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Feuille Fédérale Berne, le 6 octobre 1975

127e année

Volume n

N°40 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 75 francs par an; 42 fr. 50 pour six mois: étranger: 91 francs par an, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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75.074 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la Convention de La Haye sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps (Du 27 août 1975)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, par le présent message, un projet d'arrêté fédéral approuvant la convention sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps, conclue à La Haye le 1er juin 1970 (date de la première signature).

Cette convention est issue des travaux de la Onzième session de la Conférence de La Haye de droit international privé (7 au 26 octobre 1968), travaux auxquels la Suisse a participé comme membre de la conférence (FF 1956II289 ; RO1957465). Elle est destinée à remplacer la convention de La Haye du 12 juin 1902 pour régler les conflits de lois et de juridictions en matière de divorce et de séparation de corps (RO 1905 380). Jusqu'à ce jour, la convention a été ratifiée par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, la Suède et le Danemark et est donc entrée en vigueur en vertu de son article 27, 1er alinéa, trois Etats l'ayant ratifiée. Elle a été signée, mais non encore ratifiée, par la Finlande, la Norvège, la Tchécoslovaquie et, le 23 juillet 1975, par la Suisse.

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Aperçu liminaire

La convention a pour but d'assurer la reconnaissance réciproque, par les Etats contractants, des divorces et des séparations de corps. Elle n'impose à ces Etats aucune règle de compétence directe pour le prononcé des divorces ou des séparations de corps, mais se borne à formuler sous quelles conditions les divorces et les séparations de corps prononcés dans un Etat doivent être reconnus dans les autres.

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La reconnaissance est essentiellement liée à l'existence d'un chef suffisant de compétence dans l'Etat où a été prononcé le divorce ou la séparation de corps (ci-après dénommé «l'Etat d'origine») et ne dépend pas en principe de la loi applicable.

La compétence de l'Etat d'origine est fondée soit sur la résidence habituelle, soit sur le domicile, soit encore sur la nationalité des époux ou de l'un d'eux, envisagés séparément ou combinés, selon les cas.

La convention ne vise que la dissolution ou le relâchement du lien conjugal, mais non les dispositions relatives aux torts, ni les mesures ou condamnations accessoires.

Elle ne prévoit aucune procédure de reconnaissance des divorces et des séparations de corps, chaque Etat demeurant libre de conserver la sienne propre.

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Genèse et objet de la convention

Les lois nationales en matière de divorce et de séparation de corps présentent une très grande diversité, car elles reflètent les conceptions religieuses, politiques et sociales de chaque Etat. Cette diversité se manifeste aussi bien sur le plan du droit matériel que sur celui des conflits de lois. Ainsi certains Etats prohibent totalement le divorce ou ne l'admettent que pour des causes très limitatives, tandis que d'autres vont jusqu'à permettre le divorce par consentement mutuel ou la répudiation unilatérale. Il y a des Etats ignorant l'institution de la séparation de corps et d'autres, au contraire, qui en connaissent plusieurs types. En outre, on voit s'affronter des systèmes de conflits de lois totalement opposés, les Etats de l'Europe continentale faisant jouer le plus souvent la loi nationale des époux, tandis que les pays anglo-saxons du Common law appliquent la loi du domicile, ou plus exactement la loi du for, lui-même déterminé par le domicile. Par suite de ces divergences, les divorces prononcés dans un Etat ne sont souvent pas reconnus dans d'autres. Dans les cas de plus en plus fréquents d'époux de nationalités différentes, on aboutit même à des divorces «boiteux», c'est-à-dire à des divorces après lesquels un seul des époux est considéré par sa loi nationale comme étant divorcé, tandis que l'autre est toujours tenu pour marié par la sienne, ce qui a notamment pour effet de lui interdire le remariage dans certains pays. La disparité des systèmes législatifs et le développement des communications internationales favorisent en outre le «forum shopping», industrie pratiquée par des époux particulièrement ingénieux qui veulent se procurer le divorce, là où il est le plus aisé de l'obtenir.

L'époux abandonné doit d'autre part souvent affronter des difficultés insurmontables pour obtenir le divorce. Ce ne sont là que quelques-uns des inconvénients résultant de la situation de plus en plus confuse qui règne ces dernières décennies dans le domaine international du divorce et de la séparation de corps.

Aussi est-il apparu indispensable de remédier à cet état de choses par la conclusion d'une convention internationale destinée à apporter une certaine sécurité dans les relations internationales.

1383 La Conférence de La Haye s'était préoccupée dès son origine des problèmes touchant l'état des personnes et plus particulièrement de ceux qui ont trait aux divorces et aux séparations de corps. Le 12 juin 1902, les Etats membres de la Conférence signaient à La Haye une convention pour régler les conflits de lois et de juridictions en matière de divorce et de séparation de corps. Mais cette convention a de moins en moins donné satisfaction. Elle fit l'objet de dénonciations successives et ne lie plus aujourd'hui que la Hongrie, l'Italie, le Luxembourg, le Portugal et la Roumanie. La Conférence de La Haye, qui s'était proposée à l'origine de reviser simplement la convention de 1902, en tenant notamment compte de l'adhésion, à la Conférence, de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis d'Amérique puis du Canada, dut se convaincre que la rédaction d'une convention entièrement nouvelle s'imposait. Aussi décida-t-elle, en 1964, à l'issue de sa Dixième session, d'élaborer un avant-projet de convention sur la reconnaissance des jugements de divorce, de séparation de corps et de nullité de mariage. Une commission spéciale, présidée par le représentant de la Grande-Bretagne, travailla à cette tâche, de 1965 à 1967, et l'avant-projet préparé par celle-ci fut soumis en octobre 1968 aux délégués réunis à La Haye pour la Onzième session de la Conférence. Le texte actuel de la convention, qui exclut de son domaine les nullités de mariage, est issu des discussions qui se sont déroulées pendant toute la Onzième session entre les représentants de vingt-cinq nations.

Les auteurs de la convention se sont efforcés de parvenir à un certain équilibre entre les différentes tendances représentées à la Conférence. Mais leur objectif principal était de lutter contre les divorces «boiteux» et de mettre un frein au «forum shopping».

La convention ne dicte aux Etats contractants ni les conditions attachées à la compétence de leurs autorités de prononcer le divorce ou la séparation de corps, ni la loi qu'elles devront appliquer pour prendre ou refuser cette décision; elle se borne à formuler, dans les rapports entre ces Etats, les conditions de la reconnaissance des décisions ayant cet objet.

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Dispositions fondamentales de la convention

31 Champ d'application ratione materiae (art. 1er) La convention s'applique aux divorces et aux séparations de corps (art. 1er, 1 al.). On s'est abstenu à dessein de définir ces notions dans la convention ou dans le rapport explicatif final, une définition uniforme de ces notions s'étant révélée trop malaisée. Aussi appartiendra-t-il, le cas échéant, à l'autorité devant laquelle une demande de reconnaissance est invoquée de décider s'il y a divorce ou séparation de corps dans le sens de la convention ou non.

En visant à son article 1er, 1er alinéa, les divorces ou séparations de corps acquis à la suite d'une procédure judiciaire ou «autre», la convention couvre non seulement les jugements de divorce ou de séparation de corps, mais aussi er

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les divorces ou séparations de corps administratifs, religieux ou «législatifs».

Encore faut-il, selon cette disposition, que la dissolution ou le relâchement du lien conjugal soit intervenu à la suite d'une «procédure officiellement reconnue» dans l'Etat d'origine. Les parties doivent donc avoir entrepris un minimum d'actes, de démarches ou de formalités devant une autorité dotée elle-même de pouvoirs d'intervention suffisants. Il s'ensuit que les divorces purement consensuels opérés par un simple échange de consentements sans l'intervention d'une autorité quelconque ne satisferaient pas aux exigences de l'article 1er, 1er alinéa.

Quant aux répudiations, elles ne pourront bénéficier de la reconnaissance que si elles comportent une intervention de l'autorité compétente pouvant être considérée comme une procédure. Ainsi il n'est pas certain que le seul enregistrement d'une répudiation ou d'un divorce par un notaire ou un fonctionnaire soit suffisant.

L'article 1er, 1er alinéa, limite en outre l'application de la convention aux divorces et séparations de corps qui ont «légalement effet» dans l'Etat où ils ont été «acquis». Ne tombent donc pas sous le champ d'application de la convention les décisions de rejet d'une demande en divorce ou en séparation de corps, ni les divorces qui sont dépourvus d'effet dans le pays où ils sont intervenus (par exemple, parce qu'ils auraient fait l'objet d'une décision de cassation, ou parce qu'ils seraient frappés d'une voie de recours à effet suspensif).

L'article 1er, 2e alinéa, exclut du domaine de la convention les dispositions relatives aux torts et les mesures ou condamnations accessoires qui découlent de la décision de divorce ou de séparation de corps, notamment les dispositions d'ordre pécuniaire ou celles qui ont trait à la garde des enfants. Cette délimitation de l'objet de la convention s'explique par la difficulté de rapprocher les vues des Etats en matière de torts et, en ce qui concerne les mesures accessoires, par le fait que certaines d'entre elles font déjà l'objet de conventions distinctes.

32 Compétence de l'Etat d'origine (art. 2 à 5) En vertu de la convention, la reconnaissance est essentiellement liée à l'existence d'un chef suffisant de compétence dans l'Etat d'origine. Les rattachements répondant à cette condition sont énumérés aux articles
2 et 3. Ils doivent toujours avoir existé à la date de la demande et ne sont pas hiérarchisés.

D'autre part, la convention subordonne la reconnaissance à la compétence générale de l'Etat d'origine, sans se préoccuper de la localisation, à l'intérieur de cet Etat, de l'autorité de laquelle émane la décision.

La compétence de l'Etat d'origine est tout d'abord reconnue quand le défendeur avait sa résidence habituelle dans cet Etat (art. 2, ch, 1), Le for du défendeur est universellement admis; dans ces conditions, il n'est nullement étonnant qu'il soit prévu une fois de plus. En revanche, si la convention retient ensuite le for plus inhabituel du demandeur - for que notre droit matériel

1385 sur le divorce prévoit d'ailleurs à l'article 144 ÇC - c'est surtout parce que celui-ci est souvent l'époux abandonné et mérite dans ce cas une protection particulière. Mais le demandeur est, souvent, aussi l'époux qui veut échapper à un premier mariage pour en conclure un autre. En admettant sans restriction . le for de la résidence habituelle du demandeur, on courait le danger de lui faciliter le choix du pays compétent et par là-même de la loi la plus favorable à ses desseins. Ce sont les raisons pour lesquelles la résidence habituelle du demandeur n'attribue compétence à l'Etat d'origine que si l'une ou l'autre des conditions alternatives suivantes est en outre remplie : - ou bien cette résidence habituelle avait duré au moins une année immédiatement avant la date de la demande (art. 2, ch. 2, let. a) ; - ou bien les époux avaient en dernier lieu habituellement résidé ensemble dans l'Etat d'origine (art. 2, ch. 2, let. b).

La convention retient ensuite le critère de rattachement de .la nationalité, qui fonde la compétence de l'Etat d'origine, sans conditions supplémentaires, lorsque les deux époux étaient ressortissants de cet Etat (art. 2, ch. 3). Il y a, en outre, un certain nombre d'hypothèses dans lesquelles la nationalité du demandeur seul - assortie, il est vrai, de circonstances de rattachement complémentaires - est prise en considération. Tel est le cas, tout d'abord, lorsque le demandeur était un ressortissant de l'Etat d'origine et qu'il y avait sa résidence habituelle ou s'il y avait résidé habituellement pendant une période continue d'une année comprise au moins partiellement dans les deux années précédant la date de la demande (art. 2, ch. 4, let. a et b); dès lors, il suffit au demandeur d'avoir résidé dans l'Etat d'origine un seul jour, dans les deux ans précédant l'introduction de la demande, s'il prouve qu'auparavant il avait résidé habituellement pendant une période continue d'une année - moins ce jour - dans ledit Etat. La nationalité du demandeur seul attribue également compétence à l'Etar d'origine, s'il y était présent à la date de la demande et si, en outre, les époux avaient, en dernier lieu, habituellement résidé ensemble dans un Etat dont la loi ne connaissait pas le divorce à la date de la demande (art. 2, ch. 5, iet. a et b).

L'admission du for d'origine du
demandeur est d'ailleurs due à une proposition du délégué suisse.

Le for d'origine visé à l'article 2, chiffre 3, n'entre pas en considération pour les réfugiés reconnus comme tels en vertu de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 (RO 1955 461) et du Protocole de New York du 31 janvier 1967 (RO 1968 1233), car ils sont «heimatlos» et partant assimilés, quant à leur statut personnel, aux apatrides. Pour les réfugiés, c'est donc le droit de leur Etat d'asile qui est seul déterminant (art. 12 de la Convention de Genève); il s'ensuit qu'un divorce qu'obtiendrait un réfugié dans sa première patrie (Etat persécuteur) ne pourrait pas être reconnu dans son Etat d'asile.

L'article 3 retient enfin le critère de rattachement du domicile ; son alinéa 1er dispose que «lorsque la compétence en matière de divorce ou de séparation de corps peut être fondée sur le domicile dans l'Etat d'origine, l'expression

1386 «résidence habituelle» dans l'article 2 est censée comprendre le domicile au sens où ce terme est admis dans cet Etat». Si la convention utilise le concept juridique du domicile, alors que la Conférence de La Haye avait renoncé depuis longtemps à s'en servir pour le remplacer par la notion de fait plus aisée à déterminer qu'est la résidence habituelle, c'est surtout pour répondre aux besoins des pays du Çommon law et en particulier à ceux de la Grande-Bretagne.

Dans ce pays, en effet, la notion du domicile ne se confond qu'exceptionnellement avec celle de la résidence habituelle et se rapproche beaucoup plus de celle de la nationalité. Ainsi un divorce prononcé dans ce pays par un tribunal qui s'est considéré comme compétent en raison du domicile du défendeur sur son territoire, devrait être reconnu par les autres Etats contractants, même s'il apparaissait qu'en fait il y avait divergence entre ce domicile et la «résidence habituelle».

L'article 3, 2e alinéa, exclut expressément le domicile légal de la femme mariée comme chef de compétence, afin d'empêcher le mari d'invoquer ce domicile légal pour imposer à sa femme son for de demandeur.

L'article 4 concerne les demandes reconventionnelles. En adoptant cette disposition, les auteurs de la convention ont voulu empêcher qu'on ne réserve un sort différent à des actions aussi intimement liées que le sont demande principale et demande reconventionnelle. L'Etat d'origine doit dès lors être considéré comme compétent tant pour la demande principale que pour la demande reconventionnelle, pour peu qu'un des rattachements indiqués aux articles 2 ou 3 existe pour l'une des deux actions. La compétence pour connaître de l'action principale emporte ainsi compétence pour connaître de l'action reconventionnelle et réciproquement.

L'article 5 prescrit la reconnaissance du divorce prononcé par conversion d'une séparation de corps, dans l'Etat où celle-ci a été acquise, même si les conditions de la compétence de cet Etat n'étaient plus réunies lors de la demande en divorce. Cette solution veut exprimer l'idée que, dans ce cas, le divorce n'est que la suite souvent inéluctable de la séparation de corps.

33 Contrôle des autorités de l'Etat de la reconnaissance (art. 6 à 10,12 et 19 à 21) 331 Principe général (art. 6, 3e al.)

Les autorités de l'Etat où la
reconnaissance d'un divorce ou d'une séparation de corps est invoquée ne peuvent en principe procéder à aucun examen de la décision quant au fond (art. 6, 3e al.). Elle n'ont qu'un simple droit de contrôle et doivent se borner à vérifier si les conditions de la reconnaissance sont remplies ; si elles le sont, la décision doit être reconnue, si elle ne le sont pas, la reconnaissance peut être refusée.

1387 332 Contrôle de la compétence de l'Etat d'origine et de la loi appliquée (art. 6,1er et 2e al,, let. a) etb),7 et 19 à 21) Le contrôle porte tout d'abord sur l'existence des liens de rattachement prévus aux articles 2 à 5 entre les autorités de l'Etat d'origine et l'une ou l'autre des parties. Il est limité, lorsque le défendeur a comparu dans la procédure. En effet, dans un tel cas, les autorités de l'Etat de la reconnaissance seront liées par les constatations de fait sur lesquelles a été fondée la compétence de l'autorité d'origine. En outre, elles ne,peuvent, en principe, procéder à aucun contrôle de la loi appliquée ou des faits motivant le divorce ou la séparation de corps.

La convention prévoit, en effet, à son article 6,2e alinéa, lettres a et b, que la reconnaissance ne peut pas être refusée à un divorce ou une séparation de corps prononcé pour des faits qui n'auraient pu y conduire selon la loi interne de l'Etat de la reconnaissance, ou en vertu d'une loi autre que celle que désigne le droit international privé de cet Etat. Si le principe consacré par ladite disposition a reçu la pleine approbation des pays du Common law, il a néanmoins fallu faire certaines concessions en faveur des Etats continentaux qui sont traditionnellement les plus attachés à la primauté du principe de la nationalité. Aussi l'article 19, chiffre 1er, permet-il à tout Etat contractant de se réserver le droit, au plus tard au moment de la ratification ou de l'adhésion, «de ne pas reconnaître un divorce ou une séparation de corps entre deux époux qui, au moment où il a été acquis, étaient exclusivement ses ressortissants, lorsqu'une loi autre que celle désignée par son droit international privé a été appliquée, à moins que cette application n'ait abouti au même résultat que si l'on avait observé cette dernière loi». Mais la faculté de faire une telle réserve ne suffisait évidemment pas à contenter les Etats membres de la Conférence qui prohibent le divorce, par exemple l'Espagne, ou qui le prohibaient, tels l'Italie. Pour permettre à ces Etats de ratifier la convention, l'article 7 dispose que «tout Etat contractant peut refuser la reconnaissance d'un divorce entre deux époux qui, au moment où il a été acquis, étaient exclusivement ressortissants d'Etats dont la loi ne connaît pas le divorce». Précisons qu'il
n'est pas nécessaire, au sens de cette disposition, que les deux époux soient de même nationalité; elle est donc aussi applicable dans le cas d'époux de nationalités dififérentes dont les lois nationales respectives n'admettent pas le divorce.

Si l'un seul des époux était ressortissant d'un Etat ignorant le divorce, l'article 20 s'applique. D'autre part, l'article 19, chiffre 2, prévoit une réserve autorisant tout Etat contractant à se réserver le droit, au plus tard au moment de la ratification ou de l'adhésion, «de ne pas reconnaître un divorce entre deux époux qui, au moment où il a été acquis, avaient l'un et l'autre leur résidence habituelle dans des Etats qui ne connaissaient pas le divorce». Ce texte, qui a été adopté à la demande de l'Irlande et pour permettre audit Etat de ratifier la convention, précise encore que l'Etat qui fait usage de cette réserve «ne pourra pas refuser la reconnaissance par application de l'article 7».

1388 Afin de tenir compte, également, des Etats contractants, tels la République fédérale d'Allemagne et la Yougoslavie, dont le droit ne connaît pas la séparation de corps, l'article 21 contient une réserve identique en tous points à celle de l'article 20.

Si la Suisse ratifiait la convention, devrait-elle se prévaloir de la faculté accordée à l'article 7 et faire l'une ou l'autre des réserves autorisées par l'article. 19 de la convention? A notre avis, elle ne le devrait pas et cela pour deux raisons: d'une part, ces réstrictions au principe fondamental de la convention, selon lequel la reconnaissance ne dépend pas de la loi applicable, risquent de multiplier l'existence des divorces boiteux et d'aller ainsi à l'encontre d'un des objectifs essentiels de la convention. D'autre part, notre droit international privé en matière de divorce ne fait pas, non plus, dépendre de la loi applicable la reconnaissance des décisions étrangères (cf. ch. 5).

333 Contrôle, par l'Etat de reconnaissance, de la compatibilité de la décision étrangère avec son ordre public (art. 8, 9,10 et 12) L'article 10 de la convention réserve à tout Etat contractant la possibilité de refuser la reconnaissance d'un divorce ou d'une séparation de corps étranger, «si elle est manifestement incompatible avec son ordre public». La clause de l'ordre public est usuelle dans les conventions de La Haye et n'appelle aucun commentaire particulier. Quant aux articles 8 et 9, ils concernent deux cas d'application particuliers touchant l'ordre public au sens large du terme.

L'article 8 permet de refuser la reconnaissance pour cause de protection insuffisante des droits de la défense. Il suffit qu'une des deux conditions prévues dans cet article («faire les démarches appropriées...» et «mettre le défendeur à même.., ») ne soit pas remplie pour que la reconnaissance doive être refusée.

L'article 9 a trait à l'incompatibilité de décisions. En vertu de cette disposition, il y a incompatibilité même lorsque la décision antérieure ne concerne pas le divorce ou la séparation de corps. Par exemple, le divorce ou la séparation de corps acquis à l'étranger est incompatible avec une décision antérieure prononçant la nullité du mariage, bien qu'il n'y ait pas, à proprement parler, autorité de la chose jugée, puisque l'objet des deux demandes n'est pas
identique. De même, une décision de séparation de corps sera incompatible avec une décision antérieure de divorce; mais la réciproque n'est pas vraie.

Précisons encore que les décisions étrangères rejetant une demande en divorce ou en séparation de corps ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article 9, car elles ne sont pas non plus visées par l'article 1er. En revanche, une décision rendue antérieurement dans l'Etat de la reconnaissance pourra, même si elle a entraîné le rejet d'une demande en divorce ou en séparation de corps, faire obstacle à la reconnaissance de la décision rendue dans l'autre Etat contractant.

L'article 12 de la convention, relatif à la litispendance, a précisément pour objet d'atténuer, sinon d'éliminer entièrement les risques d'incompatibilité de décisions. Il permet à l'autorité d'un Etat contractant de ne pas statuer sur la

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demande en divorce ou en séparation de corps dont elle est saisie, aussi longtemps qu'une instance relative à l'état matrimonial des époux ou de l'un d'eux, précédemment engagée dans un autre Etat contractant, est en cours.

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L'aptitude au remariage (art. 11)

L'un des objectifs essentiels de la convention est de faciliter la reconnaissance des divorces en vue de permettre à chacun des époux divorcés de conclure valablement une nouvelle union. On pourrait supposer qu'il suffit de reconnaître la validité d'un divorce pour admettre aussi, automatiquement, celle du remariage. Il n'en est malheureusement pas ainsi dans tous les pays. Cela tient au fait que la loi gouvernant le divorce est souvent différente de celle qui régit quant au fond les conditions du mariage. Dans certains Etats, tels que l'Autriche, le divorce ne prévaut pas, même s'il a été prononcé dans le pays, contre les empêchements pouvant résulter du statut personnel de l'époux qui veut se remarier. C'est pour faire disparaître cet obstacle et lutter contre les divorces boiteux qu'a été adopté l'article 11, aux termes duquel «un Etat, tenu de reconnaître un divorce par application de la présente convention, ne peut pas interdire le remariage à l'un ou l'autre des époux au motif que la loi d'un autre Etat ne reconnaît pas ce divorce».

4 Les autres dispositions de la convention (art. 13 à 18 et 22 à 31) 1. Les articles 13 à 16 précisent les modalités d'application de la convention au regard des Etats membres de la Conférence qui connaissent deux ou plusieurs systèmes de droit en matière de divorce ou de séparation de corps, systèmes correspondant soit à des unités territoriales distinctes (comme, par exemple, les Etats-Unis), soit à différentes catégories de personnes, généralement définies par leur religion (comme la plupart des Etats arabes et Israël).

2. L'article 17 spécifie que la convention ne doit pas empêcher l'application dans un Etat contractant de règles de droit plus favorables à la reconnaissance des divorces et des séparations de corps acquis à l'étranger. Par les termes, «règles de droit plus favorables», il faut entendre aussi bien les dispositions du droit commun que celles des autres conventions internationales.

3. L'article 18 traite le problème des conflits de conventions. Le 1er alinéa pose le principe que la convention ne porte pas atteinte à l'application d'autres conventions, bilatérales ou multilatérales, auxquelles les Etats membres de la Conférence sont ou seront parties et contenant des dispositions en matière de reconnaissance de divorces et de séparations de corps. La Conférence a notamment tenu compte du fait qu'il existait déjà, outre la vieille convention de 1902, la Convention nordique du 6 février 1931 contenant certaines dispositions de droit international privé sur le mariage, l'adoption et la tutelle, dans la rédaction de l'accord du 26 mars 1953, ainsi que la Convention de Luxembourg du 8 sep-

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tembre 1967, établie par la Commission internationale de l'état civil (CIEC), sur la reconnaissance des décisions relatives au lien conjugal. Or, tous les Etats signataires de ces deux dernières conventions sont membres de la Conférence de La Haye et avaient été représentés en tant que tels aux travaux de la Onzième session; ils désiraient pouvoir maintenir entre eux ces conventions, quitte à les modifier par la suite. II fallait en particulier laisser aussi aux Etats membres des Communautés Européennes la possibilité de passer entre eux une convention régionale sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps.

Le 2e alinéa de l'article 18 n'exige aucun commentaire particulier.

4. L'article 22 contient une déclaration relative à la nationalité. Cette disposition tient compte du fait qu'indépendamment de la pluralité des systèmes de droit, certains Etats contractants (en particulier la Grande-Bretagne) ont un régime complexe de nationalité, en ce sens que celle-ci ne recouvre pas, pour toutes les personnes qui en jouissent, la même situation juridique.

5. Selon l'article 23, les Etats contractants ont la faculté de limiter le champ d'application de la convention s'ils connaissent, en matière de divorce ou de séparation de corps, deux ou plusieurs systèmes de droit : ils peuvent, en effet, au moment de la signature, "de la ratification ou de l'adhésion, déclarer que la convention s'étendra à tous ces systèmes de droit ou ne s'appliquera qu'à un ou plusieurs d'entre eux. Cette déclaration pourra être ultérieurement modifiée, à tout moment, par une nouvelle déclaration.

6. L'article 24 délimite le champ d'application de la convention dans le temps. Conformément à son 1er alinéa, il est applicable, même si le divorce ou la séparation de corps a été acquis avant l'entrée en vigueur de la présente convention. Toutefois, en prévision des cas où des conséquences de droit auraient déjà été déduites de la non-reconnaissance du divorce (comme par exemple l'annulation d'un second mariage ou une dévolution successorale), le 2e alinéa de l'article 24 permet à tout Etat contractant de se réserver le droit, au plus tard au moment de la ratification ou de l'adhésion, de ne pas appliquer la convention à un divorce ou à une séparation de corps acquis avant la date de son entrée en vigueur pour cet
Etat. Aussi sommes-nous d'avis que, si la Suisse ratifie la convention, elle devrait faire usage d'une telle réserve pour éviter les complications susmentionnées.

7. Les articles 25 et suivants contiennent les clauses finales usuelles.

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La convention et les règles autonomes du droit international privé suisse en matière de divorce et de séparation de corps

La Suisse a dénoncé, pour le 31 mai 1929, la Convention de La Haye de 1902 pour régler les conflits de lois et de juridictions en matière de divorce et de séparation de corps (RO 7929 229). Sous réserve des conventions bilatérales

1391 conclues par notre pays sur la reconnaissance et l'exécution de jugements, la matière est depuis lors entièrement régie par les articles 7g, h et i de la loi fédérale du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour (en abrégé: LRDC; RS 211.435.1), ainsi que par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Les règles applicables au divorce valent également pour la séparation de corps (art. 7i, 1er al., LRDC); c'est la raison pour laquelle il ne sera plus question ci-dessous que du divorce.

La reconnaissance en Suisse des décisions étrangères prononçant le divorce entre des époux suisses est régie par l'article 7g, 3e alinéa, LRDC. Cette disposition prévoit que «lorsque le divorce d'époux suisses habitant l'étranger a été prononcé par le juge qui est compétent aux termes de la loi de leur domicile, ce divorce est reconnu en Suisse, même s'il ne répond pas aux exigences de la législation fédérale». En revanche, la LRDC ne contient aucune disposition quant à la reconnaissance en Suisse des divorces prononcés à l'étranger entre époux étrangers. Il est en tout cas admis que le divorce obtenu à l'étranger est reconnu en Suisse lorsqu'il a été rendu dans le pays d'origine des époux ou si, ayant été prononcé dans un Etat tiers, il est reconnu par le pays d'origine.

Dans sa jurisprudence la plus récente, la Tribunal fédéral estime en outre qu'au cas où les époux sont de nationalités étrangères différentes, il faut reconnaître le divorce s'il a été prononcé ou reconnu par l'Etat d'origine de l'époux demandeur (ATF 99 II 1), Pour arriver à cette solution, le Tribunal fédéral applique par analogie sa dernière jurisprudence au sujet de l'article 7h LRDC, selon laquelle les tribunaux suisses sont compétents pour connaître de l'action en divorce d'un demandeur étranger domicilié en Suisse, si son droit national admet le motif de divorce invoqué et reconnaît la compétence des tribunaux suisses; on ne tient plus compte du droit national du défendeur (ATF 94 II 65). Le Tribunal fédéral n'a, d'autre part, pas encore tranché la question - controversée dans la doctrine - de savoir si la Suisse doit reconnaître le divorce lorsqu'il a été rendu dans l'Etat du domicile des époux, mais n'est pas reconnu par le pays d'origine.

Nos règles en matière de reconnaissance s'inspirent des mêmes
principes fondamentaux que ceux qui sont à la base de la convention. En effet, à l'instar de la convention, notre droit ne pose aucune condition quant à la loi applicable au divorce obtenu à l'étranger et reconnaît aussi un divorce prononcé par une autorité autre que judiciaire, à condition toutefois que notre ordre public n'ait pas été violé et que les droits de la défense aient été respectés; ces principes découlent de l'interprétation donnée dans la pratique à l'article 7g, 3e alinéa, LRDC (ATF 88 I 48 ou Jdt 1963 I 2) et sont applicables par analogie en cas de reconnaissance en Suisse de divorces étrangers prononcés entre époux étrangers^ En outre, de même que la convention, notre droit fait dépendre la reconnaissance avant tout de la compétence de l'autorité ayant prononcé le divorce. Quant aux cinq fors énumérés dans la convention, il n'y en a aucun

1392 - notamment en raison des conditions dont ils sont assortis - qui ne puisse être reconnu en Suisse. Relevons d'ailleurs qu'à son chiffre 5, l'article 2 prévoit, conformément à l'article 7g, 1er alinéa, LRDC, le for d'origine de l'époux qui intente une action en divorce, mais exige, il est vrai, que certaines conditions soient remplies ; ces conditions sont du reste parfaitement justifiées et n'ont rien d'exorbitant.

La convention ne contient qu'une seule dérogation importante à nos règles de conflit: c'est celle qui porte sur l'article 7g, 3e alinéa, LRDC. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à cette disposition, une décision étrangère prononçant le divorce d'époux suisses ne peut être reconnue en Suisse que si les deux époux avaient leur domicile à l'étranger au moment de l'introduction de l'action. Lorsque l'un des époux est domicilié en Suisse, le juge suisse est considéré corame exclusivement compétent pour prononcer le divorce (ATF 56II 335, 64 II 74, 80 il 97, 86II 303, 88 I 159). Dans sa jurisprudence plus récente, le Tribunal fédéral a néanmoins admis que la Suisse devait reconnaître le divorce obtenu dans son autre pays d'origine, contre son mari domicilié en Suisse, par une femme née étrangère, qui avait conservé sa nationalité lors de son mariage avec un ressortissant suisse, lorsque cette femme double nationale avait son domicile ou sa résidence habituelle dans cet autre pays (ATF 89 I 303, 94 l 235). En ratifiant la convention, notre pays devrait faire un pas de plus dans la voie de la libéralisation amorcée par le Tribunal fédéral et reconnaître un divorce prononcé dans un autre Etat contractant entre époux exclusivement suisses, même si l'un d'eux a son domicile en Suisse, pourvu, bien entendu, que l'une ou l'autre des conditions posées à l'article 2, chiffre 2, lettre a ou b, de la convention soit remplie. A notre avis, l'adoption d'une telle règle répondrait à un besoin indéniable et exaucerait d'ailleurs un voeu de plus en plus souvent exprimé dans la doctrine, l'article 7g, 3e alinéa, LRDC étant critiqué depuis longtemps comme trop restrictif. Mais la ratification de la convention par notre pays présenterait aussi un autre grand avantage: elle simplifierait dans une très large mesure la reconnaissance en Suisse des divorces étrangers entre époux
étrangers. En effet, alors que notre pratique actuelle en la matière est, on l'a vu, hésitante, l'article 2 de la convention prévoit des critères de rattachement précis et élargis par rapport à ceux de notre droit. La convention traite aussi à ses articles 4 et 5 les cas de perpétuation de for, questions réglées ni par notre LRDC ni par la jurisprudence et sur lesquelles n'existent dans la doctrine suisse que des avis peu nombreux et contradictoires. Les articles 8, 9 et 10, relatifs à l'ordre public, sont conformes à nos propres principes en la matière. Quant à l'article 12, qui a trait à la litispendance, il prévoit une solution plus souple que celle de la jurisprudence du Tribunal fédéral; selon cette jurisprudence, les juges suisses doivent, en cas d'action introduite à l'étranger, écarter toute demande ultérieure, pour peu que le jugement devant intervenir à l'étranger soit susceptible d'être reconnu en Suisse (ATF 80 ïï 97, 84 II 469, 85 II 80), Enfin l'article 11, dont l'objet est le remariage, ne serait pas non plus un obstacle à la ratification de la

1393 convention par la Suisse. En effet, dans sa jurisprudence la plus récente, le Tribunal fédéral adopte une solution tout à fait semblable à celle de l'article 11 (ATF 971 389 ou Jdt 1972 I 565).

C'est d'ailleurs à la suite de cette jurisprudence et afin de permettre en particulier aux Italiens divorcés en Suisse de s'y remarier que la Suisse a dénoncé, avec effet au 1er juin 1974 (RO 1972 II 1681), la Convention de La Haye de 1902 pour régler les conflits de lois en matière dé mariage (RS 11 743).

De cet état de choses, on peut inférer que les solutions prévues par la convention correspondent pour l'essentiel aux principes de notre droit international privé. En outre, elles s'harmonisent dans une très large mesure avec celles que prévoit la revision assez libérale de notre droit international privé du divorce et de la séparation de corps, telle qu'elle est envisagée dans le cadre de Favant-projet de codification générale du droit international privé et de la procédure civile suisses.

6

Conséquences financières et répercussions sur l'effectif du personnel

La convention ne prévoit aucune procédure de reconnaissance des divorces et des séparations de corps, chaque Etat étant libre de conserver la sienne.

En Suisse, ce sont les autorités cantonales de surveillance de l'état civil qui sont compétentes pour reconnaître (ATF 99 I b 240) et autoriser l'inscription d'un divorce étranger prononcé entre époux suisses dans le registre des familles et des mariages (art. 137 de l'ordonnance du 1er juin 1953 sur l'état civil; RS 211.112.1). Or ces autorités ne se verront confier aucune nouvelle tâche par suite de la ratification de la présente convention; il y a plutôt lieu, au contraire, de supposer que leur travail en sera simplifié.

Par conséquent, ni la Confédération ni les cantons n'auront à assumer de nouvelles dépenses et à engager du personnel supplémentaire.

7

Constitutionnalité

Comme la convention limite à cinq ans la durée de sa validité, sous réserve de tacite reconduction de cinq ans en cinq ans, et qu'elle prévoit la possibilité d'une dénonciation pour la fin de chaque période de cinq ans (art. 30), votre arrêté fédéral ne serait pas soumis au référendum facultatif prévu à l'article 89, 4e alinéa, de la constitution.

La base constitutionnelle de l'arrêté fédéral est l'article 8 de la constitution, selon lequel la Confédération a le droit de conclure des traités avec les Etats étrangers. Quant à la compétence de l'Assemblée fédérale, elle est fondée sur l'article 85, chiffre 5, de la constitution.

1394

8

Conclusions et proposition

Etant donné le nombre très élevé des étrangers vivant en Suisse et des Suisses résidant à l'étranger, notre pays a tout intérêt à ratifier la convention, dont les règles ont une portée internationale et sont conformes aux principes admis dans le droit international privé moderne du divorce et de la séparation de corps.

La convention accroît la sécurité juridique dans les rapports entre les Etats contractants et facilite la reconnaissance réciproque, entre eux, des divorces et des séparations de corps.

Nous avons donc l'honneur de vous proposer d'approuver la convention en adoptant le projet d'arrêté fédéral ci-joint et de nous autoriser à la ratifier en faisant la réserve prévue à son article 24, 2e alinéa.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 27 août 1975 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Graber 22835

Le chancelier de la Confédération, Huber

1395 (Projet)

Arrêté fédéral approuvant la Convention internationale de La Haye sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 8 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 27 août 19751', arrête: Article premier 1

La Convention de La Haye du 1er juin 1970 sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps, signée par la Suisse le 23 juillet 1975, est approuvée; en ratifiant la convention, le Conseil fédéral fera la réserve suivante : Conformément à l'article 24, 2e alinéa, de la convention, la Suisse se réserve le droit de ne pas appliquer la convention à un divorce ou à une séparation de corps acquis avant la date de son entrée en vigueur pour la Suisse.

2 Le Conseil fédéral est autorisé à ratifier la convention en faisant cette réserve.

Article 2 Le présent arrêté n'est pas soumis au référendum en matière de traités internationaux.

22835

«FF 1975 II 1381

1396

Convention sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps Conclue à La Haye le premier juin 1970

Les Etats signataires de la présente Convention, Désirant faciliter la reconnaissance des divorces et des séparations de corps acquis sur leurs territoires respectifs, Ont résolu de conclure une Convention à cet effet et sont convenus des dispositions suivantes: Article premier La présente Convention s'applique à la reconnaissance, dans un Etat contractant, des divorces et des séparations de corps qui sont acquis dans un autre Etat contractant à la suite d'une procédure judiciaire ou autre officiellement reconnue dans ce dernier, et qui y ont légalement effet.

La Convention ne vise pas les dispositions relatives aux torts, ni les mesures ou condamnations accessoires prononcées par la décision de divorce ou de séparation de corps, notamment les condamnations d'ordre pécuniaire ou les dispositions relatives à la garde des enfants.

Article 2 Ces divorces et séparations de corps sont reconnus dans tout autre Etat contractant, sous réserve des autres dispositions de la présente Convention, si, à la date de la demande dans l'Etat du divorce ou de la séparation de corps (ciaprès dénommé «l'Etat d'origine»): 1. le défendeur y avait sa résidence habituelle; ou 2. le demandeur y avait sa résidence habituelle et l'une .des conditions suivantes était en outre remplie: a) cette résidence habituelle avait duré au moins une année immédiatement avant la date de la demande; b) les époux y avaient en dernier lieu habituellement résidé ensemble; ou

1397 3. les deux époux étaient ressortissants de cet Etat; ou 4. le demandeur était un ressortissant de cet Etat et l'une des conditions suivantes était en outre remplie: a) le demandeur y avait sa résidence habituelle; ou b) il y avait résidé habituellement pendant une période continue d'une année comprise au moins partiellement dans les deux années précédant la date de la demande; ou 5. le demandeur en divorce était un ressortissant de cet Etat et les deux conditions suivantes étaient en outre remplies : a) le demandeur était présent dans cet Etat à la date de la demande et b) les époux avaient, en dernier lieu, habituellement résidé ensemble dans un Etat dont la loi ne connaissait pas le divorce à la date de la demande.

Article 3 Lorsque la compétence, en matière de divorce ou de séparation de corps, peut être fondée dans l'Etat d'origine sur le domicile, l'expression «résidence habituelle» dans l'article 2 est censée comprendre le domicile au sens où ce terme est admis dans cet Etat.

Toutefois, l'alinéa précédent ne vise pas le domicile de l'épouse lorsque celui-ci est légalement rattaché au domicile de son époux.

Article 4 S'il y a eu une demande reconventionnelle, le divorce ou la séparation de corps intervenu sur la demande principale ou la demande reconventionnelle est reconnu si l'une ou l'autre répond aux conditions des articles 2 ou 3.

Article 5 Lorsqu'une séparation de corps, répondant aux dispositions de la présente Convention, a été convertie en divorce dans l'Etat d'origine, la reconnaissance du divorce ne peut pas être refusée pour le motif que les conditions prévues aux articles 2 ou 3 n'étaient plus remplies lors de la demande en divorce.

Article 6 Lorsque le défendeur a comparu dans la procédure, les autorités de l'Etat où la reconnaissance d'un divorce ou d'une séparation de corps est invoquée seront liées par les constatations de fait sur lesquelles a été fondée la compétence.

Feuille fédérale. 127° année. Vol. H.

95

1398 La reconnaissance du divorce ou de la séparation de corps ne peut pas être refusée au motif: a) soit que la loi interne de l'Etat où cette reconnaissance est invoquée ne permettrait pas, selon les cas, le divorce ou la séparation de corps pour les mêmes faits ; ou b) soit qu'il a été fait application d'une loi autre que celle qui aurait été applicable d'après les règles de droit international privé de cet Etat.

Sous réserve de ce qui serait nécessaire pour l'application d'autres dispositions de la présente Convention, les autorités de l'Etat où la reconnaissance d'un divorce ou d'une séparation de corps est invoquée ne peuvent procéder à aucun examen de la décision quant au fond!

Article 7 Tout Etat contractant peut refuser la reconnaissance d'un divorce entre deux époux qui, au moment où il a été acquis, étaient exclusivement ressortissants d'Etats dont la loi ne connaît pas le divorce.

Article 8 Si, eu égard à l'ensemble des circonstances, les démarches appropriées n'ont pas été entreprises pour que le défendeur soit informé de la demande en divorce ou en séparation de corps, ou si le défendeur n'a pas été mis à même de faire valoir ses droits, la reconnaissance du divorce ou de la séparation de corps peut être refusée.

Article 9 Tout Etat contractant peut refuser la reconnaissance d'un divorce ou d'une séparation de corps s'ils sont incompatibles avec une décision antérieure ayant pour objet principal l'état matrimonial des époux, soit rendue dans l'Etat où la reconnaissance est invoquée, soit reconnue ou remplissant les conditions de la reconnaissance dans cet Etat.

Article 10 Tout Etat contractant peut refuser la reconnaissance d'un divorce ou d'une séparation de corps,, si elle est manifestement incompatible avec son ordre public.

Article 11 Un Etat, tenu de reconnaître un divorce par application de la présente Convention, ne peut pas interdire le remariage à l'un ou l'autre des époux au motif que la loi d'un autre Etat ne reconnaît pas ce divorce.

1399 Article 12 Dans tout Etat contractant, il peut être sursis à statuer sur toute demande en divorce ou en séparation de corps, si l'état matrimonial de l'un ou de l'autre des époux fait l'objet d'une instance dans un autre Etat contractant.

Article 13 A l'égard des divorces ou des séparations de corps acquis ou invoqués dans des Etats contractants qui connaissent en ces matières deux ou plusieurs systèmes de droit applicables dans des unités territoriales différentes: 1. toute référence à la loi de l'Etat d'origine vise la loi du territoire dans lequel le divorce ou la séparation de corps a été acquis ; 2. toute référence à la loi de l'Etat de reconnaissance vise la loi du for; et 3. toute référence au domicile ou à la résidence dans l'Etat d'origine vise le domicile ou la résidence dans le territoire dans lequel le divorce ou la séparation de corps a été acquis.

Article 14 Pour l'application des articles 2 et 3, lorsque l'Etat d'origine connaît en matière de divorce ou de séparation de corps deux ou plusieurs systèmes de droit applicables dans des unités territoriales différentes: 1. l'article 2, chiffre 3, s'applique lorsque les deux époux étaient ressortissants de l'Etat dont l'unité territoriale où le divorce ou la séparation de corps a été acquis forme une partie, sans égard à la résidence habituelle des époux; 2. l'article 2, chiffres 4 et 5, s'applique lorsque le demandeur était ressortissant de l'Etat dont l'unité territoriale où le divorce ou la séparation de corps a été acquis forme une partie.

Article 15 Au regard d'un Etat contractant qui connaît en matière de divorce ou de séparation de corps deux ou plusieurs systèmes de droit applicables à des catégories différentes de personnes, toute référence à la loi de cet-Etat vise le système de droit désigné par le droit de celui-ci.

Article 16 Si, pour l'application de la présente Convention, on doit prendre en considération la loi d'un Etat, contractant ou non, autre que l'Etat d'origine ou de reconnaissance, qui connaît en matière de divorce ou de séparation de corps deux ou plusieurs systèmes de droit d'application territoriale ou personnelle, il y a lieu de se référer au système désigné par le droit dudit Etat.

1400 Article 17 La présente Convention ne met pas obstacle dans un Etat contractant à l'application de règles de droit plus favorables à la reconnaissance des divorces et des séparations de corps acquis à l'étranger.

Article 18 La présente Convention ne porte pas atteinte à l'application d'autres conventions auxquelles un ou plusieurs Etats contractants sont ou seront Parties et qui contiennent des dispositions sur les matières réglées par la présente Convention.

Les Etats contractants veilleront cependant à ne pas conclure d'autres conventions en la matière, incompatibles avec les termes de la présente Convention, à moins de raisons particulières tirées de liens régionaux ou autres ; quelles que soient les dispositions de telles conventions, les Etats contractants s'engagent à reconnaître, en vertu de la présente Convention, les divorces et les séparations de corps acquis dans des Etats contractants qui ne sont pas Parties à ces conventions.

Article 19 Tout Etat contractant pourra, au plus tard au moment de la ratification ou de l'adhésion, se réserver le droit : 1. de ne pas reconnaître un divorce ou une séparation de corps entre deux époux qui, au moment où il a été acquis, étaient exclusivement ses ressortissants, lorsqu'une loi autre que celle désignée par son droit international privé a été appliquée, à moins que cette application n'ait abouti au même résultat que si l'on avait observé cette dernière loi; 2. de ne pas reconnaître un divorce entre deux époux qui, au moment où il a été acquis, avaient l'un et l'autre leur résidence habituelle dans des Etats qui ne connaissaient pas le divorce. Un Etat qui fait usage de la réserve prévue au présent paragraphe ne pourra refuser la reconnaissance par application de l'article 7.

Article 20 Tout Etat contractant dont la loi ne connaît pas le divorce pourra, au plus tard au moment de la ratification ou de l'adhésion, se réserver le droit de ne pas reconnaître un divorce si, au moment où celui-ci a été acquis, l'un des époux était ressortissant d'un Etat dont la loi ne connaissait pas le divorce.

Cette réserve n'aura d'effet qu'aussi longtemps que la loi de l'Etat qui en a fait usage ne connaîtra pas le divorce.

1401 Article 21 Tout Etat contractant dont la loi ne connaît pas la séparation de corps pourra, au plus tard au moment de la ratification ou de l'adhésion, se réserver le droit de ne pas reconnaître une séparation de corps si, au moment où celle-ci a été acquise, l'un des époux était ressortissant d'un Etat contractant dont la loi ne connaissait pas la séparation de corps.

Article 22 Tout Etat contractant pourra déclarer à tout moment que certaines catégories de personnes qui ont sa nationalité pourront ne pas être considérées comme ses ressortissants pour l'application de la présente Convention.

Article 23 Tout Etat contractant qui comprend, en matière de divorce ou de séparation de corps, deux ou plusieurs systèmes de droit, pourra au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, déclarer que la présente Convention s'étendra à tous ces systèmes de droit ou seulement à un ou plusieurs d'entre eux, et pourra à tout moment modifier cette déclaration en faisant une nouvelle déclaration.

Ces déclarations seront notifiées au Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas et indiqueront expressément les systèmes de droit auxquels la Convention s'applique.

Tout Etat contractant peut refuser de reconnaître un divorce ou une séparation de corps si, à la date où la reconnaissance est invoquée, la Convention n'est pas applicable au système de droit d'après lequel ils ont été acquis.

Article 24 La présente Convention est applicable quelle que soit la date à laquelle le divorce ou la séparation de corps a été acquis.

Toutefois, tout Etat contractant pourra, au plus tard au moment de la ratification ou de l'adhésion, se réserver le droit de ne pas appliquer la présente Convention à un divorce ou à une séparation de corps acquis avant la date de son entrée en vigueur pour cet Etat.

Article 25 Tout Etat pourra, au plus tard au moment de la ratification ou de l'adhésion, faire une ou plusieurs des réserves prévues aux articles 19, 20, 21 et 24 de la présente Convention. Aucune autre réserve ne sera admise.

1402 Tout Etat contractant pourra également, en notifiant une extension de la Convention conformément à l'article 29, faire une ou plusieurs de ces réserves avec effet limité aux territoires ou à certains des territoires visés par l'extension.

Tout Etat contractant pourra, à tout moment, retirer une réserve qu'il aura faite. Ce retrait sera notifié au Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas, L'effet de la réserve cessera le soixantième jour après la notification mentionnée à l'alinéa précédent.

Article 26 La présente Convention est ouverte à la signature des Etats représentés à la Onzième session de la Conférence de La Haye de droit international privé.

Elle sera ratifiée et les instruments de ratification seront déposés auprès du Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas.

Article 27 La présente Convention entrera en vigueur le soixantième jour après le dépôt du troisième instrument de ratification prévu par l'article 26, alinéa 2, La Convention entrera en vigueur, pour chaque Etat signataire ratifiant postérieurement, le soixantième jour après le dépôt de son instrument de ratification, Article 28 Tout Etat non représenté à la Onzième session de la Conférence de La Haye de droit international privé qui est Membre de cette Conférence ou de l'Organisation des Nations Unies ou d'une institution spécialisée de celle-ci ou Partie au Statut de la Cour internationale de Justice pourra adhérer à la présente Convention après son entrée en vigueur en vertu de l'article 27, alinéa premier.

L'instrument d'adhésion sera déposé auprès du Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas.

La Convention entrera en vigueur, pour l'Etat adhérant, le soixantième jour après le dépôt de son instrument d'adhésion.

L'adhésion n'aura d'effet que dans les rapports entre l'Etat adhérant et les Etats contractants qui auront déclaré accepter cette adhésion. Cette déclaration sera déposée auprès du Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas ; celui-ci en enverra, par la voie diplomatique, une copie certifiée conforme, à chacun des Etats contractants.

La Convention entrera en vigueur entre l'Etat adhérent et l'Etat ayant déclaré accepter cette adhésion soixante jours après le dépôt de la déclaration d'acceptation.

1403 Article 29 Tout Etat, au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, pourra déclarer que la présente Convention s'étendra à l'ensemble des territoires qu'il représente sur le plan international, ou à l'un ou plusieurs d'entre eux.

Cette déclaration aura effet au moment de l'entrée en vigueur de la Convention pour ledit Etat.

Par la suite, toute extension de cette nature sera notifiée au Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas.

L'extension n'aura d'effet que dans les rapports avec les Etats contractants qui auront déclaré accepter cette extension. Cette déclaration sera déposée auprès du Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas; celui-ci en enverra, par la voie diplomatique, une copie certifiée conforme, à chacun des Etats contractants.

L'extension produira ses effets dans chaque cas soixante jours après le dépôt de la déclaration d'acceptation.

Article 30 La présente Convention aura une durée de cinq ans à partir de la date de son entrée en vigueur conformément à l'article 27, alinéa premier, même pour les Etats qui l'auront ratifiée ou y auront adhéré postérieurement.

La Convention sera renouvelée tacitement de cinq en cinq ans, sauf dénonciation.

La dénonciation sera, au moins six mois avant l'expiration du délai de cinq ans, notifiée au Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas.

Elle pourra se limiter à certains territoires auxquels s'applique la Convention.

La dénonciation n'aura d'effet qu'à l'égard de l'Etat qui l'aura notifiée. La Convention restera en vigueur pour les autres Etats contractants.

Article 31 Le Ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas notifiera aux Etats visés à l'article 26, ainsi qu'aux Etats qui auront adhéré conformément aux dispositions de l'article 28 : a) les signatures et ratifications visées à l'article 26; b) la date à laquelle la présente Convention entrera en vigueur conformément aux dispositions de l'article 27, alinéa premier; c) les adhésions prévues a l'article 28 et la date à laquelle elles auront effet; d) les extensions prévues à l'article 29 et la date à laquelle elles auront effet;

1404 e) les dénonciations prévues à l'article 30; f) les réserves et les retraits de réserves visés aux articles 19, 20, 21, 24 et 25; g) les déclarations visées aux articles 22, 23, 28 et 29.

En fol de quoi, les soussignés, dûment autorisés, ont signé la présente Convention.

Fait à la Haye, le premier juin 1970, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire, qui sera déposé dans les archives du Gouvernement des Pays-Bas et dont une copie certifiée conforme sera remise, par la voie diplomatique, à chacun des Etats représentés à la Onzième session de la Conférence de La Haye de droit international privé.

22730

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à la Convention de La Haye sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps (Du 27 août 1975)

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