FF 2024 www.fedlex.admin.ch La version électronique signée fait foi

24.024 Message relatif à la loi fédérale sur l'imposition du télétravail dans le contexte international du 1er mars 2024

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur l'imposition du télétravail dans le contexte international1, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er mars 2024

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Viola Amherd Le chancelier de la Confédération, Viktor Rossi

1

FF 2024 651

2024-0621

FF 2024 650

FF 2024 650

Condensé Les revenus de l'activité lucrative exercée en télétravail à l'étranger peuvent être imposés en Suisse si le droit d'imposer revient à la Suisse en vertu d'un traité international. La présente révision législative garantit les bases nécessaires dans le droit fiscal national. La pratique actuelle, qui a également été appliquée pendant la pandémie de COVID-19, peut ainsi être poursuivie.

Contexte À la faveur de la numérisation et des nouvelles technologies de communication, le télétravail a tendanciellement augmenté ces dernières années sur le marché du travail. La pandémie de COVID-19 a eu pour effet de renforcer cette évolution, en particulier dans le secteur tertiaire.

Le présent projet législatif découle directement de l'évolution des relations interétatiques. Traditionnellement, les conventions contre les doubles impositions (CDI) se fondent sur le principe selon lequel les revenus du travail sont imposables là où l'activité est exercée. Le 27 juin 2023, la Suisse et la France ont signé un avenant à la CDI qui régit l'attribution du droit d'imposer le revenu de l'activité lucrative en cas de télétravail dans l'État de résidence. Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, le télétravail est possible chaque année hauteur de 40 % au maximum du temps de travail, sans effet sur le statut de frontalier pour l'employé ou sur le droit d'imposer de l'État du lieu de travail. Le Conseil fédéral a adopté le message concernant l'approbation de l'avenant susmentionné le 22 novembre 2023.

Une solution durable a également pu être convenue entre la Suisse et l'Italie. Ainsi, depuis le 1er janvier 2024, tous les frontaliers au sens de l'accord sur l'imposition des frontaliers signé le 23 décembre 2020 ont la possibilité d'effectuer jusqu'à 25 % de leur temps de travail à domicile sans que cela n'ait d'incidence sur le statut de frontalier au sens dudit accord. La Suisse et l'Italie signeront un protocole modifiant l'accord sur l'imposition des frontaliers d'ici au 31 mai 2024.

Contenu du projet Il s'agit maintenant essentiellement de sécuriser les solutions trouvées avec la France et l'Italie sur le plan du droit interne. En matière d'imposition à la source des travailleurs qui ne sont pas domiciliés en Suisse au regard du droit fiscal, le projet instaure une base d'imposition nationale pour les activités
exercées sans présence physique obligatoire dans les locaux de l'employeur suisse. Il est limité aux cinq États limitrophes de la Suisse (Allemagne, France, Italie, Liechtenstein et Autriche), avec lesquels il existe des réglementations spécifiques applicables aux travailleurs frontaliers.

2 / 28

FF 2024 650

Conséquences financières Le projet a en premier lieu des répercussions sur les recettes de l'imposition des travailleurs frontaliers de France et d'Italie qui découlent de l'avenant à la CDI bilatérale ou du protocole à l'accord sur l'imposition des frontaliers. Il garantit que la Suisse puisse exercer pleinement le droit d'imposition qui découle de l'avenant et du protocole en question Les solutions trouvées avec la France et l'Italie en matière de télétravail préservent les recettes fiscales concernées, ce qui ne serait pas le cas si les règles ordinaires de la CDI ou de l'accord sur l'imposition des frontaliers signés avec ces pays étaient appliquées.

3 / 28

FF 2024 650

Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

Depuis la pandémie de COVID-19, on constate de plus en plus souvent que le lieu d'exécution du travail ne se situe plus nécessairement au siège de l'employeur. Cette situation et la numérisation croissante marqueront durablement le monde du travail moderne, notamment dans le cas des emplois transfrontaliers.

Lorsque l'activité professionnelle est possible indépendamment du lieu, elle devrait être exercée de plus en plus à domicile. Dans un contexte transfrontalier, l'augmentation du télétravail a des répercussions sur la fiscalité. Les conventions contre les doubles impositions (CDI) prévoient généralement que les revenus d'une activité salariée sont imposés dans l'État où celle-ci est physiquement exercée. Avec le télétravail, le droit d'imposer passe donc de l'État dans lequel l'employeur est établi vers l'État dans lequel les employés ont leur domicile.

La Suisse compte nettement plus de travailleurs qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliés ni en séjour en Suisse que de travailleurs suisses exerçant une activité professionnelle dans les États limitrophes. Les premiers sont en majorité des frontaliers. La France est de loin le pays d'où proviennent le plus grand nombre de personnes dans cette situation, soit plus de la moitié (env. 220 000 au 2e trimestre 2023).

Source: Office fédéral de la statistique (www.bfs.admin.ch) > Trouver des statistiques > Travail et rémunération > Activité professionnelle et temps de travail > Frontaliers, frontalières 2023.

4 / 28

FF 2024 650

Il est prévisible, dans un contexte international, que les prestations de travail exécutées indépendamment du lieu entraîneront à moyen et à long terme une perte de recettes fiscales pour la Suisse si aucune adaptation n'est effectuée sur le plan du droit international (CDI et accords sur l'imposition des travailleurs frontaliers) ni sur le plan du droit interne (lois fiscales nationales).

Le présent projet a en premier lieu un objectif fiscal. La base d'imposition qu'il prévoit d'introduire dans les lois fiscales nationales garantit l'exercice du droit d'imposer de la Suisse prévu dans les CDI et les accords sur l'imposition des travailleurs frontaliers pertinents. La solution négociée avec la France, qui a abouti le 27 juin 2023 à la signature d'un avenant à la CDI bilatérale concernant le droit d'imposition du télétravail dans l'État de résidence (cf. ch. 2.2), constitue, avec la solution convenue avec l'Italie (cf. ch. 2.3), le cas d'application immédiat.

1.2

Jurisprudence du Tribunal fédéral

Selon l'art. 5, al. 1, let. a, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)2 et l'art. 4, al. 2, let. a, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)3, les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour en Suisse sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement économique lorsqu'elles exercent une activité lucrative en Suisse. L'art. 91 LIFD et l'art. 35, al. 1, let. a, LHID prévoient que ces personnes sont soumises à l'impôt à la source sur les revenus de leur activité lucrative.

L'imposition du revenu d'une activité lucrative en Suisse n'est en principe possible que si, d'une part, le droit d'imposer de la Suisse n'est pas limité par un traité international et, d'autre part, il existe un fait générateur de l'impôt selon le droit interne.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, si une CDI ou un accord sur l'imposition des frontaliers attribue le droit d'imposer à la Suisse, mais que le travail n'est pas effectué physiquement sur son territoire, la Suisse ne peut en principe pas faire valoir son droit d'imposer.

Le Tribunal fédéral s'est prononcé pour la première fois sur cette question dans un arrêt du 1er octobre 20094 (consid. 2.1). Selon cet arrêt, les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour en Suisse sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement économique lorsqu'elles exercent une activité lucrative en Suisse. L'élément déterminant est le lieu où est effectué le travail pour lequel la personne reçoit une rémunération Ainsi, selon la formulation de l'art. 5, al. 1, let. a LIFD, la présence personnelle (présence physique) est une condition nécessaire à l'assujettissement limité à l'impôt en Suisse. Si, concrètement, le travail pour l'employeur suisse est effectué à 40 % en télétravail dans l'État de résidence, la rémunération correspondant à ce pourcentage ne peut pas être imposée, faute de fait générateur de l'impôt. Le fait qu'une personne reçoive un salaire d'une source suisse (c'est2 3 4

RS 642.11 RS 642.14 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_215/2009 du 1er octobre 2009.

5 / 28

FF 2024 650

à-dire d'un employeur en Suisse) pour les jours de travail durant lesquels l'activité a été exercée dans son État de résidence ne suffit donc pas à établir un rattachement économique.

Dans un arrêt du 25 mars 2011, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence en se référant à l'art. 5, al. 1, let. a, LIFD et a maintenu que l'exercice d'une activité lucrative en Suisse présupposait une présence physique. L'activité lucrative exercée en Suisse en tant que lieu de travail effectif est une condition de l'assujettissement limité.

Il est donc requis que le contribuable vienne en Suisse pour exercer son activité professionnelle. Par conséquent, l'assujettissement ne naît qu'en cas de présence en Suisse. Dans ce cas concret, il s'agissait d'un ressortissant allemand qui exerçait depuis le Qatar une activité salariée pour un employeur sis en Suisse5.

Le point de vue du Tribunal fédéral est conforme à l'art. 15, par. 1, du Modèle de convention de l'Organisation de coopération et de développement économiques (Modèle de convention de l'OCDE)6, qui fonde également le droit d'imposer de l'État du lieu de travail sur une présence physique.

Au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, on peut se demander si la base juridique nationale actuelle est suffisante pour imposer le revenu d'une activité lucrative exercée en télétravail sans présence physique en Suisse. Il n'est pas exclu que le Tribunal fédéral, après la conclusion de dispositions de droit international telles que celles convenues avec la France, statue différemment à l'avenir, dans le sens d'une interprétation du droit fédéral conforme aux traités internationaux. La présente modification de la loi vise quoi qu'il en soit à créer d'emblée une sécurité juridique: il s'agit en premier lieu d'étendre le droit d'imposer dans la LIFD et la LHID, afin de garantir l'imposition à la source du revenu des travailleurs qui résident dans un État limitrophe même à défaut de présence physique en Suisse et de s'assurer que le télétravail effectué dans l'État de résidence puisse en principe être imposé par la Suisse.

1.3

Pratique de l'exclusion des jours de travail durant lesquels l'activité a été exercée à l'étranger

Comme mentionné ci-dessus, dans le contexte international, le critère du lieu de travail est en principe déterminant pour l'imposition à la source du revenu de l'activité lucrative des personnes qui ont leur résidence fiscale à l'étranger. La pratique fiscale en vigueur prévoit que, pour les personnes assujetties à l'impôt à la source qui n'ont pas leur résidence fiscale en Suisse et qui exercent une activité lucrative dépendante pour un employeur ayant son siège, son administration effective ou un établissement stable en Suisse, le débiteur de la prestation imposable peut procéder à l'exclusion des jours de travail durant lesquels l'activité a été exercée à l'étranger. Seuls les jours de travail durant lesquels l'activité a effectivement été exercée en dehors de la Suisse peuvent être exclus. Les jours de congé rémunérés durant lesquels aucune prestation de travail n'a été fournie (en particulier les jours de vacances ou de maladie) ne sont 5 6

ATF 137 II 246 www.oecd-ilibrary.org > Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune (version complète).

6 / 28

FF 2024 650

pas exclus de l'imposition. Si le calcul de la retenue de l'impôt à la source par l'employeur ne tient pas compte des jours de travail durant lesquels l'activité a été exercée à l'étranger ou si le travailleur conteste le nombre de tels jours de travail, ce dernier peut demander à l'autorité fiscale compétente un nouveau calcul de l'impôt à la source ou une taxation ordinaire ultérieure jusqu'au 31 mars de l'année fiscale suivant l'échéance de la prestation7.

Les expériences faites dans le canton de Saint-Gall montrent de manière exemplaire quelles conséquences financières et administratives peuvent résulter de la pratique de l'exclusion. Pendant la pandémie de COVID-19, il n'a pas été possible de conclure avec l'Autriche un accord amiable analogue à celui qui a été conclu avec les autres États limitrophes (cf. ch. 1.4) afin d'imposer les employés en télétravail comme s'ils avaient continué à faire régulièrement la navette entre leur domicile et leur lieu de travail.

Ainsi, faute d'accord, les autorités fiscales saint-galloises ont dû rembourser aux frontaliers autrichiens les impôts prélevés à la source sur les jours de travail durant lesquels l'activité a été exercée à l'étranger. En 2019, dernière année avant la pandémie, 8728 frontaliers ont fait la navette entre l'Autriche et Saint-Gall, pour un salaire brut cumulé de 534 millions de francs, soit un peu plus de 61 200 francs par an et par frontalier en moyenne (chiffres de l'Administration fédérale des contributions [AFC]).

Selon les données de l'administration fiscale du canton de Saint-Gall, environ un quart des frontaliers ont effectué au moins partiellement du télétravail dans leur État de résidence après le début de la pandémie. Cela a entraîné non seulement des pertes fiscales élevées, mais aussi un surcroît de travail considérable pour l'administration et, plus encore, pour les employeurs. Pendant la pandémie, l'administration fiscale cantonale a consacré un poste à plein temps au remboursement de l'impôt à la source des frontaliers.

En 2020, 9769 frontaliers autrichiens travaillaient en Suisse pendant la pandémie, dont 730 dans le secteur public. Chacun de ces frontaliers a apporté des recettes fiscales d'environ 6000 francs par an. L'administration fiscale du canton de Saint-Gall a dû rembourser entre 4,4 et 5,5 millions de francs
d'impôt à la source, ce qui représente entre 7,5 et 9,5 % des recettes totales de l'impôt à la source, en raison du télétravail pendant la pandémie.

Si une base d'imposition pour le télétravail effectué dans l'État de résidence est expressément instaurée dans le droit national, l'attestation des jours de travail durant lesquels l'activité a été exercée sous forme de télétravail revêt une grande importance.

Une collaboration entre l'employé et l'employeur semble indispensable à cette fin. À cet effet, l'obligation de fournir des attestations doit être clairement définie, également en vue d'un éventuel échange de renseignements en matière fiscale sur les données salariales convenu avec l'État concerné. Il faut donc partir du principe que le télétravail entraîne un surcroît de travail de documentation pour toutes les personnes concernées (notamment l'employeur, l'employé, les administrations fiscales cantonales, les administrations fiscales de l'État de résidence). Dans ce contexte, il est judicieux 7

www.estv.admin.ch > Impôt fédéral direct > Information spécialisée IFD > Circulaires sur l'impôt fédéral direct > Circulaire no 45: Imposition à la source des travailleurs > ch. 6.7 et 7.5.1.

7 / 28

FF 2024 650

que l'attestation à remettre pour chaque période fiscale à l'intention des autorités de taxation se fonde sur une obligation de fournir des attestations incombant à des tiers inscrite dans la LIFD et la LHID.

1.4

Accords amiables avec les États limitrophes de la Suisse

En raison du fait qu'une partie de l'activité a nécessairement dû être exercée en télétravail dans l'État de résidence à l'étranger pendant la pandémie, l'AFC a précisé le 24 avril 2020 dans une information aux administrations cantonales au sujet de l'impôt à la source que l'évaluation pour l'impôt sur le revenu des jours de télétravail devait être effectuée comme si les employés concernés continuaient à être physiquement présents dans les locaux de leur employeur en Suisse. En d'autres termes: les travailleurs qui avaient leur résidence fiscale à l'étranger et qui, jusqu'alors, travaillaient entièrement en Suisse y restaient en principe imposables, même s'ils travaillaient depuis leur domicile à l'étranger en raison des restrictions sanitaires (principe de «l'imposition comme avant»). Les accords amiables négociés par la Suisse avec l'Allemagne, la France, l'Italie et le Liechtenstein ont donc permis de maintenir telles quelles les assiettes fiscales des différents États et s'inscrivaient dans une approche pragmatique conçue dans une optique temporaire. Cela garantissait la sécurité juridique.

Cette solution se fondait sur une recommandation du Secrétariat de l'OCDE du 3 avril 20208, laquelle invitait à ne pas multiplier les solutions inappropriées sur le plan fiscal et très lourdes sur le plan administratif. Elle était initialement appelée à s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2020. En raison de la nouvelle vague de coronavirus et des restrictions de mobilité qui en ont découlé, la poursuite de la pratique convenue avec les États limitrophes de la Suisse au moyen d'accords amiables depuis le printemps 2020 a été confirmée dans une lettre d'information du 23 décembre 2020.

Après la fin de la réglementation d'exception liée à la pandémie de COVID-19 et la levée des restrictions de mobilité, les accords amiables conclus avec le Liechtenstein et l'Allemagne ont été abrogés (respectivement le 1er avril et le 1er juillet 2022). L'accord amiable avec la France a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2022 dans l'optique de trouver une solution à long terme pour le télétravail effectué dans les deux États et de faciliter le traitement fiscal de ces situations. Les autorités compétentes suisses et françaises se sont accordées sur des dispositions fiscales relatives au télétravail dans l'État de résidence le 22
décembre 2022 et un avenant à la CDI bilatérale a été signé le 27 juin 2023 (cf. ch. 2.2).

La validité de l'accord amiable avec l'Italie a pris fin le 1er février 2023. Le 20 avril 2023, la Suisse et l'Italie se sont entendues sur la conclusion d'un accord amiable instaurant une réglementation temporaire applicable du 1er février au 30 juin 2023 à l'imposition du télétravail des frontaliers au sens de l'accord du 3 octobre 1974 entre la Suisse et l'Italie relatif à l'imposition des travailleurs frontaliers et à la compensa-

8

www.oecd.org > Lutte contre le coronavirus (COVID19) > Réponses clés > Conventions fiscales et impact de la crise du COVID-19: Analyse du Secrétariat de l'OCDE.

8 / 28

FF 2024 650

tion financière en faveur des communes italiennes limitrophes9, 10. Par la suite, cette solution transitoire a pu être prolongée jusqu'au 31 décembre 202311.

1.5

Relation avec le programme de la législature, le plan financier et les stratégies du Conseil fédéral

Le projet faisait initialement partie de la ligne directrice 1, objectif 7, de la planification stratégique («La Suisse assure l'équilibre du budget de la Confédération et la stabilité de son régime financier; elle dispose d'un système fiscal concurrentiel»).

Lors de l'adoption du message du 24 janvier 2024 sur le programme de la législature 2023 à 202712, il a toutefois été déplacé dans l'annexe sur le programme législatif 2023 à 2027. Le projet n'est par conséquent pas annoncé dans l'arrêté fédéral du 24 janvier 2024 sur le programme de la législature 2023 à 202713, et n'est pas non plus mentionné dans le message du 23 août 2023 sur le budget 2024 assorti d'un plan intégré des tâches et des finances 2025­202714. Cela vaut également pour les stratégies du Conseil fédéral.

2

Développements sur le plan des accords internationaux

2.1

CDI et accords sur l'imposition des travailleurs frontaliers

L'art. 15, par. 1, du Modèle de convention de l'OCDE, dont le texte est généralement repris dans les CDI conclues par la Suisse, prévoit que les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État (État de résidence), à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant (État du lieu de travail).

En revanche, dans les relations avec les États avec lesquels la Suisse n'a pas conclu de CDI, la Suisse dispose d'un droit d'imposer indépendant et illimité en cas de présence physique en Suisse. L'imposition s'effectue alors directement sur la base de l'art. 5, al. 1, let. a, LIFD ou de l'art. 4, al. 2, let. a, LHID.

9 10

11

12 13 14

RO 1979 457 www.sif.admin.ch > Documentation > Communiqués de presse > Communiqué «La Suisse et l'Italie signent une déclaration concernant l'imposition des personnes physiques: la Suisse ne figure plus sur la liste noire de l'Italie» du 20 avril 2023.

www.sif.admin.ch > Documentation > Communiqués de presse > Communiqué «La Suisse et l'Italie définissent des règles durables pour l'imposition du télétravail» du 10 novembre 2023.

FF 2024 525 FF 2024 526 FF 2023 2013

9 / 28

FF 2024 650

Outre les dispositions des CDI mentionnées ci-dessus, la Suisse et ses cinq États limitrophes ont convenu des réglementations spécifiques concernant l'imposition des revenus des frontaliers. Le tableau synoptique suivant montre l'attribution du droit d'imposer les revenus d'une activité salariée: État du lieu de travail (Suisse)

État de résidence (pays limitrophe)

Particularités

Allemagne Convention du 11 août 1971 entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (CDI CH-DE)15, art. 15a concernant les frontaliers, en vigueur depuis le 29 décembre 1993

Imposition à la source de 4,5 % au maximum du salaire brut

Imposition avec imputation de l'impôt à la source suisse

Tous les cantons sont concernés.

Autriche Convention du 30 janvier 1974 entre la Confédération suisse et la République d'Autriche en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune16, nouvelle règle pour les frontaliers en vigueur depuis le 2 février 2007

Imposition à la source

Imposition avec imputation de l'impôt à la source suisse

Tous les cantons sont concernés.

France pour les cantons de BE, SO, BS, BL, VD, VS, NE et JU

Pas d'imposition

L'Autriche reçoit une compensation équivalant à 12,5 % des recettes fiscales provenant de l'activité salariée des personnes qui ont leur résidence fiscale en Autriche et travaillent en Suisse.

Les cantons reçoivent de la Accord du 11 avril 1983 France une entre le Conseil fédéral suisse compensation et le Gouvernement de la équivalant à 4,5 % République française relatif du salaire brut des à l'imposition des frontaliers (en 2021, rémunérations des cette compensation travailleurs frontaliers17, s'est élevée à conclu par le Conseil fédéral 350 millions de au nom des cantons précités francs).

15 16 17 18

RS 0.672.913.62 RS 0.672.916.31 FF 1983 II 535 RS 0.672.934.91

10 / 28

Imposition

Les cantons concernés sont mentionnés dans la première colonne.

L'accord fait partie intégrante de la CDI18.

FF 2024 650

France pour le canton de GE

État du lieu de travail (Suisse)

État de résidence (pays limitrophe)

Particularités

Imposition à la source par GE

La France élimine la double imposition par la méthode de l'imputation.

L'accord ne s'applique qu'aux travailleurs frontaliers des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie.

Accord du 29 janvier 1973 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française sur la compensation financière relative aux frontaliers travaillant à Genève19, conclu par le Conseil fédéral au nom du canton de Genève

Italie Accord du 23 décembre 2020 entre la Confédération suisse et la République italienne relatif à l'imposition des travailleurs frontaliers (accord sur l'imposition des frontaliers)20, en vigueur depuis le 17 juillet 2023

19

20

Les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie reçoivent du canton de Genève une compensation équivalant à 3,5 % des salaires bruts des travailleurs frontaliers (en 2022, cette compensation s'est élevée à 326 millions de francs).

Imposition à la source (concerne GR, TI et VS) limitée à 80 %

Imposition avec imputation de l'impôt à la source suisse

Disposition transitoire pour les anciens frontaliers: imposition à la source (concerne GR, TI et VS)

Pas d'imposition Jusqu'à l'année fiscale 2023, les communes italiennes situées dans la zone frontalière reçoivent une compensation équivalant à 40 % du montant brut des impôts sur les salaires payés par les anciens travailleurs frontaliers.

Le travailleur frontalier doit en principe retourner chaque soir à son domicile en Italie.

Au total, 45 nuitées par an sont autorisées en dehors de l'État de résidence.

Les cantons GR, TI, et VS prélèvent l'impôt et versent la compensation.

www.estv.admin.ch > Droit fiscal international > Droit fiscal international par pays > France > IV. Accords conclus par les cantons > 1. Frontaliers > Accord entre le Conseil fédéra1 suisse et le Gouvernement de la Répub1ique française sur la compensation financière relative aux frontaliers travaillant à Genève et https://silgeneve.ch/legis > Accords et Concordats > Traités internationaux et accords transfrontaliers > Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française sur la compensation financière relative aux frontaliers travaillant à Genève.

RS 0.642.045.43

11 / 28

FF 2024 650

État du lieu de travail (Suisse)

Liechtenstein Pas d'imposition Convention du 10 juillet 2015 entre la Confédération suisse et la Principauté du Liechtenstein en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune21, en vigueur depuis le 22 décembre 2016

État de résidence (pays limitrophe)

Particularités

Imposition

Aucune compensation n'est prévue.

Hormis les développements récents concernant la France (ch. 2.2) et l'Italie (ch. 2.3), il n'existe pas de dispositions dans les CDI ou les accords sur l'imposition des frontaliers conclus avec les États limitrophes qui attribuent au lieu de travail le droit d'imposer le télétravail effectué dans l'État de résidence.

Seuls les accords conclus avec l'Allemagne et le Liechtenstein prévoient que l'activité exercée sous forme de télétravail des frontaliers n'a aucune incidence sur leur statut fiscal de frontalier. Le télétravail n'entraîne donc aucun changement dans l'imposition présentée supra.

2.2

Avenant à la CDI avec la France

Le 22 décembre 2022, les autorités compétentes suisses et françaises sont convenues d'une solution pour imposer les revenus de l'activité lucrative exercée en télétravail dans l'État de résidence22. La solution négociée a un caractère réciproque et se compose des trois éléments suivants:

21 22

23

­

un avenant à la CDI signé le 27 juin 2023 par les deux États23 et qui règle notamment à long terme l'imposition du télétravail pour l'ensemble de la Suisse;

­

un accord amiable entre les autorités compétentes précisant la notion de travailleur frontalier au sens de l'accord du 11 avril 1983;

­

un accord amiable entre les autorités compétentes concernant la période transitoire, qui couvre la période précédant l'entrée en vigueur de l'avenant tant en Suisse qu'en France (accord transitoire); ce dernier est valable jusqu'au 31 décembre 2024.

RS 0.672.951.43 www.sif.admin.ch > Documentation > Communiqués de presse > Communiqué «La Suisse et la France s'accordent sur un régime fiscal pérenne en matière de télétravail» du 22 décembre 2022.

www.sif.admin.ch > Documentation > Communiqués de presse > Communiqué «La Suisse et la France signent un avenant à la convention bilatérale contre les doubles impositions» du 27 juin 2023.

12 / 28

FF 2024 650

Sur la base des deux accords amiables, il a été convenu qu'à partir du 1er janvier 2023, le télétravail dans l'État de résidence est possible à hauteur de 40 % au maximum du temps de travail de l'année civile, sans effet sur la répartition internationale du droit d'imposer. La limite fixée pour le télétravail correspond à deux jours par semaine pour un emploi à temps plein et est adaptée proportionnellement pour un emploi à temps partiel. L'accord amiable relatif à l'accord du 11 avril 1983 est applicable sans limite de temps, tandis que l'accord transitoire est limité dans le temps et ne couvre que la période comprise entre le 1er janvier 2023 et l'entrée en vigueur de l'avenant à la CDI.

L'accord transitoire permet l'imposition du télétravail par l'État du lieu de travail déjà pendant la phase d'approbation de l'avenant à la CDI.

Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être effectué dans les locaux de l'employeur est réalisé à distance. D'après cette définition, le télétravail peut être effectué sur l'ensemble du territoire de l'État de résidence du travailleur. Il inclut également les missions temporaires, à savoir les voyages d'affaires ou de service, effectuées par le salarié pour le compte de son employeur dans l'État de résidence de l'employé ou dans un État tiers, pour autant que leur durée cumulée n'excède pas dix jours par année.

La solution trouvée avec la France prévoit ce qui suit: ­

En ce qui concerne les cantons de BE, SO, BS, BL VD, VS, NE et JU, auxquels s'applique l'accord du 11 avril 1983, les deux États sont convenus que le télétravail à hauteur de 40 % au maximum du temps de travail ne remet en cause ni le statut de frontalier ni l'attribution du droit d'imposer l'activité lucrative dépendante à l'État de résidence des travailleurs. Il est en outre précisé que la base de calcul de la compensation versée par la France (4,5 % du salaire brut des frontaliers) est maintenue.

­

Selon l'accord amiable relatif à l'accord du 11 avril 1983, les personnes qui exercent leur activité professionnelle à domicile au-delà de la frontière fixée perdent le statut de frontalier et sont par conséquent soumises au régime ordinaire de la CDI avec la France (y c. l'avenant à la CDI qui règle notamment à long terme l'imposition du télétravail à compter de son entrée en vigueur).

­

L'avenant attribue à l'État de l'employeur le droit d'imposer le revenu d'une activité lucrative dépendante exercée sous forme de télétravail, pour autant que la limite de 40 % du temps de travail par année civile ne soit pas dépassée.

Toutefois, une compensation financière adéquate est prévue pour la limite de 40 % en faveur de l'État de la résidence. L'État de résidence de l'employé reçoit ainsi de l'État de l'employeur une compensation équivalant à 40 % des impôts que celui-ci a prélevés sur les rémunérations versées en raison des activités exercées sous forme de télétravail dans l'État de résidence. Si la limite de 40 % du temps de travail par année civile est dépassée, une répartition fiscale internationale doit être effectuée dès le premier jour de télétravail.

­

En ce qui concerne le canton de Genève, la compensation équivalant à 3,5 % des salaires bruts des travailleurs frontaliers qu'il verse déjà aux départements français de l'Ain et de la Haute-Savoie sera adaptée de manière à ce que la Suisse ne verse une compensation pour le télétravail que pour les jours de

13 / 28

FF 2024 650

télétravail qui représentent entre 15 et 40 % du temps de travail par année civile, conformément à ce que prévoit l'avenant.

­

Pendant la période de transition, la Suisse devra verser à la France, pour chaque année comprise entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre de l'année d'entrée en vigueur de l'avenant, un montant équivalant à 2,3 % des impôts prélevés sur les rémunérations versées aux employés résidant en France.

Le 22 novembre 2023, le Conseil fédéral a approuvé le message concernant l'approbation et la mise en oeuvre d'un avenant à la CDI entre la Suisse et la France24.

2.3

Réglementation définie avec l'Italie concernant le télétravail

Une solution durable a également pu être convenue entre la Suisse et l'Italie. Ainsi, depuis le 1er janvier 2024, tous les frontaliers au sens de l'accord sur l'imposition des frontaliers signé le 23 décembre 2020 ont la possibilité d'effectuer jusqu'à 25 % de leur temps de travail sous forme de télétravail à domicile sans que cela n'ait d'incidence sur l'État qui peut imposer les revenus provenant d'une activité lucrative dépendante et sur leur statut de frontalier. La Suisse et l'Italie signeront un protocole modifiant l'accord sur l'imposition des frontaliers d'ici au 31 mai 202425.

3

Procédure préliminaire, consultation comprise

3.1

«Quick check»

En vue de l'ouverture de la procédure de consultation, un quick check de la nécessité de procéder à une analyse d'impact de la réglementation a été réalisé. Il en ressort que les entreprises qui autorisent le télétravail devront supporter des coûts liés au relevé des données nécessaires à l'exécution de l'obligation de fournir des attestations. La charge de travail supplémentaire dépendra des modalités concrètes des attestations. Il conviendra donc, par des formulaires et des directives uniformes dans toute la Suisse, d'assurer un traitement rationnel, incluant la transmission de données au moyen de la norme suisse en matière de salaire (ELM). Les entreprises qui autorisent le télétravail dans l'État de résidence peuvent recourir plus facilement à une main-d'oeuvre qualifiée domiciliée à l'étranger. Réciproquement, il est intéressant pour cette maind'oeuvre de travailler pour un employeur suisse sans devoir assurer une présence physique en Suisse pour la totalité du taux d'activité. Le télétravail dans l'État de résidence est particulièrement intéressant pour les tâches qui peuvent être exécutées de manière numérique. De manière générale, le quick check permet d'établir qu'il n'est

24 25

FF 2023 2744 www.sif.admin.ch > Documentation > Communiqués de presse > Communiqué «La Suisse et l'Italie définissent des règles durables pour l'imposition du télétravail» du 10 novembre 2023 et www.estv.admin.ch > Droit fiscal international > Droit fiscal international par pays > Italie > III. Accords amiables du 28 novembre 2023.

14 / 28

FF 2024 650

pas nécessaire de procéder à une analyse d'impact de la réglementation, les effets de celle-ci étant largement prévisibles.

3.2

Aperçu des résultats de la procédure de consultation

Le 9 juin 2023, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral des finances d'ouvrir une procédure de consultation. La consultation a duré jusqu'au 2 octobre 2023.

Au total, 56 avis ont été déposés. Le projet a été approuvé sur le fond par une large majorité26. Les 26 cantons, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances ainsi que trois partis politiques (Le Centre, le PLR et le PS) et 21 organisations et associations se sont exprimés en sa faveur.

Cinq associations économiques (Association de Banques Privées Suisses [ABPS], Economiesuisse, Expertsuisse, Ordre Romand des Experts Fiscaux Diplômés, Association Suisse d'Assurances [ASA] et Swissholdings) ont rejeté les modalités concrètes de la base d'imposition nationale proposée. Deux cantons (FR, GE) et le PLR sont également d'avis que des modifications s'imposent à ce niveau. Tous se rejoignent sur le fait que la norme centrale proposée dans le cadre de la consultation devrait être restreinte.

Les réserves émises et les nouvelles formulations proposées divergent dans leurs détails. Alors que Swissholdings et l'ASA, par exemple, sont d'avis que la base d'imposition nationale doit se limiter au télétravail des frontaliers, Expertsuisse souhaite une compétence en matière d'imposition dont le champ d'application serait limité aux cas où une CDI est en vigueur et qui accorderait à la Suisse, en tant qu'État du lieu de travail, le droit d'imposer le télétravail dans l'État de résidence. Cette solution est soutenue par Economiesuisse. D'autres (ABPS, FR, GE et PLR, par ex.) critiquent la portée extraterritoriale trop importante de la réglementation, qui entraînerait selon eux une multitude de doubles impositions involontaires et impossibles à éliminer. Enfin, trois représentants du secteur financier (Employeurs Banques, Association suisse des banquiers, Verband schweizerischer Holding- und Finanzgesellschaften) tiennent à ce que le projet ne s'applique pas à un détachement interne au groupe.

3.3

Appréciation des résultats de la consultation

La procédure de consultation a montré que la création d'une norme nationale d'imposition bénéficie d'un solide soutien. Elle a toutefois également mis en évidence qu'une délimitation géographique, soit une restriction de la portée de la disposition légale proposée, s'imposait. Parmi les principales critiques formulées par les associations économiques figure le fait que seule une restriction de la norme centrale pour exclure les États n'ayant pas signé une CDI avec la Suisse permettrait d'éviter les risques de double imposition internationale. Ce point revêt une grande importance pour la place économique suisse, fortement imbriquée dans l'économie mondiale.

26

Le rapport sur les résultats est disponible à l'adresse suivante: www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultations terminées > 2023 > DFF.

15 / 28

FF 2024 650

En tenant compte de l'évolution récente des relations interétatiques, une solution pragmatique consiste à se concentrer sur les cinq États limitrophes de la Suisse, avec lesquels il existe des réglementations spécifiques pour les frontaliers. Le projet qui en résulte est certes plus restrictif que ne le souhaitaient Expertsuisse et Economiesuisse, car il ne prend pas en compte tous les États partenaires avec lesquels la Suisse a signé une CDI. Il permet, en revanche, d'instaurer une base d'imposition plus large que celle proposée par SwissHoldings, la norme n'étant pas limitée au télétravail des frontaliers.

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

En matière d'imposition à la source des travailleurs qui ne sont pas domiciliés en Suisse au regard du droit fiscal, le projet de loi instaure une base d'imposition interne pour le télétravail effectué à l'étranger par des personnes résidant dans un État limitrophe pour un employeur suisse. Il est étroitement lié à l'évolution du droit international concernant l'attribution du droit d'imposer à la Suisse dans le cadre des CDI et des accords sur l'imposition des travailleurs frontaliers. Ce parallélisme sur les plans du droit international et du droit interne garantit que la Suisse perde le moins possible de recettes fiscales dans le cadre du télétravail. En droit interne, il est essentiel de créer dans le droit fédéral une norme centrale (art. 5, al. 1, let. abis, LIFD et art. 4, al. 2, let. abis, LHID) qui autorise expressément l'imposition même si l'activité lucrative est exercée sans présence physique en Suisse.

Cela équivaut en substance à un retour à la réglementation de l'art. 3, ch. 3, let. e, de l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt pour la défense nationale27. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la LIFD le 1er janvier 1995, cette réglementation prévoyait, selon l'interprétation du Tribunal fédéral, que, sous réserve de dispositions prévues dans des accords internationaux, le paiement de l'impôt était exigible dès lors qu'une activité personnelle était exercée en Suisse. Le rattachement économique de l'activité devait se situer en Suisse, mais une présence personnelle en Suisse n'était pas nécessaire.

Le tableau infra présente les conséquences fiscales pratiques de l'instauration de la base d'imposition prévue dans le droit national pour le télétravail effectué par des personnes résidant dans un État limitrophe.

27

RO 56 1947

16 / 28

FF 2024 650

Nouvelle solution conclue avec la France sur l'imposition du télétravail Personnes concernées

Droit en vigueur

Conséquences fiscales de l'instauration de la norme d'imposition nationale

Conséquences pour d'éventuels paiements compensatoires

Pour les frontaliers au sens de l'accord du 11 avril 1983 (cantons BE, SO, BS, BL, VD, VS, NE et JU)

Confédération / cantons: Le droit d'imposer le revenu de l'activité lucrative revient exclusivement à l'État de résidence.

La réglementation s'applique de manière réciproque aussi bien aux frontaliers domiciliés en France qu'aux frontaliers domiciliés dans les cantons concernés.

Confédération / cantons: Aucune conséquence pratique tant que le télétravail dans l'État de résidence ne dépasse pas la limite de 40 % du temps de travail (accord amiable, en vigueur depuis le 1er janvier 2023).

Dans le cas contraire, les frontaliers concernés sont soumis au régime ordinaire de la CDI avec la France (y c. l'avenant à la CDI).

Confédération / cantons: L'ampleur de la compensation prévue par l'accord (les cantons reçoivent de la France une compensation équivalant à 4,5 % des salaires bruts des travailleurs frontaliers) ne change pas.

Contribuable ayant son domicile en France: Le revenu professionnel réalisé en Suisse est imposé en France.

Contribuable ayant son domicile en Suisse: Le revenu professionnel réalisé en France est imposé en Suisse.

Autres cas selon la Convention du 9 septembre 1967 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscale (CDI CH-FR)28

28

Confédération / cantons: Les règles générales de l'art. 17 CDI CH-FR s'appliquent: attribution du droit d'imposer à la Suisse en tant qu'État du lieu de travail.

Pratique d'exclusion des jours de travail durant lesquels l'activité a été exercée à l'étranger Contribuable ayant son domicile en France: La France élimine la double imposition par la méthode de l'imputation.

Contribuable ayant son domicile en France: Aucune conséquence pratique Contribuable ayant son domicile en Suisse: Aucune conséquence pratique Confédération / cantons: Aucune conséquence pratique. À cela s'ajoute le fait que la Suisse peut imposer jusqu'à 40 % du temps de travail par année civile effectué en télétravail dans l'État de résidence (accord transitoire, en vigueur depuis le 1er janvier 2023).

Confédération / cantons: Compensation adéquate en faveur de l'État de résidence du travailleur

Si la limite de 40 % du temps de travail est dépassée, une répartition fiscale internationale doit être effectuée dès le premier jour de télétravail.

Contribuable ayant son domicile en France: Aucune conséquence pratique

RS 0.672.934.91

17 / 28

FF 2024 650

Situation avec les autres États limitrophes concernant l'imposition du télétravail Personnes concernées

Conséquences fiscales de l'instauration de la norme d'imposition nationale

Droit en vigueur

Conséquences pour d'éventuels paiements compensatoires

Allemagne Frontaliers (art. 15a CDI CH-DE)

Confédération / cantons: Le droit d'imposer le revenu de l'activité lucrative revient à la Suisse en tant qu'État du lieu de travail à hauteur de 4,5 % au maximum.

Contribuable ayant son domicile en Allemagne: L'Allemagne élimine la double imposition par la méthode de l'imputation.

Cas spécial pour les employés exerçant une fonction dirigeante (art. 15, al. 4, CDI CH-DE)

Confédération / cantons: Le droit d'imposer le revenu de l'activité lucrative revient exclusivement à la Suisse en tant qu'État du lieu de travail.

Contribuable ayant son domicile en Allemagne: L'Allemagne applique la méthode de l'exemption.

18 / 28

Confédération / cantons: Confédération / cantons: Aucune conséquence Pas de compensapratique tion Contribuable ayant son domicile en Allemagne: Aucune conséquence pratique

Confédération / cantons: Confédération / cantons: Aucune conséquence Pas de compensapratique tion Contribuable ayant son domicile en Allemagne: Aucune conséquence pratique

FF 2024 650

Situation avec les autres États limitrophes concernant l'imposition du télétravail Personnes concernées

Conséquences fiscales de l'instauration de la norme d'imposition nationale

Droit en vigueur

Conséquences pour d'éventuels paiements compensatoires

Italie Anciens et nouveaux frontaliers (concerne GR, TI et VS) (art. 15, al. 4, de la Convention du 9 mars 1976 entre la Confédération suisse et la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune29)

Confédération / cantons: Anciens frontaliers: le droit d'imposer le revenu de l'activité lucrative revient exclusivement à la Suisse en tant que lieu de travail.

Nouveaux frontaliers: le droit d'imposer le revenu de l'activité lucrative revient à hauteur de 80 % à la Suisse en tant que lieu de travail.

La réglementation s'applique de manière réciproque aussi bien aux frontaliers domiciliés dans les communes italiennes limitrophes qu'aux frontaliers domiciliés dans les cantons GR, TI et VS.

Confédération / cantons: Aucune conséquence pratique. À cela s'ajoute le fait que la Suisse peut imposer, depuis le 1er janvier 2024, jusqu'à 25 % du temps de travail effectué en télétravail dans l'État de résidence.

Confédération / cantons: Pas de nouvelle compensation

Contribuable ayant son domicile en Italie: Aucune conséquence pratique

Contribuable ayant son domicile en Italie: Le revenu de l'activité lucrative des nouveaux frontaliers est également imposé en Italie. L'Italie élimine la double imposition par la méthode de l'imputation.

29

RS 0.672.945.41

19 / 28

FF 2024 650

Situation avec les autres États limitrophes concernant l'imposition du télétravail Personnes concernées

Conséquences fiscales de l'instauration de la norme d'imposition nationale

Droit en vigueur

Conséquences pour d'éventuels paiements compensatoires

Liechtenstein Frontaliers (art. 15, al. 4, de la Convention du 10 juillet 2015 entre la Confédération suisse et la Principauté du Liechtenstein en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune30)

Confédération / cantons: Confédération / cantons: Pas d'imposition en Aucune conséquence Suisse en tant que lieu pratique de travail

Toutes les personnes exerçant une activité lucrative dépendante (art. 15, al. 1, de la Convention du 30 janvier 1974 entre la Confédération suisse et la République d'Autriche en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune31)

Confédération / cantons: Le droit d'imposer le revenu de l'activité lucrative revient intégralement à la Suisse en tant que lieu de travail.

Confédération / cantons: Pas de compensation

Autriche

Contribuable ayant son domicile en Autriche: L'Autriche élimine la double imposition par la méthode de l'imputation.

Confédération / cantons: Confédération / cantons: Aucune conséquence Pas de nouvelle pratique compensation Contribuable ayant son domicile en Autriche: Aucune conséquence pratique

Si une base d'imposition expresse pour le télétravail effectué dans l'État de résidence est créée dans le droit national, l'attestation des jours de travail durant lesquels l'activité a été exercée sous forme de télétravail revêt une grande importance. Dans ce contexte, il est judicieux que l'attestation à remettre pour chaque période fiscale à l'intention des autorités de taxation se fonde sur une obligation de fournir des attestations incombant à des tiers inscrite dans la LIFD et la LHID.

30 31

RS 0.672.951.43 RS 0.672.916.31

20 / 28

FF 2024 650

4.2

Mise en oeuvre

La norme centrale (art. 5, al. 1, let. abis, LIFD et art. 4, let. abis, LHID) elle-même ne nécessite pas de disposition d'exécution, contrairement aux obligations de fournir des attestations liées au télétravail.

5

Commentaire des dispositions

5.1

Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct

Art. 5, al. 1, let. a, abis et f Let. a La norme en vigueur ne précise pas s'il s'agit uniquement d'une activité lucrative dépendante ou également d'une activité lucrative indépendante. Elle doit être précisée de manière à ce que les deux types d'activité soient expressément couverts. L'activité lucrative indépendante concerne notamment les artistes, les sportifs et les conférenciers. Actuellement, seul l'art. 92 régit explicitement leur imposition à la source. La précision apportée permet de couvrir dans cette disposition toutes les formes d'activité lucrative exercée physiquement en Suisse. Par rapport au droit en vigueur, il n'y a aucun changement matériel, la portée de la disposition reste la même.

Let. abis Cette nouvelle disposition garantit qu'un employé résidant à l'étranger soit imposable même lorsque le travail est effectué hors de Suisse tant que l'employeur a son siège, son administration effective ou un établissement stable en Suisse. La portée de cette norme est limitée aux cinq États limitrophes de la Suisse et au droit accordé à la Suisse d'imposer le télétravail.

Le critère de l'administration effective permet de tenir compte du fait qu'il existe un point de rattachement alternatif pour le rattachement personnel des personnes morales en Suisse. L'administration effective se trouve généralement là où tout se décide En ce sens, selon la jurisprudence récente, l'administration effective coïncide avec le lieu de la direction effective.

Let. f Des précisions sont apportées à la réglementation en vigueur dans trois domaines.

Premièrement, l'administration effective est ici aussi considérée comme un point de rattachement économique. Deuxièmement, l'exemption de l'impôt à la source applicable au revenu du travail pour les marins travaillant sur des navires de mer n'est possible que si ces navires battent pavillon suisse, ce qui correspond à la pratique

21 / 28

FF 2024 650

actuelle32. Troisièmement, l'exonération ne peut avoir lieu que si l'employeur exploite lui-même le bateau. Sont donc exclues de l'exonération les personnes employées par des agences qui sont mises à disposition d'exploitants de navires et qui ne disposent pas de leurs propres navires de mer.

Art. 91 Al. 1 L'al. 1 se fonde sur le droit en vigueur. Comme à l'art. 35, al. 1, let. a, LHID, le terme générique retenu est celui de travailleurs domiciliés à l'étranger. La distinction opérée dans le droit en vigueur (frontaliers, résidents à la semaine et résidents de courte durée domiciliés à l'étranger) est supprimée. La nouvelle formulation simplifie la mise en relation avec la notion de résidence telle qu'elle est utilisée dans les CDI, car cellesci ne connaissent pas les notions de résident à la semaine et de résident de courte durée. Sur le plan matériel, il n'en résulte aucune conséquence. Par ailleurs, l'exonération des revenus soumis à l'imposition selon la procédure simplifiée est regroupée avec celle des revenus des marins travaillant à bord d'un navire de mer battant pavillon suisse à l'al. 4.

Al. 2 Cette disposition reprend, pour la procédure de retenue à la source, les principes définis à l'art. 5, al. 1, let. abis.

Al. 3 La réglementation en vigueur relative au revenu de l'activité lucrative des employés travaillant dans le trafic international aérien, maritime ou routier est modifiée sur deux points. D'une part, comme à l'al. 2, l'administration effective est également considérée comme un point de rattachement économique possible. D'autre part, l'exemption prévue pour les marins travaillant à bord d'un navire de mer est déplacée dans un nouvel al. 4.

Al. 4 L'al. 4 reprend de l'actuel al. 2 l'exemption de l'impôt à la source applicable au revenu du travail pour les marins travaillant à bord de navires de mer exploités par des employeurs ayant leur siège, leur administration effective ou un établissement stable en Suisse, les navires de mer concernés devant battre pavillon suisse. L'exonération expresse des revenus soumis à l'imposition selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 37a est désormais intégrée à l'al. 4, alors qu'elle était inscrite jusqu'ici à l'al. 1.

32

www.estv.admin.ch > Impôt fédéral direct > Informations spécialisées > Lettres circulaires sur l'impôt fédéral direct > Lettre circulaire no 202: Notices sur l'imposition à la source et aperçus des conventions de double imposition > Imposition à la source des travailleurs dans une entreprise de transports internationaux. Aperçu des conventions de double imposition > Note de bas de page 2 dans l'aperçu des CDI concernant l'exonération des équipages de navire de mer.

22 / 28

FF 2024 650

Art. 127, al. 3 Cette disposition renforce la sécurité juridique pour les cas où un travailleur changerait d'employeur en cours d'année. Ainsi, le nombre de jours durant lesquels l'activité a été exercée sous forme de télétravail au cours de l'année concernée peut être communiqué au nouvel employeur afin que celui-ci puisse convenir les modalités relatives au télétravail avec le travailleur en tenant compte de l'accord pertinent et respecter ses obligations.

Le contenu exact de l'attestation devra être défini dans l'ordonnance du 11 avril 2018 sur l'imposition à la source33. Les éléments clés sont: ­

le renvoi à l'accord pertinent;

­

les données nécessaires définies dans l'accord ou qui en découlent (par ex.

nom, prénom, taux de télétravail, voyages d'affaires dans l'État de résidence du travailleur et dans des États tiers).

Art. 129, al. 1, let. e Let. e Le bon fonctionnement des réglementations de droit international adoptées entre les États suppose que les données salariales soient attestées de manière adéquate. À cet effet, il convient, en plus des obligations de fournir des attestations que la loi impose déjà à des tiers, d'introduire une obligation de fournir aux autorités de taxation, dans le cadre de l'échange de données, la preuve des données prévues par l'accord fiscal international concerné. Celles-ci peuvent notamment comprendre le revenu, le montant de l'impôt, les cotisations de sécurité sociale, le taux de télétravail ou le nombre de jours de télétravail, ainsi que des données permettant d'identifier le contribuable.

Depuis le 1er janvier 2024, l'art. 104a donne la possibilité aux cantons de recourir à des procédures électroniques. Ce point concerne le dépôt des déclarations d'impôt et de leurs annexes et permet de tenir compte des nouveaux développements techniques en matière de traitement des attestations.

33

RS 642.118.2

23 / 28

FF 2024 650

5.2

Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes

Art. 4, al. 2, let. a, abis et f Let. a La modification correspond à celle de la norme similaire contenue dans la LIFD. La référence est le canton.

Let. abis Cette nouvelle disposition correspond à la nouvelle disposition similaire contenue dans la LIFD. La référence est le canton.

Let. f Cf. commentaire de l'art. 5, al. 1, LIFD.

Art. 35, al. 1, let. abis et h Let. abis Tout comme l'art 91, al. 2, LIFD modifié, cette disposition garantit que l'employeur en tant que point de rattachement économique a son siège, son administration effective ou son établissement stable dans le canton. La base d'imposition nationale est par ailleurs également limitée aux cinq États limitrophes.

Let. h Les précisions apportées à la disposition relative au travail dans le trafic international sont les mêmes que celles qui sont apportées à l'art. 91, LIFD: extension du rattachement économique à l'administration effective, exemption de l'impôt à la source applicable au revenu de l'activité lucrative pour les marins travaillant à bord de navires de mer qui battent pavillon suisse et pouvant fournir la preuve que l'employeur exploite lui-même le navire.

Art. 43, al. 1bis Cf. commentaire de l'art. 127, al. 3, LIFD.

Art. 45, al. 1, phrase introductive et let. f, et 2 Phrase introductive La phrase introductive est maintenant identique avec la phrase introductive telle qu'elle existe dans le droit en vigueur de la version allemande.

Let. f Cette nouvelle disposition correspond à la disposition similaire contenue à l'art. 129, al. 1, let. e, LIFD.

24 / 28

FF 2024 650

Al. 2 Depuis l'entrée en vigueur de la LIFD, son art. 129, al. 2, prévoit qu'un double de l'attestation doit être adressé au contribuable. Pour des raisons de sécurité juridique, l'al. 2 inscrit désormais cette exigence dans la LHID, afin que les employeurs de tous les cantons soient soumis à cette obligation.

Dispositions finales L'al. 2 laisse au Conseil fédéral le soin de fixer la date de l'entrée en vigueur. Si l'avenant à la CDI avec la France peut déployer ses effets au 1er janvier 2025, le Conseil fédéral veillera à ce que les modifications du droit national entrent également en vigueur le 1er janvier 2025.

La disposition générale sur l'adaptation des législations cantonales (art. 72, al. 1, LHID) prévoit que la Confédération tienne compte des cantons lorsqu'elle fixe la date d'entrée en vigueur. La Confédération leur laisse en général un délai d'au moins deux ans pour modifier leur législation, mais un délai plus court peut être envisagé à titre exceptionnel.

6

Conséquences

6.1

Conséquences financières

Le projet a en premier lieu des répercussions sur les recettes de l'imposition des travailleurs frontaliers de France et d'Italie qui découlent de l'avenant à la CDI bilatérale ou du protocole à l'accord sur l'imposition des frontaliers. Il garantit que la Suisse puisse exercer pleinement le droit d'imposition qui découle de l'avenant et du protocole en question. Les solutions trouvées avec la France et l'Italie en matière de télétravail préservent les recettes fiscales concernées, ce qui ne serait pas le cas si les règles ordinaires de la CDI ou de l'accord sur l'imposition des frontaliers signés avec ces pays étaient appliquées.

Si les règles ordinaires de la CDI avec la France s'appliquaient, comme ce serait le cas sans la solution négociée, la baisse des recettes fiscales suisses se monterait à quelques centaines de millions de francs par an. La part de cette perte de recettes pour la Confédération peut être estimée à environ 15 %. Pour le télétravail à hauteur de 40 % au maximum du temps de travail par année civile, la solution négociée attribue à l'État contractant dans lequel l'employeur est établi le droit d'imposer la rémunération de l'activité exercée sous forme de télétravail dans l'État de résidence de l'employé. Par rapport aux règles ordinaires de la CDI avec la France, la nouvelle solution permet à la Suisse d'imposer la rémunération de l'activité exercée en France sous forme de télétravail et de conserver 60 % des impôts correspondants.

La nouvelle solution d'imposition du télétravail effectué dans l'État de résidence assure donc le maintien de recettes fiscales suisses qui seraient perdues si les règles normales de la CDI avec la France s'appliquaient. Si la part de l'activité exercée sous forme de télétravail dépasse 40 % du temps de travail par année civile, le salaire correspondant à cette part continue d'être imposé dans l'État de résidence du travailleur.

25 / 28

FF 2024 650

6.2

Conséquences économiques

Le télétravail dans l'État de résidence facilite l'embauche de travailleurs étrangers par les entreprises suisses et permettent d'offrir des conditions de travail plus flexibles aux travailleurs hautement qualifiés résidant de l'autre côté de la frontière. La présente modification législative permet de prendre en compte l'évolution dans le domaine du télétravail effectué dans l'État de résidence dans le droit suisse également. Cela permet de créer une sécurité juridique pour les employés et les employeurs concernés ainsi que pour les autorités fiscales. Un aspect essentiel de cette sécurité juridique réside dans le fait que la Confédération et les cantons peuvent continuer à appliquer les modalités d'imposition existantes dans ce domaine. Par rapport au statu quo, le projet devrait donc avoir peu d'impact économique.

Il faut partir du principe que la mise en oeuvre de l'avenant à la CDI avec la France entraînera un surcroît de travail (obligation de fournir des attestations) pour les autorités fiscales et les employeurs. Selon les informations fournies par l'administration fiscale du canton de Genève, un peu plus de 7000 employeurs sont potentiellement concernés par cette mesure dans le canton.

6.3

Conséquences dans d'autres domaines

Le quick check a montré que le projet entraînera un alourdissement de la charge administrative, eu égard à l'obligation de fournir des attestations (cf. ch. 3.1).

Par ailleurs, on peut s'attendre à ce que l'augmentation du télétravail par des travailleurs étrangers réduise le trafic pendulaire et donc la pollution de l'environnement.

Cela concerne en premier lieu les cantons frontaliers. Du point de vue de la politique de la santé, une amélioration de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée est envisageable, car il reste plus de temps pour la famille.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le projet d'acte modificateur unique se fonde sur la même base dans la Constitution (Cst.)34 que la LIFD (art. 128 et 129 Cst.) et la LHID (art. 127, al. 3, et 129, al. 1 et 2, Cst.) en vigueur. Il est conforme à l'art. 127, al. 1 et 2, Cst. (principes régissant l'imposition).

34

RS 101

26 / 28

FF 2024 650

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les modifications apportées à la LIFD et à la LHID sont compatibles avec les obligations de la Suisse en matière de droit international. La nouvelle norme centrale (art. 5, al. 1, let. abis, LIFD et art. 4, al. 2, let. abis, LHID) ne peut déployer d'effets concrets que si le droit d'imposer le télétravail est attribué à la Suisse dans le cadre d'un accord avec les pays limitrophes. Les réglementations convenues avec la France et l'Italie constituent une étape importante dans ce sens.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet contient des dispositions importantes fixant des règles de droit qui doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale, conformément à l'art. 164, al. 1, Cst. La révision de la LIFD et de la LHID a donc lieu dans le cadre de la procédure législative normale.

27 / 28

FF 2024 650

28 / 28