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Répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux Rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales sur l'état de la mise en oeuvre de leurs recommandations par les tribunaux fédéraux du 23 février 2024

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Condensé La procédure suivie par les tribunaux pour la désignation des juges appelés à statuer sur une affaire déterminée revêt une importance clé dans le contexte de l'État de droit.

Ce sont ces règles appliquées à la composition des cours que les Commissions de gestion du Conseil national et du Conseil des États (CdG) ont analysées dans leur rapport de juin 2021, qui contient aussi onze recommandations adressées aux tribunaux fédéraux. Dans ces recommandations, les CdG demandent notamment des procédures plus transparentes ou encore plus d'objectivité dans la composition des cours appelées à statuer grâce au recours à des systèmes informatiques.

Dans le présent rapport, rédigé sur la base des réponses des tribunaux et d'autres informations obtenues, les CdG dressent un bilan des progrès réalisés dans la mise en oeuvre de leurs recommandations. Le tableau qui figure au chapitre 3 en donne une vue d'ensemble. Les CdG concluent que les tribunaux fédéraux ont adapté leurs règlements et ont parfois pris d'autres mesures qui leur ont permis de réaliser de gros progrès en matière de transparence et d'objectivité dans la composition des cours appelées à statuer. Les CdG saluent les précisions apportées aux règlements et l'amélioration des rapports de gestion en cours de réalisation. Elles se félicitent aussi expressément de la décision du Tribunal fédéral (TF) d'introduire une constitution échelonnée des cours appelées à statuer ainsi que de celle du Tribunal administratif fédéral (TAF) de suivre cet exemple.

Les recommandations n'ont cependant pas toutes été mises en oeuvre par tous les tribunaux. Les CdG ont notamment du mal à comprendre pourquoi le Tribunal pénal fédéral (TPF) ne souhaite pas préciser le moment de la composition des cours appelées à statuer dans son règlement. Elles attendent en outre du TF et du TPF qu'ils ajoutent à leurs règlements une disposition clarifiant leur pratique en matière de communication de la composition des cours appelées à statuer. Les CdG ne comprennent pas non plus que le TF rejette l'idée d'une attribution des juges d'instruction par un programme informatique. Elles demandent par ailleurs au TPF de fournir une motivation factuelle de son opposition au développement d'un programme informatique.

Finalement, le TF, le TPF et le Tribunal fédéral des brevets (TFB)
refusent tous les trois de pondérer ou de hiérarchiser explicitement les critères appliqués à la composition des cours appelées à statuer. Les CdG attendent de ces trois autorités judiciaires qu'elles expliquent et motivent cette position de manière circonstanciée. En conclusion, les CdG estiment que certaines améliorations ponctuelles sont encore possibles ou qu'il existe en tous cas un besoin d'informations additionnelles.

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Rapport 1

Contexte

La procédure suivie par les tribunaux pour la répartition des affaires entre les juges est éminemment importante dans la perspective de l'État de droit et du lien au moins partiel existant avec les droits fondamentaux. La principale difficulté consiste à trouver le meilleur équilibre possible entre l'objectivité et la transparence d'une part, sous la forme de règlements aussi précis que possible, et la souplesse ainsi que l'efficacité requises d'autre part, pour laisser aux tribunaux la marge de manoeuvre dont ils ont besoin. Si le recours à un logiciel d'attribution des affaires (comme celui qui est actuellement utilisé par le Tribunal fédéral et par le Tribunal administratif fédéral) permet d'augmenter l'objectivité de la répartition, cette solution crée aussi certains problèmes.

Se fondant sur une évaluation1 du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), les Commissions de gestion du Conseil national et du Conseil des États (CdG) ont, le 22 juin 2021, adopté et publié leur rapport sur la «Répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux»2. Ils y ont formulé onze recommandations à l'intention des tribunaux fédéraux, à savoir le Tribunal fédéral (TF), le Tribunal administratif fédéral (TAF), le Tribunal pénal fédéral (TPF) ainsi que le Tribunal fédéral des brevets (TFB), et les ont invités à prendre position. La Commission administrative du Tribunal fédéral (CA-TF) a pris position sur le rapport le 21 décembre 2021, en tenant compte des avis des tribunaux de première instance. Par la suite, d'autres échanges ont eu lieu entre les sous-commissions Tribunaux/MPC, compétentes en la matière, et les tribunaux intéressés, soit par écrit, soit dans le cadre d'auditions.

Depuis lors, les tribunaux fédéraux ont ajusté leurs règlements et parfois pris certaines autres mesures. Le but du présent rapport est de donner un aperçu des progrès réalisés dans la mise en oeuvre des recommandations. Les CdG y effectuent une évaluation pour chacune d'entre elles (chapitre 2). Ces appréciations et conclusions des CdG sont ensuite présentées sous la forme d'un tableau au chapitre 3. Les CdG ont examiné le présent rapport lors de leurs séances du 16 et 23 février 2024 et ont décidé de le publier.

1

2

Répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux. Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention des Commissions de gestion du Conseil national et du Conseil des États du 5.11.2020 (FF 2021 2436).

Répartition des affaires au sein des tribunaux fédéraux, Rapport des Commissions de gestion du Conseil national et du Conseil des États du 22.6.2021 (FF 2021 2437).

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Mise en oeuvre des recommandations

2.1

Aperçu et généralités

La notion de la répartition des affaires inclut d'une part l'attribution des affaires à l'une des cours d'un tribunal et d'autre part la composition du collège des juges constituant la cour appelée à statuer. La composition de la cour est terminée lorsque tous les critères pertinents, notamment la langue ou les connaissances spécifiques requises, ont été pris en compte. Si la composition d'une cour est modifiée après-coup, par exemple pour cause d'absence de membres du collège, il s'agit d'une adaptation de la cour appelée à statuer.

Les CdG se sont penchées sur les processus de composition et d'adaptation des cours appelées à statuer propres à chaque tribunal3. Bien que les CdG n'aient jamais eu aucun indice pouvant laisser supposer que les critères pris en compte par les tribunaux pour la composition des cours ne soient pas en conformité avec la loi ou la Constitution, elles estiment que le potentiel d'améliorations n'a pas encore été épuisé.

Les chapitres suivants sont tous construits sur le même schéma: ils commencent par la recommandation formulée par les CdG dans leur rapport du 22 juin 2021, suivie d'un aperçu général. Vient ensuite la réponse donnée par chacun des tribunaux contactés, avec l'appréciation des CdG. Celles-ci n'ont pas inclus dans leur rapport un développement circonstancié des éléments de fond, car elles estiment avoir motivé de manière détaillée les recommandations figurant dans le rapport du 22 juin 2021. À chaque fois que les recommandations ont été mises en oeuvre, les CdG ont opté pour la concision.

2.2

Recommandation 1 ­ Exhaustivité des critères objectifs de répartition des affaires

Recommandation 1 1. Les tribunaux fédéraux examinent leurs règlements respectifs sous l'angle de l'exhaustivité des critères objectifs pris en compte dans la pratique lors de la composition des cours appelées à statuer.

2. Ils adaptent, si nécessaire, les dispositions générales et abstraites de leurs règlements à leur pratique afin que ces règlements soient conformes à la réalité et que les critères utilisés soient clairs.

3

La constitution des cours, des chambres ou des domainesdes tribunaux ne faisait pas partie du mandat d'évaluation adressé au CPA et n'a pas non plus été l'objet du rapport des CdG du 22 juin 2021. Par ailleurs, l'analyse n'a jamais porté sur des cas concrets de composition de cours.

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Par cette recommandation formulée en termes généraux, les CdG ont invité les tribunaux à s'assurer eux-mêmes de l'exhaustivité de leurs règlements internes et à les compléter si nécessaire. Les CdG ont formulé cette recommandation afin d'améliorer au maximum la transparence, pour le public en général, mais aussi, plus spécifiquement, dans l'intérêt des justiciables. Selon l'appréciation donnée plus bas, les CdG considèrent que leurs recommandations ont été en grande partie mises en oeuvre par le TF, mises en oeuvre par le TAF et le TFB et partiellement mises en oeuvre par le TPF.

Prise de position du TF Dans sa prise de position du 21 décembre 2021, la CA-TF confirme avoir examiné la question. Elle estime que les règles en vigueur au moment de la réponse, fixées dans la loi et le règlement, sont suffisantes et offrent assez de transparence. Elle renvoie aussi à deux compléments au règlement entrés en vigueur4 qui n'ont pas encore pu être pris en compte dans le rapport des CdG du 22 juin 2021. Ces compléments viennent préciser des questions de compétences et de délégation de tâches liées à la composition de la cour appelée à statuer, notamment le transfert de la présidence à un autre membre du collège dans certaines matières. Dans le sillage de questions complémentaires posées par les sous-commissions Tribunaux/MPC, la CA-TF a, dans son courrier du 2 août 2022, annoncé son intention d'apporter une nouvelle modification à son règlement, sans toutefois en préciser l'objet concret.

Appréciation des CdG Les CdG estiment que la première modification du règlement mentionnée plus haut n'était toujours pas suffisante au vu de la réalité du processus de composition des cours. Elles se félicitent du fait que le TF ait réagi à la lettre dans laquelle les souscommissions soulignaient l'importance de la transparence en procédant à un nouvel examen de la recommandation. Grâce à la nouvelle modification5, le règlement est désormais plus détaillé au sujet de la composition des cours. En conséquence, les CdG estiment que leur recommandation a été en grande partie mise en oeuvre. Elles déplorent uniquement que les motifs de récusation, qui sont pourtant un critère important, ne soient toujours pas répertoriés explicitement dans le règlement. Elles maintiennent cette appréciation ou cette recommandation, même si
ces motifs figurent déjà de manière détaillée dans la loi (art. 34 LTF).

Par souci de transparence, les CdG invitent dès lors la CA-TF à faire au moins mention du critère important que sont les motifs de récusation sous la forme d'un renvoi à l'article de loi pertinent.

Prise de position du TAF Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TAF reconnaît un certain besoin d'intervenir et propose de compléter les critères objectifs fixés dans le règlement sur la base de la pratique suivie.

4 5

Modification du 6.5.2021 du règlement du Tribunal fédéral (RTF; RS 173.110.131) entrée en vigueur le 1.7.2021 (RO 2021 327).

Modification du 13.6.2022 du règlement du Tribunal fédéral (RTF; RS 173.110.131) entrée en vigueur le 1.1.2023 (RO 2023 65).

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Appréciation des CdG En modifiant son règlement6, le TAF a mis en oeuvre l'objectif de la précision maximale tout en accordant aux cours la marge de manoeuvre dont elles ont besoin. Les CdG considèrent donc que leur recommandation a été mise en oeuvre.

Prise de position du TPF Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TPF a considéré que ses règles objectives d'attribution des affaires étaient décrites de manière suffisamment précise.

À cet égard, le TPF ne souhaite toujours pas mentionner le critère du genre dans le règlement, car celui-ci figure déjà dans la loi7. Lors de l'audition des sous-commissions Tribunaux/MPC du 6 novembre 2023, le TPF a laissé entendre, en réponse à une question de ces dernières, qu'il examinerait éventuellement l'opportunité d'ajouter un renvoi aux articles de loi correspondants.

Appréciation des CdG Les CdG signalent que le CPA avait constaté dans son évaluation8 que le genre était un critère souvent pris en compte par le TPF alors même que ce critère ne figurait pas dans le règlement. Les CdG saluent le fait que le TPF se montre disposé à examiner l'opportunité d'ajouter un renvoi dans son règlement et attendent du TPF qu'il les tiennent informées du résultat de cet examen dans les plus brefs délais. Elles prennent acte du fait que le TPF n'est toujours pas prêt à inscrire dans le règlement la pratique concernant le critère du genre pour les cas qui ne relèvent pas des art. 153, al. 1, ou 335, al. 4, du Code de procédure pénale. Actuellement, les CdG considèrent que la recommandation est partiellement mise en oeuvre.

Prise de position du TFB Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TFB a fait savoir qu'il allait compléter les critères pour la composition des cours appelées à statuer dans son règlement interne.

Appréciation des CdG La modification9 que le TFB a apportée à son règlement a permis de préciser les dispositions relatives à la composition des cours appelées à statuer et a donc amélioré la transparence. Pour les CdG, la recommandation allant dans ce sens a dès lors été mise en oeuvre. Ce qu'elles déplorent encore, c'est le manque de clarté d'une formulation (cf. recommandation 4).

6 7 8 9

Modification du 13.12.2022 du règlement du Tribunal administratif fédéral (RTAF; RS 173.320.1) entrée en vigueur le 1.6.2023 (RO 2023 238).

Art. 153, al. 1, ou art. 335, al. 4, du Code de procédure pénale (RS 312.0).

Rapport d'évaluation du CPA, p. 19.

Modification du 30.5.2023 du règlement du Tribunal fédéral des brevets (RTFB; RS 173.413.1) entrée en vigueur le 1.7.2023 (RO 2023 299). Cette modification a permis d'introduire le critère de la langue, de faire mention de la possibilité de compléter la cour et de modifier les compétences.

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2.3

Recommandation 2 ­ Réglementation concernant le moment de la composition de la cour appelée à statuer

Recommandation 2 Le TF et le TPF fixent dans leur règlement le moment où ils composent ou complètent leurs cours appelées à statuer.

Le moment de la composition de la cour est fixé par souci d'uniformité et de transparence. Cette recommandation, qui répond aux normes internationales10, ne s'adressait qu'au TF, qui l'a maintenant mise en oeuvre, et au TFB, qui ne l'a toujours pas mise en oeuvre. Dans ce contexte, les CdG émettent toutefois une réserve par rapport à la version révisée du règlement du TFB, car le moment de la composition de la cour n'y est plus déterminé.

Prise de position du TF Dans sa prise de position du 21 décembre 2021, la CA-TF s'était déclarée disposée à compléter le règlement du tribunal en y définissant le moment de la composition des cours appelées à statuer et a ensuite, par courrier du 2 août 2022, informé les CdG des modifications apportées (art. 40, al. 3 et 4, RTF)11.

Appréciation des CdG En adoptant la modification susmentionnée, le TF a ­ de l'avis des CdG ­ mis en oeuvre sa recommandation. Il a en outre inscrit dans son règlement et mis en application le principe de la composition échelonnée de la cour appelée à statuer12, ce que les CdG saluent expressément.

Prise de position du TPF Dans sa prise de position du 21 décembre 2021, le TPF a fait savoir que la désignation dès le début de la procédure de l'ensemble des membres de la cour appelée à statuer a fait ses preuves. Il ne souhaite pas adopter de disposition réglementaire à ce sujet, car il craint des démarches procédurales inutiles. Dans un courrier du 3 août 2022 adressé aux CdG, la Commission administrative du TPF (CA-TPF) a maintenu cette position.

10 11 12

Rapport d'évaluation du CPA, ch. 3.2 Modification du 13.6.2022 du règlement du Tribunal fédéral (RTF; RS 173.110.131) entrée en vigueur le 1.1.2023 (RO 2023 65).

La composition échelonnée de la cour consiste, pour le tribunal, à commencer par ne désigner que le ou la juge d'instruction. Une fois que celui-ci ou celle-ci a rédigé le projet d'arrêt, la cour est complétée. Ce procédé permet d'éviter que le projet d'arrêt soit biaisé en fonction des susceptibilités des autres membres de la cour.

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Appréciation des CdG Les CdG ne parviennent pas à comprendre les craintes formulées par le TPF étant donné que le complément qu'elles lui demandent d'ajouter au règlement, par souci de transparence, se limite à une description de la pratique actuelle. Elles considèrent donc que leur recommandation n'a pas été mise en oeuvre.

Informations du TAF Durant l'audition organisée par les sous-commissions Tribunaux/MPC le 21 juin 2023, la Commission administrative du TAF (CA-TAF) a annoncé son intention de saisir l'occasion de l'introduction de la nouvelle solution informatique fin 2025 ou début 2026 pour commencer à introduire la composition échelonnée des collèges des juges appelés à statuer dans la mesure où ­ a-t-elle affirmé ­ un tel procédé n'était pas possible avec le logiciel actuel d'attribution des affaires.

En conséquence, le TAF avait inclus la composition échelonnée des cours dans la liste des exigences auxquelles devait satisfaire le nouveau système. C'est la raison ­ selon lui ­ pour laquelle il avait renoncé à régir explicitement le moment de la composition des cours appelées à statuer dans son règlement.

Appréciation des CdG Les CdG soulignent expressément qu'elles saluent l'intention du TAF de passer au système de la constitution échelonnée des collèges de juges. Elles comprennent aussi et jugent approprié que le TAF ne veuille plus investir dans une solution informatique devant être remplacée. Comme la version révisée du RTAF ne contient plus de disposition déterminant le moment de la composition des collèges de juges, le TAF se trouve lui aussi visé par la recommandation, qui, à l'heure actuelle, ne peut pas être considérée comme mise en oeuvre. Les CdG attendent que le moment de la composition du collège des juges fasse de nouveau l'objet d'une disposition réglementaire expresse une fois que le nouveau logiciel aura été introduit. D'ici là, elles invitent le TAF à opter pour la solution minimale d'une réglementation dans ses directives internes. Cet avis est confirmé par l'expertise externe à laquelle le TAF a soumis la révision de son règlement13. Les CdG porteront une nouvelle fois leur attention sur cette question dans le cadre de leur contrôle de suivi.

13

Thurnherr, Daniela (2023): Spruchkörperbildung durch das Bundesverwaltungsgericht.

Überprüfung von Rechtsgrundlagen und Praxis der Spruchkörperbildung am Bundesverwaltungsgericht. Rz. 3, 130 fss. (disponible uniquement en allemand).

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2.4

Recommandation 3 ­ Communication de la composition des cours appelées à statuer

Recommandation 3 Les tribunaux fédéraux communiquent activement la composition des cours appelées à statuer aux parties prenantes à la procédure. Ils complètent si nécessaire leur règlement en y intégrant une disposition prévoyant cette obligation.

Pour les CdG, il est essentiel que les parties à la procédure connaissent la composition de la cour le plus tôt possible si l'on ne veut pas les priver de la possibilité de demander la récusation de certains ou certaines juges. À leur sens, le système permettant le dépôt provisionnel de demandes de récusation dans l'éventualité de la nomination de certains ou certaines juges est inadéquat par principe. Il ressort du développement figurant plus bas que les recommandations des CdG n'ont, à leurs yeux, pas été mises en oeuvre par le TF et par la Cour des plaintes du TPF, et n'ont été mises en oeuvre que partiellement par le TAF, le TFB et par la Cour des plaintes ainsi que par la Cour d'appel du TPF.

Prise de position du TF Dans sa prise de position du 21 décembre 2021, la CA-TF a souligné que ses cours étaient composées de cinq ou six juges et que les listes des juges ordinaires et des juges suppléants étaient accessibles sur Internet14. Dans son courrier du 2 août 2022, le TF a fait savoir qu'il ne tenait pas de statistiques sur les demandes de récusation, mais que selon les estimations des présidents et présidentes des cours, leur nombre se situait entre cinq et dix par année. De l'avis du TF, le système actuel répond aux besoins des justiciables et a donné satisfaction.

Appréciation des CdG Les CdG maintiennent leur recommandation malgré le nombre très bas des demandes de récusation déposées, notamment parce qu'elles voient leur position confirmée par une recommandation internationale15. Au Tribunal fédéral, la plupart des arrêts sont rendus par un collège de trois juges, ce qui augmente l'incertitude de la composition effective de la cour compte tenu du fait que les seules listes pouvant être consultées sont celles qui figurent sur Internet. Les CdG considèrent que leur recommandation n'a pas été mise en oeuvre. Elles prient à nouveau le TF de veiller à ce que la communication de la composition de la cour appelée à statuer soit régie expressément dans son règlement.

14 15

Cela correspond à la jurisprudence du Tribunal fédéral (1B_491/2018 du 11.1.2019, c.

2.2); voir aussi rapport d'évaluation du CPA, ch. 3.2.

RECJ Réseau européen des Conseils de la Justice (2014), Minimum Judicial Standards IV, Allocation of Cases. ENCJ Report 2013­2014. https://www.encj.eu/images/ stories/pdf/workinggroups/encj_report_standards_iv_allocation_of_cases_2014.pdf (état au 3.10.2023). p. 10 (recommandation 11, disponible uniquement en anglais).

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Prise de position du TAF Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TAF partage en principe l'avis du Tribunal fédéral tout en envisageant des adaptations mineures. La CA-TAF a confirmé dans son courrier du 3 août 2022 que le tribunal entendait maintenir sa pratique actuelle consistant, par principe, à ne pas communiquer la composition de la cour aux parties. Elle motive cette position par le travail supplémentaire qui serait lié à la communication de la composition de la cour (qui devrait se faire non seulement au moment de sa constitution, mais aussi à chaque modification de sa composition) ainsi que par les délais très courts prévus par la loi (notamment dans le domaine de l'asile). Elle renvoie aussi à la possibilité de consulter la liste des juges sur Internet ou de se renseigner auprès du tribunal. En parallèle, le tribunal annonce son intention d'introduire dans son règlement une disposition prévoyant la communication de la composition de la cour sur demande.

Appréciation des CdG Les CdG continuent de penser que les tribunaux se doivent de communiquer activement la composition de la cour aux parties. Compte tenu du travail additionnel et des délais souvent très courts auxquels le TAF est confronté, les CdG comprennent la position du TAF, qui avait d'ailleurs été jugée défendable et conforme au droit dans l'avis de droit externe16. Les CdG saluent le fait que le règlement du TAF contienne désormais une disposition prévoyant que, sur demande, la composition du collège des juges soit communiquée aux parties (art. 32c)17 et considèrent donc leur recommandation comme partiellement mise en oeuvre.

Prise de position du TPF Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TPF confirme que, pour les affaires traitées par sa Cour des affaires pénales et par sa Cour d'appel, une communication active relative à la composition de la cour a fait ses preuves et sera donc maintenue.

Le TPF a en outre précisé que sa Cour des plaintes partageait l'avis du Tribunal fédéral selon lequel les informations disponibles pour tous les justiciables sur le site du TF suffisaient pour leur permettre, le cas échéant, de déposer une demande de récusation, et que des modifications mineures étaient envisagées. Dans son courrier du 3 août 2022, la CA-TPF a fait savoir qu'elle avait légèrement modifié le site
Internet du tribunal en rendant publics non seulement les noms des juges, mais aussi ceux des greffiers et des greffières. Elle a également annoncé que la composition des cours serait désormais communiquée sur demande.

Appréciation des CdG Les CdG saluent le fait que la composition des cours soit activement communiquée aux parties par la Cour des affaires pénales et par la Cour d'appel du TPF. Par ailleurs, elles constatent que la Cour des plaintes est désormais elle aussi disposée à communiquer la composition des collèges de juges, même si cette communication ne se fait 16 17

Thurnherr (2023): nm. 134, 144.

Modification du 13.12.2022 du règlement du Tribunal administratif fédéral (RTAF; RS 173.320.1) entrée en vigueur le 1.6.2023 (RO 2023 238).

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que sur demande. Elles déplorent cependant que ces possibilités ne soient mentionnées dans le règlement pour aucune des cours du TPF. En conséquence, elles considèrent que leur recommandation a été partiellement mise en oeuvre par la Cour des affaires pénales et par la Cour d'appel. Elles estiment par contre que la Cour des plaintes ne l'a pas mise en oeuvre et insistent sur la nécessité, pour des raisons de transparence, d'introduire dans le règlement une disposition reflétant au moins la pratique actuelle.

Prise de position du TFB Dans la prise de position du 21 décembre, le TFB a confirmé qu'il communiquait la composition de ses cours aux parties sans que celles-ci n'aient à le demander et a souligné que sa situation était particulière dans la mesure où il avait recours à des juges suppléants spécialisés.

Appréciation des CdG Les CdG saluent la pratique du TFB consistant à communiquer activement la composition de la cour aux parties. Elles estiment cependant que l'art. 7, al. 5,18 ajouté au règlement, soulève de nouvelles questions. Elles sont notamment dérangées par le fait que le règlement contient bien une disposition régissant la communication de la composition de la cour, mais que celle-ci s'applique uniquement à l'adaptation et non à la composition de la cour. Les CdG demandent au TFB de s'expliquer à ce sujet ou de préciser sa manière de procéder et, le cas échéant, de compléter la réglementation à la prochaine adaptation du règlement. Pour les CdG, leur recommandation n'a donc été mise en oeuvre que partiellement.

2.5

Recommandation 4 ­ Réglementation relative à la modification ultérieure des cours appelées à statuer

Recommandation 4 Les tribunaux fédéraux examinent et complètent leurs règlements afin de clarifier les conditions et les critères applicables au remplacement a posteriori d'un juge au sein de la cour appelée à statuer.

La modification de la composition des cours appelées à statuer est un point sensible qui, du point de vue des CdG, doit impérativement être défini dans un règlement19.

Sur la base des explications fournies, les CdG considèrent que cette recommandation a été mise en oeuvre par le TF, le TAF et le TPF, et partiellement mise en oeuvre par le TFB.

18 19

Modification du 30.5.2023 du règlement du Tribunal fédéral des brevets (RTFB; RS 173.413.1) entrée en vigueur au 1.7.2023 (RO 2023 299).

Rapport d'évaluation du CPA, ch. 3.3; voir également le ch. 2.6 du présent rapport.

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Prise de position du TF La CA-TF avait annoncé une modification du règlement du TF dans sa prise de position du 21 décembre 2021, puis elle a informé les CdG de la décision prise par courrier du 2 août 2022.

Appréciation des CdG Le règlement du Tribunal fédéral (art. 40, al. 5, RTF)20 contient maintenant un critère qui doit être appliqué lors de la modification de la cour en cas d'absence prolongée de l'un de ses membres. Les CdG considèrent donc que la recommandation est mise en oeuvre.

Prise de position du TAF Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TAF avait indiqué qu'il examinerait l'opportunité de compléter son règlement. Lors de son audition du 22 février 2023 par les sous-commissions Tribunaux/MPC, il a annoncé qu'il allait mettre en oeuvre cette recommandation.

Appréciation des CdG Dans son règlement révisé, le TAF définit clairement les conditions et les critères de modification de la composition des cours appelées à statuer (art. 32a RTAF)21. Les CdG considèrent donc que la recommandation est mise en oeuvre.

Prise de position du TPF À la demande réitérée des sous-commissions Tribunaux/MPC, la CA-TPF a indiqué, par courrier du 3 août 2022, que le règlement du TPF avait été modifié dans le sens de la recommandation.

Appréciation des CdG La nouvelle disposition du règlement (art. 15a ROTPF)22 définit clairement les conditions et les critères de modification des cours appelées à statuer. Les CdG considèrent donc que la recommandation est mise en oeuvre.

Prise de position du TFB Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TFB a indiqué qu'il allait examiner l'opportunité de compléter son règlement.

20 21 22

Modification du règlement du Tribunal fédéral du 13.6.2022 (RTF; RS 173.110.131) entrée en vigueur le 1.1.2023 (RO 2023 65).

Modification du règlement du Tribunal administratif fédéral du 13.12.2022 (RTAF; RS 173.320.1) entrée en vigueur le 1.6.2023 (RO 2023 238).

Modification du règlement sur l'organisation du Tribunal pénal fédéral du 9.3.2023 (ROTPF; RS 173.713.161) entrée en vigueur le 1.6.2023 (RO 2023 210).

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Appréciation des CdG Le TFB a complété son règlement en y ajoutant une disposition selon laquelle un collège de juges ne peut être adapté «que pour des raisons objectives importantes», en appliquant les mêmes critères que pour la constitution des cours (art. 7, al. 5, RTFB)23.

Les CdG saluent ce complément, mais elles jugent sa formulation trop vague24, car elle ne définit pas ce qu'il faut entendre par des raisons objectives importantes. Par conséquent, elles considèrent que la recommandation est partiellement mise en oeuvre.

Elles prient le TFB de donner son avis sur ce point en expliquant comment il définit des raisons objectives.

2.6

Recommandation 5 ­ Publication des règlements des cours du TAF

Recommandation 5 Dans l'intérêt de la transparence et du suivi de la composition des cours appelées à statuer, le TAF examine l'opportunité de rendre publics les règlements de ses cours.

Le TAF était le seul, parmi les tribunaux fédéraux, à traiter la composition des collèges appelés à statuer au niveau des règlements des cours, ce qui avait amené les CdG à formuler cette recommandation. Compte tenu des éléments présentés ci-après, elles considèrent que la recommandation est partiellement mise en oeuvre.

Prise de position du TAF Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TAF avait annoncé qu'il traiterait de la publication des critères de composition des cours appelées à statuer dans le cadre de la révision de son règlement. Par courrier du 3 août 2022, la CA-TAF a communiqué que ces critères allaient être définis dans les règlements au niveau du tribunal et qu'ils seraient publiés. Lors de son audition devant les sous-commissions Tribunaux/MPC du 21 juin 2023 (peu après l'entrée en vigueur du règlement révisé du TAF et l'abrogation des règlements des cours), le TAF a indiqué qu'il examinera encore dans quelle mesure les critères définis dans le règlement pouvaient être précisés et publiés dans des directives ou des aide-mémoire. Il a souligné qu'il était nécessaire de conserver une certaine marge de manoeuvre pour des questions d'efficacité et de flexibilité et a annoncé son intention d'harmoniser quelque peu des notions juridiques indéterminées.

23 24

Modification du règlement du Tribunal fédéral des brevets du 30.5.2023 (RTFB; RS 173.413.1) entrée en vigueur le 1.7.2023 (RO 2023 299).

De plus, les recommandations internationales préconisent qu'en cas de modification du collège de juges, les critères doivent être plus stricts que pour la composition initiale.

On ne peut donc pas utiliser les mêmes critères (voir rapport d'évaluation du CPA, ch. 3.3).

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Appréciation des CdG Le contexte dans lequel cette recommandation a vu le jour a évolué et le besoin de transparence est désormais suffisamment pris en compte. Les CdG émettent un avis globalement positif sur la révision du RTAF et elles ont été convaincues par les raisons invoquées par le TAF pour ne pas fixer des règles au niveau des cours immédiatement après cette révision. Elles reconnaissent aussi la nécessité de conserver une certaine marge de manoeuvre. Pour réglementer autant que possible sa marge discrétionnaire, les CdG recommandent au TAF de préciser au niveau le plus élevé possible les critères potestatifs, les notions juridiques indéterminées et la délégation des compétences relatives à la composition des cours appelées à statuer aux secrétaires des présidentes et des présidents ou au personnel de chancellerie. Cela permettrait aussi de tenir compte des critiques émises dans la doctrine, en particulier s'agissant de la délégation des compétences en matière de composition des cours25.

Cela étant, la publication des critères n'est pas obligatoire. Elle est cependant plus que souhaitable pour des questions de transparence et de traçabilité, par exemple sous la forme d'aide-mémoire mis à disposition sur le site Internet du TAF. Cette conclusion est d'ailleurs aussi celle à laquelle est arrivé l'avis de droit externe déjà mentionné26.

Par conséquent, les CdG considèrent que cette recommandation est partiellement mise en oeuvre et invitent le TAF à examiner s'il peut encore préciser les critères et les publier. Les sous-commissions compétentes accorderont une importance particulière à cet aspect lors de leur contrôle de suivi.

2.7

Recommandations 6 et 7 ­ Rapport sur la composition des cours appelées à statuer et présentation de celle-ci dans le rapport de gestion

Recommandation 6 1. Le TAF, le TPF et le TFB établissent chaque année un rapport interne qu'ils adressent aussi aux CdG sur la composition des cours appelées à statuer. La méthode de saisie des données et d'établissement des rapports sera élaborée en coordination avec le TF en sa qualité d'autorité de surveillance.

2. Le TF complète son rapport sur la composition des cours appelées à statuer visé à l'art. 42, al. 1, RTF.

25

26

Rapport d'évaluation du CPA, ch. 4.1; Büchel, Konstantin / Kiener, Regina / Lienhard, Andreas / Roller, Marcus (2021): Automatisierte Spruchkörperbildung an Gerichten.

Grundlagen und empirische Erkenntnisse am Beispiel des Bundesverwaltungsgerichts.

In: Justice ­ Justiz ­ Giustizia, 2021/4, ch. 63; Thurnherr (2023): ch. 165 (disponible uniquement en allemand).

Thurnherr (2023): ch. 3, 162­171

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Recommandation 7 Les tribunaux fédéraux examinent sous quelle forme ils pourraient inclure dans leurs rapports de gestion une présentation annuelle de la composition des cours appelées à statuer, et ce, afin de tenir compte de l'intérêt public à cet égard, qui est légitime. En sa qualité d'autorité de surveillance, le TF coordonne la forme de cette présentation.

En formulant la recommandation 6, qui préconise l'établissement d'un rapport interne sur la composition et la modification des cours appelées à statuer, les CdG visaient à améliorer la situation sur deux points. Il s'agissait premièrement de faire en sorte que les règles de procédures soient encore mieux respectées au sein des tribunaux de première instance et que les personnes impliquées soient pleinement conscientes de la sensibilité et de l'importance de la question de la modification des cours appelées à statuer. Deuxièmement, elles voulaient renforcer la fonction de surveillance de la CA-TF sur les tribunaux de première instance.

La recommandation 7 avait pour objectif de simplifier et de réduire la présentation dans les rapports annuels, au profit d'une plus grande transparence de la répartition des affaires à l'égard du public.

La mise en oeuvre de ces deux recommandations est en cours, ce dont les CdG prennent acte avec satisfaction.

Prise de position du TF Dans sa prise de position du 21 décembre 2021, la CA-TF a communiqué qu'elle discuterait d'une présentation appropriée avec les tribunaux de première instance, afin de répondre aux attentes formulées dans les recommandations 6 et 7. Lors de son audition par les sous-commissions Tribunaux/MPC du 5 avril 2023, le TF a indiqué que la présentation serait préparée conjointement avec tous les tribunaux fédéraux et qu'il la publiera à partir du 1er janvier 2024.

Appréciation des CdG Les CdG sont satisfaites que les tribunaux fédéraux mettent en oeuvre les recommandations 6 et 7 et elles apprécient les efforts qui ont déjà été déployés. Elles saluent notamment le fait que, en dépit des craintes du TF que les données publiées puissent être mal interprétées et que cela nécessite de fréquentes rectifications, les tribunaux fédéraux prévoient d'inclure dans le rapport de gestion une présentation de la composition et des modifications des cours appelées à statuer. Elles soulignent que
les présentations intégrées dans le rapport de gestion peuvent et doivent même être simplifiées et réduites pour répondre aux attentes du public cible.

Les CdG prient le TF de leur indiquer quand les rapports seront prêts et à quel moment ils leur seront transmis.

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Informations du TAF Par courrier du 3 août 2022, la CA-TAF a signalé qu'elle avait introduit un contrôle de gestion des cours appelées à statuer pour toutes les procédures introduites à partir du 1er janvier 2022.

Appréciation des CdG Les CdG saluent les travaux accomplis dans le but d'établir une documentation complète sur le processus de constitution des cours appelées à statuer. Elles constatent toutefois qu'elles ne disposent jusqu'à présent que du rapport concernant la période du 1er janvier au 30 juin 2022. Elles comptent sur le fait que le premier rapport complet conformément à la recommandation 6 fournira aussi des renseignements sur les données des contrôles dont le TAF dispose pour la période antérieure à celle du rapport de gestion.

Enfin, les CdG relèvent aussi que le TAF pourrait saisir l'occasion que lui fournit ce contrôle de gestion pour examiner quels nouveaux critères devraient éventuellement être intégrés dans le nouveau logiciel d'attribution des affaires.

2.8

Recommandation 8 ­ Examen d'une façon de rendre plus objective la composition des cours appelées à statuer

Recommandation 8 Le TF examine une façon de rendre plus objective la composition des cours appelées à statuer, en faisant en sorte que le juge instructeur soit également désigné par un programme informatique.

Cette recommandation fait écho à l'opinion des CdG selon laquelle les présidents et les présidentes des cours ont une position privilégiée qui leur permet d'influer sur la jurisprudence, ce qui n'est pas prévu par la loi. Les CdG prennent acte des réflexions du TF concernant cette recommandation, mais elles ne sont que partiellement convaincues par les raisons pour lesquelles il conclut à son rejet.

Prise de position du TF Dans sa prise de position du 21 décembre 2021, la CA-TF a renvoyé à la disposition potestative de la loi selon laquelle le président de la cour dirige la procédure ou peut désigner un juge instructeur pour le faire (art. 32, al. 1, LTF). Elle a indiqué que, pour des raisons de flexibilité et d'efficacité, le TF ne veut pas mettre en oeuvre la recommandation. Elle a, entre autres, relevé la marge de manoeuvre minimale qui reste après avoir pris en compte les critères de la langue et de la charge de travail, ainsi que la possibilité pour chaque membre d'une cour de trois juges de demander une composition à cinq juges, ce qui diminue l'importance des juges instructeurs et de leur désignation. Elle considère aussi que la présidence des cours peut tenir compte des connaissances techniques des juges de façon beaucoup plus nuancée qu'un logiciel. Par 16 / 24

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courrier du 2 août 2022, la CA-TF a maintenu cette position en renvoyant à la mise en oeuvre de la recommandation 2 (réglementation concernant le moment de la composition de la cour appelée à statuer).

Appréciation des CdG Les CdG prennent acte de l'examen approfondi de cette recommandation auquel s'est livré le TF. Comme elles l'ont déjà indiqué, les CdG se félicitent de la mise en oeuvre de la recommandation 2 et, en particulier, de la mise sur pied d'une constitution échelonnée des cours appelées à statuer, ce qui réduit effectivement la portée de la recommandation 8. Il n'en reste pas moins que les CdG ne sont que partiellement convaincues par le refus d'intervenir du TF, notamment compte tenu du fait que la plupart des décisions sont prises par des cours à trois juges27. Leurs doutes sont renforcés par le fait que la présidence de la cour est toujours membre du collège de juges appelé à statuer, de sorte qu'un seul membre de la cour à trois juges est désigné de manière automatisée.

Par ailleurs, les CdG ne saisissent toujours pas pour quelle raison la désignation automatisée des juges instructeurs est possible au TAF, tout en tenant compte à satisfaction du critère des connaissances techniques, et pas au TF28. Les CdG invitent le TF à prendre position au sujet de la prise en compte automatique des connaissances techniques lors de la nomination ou de la désignation des juges instructeurs.

2.9

Recommandation 9 ­ Examen de l'opportunité de développer un programme informatique

Recommandation 9 Le TPF examine l'opportunité de développer un programme servant à la composition automatique des cours appelées à statuer.

Ni le TPF ni le TFB n'ont automatisé la composition des cours appelées à statuer. Vu le faible nombre de dossiers traités par le TFB, les CdG estiment toutefois qu'il serait disproportionné d'y introduire un système automatique. Quant au TPF, il utilise pour la répartition des dossiers des instruments qui ont été développés en premier lieu pour la gestion des affaires29. Les CdG prient le TPF de lui fournir des informations plus détaillées.

27

28 29

Selon le rapport de gestion du TF (p. 9), 4186 décisions sur 4707 (88,9 %) ont été rendues par une cour composée de trois juges en 2022. Ces chiffres ne tiennent pas compte des décisions rendues par un juge unique.

Rapport d'évaluation du CPA, p. 37.

Rapport d'évaluation du CPA, ch. 5.2 et 7.3.

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Prise de position du TPF Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TPF signale qu'il renonce à développer un logiciel d'attribution des affaires. Les raisons invoquées sont les différences marquées entre les trois chambres du tribunal, le faible nombre d'affaires traitées, ainsi que le recours aux juges suppléants, qui est très variable et soumis à des fluctuations. Le TPF ne voit pas la plus-value qu'un programme pourrait apporter.

Appréciation des CdG Les CdG ont de la compréhension pour la situation du TPF, mais, dans la perspective de la mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'États contre la corruption (GRECO)30, elles sont d'avis que le TPF ne devrait pas cesser ses efforts visant à fonder la composition des cours appelées à statuer sur des critères objectifs. Elles prient donc le TPF de montrer en quoi les méthodes de travail des chambres sont si différentes dans l'optique de l'introduction d'un système automatique et d'indiquer quel serait le plus petit dénominateur commun. Les CdG font en outre remarquer qu'un programme ne doit pas obligatoirement améliorer la composition des cours appelées à statuer d'un point de vue matériel, étant donné que l'automatisation entraîne déjà une amélioration généralisée de la répartition des affaires du seul fait qu'elle renforce l'objectivité de la composition des cours.

2.10

Recommandation 10 ­ Examiner l'éventualité de pondérer et prioriser explicitement les critères

Recommandation 10 Les tribunaux envisagent de pondérer et prioriser explicitement les critères appliqués lors de la composition des cours appelées à statuer et de les consigner dans leurs règlements respectifs.

Cette recommandation trouve son origine dans l'importance variable qui est accordée aux critères de composition et d'adaptation des cours appelées à statuer. Les CdG ont relevé dans la pratique actuelle un manque partiel de traçabilité de ces critères.

Compte tenu des explications fournies ci-après, les CdG ne peuvent pas admettre les motifs de rejet avancés par le TF, considèrent la recommandation comme mise en oeuvre par le TAF et demandent au TPF et au TFB des informations complémentaires.

Prise de position du TF Dans sa prise de position, la CA-TF informe les CdG que les tribunaux fédéraux ont examiné la recommandation et que le TF la rejette en ce qui le concerne. Elle estime qu'une pondération rigide serait contre-productive et renvoie à cet égard à la priorité qui est déjà accordée aux critères de la langue et de la charge de travail.

30

Groupe d'États contre la corruption (GRECO): Quatrième cycle d'évaluation, prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs. Rapport d'évaluation Suisse, 2016, p. 35.

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Appréciation des CdG Les CdG sont reconnaissantes des examens effectués et prennent acte du rejet de la recommandation. Elles ne comprennent cependant pas pour quelle raison les principes de priorisation implicites qui sont déjà appliqués ne peuvent pas être consignés dans le règlement. Les CdG prient donc le TF de prendre position sur ce point en leur communiquant s'il réfléchit à l'éventualité d'expliciter ces aspects dans le règlement.

Prise de position du TAF Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TAF indique qu'une certaine priorisation est déjà intégrée dans son système et considère qu'une priorisation plus large n'est pas possible. Cependant, il annonce vouloir tout de même examiner cette question dans le cadre de la prochaine révision de son règlement.

Appréciation des CdG Les CdG prennent acte avec satisfaction de la priorisation explicite des critères au moyen de critères obligatoires et facultatifs dans le règlement révisé du TAF (art. 31, al. 2 à 5 RTAF)31. Elles considèrent donc que la recommandation est mise en oeuvre.

Vu la quantité de critères, lors du contrôle de suivi, les CdG analyseront en particulier dans quelle mesure une pondération ou une priorisation des critères a été intégrée aux règles internes (spécifiques aux cours).

Prise de position du TPF et du TFB Dans la prise de position du 21 décembre 2021, le TPF et le TFB indiquent que, à l'instar du TF, ils considèrent qu'une pondération rigide des critères n'est pas adaptée à la pratique.

Appréciation des CdG Les CdG ne saisissent pas entièrement la marge de manoeuvre dont le TPF et le TFB doivent disposer concrètement, au point de justifier leur rejet de cette recommandation. Les informations dont elles disposent à cet égard ne sont pas suffisantes et elles prient donc les deux tribunaux de motiver précisément ce point.

2.11

Recommandation 11 ­ Publication de l'appartenance politique sur le site Internet du TF

Recommandation 11 Les CdG recommandent au TF de publier l'appartenance politique des juges sur son site Internet.

31

Modification du règlement du Tribunal administratif fédéral du 13.12.2022 (RTAF; RS 173.320.1) entrée en vigueur le 1.6.2023 (RO 2023 238).

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Les CdG attachent la plus grande importance à une transparence maximale, ce qui les a motivées à émettre cette recommandation. Par courrier du 2 août 2022, la CA-TF a communiqué la décision de publier à nouveau l'appartenance politique des juges du TF sur Internet. Les CdG en ont pris acte avec satisfaction et peuvent donc considérer que cette recommandation est mise en oeuvre.

3

Vue d'ensemble et conclusions

Le tableau ci-dessous donne une vue d'ensemble de la mise en oeuvre des diverses recommandations par les tribunaux auxquels elles s'adressent.

TF

TAF

TPF

TFB

Partiellement mise en oeuvre

Mise en oeuvre

Recommandation 1 Exhaustivité des critères objectifs de répartition des affaires

En grande partie Mise en oeuvre mise en oeuvre Règlement plus détaillé; une seule critique en suspens

Recommandation 2 Réglementation concernant le moment de la composition de la cour appelée à statuer

Mise en oeuvre

Voir ci-dessous* Pas mise en oeuvre Explications pas convaincantes

­

Recommandation 3 Communication de la composition des cours appelées à statuer

Pas mise en oeuvre Pas maintenue par les CdG; dans l'attente d'une adaptation du règlement à la pratique

Partiellement mise en oeuvre Explications convaincantes

Partiellement mise en oeuvre (Cour des affaires pénales et Cour d'appel) Pas mise en oeuvre (Cour des plaintes) Dans l'attente d'une adaptation du règlement à la pratique (pour toutes les cours)

Partiellement mise en oeuvre Nouvelles questions en suspens

Recommandation 4 Réglementation relative à la modification ultérieure des cours appelées à statuer

Mise en oeuvre

Mise en oeuvre

Mise en oeuvre

Partiellement mise en oeuvre Notion juridique trop vague

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TF

TAF

TPF

TFB

Recommandation 5 Publication des règlements des cours du TAF

­

Partiellement mise en oeuvre Examiner si, suite à la révision du RTAF, les critères peuvent être encore précisés et publiés

­

­

Recommandations 6 et 7 Rapport sur la composition des cours appelées à statuer et présentation de celle-ci dans le rapport de gestion

Mise en oeuvre en cours

Recommandation 8 Examen d'une façon de rendre plus objective la composition des cours appelées à statuer

Pas mise en oeuvre Explications seulement en partie convaincantes

­

­

­

­

Pas mise en oeuvre Explications complètes demandées

­

Recommandation 9 ­ Examen de l'opportunité de développer un programme informatique

Recommandation 10 Examiner l'éventualité de pondérer et prioriser explicitement les critères

Pas mise Mise en oeuvre en oeuvre Explications pas convaincantes; dans l'attente d'une adaptation du règlement à la pratique

Pas mise en oeuvre Explications complètes demandées

Pas mise en oeuvre Explications complètes demandées

Recommandation 11 Publication de l'appartenance politique sur le site Internet du TF

Mise en oeuvre

­

­

­

* La recommandation n'était pas adressée au TAF. Les CdG émettent toutefois des réserves à ce sujet.

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Les CdG parviennent à la conclusion que les tribunaux fédéraux, en modifiant leurs règlements et en adoptant aussi d'autres mesures, ont fait des progrès significatifs en matière de transparence et d'objectivité de la composition des cours appelées à statuer.

Dans le cas de quelques recommandations, elles ont besoin d'informations complémentaires pour pouvoir se prononcer de façon définitive. Elles n'ont pas été convaincues par tous les motifs invoqués par les tribunaux et considèrent que certaines recommandations ne sont pas mises en oeuvre.

Les CdG prient les tribunaux fédéraux de leur transmettre une prise de position motivée sur les points encore en suspens jusqu'au 26 avril 2024.

23 février 2024

Au nom des Commissions de gestion des Chambres fédérales Le président de la CdG-E: Charles Juillard, conseiller aux États Le président de la CdG-N: Erich Hess, conseiller national La secrétaire des Commissions de gestion: Ursina Jud Huwiler La présidente de la sous-commission Tribunaux/ MPC du Conseil des États: Marianne Binder-Keller, Conseillère des États La présidente de la sous-commission Tribunaux/ MPC du Conseil national: Manuela Weichelt, conseillère nationale Le secrétaire des sous-commissions Tribunaux/MPC: Stefan Diezig Pour le secrétariat des CdG: Elias Duttle

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Abréviations TF

Tribunal fédéral

RTF

Règlement du 20 novembre 2006 du Tribunal fédéral, RS 173.110.131

LTF

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110

TFB

Tribunal fédéral des brevets

TPF

Tribunal pénal fédéral

ROTPF

Règlement du 31 août 2010 sur l'organisation du Tribunal pénal fédéral (Règlement sur l'organisation du TPF), RS 173.713.161

TAF

Tribunal administratif fédéral

ENCJ

Réseau européen des Conseils de la Justice (European Network of Councils for the Judiciary)

CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des États

GRECO

Groupe d'États contre la corruption (organe du Conseil de l'Europe)

RTFB

Règlement du 28 septembre 2011 du Tribunal fédéral des brevets, RS 173.413.1

CPA

Contrôle parlementaire de l'administration

RS

Recueil systématique du droit fédéral

RTAF

Règlement du 17 avril 2008 du Tribunal administratif fédéral, RS 173.320.1

CA-TF

Commission administrative du Tribunal fédéral

CA-TAF

Commission administrative du Tribunal administratif fédéral

CA-TPF

Commission administrative du Tribunal pénal fédéral

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