contribution d'entretien pour l'enfant selon l'art. 33, al. 1, let. c (voir la circulaire no 30 de l'AFC pour le droit en vigueur).

Let. b S'agissant des enfants majeurs faisant un apprentissage ou des études, celui des parents qui verse les contributions d'entretien pourra faire valoir son droit à la déduction de 12 000 francs. Lorsque les deux parents assurent conjointement l'entretien de l'enfant, chaque parent pourra faire valoir la moitié de la déduction. La solution proposée par le Conseil fédéral dans le cadre de la consultation, selon laquelle le parent dont les prestations financières sont le plus élevées pourrait revendiquer la déduction pour enfants, tandis que l'autre ferait valoir la déduction pour personne à charge, pour autant que ses prestations atteignent au moins le montant de cette déduction, a essuyé certaines critiques. Une telle solution nécessiterait une coordination entre les dossiers fiscaux des deux parents dans le cadre de la procédure, ce qui compliquerait l'exécution.

Une circulaire sur l'imposition individuelle devra déterminer les critères qui devront être remplis pour que l'on considère qu'un parent assure effectivement l'entretien de l'enfant. Les prestations en nature seront prises en compte dans le calcul.

La let. c modifie la règle applicable à la déduction pour personne à charge.

Sur le plan terminologique, l'expression «chaque personne totalement ou partiellement incapable d'exercer une activité lucrative» est remplacée par «chaque personne nécessiteuse». Cette modification ne change rien sur le plan matériel. Selon le droit en vigueur, le besoin d'assistance conditionne déjà l'octroi de la déduction. Elle n'est pas accordée si la personne incapable d'exercer une activité lucrative dispose d'un revenu
ou d'une fortune suffisants.

Le droit en vigueur ne prévoit pas de déduction pour personne à charge pour le conjoint. Selon la doctrine, cela tient à ce que l'assistance mutuelle est déjà prise en compte dans le barème des couples mariés et de la déduction pour couple marié42.

Étant donné que sous le régime de l'imposition individuelle, les revenus des deux époux sont établis séparément, il est logique que les prestations d'assistance soient fiscalement prises en considération. La déduction pour personne à charge étant possible entre personnes indépendantes, il faut qu'elle soit possible entre époux, par respect du principe de la neutralité de l'état civil.

42

Baumgartner, Ivo P., Eichenberger, Olivier (2022) dans Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer (DBG), Zweifel, M., Beusch, M. (éd.), n. 31 ad art. 35 LIFD. Voir aussi Locher, P. (2019), Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, Partie 1, 2e éd., n. 51 ad art. 35, al. 1, let. b, LIFD.

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Son octroi sera cependant lié à certaines conditions, comme c'est le cas actuellement entre personnes non mariées. Ici pas plus qu'ailleurs, la simple absence d'activité lucrative ne suffira pas pour justifier un besoin d'assistance. Des raisons supplémentaires devront expliquer le besoin d'assistance. Ainsi, ici aussi, les conditions générales s'appliqueront pour pouvoir faire valoir la déduction pour personne à charge: la personne à charge ne peut provisoirement ou durablement pas subvenir elle-même à ses besoins pour des raisons objectives. Cette condition est remplie lorsqu'une personne, indépendamment de sa volonté, n'est pas, ou n'est que partiellement, en mesure d'exercer une activité lucrative. Le besoin d'assistance n'est en revanche pas avéré si la personne à charge renonce librement, sans raison impérieuse, à réaliser un revenu suffisant. De plus, les prestations d'entretien doivent être fournies gratuitement, c'est-à-dire sans contre-prestation. Si le bénéficiaire de la prestation fournit des prestations économiquement mesurables en compensation des prestations d'entretien (telles que l'entretien du ménage), les conditions d'une contribution d'entretien au sens de la let. c ne sont pas réunies, ce qui signifie que la déduction est exclue (circulaire no 30 de l'AFC).

Par contre, la déduction pour personne à charge restera exclue pour les enfants mineurs pour lesquels le parent peut faire valoir la déduction pour enfants visée à la let. a ou b ou déduire des contributions d'entretien (selon l'art. 33, al. 1, let. c, LIFD).

En outre, la déduction pour personne à charge restera exclue pour les conjoints divorcés ou séparés lorsque le contribuable peut déduire une pension alimentaire (en vertu de l'art. 33, al. 1, let. c, LIFD). Dans de tels cas, un éventuel besoin d'assistance devrait être suffisamment couvert par la pension alimentaire.

L'al. 1, let. c, de la loi en vigueur règle la déduction pour couples mariés. Il s'agit d'une mesure s'appliquant au barème et visant, dans le cadre de l'imposition commune, à atténuer le désavantage fiscal que subissent les couples mariés par rapport aux couples non mariés. Avec l'introduction de l'imposition individuelle, cette déduction devient obsolète.

Art. 36 À l'avenir, un barème unique, applicable à tous les contribuables indépendamment de leur
état civil, viendra remplacer le barème multiple du droit en vigueur. Dans ce contexte, le barème de l'al. 1 sera réaménagé (voir ch. 6.2.3).

Le barème des couples mariés de l'al. 2 sera abrogé lors de l'introduction de l'imposition individuelle.

Dans la réforme proposée par le Conseil fédéral, le barème parental de l'al. 2bis actuel, qui est composé du barème des couples mariés et de la déduction pour enfants sur le montant de l'impôt, devient obsolète. Cependant, la déduction de 259 francs par enfant et par année sur le montant de l'impôt, actuellement comprise dans le barème parental, sera maintenue. Dans le projet de loi, elle est réglée à l'al. 2. Comme elle sera à l'avenir dissociée du barème, il devient possible de la répartir entre les parents.

Dans le droit en vigueur, le barème parental ­ et la déduction sur le montant de l'impôt ­ n'est attribué qu'à un seul parent.

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La déduction sur le montant de l'impôt continuera d'être accordée pour les enfants et les personnes nécessiteuses. Le projet scinde la disposition en deux lettres. Conformément à la let. a, la déduction sera accordée d'une part à des personnes qui font ménage commun avec des enfants mineurs ou des enfants majeurs en formation pour lesquels elles peuvent faire valoir une déduction pour enfants au sens de l'art. 35, al. 1, let. a ou b. L'attribution de la déduction aux parents suivra celle de la déduction pour enfants (voir l'art. 35, al. 1, let. a et b, P-LIFD). Cela signifie que la déduction sur le montant de l'impôt sera répartie par moitié entre les parents si la déduction pour enfants l'est aussi.

Conformément à la let. b, la déduction sur le montant de l'impôt sera accordée d'autre part aux personnes qui vivent avec des personnes nécessiteuses et pour lesquelles elles ont le droit de faire valoir une déduction pour personne à charge selon l'art. 35, al. 1, let. c.

Art. 37b, al. 1, 3e phrase À l'al. 1 des dispositions relatives aux bénéfices de liquidation, une adaptation est apportée concernant le barème unique: la référence renvoie désormais au «barème» et non plus aux «barèmes» de l'art. 36.

Art. 38, al. 2 L'al. 2 des dispositions relatives aux prestations en capital provenant de la prévoyance est également adapté pour tenir compte de l'introduction du barème unique: la référence renvoie désormais au «barème» et non plus aux «barèmes» de l'art. 36.

Art. 39, al. 1 Selon le droit en vigueur, les effets de la progression à froid doivent être compensés intégralement par une adaptation équivalente du barème et des déductions en francs opérées sur le revenu. Comme la déduction sur le montant de l'impôt est dissociée du barème dans le cadre de l'imposition individuelle, il convient de mentionner cette déduction à l'al. 1 parmi les éléments faisant l'objet d'une adaptation. Autrement, on ne saurait au juste si cette déduction peut être compensée en cas de renchérissement.

Contrairement aux déductions effectuées sur l'assiette fiscale, le montant compensé pour la déduction opérée sur le montant de l'impôt est généralement inférieur à dix francs. C'est pourquoi la déduction opérée sur le montant de l'impôt doit être exclue de l'arrondissement à la centaine de francs supérieure ou inférieure et
arrondie non pas au franc supérieur ou inférieur comme c'est le cas actuellement mais à la dizaine de francs supérieure ou inférieure.

Art. 42 Cette disposition traite de la taxation en cas de mariage et de dissolution du mariage dans le cadre de l'imposition commune. En cas d'imposition individuelle, elle est sans objet et doit être abrogée.

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Art. 85, al. 1 à 3 L'al. 1 est uniquement modifié en un point pour tenir compte du barème unique appliqué aux personnes physiques: «barème de l'impôt» remplace ainsi «barèmes de l'impôt».

L'al. 2 prescrit les déductions à prendre en compte dans les barèmes de l'impôt à la source. Cette disposition subit une légère reformulation et renvoie expressément aux charges de famille à prendre en compte (déduction pour enfants mineurs et déduction pour enfants majeurs en formation). Le seul point modifié par rapport au droit en vigueur est le suivant: l'impôt à la source ne prévoira plus non plus de déduction pour couples mariés (voir à ce propos le commentaire de l'art. 35, al. 1, let. c, P-LIFD).

S'agissant des déductions pour enfants, certaines règles schématiques pourraient se révéler nécessaires. En effet, on ne peut pas raisonnablement attendre des employeurs qu'ils vérifient la situation de chacun au moment de prélever l'impôt à la source. Il devrait notamment leur être impossible de vérifier s'il y a versement de contributions d'entretien entre les parents. Il faudra, comme c'est déjà le cas, régler les détails par voie d'ordonnance ou de circulaire.

Al. 3: L'instauration de l'imposition individuelle permettra d'abroger la disposition en vigueur pour les personnes mariées.

Art. 89, al. 3 Les personnes imposées à la source sont soumises à une TOU si leurs revenus bruts atteignent ou dépassent un certain montant durant une année fiscale ou si elles disposent de revenus qui ne sont pas soumis à l'impôt à la source (art. 89, al. 1, let. a et b, LIFD). Selon le droit en vigueur, les conjoints des personnes soumises à une TOU qui font ménage commun avec elles sont aussi soumis à la TOU (art. 89, al. 3, LIFD).

L'instauration de l'imposition individuelle entraîne logiquement l'abrogation de l'art. 89, al. 3.

Art. 89a, al. 2 et 3 Avec l'introduction de l'imposition individuelle, la demande de taxation ordinaire ultérieure ne s'étendra plus au conjoint. L'al. 2 est donc abrogé.

Cette abrogation entraîne une petite modification qui concerne uniquement le texte allemand («Er» est remplacé par «Der Antrag»).

Art. 99a, al. 1, let. a Les non-résidents (en particulier les frontaliers) peuvent actuellement demander chaque année une TOU, pour autant que la condition suivante, entre autres, soit remplie: une
part prépondérante de leurs revenus mondiaux, y compris les revenus de leur conjoint, est imposable en Suisse.

Dans le cadre de l'imposition individuelle, les revenus du conjoint ne seront plus pris en compte. Toute personne devra remplir elle-même, et pour ses propres revenus uniquement, les conditions fixées à l'art. 99a, al. 1, LIFD.

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Art. 113 L'introduction de l'imposition individuelle permet de supprimer l'article concernant la situation des époux dans la procédure ainsi que le titre «Chapitre 2 Situation des époux dans la procédure» qui précède cette disposition. De ce fait, les conjoints devront assumer individuellement les droits et obligations liés à la procédure au même titre que les autres contribuables. Toute personne devra signer elle-même sa propre déclaration d'impôt et décider elle-même si elle entend former recours. Un tel recours n'impliquera du reste qu'elle-même. Les communications des autorités fiscales devront s'adresser individuellement à chaque personne.

Art. 114, al. 1 En cas d'introduction de l'imposition individuelle, les époux auront seulement le droit de consulter les pièces du dossier qu'ils ont eux-mêmes produites ou signées, à l'instar des partenaires non mariés. C'est pourquoi le droit de consultation réciproque des époux peut être supprimé.

Art. 117, al. 3 et 4 L'introduction de l'imposition individuelle permet d'abroger les dispositions concernant la notification aux époux de décisions, communications, dossiers, etc. Toutes les communications des autorités fiscales aux époux devront être transmises séparément, comme cela est déjà le cas pour les contribuables séparés ou divorcés et pour les couples non mariés.

Art. 180 Du fait que, dans le cadre de l'imposition individuelle, les époux sont fondamentalement traités comme les autres contribuables, l'art. 180 n'est plus nécessaire et peut donc être abrogé.

Art. 205g, al. 1 et 2 L'al. 1 précise que l'ancien droit (imposition commune) restera applicable, à titre transitoire, aux périodes fiscales qui précéderont l'entrée en vigueur de l'imposition individuelle. Cela signifie par exemple que pour ces périodes fiscales, le droit de consultation réciproque des dossiers et la responsabilité solidaire des époux resteront applicables.

Selon toute vraisemblance, les débats parlementaires sur le projet d'imposition individuelle et la période transitoire allant du vote final jusqu'à l'entrée en vigueur du projet s'étireront sur plusieurs années. Pendant ce temps, la compensation des effets de la progression à froid se poursuivra selon le droit en vigueur. Les nouveaux barèmes et le montant des déductions liées à l'imposition individuelle se baseront,
quant à eux, sur le message du Conseil fédéral et sur d'éventuelles adaptations par le Parlement. Entre le vote final et l'entrée en vigueur du projet, à défaut de réglementations supplémentaires, aucune compensation des effets de la progression à froid n'aura lieu dans le texte adopté. Par conséquent, il est possible que, en cas d'inflation suffisam74 / 108

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ment élevée, les rapports de charge du projet, bien qu'équilibrés par rapport au statu quo lors des débats parlementaires, se retrouvent obsolètes au moment de l'entrée en vigueur du projet. Afin d'éviter une telle hausse d'impôt cachée, l'al. 2 contient une disposition transitoire concernant la compensation des effets de la progression à froid au moment de l'entrée en vigueur. Cette compensation est imposée par l'art. 39. L'élément déterminant sera l'évolution de l'indice des prix à la consommation entre le 30 juin précédant le vote final et le 30 juin de l'année précédant l'entrée en vigueur de la loi fédérale. C'est le renchérissement observé pendant cette période qu'il faudra compenser.

Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes Art. 3, al. 3 à 4 Voir les explications relatives aux art. 8a, 9 et 9a P-LIFD.

Art. 6, al. 2 Voir les explications relatives à l'art. 14 P-LIFD.

Art. 7, al. 4, let. g Voir les explications relatives à l'art. 23, let. f, P-LIFD.

Art. 9, al. 2, let. c, g, h, hbis et k Voir les explications relatives aux art. 33, al. 1, let. c, g, h et hbis, et 33, al. 2, P-LIFD.

Art. 11, al. 1 L'al. 1 de la loi en vigueur prescrit aux cantons que l'impôt des personnes mariées faisant ménage commun doit être réduit de manière appropriée par rapport à celui des personnes vivant seules.

Cette disposition n'est pas nécessaire en cas d'imposition individuelle, puisque chaque personne est alors imposée pour elle-même. La disposition doit donc être abrogée. Il incombera aux cantons de décider de manière autonome comment ils entendent traiter les différentes catégories de contribuables, dans le cadre du principe constitutionnel d'imposition selon la capacité économique.

Art. 18 Voir les explications relatives à l'art. 42 P-LIFD.

Art. 33, al. 1 à 3 L'al. 1 doit uniquement être modifié en un point pour tenir compte du barème unique applicable aux personnes physiques: «barème de l'impôt» remplace ainsi «barèmes de l'impôt».

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Concernant les al. 2 et 3, voir les explications relatives à l'art. 85, al. 2 et 3, P-LIFD.

Art. 33a, al. 3 Voir les explications relatives à l'art. 89, al. 3, P-LIFD.

Art. 33b, al. 2 et 3 Voir les explications relatives à l'art. 89a, al. 2 et 3, P-LIFD.

Art. 35a, al. 1, let. a Voir les explications relatives à l'art. 99a, al. 1, let. a, P-LIFD.

Art. 36a, al. 2 La correction déterminante pour le taux d'imposition prévue dans le cadre de l'impôt à la source pour les couples mariés à deux revenus n'est plus nécessaire en cas d'imposition individuelle et peut donc être abrogée.

Art. 40 Voir les explications relatives à l'art. 113 P-LIFD.

Art. 57, al. 4 Voir les explications relatives à l'art. 180 P-LIFD.

Art. 78h Voir les explications relatives à l'art. 205g, al. 1, P-LIFD.

6.7

Conséquences

6.7.1

Base de données

6.7.1.1

Statistique de l'impôt fédéral direct

Toutes les estimations quantitatives relatives aux conséquences reposent sur les données de la statistique de l'impôt fédéral direct de 2020. Les conséquences financières estimées pour 2024 ont été extrapolées à partir de ces données sur la base des recettes escomptées de l'impôt fédéral direct des personnes physiques en 2024.

L'ensemble de données utilisé contient toutes les personnes assujetties à l'impôt fédéral direct. Il ne contient toutefois que des informations ponctuelles, notamment l'état civil, le revenu imposable, le montant de l'impôt, le nombre de déductions pour enfants, la déduction pour primes d'assurance et la déduction pour double revenu.

Aucune information ne s'y trouve concernant les autres éléments de la déclaration d'impôt. Ces données ne suffisent donc pas à estimer de manière fiable, sur le plan 76 / 108

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quantitatif, les effets de l'imposition individuelle. À cet effet, il faudrait notamment des informations sur la répartition des revenus entre les deux conjoints. Plus la répartition au sein des couples mariés est homogène, plus les baisses de recettes seront importantes et plus il sera nécessaire d'adapter le barème si la diminution des recettes de l'impôt fédéral direct doit être limitée (à environ 1 milliard de francs).

Pour effectuer une estimation quantitative, il faut donc répartir les revenus des couples mariés entre les époux. Cette répartition est estimée à l'aide de la base de données WiSiER, qui contient des informations détaillées concernant les impôts cantonaux sur le revenu pour 2015. Les données WiSiER ne permettent toutefois pas non plus d'attribuer clairement tous les éléments de revenu (voir ch. 2.1), ce qui fait que les estimations relatives à la répartition des revenus entre les conjoints et, partant, toutes les estimations quantitatives sont entachées d'incertitudes considérables. L'Office fédéral des assurances sociales ne met pas à jour les données WiSiER. Ces données ne constituent pas la principale source sur laquelle se fondent les estimations, mais fournissent un complément aux informations de la statistique fiscale fédérale concernant la répartition des revenus entre les époux. Au fil de l'avancement du projet, il faudra néanmoins se demander combien de temps l'utilisation de données datant de 2015 aura encore un sens.

La statistique de l'impôt fédéral direct présente d'autres lacunes qui empêchent de tenir compte de tous les éléments de la réforme dans les estimations. Par exemple, il n'est pas possible de distinguer, dans la statistique, les déductions visées à l'art. 35, al. 1, let. a, LIFD (pour chaque enfant mineur ou majeur faisant un apprentissage ou des études), de celles prévues à l'art. 35, al. 1, let. b, LIFD (pour chaque personne totalement ou partiellement incapable d'exercer une activité lucrative). Le projet de réforme prévoit cependant de relever la déduction de 6700 à 12 000 francs dans le premier cas, et de laisser la déduction à 6700 francs dans le second. Faute de trouver les informations nécessaires dans les données, toutes ces déductions ont été relevées à 12 000 francs pour l'estimation quantitative. Cette incertitude entraîne une légère
surestimation de la diminution des recettes qui résultera de la réforme.

Certaines informations contenues dans la base de données sont imprécises. Par exemple, pour certains cantons, la variable correspondant aux déductions pour enfants figure exclusivement en nombres entiers: lorsque des déductions pour enfants sont partagées (par ex. au sein de couples non mariés avec enfants), cette situation peut donner lieu à des demi-déductions pour enfants, qui ne sont toutefois pas reproduites dans l'ensemble de données. C'est pourquoi l'estimation des effets du relèvement de la déduction pour enfants est tout particulièrement entachée d'incertitudes. À partir de 2024, les données fournies aux fins de la péréquation financière nationale, qui servent aussi pour la statistique fiscale fédérale, intégreront les demi-déductions pour enfants dans tous les cantons. Ce changement pourrait entraîner certaines évolutions des effets escomptés sur les rapports entre les charges fiscales lors de prochaines mises à jour dans le cadre du projet.

Enfin, la statistique de l'impôt fédéral direct ne comporte aucune information sur la composition des ménages. Compte tenu de ces lacunes dans l'ensemble de données, la présentation des effets financiers sur les divers types de contribuables (voir ch. 6.7.4.3) ne permet pas, par exemple, de distinguer entre les couples non mariés et

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les autres personnes non mariées (personnes seules ou enfants majeurs habitant encore chez leurs parents, par ex.).

6.7.1.2

Cas normaux vs cas particuliers

Pour près de 90 % des contribuables, le revenu imposable correspond au revenu déterminant pour le taux («cas normaux»). Pour les quelque 10 % restants, le revenu déterminant pour le taux est différent du revenu imposable («cas particuliers»). Ce cas de figure se présente lorsque la durée de l'assujettissement est inférieure à un an (pour cause de déménagement ou de décès) ou dans le cadre d'une relation fiscale internationale (maison de vacances à l'étranger, par ex.). Pour certains cantons, la statistique fiscale fédérale ne montre que le revenu imposable et non le revenu déterminant pour le taux.

L'estimation des effets de la réforme repose exclusivement sur les cas normaux. À partir du résultat obtenu, on procède à une extrapolation forfaitaire pour l'ensemble des contribuables (cas normaux + cas particuliers). La procédure est décrite en détail dans un rapport publié sur le site de l'AFC43.

6.7.2

Conséquences financières

6.7.2.1

Conséquences financières pour la Confédération

Le Conseil fédéral est prêt à assumer, du fait du passage à l'imposition individuelle, des allégements fiscaux, et partant une baisse des recettes, de 1 milliard de francs au total pour l'impôt fédéral direct. À l'heure actuelle, la marge de manoeuvre budgétaire nécessaire ferait défaut. La baisse des recettes ne se produira toutefois que dans plusieurs années étant donné l'horizon de mise en oeuvre vraisemblablement très long du changement de système.

Pour obtenir les conséquences financières prévues, il faudra modifier le barème (voir ch. 6.2.3). Ces effets estimés se rapportent aux chiffres extrapolés pour l'année fiscale 2024. Ils représentent donc les conséquences financières d'une introduction théorique de l'imposition individuelle en 2024. Les conséquences financières ne devraient pas changer considérablement par rapport aux recettes totales de l'impôt fédéral direct. Étant donné que les recettes issues de l'impôt fédéral direct augmenteront très probablement dans les années à venir, les effets financiers estimés de la réforme devraient, eux aussi, croître.

La baisse des recettes estimée à 1 milliard de francs correspond à environ 1,2 % des recettes ordinaires de la Confédération, à 3,5 % des recettes de l'impôt fédéral direct pour les personnes physiques et morales et à 7,3 % des recettes de l'impôt fédéral direct pour les personnes physiques (d'après le budget 2024).

43

Quantitative Schätzungen zu Reformen der direkten Bundessteuer der natürlichen Personen (en allemand), www.estv.admin.ch > L'AFC > Politique fiscale > Conseil en politique fiscale, rapports, documents de travail > Notes et documents de travail en matière de politique fiscale.

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La Confédération perçoit 78,8 % des recettes de l'impôt fédéral direct et les cantons 21,2 % (art. 196 LIFD). Par conséquent, la baisse des recettes est estimée à quelque 800 millions de francs pour la Confédération.

Cette baisse de recettes sera moins élevée si le passage à l'imposition individuelle induit des changements comportementaux conduisant à une hausse du niveau de l'emploi, qui générerait à son tour des rentrées fiscales supplémentaires (voir ch. 6.7.6).

L'ampleur de cet effet des changements de comportement dépendra aussi de la mise en oeuvre concrète de l'imposition individuelle dans les cantons et notamment de leur barème (voir ch. 6.7.5).

6.7.2.2

Conséquences financières pour les cantons

Les cantons supporteront la baisse de 1 milliard de francs des recettes pour l'impôt fédéral direct proportionnellement à leur part aux recettes, qui est de 21,2 %. Ainsi, pour l'impôt fédéral direct, la baisse des recettes des cantons induite par la réforme devrait atteindre un montant estimé à 200 millions de francs (ce montant a également été estimé sur la base des données de l'année fiscale 2020, extrapolées à 2024).

Les conséquences financières pour les cantons et les communes résultant de la mise en oeuvre de l'imposition individuelle dans le droit cantonal dépendront de la forme que prendra la réforme, en particulier de la conception du barème. En raison de l'autonomie des cantons en matière de barème (art. 129, al. 2, Cst.), la Confédération ne peut pas imposer des prescriptions en la matière. Le Conseil fédéral ne peut donc pas se prononcer sur les conséquences financières de la réforme pour les cantons et les communes.

Le passage à l'imposition individuelle modifiera les rapports entre les charges fiscales des différents types de contribuables. Ces changements tendront à être d'autant plus importants que le barème d'un canton sera progressif. Aucun canton ne connaît une imposition complètement proportionnelle; tous les cantons appliquent une imposition au moins indirectement progressive, en fonction du revenu.

C'est pourquoi, dans tous les cantons, l'imposition individuelle induira certaines modifications des rapports entre les charges fiscales. Une mise en oeuvre sans incidence sur les recettes impliquera par conséquent, selon les contribuables, des allégements ou bien des charges supplémentaires. Si l'on veut exclure, pour tous les contribuables, que la réforme de l'imposition individuelle ne se traduise par des charges supplémentaires, la réforme conduira alors inévitablement à une baisse des recettes pour les cantons également. Plus le système de l'impôt sur le revenu utilisé par un canton est progressif, plus ces effets tendront à être marqués. En même temps, il est plus facile, dans un système fiscal plus progressif, de financer les éventuelles baisses de recettes dues à une réforme avec les effets de la progression réelle. En effet, la hausse des revenus réels produira à terme des recettes supplémentaires d'autant plus élevées que le système fiscal est progressif.

La situation
change si le passage à l'imposition individuelle induit des changements comportementaux conduisant à une hausse du niveau de l'emploi, qui généreront à leur tour des recettes fiscales supplémentaires. Compte tenu de ces effets sur l'emploi, 79 / 108

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soit la baisse des recettes est plus faible pour les cantons en cas de réforme sans charges supplémentaires pour les contribuables, soit les charges supplémentaires sont moins élevées pour les contribuables en cas de réforme n'ayant pas d'incidence sur les recettes.

6.7.3

Conséquences sur l'état du personnel et l'informatique

6.7.3.1

Confédération

Comme l'impôt fédéral direct est taxé et perçu par les cantons, les mesures proposées le concernant n'auront pas de conséquences notables sur l'état du personnel de la Confédération ou sur l'informatique.

6.7.3.2

Cantons

L'introduction de l'imposition individuelle entraînera des charges supplémentaires pour les administrations fiscales cantonales, notamment parce que les deux époux devront remettre chacun leur déclaration d'impôt (voir ch. 6.2.10). L'informatisation croissante des procédures fiscales viendra toutefois relativiser ce surcroît de travail.

Les cantons n'ont effectué aucune estimation des conséquences de la réforme sur l'état de leur personnel et sur leur informatique.

6.7.4

Conséquences sur les rapports entre les charges fiscales dans le domaine de l'impôt fédéral direct

6.7.4.1

Généralités

Nous présentons ici, sous forme de graphiques et de tableaux, les changements que le projet devrait apporter à la charge fiscale, et ce selon deux axes. L'analyse présentée au ch. 6.7.4.2 représente les changements susceptibles de survenir dans certaines configurations. Détachée des chiffres de la statistique fiscale fédérale, elle s'appuie exclusivement sur le droit en vigueur avant et après la réforme, sans fournir d'indications sur le nombre de personnes concernées par les différentes configurations.

Les ch. 6.7.4.3 et 6.7.4.4 montrent les effets escomptés par catégorie de personnes et par classe de revenus. Ces analyses indiquent l'alourdissement ou l'allégement moyens de la charge pour chaque groupe. Elles ne permettent pas de déduire de résultats précis pour un cas particulier.

La présentation du statu quo se rapporte au droit en vigueur au 1er janvier 2024. La conception du revenu utilisée pour présenter les conséquences sur la charge fiscale correspond au revenu imposable augmenté de la déduction pour primes d'assurance, de la déduction pour les assurances des enfants et de la déduction pour enfants, ainsi que, pour le statu quo, des déductions pour couples mariés et double revenu pour les 80 / 108

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couples mariés. Le revenu ainsi défini est le revenu net tel qu'il est décrit dans la statistique fiscale fédérale. Il diffère légèrement de la conception du revenu net figurant dans la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct.

Le site de l'AFC fournit des détails supplémentaires sur les estimations présentées, mais aussi les résultats d'estimations complémentaires pour différents degrés d'incidence sur les recettes de la Confédération (réforme sans incidence sur les recettes et réforme avec une diminution des recettes de 0,5 milliard, de 0,75 milliard ou de 1,5 milliard de francs)44.

Les versions de la réforme qui auraient une incidence différente sur les recettes induiraient des rapports similaires entre les charges fiscales des différents types de contribuables (personnes non mariées, couples mariés à revenu unique ou double, rentiers).

Plus la baisse des recettes est importante, plus la charge fiscale est basse en moyenne dans le scénario de la réforme et plus la part des contribuables voyant leur charge fiscale s'alléger grâce à la réforme est grande.

La réalisation des différentes conséquences financières passe par une extension (abaissement, afin de faire baisser davantage les recettes) ou par une contraction (relèvement, afin de limiter la baisse des recettes) du barème. L'extension du barème correspond dans une large mesure à la démarche visant à compenser les conséquences de la progression à froid. La contraction correspond à la démarche inverse (voir ch. 6.2.3).

Une contraction aurait tendance à renforcer l'effet progressif du barème, car la réduction de la baisse des recettes par rapport au milliard de francs prévu dans la version proposée pèserait plus lourd sur les revenus élevés que sur les bas revenus. De même, une extension visant à accentuer la baisse des recettes allégerait davantage la charge des personnes à revenu élevé que celle des personnes à faible revenu.

6.7.4.2

Conséquences sur les rapports entre les charges fiscales dans certaines configurations

La figure 2 et la figure 3 montrent la charge fiscale d'un couple marié sans enfants et celle d'un couple marié avec deux enfants dans le statu quo et dans le scénario de la réforme selon deux répartitions du revenu entre les époux: 60 / 40 dans les graphiques du haut et 90 / 10 dans les graphiques du bas.

Les graphiques montrent que la modification de la charge fiscale dépend de la répartition des revenus entre les époux. Si la répartition des revenus se fait de manière égale (60 / 40), la somme des charges fiscales dans le scénario de réforme peut, dans de nombreux cas, être nettement inférieure que dans la situation actuelle. Outre la répartition des revenus de manière égale, l'abaissement du barème contribue aussi à l'allégement fiscal. Si la répartition des revenus est inégale (90 / 10), on observe une hausse des charges fiscales dans la plupart des cas de figure représentés. La modification du barème limite surtout l'augmentation de la charge pour les revenus faibles ou moyens, 44

www.estv.admin.ch > L'AFC > Politique fiscale > Thèmes de politique fiscale > Imposition du couple et famille > Imposition individuelle.

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mais elle ne permet pas de compenser globalement la charge supplémentaire que le changement de système fait peser sur cette configuration. Chez les couples mariés sans enfants dont les revenus sont répartis à 90 / 10, la charge s'alourdit à partir d'un revenu global d'environ 30 000 francs.

Chez les couples mariés avec enfants, pour la même raison, la charge sera allégée pour une répartition de 60 / 40 et alourdie pour une répartition de 90 / 10. La déduction pour enfants joue par ailleurs un rôle déterminant dans les rapports entre les charges fiscales. Répartie par moitié, elle contribue à l'alourdissement de la charge dans la configuration 90 / 10, car la moitié attribuée au bas revenu ne produira quasiment aucun allégement. Si la déduction pour enfants ne passait pas de 6700 à 12 000 francs, l'alourdissement serait encore plus marqué. Dans les configurations où le revenu est également réparti, les ménages qui profitent du relèvement de la déduction pour enfants sont généralement plus nombreux que ceux qui pâtissent de la réduction de l'allégement qui découle de la répartition de la déduction par moitié entre les époux.

Lorsque le revenu est inégalement réparti, le relèvement de la déduction pour enfants ne compense généralement pas la réduction de l'allégement qui découle de la répartition de la déduction par moitié entre les époux. Chez les couples mariés avec deux enfants dont les revenus sont répartis à 90 / 10, la charge s'alourdit à partir d'un revenu global d'environ 70 000 francs.

82 / 108

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Figure 2

Charge fiscale d'un couple marié sans enfants dans le statu quo et charge fiscale des deux époux dans le scénario de la réforme, pour l'impôt fédéral direct, en fonction du revenu total du couple.

Le graphique du haut correspond à une répartition du revenu de 60 / 40 entre les époux, et celui du bas à une répartition de 90 / 10. Le revenu total se réfère au revenu net tel qu'il est défini dans la statistique fiscale fédérale.

83 / 108

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Figure 3

Charge fiscale d'un couple marié avec deux enfants dans le statu quo et charge fiscale des deux époux dans le scénario de la réforme, pour l'impôt fédéral direct, en fonction du revenu total du couple. Le graphique du haut correspond à une répartition du revenu de 60 / 40 entre les époux, et celui du bas à une répartition de 90 / 10. Le revenu total correspond au revenu net tel qu'il est défini dans la statistique fiscale fédérale.

84 / 108

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Le tableau 1 et le tableau 2 montrent, pour certaines configurations de couples mariés, la charge fiscale dans le statu quo et dans le scénario de réforme telle qu'elle découle de la figure 2 et de la figure 3: Tableau 1 Revenu total

40 000

70 000 100 000 150 000 250 000

40 000

70 000 100 000 150 000 250 000

­

Revenu principal

24 000

42 000

60 000

90 000 150 000

36 000

63 000

­

Revenu secondaire

16 000

28 000

40 000

60 000 100 000

4 000

7 000

10 000

15 000

25 000

60/40

60/40

60/40

60/40

60/40

90/10

90/10

90/10

90/10

90/10

Nombre d'enfants

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Charge fiscale dans le statu quo

0

204

982

3684

15 931

0

312

1198

4116

16 113

Charge fiscale après la réforme

0

195

581

2139

9478

99

508

1692

5562

16 167

Charge fiscale sur le revenu principal

0

151

448

1692

6986

99

508

1692

5562

16 167

Charge fiscale sur le revenu secondaire

0

43

133

448

2 492

0

0

0

0

0

Répartition du revenu

90 000 135 000 225 000

Charge fiscale d'un couple marié sans enfants dans le statu quo et charge fiscale des deux époux dans le scénario de la réforme, pour l'impôt fédéral direct, en fonction du revenu total du couple et de la répartition de ce revenu entre les époux. Le revenu correspond au revenu net tel qu'il est défini dans la statistique fiscale fédérale.

85 / 108

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Tableau 2 Revenu total

40 000

70 000 100 000 150 000 250 000

40 000

70 000 100 000 150 000 250 000

­

Revenu principal

24 000

42 000

60 000

90 000 150 000

36 000

63 000

­

Revenu secondaire

16 000

28 000

40 000

60 000 100 000

4 000

7 000

10 000

15 000

25 000

60/40

60/40

60/40

60/40

60/40

90/10

90/10

90/10

90/10

90/10

Nombre d'enfants

2

2

2

2

2

2

2

2

2

2

Charge fiscale dans le statu quo

0

0

0

2 162

13 489

0

0

166

2 499

13 671

Charge fiscale après la réforme

0

0

0

719

6 752

0

0

719

4 096

14 219

Charge fiscale sur le revenu principal

0

0

0

719

5 521

0

0

719

496

14 219

Charge fiscale sur le revenu secondaire

0

0

0

0

1 230

0

0

0

0

0

Répartition du revenu

90 000 135 000 225 000

Charge fiscale d'un couple marié avec deux enfants dans le statu quo et charge fiscale des deux époux dans le scénario de la réforme, pour l'impôt fédéral direct, en fonction du revenu total du couple et de la répartition de ce revenu entre les époux. Le revenu correspond au revenu net tel qu'il est défini dans la statistique fiscale fédérale.

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La figure 4 montre l'évolution de la charge fiscale pour une personne seule sans enfant (graphique du haut) et avec deux enfants (graphique du bas). Pour les personnes seules sans enfants, la réforme ne modifie la charge fiscale qu'en raison de la modification du barème. Le graphique montre les allégements qui en résultent pour les revenus faibles et moyens. L'augmentation du montant exonéré de base fait que dans le scénario de réforme, le contribuable ne supporte une charge fiscale qu'à partir d'environ 25 400 francs de revenu, contre 20 100 francs dans le statu quo. Pour les revenus plus élevés, la modification du barème se traduit par une légère augmentation de la charge fiscale. Par rapport au revenu, l'allégement est nettement plus important pour les revenus faibles et moyens. L'alourdissement de la charge fiscale sur certains hauts revenus est quant à lui très faible par rapport au revenu (voir la représentation du barème avec l'évolution des taux d'imposition au ch. 6.2.3).

Dans la configuration avec enfants, la modification relativement faible de la charge fiscale s'explique par l'ajustement du montant exonéré et par le relèvement de la déduction pour enfants, qui compensent la disparition des privilèges offerts par le barème en vigueur (voir ch. 2.1 ).

Le projet vise à appliquer le barème uniforme aux célibataires avec enfants comme aux autres contribuables. La disparition de l'avantageux barème des couples mariés, dont ce groupe de personnes bénéficie aussi actuellement, accroîtra la charge fiscale pour ces parents, mais cet accroissement sera atténué par deux facteurs: la diminution des taux d'imposition prévus par le barème pour les revenus faibles et moyens et le relèvement de la déduction pour enfants de 6700 à 12 000 francs. Il en résultera un alourdissement ou un allégement légers selon le niveau de revenu.

Dans la configuration représentée, avec deux enfants, le relèvement de la déduction pour enfants fait que le contribuable est imposé à partir d'un niveau de revenu plus haut ­ à partir d'environ 89 600 francs de revenu au lieu d'environ 82 200 actuellement ­ malgré la disparition des privilèges offerts par le barème en vigueur. Plus une personne non mariée a d'enfants, plus l'allégement apporté par le relèvement de la déduction pour enfants sera important par rapport à la charge supplémentaire causée par la disparition du barème préférentiel.

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Figure 4

Charge fiscale d'une personne seule dans le statu quo et dans le scénario de la réforme, pour l'impôt fédéral direct. Le graphique du haut concerne une personne seule sans enfant, et celui du bas, une personne seule avec deux enfants. Le revenu correspond au revenu net tel qu'il est défini dans la statistique fiscale fédérale.

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Le tableau 3 montre, pour certaines configurations de personnes seules, la charge fiscale qui découle de la figure 4 dans le statu quo et dans le scénario de réforme: Tableau 3 Revenu

40 000

70 000

100 000

150 000

250 000

40 000

70 000

100 000

0

0

0

0

0

2

2

2

2

2

Charge fiscale dans le statu quo

185

930

2 618

7 005

19 448

0

0

612

3 462

15 894

Charge fiscale après la réforme

133

737

2 492

6 986

19 492

0

0

371

4 056

15 596

Nombre d'enfants

150 000 250 000

Charge fiscale d'une personne seule dans le statu quo et dans le scénario de la réforme, pour l'impôt fédéral direct, en fonction de son revenu et du nombre d'enfants.

Le revenu correspond au revenu net tel qu'il est défini dans la statistique fiscale fédérale.

89 / 108

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6.7.4.3

Répartition des effets d'allégement sur différentes catégories de personnes

Le tableau 4 montre la répartition de l'effet d'allégement moyen de la réforme au niveau de l'impôt fédéral direct sur les différentes catégories de contribuables. Il représente les augmentations (+) et les diminutions (­) de la charge de l'impôt fédéral direct en francs, en pourcentage du revenu après impôt et en pourcentage de la charge fiscale avant la réforme. Le revenu après impôt est le revenu diminué uniquement de l'impôt fédéral direct, car le montant des impôts cantonaux sur le revenu n'est pas connu. Le tableau présente en outre, pour chaque catégorie de personnes, la part estimée des personnes qui voient leur charge fiscale augmenter ou diminuer sous l'effet de la réforme. Le total de ces parts n'atteint pas 100 %, puisque, pour une partie de la population, la charge fiscale n'est pas modifiée par la réforme (dans la plupart de ces cas, la charge fiscale est nulle, avant et après la réforme). La représentation se base sur les données individuelles: un couple marié y fait donc l'objet de deux observations. Tous les chiffres correspondent à la moyenne du groupe de personnes représentées. Rapportées aux contribuables individuels, les augmentations et diminutions de la charge fiscale peuvent varier à l'intérieur des groupes représentés en fonction des spécificités de chaque cas (voir ch. 6.7.4.2).

En moyenne, la réforme allège la charge fiscale de toutes les catégories de personnes sauf une: celle des personnes en couple marié à revenu unique avec enfants. Cela tient au fait que l'imposition commune en vigueur profite avant tout aux couples mariés touchant un seul revenu ou un deuxième revenu faible. Dans ce groupe, le passage à l'imposition individuelle et la répartition par moitié de la déduction pour enfants associés à une répartition souvent inégale du revenu entre les époux produiront un alourdissement moyen d'environ 56 francs, soit 0,10 % du revenu après impôt ou 2,9 % de la charge fiscale avant la réforme. L'allégement le plus marqué concerne, en moyenne, les personnes en couple marié à double revenu sans enfants et les rentiers mariés (en francs et en pourcentage du revenu après l'impôt fédéral direct). En effet, les couples mariés dans lesquels la répartition du revenu est équilibrée pâtissent souvent, dans le système en vigueur, de la «pénalisation du mariage».

90 / 108

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Tableau 4 Catégorie de personnes

Nombre de contribuables

Par contribuable, en francs

Part avec...

Augmentation de la charge (+)

Diminution de la charge (­)

en % du revenu disponible

en % de la charge fiscale avant la réforme

Personnes non mariées

2 447 191

­

73

3,9 %

64,7 %

­ 0,15 %

­ 8,0 %

sans enfant

2 133 593

­

82

2,6 %

69,0 %

­ 0,18 %

­ 9,3 %

avec enfants

313 598

­

9

13,1 %

36,0 %

­ 0,01 %

­ 0,8 %

Personnes en couple marié à revenu unique

622 112

­

61

26,4 %

18,4 %

­ 0,12 %

­ 3,2 %

sans enfant

331 076

­ 164

25,4 %

26,4 %

­ 0,35 %

­ 8,4 %

avec enfants Personnes en couple marié à deux revenus sans enfant avec enfants Rentiers non mariés mariés Ensemble des contribuables

291 036

56

27,6 %

9,3 %

0,10 %

2,9 %

1 474 064

­ 165

21,4 %

36,2 %

­ 0,27 %

­ 10,0 %

545 802

­ 223

20,8 %

54,6 %

­ 0,38 %

­ 12,0 %

928 262

­ 131

21,7 %

25,4 %

­ 0,21 %

­

1 627 997

­ 171

6,5 %

63,4 %

­ 0,40 %

­ 17,6 %

777 849

­

2,2 %

75,5 %

­ 0,16 %

­

850 148

­ 263

10,5 %

52,3 %

­ 0,61 %

­ 23,8 %

6 171 364

­ 120

11,1 %

52,9 %

­ 0,24 %

­ 9,9 %

71

8,5 % 8,6 %

Variation de la charge de l'impôt fédéral direct, valeurs agrégées par types de contribuables (catégorie de personnes). Le groupe «Non mariés» comprend les personnes seules, les couples non mariés, les enfants majeurs vivant dans le ménage de leurs parents ou dans des communautés d'habitation (les données ne permettent pas de distinguer ces catégories). On distingue les couples mariés à revenu unique des couples mariés à double revenu par la présence ou l'absence d'une déduction

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pour double revenu. L'indication du nombre de contribuables se rapporte aux individus: chaque couple marié fait donc l'objet de deux observations. Données: WiSiER 2015, statistique fiscale fédérale 2020, extrapolation des effets financiers pour 2024.

92 / 108

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6.7.4.4

Répartition de l'effet d'allégement entre les classes de revenus

Le tableau 5 présente la répartition de l'effet d'allégement entre les différentes classes de revenus. Il répartit les contribuables en dix classes de revenus de sorte qu'environ 10 % des contribuables se trouvent dans chacune d'entre elles. À l'instar du tableau 4, il présente les estimations des augmentations et des diminutions moyennes de la charge fiscale liée à l'impôt fédéral direct (en francs, par rapport au revenu après impôt fédéral direct et par rapport à la charge fiscale avant la réforme) ainsi que les estimations des parts de personnes qui voient leur charge fiscale augmenter ou diminuer. Ici également, les chiffres correspondent à la moyenne au sein de la classe de revenus considérée. La représentation se base sur les données individuelles. Si, dans un couple marié, l'un des époux touche un revenu de 70 000 francs et l'autre un revenu de 30 000 francs, le premier se trouve dans la huitième classe de revenus ([70 %, 80 %)) et le deuxième, dans la quatrième ([30 %, 40 %)). L'estimation de la répartition des revenus à l'aide des données cantonales est décrite au ch. 6.7.1.1.

Le tableau montre qu'il ne résulte globalement de charge supplémentaire dans aucune des classes de revenus. Tant dans la situation actuelle que dans le scénario de la réforme, les personnes des deux classes de revenus les plus basses ne versent pas d'impôt fédéral direct, et ne voient donc pas leurs charges augmenter ou diminuer. Dans la deuxième classe de revenus en partant du bas, on compte de rares exceptions concernant le faible salaire secondaire dans des couples mariés dont la charge fiscale est très faible dans le statu quo et nulle dans le scénario de la réforme. Pris globalement, par groupes, les contribuables des huit autres classes de revenus bénéficient aussi d'un allégement fiscal.

Un changement de système sans adaptation de barème induirait une concentration de l'effet d'allégement dans les classes de revenus supérieures. La répartition plus homogène de l'effet d'allégement est obtenue en adaptant le barème, c'est-à-dire en abaissant les taux d'imposition pour les revenus bas et moyens, ce qui se traduit par une plus forte progression.

Mesuré en francs, l'allégement le plus important concerne le décile de revenus le plus élevé. Par rapport à la charge fiscale d'avant la réforme, ce sont toutefois
les classes de revenus les plus basses (hormis la première) qui bénéficient de l'allégement le plus marqué. Les allégements observés dans les différentes classes de revenus par rapport au revenu après impôts sont déterminants pour l'influence de la réforme sur la répartition des revenus après impôts. En proportion du revenu après impôt fédéral direct, c'est dans les classes de revenus comprises entre 61 300 et 98 100 francs que la charge fiscale diminue le plus. Dans nombre de cas, les classes de revenus inférieures ne paient pas (ou paient peu) d'impôt sur le revenu à la Confédération, c'est pourquoi il n'est guère possible d'obtenir un allégement comparable en termes de revenu.

Dans la majorité des classes de revenus, la part des contribuables qui verront leur charge fiscale baisser est plus grande que celle des contribuables dont la charge fiscale augmentera. La classe des 10 % de revenus les plus faibles, qui ne paie pas l'impôt fédéral direct, constitue une exception. Il en va largement de même de la seconde. De la troisième à l'avant-dernière classe, la proportion de personnes qui voient diminuer 93 / 108

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leur charge fiscale est nettement plus élevée que celle des personnes qui la voient augmenter. Dans la classe des 10 % de revenus les plus élevés, la part des personnes qui subissent une augmentation est à peu près égale à celle des personnes qui bénéficient d'un allégement.

94 / 108

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Tableau 5 Classe de revenus (décile)

Valeurs des déciles (en francs)

Par contribuable, en francs

Part avec...

Augmentation de la charge (+)

Diminution de la charge (­)

en % du revenu disponible

en % de la charge fiscale avant la réforme

[0 %, 10 %)

[0, 3 700]

0

0,0 %

0,0 %

0,00 %

0,0 %

[10 %, 20 %)

(3 700, 13 900]

­

0

0,0 %

0,0 %

­ 0,00 %

­ 100,0 %

[20 %, 30 %)

(13 900, 23 400]

­

9

0,0 %

23,4 %

­ 0,05 %

­ 100,0 %

[30 %, 40 %)

(23 400, 32 900]

­ 32

3,3 %

70,9 %

­ 0,12 %

­

51,3 %

[40 %, 50 %)

(32 900, 42 600]

­ 48

4,4 %

77,3 %

­ 0,13 %

­

34,5 %

[50 %, 60 %)

(42 600, 51 600]

­ 88

6,1 %

78,9 %

­ 0,19 %

­

34,8 %

[60 %, 70 %)

(51 600, 61 300]

­ 151

8,8 %

77,7 %

­ 0,27 %

­

33,8 %

[70 %, 80 %)

(61 300, 74 300]

­ 201

14,4 %

77,4 %

­ 0,30 %

­

28,4 %

[80 %, 90 %)

(74 300, 98 100]

­ 262

23,9 %

73,7 %

­ 0,31 %

­

19,4 %

[90 %, 100 %]

> 98 100

­ 408

49,9 %

50,1 %

­ 0,26 %

­

4,5 %

­120

11,1 %

52,9 %

­ 0,24 %

­

9,9 %

Ensemble des contribuables

Variation de la charge de l'impôt fédéral direct, valeurs agrégées par classes de revenus. Les contribuables sont répartis en classes de revenus sur la base de leur revenu individuel (revenu net selon la définition formulée dans la statistique fiscale fédérale). L'indication du nombre de contribuables se rapporte aux individus: chaque couple marié fait donc l'objet de deux observations. Données: WiSiER 2015, statistique fiscale fédérale 2020, extrapolation des effets financiers pour 2024.

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6.7.5

Conséquences sur les rapports entre les charges fiscales dans le cadre des impôts cantonaux sur le revenu

Compte tenu des différences de contexte entre les cantons et de la marge de manoeuvre dont ces derniers disposent pour fixer les barèmes et les déductions, il est difficile d'anticiper canton par canton les conséquences qu'aura la mise en oeuvre de l'imposition individuelle sur les impôts cantonaux. Suivant la catégorie de personnes et la classe de revenus, il pourra en résulter une hausse ou une baisse de la charge fiscale.

6.7.6

Conséquences sur l'emploi

6.7.6.1

Contexte

Un abaissement de la charge fiscale aura potentiellement une influence positive sur l'emploi, puisqu'il conduit à une hausse du salaire après impôts. L'ampleur de la réaction en termes d'emploi peut être représentée à l'aide de l'«élasticité de l'offre de travail». Concrètement, cette dernière indique la croissance relative de l'emploi, en pour cent, lorsque le salaire après impôts augmente de 1 %. Théoriquement, une baisse d'impôt peut aussi entraîner une réduction de l'emploi pour les personnes exerçant une activité lucrative, puisque, grâce à la baisse de la charge fiscale, il leur faut travailler moins longtemps pour obtenir le même revenu (effet de revenu). Toutefois, selon les estimations empiriques tirées de la littérature, l'effet selon lequel il est plus avantageux de travailler lorsque l'imposition est faible l'emporte généralement (effet de substitution). L'effet d'une réforme sur l'emploi résulte fondamentalement de la modification de la charge fiscale et de l'élasticité de l'emploi par rapport au salaire après impôts. La littérature regorge d'estimations empiriques concernant la hauteur de l'élasticité de l'offre de travail: elles ont en l'occurrence servi de références pour la présentation des effets estimés sur l'emploi. Pour être précis, il faudrait parler de l'influence de la charge fiscale sur l'«offre de travail». Par souci de simplicité, nous parlons, dans le présent rapport, d'«emploi». Une augmentation de l'offre de travail peut être assimilée à une hausse de l'emploi lorsque le marché de l'emploi parvient à absorber (à long terme) l'offre de travail supplémentaire.

Dans la présente réforme, les modifications des charges fiscales découlent d'une part de l'allégement lié à la baisse des recettes d'environ 1 milliard de francs au niveau de l'impôt fédéral direct pour l'année fiscale 2024 et, d'autre part, de la modification des charges fiscales relatives entre les divers groupes de personnes.

L'allégement fiscal est lié à une réduction des taux d'imposition moyens (charge fiscale par rapport au revenu) et des taux d'imposition marginaux (charge fiscale sur le prochain franc gagné). De telles baisses des taux d'imposition rendent plus intéressant l'exercice d'une activité rémunérée.

L'effet sur l'emploi provient en majeure partie du changement de système (passage de l'imposition
commune des couples mariés à l'imposition individuelle). À recettes fiscales égales, l'imposition individuelle entraîne un taux d'imposition marginal plus élevé pour le revenu principal (plus élevé) et un taux d'imposition marginal nettement 96 / 108

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plus faible pour le revenu secondaire (plus bas) par rapport au système de l'imposition commune en vigueur. L'augmentation du taux d'imposition marginal pour le revenu principal est due au fait que l'imposition individuelle prévoit un barème unique, alors que les couples mariés bénéficient d'une réduction tarifaire dans le cadre de l'imposition commune. La baisse du taux d'imposition marginal pour le revenu secondaire s'explique par l'abandon du cumul des deux revenus. Dans le système actuel, le couple atteint, sur la base du revenu principal, un échelon du système de progression pour lequel le taux d'imposition à la marge est plus élevé. Pour le revenu secondaire qui vient s'ajouter, le taux d'imposition marginal supérieur issu du revenu principal s'applique alors.

Cet effet sur les charges fiscales marginales du revenu secondaire existe dans tous les cas, que le couple marié imposé en commun soit soumis à un modèle de splitting ou à un barème séparé. L'imposition individuelle diminue par ailleurs les charges fiscales marginales du revenu secondaire, que les couples mariés voient leur charge fiscale s'alourdir ou s'alléger par rapport à celle des couples non mariés sous le régime de l'imposition commune. Tous les tenants et aboutissants valent uniquement dans un système progressif d'imposition du revenu. Si l'impôt sur le revenu était proportionnel, il n'y aurait pas de différence en termes de charge fiscale entre une imposition commune et une imposition individuelle des époux.

Les études empiriques montrent que le revenu principal ne réagit que faiblement aux modifications de la charge fiscale ou de la charge fiscale marginale (faible élasticité).

Un changement du revenu après impôts modifie donc peu les décisions en matière d'activité lucrative prises par les personnes générant le revenu principal de leur couple. En revanche, les estimations empiriques révèlent que le revenu secondaire présente une sensibilité fiscale, et partant une élasticité, plus élevée. La plupart des revenus secondaires sont générés par des femmes. Des études scientifiques montrent que les réformes fiscales ont un impact particulièrement marqué sur l'emploi des personnes touchant le revenu secondaire et que le passage de l'imposition commune à l'imposition individuelle des couples mariés augmente l'emploi45.

L'estimation
présentée ici se limite aux effets, sur l'emploi, de la réforme dans le domaine de l'impôt fédéral direct. C'est toutefois la mise en oeuvre de l'imposition individuelle dans les cantons qui offre, et de loin, le plus gros potentiel d'effets sur l'emploi, notamment en raison de leur volume fiscal nettement plus important (voir ch. 6.7.6.5).

Deux éléments nous empêchent de quantifier les effets sur l'emploi des mises en oeuvre cantonales: premièrement, on ne sait pas comment les cantons, compétents en la matière, mettront la réforme en oeuvre; deuxièmement, la Confédération ne dispose pas 45

Kaygusuz, Remzi (2010) «Taxes and female labour supply», Review of Economic Dynamics 13: 725­741; Bick, Alexander, et Fuchs-Schündeln, Nicola (2018) «Taxation and labour supply of married couples across countries: A macroeconomic analysis», Review of Economic Studies 85: 1543­1576; Bick, Alexander, Brüggemann, Bettina, Fuchs-Schündeln, Nicola et Paule-Paludkiewicz, Hannah (2019) «Long-term changes in married couples' labour supply and taxes: Evidence from the US and Europe since the 1980s», Journal of International Economics 118: 44- 62; Guner, Nezi, Kaygusuz, Remzi, et Ventura, Gustavo (2012) «Taxation and Household Labour Supply», Review of Economic Studies, 79(3): 1113-1149; Isaac, Elliott (2018) «Suddenly Married: Joint Taxation and the Labor Supply of Same-Sex Married Couples After U.S. v. Windsor», Journal of Human Resources 58(6).

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d'informations relatives aux impôts cantonaux sur le revenu. Il est néanmoins possible de procéder à une extrapolation à partir, notamment, du volume des impôts cantonaux sur le revenu par rapport à l'impôt fédéral direct (voir ch. 6.7.6.5).

6.7.6.2

Hypothèses concernant les estimations

Les principales hypothèses de l'estimation concernent les élasticités de l'offre de travail. Ce paramètre doit être interprété comme suit (à l'aide d'un exemple): si la charge fiscale qui pèse sur le salaire baisse et passe de 20 % à 15 %, le revenu salarial après impôts augmente et passe de 80 % à 85 % du salaire brut. Le salaire après impôts progresse ainsi de 6,25 %. Si l'élasticité de l'offre de travail est de 0,5, cette réduction de la charge fiscale induit une hausse de l'emploi de 3,125 % (6,25×0,5).

Les estimations des effets sur l'emploi reposent sur des études empiriques des élasticités de l'offre de travail publiées par des chercheurs. On trouvera une description détaillée des élasticités supposées de l'offre de travail pour différents types de contribuables au ch. 5.5.2 du rapport explicatif du 2 décembre 2022 concernant la loi fédérale sur l'imposition individuelle46.

6.7.6.3

Modification de la charge fiscale sur le revenu secondaire

Le plus grand potentiel pour obtenir des effets sur l'emploi réside dans la baisse de la charge fiscale sur le revenu secondaire des couples mariés induite par la réforme. Premièrement, ce groupe présente une sensibilité fiscale élevée, et deuxièmement, l'imposition individuelle entraîne une réduction de la charge fiscale pour ce groupe. Selon la statistique relative à l'impôt fédéral direct, on dénombre en Suisse quelque 350 000 couples mariés à revenu unique dont l'un des époux n'exerce pas d'activité lucrative et quelque 840 000 couples mariés à double revenu (statistique relative à l'impôt fédéral direct pour 2020, chiffres extrapolés à partir des cas normaux, voir ch. 6.7.1.2). Dans la majorité des cas, les personnes qui génèrent (ou pourraient générer) un revenu secondaire sont des femmes. Selon l'Enquête suisse sur la population active, 36 % des femmes sans enfant vivant en partenariat qui exercent une activité

46

Trois articles de synthèse ont principalement été utilisés comme sources concernant l'élasticité (Meghir, Costas, Phillips, David (2010): «Labour Supply and Taxes.» Dans: Mirrlees, James, Adam, Stuart, Besley, Timothy, Blundell, Richard, Bond, Stephen, Chote, Robert, Gammie, Malcolm, Johnson, Paul, Myles, Gareth et Poterba, James (éd.), Dimensions of Tax Design: The Mirrlees Review, Oxford University Press; Bargain, Olivier, Orsini, Kristian et Peichl, Andreas (2014) «Comparing Labor Supply Elasticities in Europe and the United States: New Results», The Journal of Human Resources, 49(3): 723-838; Bargain, Olivier et Peichl, Andreas (2016) «Steady-State Labor Supply Elasticities: A Survey», IZA Journal of Labor Economics, 2016, 5(10)), ainsi qu'une estimation pour la Suisse (Gerfin, Michael et Leu, Robert E. (2007) «Evaluating the Cost- Effectiveness of In-Work Benefits», German Economic Review, 8(4): 447­467).

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lucrative et 77 % des femmes avec enfant vivant en partenariat qui exercent une activité lucrative travaillent à temps partiel47.

La Figure 5 présente la charge fiscale marginale du revenu secondaire d'un couple marié en fonction du revenu principal. Elle montre le pourcentage d'impôt fédéral direct qui doit être payé pour un revenu supplémentaire de 5000 francs. Le graphique du haut présente la situation sur la base d'un revenu secondaire de 20 000 francs, tandis que le graphique du bas postule un revenu secondaire de 40 000 francs. Le niveau du revenu principal est reporté en abscisse.

47

Office fédéral de la statistique, Enquête suisse sur la population active (ESPA), données pour 2022. Chiffres concernant la tranche d'âge allant de 25 à 54 ans.

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Figure 5

Charge fiscale marginale en matière d'impôt fédéral direct pour les couples mariés en cas d'augmentation du revenu secondaire, en fonction du revenu principal. La charge fiscale marginale correspond à une augmentation du revenu de 5000 francs. Le graphique du haut présente la situation sur la base d'un revenu secondaire de 20 000 francs et le graphique du bas, sur la base d'un revenu secondaire de 40 000 francs. Exemple: si le revenu principal est de 100 000 francs et que le revenu secondaire s'élève à 40 000 francs, alors la charge fiscale sera d'environ 7,5 % en cas d'augmentation de 5000 francs du revenu secondaire dans le statu quo et d'environ 1,5 % dans le scénario de la réforme.

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L'évolution des courbes s'explique comme suit: ­

Dans le statu quo, la charge fiscale marginale sur le revenu secondaire tend à croître lorsque le revenu principal augmente. Ceci résulte de l'imposition commune, qui considère le couple comme une communauté économique, raison pour laquelle le revenu secondaire est imposé en étant cumulé au revenu principal.

­

Dans le statu quo, la charge fiscale marginale est environ deux fois plus élevée avec un revenu secondaire de 40 000 francs (graphique du bas) qu'avec un revenu secondaire de 20 000 francs (graphique du haut), et ce en raison de la déduction pour double revenu, qui réduit la charge fiscale marginale pour les revenus secondaires faibles. Avec un revenu secondaire de 40 000 francs, la déduction pour double revenu est entièrement consommée puisque le plafond de 13 900 francs est atteint; elle n'augmentera pas en cas de hausse du revenu secondaire.

­

Dans le scénario de la réforme, la courbe est horizontale, ce qui signifie que la charge fiscale marginale sur le revenu secondaire ne dépend pas du montant du revenu principal. Cela correspond à la logique de l'imposition individuelle selon laquelle les époux sont imposés indépendamment l'un de l'autre. En règle générale, il résulte du scénario de la réforme une charge fiscale marginale nettement plus faible sur le revenu secondaire par rapport au statu quo.

6.7.6.4

Résultats des estimations quant aux effets sur l'emploi résultant de la réforme au niveau de l'impôt fédéral direct

Le passage à l'imposition individuelle devrait permettre d'obtenir des effets positifs sur l'emploi en Suisse également. L'intensité de ces effets dépendra des élasticités du comportement. Le tableau 6 synthétise les résultats des estimations. Les effets estimés sur l'emploi sont convertis en nombre d'équivalents plein temps, c'est-à-dire de postes à plein temps. Un équivalent plein temps peut par exemple aussi résulter de l'augmentation de deux taux d'occupation de 50 points de pourcentage chacun ou de l'augmentation du taux d'occupation de dix personnes à raison de 10 points de pourcentage par personne. Au total, l'estimation indique que les effets sur l'emploi dans le cadre de l'impôt fédéral direct sont compris dans une fourchette allant d'environ 2600 à quelque 11 100 équivalents plein temps.

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Tableau 6 Nombre de contribuables

Personnes non mariées Personnes en couple marié à revenu unique

Personnes en couple marié à deux revenus

Conjoint qui gagne le revenu principal Conjoint qui pourrait gagner le revenu secondaire Conjoint qui gagne le revenu principal Conjoint qui gagne le revenu secondaire

Total

Effets sur l'emploi en équivalents plein temps par scénario d'élasticité comportementale faible

moyen (scénario de base)

élevé

2 786 600

0

100

200

354 200

0

­ 100

­ 100

354 200

800

2 200

3 600

839 200

0

­ 200

­ 300

839 200

1 700

4 700

7 700

5 173 400

2 600

6 800

11 100

Estimation des effets sur l'emploi résultant de la réforme au niveau de l'impôt fédéral direct en équivalents plein temps. Les trois scénarios correspondent à des élasticités comportementales faibles, moyennes et fortes. Plus ces élasticités sont fortes, plus la réforme contribue à augmenter l'emploi.

Les résultats s'expliquent comme suit: ­

Niveau des élasticités supposées: plus les élasticités sont supposées fortes, plus l'effet estimé sur l'emploi est important. Tous les scénarios représentés débouchent sur un effet positif sur l'emploi. Cela s'explique par le fait que, dans tous les scénarios, les élasticités sont plus fortes chez les personnes qui gagnent le revenu secondaire que chez celles qui réalisent le revenu principal.

­

Effet sur les personnes seules: globalement, l'effet est faible pour ces personnes. D'une part, la charge fiscale reste relativement inchangée, et d'autre part, les élasticités sont faibles.

­

Effet sur le conjoint gagnant le revenu principal (couples mariés à revenu unique ou à double revenu): pour des raisons inhérentes au système, l'imposition individuelle tend à entraîner une charge fiscale plus élevée pour le revenu principal. C'est pourquoi l'effet sur l'emploi est négatif pour les personnes qui réalisent ce revenu, bien qu'il reste faible dans les trois scénarios.

Outre les faibles élasticités, un autre élément explique ce résultat: le projet de réforme prévoit un allégement fiscal général d'environ 1 milliard de francs obtenu en abaissant le barème. Cette mesure contrecarre l'augmentation de la charge fiscale pour le revenu principal.

­

Effet sur le conjoint gagnant (potentiellement) le revenu secondaire (couples mariés à revenu unique ou double): c'est pour les revenus secondaires que l'effet sur l'emploi est le plus fort. Cela s'explique par la combinaison d'un abaissement substantiel de la charge fiscale ou de la charge fiscale marginale et de l'élasticité du revenu secondaire (potentiel), qui est plus grande que celle

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du revenu principal. Dans ce groupe, l'effet sur l'emploi dépend fortement de l'élasticité supposée et varie donc fortement selon les trois scénarios: ­ Couples mariés à revenu unique: pour ces couples, l'élasticité de participation est déterminante pour l'effet sur l'emploi. L'élasticité de participation est appliquée à la modification de la charge fiscale due à la réforme, pour un emploi à temps partiel à un salaire proche du salaire médian suisse. Généralement, la charge fiscale de ces personnes est plus faible dans le scénario de la réforme que dans le statu quo.

­ Couples mariés à deux revenus: dans la situation actuelle, les époux de ces couples exercent déjà l'un et l'autre une activité lucrative. Par conséquent, l'élasticité horaire est déterminante pour l'effet sur l'emploi.

L'élasticité horaire est appliquée à la modification de la charge fiscale due à la réforme, pour un revenu supplémentaire de 20 000 francs.

Comme pour les couples mariés à revenu unique, cette charge fiscale est généralement plus faible dans le scénario de la réforme que dans le statu quo.

6.7.6.5

Extrapolation aux impôts cantonaux de l'effet sur l'emploi

La mise en oeuvre cantonale de l'imposition individuelle recèle le meilleur potentiel pour stimuler l'emploi. Cependant, comme les modalités en la matière relèvent de la compétence des cantons, une modélisation de la mise en oeuvre dans les cantons est impossible. Une extrapolation peut toutefois être effectuée à partir de l'estimation de l'effet exercé sur l'emploi par la réforme de l'impôt fédéral direct.

Globalement, il y a lieu d'attendre de la mise en oeuvre de l'imposition individuelle au niveau cantonal un effet sur l'emploi nettement plus fort que pour l'impôt fédéral direct. Eu égard aux contextes différents des impôts cantonaux sur le revenu et de l'impôt fédéral direct décrits ci-après, on pourrait attendre de la mise en oeuvre de l'imposition individuelle par les cantons un effet sur l'emploi environ trois fois plus marqué. À l'aune de l'effet estimé de la réforme au niveau de l'impôt fédéral direct, on peut estimer que la mise en oeuvre à tous les niveaux de l'État générerait un effet sur l'emploi compris entre 10 000 et 44 000 équivalents plein temps. L'effet serait d'environ 27 000 équivalents plein temps dans le scénario de base.

Cette extrapolation s'inscrit dans le contexte des différences entre les impôts cantonaux sur le revenu et l'impôt fédéral direct, qui concernent les points suivants: ­

Volume de l'impôt sur le revenu: Plus le volume de l'impôt sur le revenu est important, plus les possibilités sont grandes d'obtenir des effets sur l'emploi grâce à un changement de système.

Les recettes provenant des impôts cantonaux sur le revenu sont près de quatre fois plus élevées que celles de l'impôt fédéral direct perçu auprès des personnes physiques (statistique financière, données pour 2021).

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­

Progressivité de l'impôt sur le revenu: Plus la progressivité des impôts sur le revenu est forte, plus les charges fiscales respectives de l'imposition commune et de l'imposition individuelle divergent l'une de l'autre. La progressivité de l'impôt fédéral direct est plus forte que celle de la plupart des impôts cantonaux sur le revenu.

Compte tenu de la plus forte progressivité et du volume plus faible, l'impôt fédéral direct représente, pour la plupart des contribuables dont le revenu est faible ou moyen, une charge fiscale nettement inférieure à celle des impôts cantonaux sur le revenu. Ainsi, dans le statu quo, la charge fiscale liée à l'impôt fédéral direct ne joue un rôle pour les personnes sans enfant qu'à partir d'un revenu d'environ 20 500 francs (personnes seules) ou d'environ 46 700 francs (couples mariés, répartition du revenu 70 / 30) et, pour les personnes avec deux enfants, à partir seulement d'un revenu d'environ 82 200 francs (familles monoparentales) ou de 100 700 francs (couples mariés, répartition du revenu 70 / 30). En conséquence, les réformes de l'impôt fédéral direct ne peuvent pas déclencher d'impulsion en matière d'emploi pour une part importante des contribuables. Les impôts cantonaux sur le revenu concernent en revanche une plus grande part des contribuables, raison pour laquelle ils sont susceptibles de déclencher des effets sur l'emploi pour un plus grand nombre de personnes.

­

Rapports entre les charges dans le statu quo: De manière générale, plus le système actuel est défavorable en termes d'incitations à exercer une activité lucrative, plus il est possible d'obtenir des effets positifs sur l'emploi. Le modèle du splitting intégral est un système qui présente des incitations à ne pas exercer d'activité lucrative. Il accorde en effet un allégement fiscal relativement important au revenu principal, qui ne réagit pourtant guère aux incitations fiscales. Par conséquent, les effets potentiels sur l'emploi tendent à être plus importants lorsqu'on part d'un modèle de splitting intégral (voir ch. 6.4.1) que lorsqu'on part d'un splitting partiel ou d'un modèle à barème multiple. De nombreux cantons utilisent un modèle de splitting intégral ou des modèles apparentés. Dans le cadre de l'impôt fédéral direct, les rapports entre les charges fiscales s'écartent davantage du modèle de splitting intégral. À cela s'ajoute la déduction pour double revenu, généreuse par rapport à la plupart des impôts cantonaux sur le revenu, qui réduit la charge fiscale marginale pour les revenus secondaires faibles. Lorsqu'on part d'une situation où est en place une généreuse déduction pour double revenu, le passage à l'imposition individuelle aura des effets potentiels moindres sur l'emploi.

6.7.7

Conséquences sur l'égalité entre femmes et hommes

Le système en vigueur de l'imposition commune alourdit souvent la charge fiscale des couples qui passent d'un à deux revenus ou dans lesquels le revenu secondaire augmente. L'imposition individuelle a pour effet d'atténuer ce phénomène. Elle de-

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vrait donc favoriser l'activité lucrative du conjoint qui touche le revenu secondaire. Il s'agit majoritairement de femmes (voir ch. 6.7.6).

La répartition plus équilibrée des activités lucratives renforce l'indépendance financière de chacun des époux et améliore la situation de nombreuses femmes, en particulier, en matière de prévoyance-vieillesse et dans la perspective d'un éventuel divorce (issue d'environ 40 % des mariages48).

Le renforcement de l'indépendance financière des deux époux améliore l'égalité entre femmes et hommes. Cette vision concorde avec la jurisprudence la plus récente du Tribunal fédéral sur l'entretien après le divorce49, laquelle accorde une importance plus grande au principe de l'autonomie financière des ex-époux.

6.8

Aspects juridiques

6.8.1

Constitutionnalité

Pour ce qui est des impôts directs, l'art. 128 Cst. attribue à la Confédération la compétence de percevoir un impôt sur le revenu des personnes physiques. Au moment de fixer les barèmes, il faut prendre en considération la charge constituée par les impôts directs des cantons et des communes (art. 128, al. 2, Cst.).

Par ailleurs, la Confédération fixe les principes de l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes. Ce faisant, elle prend en considération les efforts des cantons en matière d'harmonisation. L'harmonisation s'étend à l'assujettissement, à l'objet et à la période de calcul de l'impôt, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale. Les barèmes, les taux et les montants exonérés de base, notamment, ne sont pas soumis à l'harmonisation fiscale (art. 129, al. 1 et 2, Cst.).

Outre les principes d'universalité et d'égalité de traitement, l'imposition doit respecter le principe de la capacité économique (art. 127, al. 2, Cst.). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, ce principe signifie que chaque contribuable doit être soumis à une charge fiscale proportionnelle aux moyens financiers dont il dispose.

Cette charge doit être adaptée aux biens économiques dont dispose le contribuable et à sa situation personnelle50.

S'agissant d'imposition individuelle, la question se pose de savoir si, dans la perspective de l'imposition selon la capacité économique, il convient nécessairement de prendre en compte la situation personnelle au sein de l'union conjugale ou si l'on ne peut pas considérer la situation individuelle des personnes. Dans le premier cas, il faudrait se demander si le revenu du couple est réalisé exclusivement par une personne ou par les deux époux. S'il ne faut considérer que la capacité de l'individu, sans prendre en compte que le revenu réalisé doit assurer ou non l'entretien d'autres personnes, les 48

49 50

Statistique des divorces de l'Office fédéral de la statistique, www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > 01 ­ Population > Mariages, partenariats et divorces > Divorces, divortialité.

ATF 147 III 249, 147 III 293, 147 III 301, 147 III 308, et arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019 du 11 novembre 2020.

Voir par ex. ATF 133 I 206, consid. 7.1.

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revenus de chaque personne seront imposés sans correctif, indépendamment de l'état civil et des obligations d'entretien.

Dans l'arrêt Hegetschweiler datant de 198451, le Tribunal fédéral a constaté que l'imposition individuelle des époux n'était pas exclue par la Constitution. Néanmoins, il a noté que les partisans de l'imposition individuelle oublient que l'imposition séparée pourrait au mieux s'avérer utile en tant que telle dans certains cas uniquement, à savoir pour les couples à double revenu, mais qu'elle pourrait créer une inégalité frappante entre les couples à revenu unique et les couples à double revenu. En effet, si le conjoint qui génère le seul revenu d'un couple marié devait être imposé selon un barème unique, les deux époux seraient imposés, pour leur revenu unique, aussi fortement qu'une personne seule qui disposerait du même revenu, et ce malgré le fait que le conjoint sans activité lucrative serait exonéré de l'impôt. Le désavantage dont pâtissent tous les couples mariés en cas de combination entre addition des éléments imposables et barème unique subsiste dans le cadre de l'imposition individuelle assortie d'un barème unique, encore que le désavantage ne reste entier que pour les couples mariés à revenu unique. Ainsi, lorsqu'elle est assortie d'un barème unique, l'imposition individuelle n'apporte pas aux couples mariés à un revenu l'allégement exigé par la Constitution. Cette situation est particulièrement frappante lorsque le couple doit se limiter à un seul revenu, car l'un des époux n'est pas en mesure, pour des raisons objectives, d'exercer une activité lucrative. Malgré tout, la Constitution n'exclut pas entièrement l'idée d'une imposition individuelle des époux. Il est seulement interdit au législateur de combiner l'imposition individuelle avec un barème unique, sans différenciation: comme pour l'addition des éléments imposables, il doit prévenir une surcharge fiscale, notamment des couples mariés à un revenu, en prévoyant des correctifs adéquats (différenciations de barème, déductions pour personnes mariées, etc.)52. Selon le Tribunal fédéral, eu égard aux exigences constitutionnelles, l'imposition individuelle doit donc notamment s'accompagner de correctifs pour les couples mariés à revenu unique afin d'éviter une surcharge.

Le Conseil fédéral s'appuie sur une
interprétation de la capacité économique différente de celle adoptée par le Tribunal fédéral dans son arrêt de 1984, parce que les circonstances réelles ont fortement changé depuis lors. Aujourd'hui, alors que l'activité lucrative des femmes est devenue une évidence, il est normal d'évaluer la capacité économique en fonction des individus et non plus du couple marié. Entre 1991 et 2020, le taux d'activité des femmes âgées de 55 à 64 ans est passé de 43,8 à 70 %53 et celui des femmes en âge de travailler ayant des enfants âgés de 0 à 6 ans de 64,5 à 74,7 %, selon l'Office fédéral de la statistique54. Le Conseil fédéral estime donc qu'il n'est pas contraire à la Constitution de ne prévoir aucun correctif pour les couples mariés à revenu unique ou à revenu secondaire faible.

51 52 53

54

ATF 110 Ia 7 ATF 110 Ia 7, consid. 3b.

Taux d'activité professionnelle, 1991 ­ 2022, www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > Situation économique et sociale de la population > Égalité entre les femmes et les hommes > Activité professionnelle > Taux d'activité professionnelle.

Voir la réponse du Conseil fédéral à l'interpellation 21.3888 Piller Carrard «Nouvelle jurisprudence sur le droit de l'entretien. Quid des femmes et des familles?».

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Ce point de vue concorde d'ailleurs avec la jurisprudence la plus récente du Tribunal fédéral sur l'entretien après le divorce55, laquelle accorde une importance plus grande au principe de l'autonomie financière des ex-époux. Cette jurisprudence devrait avoir pour effet d'inciter de nombreux couples à poser, pendant le mariage, les bases de l'autonomie de chacun après le divorce.

Dans le projet relatif à l'imposition individuelle, pour un revenu global identique, les couples à un seul revenu sont frappés plus lourdement que les couples à deux revenus.

À cet égard, le Tribunal fédéral a retenu dans son arrêt de 1984, en ce qui concerne l'imposition commune, que la charge fiscale d'un couple marié où les époux exercent tous les deux une activité lucrative peut être inférieure à celle d'un couple marié dont un seul des époux a une activité lucrative, étant donné que l'exercice d'un métier par les deux conjoints implique des coûts supplémentaires. Cependant, le Tribunal fédéral n'a pas précisé quelle différence de charge fiscale est justifiée entre des couples mariés à revenu unique et à double revenu dont le revenu global est équivalent56. Portera-t-il le même jugement sur le rapport entre les charges fiscales des couples à revenu unique et celles des couples à double revenu sous le régime de l'imposition individuelle?

La déduction pour enfants correspond à une déduction sociale. Son montant ne reflète pas les frais réels supportés pour l'enfant. Elle est accordée dès lors que le contribuable apporte la preuve qu'il exerce l'autorité parentale et assure l'entretien de l'enfant.

Dans les couples à revenu unique, la personne qui touche le revenu ne pourra faire valoir que la moitié de la déduction pour enfants alors que dans bien des cas, c'est elle qui assure intégralement l'entretien de l'enfant. Cela créera une contradiction avec le principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique, contradiction qui deviendra visible par comparaison avec le cas de la personne qui perçoit un revenu équivalent et élève seule ses enfants: elle subvient elle aussi intégralement à leurs besoins mais pourra faire valoir la totalité de la déduction pour enfants. La solution fiscale praticable qui convient à toutes les situations n'existe pas (voir ch. 6.3.4). Selon la jurisprudence la plus récente
du Tribunal fédéral, une certaine schématisation et une certaine forfaitisation du droit fiscal sont admissibles et souvent inévitables57.

On accepte donc une certaine perte dans la prise en considération de la capacité économique. Cette situation est admissible tant qu'on ne peut pas affirmer qu'un groupe de contribuables déterminé est, d'une manière générale, beaucoup plus lourdement imposé ou systématiquement désavantagé58. Le Conseil fédéral a donc opté pour la version du projet la moins lourde du point de vue administratif afin de permettre une taxation aussi simple que possible, ce qui suppose des solutions schématiques.

55 56 57 58

ATF 147 III 249, 147 III 293, 147 III 301, 147 III 308, et arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019 du 11 novembre 2020.

ATF 120 Ia 329, consid. 4b.

Arrêt du Tribunal fédéral 2C_533/021 du 23 juin 2022, consid. 9.3.

Arrêt du Tribunal fédéral 2C_533/021 du 23 juin 2022, consid. 6.4.3.

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6.8.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le projet est compatible avec les mesures exigées par la Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes59.

6.8.3

Assujettissement au frein aux dépenses

Le présent projet ne vise pas à introduire de nouvelles dispositions en matière de subventions, de nouveaux crédits d'engagement ou des plafonds de dépenses. Le projet n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

59

RS 0.108

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