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19.433 Initiative parlementaire Étendre au harcèlement obsessionnel («stalking») le champ d'application des dispositions du CP relatives aux délits Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 22 février 2024

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet de loi fédérale visant à améliorer la protection pénale contre le harcèlement obsessionnel, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

22 février 2024

Pour la commission: Le président, Vincent Maitre

2024-0779

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Condensé Ce projet vise à compléter le droit pénal de manière à ce que les actes dits de harcèlement obsessionnel («stalking») ­ soit le fait de traquer, de harceler ou de menacer obstinément une personne au point de l'entraver dans la libre détermination de sa façon de vivre ­ soient expressément punissables. Son objectif consiste à renforcer le dispositif pénal en vigueur et à améliorer la protection des victimes de harcèlement obsessionnel.

Contexte Le droit en vigueur prévoit différentes mesures pénales et civiles afin de lutter contre le harcèlement obsessionnel. En particulier, les différents actes individuels qui constituent typiquement ce comportement peuvent déjà être punis au titre de normes pénales existantes. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, des actes individuels qui ne sont pas punissables en soi peuvent être sanctionnés en tant que contrainte lorsqu'ils atteignent un seuil d'intensité suffisamment élevé dans leur ensemble. Il manque toutefois une norme dans le code pénal et le code pénal militaire qui vise explicitement le harcèlement obsessionnel.

Contenu du projet La commission propose de compléter le code pénal et le code pénal militaire d'une norme pénale visant explicitement le harcèlement obsessionnel. Il ne s'agit pas de compléter des dispositions pénales existantes pour punir ce comportement, mais de créer une norme spécifique. La création d'une nouvelle norme pénale permet d'adapter la formulation des éléments constitutifs de l'infraction au comportement considéré comme punissable. C'est également la solution qui aurait la plus grande portée symbolique. Cette norme vise principalement des actes qui peuvent être considérés comme socialement acceptables et qui ne tombent pas sous le coup de normes pénales en vigueur lorsqu'ils sont pris isolément, mais qui sont punissables dans leur ensemble. La nouvelle norme pénale sera classée parmi les crimes ou délits contre la liberté.

La création d'une norme pénale a été largement approuvée lors de la procédure de consultation. De nombreux participants ont toutefois émis des réserves et esquissé des réflexions quant à la formulation de la norme. La commission a décidé pour l'essentiel de conserver la formulation de l'avant-projet.

La norme permettra donc de punir quiconque, obstinément, traque, harcèle ou menace
une personne et l'entrave ainsi dans la libre détermination de sa façon de vivre.

La sanction encourue est une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire. L'infraction sera en principe poursuivie sur plainte. En revanche, si les actes sont commis dans le contexte d'une relation de couple, notamment pendant la phase de séparation, ils seront poursuivis d'office. Dans ce cas, il sera possible de suspendre la procédure, avant de la classer après un délai de six mois si cette option permet de stabiliser et d'améliorer la situation de la victime.

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Table des matières Condensé

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1

Genèse du projet 1.1 Position du Conseil fédéral jusqu'à présent 1.2 Travaux de la commission sur l'avant-projet 1.3 Procédure de consultation et élaboration du projet

5 5 6 6

2

Contexte 2.1 Définition du harcèlement obsessionnel 2.2 Le harcèlement obsessionnel dans le droit en vigueur 2.2.1 Droit civil 2.2.2 Droit pénal 2.2.3 Jurisprudence du Tribunal fédéral

7 7 9 9 10 11

3

Présentation du projet 3.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 3.2 Nouvelle réglementation proposée 3.2.1 Introduction d'une infraction spécifique 3.2.1.1 Possibilités de mise en oeuvre de l'initiative de commission 3.2.1.2 Avantages d'une infraction spécifique 3.2.1.3 Droit pénal allemand 3.2.2 Pluralité d'actes punissables dans leur ensemble 3.2.3 Délimitation et concours 3.2.4 Inclusion dans les listes d'infractions d'autres articles 3.2.4.1 Suspension et classement de la procédure 3.2.4.2 Surveillance de la correspondance par poste et télécommunication 3.2.4.3 Autres listes d'infractions 3.3 Délimitation par rapport au «mobbing» 3.4 Application du droit au cyberharcèlement obsessionnel 3.4.1 Description de la problématique 3.4.2 Cas particulier du cyberharcèlement obsessionnel 3.4.3 Pistes de solutions

12 12 13 13

Commentaire des dispositions 4.1 Code pénal 4.1.1 Article 55a, al. 1, phrase introductive 4.1.2 Article 181b 4.1.2.1 Place de l'article et titre marginal 4.1.2.2 Description des différents actes 4.1.2.3 Pluralité d'actes 4.1.2.4 Résultat 4.1.2.5 État de fait subjectif

21 21 21 22 22 24 26 27 29

4

13 14 14 15 15 16 16 16 17 17 18 18 20 20

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4.1.2.6 4.1.2.7

4.2

Illicéité Infraction poursuivie sur plainte; infraction poursuivie d'office lorsqu'elle est commise au sein d'un couple 4.1.2.8 Sanction Code pénal militaire et procédure pénale militaire

30 30 31 32

5

Variantes examinées et rejetées 5.1 Compléter l'infraction de menaces 5.2 Compléter l'infraction de contrainte

33 33 33

6

Conséquences financières et conséquences sur l'état du personnel

34

7

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

35

8

Bases légales 8.1 Constitutionnalité et légalité 8.2 Délégation de compétences législatives 8.3 Forme de l'acte

35 35 36 36

Bibliographie

37

Travaux préparatoires

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Loi fédérale visant à améliorer la protection pénale contre le harcèlement obsessionnel (Modification du code pénal, du code pénal militaire et de la procédure pénale militaire) (Projet) FF 2024 752

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Position du Conseil fédéral jusqu'à présent

Le 11 octobre 2017, le Conseil fédéral a soumis aux Chambres le message concernant la loi fédérale sur l'amélioration de la protection des victimes de violence1. Diverses modifications du droit civil et du droit pénal étaient préconisées pour mieux protéger les victimes de violence domestique et de harcèlement. La disposition centrale du projet de l'époque prévoyait qu'une interdiction de périmètre et de contact ordonnée en vertu de l'art. 28 b du code civil (CC)2 pouvait donner lieu à une surveillance électronique. Cette disposition a été introduite dans le CC sous la forme d'un art. 28c et le Conseil fédéral a fixé son entrée en vigueur au 1er janvier 20223.

Le Conseil fédéral a toutefois renoncé à proposer au Parlement de créer une norme spécifique dans le code pénal (CP)4 visant le harcèlement obsessionnel, comme l'avaient demandé un nombre non négligeable de participants à la consultation5. Dans son message, il a expliqué que le fait de renforcer la protection contre la violence dans le droit civil permettait également d'améliorer la situation des victimes de harcèlement obsessionnel. Les possibilités existantes pour punir le harcèlement sur la base des infractions existantes et de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la contrainte induite par le harcèlement obsessionnel justifiaient que l'on renonce à une nouvelle norme pénale6. Le Conseil fédéral confirmait ainsi l'avis plutôt négatif qu'il avait déjà exprimé dans ses réponses à diverses interventions parlementaires7 et plus en détail dans son rapport du même jour en réponse au postulat Feri 14.4204 «Agir plus efficacement contre le harcèlement obsessionnel en Suisse»8.

1 2 3 4 5

6 7

8

FF 2017 6913 RS 210 RO 2019 2273 (2273 et 2277) RS 311.0 À l'issue de la consultation, 6 cantons et 4 organisations (sur un total de 58 participants) avaient demandé une norme pénale spécifique, tandis qu'un parti avait souhaité que la question de la nécessité d'une telle norme soit examinée soigneusement: rapport consultation loi fédérale sur l'amélioration de la protection des victimes de violence, ch. 6.3.1.1.

FF 2017 6913, ch. 3.3.6 Avis du Conseil fédéral sur la motion 07.3092 Hess Bernhard «Loi contre le harcèlement obsessionnel (stalking)» du 16 décembre 2007; avis du Conseil fédéral sur la motion 08.3495 Fiala «Harcèlement obsessionnel» du 19 novembre 2008; avis du Conseil fédéral sur la motion 13.3742 Fiala «Agir rapidement contre le harcèlement obsessionnel» du 29 novembre 2013.

Rapport postulat 14.4204; le postulat 14.4204 Feri «Agir plus efficacement contre le harcèlement obsessionnel en Suisse» du 11 décembre 2014 ne vise pas à améliorer les bases légales, mais à rétablir la victime et à ramener le harceleur à la raison (développement du postulat).

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1.2

Travaux de la commission sur l'avant-projet

Lors de sa séance du 30 août 2018, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (ci-après: la commission) a examiné le projet de loi fédérale sur l'amélioration de la protection des victimes de violence et mené des discussions approfondies sur la question d'une norme pénale spécifique visant le harcèlement obsessionnel.

Afin que le projet puisse être traité rapidement, elle a néanmoins renoncé à soumettre une proposition ad hoc à son conseil pour les délibérations en cours et chargé l'administration de lui soumettre un rapport à ce sujet9.

À sa séance du 3 mai 2019, la commission a finalement décidé, par 16 voix contre 5 et 1 abstention, de déposer l'initiative qui fait l'objet du présent rapport. En s'appuyant sur le rapport de l'Office fédéral de la justice (OFJ) du 12 avril 2019 sur la question de la codification de l'infraction de «harcèlement»10, elle a décidé de compléter les infractions existantes, telles que les menaces ou la contrainte, de manière à ce qu'elles incluent expressément les comportements qualifiés de harcèlement obsessionnel, p. ex. les actes consistant à importuner, à épier ou à harceler une personne de manière répétée ou constante. Réunie le 29 octobre 2019, la commission homologue du Conseil des États (CAJ-E) s'est ralliée à l'avis de la commission par 8 voix contre 4 et 1 abstention. Lors de plusieurs séances ultérieures, la commission s'est penchée sur la législation en vigueur en matière de peines (harmonisation des peines)11 ainsi que sur la révision du droit pénal en matière sexuelle (projet 3 de l'objet), mais n'a pas souhaité examiner la question de la mise en oeuvre de la présente initiative dans le cadre de ces projets. Lors de sa réunion du 11 novembre 2022, elle a chargé l'administration (OFJ) et le secrétariat d'élaborer un avant-projet et un rapport explicatif.

Réunie le 27 avril 2023, la commission a discuté trois solutions différentes: compléter l'infraction de menaces (art. 180, al. 1, CP), compléter l'infraction de contrainte (art.

181 CP) ou créer une nouvelle infraction spécifique au harcèlement obsessionnel (art. 181b AP-CP).

Par 13 voix contre 6 et 1 abstention, elle a décidé de n'envoyer en consultation que la variante prévoyant une norme pénale spécifique et a adopté l'avant-projet correspondant par 22 voix contre 0 au vote sur l'ensemble.

1.3

Procédure de consultation et élaboration du projet

La commission a ouvert une consultation sur l'avant-projet entre le 26 mai et le 16 septembre 202312. 26 cantons, 7 partis politiques et 47 organisations et autres par9

10 11 12

Voir le communiqué de presse de la commission du 31 août 2018 sous www.parlement.ch > Organes > Commissions thématiques > Commissions des affaires juridiques > Communiqués de presse CAJ-N (état: 22 février 2024).

Rapport OFJ harcèlement, consultable à l'adresse www.parlement.ch > Objet 19.433 > Informations complémentaires (état: 22 février 2024).

18.043, Harmonisation des peines et adaptation du droit pénal accessoire au nouveau droit des sanctions, RO 2023 259.

Les documents sont consultables à l'adresse: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2023 > Parl. (état: 22 février 2024).

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ticipants se sont prononcés à ce sujet, pour un total de 80 avis. La commission a pris acte des résultats de la consultation et publié un rapport à ce sujet le 16 novembre 202313. Elle a constaté que la quasi-totalité des participants approuvait son avant-projet, en particulier la création d'une norme pénale spécifique. De nombreux participants ont également soulevé des questions importantes au sujet de la forme concrète et de la formulation de la norme pénale. Ils étaient beaucoup à demander que l'infraction soit étendue ou soit complétée par une énumération des actes potentiels.

Presque la moitié des participants ont proposé de remplacer «obstinément» par la notion de répétition. Le fait qu'il s'agisse d'une infraction de résultat a également été critiqué: de nombreux participants privilégient une infraction de mise en danger ou une infraction formelle. Enfin, le titre marginal des versions française et allemande a également fait l'objet de débats. Pour l'allemand, les participants considéraient que le terme de «Stalking», utilisé couramment de nos jours, était plus adapté que celui de «Nachstellung». Pour le français, la question était de savoir s'il fallait se limiter au terme de «harcèlement» seul au lieu de «harcèlement obsessionnel».

La commission a donc chargé l'administration de procéder à des clarifications supplémentaires et a examiné en détail chaque point lors de sa séance du 22 février 2024.

Elle a décidé de conserver l'essentiel de la formulation de son avant-projet, tout en consacrant une infraction poursuivie sur plainte. Le harcèlement obsessionnel sera toutefois poursuivi d'office lorsqu'il est commis dans le contexte d'une relation de couple. La commission a adopté ce projet d'acte au vote sur l'ensemble par 22 voix contre 2. Elle a bénéficié du soutien de l'OFJ pendant toute la durée des travaux.

2

Contexte

2.1

Définition du harcèlement obsessionnel

Le terme «harcèlement obsessionnel» est traduit de l'anglais «stalking», qui appartient au vocabulaire de la chasse14. Le droit germanophone emploie fréquemment les termes «Nachstellung»15 et «beharrliche Verfolgung»16, dont le premier a pour équivalent français «harcèlement» dans le CC et la Convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul)17. Le harcèlement obsessionnel désigne un phénomène social qui n'a pas de définition scientifique et juridique unique18.

En ratifiant la convention d'Istanbul, la Suisse a néanmoins adopté la définition contraignante du harcèlement inscrite à son art. 34, soit le fait d'avoir intentionnellement, 13

14 15 16 17 18

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, consultable à l'adresse: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2023 > Parl. (état: 22 février 2024).

Il signifie au sens propre «s'approcher furtivement»: feuille d'information stalking BFEG, p. 3.

Art. 28 b CC, § 238 du code pénal allemand, traduction allemande de l'art. 34 de la convention d'Istanbul.

§ 107a du code pénal autrichien RS 0.311.35 Egger/Jäggi/Guggenbühl, p. 4 s.

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à plusieurs reprises, un comportement menaçant dirigé envers une autre personne, conduisant celle-ci à craindre pour sa sécurité. Cette définition repose donc sur l'appréciation d'un comportement dans son ensemble, composé d'actes qui peuvent paraître socialement acceptables lorsqu'ils sont considérés individuellement, mais dont l'intensité ou la répétition peut devenir menaçante et susciter la crainte de la victime.

D'après cette définition, les caractéristiques principales du harcèlement sont la répétition d'actes menaçants suscitant la peur de la victime et commis intentionnellement19.

L'éventail d'actes possibles est très large. Il n'y a aucun comportement qui revienne systématiquement20. Le harcèlement obsessionnel va de la recherche de contact et de proximité (p. ex. appels, SMS, e-mails ou cadeaux fréquents) à la contrainte et à la violence en passant par le fait de guetter, d'observer, de suivre, d'entrer dans son logement, d'espionner, d'agir au nom de la victime (p. ex. commande de marchandise), de porter atteinte à son honneur ou de l'intimider (p. ex. dommage à la propriété, violence sur des animaux de compagnie ou menace de suicide). Des personnes de l'entourage de la victime sont parfois impliquées21. Le seul élément commun est que les différents actes se répètent, sous une forme ou une autre, et que la victime est visiblement oppressée ou menacée. Le harcèlement obsessionnel est en outre qualifié de processus dynamique: la manière de procéder et les motivations du stalker évoluent au fil du temps. Le harcèlement peut déboucher sur des agressions physiques ou sexuelles, voire, dans les cas extrêmes, sur un homicide. On peut classer grossièrement les motivations du harceleur dans deux catégories: celle du désir d'une relation et celle de la quête de vengeance. Eu égard à la variété des méthodes et des motifs, on parle donc d'hétérogénéité du harcèlement obsessionnel22.

Le harcèlement obsessionnel qui découle d'une somme d'actes socialement acceptables lorsqu'ils sont considérés individuellement et qui ne tombent pas sous le coup des normes pénales en vigueur est fréquemment appelé «harcèlement doux»23. Il peut notamment s'agir de cadeaux, d'appels ou de prises de contact en personne. Étant donné que le «harcèlement doux» peut également avoir des répercussions majeures sur la victime,
le terme n'est pas employé dans ce rapport.

L'initiative de la commission fait référence dans son développement au cyberharcèlement. On entend par cyberharcèlement obsessionnel les actes de harcèlement utilisant les technologies de l'information et de la communication (TIC)24 tels que des e-mails, des réseaux sociaux ou certaines applis. Pour qu'on puisse parler de cyberharcèlement obsessionnel, les mêmes critères doivent être remplis que pour le harcèlement obsessionnel non virtuel25. Il peut s'agir de l'envoi massif de messages, de publications indésirables sur les réseaux sociaux, du blocage d'une boîte mail en 19 20 21 22 23 24

25

Rapport OFJ stalking, ch. 3 Egger/Jäggi/Guggenbühl, p. 4 Egger/Jäggi/Guggenbühl, p. 7 Feuille d'information stalking BFEG, p. 4 et 5; rapport OFJ stalking, ch. 3.

FF 2017 6913, ch. 1.3.4; rapport OFJ harcèlement, ch. 3 et 4.2.3.

Au sens large, le sigle TIC désigne tout système de communication, y c. la radio, la télévision, les téléphones portables, les équipements et les logiciels informatiques et d'administration des réseaux, les satellites et les différents services et applications liés à ces systèmes. Voir www.de.wikipedia.org > IKT (état: 22 février 2024; en allemand).

Egger/Jäggi/Guggenbühl, p. 7

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l'inondant (bombardement de messagerie), d'espionnage par l'intermédiaire d'informations disponibles sur Internet ou de la mise en ligne de sites Internet avec des images et des données personnelles de la victime. Le seuil d'inhibition du cyberharceleur potentiel se situe souvent à un niveau plus bas que pour des actes dans le monde réel, car le l'envoi de messages électroniques à la victime nécessite peu d'efforts: il est possible à tout moment et en tout lieu26. Les données qu'on fournit sur Internet en général et sur les réseaux sociaux en particulier permettent au stalker de poursuivre sa victime en secret. Il lui est facile de découvrir l'adresse celle-ci, d'examiner ses habitudes et de la harceler ensuite dans le monde réel27. Le cyberharcèlement obsessionnel est souvent une méthode utilisée parmi d'autres; harcèlement en ligne et hors-ligne se conjuguent bien souvent28.

2.2

Le harcèlement obsessionnel dans le droit en vigueur

Le droit fédéral en vigueur29 prévoit déjà divers instruments pour protéger les victimes de harcèlement obsessionnel et punir les divers comportements de cet ordre.

2.2.1

Droit civil

Dans le cadre de la protection de la personnalité, les art. 28b s. CC permettent de se prémunir contre une atteinte à l'intégrité physique, psychique, sexuelle ou sociale par le harcèlement obsessionnel, ou contre une mise en danger de cet ordre. Ces dispositions s'appliquent indépendamment de la relation entre la victime et l'auteur.

Le tribunal civil peut ordonner en particulier une interdiction de s'approcher, une interdiction géographique ou une interdiction de contact (art. 28b, al. 1, CC). Diverses autres mesures permettent également au demandeur de se protéger contre le harcèlement obsessionnel: les exemples qui suivent ne sont pas un compte-rendu exhaustif de la législation. Le tribunal civil peut p. ex. interdire la diffusion de tracts diffamatoires ou portant atteinte à l'honneur, tout comme la publication de tels messages sur les réseaux sociaux. Ces mesures peuvent également être ordonnées à titre provisionnel, voire superprovisionnel, et donc mises en place très rapidement. En effet, l'art. 265 du code de procédure civile (CPC)30 permet de protéger le demandeur contre tout préjudice dès le début de la procédure, les mesures pouvant être ordonnées immédiatement, sans entendre la partie adverse. Si les circonstances évoluent ou que les mesures s'avèrent a posteriori injustifiées, les mesures provisionnelles peuvent être modifiées ou révoquées en tout temps (art. 268 CPC). Le tribunal peut enfin assortir la décision d'une menace de la peine encourue pour insoumission à une décision de

26 27 28 29

30

Brochure cyberstalking Berne, p. 4 Rapport postulat 11.3912, p. 38 Egger/Jäggi/Guggenbühl, p. 65, avec renvois Certaines lois cantonales sur la protection contre la violence prévoient également des mesures contre le harcèlement obsessionnel, p. ex. un accès facilité aux mesures de protection.

RS 272

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l'autorité (art. 292 CP), de sorte que l'auteur soit également poursuivi pénalement s'il ne respecte pas l'interdiction.

La loi fédérale sur l'amélioration de la protection des victimes de violence31 a amélioré la protection accordée par le droit civil tout en réduisant les obstacles de procédure. Elle a notamment créé une base légale pour ordonner la surveillance électronique d'une interdiction géographique ou de contact (art. 28c CC). Cette nouveauté est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dans bien des cas, la surveillance électronique est de nature à dissuader le harceleur d'ignorer l'interdiction, et quand bien même, elle facilite grandement l'administration des preuves par la victime: il est aisé de prouver que le prévenu a violé l'ordre du juge si ses déplacements ont été enregistrés. La peine prévue par l'art. 292 CP ou d'autres normes pénales remplies par le harcèlement obsessionnel peut alors être prononcée.

Il est toutefois à noter que la procédure civile ne peut pas être engagée contre un harceleur anonyme ou inconnu. Son identité doit d'abord être établie, ce qui n'est possible que par des moyens policiers ou relevant du droit pénal32.

2.2.2

Droit pénal

Divers actes typiquement commis dans le contexte du harcèlement obsessionnel peuvent constituer des infractions existantes du CP. Il s'agit en particulier des lésions corporelles (art. 122 et 123), des voies de fait (art. 126), de l'accès indu à un système informatique (art. 143bis), des dommages à la propriété (art. 144), de la détérioration de données (art. 144bis), des délits contre l'honneur (art. 173 ss), de la violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues (art. 179quater), de l'utilisation abusive d'une installation de télécommunication (art. 179septies CP), de l'usurpation d'identité (art. 179decies CP), des menaces (art. 180), de la contrainte (art. 181), de la violation de domicile (art. 186) ou des désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198)33. Outre les normes du code pénal, des infractions routières peuvent p. ex. aussi entrer en ligne de compte34.

Certaines de ces normes pénales sont entrées en vigueur récemment ou ont récemment été révisées. L'utilisation abusive d'une installation de télécommunication (art. 179septies CP), qui punit le fait d'inquiéter ou d'importuner un tiers par des appels, 31 32 33

34

RO 2019 2273; FF 2017 6913 Sur la question de l'application du droit, voir toutefois le ch. 3.4.

Les infractions graves contre l'intégrité sexuelle sont également envisageables (art. 189 et 190 CP). À ce stade, on ne peut toutefois plus guère parler de harcèlement obsessionnel (voir rapport OFJ harcèlement, ch. 4.2.1).

Arrêt du TF 1P.671/2006 du 27 décembre 2006, consid. 3.1. Il s'agissait en l'espèce d'un dépassement bloquant le trafic, d'un dépassement par la droite sur plusieurs voies (art. 90, ch. 2 ­ selon droit en vigeur al. 2 ­ de la loi du 19 décembre 1958 sur la circulation routière [RS 741.01; LCR] en relation avec les art. 34, al. 3, LCR et 10, al. 1, de l'ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière [RS 741.11; OCR] ainsi que 35, al. 1, LCR et 8, al. 3, OCR) et d'un abus du signal acoustique et de l'avertisseur optique (art. 90, ch. 1 ­ selon droit en vigeur al. 1 ­ LCR en relation avec l'art. 40 LCR; voir l'exposé des faits, partie A de l'arrêt).

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des e-mails, des messages textes ou des images transmis par le réseau mobile ou Internet35, a été modifiée dans le contexte du projet d'harmonisation des peines36, notamment eu égard au harcèlement obsessionnel: le critère subjectif «par méchanceté ou par espièglerie» a été supprimé. Désormais, l'énoncé de fait légal inclut donc notamment les témoignages d'affection et les obscénités. De plus, l'infraction a été élevée au rang de délit, car l'abus peut être gravissime. La peine encourue, une amende, a été élevée à une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire37.

Les modifications sont entrées en vigueur le 1er juillet 2023.

Dans le cadre de la révision totale de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)38, une nouvelle infraction a été créée pour punir l'usurpation d'identité, définie comme le fait d'utiliser l'identité d'une autre personne sans son consentement dans le dessein de lui nuire ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite. L'infraction présuppose que la victime de l'usurpation subisse un dommage d'une certaine gravité, qu'il soit matériel ou non. La seule intention de causer de graves ennuis peut déjà être considérée comme une nuisance suffisante39.

L'usurpation d'identité est caractéristique du cyberharcèlement obsessionnel, p. ex.

lorsque le stalker publie des propos ou des images compromettants au nom de la victime sur les réseaux sociaux ou commande des marchandises à son nom. Le nouvel art. 179decies CP est entré en vigueur le 1er septembre 2023. Il appelle, sur plainte, une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire.

En outre, le Parlement a récemment introduit une nouvelle norme pénale visant à punir le phénomène de pornodivulgation: l'art. 197a nCP punit la transmission à un tiers d'un contenu non public à caractère sexuel sans le consentement de la personne qui y est identifiable. L'infraction, poursuivie sur plainte, est passible d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire. Si l'auteur a rendu le contenu public, par exemple en le publiant sur Internet40, il peut être puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire41. Il peut également s'agir d'actes typiquement commis dans le contexte du harcèlement obsessionnel. Cette nouvelle norme pénale entrera en vigueur le 1er juillet 202442.

2.2.3

Jurisprudence du Tribunal fédéral

Ces dernières années, le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts traitant de la contrainte (art. 181 CP) induite par le harcèlement obsessionnel et les a abondamment

35 36 37 38 39 40 41 42

Ramel/Vogelsang, commentaire bâlois CP II, ad art. 179septies N 7 18.043, Harmonisation des peines et adaptation du droit pénal accessoire au nouveau droit des sanctions, RO 2023 259.

FF 2018 2889, ch. 2.2.3 avec renvoi à l'ATF 126 IV 216, consid. 2 RS 235.1 FF 2017 6565, ch. 9.2.17 FF 2022 687, ch. 2.1 RO 2024 27 p. 7 RO 2024 27 p. 18

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confirmés dans sa jurisprudence43. Il s'est exprimé sur l'absence d'infraction spécifique punissant le comportement importun et menaçant dans son ensemble44. Il a fait référence à la motion Fiala 08.3495 «Harcèlement obsessionnel» du 18 septembre 2008, qui demandait l'ajout d'un article au code pénal et a échoué au Conseil des États. Ce dernier ne l'a toutefois pas rejetée parce qu'il estimait que le phénomène n'avait pas à être puni, mais parce qu'il jugeait, tout comme le Conseil fédéral, que les comportements caractéristiques du harcèlement obsessionnel étaient suffisamment réprimés par le droit pénal45.

Le Tribunal fédéral considère que même si chaque acte doit être examiné afin d'établir la contrainte au sens de l'art. 181 CP ­ tandis que les législations étrangères sur le harcèlement obsessionnel évaluent le comportement dans son ensemble ­, toutes les circonstances de ces actes doivent être prises en compte. Il explique que lorsque l'auteur importune la victime de manière répétée durant une période prolongée, les effets se cumulent. Si une certaine intensité est atteinte, chaque acte qui, pris isolément, ne remplirait pas les conditions de l'art. 181 CP devient «susceptible de déployer sur la liberté d'action de la victime un effet d'entrave comparable à celui de la violence ou de la menace»46.

Le Tribunal fédéral est parfois critiqué pour son interprétation du moyen de contrainte «en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action» et en particulier pour sa démonstration du résultat de la contrainte. Pour cause, il faudrait constater qu'un acte donné produit un effet, ce qui entre en contradiction avec la définition du harcèlement obsessionnel, qui ne se manifeste que par un cumul d'actes. Le Tribunal fédéral doit donc recourir à un artifice. Il est difficile de déterminer à partir de quand du harcèlement obsessionnel de faible gravité devient une forme de contrainte et à partir de quand il produit un résultat. En d'autres termes, le résultat, le lien de causalité et la distinction entre tentative d'infraction et infraction consommée sont insuffisamment démontrables et dépendent dans une large mesure de l'appréciation du juge47.

3

Présentation du projet

3.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

Bien que le harcèlement obsessionnel ne soit pas un phénomène nouveau, le progrès technique et les TIC lui confèrent une nouvelle dimension48. À l'heure actuelle, il n'y a pas de norme pénale explicite dans le CP. Le harcèlement obsessionnel restreint la 43

44 45

46 47 48

ATF 129 IV 262, confirmé par l'ATF 141 IV 437 et les arrêts du TF suivants: 6B_1428/2016 du 3 octobre 2017; 6B_160/2017 et 6B_161/2017 du 13 décembre 2017; 6B_568/2019 du 17 septembre 2019; 6B_559/2020 du 23 septembre 2020; 6B_727/2021 du 22 avril 2022; 6B_191/2022 du 21 septembre 2022;6B_122/2021 du 5 décembre 2022; 6B_598/2022 du 9 mars 2023 et 6B_808/2022 du 08 mai 2023.

ATF 141 IV 437, consid. 3.2.2 avec renvoi à Kinzig, p. 1 ss.

ATF 141 IV 437, consid. 3.2.2 avec renvois aux explications du Conseil fédéral et du Conseil des États, BO 2010 E 869 s., ainsi qu'à l'avis du Conseil fédéral du 19 novembre 2008 sur la motion 08.3495 Fiala «Harcèlement obsessionnel».

ATF 141 IV 437, consid. 3.2, confirmation de l'ATF 129 IV 262, consid. 2.4 s.

Plus de détails chez Gurt, N 151 ss Zimmerlin, p. 4 s.

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liberté et le mode de vie des personnes concernées et peut entraîner des dommages psychiques, sociaux et économiques49. La commission est d'avis que le droit en vigueur est insuffisant pour le sanctionner. C'est pourquoi elle propose dans son initiative de renforcer le dispositif pénal en vigueur et la protection des victimes en érigeant le harcèlement obsessionnel en infraction pénale explicite. À cet effet, il faut adapter le droit pénal. Les explications ci-après s'appliquent donc au CP et au code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)50.

Une minorité de la commission (Bühler, Tuena) ne considère pas qu'il est nécessaire de compléter le droit pénal. Elle estime que la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la contrainte (voir ch. 2.2.3) permet déjà de punir les actes typiquement commis dans le contexte du harcèlement obsessionnel. Elle craint notamment que la nouvelle norme pénale soit trop large et qu'elle permette de criminaliser des comportements socialement adéquats.

3.2

Nouvelle réglementation proposée

3.2.1

Introduction d'une infraction spécifique

3.2.1.1

Possibilités de mise en oeuvre de l'initiative de commission

L'initiative de commission demande que l'infraction de menaces et l'infraction de contrainte soient complétées de manière cumulative. Contrairement à ce que laisse entendre le texte de l'initiative, ce n'est pas son objectif. En effet, elle estime qu'il n'est pas judicieux de punir un même comportement en application de différentes normes pénales; par ailleurs, la contrainte au sens de l'art. 181 CP absorbe les menaces selon l'art. 180 CP51: lorsque l'auteur, par une menace grave, cherche à obliger la victime à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte, il est puni en vertu de l'art. 181 CP52. Ce principe s'appliquerait aussi au harcèlement obsessionnel en tant que variante de l'infraction de contrainte: la contrainte induite par le harcèlement obsessionnel, même au stade de tentative, inclurait donc également une menace induite par le harcèlement obsessionnel. C'est pourquoi la solution proposée par l'initiative ne doit pas être mise en oeuvre.

La possibilité de punir le harcèlement obsessionnel dans le cadre soit de l'infraction de menaces, soit de l'infraction de contrainte a été étudiée. Or au fil des travaux, la commission a décidé de ne pas non plus suivre l'une de ces solutions, car le fait de compléter une infraction existante aurait soulevé diverses questions de délimitation au sein même de ces infractions (voir ch. 5). Il lui a par ailleurs semblé adéquat, d'un point de vue politico-juridique, de créer une norme pénale spécifique pour le harcèlement obsessionnel.

49 50 51 52

Schwarzenegger/Gurt, p. 4 RS 321.0 ATF 99 IV 212, consid. 1 b); Donatsch, p. 438; Delnon/Rüdy, commentaire bâlois II CP ad art. 181 N 68.

ATF 99 IV 212, consid. 1 b); Delnon/Rüdy, commentaire bâlois II CP N 32 et 45 ad art. 180 CP.

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3.2.1.2

Avantages d'une infraction spécifique

Une nouvelle infraction spécifique permet d'adopter une formulation générale et abstraite correspondant au comportement considéré comme punissable, sans qu'un rattachement à une infraction existante ne soit nécessaire. Cette variante ouvre notamment la voie à une jurisprudence spécifique sur le résultat de l'acte, qui est une condition de l'infraction. C'est également la solution qui aurait la plus grande portée symbolique.

3.2.1.3

Droit pénal allemand

La description du comportement punissable et du résultat de l'acte en tant que condition de l'infraction pose aussi certains problèmes, dans la mesure où la définition du harcèlement obsessionnel se fonde sur le ressenti de la victime. Il faut s'attendre à ce que l'application de la norme pénale soit source de défis dans la pratique (comme cela est le cas pour le harcèlement obsessionnel relevant de la norme pénale sur la contrainte).

L'expérience faite en Allemagne abonde aussi dans ce sens: le § 238 introduit en 2007 dans le code pénal exigeait une atteinte grave à la façon de vivre de la victime. Cette condition a été critiquée, au motif qu'elle conditionnait la punissabilité au seuil de tolérance de la victime. On jugeait par exemple inacceptable qu'une personne soit obligée de déménager pour que son harceleur puisse être poursuivi pénalement. Le seuil de punissabilité était considéré trop élevé, comme en témoignent les rares condamnations prononcées au regard du nombre de plaintes déposées53. C'est pourquoi ladite disposition a été révisée en 2017. Depuis lors, il suffit que l'acte soit propre à porter une atteinte grave à la façon de vivre de la victime, et ce, même si cette dernière résiste à la pression54.

Malgré cette modification, les autorités de poursuite pénale allemandes sont restées confrontées à des problèmes pratiques dus au fait que certains éléments constitutifs de l'infraction sont vagues. Le législateur a donc une nouvelle fois révisé le code pénal afin d'élargir l'énoncé de fait légal55. Selon la version en vigueur depuis le 1er octobre 2021, il suffit d'une atteinte non négligeable, et non plus d'une atteinte grave à sa façon de vivre. En outre, le harcèlement ne doit plus être obstiné, mais uniquement répété.

53 54 55

D'après Fischer, commentaire D-StGB, §238 N 1, une condamnation est prononcée dans moins de 5 % des cas dénoncés. Voir également Kinzig, p. 1, 5 et 6 ss et Kuhlen, p. 94.

La norme pénale autrichienne (§ 107a A-StGB) présuppose aussi que le harcèlement obsessionnel est susceptible de porter une atteinte inacceptable à la vie de la victime.

Projet de loi du gouvernement autrichien: Entwurf eines Gesetzes zur Änderung des Strafgesetzbuches ­ effektivere Bekämpfung von Nachstellungen und bessere Erfassung des Cyberstalkings du 24 mars 2021, p. 1; communiqué de presse du 24 mars 2021, Bundesregierung beschliesst Gesetzentwurf zur effektiveren Bekämpfung von Stalking, consultable à l'adresse: www.bmj.de > Presse > Pressemitteilungen > Archiv Pressemitteilungen (état: 22 février 2024). Le projet contenait aussi un complément afin d'inscrire dans le code pénal le cyberharcèlement obsessionnel, qui correspond au délit d'usurpation d'identité prévu à l'art. 179decies CP).

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La doctrine est plutôt favorable à la solution qui consiste à compléter les infractions existantes. Elle estime que protéger la victime avant même qu'elle soit mise en danger, comme l'a fait le législateur allemand (et le législateur autrichien), serait aller trop loin pour le droit suisse en cas de cumul d'actes qui, pris isolément, sont socialement acceptables56. Il convient aussi de préciser que, selon le droit suisse, la punissabilité s'appliquerait dès le moment où l'auteur tente d'entraver la victime dans sa façon de vivre. En Allemagne, par contre, la tentative n'est pas punissable en cas de délit (§ 23, al. 1, du code pénal allemand).

3.2.2

Pluralité d'actes punissables dans leur ensemble

La réglementation proposée vise principalement un comportement qui est punissable dans son ensemble même si les actes individuels qui le composent sont socialement acceptables en soi, et ne tombent donc pas sous le coup des normes pénales existantes.

3.2.3

Délimitation et concours

La nouvelle norme pénale doit permettre de punir des comportements jusqu'alors rattachés aux art. 181 (contrainte) ou 180 CP (menaces). Certains des actes potentiels seraient par ailleurs punissables en vertu d'autres normes pénales (p. ex. dommages à la propriété, art. 144 CP; violation de domicile, art. 186 CP; utilisation abusive d'une installation de télécommunication, art. 179septies CP; usurpation d'identité, art. 179decies CP). Un certain nombre de difficultés se pose donc en matière de délimitation et de concours. Elles devront être résolues une à une par la jurisprudence.

La menace est un élément typique du harcèlement obsessionnel. Il ne s'agit toutefois pas du même comportement que celui décrit dans l'infraction de menace (art. 180 CP: un seul acte de menace grave) ou de contrainte (art. 181 CP: un seul acte de menace d'un dommage sérieux). La menace évoquée dans l'article relatif au harcèlement obsessionnel peut être d'une intensité moindre que celle des art. 180 et 181 CP. En effet, dans ce cas-ci, c'est l'ensemble des comportements (autre menace, traque, harcèlement) qui doivent être commis de façon obstinée pour constituer l'infraction, et qui revêtent globalement une intensité similaire à celle d'une seule menace grave au sens de l'art. 180 CP.

Le harcèlement obsessionnel, qui consiste en de multiples actes qui, pris isolément, paraissent socialement acceptables deviendra une lex specialis, l'art. 181b CP, et ce comportement ne sera plus punissable en application des art. 180 et 181 CP. Si l'un des actes constituant le harcèlement obsessionnel tombait également sous le coup d'autres normes pénales (telles que l'art. 180 ou 181 CP), il y aurait en règle générale concours parfait. Conformément aux règles applicables, le juge condamnerait alors l'auteur à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmenterait (art. 49, al. 1, CP).

56

Schwarzenegger/Gurt, p. 28; Gurt N 457: en outre, l'introduction d'une infraction calquée sur la norme pénale allemande (qui énumère plusieurs actes de harcèlement obsessionnel typiques) ferait double emploi avec des infractions existantes et poserait des problèmes de concours entre les normes.

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3.2.4

Inclusion dans les listes d'infractions d'autres articles

3.2.4.1

Suspension et classement de la procédure

En vertu des art. 55a CP et 46b CPM, il est possible, pour certaines infractions commises à l'encontre du conjoint, du partenaire enregistré, du partenaire hétérosexuel ou homosexuel, de suspendre la procédure à la demande de la victime si cette mesure semble appropriée pour stabiliser ou améliorer la situation de celle-ci. À l'échéance du délai de suspension de six mois, la procédure peut être classée si la situation de la victime s'est effectivement stabilisée ou améliorée. La suspension et le classement de la procédure sont aussi prévus en cas de menace (art. 180, al. 2, CP et art. 149 CPM) et de contrainte (art. 181 CP et art. 150 CPM).

En principe, le harcèlement obsessionnel sera poursuivi sur plainte. L'al. 2 prévoit la poursuite d'office dans les cas où l'infraction est commise dans le contexte d'une relation de couple: si l'auteur est le conjoint (let. a), le partenaire enregistré (let. b) ou le partenaire hétérosexuel ou homosexuel (let. c) de la victime, et que l'atteinte a été commise pendant la relation ou dans l'année qui a suivi le divorce du mariage, la dissolution judiciaire du partenariat enregistré ou la séparation de l'union libre, les autorités de poursuite pénale doivent engager une procédure en présence d'indices concrets.

Dans ce cas, il est justifié de permettre la suspension et le classement de la procédure au sens des art. 55a CP et 46b CPM. Certains participants à la procédure de consultation voulaient exclure la possibilité de classer la procédure dans les cas graves57.

Lorsqu'une demande de suspension est déposée, les autorités peuvent toutefois vérifier si cette option semble apte, dans le cas concret, à améliorer ou stabiliser la situation de la victime. La décision de poursuivre la procédure relève de leur responsabilité58. L'ajout du harcèlement obsessionnel à la liste des infractions des art. 55a CP et 46b CPM permet aux autorités d'obliger le prévenu à suivre un programme de prévention de la violence pendant la suspension de la procédure (al. 2 desdits articles).

3.2.4.2

Surveillance de la correspondance par poste et télécommunication

Une norme pénale spécifique autoriserait une surveillance de la correspondance par poste et télécommunication telle que prévue à l'art. 269 du code de procédure pénale (CPP)59. L'al. 2 énumère les infractions pour lesquelles une telle surveillance peut être ordonnée. Il n'est pas nécessaire de modifier la liste des infractions de cet article, puisqu'elle renvoie aux art. 180 à 185bis CP, et qu'elle inclut par conséquent déjà la nouvelle norme pénale60.

57 58 59 60

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 5.1.

FF 2017 6913, ch. 3.3.2 RS 312.0 Voir également la version du projet de révision du droit pénal en matière sexuelle, RO 2024 27, p. 9 et 17, qui entrera en vigeur le 1er juillet 2024 (op. cit., p. 16).

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Dans le cadre de la modification du CPP du 17 juin 202261, cette liste a été dûment complétée. L'art. 70, al. 2, de la procédure pénale militaire du 23 mars 1979 (PPM)62 a aussi été adapté dans la foulée afin de rétablir le parallélisme entre les listes du CPP et de la PPM63. Une surveillance est également possible en cas de menace selon l'art. 149, al. 1, CPM et de contrainte selon l'art. 150, al. 1, CPM. La nouvelle norme pénale relative au harcèlement obsessionnel à l'art. 150a P-CPM implique toutefois de compléter la liste de l'art. 70, al. 2, PPM.

L'art. 70, al. 2, PPM a été modifié dans le cadre de la révision du droit pénal en matière sexuelle64. La modification entrera en vigueur le 1er juillet 202465. Le projet d'acte qui nous occupe se base sur la disposition de coordination de la révision du droit pénal en matière sexuelle66.

3.2.4.3

Autres listes d'infractions

Un ajout dans d'autres listes d'infractions, notamment dans celle relative à l'expulsion obligatoire (art. 66a, al. 1, let. g, CP; art. 49a, al. 1, let. e, CPM), n'est pas nécessaire. En revanche, il serait possible de prévoir une expulsion non obligatoire (art. 66abis CP; art. 49abis CPM), qui pourrait être ordonnée en cas de délit.

3.3

Délimitation par rapport au «mobbing»

Le harcèlement au sens de «mobbing» (qu'il se produise dans le monde réel ou passe en ligne) est un comportement délibérément intimidant, intrusif ou humiliant commis à plusieurs reprises sur une longue période, qui a pour conséquence que la victime se sent insultée, chicanée, persécutée ou rabaissée67.

L'initiative parlementaire 20.445 Suter «Inscrire le cyberharcèlement dans le code pénal», adoptée par les deux Chambres68, permettra de compléter le CP en ce sens. Le 19 octobre 2022, le Conseil fédéral a adopté le rapport «Compléter le code pénal par des dispositions relatives au cyberharcèlement» en réponse au postulat 21.3969 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national. Dans son rapport, il n'estime pas qu'il soit nécessaire d'agir en la matière mais qui s'exprime en faveur d'une formulation technologiquement neutre de la norme pénale si l'on décidait de légiférer.

Des problèmes de délimitation difficiles à résoudre se posent entre le harcèlement obsessionnel et le harcèlement au sens de «mobbing». Ce dernier peut en effet aussi 61 62 63 64 65 66 67 68

RO 2023 468 RS 322.1 FF 2019 6351 6428. Concernant la modification de l'art. 269, al. 2, CPP, voir FF 2019 6351 6406 s.

Texte soumis au vote final 18.043, FF 2023 1521.

RO 2024 27, p. 18 RO 2024 27, p. 16 Rapport postulat 21.3969, p. 10 et 50 Le Conseil national y a donné suite le 6 décembre 2022, et le Conseil des États, le 21 décembre 2023.

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susciter la peur chez la personne visée et entamer son sentiment de sécurité, à la différence que l'auteur agit en général aux fins de déprécier, de rabaisser et d'isoler sa victime69. C'est donc au niveau des motivations que ce harcèlement se distingue du harcèlement obsessionnel, où l'auteur cherche souvent la relation et la proximité avec sa victime70. S'agissant du harcèlement obsessionnel par vengeance, la motivation se recoupe largement avec celle du «mobbing», l'auteur agissant par besoin d'exercer son pouvoir et sa domination sur sa victime71.

3.4

Application du droit au cyberharcèlement obsessionnel

Comme il ressort de son développement, l'initiative de la commission vise aussi à trouver des solutions relatives à l'application du droit en cas de cyberharcèlement obsessionnel.

3.4.1

Description de la problématique

La poursuite pénale d'infractions commises par l'intermédiaire des TIC présente des difficultés particulières: les auteurs agissent souvent via des plateformes qui n'ont pas de siège en Suisse et stockent leurs données à l'étranger72. Or les autorités de poursuite pénale ont besoin de ces données comme moyens de preuve pour établir les faits.

Lorsque les auteurs sont anonymes, l'identification des suspects, qui constitue la première et la plus décisive des étapes, est d'emblée vouée à l'échec.

En vertu des principes de droit international, en particulier du principe de souveraineté des États, les autorités suisses de poursuite pénale n'ont pas le droit d'exiger directement le dépôt des données ni de mettre celles-ci sous séquestre. Conformément au principe de la territorialité, elles ne peuvent en principe recueillir des preuves que si celles-ci se trouvent en Suisse (art. 1 et 54 CPP, en relation avec l'art. 1, al. 1, let. b, de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale [EIMP]73 et l'art. 3 CP).

Ainsi, les autorités de poursuite pénale peuvent, dans le cadre d'une perquisition par exemple, exiger le dépôt de données (art. 265 CPP, voir aussi l'art. 246 CPP), perquisitionner les systèmes informatiques de particuliers (art. 246 CPP) ou mettre sous séquestre des données ou des supports de données (art. 263 ss CPP). Ces mesures de contrainte ne déploient toutefois leurs effets qu'à l'égard du détenteur des données qui a la possibilité de maîtriser celles-ci; si ce n'est pas le cas, il n'est pas tenu de collaborer à la procédure. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, les 69 70

71 72 73

Rapport postulat 21.3969, p. 11.

Gurt, N 72. L'autrice souligne aussi que le harcèlement obsessionnel est presque toujours le fait d'une seule personne, tandis que le harcèlement (mobbing) est généralement le fait de plusieurs personnes qui s'en prennent ensemble à la même victime (mob, bande en anglais). Voir aussi le rapport postulat 21.3969, p. 31.

Gurt, N 72; Hilt et al., p. 24 et 28; Marcum/Higgins/Ricketts, p. 49.

La majorité des plateformes les plus utilisées en Suisse ont leur siège à l'étranger; rapport postulat 21.3969, p. 34 s.

RS 351.1

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succursales suisses de Google et de Facebook/Meta ne sont pas détentrices des données des utilisateurs, car elles sont uniquement chargées de la commercialisation des services et non de leur gestion74. Toujours selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, quiconque accède à un service d'une entreprise étrangère par l'intermédiaire d'une connexion Internet en Suisse n'agit pas «à l'étranger». Les autorités de poursuite pénale peuvent par conséquent consulter en Suisse les données disponibles et les exploiter, à condition que celles-ci aient été recueillies sous une forme autorisée par le droit de la procédure75.

Lorsqu'il n'est pas possible de recueillir directement les données en Suisse, les autorités de poursuite pénale doivent passer par la voie de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale pour se les procurer. Une telle procédure est souvent fastidieuse et chronophage, d'où le risque de voir expirer certains délais légaux et, partant, de devoir mettre fin à la procédure76. En outre, il est fréquent que l'entraide judiciaire internationale ne soit pas accordée, notamment lorsque la condition de la double incrimination n'est pas remplie. Une infraction distincte pour le harcèlement obsessionnel offrirait ici des avantages, dans la mesure où elle faciliterait la démonstration de la double incrimination auprès des autorités étrangères. L'entraide judiciaire est en général régie par des dispositions de droit international (traités multilatéraux ou bilatéraux) ou de droit administratif. La procédure est pour sa part régie par l'EIMP.

La Convention du Conseil de l'Europe du 23 novembre 2001 sur la cybercriminalité (CCC)77, à laquelle la Suisse est également partie, est le plus important des accords internationaux dans le domaine de la cybercriminalité. Le deuxième protocole additionnel à la CCC du 12 mai 202278 vise à renforcer la coopération internationale et à faciliter l'échange rapide d'informations et de moyens de preuve électroniques. Il n'est pas encore entré en vigueur et la Suisse ne l'a pas signé à l'heure actuelle. Les travaux menés témoignent cependant des efforts considérables déployés à l'échelle internationale pour que la coopération transfrontalière relève les défis du développement technologique et de l'évolution de la société afin de permettre une poursuite pénale efficace
sur Internet.

Au niveau international, des efforts similaires sont déployés depuis mai 2021 dans le cadre de la création d'une convention des Nations unies sur la cybercriminalité. La

74 75 76

77 78

ATF 143 IV 21, consid. 3.3 et 3.4, et arrêt du TF 1B_142/2016 du 16 novembre 2016, consid. 3.

ATF 143 IV 270, consid. 6 et 7; cet avis est toutefois critiqué par la doctrine: voir Graf, N 21 ss; plus généralement: Aepli, p. 130 s.

P. ex. le délai de conservation et d'exploitation d'adresses IP, qui constituent des données secondaires au sens de l'art. 273, al. 3, CPP; voir aussi l'ATF 139 IV 98 (exposé complet des faits: arrêt du TF 1B_481/2012 du 22 janvier 2013, consid. 2 et 3.

RS 0.311.43 À ce jour, le deuxième protocole additionnel à la CCC du 12 mai 2022 relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques a été signé par une quarantaine d'États et ratifié par deux. Il entrera en vigueur trois mois après la date de sa ratification par au moins cinq parties à la Convention. Consultable à l'adresse: www.coe.int > A propos > Bureau des Traités > Liste complète > STCE no 224 (état: 22 février 2024).

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Suisse et un grand nombre d'États y participent activement79. Ce texte vise également à renforcer la coopération internationale, notamment grâce à l'échange d'informations et de moyens de preuve électroniques. Bien qu'à cause des points de vue très divergents, les travaux font face à d'importantes difficultés, les efforts entrepris montrent que d'autres États perçoivent également la difficulté de l'application du droit dans un contexte toujours plus international. La tendance est donc à l'internationalisation des possibilités de poursuite pénale afin d'améliorer l'application du droit dans les affaires qui ont un aspect international.

3.4.2

Cas particulier du cyberharcèlement obsessionnel

L'application du droit pose notamment problème lorsque l'auteur commet l'infraction sous couvert d'anonymat. Cela est toutefois plutôt rare dans le cas du harcèlement obsessionnel, où l'auteur est très souvent connu de sa victime: 30 à 50 % des cas de harcèlement obsessionnel sont le fait de l'ex-partenaire. L'auteur peut figurer parmi les contacts personnels, professionnels, familiaux et de voisinage de la victime, mais il peut également s'agir de vagues connaissances80.

C'est pourquoi l'application du droit est moins problématique dans le contexte du cyberharcèlement obsessionnel qu'elle ne l'est dans d'autres domaines. Il reste que l'obtention de preuves peut tout de même s'avérer difficile, et ce, même lorsque la victime connaît son harceleur. Dans le cas du cyberharcèlement obsessionnel typique, il est possible de documenter dans une certaine mesure les faits au moyen de captures d'écrans d'e-mails ou d'autres messages, par exemple. Le caractère répétitif d'actes commis dans le monde virtuel peut même être mieux prouvé que pour certains actes de harcèlement obsessionnel perpétrés dans le monde réel, tels que le fait d'épier.

3.4.3

Pistes de solutions

La révision totale de la LPD, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2023 a apporté de premières améliorations. Les responsables du traitement privés ayant leur siège à l'étranger sont dorénavant obligés de désigner un représentant en Suisse lorsqu'ils traitent des données personnelles concernant des personnes en Suisse et que ce traitement est en rapport avec l'offre de services ou le suivi du comportement de personnes en Suisse, qu'il est réalisé à grande échelle, régulier, et présente un risque élevé pour la personnalité des personnes concernées (art. 14 s. LPD). Sont a priori visées les grandes plateformes en ligne et les réseaux sociaux. Le représentant est l'interlocuteur du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence et des personnes 79

80

Le 26 mai 2021 l'Assemblée générale des nations unies a adopté la résolution 75/282 intitulée «Countering the use of information and communications technologies for criminal purposes» (Lutte contre l'utilisation des technologies de l'information et des communications à des fins criminelles), qui sert de base aux négociations en cours. Les documents à se sujet sont consultables à l'adresse: www.unodc.org > cybercrime > Ad hoc committee to elaborate an international convention on countering the use of ICTs for criminal purposes (état: 22 février 2024).

Rapport postulat 14.4204, p. 11 s.

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concernées en Suisse (art. 14, al. 2, LPD). Cette disposition facilite la prise de contact avec les exploitants de plateformes en ligne. Les victimes peuvent ainsi mieux faire valoir leurs droits, par exemple le droit de demander la suppression de contenus portant atteinte à l'honneur, même si cela ne crée pas pour autant un droit à l'effacement qui puisse être mis en oeuvre à l'échelle internationale.

Cette nouvelle règle rejoint les demandes de la motion 18.3306 Glättli «Renforcer l'application du droit sur Internet en obligeant les grandes plateformes commerciales à avoir un domicile de notification» du 15 mars 2018 et de la motion 18.3379 de la CAJ-E «Accès des autorités de poursuite pénale aux données conservées à l'étranger» du 23 mars 2018. Le Conseil fédéral a proposé d'accepter les deux motions et le Parlement les a adoptées. Le Conseil fédéral a déclaré qu'il proposait simultanément d'accepter les motions 18.3306 et 18.3379 dans l'idée que des solutions réalisables et efficaces soient recherchées81. La motion 18.3379 demande que soit instaurée une obligation générale, pour les cyberentreprises, de créer un domicile de notification en Suisse. Il s'agit notamment de créer une base légale pour que les réseaux sociaux soient tenus de désigner une représentation ou un domicile de notification en Suisse, afin de faciliter leur communication avec les autorités comme avec les consommateurs. Il reste que le respect de cette obligation ne peut être imposé si une entreprise étrangère refuse de désigner une représentation en Suisse.

Comme évoqué plus haut, l'effet de mesures nationales visant à optimiser l'application du droit est limité; les traités internationaux bilatéraux ou multilatéraux sont l'outil privilégié pour améliorer l'obtention de preuves à l'étranger. C'est pourquoi il importe que la Suisse s'inspire des développements internationaux et continue d'y participer, comme susmentionné.

4

Commentaire des dispositions

4.1

Code pénal

4.1.1

Article 55a, al. 1, phrase introductive

Le harcèlement obsessionnel est souvent commis après la séparation d'un couple.

C'est pourquoi l'art. 181b, al. 2, P-CP prévoit que le harcèlement obsessionnel commis dans le contexte d'une relation de couple, qu'elle ait pris fin ou non, doit être poursuivi d'office (voir ch. 4.1.2.7).

Cet alinéa doit par conséquent figurer dans la liste de l'art. 55a, al. 1, CP (voir ch. 3.2.4.1). Une procédure pour harcèlement obsessionnel au sein du mariage, d'un partenariat enregistré ou d'une union libre hétérosexuelle ou homosexuelle ­ ou dans l'année suivant respectivement le divorce, la dissolution du partenariat ou la fin de l'union libre ­ peut ainsi être suspendue à la demande de la victime si cela permet de stabiliser ou d'améliorer sa situation. Pendant cette période, l'autorité de poursuite pénale peut, conformément à l'al. 2 de l'art. 55a CP, obliger le prévenu à suivre un programme de prévention de la violence. À l'échéance d'un délai de six mois, la pro-

81

BO 2018 N 1400

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cédure peut être classée si la situation de la victime s'est stabilisée ou améliorée (art. 55a, al. 3 et 4, CP).

4.1.2

Article 181b

4.1.2.1

Place de l'article et titre marginal

La nouvelle disposition pénale est classée parmi les crimes ou délits contre la liberté (livre 2, titre 4 CP). En effet, l'infraction vise la liberté intérieure de la victime de gérer sa vie conformément à sa volonté. On protège ainsi dans une certaine mesure la liberté intérieure censée garantir à la personne concernée la libre formation et le maintien de son équilibre psychique82. Il y a violation lorsque le sentiment de sécurité de la victime est ébranlé et que celle-ci n'est plus libre de planifier et de gérer sa vie (notamment quotidienne) ou de prendre des décisions individuelles importantes. En raison de la proximité avec la contrainte, il est proposé d'intégrer la nouvelle infraction en tant que nouvel art. 181b P-CP.

Le terme de «Nachstellung» est utilisé dans le titre marginal allemand. Tout comme le terme de «Stalking», il relève du domaine de la chasse et peut être utilisé pour décrire ce phénomène en allemand. Ce terme figure à l'art. 34 de la Convention d'Istanbul, et aux art. 28b s. CC, ainsi que dans norme équivalente du code pénal allemand (§ 238 D-StGB).

De nombreux participants à la procédure de consultation ont demandé d'utiliser «Stalking» comme titre marginal parce que ce terme est établi et couramment utilisé en allemand notamment dans la jurisprudence et la doctrine83. Il faut toutefois observer la plus grande retenue lorsqu'il s'agit d'utiliser des anglicismes dans la législation.

«Nachstellung» est un terme approprié, utilisé dans le langage officiel, qui existe déjà en droit suisse84. Il ne faut pas désigner un seul et même phénomène par deux termes différents sans raison valable. Comme mentionné ci-dessus, «Nachstellung» doit être compris comme un équivalent de «Stalking». Il désigne un ensemble d'actes visant à traquer, harceler ou menacer une personne, qui restreint la victime dans sa liberté.

82 83

84

Au sujet des infractions de contrainte et de menaces, voir Delnon/Rüdy, commentaire bâlois II CP, N 5 ad art. 180 CP et N 7 ad art. 181 CP.

D'autres arguments avancés en faveur du terme «Stalking» étaient notamment le fait qu'il couvre mieux la complexité et la diversité des actes pouvant être commis dans le contexte du harcèlement obsessionnel, qu'il couvre également les cas commis en ligne alors que le terme de «Nachstellung» est principalement utilisé dans le contexte du harcèlement obsessionnel «offline», et enfin que le terme de «Stalking» a une portée symbolique plus forte: synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.2.

Au sujet l'ensemble, voir les recommandations de la Chancellerie fédérale relatives à l'usage d'anglicismes dans les textes allemands, mars 2020, consultable à l'adresse: www.admin.ch > Der Bundesrat > Schweizerische Bundeskanzlei (BK) > Dokumentation > Sprachen > Hilfsmittel für Textredaktion und Übersetzung > Verfassen von Texten allgemein > Empfehlungen zu Anglizismen März 2020 (état: 22.02.2024). Voir également le po. 04.3159 Berberat «Anglicismes. Le Conseil fédéral ne doit-il pas devenir le ?».

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«Nachstellung» se rapporte à la fois aux actes commis dans le monde réel et à ceux qui s'opèrent en ligne85.

La minorité I (Arslan, Andrey, Dandrès, Docourt, Funiciello, Jaccoud, Mahaim, Marti Min Li) propose d'utiliser le terme de «Stalking» comme titre marginal de la version allemande de la disposition. Elle approuve les arguments évoqués lors de la consultation selon lesquels l'anglicisme «Stalking» est entré dans le langage courant et qu'il serait plus compréhensible que «Nachstellung» pour les destinataires de la norme. Il est également établi dans le langage juridique et couvre mieux la complexité et la diversité des actes pouvant être commis dans le contexte du harcèlement obsessionnel. «Stalking» permet également à leurs yeux d'expliciter le fait que la norme pénale couvre à la fois les actes commis dans la vie réelle et ceux commis en ligne.

Enfin, on peut s'attendre à ce qu'une norme pénale portant le titre marginal de «Stalking» ait une portée symbolique plus importante.

Le titre marginal de la version française de la disposition pénale doit être «Harcèlement obsessionnel». Cette proposition a été accueillie de façon contrastée par les participants à la consultation. Certains ont proposé le terme de «Harcèlement» car ils estimaient que l'adjectif «obsessionnel» est peu clair, d'autant que le libellé de la disposition pénale mentionne l'«obstination», mais pas l'«obsession». Ils ont ajouté que l'obsession est une notion qui ne devrait pas subrepticement devenir un élément constitutif de l'infraction86.

La commission a choisi de conserver «Harcèlement obsessionnel» comme titre marginal. Elle estime que le terme de «Harcèlement» seul est trop vague. Par ailleurs, il ne faut se référer au titre marginal qu'avec prudence pour interpréter une disposition pénale. En cas de divergence, c'est le sens qui découle du libellé de la norme pénale elle-même qui prime sur le titre marginal87.

La minorité II (Mahaim, Andrey, Arslan, Dandrès. Docourt, Funiciello, Jaccoud, Marti Min Li) propose d'utiliser «Harcèlement» comme titre marginal. Elle fait valoir que l'adjectif «obsessionnel» introduirait une divergence par rapport à l'infraction elle-même, que mentionne l'obstination. Il s'agit par ailleurs selon elle d'une notion relevant de la pathologie. Même si le titre marginal n'est pas déterminant
pour l'interprétation de l'infraction, la notion d'obsession ne devrait pas figurer dans une disposition pénale. Les titres marginaux en allemand et en italien ne mentionnent aucune précision de ce type. Enfin, le titre marginal des articles 34 de la Convention d'Istanbul et 28b s. CC est «Harcèlement».

Le titre marginal de la version italienne est «Atti persecutori». Cette notion est également celle utilisée à l'art. 34 de la Convention d'Istanbul et dans la disposition équivalente du code pénal italien (art. 612bis I-CP). Elle diverge toutefois de celle qui figure aux art. 28b s. CC: il s'agit du terme «Insidie», qui pourrait être traduit par 85

86 87

C'est également ce qu'on entend par ce terme dans le CC: selon l'art. 28b, al. 1, ch. 3, CC, en cas de harcèlement, le juge peut interdire à l'auteur de prendre contact avec la victime, notamment par voie électronique. Le § 238 D-StGB inclut explicitement aussi les actes de cyberharcèlement sous le terme de «Nachstellung» (voir al. 1, ch. 2).

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch 4.2.

ATF 119 IV 59, consid. 2. B cc; Trechsel/Jean-Richard-dit-Bressel, commentaire pratique CP, N 17 ad art. 1 CP.

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«piège» ou «leurre» et qui paraît trop vague. L'expression «Atti persecutori» est plus moderne, et elle s'est imposée dans le langage juridique italien pour décrire le harcèlement obsessionnel. Il faut donc accepter cette divergence entre le code civil et le code pénal dans la version italienne.

4.1.2.2

Description des différents actes

Dans le droit allemand (§ 238 D-StGB), comportement punissable est décrit par le verbe «nachstellen». Le droit autrichien a quant à lui opté pour le verbe «verfolgen» (§ 107a A-StGB). De son côté, le Tribunal fédéral décrit généralement le «stalking» comme un comportement importun et menaçant («belästigendes und bedrohendes Verhalten»)88. La définition selon l'art. 34 de la Convention d'Istanbul insiste sur le caractère menaçant du comportement.

Au vu de l'hétérogénéité des actes potentiels, délimiter clairement la définition du comportement punissable relève du défi. La disposition doit être formulée de façon suffisamment large tout en respectant le principe de la précision de la base légale (art. 1 CP; nulla poena sine lege certa). Ce principe postule que le destinataire du droit doit pouvoir adapter son comportement à la norme et pouvoir connaître, jusqu'à un certain point, les conséquences d'une violation de celle-ci. L'utilisation des trois verbes traquer, harceler ou menacer permet de couvrir les comportements typiques des auteurs de harcèlement obsessionnel. Peu importe en l'espèce que la personne agisse dans le monde réel ou en ligne:

88 89

­

«Traquer» doit être compris au sens large. Il s'agit non seulement de la filature à pied ou en voiture, mais aussi du fait de se mettre en embuscade (c'est-àdire attendre la victime sur un chemin qu'elle emprunte régulièrement ou un lieu qu'elle fréquente régulièrement, tel que son domicile ou son lieu de travail), d'observer ou d'espionner la victime.

­

«Harceler» évoque la recherche de contact de manière importune (par appels téléphoniques, lettres, courriels, messages instantanés, notamment sur les réseaux sociaux) ou encore l'envoi de cadeaux. Cette notion doit également être interprétée au sens large, elle ne doit pas forcément revêtir une connotation sexuelle (contrairement à l'art. 198 CP).

­

«Menacer» décrit les comportements qui effraient la victime ou lui font redouter un dommage, comme l'intimidation, ou le fait de s'introduire dans son espace personnel (sans atteindre le seuil requis pour la violation de domicile), les dommages à la propriété, par exemple la violence sur les animaux de compagnie de la victime (sans atteindre le seuil requis pour les dommages à la propriété) ou le fait d'isoler la victime de son environnement. L'atteinte que laisse entrevoir l'auteur peut concerner la victime, mais également des tiers (proches) ou même l'auteur lui-même, tant qu'elle vise à provoquer la peur chez la victime89.

Voir notamment ATF 141 IV 437, consid. 3.2.2.

Delnon/Rüdy Commentaire bâlois II CP, N 17 ad art. 180 CP et N 33 ad art. 181 CP.

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Alors que la traque se réfère au comportement du harceleur, les notions de harcèlement et de menace se rapportent à la victime90. Comme pour les éléments de «menace grave» et de «[menace] d'un dommage sérieux» énoncés aux art. 180, al. 1, et 181 CP, il y a lieu de procéder ici à une objectivation, c'est-à-dire de vérifier si le comportement de l'auteur aurait eu le même effet sur une personne raisonnable dans la même situation91.

Un grand nombre de participants à la consultation a demandé d'étendre la description du comportement délictueux (en y ajoutant une formulation du type «oder eine andere vergleichbare Handlung vornimmt» et éventuellement le verbe «nachstellen» pour l'allemand et «de toute autre manière» ou «tout type d'acte comparable» pour le français)92. Il serait toutefois difficile de délimiter le comportement délictueux si l'on étendait de la sorte sa description, ce qui est extrêmement délicat dans notre contexte puisqu'il s'agit d'une infraction qui doit définir la limite entre ce qui est socialement acceptable et ce qui est pénalement répréhensible. Compte tenu du principe de précision de la base légale, il ne faut pas étendre la description du comportement délictueux.

Des participants à la consultation ont mentionné que des tiers (membres de la famille, en particulier enfants communs, amis ou collègues) sont souvent impliqués dans les cas de harcèlement obsessionnel93. La plupart du temps, ces personnes n'agissent pas intentionnellement (puisqu'elles ne savent pas qu'elles contribuent aux actes de harcèlement obsessionnel), ou sans entamer leur responsabilité pénale (enfant sans responsabilité pénale). Dans ce cas, on parle de participation en tant qu'auteur indirect et le comportement de la personne tierce est attribué à l'auteur sur la base des règles générales existantes. Il n'y a pas lieu de mentionner cette règle générale dans la nouvelle disposition pénale, celle-ci n'apparaissant par ailleurs dans aucune autre disposition.

Enfin, certains participants à la consultation ont demandé que le cyberharcèlement obsessionnel figure explicitement dans le libellé de l'infraction94. Dans la mesure du possible, les infractions du droit pénal suisse doivent être formulées de manière neutre sur le plan technologique. Les dispositions ne doivent pas mentionner les modalités de commission
de l'acte, mais elles doivent à la fois couvrir les actes perpétrés dans le monde réel et ceux commis en ligne (voir p. ex. le nouvel article relatif à l'usurpation d'identité, art. 179decies CP, en vigueur depuis le 1er septembre 2023). Le fait de mentionner le cyberharcèlement obsessionnel de manière explicite pourrait éventuellement revêtir une valeur symbolique, mais il convient d'y renoncer. En effet, aucune précision de ce type ne figure dans le droit en vigueur.

Une minorité (Docourt, Andrey, Dandrès, Funiciello, Jaccoud, Mahaim, Marti Min Li) propose une autre formulation de la disposition pénale en français. Au lieu de «traque, harcèle ou menace», elle suggère d'utiliser «traque, importune ou menace».

Puisque la notion de «Harcèlement (obsessionnel)» figure également dans le titre mar90 91 92 93 94

Gurt, N 479 Delnon/Rüdy, commentaire bâlois II CP, N 19 ad art. 180 CP et N 34 ad art. 181 CP.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.3.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.3.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.3.

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ginal, et qu'il s'agit donc d'un terme générique décrivant le comportement punissable, qui évoque déjà la notion de répétition, elle ne devrait pas servir à décrire l'un des actes concrets pouvant être commis. Comme des participants à la procédure de consultation l'ont mentionné, cette minorité estime que le verbe utilisé dans la version allemande «belästigen», est plus large et pourrait couvrir des comportements moins graves que le laisse entendre le verbe «harceler»95. Il convient donc selon elle de remplacer «harceler» par «importuner».

4.1.2.3

Pluralité d'actes

Le harcèlement obsessionnel est par essence constitué d'une pluralité d'actes qui, dans leur ensemble, atteignent un degré de gravité telle qu'ils remplissent les critères de l'infraction. Dans sa description légale de la pluralité d'actes, Vanoli choisit l'adjectif «andauernd» (continuel)96, Schwarzenegger/Gurt parlent en revanche de «mehrmalig» (à réitérées reprises)97, et Gurt aussi de «beharrlich» (obstinément)98. Dans son arrêt de principe sur le stalking, le Tribunal fédéral pose comme condition à la contrainte induite par le harcèlement obsessionnel plusieurs actes commis durant une période prolongée99.

Selon la commission, cette pluralité est exprimée par l'adverbe «obstinément» dont l'équivalent allemand («beharrlich») figure également dans la norme pénale autrichienne. Par ailleurs, l'adverbe «beharrlich» était utilisé dans la première version de la norme pénale allemande, avant d'être remplacé par «wiederholt» suite à la révision de 2021 (voir ch. 3.2.1.3). Le terme de «wiederholt» («à plusieurs reprises») est aussi utilisé à l'art. 34 de la Convention d'Istanbul. De nombreux participants à la procédure de consultation se sont prononcés en faveur d'une formulation axée sur la répétition, qui est à leur sens plus claire et qui rend moins strictes les conditions pour la réalisation de l'infraction. Cette notion de répétition apparaît par ailleurs déjà dans le CP100: les voies de fait sont poursuivies d'office lorsque l'auteur a agi à réitérées reprises contre des personnes placées sous sa garde ou sous son autorité ou dans le cadre d'une relation de couple (art. 126, al. 2, CP). Conformément au message relatif à cet article, à la doctrine dominante et à la jurisprudence, il faut entendre par là une multiplicité

95 96 97 98 99

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.3.

Vanoli, N 361 ff.

Schwarzenegger/Gurt, p. 27; voir aussi Gurt, N 478 (proposition I).

Gurt, N 483 (proposition II).

ATF 141 IV 437, consid. 3.2, qui confirme l'ATF 129 IV 262, consid. 2.4 s. S'agissant de la définition du harcèlement obsessionnel («stalking»), il suffit cependant, selon le Tribunal fédéral, que le comportement incriminé se produise au moins deux fois: ATF 129 IV 216, consid. 2.3.

100 Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.4. Le CP comporte aussi le terme «fortgesetzt» (art. 156, ch. 2, CP: à réitérées reprises). Selon la majorité des auteurs de doctrine, deux actes suffisent pour l'infraction d'extorsion: Weissenberger, Commentaire bâlois II CP, N 40 ad art. 156 CP; Dupuis et al., N 32 ad art. 156 CP; d'un avis divergent Trechsel/Crameri, commentaire pratique CP, N 14 ad art. 156 CP.

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d'actes (plus de deux occurrences), qui doivent se succéder pendant une période plus ou moins courte101, sans qu'une durée conséquente soit requise.

Ces critères ne sont toutefois pas suffisants pour le harcèlement obsessionnel, qui consiste en une série de comportements (pouvant être socialement acceptables) qui doivent, dans leur ensemble, être d'une certaine intensité. Il faut donc qu'une multiplicité d'actes soit commise pendant une longue période. On ne saurait fixer, de façon abstraite, un nombre minimal d'actes ou leur durée minimale, puisque tout dépend du type d'actes commis. Il faut également que l'on constate un certain acharnement de la part de l'auteur dans son non-respect de la volonté de la victime lié au nombre d'actes commis et à leur durée. Cette appréciation doit être établie au cas par cas.

L'adverbe «obstinément» est par conséquent mieux à même de traduire ces exigences.

Étant donné qu'il s'agit de plusieurs actes qui, pris isolément, sont souvent considérés comme socialement acceptables et ne deviennent punissables que par un effet de cumul, le harcèlement obsessionnel doit figurer dans le droit pénal comme étant une unité juridique d'actions. En l'espèce, le comportement défini par la norme présuppose, par définition, de fait ou typiquement, la commission d'actes séparés102 qui, considérés ensemble, constituent une infraction. Une peine pour infraction répétée selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la contrainte par harcèlement obsessionnel et une augmentation de la peine en vertu des règles générales sur le concours d'infractions (art. 49, al. 1, CP) seraient dès lors exclues. Cette jurisprudence a notamment été critiquée parce que le comportement incriminé n'est punissable qu'en cas de cumul et ne constitue pas une infraction réitérée103.

Dans les versions française et italienne, une modification d'ordre rédactionnel a été effectuée (antéposition) afin de garantir que les adverbes «obstinément» et «insistentemente» portent clairement sur les trois actes.

4.1.2.4

Résultat

La commission propose de décrire le résultat de l'infraction comme une entrave dans la libre détermination de la façon de vivre de la victime. Cette formulation s'inspire du droit allemand et autrichien104.

La tournure a fait l'objet de critiques pendant la consultation, les participants demandant que le résultat soit décrit de façon plus précise105. Dans le cas du harcèlement 101

102 103 104

105

FF 1985 II 1021 ch. 213.5; Roth/Keshelava, Commentaire bâlois I CP, N 9 ad art. 126 CP; Donatsch, 63; Stratenwerth/Bommer, N 58 ad § 3 D-StGB; également arrêt du Tribunal fédéral 6S.273/2004, consid. 2 du 24 septembre 2004. Trechsel/Geth, commentaire pratique CP, N 8 ad art. 126 CP estiment en revanche que deux actes indépendants doivent suffire.

ATF 132 IV 49, consid. 3.1.1.3; ATF 131 IV 83, consid. 2.4.5; arrêt du TF 6B_646/2018 du 2 novembre 2018, consid. 4.3.

Voir Gurt, N 475 et 156.

Ces dispositions pénales consacrent toutefois une infraction de mise en danger. Voir § 238 D-StGB: «geeignet [...], deren Lebensgestaltung nicht unerheblich zu beeinträchtigen»; § 107a A-StGB: «geeignet [...], sie in ihrer Lebensführung unzumutbar zu beeinträchtigen».

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.5.

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obsessionnel, le problème est que ce ne sont pas uniquement les modalités, mais également les motivations de l'auteur qui peuvent fortement varier. Comme mentionné précédemment (voir ch. 2.1), elles peuvent globalement être classées en deux catégories: la recherche d'une relation ou la vengeance. L'objectif et les intentions de l'auteur changent en fonction de sa motivation. Bien que l'art. 34 de la Convention d'Istanbul met l'accent sur la peur engendrée par le harcèlement obsessionnel (ce qui correspond au résultat de l'infraction de menaces, art. 180 CP), ce n'est pas nécessairement l'intention de l'auteur, surtout lorsqu'il s'agit de harcèlement obsessionnel motivé par le désir d'une relation avec la victime. Lorsque le harcèlement obsessionnel est motivé par l'idée d'une relation, l'auteur ne cherche pas à instiller la peur auprès de la victime, et il n'accepte pas que ses actes puissent avoir cet effet (voir art. 12, al. 2, CP). Ce faisant, dans la poursuite de son objectif, les agissements de l'auteur auront pour conséquence indirecte d'influencer la façon de vivre de la victime. Par exemple, cette dernière pourrait renoncer à rencontrer de nouvelles connaissances, ou décider d'entamer une relation avec l'auteur. En revanche, lorsque l'objectif du harcèlement obsessionnel est la vengeance, le fait de faire peur à la victime et de porter atteinte à son sentiment de sécurité passe au premier plan. La commission part du principe qu'il s'agit également d'une forme de restriction de la victime dans sa liberté de gérer sa vie (p. ex. , parce qu'elle n'ose plus sortir de chez elle le soir). La formulation proposée fait office de dénominateur commun entre ces deux catégories de harcèlement obsessionnel.

Le résultat de l'art. 181 CP (contrainte) est que la victime est obligée de «faire [...]

ne pas faire, ou [...] laisser faire» un acte. Cette tournure évoque le résultat d'un acte unique. Le harcèlement obsessionnel consiste toutefois en une pluralité d'actes qui, dans leur ensemble, ne permettent plus à la victime de gérer sa vie en toute liberté et comme elle l'entend.

Il n'est donc pas nécessaire que la victime change de comportement de façon perceptible (p. ex. le fait qu'elle évite certains lieux ou ne sorte plus de chez elle le soir doit être suffisant). Un changement d'habitudes quotidiennes
ou dans la planification de la journée de la victime (p. ex. emprunter un chemin précis) est un résultat suffisant pour que l'infraction de harcèlement obsessionnel soit réalisée, tout comme la prise d'une décision individuelle importante par la victime (p. ex. entamer une relation). De graves souffrances psychiques induites par le harcèlement obsessionnel constituent également une restriction dans la libre détermination de sa façon de vivre106.

Afin de déterminer le résultat de l'infraction, il faut adopter le point de vue de la victime tout en procédant à une objectivation: dans la même situation, le comportement de l'auteur devrait avoir le même effet sur une personne raisonnable.

Certains participants à la procédure de consultation ont demandé que le nouvel article consacre une infraction de mise en danger (abstraite) (comme les dispositions pénales allemande et autrichienne). Dans ce cas, il suffirait que le comportement délictueux soit «propre à» entraver la victime dans la détermination de sa façon de vivre. Cette demande doit être rejetée parce que le droit suisse (contrairement au droit allemand) permet de punir les tentatives. La même peine s'applique en cas de tentative qu'en cas de commission de l'acte, mais le tribunal peut l'alléger (art. 22 CP). Lors de la con106

Fischer, Kommentar D-StGB, N 32 § 238.

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sultation, la question s'est posée de savoir s'il est judicieux de trancher entre harcèlement obsessionnel effectif ou simple tentative en fonction de la réaction de la victime.

Relevons toutefois que la situation est la même pour d'autres infractions telles que la contrainte (art. 181 CP) et les menaces (art. 180 CP). Ces deux infractions, qui sont proches du harcèlement obsessionnel, sont des infractions de résultat. Il faudrait donc également que le nouvel article consacre une infraction de résultat. Si le nouvel article consacrait une infraction de mise en danger abstraite, les éléments constitutifs de l'infraction seraient réunis même lorsqu'une personne subit du harcèlement obsessionnel sans le remarquer. Cela ne paraît pas pertinent, c'est pourquoi la commission opte pour une infraction de résultat.

Certains participants à la procédure de consultation ont en outre demandé que la norme pénale consacre une infraction formelle: ils estiment qu'il doit suffire de prouver que l'auteur a eu un comportement précis car il s'agit du comportement à proscrire107. Dans ce cas également, les éléments constitutifs de l'infraction pourraient être réunis sans que la victime se rende compte du harcèlement. Selon la commission, l'infraction doit produire un résultat. En d'autres termes, la victime doit avoir agi au moins partiellement conformément à la volonté de l'auteur. Cela correspond au point de vue selon lequel, en cas de harcèlement obsessionnel, le comportement de l'auteur n'est jamais un but en soi108, mais qu'il doit entraîner une certaine limitation de la liberté d'action.

Une modification d'ordre rédactionnel est opérée dans la version française de la norme: l'ajout d'«ainsi» permet d'expliciter que le résultat doit découler des actes commis.

4.1.2.5

État de fait subjectif

Concernant l'état de fait subjectif, les principes généraux s'appliquent: l'auteur doit commettre l'acte avec conscience et volonté, le dol éventuel étant suffisant en l'espèce (art. 12, al. 1 et 2, CP). L'auteur doit aussi vouloir un résultat ­ et donc au moins accepter que son comportement entrave la libre détermination de la façon de vivre de la victime.

Étant donné que l'infraction présuppose plusieurs actes de nature obstinée, il en résulte une unité juridique d'actions (voir ch. 4.1.2.3). Contrairement à l'unité naturelle d'actions (p. ex. un passage à tabac), il n'est pas nécessaire que les actes reposent sur une décision unique de la part de l'auteur109. Celui-ci peut donc commettre chaque acte particulier sur la base d'une nouvelle décision, étant toutefois entendu que les actes doivent s'inscrire dans une intention générale en vue de produire le résultat défini par la norme110.

107 108 109 110

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.5 Schwarzenegger/Gurt, p. 27 s.

Concernant la délimitation entre les deux unités d'action, voir Gurt, N 158.

S'agissant du brigandage, également conçu comme une unité d'action normative, l'intention doit se rapporter aussi bien à l'acte de contrainte qu'au vol rendu possible par cet acte: voir Donatsch, p. 173.

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4.1.2.6

Illicéité

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la définition de l'infraction de contrainte est ouverte: la réalisation de l'infraction ne signifie pas son illicéité, qui demande une démonstration particulière. En effet, l'agression commise par l'auteur doit limiter d'une manière inadmissible le bien juridique protégé, soit la liberté de la victime111.

Dans le cas du harcèlement obsessionnel, il faut également que la victime soit entravée de manière inadmissible dans la libre détermination de sa façon de vivre. Seules les restrictions qui vont au-delà de ce que la victime doit tolérer doivent être punissables112. Il appartiendra à la jurisprudence de déterminer si l'illicéité requiert aussi une démonstration particulière dans le cas du harcèlement obsessionnel ­ étant donné qu'il est question d'un cumul d'actes isolés souvent considérés comme socialement acceptables.

4.1.2.7

Infraction poursuivie sur plainte; infraction poursuivie d'office lorsqu'elle est commise au sein d'un couple

La disposition pénale soumise à la procédure de consultation consacrait une infraction poursuivie d'office, ce que de nombreux participants approuvaient113. Ce choix était motivé par le fait que dans 30 à 50 % des cas, le harcèlement obsessionnel est le fait de l'ex-partenaire114 et que les infractions de violence domestique (y compris, jusqu'à un certain point, pour les relations qui ont pris fin) sont en principe poursuivies d'office.

En revanche, dans 50 à 70 % des cas, le harcèlement obsessionnel ne consiste pas en de la violence exercée dans une relation de couple. Quelques participants à la consultation ont exigé que l'infraction ne soit poursuivie que sur plainte. Ils estiment que la perception et l'effet des actes dépendent fortement de la personnalité de chaque victime115. On ne peut qu'approuver leur affirmation, car en fin de compte, c'est la seule personne qui puisse juger à quel point elle est limitée dans son comportement. Par ailleurs, le harcèlement obsessionnel présente la particularité que certains actes n'atteignent un seuil d'intensité suffisamment élevé pour restreindre la victime dans sa liberté de gérer sa vie qu'après un certain temps. Vu de l'extérieur, il est pratiquement impossible de juger à partir de quel moment ce seuil est atteint.

C'est pourquoi il faut laisser à la victime le choix de porter plainte ou non. Il ne faudrait pas que des personnes tierces puissent ouvrir une procédure pénale indépendamment de sa volonté. L'énoncé de fait légal de base de la norme pénale consacre par conséquent une infraction poursuivie sur plainte.

111 112 113 114 115

Delnon/Rüdy, commentaire bâlois II CP, N 56 ad art. 181 CP Voir Fischer, Kommentar D-StGB, N 33 ad § 238 Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.6 Rapport postulat 14.4204, p. 10 s.; ce rapport date de 2017.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.6

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Lors de la consultation, il a été relevé que le début du délai pour porter plainte (art. 31 CP) en cas de harcèlement obsessionnel serait difficile à déterminer116. Le début de ce délai devra être fixé par la jurisprudence. Pour ce faire, il faudra tenir compte des considérations suivantes: le harcèlement obsessionnel au sens de l'art. 181b P-CP est considéré comme une unité juridique d'actions, bien que le comportement constitutif de l'infraction présuppose que plusieurs actes aient été commis.

Dans ce cas, le délai de prescription commence à courir le jour où l'auteur a réalisé la dernière action117; le même principe peut s'appliquer au délai pour porter plainte118.

Il ne serait pas logique que la victime doive porter plainte pour chacun des actes commis par l'auteur, qui ne constituent pas une infraction en soi, dans un délai de trois mois. La plainte peut déjà être déposée avant que le délai ne commence à courir, pas uniquement lorsque l'auteur est inconnu. Selon Riedo, dans le cas d'une unité juridique d'actions, l'éventuelle plainte pénale a également des effets sur l'avenir119.

L'al. 2 portera sur les cas commis dans le contexte d'une relation de couple. En effet, le harcèlement obsessionnel peut être commis dans ce contexte, en particulier pendant la phase de séparation. Les infractions commises après qu'une relation ait pris fin entrent également dans la définition de la violence domestique. Ce qui explique le fait que les cas de violence domestique soient poursuivis d'office est toutefois le risque que la victime ne porte pas plainte ou qu'elle retire sa plainte par scrupule moral, par résignation, ou parce qu'elle est dépendante de son partenaire ou qu'elle en a peur120.

Ces critères peuvent également jouer un rôle lorsque le harcèlement obsessionnel est commis au sein d'une relation de couple. Conformément à l'al. 2, l'auteur sera donc poursuivi d'office s'il est le conjoint (let. a), le partenaire enregistré (let. b) ou le partenaire hétérosexuel ou homosexuel de la victime (let. c) et que les actes ont été commis pendant la relation ou dans l'année qui a suivi le divorce du mariage, la dissolution judiciaire du partenariat enregistré ou la séparation de l'union libre. Les normes pénales relatives aux menaces (art. 180 CP), aux lésions corporelles simples (art. 123 CP) et aux voies de fait (réitérées) (art. 126 CP) suivent le même modèle.

4.1.2.8

Sanction

La commission propose comme sanction une «peine privative de liberté de trois ans au plus ou [une] peine pécuniaire». De nombreux participants à la procédure de consultation ont approuvé la peine proposée, même si quelques autres participants demandaient une peine plus élevée. Ils appuient leur avis en expliquant que d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui punit le harcèlement obsessionnel comme de la contrainte ou des menaces répétées, la peine maximale s'élève à 4,5 ans121.

116 117 118

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.6 Zurbrügg, Commentaire bâlois I CP, N 14 ss ad art. 98 CP.

Pour que le délai commence à courir, il faut savoir qui est l'auteur de l'infraction, en plus d'avoir connaissance de l'acte; voir art. 31 CP.

119 Riedo, Commentaire bâlois I CP, N 102 ss ad art. 30 CP.

120 FF 2003 1779, 1781 121 Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.7

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Il faut toutefois tenir compte du fait que le harcèlement obsessionnel ne constitue qu'une infraction, composée de plusieurs actes qui sont socialement acceptables en soi mais qui ne sont punissables que lorsqu'elles sont considérées dans leur ensemble.

Si un seul des actes commis par l'auteur remplit les éléments constitutifs d'une autre infraction pénale (p. ex. la menace ou la contrainte), il y aura concours avec le nouvel article (voir ch. 3.2.3). En application de l'art. 49 CP, cela entraînera une augmentation de la peine.

Une peine plus élevée ne serait pas appropriée, notamment au regard du projet d'harmonisation des peines122 adopté récemment au Parlement. Par ailleurs, la sanction proposée correspond à celles des dispositions pénales relatives aux menaces et à la contrainte, que l'initiative de la commission visait initialement à compléter. La fourchette des peines prévues est suffisamment large pour couvrir tant les cas graves de harcèlement obsessionnel que les cas mineurs. Lors de la procédure de consultation, des participants ont proposé une qualification de l'infraction pour certains types de cas123. La commission estime toutefois que le tribunal pourra tenir compte de ces cas de figure grâce à la marge de manoeuvre que lui octroie la nouvelle disposition pénale.

4.2

Code pénal militaire et procédure pénale militaire

Une modification du CPM s'impose en parallèle à la modification du CP. En effet, il est envisageable que le harcèlement obsessionnel soit perpétré par des personnes dont le comportement devra être jugé en application du code pénal militaire, par exemple lorsqu'un membre de l'armée harcèle une autre personne durant le service militaire, lui fait subir du cyberharcèlement obsessionnel ou importune son ou sa partenaire lors d'une sortie.

L'une des difficultés spécifiques réside dans le fait que, pour être qualifié comme tel, le harcèlement obsessionnel requiert la perpétration d'actes répétés. Il est donc possible que certains actes soient commis par un soldat hors du cadre du service militaire, dans le quotidien civil, et d'autres, pendant le service militaire124. Il appartient aux autorités de s'accorder pour régler ces conflits en matière de compétences.

L'infraction de harcèlement obsessionnel sera introduite à l'art. 150a P-CPM. Cet article correspond sur le fond à la disposition formulée pour le CP. Les explications correspondantes s'appliquent donc par analogie (voir ch. 4.1) et l'énoncé de fait légal de base consacre également une infraction poursuivie sur plainte. Selon l'al. 2, l'infraction doit être poursuivie d'office lorsqu'elle est commise dans le contexte d'une relation de couple.

L'al. 2 doit par conséquent être intégré dans la liste des infractions de l'art. 46b, al. 1, CPM, qui autorise une suspension de la procédure lorsque l'acte est commis au sein 122

18.043, Harmonisation des peines et adaptation du droit pénal accessoire au nouveau droit des sanctions, RO 2023 259.

123 Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 4.7 124 L'art. 221 CPM qui se réfère au cas où une personne est inculpée de plusieurs infractions dont les unes sont soumises à la juridiction militaire et les autres, à la juridiction ordinaire, n'est toutefois pas applicable au harcèlement obsessionnel étant donné qu'il est question d'un acte punissable constitué par essence de plusieurs actes isolés.

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d'un couple marié, d'un partenariat enregistré ou d'une union libre hétérosexuelle ou homosexuelle.

Il est aussi nécessaire de compléter la liste des infractions pour lesquelles une surveillance de la correspondance par poste et télécommunication peut être ordonnée pour les besoins de la poursuite pénale. L'art. 150a P-CPM doit donc être mentionné à l'art. 70, al. 2, CPP. Le projet d'acte qui nous occupe se base sur la disposition de coordination de la révision du droit pénal en matière sexuelle (ch. 3.2.4.2)125.

5

Variantes examinées et rejetées

5.1

Compléter l'infraction de menaces

La commission a décidé de ne pas proposer d'ajouter l'infraction de harcèlement obsessionnel à l'infraction de menaces (art. 180, al. 1, CP et 149, al. 1, CPM).

Cette variante présenterait l'avantage que la définition de l'infraction resterait très similaire à celle du harcèlement obsessionnel établie au niveau international: selon l'art. 34 de la convention d'Istanbul (voir ch. 2.1), le harcèlement obsessionnel doit être un comportement menaçant, conduisant la victime à craindre pour sa sécurité.

Cette définition correspond à l'infraction de menaces, qui présuppose que le comportement du harceleur ait alarmé ou effrayé la personne visée126.

Un inconvénient de cette variante est que l'accent est mis sur la réaction émotionnelle de la victime127. Si l'auteur agit dans le dessein d'obtenir un effet plus important, à savoir entraver la liberté d'action de la victime, il ne s'agit plus d'une menace, mais d'une (tentative de) contrainte. Cette variante pourrait en outre présenter des lacunes de punissabilité: bien que la victime ressente souvent de la peur, ce n'est pas forcément l'intention de l'auteur128. Le harcèlement obsessionnel motivé par le désir d'une relation en est un exemple type: il est possible que le harceleur cherche à effrayer et à mettre sa victime sous pression pour atteindre son objectif, comme il se peut qu'il n'ait pas l'intention de lui faire peur.

5.2

Compléter l'infraction de contrainte

La commission a également décidé de ne pas proposer d'ajouter l'infraction de harcèlement obsessionnel à l'infraction de contrainte (art. 181 CP et 150, al. 1, CPM).

Cette variante correspondrait largement au tort causé par le harcèlement obsessionnel, à savoir que les agissements de l'auteur doivent avoir entravé la liberté d'action de la victime, qui a été contrainte de faire, de ne pas faire ou de laisser faire quelque chose129. De plus, cette variante présentait l'avantage non négligeable de pouvoir re125 126 127 128 129

RO 2024 27 p. 16 Cf. Vanoli, N 318, en référence à la définition du code pénal californien Schwarzenegger/Gurt, p. 28 Gurt, N 473 ATF 129 IV 216, consid. 2.7

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prendre l'abondante jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la contrainte commise par harcèlement obsessionnel (voir ch. 2.2.3).

Si l'infraction de harcèlement obsessionnel est insérée dans l'infraction de menaces ou dans l'infraction de contrainte, des problèmes de délimitation pourraient survenir au sein même de la norme pénale concernée, car ces infractions se manifestent classiquement respectivement sous la forme de «menace grave» (art. 180, al. 1, CP) et de «[menace] d'un dommage sérieux» (art. 181 CP). L'auteur de harcèlement obsessionnel peut aussi menacer la victime, ce qui peut conduire, dans la pratique, à des problèmes de délimitation des différentes infractions.

6

Conséquences financières et conséquences sur l'état du personnel

Le rapport explicatif du projet soumis à la consultation130 prévoyait que les modifications proposées n'auraient pas de conséquences financières. Cette affirmation a été contredite lors de la consultation131.

L'appréciation formulée dans le rapport explicatif reposait sur l'idée que la nouvelle disposition pénale codifiait la jurisprudence du Tribunal fédéral. L'infraction et le résultat sont cependant formulés différemment dans la nouvelle norme pénale.

Indépendamment du fait de savoir précisément dans quelle mesure la nouvelle réglementation s'éloigne de la jurisprudence actuelle, on peut néanmoins envisager qu'une nouvelle norme pénale engendrera une augmentation des procédures pénales (surtout dans un premier temps après son entrée en vigueur). Elle risquerait en effet d'être considérée comme une invitation à faire une dénonciation, notamment pour les faits dont la répréhensibilité n'est actuellement pas certaine. C'est le constat dressé à l'étranger. Depuis l'adoption de la norme pénale (en 2006), 2601 dénonciations pénales ont été effectuées en Autriche en 2007, avant que leur nombre recule fortement.

En 2020, on en dénombrait 1717, et en 2021, 1657132, pour respectivement 112 et 123 condamnations133 . Le nombre de dénonciations recule également en Allemagne depuis l'introduction de la disposition pénale (en 2007): il y en avait 29 373 en 2008, 26 840 en 2010, 19 666 en 2020 et 20 464 en 2021. Malgré le nombre très élevé de dénonciations pénales on constate que peu d'entre elles mènent à une condamnation: moins de 5 % des cas134. On peut imaginer que cela s'explique par le fait que de nombreux éléments constitutifs de l'infraction sont vagues, ce qui rend l'application de la disposition difficile. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'Allemagne a procédé à une révision en 2021 (voir ch. 5). Il est trop tôt pour connaître les conséquences sta130 131 132

Rapport de la CAJ-N du 27 avril 2023, ch. 6 Synthèse des résultats de la procédure de consultation, ch. 6 «Kriminalitätsbericht Statistik und Analyse in den Sicherheitsberichten» 2010, 2020 et 2021, consultable à l'adresse: www.bmi.gv.at > Sicherheitspolitik und Strategie > Sicherheitsbericht > Kriminalitätsbericht Statistik und Analyse (état: 22 février 2024).

133 Gerichtliche Kriminalstatistik 2019­2020 et 2021­2022, consultable à l'adresse: www.statistik.at > Statistiken > Bevölkerung und Soziales > Kriminalität und Sicherheit > Verurteilungs- und Wiederverurteilungsstatistik > Publikationen (état: 22 février 2024).

134 Fischer, Kommentar D-StGB, N 1 ad § 238 D-StGB. Le nombre de dénonciations et de condamnations suite à la révision de 2021 n'est pas encore disponible.

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tistiques de cette révision. On constate pour l'heure une légère augmentation des dénonciations en 2022 (21 436), mais on ne sait pas encore combien aboutiront à une condamnation. Aucun changement radical ne semble se profiler135.

Les expériences faites à l'étranger laissent présager une évolution similaire en Suisse: il faut s'attendre à ce que la norme pénale relative au harcèlement obsessionnel induise, surtout dans la période suivant son introduction, un important surcroît de travail pour les autorités cantonales de poursuite pénale et les tribunaux qu'il est pour l'heure impossible de quantifier. Dans la mesure où l'on peut considérer que les procédures (et les condamnations) pour harcèlement obsessionnel peuvent permettre de briser rapidement la spirale de la violence, ce travail supplémentaire servira à faire des économies en aval et à diminuer le nombre de procédures liées aux cas de violence.

7

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les modifications proposées sont compatibles avec les obligations internationales de la Suisse.

Dans le contexte du harcèlement obsessionnel, la Suisse doit notamment se conformer à l'art. 34 de la convention d'Istanbul, qui oblige les États parties à ériger le harcèlement en infraction pénale. Le droit pénal suisse en vigueur remplit déjà cette exigence puisque les comportements isolés ou le harcèlement obsessionnel dans son ensemble peuvent être réprimés pénalement. Le droit civil prévoit lui aussi des mesures de protection contre le harcèlement qui vont au-delà des exigences de la convention136.

Les modifications proposées dans le projet correspondent aux exigences de la Convention d'Istanbul, à savoir mettre en place des mesures visant à sanctionner le harcèlement obsessionnel dans sa globalité.

8

Bases légales

8.1

Constitutionnalité et légalité

Le projet se fonde sur l'art. 123, al. 1, de la Constitution137, qui confère à la Confédération la compétence de légiférer dans le domaine du droit pénal et de la procédure pénale.

135

Communiqué de presse 187/23 du ministère de la justice bavarois du 27 novembre 2023 sur les statistiques relatives aux poursuites pénales de 2022, consultable à l'adresse: www.justiz.bayern.de > Presse und Medien > Pressemitteilungen (état: 22 février 2024): En 2022, le nombre de personnes reconnues coupables de harcèlement obsessionnel est similaire à celui de l'année précédente.

136 FF 2017 163, ch. 2.5.6 137 RS 101

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8.2

Délégation de compétences législatives

Le projet ne contient pas de délégation de compétences législatives.

8.3

Forme de l'acte

Le projet revêt la forme d'une révision de lois fédérales.

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Bibliographie Aepli Michael, Die strafprozessuale Sicherstellung von elektronisch gespeicherten Daten, unter besonderer Berücksichtigung der Beweismittelbeschlagnahme am Beispiel des Kantons Zürich, thèse Zurich 2004 (cit. Aepli) Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte de la ville de Berne, Broschüre Cyberstalking, Gefahren im Internet, 5e éd., Berne 2023, consultable à l'adresse: www.bern.ch > Themen > Sicherheit > Schutz vor Gewalt > Stalking > Was kann ich tun? > Strafrechtliche Möglichkeiten (état: 22 février 2024) (cit. Brochure cyberstalking Berne) Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, Feuille d'information B2. Stalking (harcèlement obsessionnel), Berne 2020, consultable à l'adresse: www.bfeg.admin.ch > Plus > Violence à l'égard des femmes et domestique > Publications violence à l'égard des femmes > Feuilles d'information (état: 22 février 2024) (cit. Feuille d'information stalking BFEG) Delnon Vera/Rüdy Bernhard, in: Niggli Marcel Alexander/Wiprächtiger Hans (édit.), Basler Kommentar, Strafrecht II, Art. 137­392 StGB, 4e éd., Bâle 2019, Art. 180 StGB (cit. Delnon/Rüdy, commentaire bâlois II CP ad art. 180) Delnon Vera/Rüdy Bernhard, in: Niggli Marcel Alexander/Wiprächtiger Hans (édit.), Basler Kommentar, Strafrecht II, Art. 137­392 StGB, 4e éd., Bâle 2019, Art. 181 StGB (cit. Delnon/Rüdy, commentaire bâlois II CP ad art. 181) Donatsch Andreas, Strafrecht III, Delikte gegen den Einzelnen, 11e éd., Zurich/Bâle/ Genève 2018 (cit. Donatsch) Dupuis Michel et al. (édit.), Petit commentaire Code pénal, 2e éd., Bâle 2017 (cit.

Dupuis et al.)

Egger Theres/Jäggi Jolanda/Guggenbühl Tanja, Massnahmen zur Bekämpfung von Stalking: Übersicht zu national und international bestehenden Praxismodellen, Forschungsbericht, Berne 2017 (cit. Egger/Jäggi/Guggenbühl) Fischer Thomas, Kommentar Strafgesetzbuch mit Nebengesetzen, 69e éd., Munich, 2022, § 238 D-StGB (cit. Fischer, Kommentar D-StGB, § 238) Graf Damian K., Strafverfolgung 2.0: Direkter Zugriff der Strafbehörden auf im Ausland gespeicherte Daten?, in: Jusletter 21 septembre 2017, p. 21 ss (cit. Graf) Gurt Aurelia, Stalking, Eine Analyse der gegenwärtigen Gesetzeslage und die Frage nach einem Revisionsbedarf im Schweizer Recht, thèse Zurich/Bâle/Genève 2020 (cit. Gurt) Hilt Franz et al., Was tun bei (Cyber)Mobbing?, Systematische
Intervention und Prävention in der Schule, 4e éd., Ludwigshafen/Heidelberg 2021 (cit. Hilt et al.)

Kinzig Jörg, Die Strafbarkeit von Stalking in Deutschland ­ Vorbild für die Schweiz?, in: recht 1/2011, p. 1 ss (cit. Kinzig) Kuhlen Lothar, Stalking als kriminalpolitisches Problem, in: ZIS 3/2018, p. 89 ss (cit.

Kuhlen) 37 / 40

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Marcum Catherine D./Higgins George E./Ricketts Melissa L., Juveniles and Cyber Stalking in the United States: An Analysis of Theoretical Predictors of Patterns of Online Perpetration, in: IJCC 8/2014, p. 47 ss (cit. Marcum/Higgins/Ricketts) Ramel Raffael/Vogelsang André, in: Niggli Marcel Alexander/Wiprächtiger Hans (édit.), Basler Kommentar, Strafrecht II, Art. 137­392 StGB, 4e éd., Bâle 2019, Art. 179septies StGB (cit. Ramel/Vogelsang, commentaire bâlois II CP ad art. 179septies) Riedo Christof, in: Niggli Marcel Alexander/Wiprächtiger Hans (édit.), Basler Kommentar Strafrecht I, Art. 1­136 StGB, 4e éd., Bâle 2019, Art. 30 StGB (cit. Riedo, commentaire bâlois II CP ad art. 30) Roth Andreas/Keshelava Tornike, in: Niggli Marcel Alexander/Wiprächtiger Hans (édit.), Basler Kommentar Strafrecht I, Art. 1­136 StGB, Art. 126 StGB (cit.

Roth/Keshelava, commentaire bâlois I CP ad art. 126) Schwarzenegger Christian/Gurt Aurelia, Possibilités juridiques d'action contre le stalking en Suisse, Expertise à l'attention du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes (BFEG), Zurich 2019, consultable à l'adresse: www.bfeg.admin.ch > Plus > Violence à l'égard des femmes et domestique > Publications violence à l'égard des femmes > Violence envers les femmes et violence domestique en général (état: 22 février 2024) (cit. Schwarzenegger/Gurt) Stratenwerth Günter/Bommer Felix, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, Straftaten gegen Individualinteressen, 8e éd., Berne 2022 (cit. Stratenwerth/Bommer) Trechsel Stefan/Geth Christopher, in: Trechsel Stefan/Pieth Mark (édit.), Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 4e éd., Zurich/Saint-Gall 2021, Art. 126 StGB (cit. Trechsel/Geth, commentaire pratique CP ad art. 126) Trechsel Stefan/Crameri Dean, in: Trechsel Stefan/Pieth Mark (édit.), Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 4e éd., Zurich/Saint-Gall 2021, Art. 156 StGB (cit. Trechsel/Crameri, commentaire pratique CP ad art. 156) Trechsel Stefan/Jean-Richard-dit-Bressel Marc, in: Trechsel Stefan/Pieth Mark (édit.), Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 4e éd., Zurich/Saint-Gall 2021, Art. 1 StGB (cit. Trechsel/Jean-Richard-dit-Bressel, commentaire pratique CP ad art. 1) Vanoli Orlando, Stalking, Ein «neues» Phänomen und dessen strafrechtliche Erfassung in Kalifornien und in
der Schweiz, thèse Zurich/Bâle/Genève 2009 (cit. Vanoli) Weissenberger Philippe, in: Niggli Marcel Alexander/Wiprächtiger Hans (édit.), Basler Kommentar, Strafrecht II, Art. 137­392 StGB, 4e éd., Bâle 2019, Art. 156 StGB (cit. Weissenberger, commentaire bâlois II CP ad art. 156) Zimmerlin Sven, Stalking ­ Erscheinungsformen, Verbreitung, Rechtsschutz, in: Sicherheit & Recht 1/2011, p. 3 ss (cit. Zimmerlin) Zurbrügg Matthias, in: Niggli Marcel Alexander/Wiprächtiger Hans (édit.), Basler Kommentar Strafrecht I, Art. 1­136 StGB, 4e éd., Bâle 2019, Art. 98 StGB (cit.

Zurbrügg, commentaire bâlois I CP, ad art. 98)

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Travaux préparatoires FF 1985 II 1021, Message concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (Infractions contre la vie et l'intégrité corporelle, les moeurs et la famille) du 26 juin 1985 (85.047) FF 2003 1779, Initiative parlementaire. Classification parmi les infractions poursuivies d'office des actes de violence commis sur des femmes. Révision de l'art. 123 CP.

Initiative parlementaire. Classification parmi les infractions poursuivies d'office des actes de violence à caractère sexuel commis sur un conjoint. Modification des art. 189 et 190 CP. Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 28 octobre 2002. Avis du Conseil fédéral du 19 février 2003 (96.464) Cadre juridique pour les médias sociaux, rapport du Conseil fédéral du 9 octobre 2013 en réponse au postulat Amherd 11.3912 du 29 septembre 2011, consultable à l'adresse www.ofcom.admin.ch > Numérisation et Internet > Communication numérique > Intermédiaires et plateformes de communication > Cadre juridique pour les médias sociaux (état: 22 février 2024) (cit. rapport postulat 11.3912) Loi fédérale sur l'amélioration de la protection des victimes de violences, rapport du 11 juillet 2017 sur les résultats de la consultation, consultable à l'adresse: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFJP (état: 22 février 2024) (cit. rapport consultation loi fédérale sur l'amélioration de la protection des victimes de violence) FF 2017 163, Message du 2 décembre 2016 concernant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul) (16.081) FF 2017 6565, Message du 15 septembre 2017 concernant la loi fédérale sur la révision totale de la loi fédérale sur la protection des données et sur la modification d'autres lois fédérales (17.059) FF 2017 6913, Message du 11 octobre 2017 concernant la loi fédérale sur l'amélioration de la protection des victimes de violence (17.062) Lutter contre le stalking, vue d'ensemble des pratiques appliquées en Suisse et à l'étranger, rapport du Conseil fédéral du 11 octobre 2017 en réponse au postulat Feri 14.4204 du 11 décembre 2014, consultable à l'adresse: www.parlment.ch > Objet 14.4204 >
Rapport en réponse à l'intervention parlementaire (état: 22 février 2024) (cit. rapport postulat 14.4204) FF 2018 2889, Message du 25 avril 2018 concernant la loi fédérale sur l'harmonisation des peines et la loi fédérale sur l'adaptation du droit pénal accessoire au droit des sanctions modifié (18.043) Rapport de l'Office fédéral de la justice du 12 avril 2019 sur la question de la codification de l'infraction de «harcèlement», www.parlement.ch > Objet 19.433 > Informations complémentaires (état: 22 février 2024) (cit. rapport OFJ harcèlement)

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FF 2019 6351, Message du 28 août 2019 concernant la modification du code de procédure pénale (mise en oeuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États «Adaptation du code de procédure pénale») (19.048) BBl 2022 687, Harmonisation des peines et adaptation du droit pénal accessoire au nouveau droit des sanctions. Projet 3: loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle. Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États du 17 février 2022 (18.043) Compléter le code pénal par des dispositions relatives au cyberharcèlement, rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 21.3969 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 25 juin 2021, consultable à l'adresse: www.parlement.ch > Objet 21.3969 > Rapport en réponse à l'intervention parlementaire (état: 22 février 2024) (cit. rapport postulat 21.3969) 19.433 Initiative parlementaire, Étendre au harcèlement obsessionnel («stalking») le champ d'application des dispositions du CP relatives aux délits, Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 27 avril 2023, consultable à l'adresse: www.parlement.ch > Affaire 19.433 > Consultation ou www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2023 > Parl. (état: 22 février 2024) (cit. rapport de la commission du 27 avril 2023) 19.433 Initiative parlementaire de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, Étendre au harcèlement obsessionnel («stalking») le champ d'application des dispositions du CP relatives aux délits, Synthèse des résultats de la procédure de consultation du 25 octobre 2023, version complétée du 15 février 2024, consultable à l'adresse: www.parlement.ch > Affaire 19.433 > Consultation ou www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2023 > Parl. (état: 22 février 2024) (cit. synthèse des résultats de la procédure de consultation)

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