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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant une loi sur l'émission et le remboursement des billets de banque.

(Du 16 juin 1874.)

Monsieur le Président et Messieurs, A. l'occasion de la discussion de l'art. 39 de la Constitution fédérale, qui donne à la Confédération le droit de décréter par voie législative des prescriptions sur l'émission et le remboursement des billets de banque, on a insisté avec force sur la nécessité de régler cette matière. Il y a longtemps déjà, et notamment durant la crise de l'année de guerre 1870, que l'on était généralement pénétré de la conviction que la circulation des billets de banque en Suisse entre des institutions indépendantes, telle qu'elle s'était établie sous les divers régimes des législations cantonales, tantôt réglementaires, tantôt laissant une entière liberté, était absolument défectueuse, en tout cas au point de vue de la qualité. Aussi avons-nous jugé à propos de faire immédiatement usage de la compétence conférée à la Confédération en vous soumettant le présent message.

Lors de l'élaboration du projet de loi, nous avons de primo abord pris en considération le fait que î'art. 39 de la Constitution, en môme temps qu'il remet positivement à la Confédération la compétence en matière de législation, pose dans un sens négatif des limites à cette compétence en interdisant, d'un côté, de créer un

64 monopole pour l'émission du billets do banque et, de l'autre, de décréter l'acceptation obligatoire de ces billets.

Par la première disposition est évidemment exclue de primeabord l'émission de billets par la Confédération seule ; de plus, cotte «mission ne peut otre refusée à aucune banque qui se conforme aux conditions établies par la Confédération, par conséquent non plus k une banque centrale pour le cas où le besoin s'en ferait sentir plus tard.

L'autre interdiction, bien que comprenant, outre le cours forcé, aussi le cours légal, c'est-à-dire l'obligation d'accepter des billets en paiement, ne saurait, selon nous, être entendue en ce sens que la possibilité soit exclue d'obliger des établissements de banque qui revendiquent l'avantage de pouvoir émettre des billets, & accepter et à payer les billets des autres banques.

En présence de ces restrictions formulées par la Constitution fédérale, nous avons pris pour le projet actuel comme point de départ l'amélioration de notre circulation de billets, surtout dans les temps critiques, en ce sens que tous les billets en circulation jouissent dans tout le territoire de la Confédération d'un crédit absolu et que le porteur de billet, même le simple citoyen, ait le sentiment que le billet en sa possession est aussi bon qu'une somme d'argent répondant à sa valeur nominale. Pour atteindre ce but,, il fallait, selon nous, pourvoir en première ligne, d'un côté à ceque, par la création d'une contre-valeur en tout temps disponible et indubitablement suffisante des billets en circulation, ceux-ci obtiennent la garantie nécessaire, et de l'autre côté qu'ils puissent être échangés par le porteur en tout temps contre de l'argent comptant sans difficultés, c'est-à-dire sans perte de temps ni d'argent. Comme condition ultérieure, nous avons admis en outre l'uniformité et la similitude des billets. Toutefois, atin que l'observation des prescriptions existantes ne soit pas laissée au gré des banques, il faudrait aussi établir un contrôle efficace, lequel doit, d'après notre projet, pouvoir être exercé tant par le public, en ce que les banques seraient tenues.

de publier leur bilan, que par les organes de la Confédération.

Nous ajouterons ici les explications et les observations ciaprès : Dans la première section «Conditions de l'émission des billets», on
aurait peut-être désiré trouver une définition de la notion du billet de banque. Elle a été omise à dessein dans la crainte de provoquer, par une détermination et délimitation de ce genre, des contraventions à la loi. On peut admettre que ce qu'on doit entendre par billet de banque est généralement connu, et que, dans.

les cas de contestation, il ne sera pas difficile de décider conformément à la raison et aux idées de la vie pratique.

La disposition de l'art. 1er, en vertu de laquelle l'émission de billets de banque n'est permise qu'aux établissements dont les rapports sont livrés à la publicité et qui ont le caractère de personnes juridiques, se justifie déjà par la circonstance que les banques privées sont en dehors du contrôle et que, jusqu'à présent, l'émission par des banques privées n'a pas été admise dans la pratique.

L'autorisation du Conseil fédéral, exigée à teneur de l'art. 2 pour l'émission de billets de banque , dépendant en général de la condition posée à l'art. 3, savoir qu'elle sera soumise au contrôle de la Confédération, l'art. 4 exige la justification d'un capital versé, appartenant en propre à la banque, d'au moins deux millions de francs, l'émission ne pouvant dépasser le triple de ce capital. Quant au premier point, nous estimons que de grands établissements, avec une fortune considérable et un mouvement d'affaires en proportion, peuvent seuls équitablement et naturellement attendre et exiger que leurs billets soient admis dans toute l'étendue de la Confédération ; des établissements de cette importance sont exclusivement en mesure de remplir les engagements étendus qui leur sont imposés par la présente loi, notamment en ce qui concerne le remboursement de billets étrangers.

Au surplus, sur 28 banques d'émission existant fin 1873 en Suisse, 19 atteignent ou dépassent déjà ce chiffre, et les autres sont libres d'augmenter leur capital, au cas qu'elles attachent du prix ;i l'émission de billets.

Quant au montant de l'émission, il nous a paru utile de déterminer dans la loi un maximum dans une certaine proportion avec le capital versé de chaque banque, au lieu de laisser, pour chaque cas, au Conseil fédéral le soin de le fixer ou d'établir pour toutes les banques un maximum d'émission qui , uue fois atteint, n'aurait pas pu être maintenu vis-à-vis de banques de création nouvelle.

Nous nous sommes aussi demandé s'il ne vaudrait pas mieux limiter l'émission au double du capital versé, mais nous avons trouvé, d'un côté, qu'en présence des restrictions mises à l'autorisation d'émission, l'opération et le .bénéfice des banques respectives ne devaient pas être circonscrits dans des limites trop
étroites, tandis que, de l'autre côté, une quantité de billets venant à être reconnus superflus pour les besoins de la circulation, retourneraient simplement à la source d'émission et forceraient celle-ci à revenir dans de justes limites.

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L'art. 5 renferme une clause indispensable à l'égard des banques qui désirent émettre des billets, en ce qu'il restreint le cercle de leurs affaires aux opérations d'escompte et à celles qui en dépendent.

Nous avons examiné s'il ne convenait pas d'énnmérer spécialement dans la loi les branches encore permises à côté des opérations d'escompte, par exemple : prêts contre billets avec nantissement de titres, encaissements et paiements de tout genre pour compte de tiers, acceptation de fonds à intérêt et sans intérêt, acceptation de valeurs en simple dépôt ou pour l'administration, achat et vente de métaux précieux, monnayés ou en lingot. Nous sommes toutefois arrivés à.

la conviction qu'il valait mieux réserver la décision sur l'admissibilité d'autres branches d'aifaires, pour chaque cas spécial, au lieu de formuler, sans égard aux circonstances, une prescription absolue et détaillée, qui pourrait être trop restrictive dans un cas ou pas assez dans l'autre. Le 3mc alinéa de l'art. 24 renferme d'ailleurs l'énumération des affaires qui ne doivent pas être considérées comme faisant partie des opérations d'escompte, en ce qu'il prescrit aux banques qui veulent continuer leur omission de billets, de détacher une partie de leur capital, pour autant qu'elles font, par exemple, des prôts hypothécaires, qu'elles accordent des crédits à découvert, achètent et vendent des fonds publics ou soumissionnent des emprunts.

En tout état de cause, nous estimons qu'une restriction n'est pas nécessaire pour obtenir une certaine garantie que les banques gardent en portefeuille le solde prescrit pour faire face en tout temps anx obligations, et cela tant au point.de vue de la quantité qu'à celui de la qualité, que les banques d'émission ne se livrent pas à des spéculations ou ne contractent pas des engagements excessifs et à court terme, qui, dans des moments de crise, les empocheraient de satisfaire à leurs obligations quant au remboursement de billets.

Nous avons fixé à 50 fr. le minimum du billet, bien que nous n'ignorions pas que les billets de 20 fr. sont désirés, notamment pour les besoins du petit trafic. Dix-neuf des banques d'émissions suisses actuelles émettent des billets de 20 fr., huit de 10 fr. et deux de 5 fr. En excluant les billets de 20 fr. et de moindre valeur, on a voulu empêcher que les billets ne
prissent la place du numéraire. D'ailleurs on entre ici déjà dans la région des monnaies divisionnaires, dont le besoin peut être calculé et satisfait aussi p^L- la frappe fédérale.

Nous avons jugé convenable de décliner expressément toute responsabilité de la Confédération quant aux billets, par le motif que la confection de vignettes par la Confédération et sa position légale vis-à-vis des banques d'émission pourraient donner lieu à de fausses interprétations.

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Quant à la garantie des billets, il n'y a eu dès l'abord aucun doute pour nous que le fisc fédéral ne peut se charger d'aucune ganmtie pour leur valeur et leur remboursement ; une solidarité pécurtiaire aussi grave serait contraire à la mission et à la position de l.i Confédération. Par contre, on pourrait se demander si, en vui: de la sûreté des billets, elle ne pourrait pas intervenir en administrant un dépôt fourni à titre de garantie par les banques d'émission. Ou dépôt pourrait s'effectuer de deux manières : au moyen d'un approvisionnement métallique correspondant au montant dus billets, ou par des papiers-valeurs. Le premier mode, qui a été recommandé récemment -par des théoriciens , ne trouverait pas faveur auprès des banques, qui par là se verraient totalement privées de l'avantage résultant de l'émission, savoir l'économie des intérêts. Quant au dépôt de papiers-valeurs, il en résulterait les inconvénients suivants : indépendamment des titres hypothécaires, qui pourraient être facilement procurés par les banques d'émission qui sont en môme temps des banques hypothécaires, mais par celles-ci seulement, il faudrait en tout cas admettre encore d'autres papiers-valeurs, et décider s'ils peuvent être des obligations fédérales ou des obligations cantonales, ou si l'on peut admettre aussi des obligations sur des Sociétés et sur lesquelles. Dans le premier cas, l'objet du dépôt, alors même que les banques pourraient se le procurer en majeure partie, serait insuffisant, attendu que la circulation des billets de 'la Suisse s'élevait, à fin 1873, à la somme de 47 yj millions, et que d'ailleurs _les banques cantonales auraient la partie belle en ce qu'elles pourraient se faire remettre, par leur Canton, des titres de créance pour le montant voulu, sans aucune avance effective. Si, toutefois, l'on voulait admettre aussi d'autres titres de créance, cela ne pourrait se faire qu'au détriment de la garantie. Les papiers-valeurs de cette espèce, comme par exemple les obligations de chemins de fer, sont sujets à de grandes variations de cours et presque irréalisables dans les temps de crise. En outre, comme on ne pourrait en définitive pas tout accepter sans distinction, on laisserait le champ libre à l'arbitraire et à l'inégalité. La Confédération devrait en tout cas, comme dépositaire, su porter garante
vis-à-vis des porteurs de billets, ce qui aurait pour effet que la Caisse fédérale, dans les cas de ce genre, devrait pouvoir disposer de papiers-valeurs faciles à réaliser ou de numéraire. On ne saurait alléguer, en faveur du dépôt de papiersvaleurs, l'exemple des Etats-Unis d'Amérique, parce que ceux-ci possèdent une grande quantité d'obligations de l'Etat et ne S'.-ut pas embarrassés de trouver l'objet servant de garantie, abstraction faite de ce que l'Etat, pour pouvoir placer ses titres de créanw,,

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a dû naturellement favoriser le système du dépôt de papiers-valeurs par les banques dites nationales.

Par toutes ces considérations, nous proposons de pourvoir à la garantie des billets en statuant que les banques d'émissions seront tenues d'avoir constamment à disposition en portefeuille un 'stock des pièces ayant cours légal, au moins équivalent au tiers de ses billets en circulation, avec la clause expresse, en ce qui concerne le portefeuille, que le produit comptant des lettres de change payées peut ótre ajouté au montant.

Il nous a paru rationnel d'admettre la circulation des billets comme base de la garantie voulue, parce que l'émission est fréquemment beaucoup plus considérable que la circulation de fait, et qu'il n'est pas équitable de demander une garantie pour des billets dont il n'est fait aucun usage.

En ce qui concerne la seconde signature suisse sur des lettres de change en portefeuille, la sûreté n'est selon nous point amoindrie par la disposition portant que cette signature peut être remplacée par un dépôt en nantissement, tandis que l'on tient compte par là d'un légitime besoin du crédit.

Quant à la réserve en numéraire, nous avons jugé convenable d'exiger expressément non pas seulement qu'elle existe, mais encore qu'elle soit disponible en ce sens qu'abstraction faite du montant nécessaire pour faire honneur à d'autres engagements courants, cette quote de la somme de billets doit être exclusivement aifectée au remboursement des billets.

Nous avons cru pouvoir réaliser une autre garantie en statuant à l'art. 8, pour le cas de faillite d'une banque d'émission où, en absence d'une disposition spéciale, la garantie prévue .quant à la concurrence avec d'autres créanciers serait sans effet, que les porteurs de billets auront un privilège qui sera déterminé d'une manière plus précise par la loi 'fédérale sur les faillites.

La section relative à la « circulation et au remboursement des billets » renferme d'abord à l'art. 10 et à l'art. 11 quelques dispositions sur la manière de traiter les billets qui ne sont plus entiers lors de la présentation, ou qui ne peuvent plus être présentés.

Quant au dernier cas, il est conforme au caractère du billet comme chose ne portant pas d'individualité (sauf le numéro), ainsi qu'à l'équité et à la nécessité de protéger un porteur digne de foi,
que l'amortissement soit exclu. Nous avons néanmoins estimé qu'il était nécessaire que le porteur d'un billet incomplet fût rassuré contre la rigueur de la banque d'émission, et que celle-ci fût obligée de

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rembourser les billets présentés dont les parties essentielles subsisteraient encore.

Pour les cas de contestation, nous n'avons pas voulu préjuger la décision du inge sur ce qui doit être considéré comme partie essentielle.

n n'est pas nécessaire de motiver ici l'obligation formulée à l'art. 12 quant au remboursement de ses propres billets et à la poursuite en cas de refus de paiement par la banque signataire.

Dans l'intérêt de la circulation de nos billets de banque, nous avons jugé nécessaire que toutes les banques d'émission soient obligées d'accepter en paiement et de rembourser les billets des autres banques (en tout cas sans recours contre le porteur, attendu qu'en définitive c'est la banque d'émission qui peut seule être responsable).

En présence de ces obligations imposées aux banques autorisées, relativement aux billets étrangers, il n'est que juste qu'indépendamment d'un court terme à demander par elles en cas de besoin pour le remboursement (art. 14), il soit pourvu aussi à une prompte couverture de la part de la banque d'émission et à ce que les frais ainsi que les risques soient du moins à la charge de cette dernière (art. 10), tout comme aussi le Conseil fédéral peut, dans les cas de forée majeure et sans qu'il lui en soit fait un grief, décharger les banques d'émission de l'obligation de rembourser, puisqu'il s'agit uniquement de difficultés extraordinaires (art. 15).

La faculté de pouvoir recourir à un bureau central répond à un voeu exprimé par les banques d'émission elles mêmes. Cette institution est d'ailleurs reconnue par le monde des affaires comme un puissant élément de perfectionnement du crédit de la Suisse.

Ce ne serait que pour le cas où les banques seraient empêchées, par l'opposition de quelques-unes d'entre elles, de créer l'institution, que le Conseil fédéral pourrait prononcer en définitive.

Gn ce qui concerne le « contrôle de la Confédération », déjà statué en principe à l'art. 3, nous sommes partis du point de vue qu'il doit être, il est vrai, aussi efficace, mais en môme temps aussi simple que possible et qu'il ne doit pas avoir de caractère bureaucratique. Aussi n'avons-nous prévu dans la loi qu'un seul fonctionnaire, qui n'aura pas même nécessairement un traitement fixe.

Quant aux personnes qui pourront lui être adjointes pour un cas spécial, nous avons
intentionnellement évité de prescrire qu'elle seront choisies parmi les habitants de la contrée commerciale dont il s'agit, bien que ces dernières ne doivent pas être exclues absolument ; nous avons eu en vue, sous ce rapport, un contrôle efficace, mais en môme temps aussi impartial que possible.

70 Les dispositions de détail sur le contrôle, qui se trouvent renfermées dans les articles 13 et 19, n'ont guère besoin de commentaire dès qu'on a en vue un contrôle sérieux ; en particulier, la convenance des bilans hebdomadaires est évidente, et cette mesure servira d'aiguillon puissant pour le contrôle à exercer par le public,.

Comme conséquence logique de l'autorisation et du contrôle, qui sont dans les attributions du Conseil fédéral, l'art. 20 accorde à Ce corps le droit d'intervenir administrativemont et diseiplinairement contre les banques d'émission qui seraient en défaut, tant de son propre mouvement que sur plainte portée par écrit au Département des Finances, toujours sous réserve expresse d'une sentence juridique, sur les demandes en dommages-intérêts de la part de la personne lésée. La peine sera, suivant la gravité du cas, une simple amende ou le retrait de l'autorisation d'émettre des billets de banque. Le maximum de l'amende peut paraître exagéré, mais il ne faut pas oublier que, si la peine était trop minime, il aurait pu entrer dans la convenance d'une banque, dans un grand nombre de cas, de risquer l'amende et de se procurer ainsi un plus grand avantage en violant la loi. On a statué quo l'amende devait échoir en entier à la Caisse fédérale, afin de ne pas imprimer aux plaintes qui ont motivé l'amende le cachet odieux d'une intention de lucre.

Le retrait des notes en circulation, dans le cas de la déchéance de l'autorisation d'émettre des billets de banque, ainsi que dans les autres cas où cette autorisation cesse, devra être réglé par le Conseil fédéral au moyen de stipulations spéciales , en vertu de l'art. 21.

L'émission des billets de banque ayant été placée sous la législation fédérale et afin d'obtenir une jurisprudence uniforme en cette matière, on défère dans l'art. 22 à la juridiction fédérale toutes les contestations civiles qui pourraient surgir. Il s'entend de soi que la Confédération doit be mettre à couvert pour tout le contrôle qu'elle exerce dans l'intérêt du crédit et de la circulation des billets, par conséquent aussi dans celui des banques d'émission, et que la meilleure base pour le remboursement des frais doit être établie d'après la circulation des billets des diverses banques.

Pour le cas toutefois où le produit de l'émolument de 2 °/00 à prélever
sur les banques dépasserait peut-être aussi les dépenses réelles de la Confédération, et en considération du bénéfice que les banques réalisent incontestablement à la faveur de la presento loi, on ne saurait voir là une injustice, d'autant moins que, par suite de l'abrogation des dispositions cantonales sur l'émission des billets, elles sont exemptes des émoluments perçus jusqu'à présent par les Cantons.

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En ce qui concerne enfin les dispositions transitoires (art. 24--26), avec les mesures nécessaires en vue de l'introduction du nouveau système, sur le retrait des anciens billets en circulation, on n'a pas pu fixer avant la mise en vigueur de la présente loi les termes pour le retrait des billets des banques d'émission, car il est impossible de prévoir avec certitude quand les vignettes à confectionner par la Confédération seraient prêtes à être livrées ; d'un autre côté, il a fallu .éviter le danger momentané d'une pénurie des moyens de paiement, qui pourrait résulter du retrait des anciens billets avant l'émission des nouveaux billets. Si l'on a accordé aux banques d'émission un délai de 6 mois pour demander l'autorisation, d'une nouvelle émission, c'est essentiellement par le motif qu'il faut laisser aux banques en général, nptammant à celles qui ont à faire une séparation en conformité de l'art. 24, quelque temps pour régler le transitoire.

La disposition en vertu de laquelle les banques d'émission existantes qui se livrent à d'autres opérations que celles prévues à l'art. 5 , doivent procéder à un partage de leur capital, et renoncer dans le délai de 10 ans au plus à toutes les affaires incompatibles avec l'émission de billets, ou au droit d'émission, a été dans sa première partie dictée par une juste prise en considération des circonstances de fait, et dans sa dernière partie par l'intention de mettre fin après un temps déterminé à l'organisation d'un certain nombre de banques d'émission que la loi n'approuve pas en principe.

Nous vous recommandons l'acceptation du projet" de loi ciaprès, en vous renouvelant, Messieurs, l'assurance de -notre parfaite considération.

Berne, le 16 juin 1874.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le President de, la Confédération : SCHENK.

Le Chancelier de la Confédération : SOHIESS.

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Projet.

Loi fédérale sur

l'émission et le remboursement des billets de banque.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE

de la CONFÉDÉRATION

SUISSE,

en exécution de l'art. 39 de la Constitution fédérale ; vu le message du Conseil fédéral du 12 juin 1874, arrête :

Conditions de l'émission.

er

Art. 1 . L'émission des billots de banque n'est permise sur le territoire de la Confédération suisse qu'aux établissements de banque dont les rapports sont livrés à la publicité et qui ont le cai'actère de personnes juridiques.

Art. 2. Aucune émission de billets de banque ne peut avoir lieu sans l'autorisation du Conseil fédéral, l'ette autorisation n'est accordée qu'aux banques qui se soumettent aux conditions énoncées dans les articles suivants.

Art. 3. L'administration des banques d'émission est soumise au contrôle de la Confédération.

Art. 4. Chaque banque d'émission doit justifier d'un capital versé, lui appartenant en propre, d'au moins deux millions de francs.

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L'émission ne peut dépasser le triple de ce capital.

Art. 5. Les banques d'émission doivent restreindre exclusivement le cercle de leurs affaires aux opérations d'escompte et à celles qui en dépendent.

Art. ß. Il ne pourra être émis d'autres billets de banque que ceux de 1000, 500, 100 et 50 francs.

Les vignettes sont fournies aux banques par la Confédération contre le remboursement des frais.

Les vignettes doivent être uniformes; elles portent .le litre commun de: « Note der schweizerischen Emissionsbanken. » « Billet des banques suisses d'émissions. » (Loi fédérale du 1874). » et ne diffèrent entre elles que par l'insertion du nom et la signature de chaque banque d'émission respective.

La Confédération n'assume aucune responsabilité quant à la valeur et au remboursement de ces billets.

Contrevaleur et garantie des billets.

Art. 7. Le chiffre de la circulation des billets de chaque banque, qui n'est pas représenté par des espèces en caisse, doit toujours être couvert, à quelque moment que ce soit, par le montant de son portefeuille.

Les lettres de change, servant ainsi de contrevaleur aux billets émis, qu'elles soient payables à l'étranger ou en Suisse, ne doivent pas avoir une échéance excédant quatre mois, et doivent être revêtues d'au moins deux signatures suisses ou d'une signature suisse et de deux étrangères, les unes et les autres solvables ; la seconde signature suisse peut être remplacée par un dépôt en nantissement.

Art. 8. En cas de faillite d'une banque d'émission, les porteurs de ses billets ont un privilège qui sera déterminé d'une manière plus précise par la loi fédérale sur les faillites.

Art. 9. Chaque banque d'émission doit constamment avoir à sa disposition, en vue du remboursement immédiat de ses billets, un stock d'espèces ayant cours légal, au moins équivalent au tiers du montant de ses billets en circulation.

7-i

Circulation et remboursement des billets'.

Art. 10. Les banques ne devront pas réémettre des billets qui seraient usés ou détériorés.

Art. 11. Le propriétaire d'un billet perdu ou détruit ne peut en exiger ni le remboursement, ni le remplacement. En revanche, chaque banque est tenue de rembourser à san siège principal ceux de ses billets qui lui seraient présentés en morceaux ou dont les parties essentielles subsisteraient encore.

Art. 12. Chaque banque n'est responsable que de ses propres billets.

Elle est tenue, ainsi que les succursales, de rembourser lesdits billets à la première réquisition du porteur, 011 espèces ayant cours En cas de refus, le porteur pourra poursuivre la banque signataire des billets par toutes les voies de droit, comme s'il s'agissait d'une lettre de change.

Art. 13. Toutes les banques d'émission autorisées doivent accepter en paiement les billets les unes des autres sans aucune retenue.

Art. 14. Toutes les banques -d'émission sont tenues de rembourser eu espèces, sans aucune retenue, les billets les unes des autres.

Dans la règle, le paiement doit avoir lieu à présentation ; exceptionnellement, la banque qui aura à l'effectuer pourra se prévaloir d'un délai maximum de trois t'ois 24 heures.

Art. 15. En cas de force majeure -- dans le cas, par exemple, où les communications seraient sérieusement interrompues -- le Conseil fédéral peut décharger provisoirement les banques d'émission de l'obligation d'accepter en paiement et de rembourser contre espèce les billets do telle ou telle autre banque dénommée, mais, en aucun cas, l'obligation de rembourser ses propres billets ne peut être suspendue pour aucune banque.

Art. 16. Chaque banque sera tenue d'expédier à première réquisition la couverture eu espèces de ceux de ses propres billets qu'une autre banque aurait remboursés ou qui lui auraient été déposés dans ce but.

L'envoi des billets et de leur contrevaleur se fait aux frais et risques de la banque qui a émis les billets en question.

En vue de faciliter l'exécution des conditions sus-énoneées, et pour contribuer à perfectionner les rapports des banques entre elles,

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tels qu'ils doivent résulter de ces conditions, il devra être créé sur une place convenable un bureau central, dont l'organisation sera réglée, si cela était nécessaire, par le Conseil fédéral.

Contrôle de la Confédération.

Art. 17. Le Conseil fédéral veille à ce que les prescriptions de la présente loi soient exactement observées par les banques d'omission.

Il nomme dans ce but un commissaire des banques qui ressortit au Département des Finances.

Le commissairö ne doit avoir aucun intérêt quelconque dans les banques soumises à son inspection.

Art. 18. Chaque banque sera tenue d'envoyer toutes les semaines à un même jour fixe, et d'après un formulaire uniforme, un extrait de son bilan au Département fédéral des Finances, lequel en publiera immédiatement le tableau général.

Art. 19. Le Commissaire fédéral des banques devra procéder, au moins une fois par semestre, à l'inspection de toutes les banques.

Pour chacune de ces inspections, le Conseil fédéral pourra lui adjoindre des personnes au courant des affaires, dans le cercle d'activité de la banque à inspecter.

Art. 20. Toute infraction à la présente loi, en particulier tout retard apporté par les banques dans le remboursement de leurs propres billets, en temps voulu, ou la constatation par le Commissaire fédéral de la perte d'une partie de leur capital, peuvent amener de la part du Conseil fédéral le retrait de l'autorisation d'émettre des billets de banque.

Les contraventions à la loi qui n'entraîneraient pas le retrait de l'autorisation peuvent être punies par le Conseil fédéral d'une amende de fr. 5 à 10,000, au profit de la Caisse fédérale, sans préjudice des poursuites en dommages-intérêts qui pourraient être portées dans ces divers cas par-devant les tribunaux.

Tonte plainte d'un porteur de billets contre une banque d'émission, ou d'une de celles-ci contre une autre banque autorisée, devra, si cette plainte a trait à des faits sur lesquels le Conseil fédéral a à statuer, être adressée eu premier lieu et par écrit au Département des Finances.

Art. 21. Le Conseil fédéral fera des règlements spéciaux sur le retrait des billets en circulation de celles des banques d'émission.

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qui tomberaient en faillite, ou auxquelles le Conseil fédéral aurait retiré l'autorisation d'émettre des billets, ou encore qui y auraient renoncé d'elles-mêmes.

Art. 22. Tous les différends d'une nature civile qui pourraient naître de l'émission des billets, sont de la compétence du Tribunal fédéral.

Art. 23. Il sera prélevé, au profit de la caisse fédérale, une taxe annuelle de 2 °/00 sur la circulation moyenne des billets de chaque banque.

La caisse iéclérale prélèvera en premier lieu, sur le montant de ladite taxe, les irais de contrôle que la Confédération est appelée à exercer.

Dispositions transitoires.

Art. 24. Six mois, au plus tard, après la promulgation de la, présente loi, les banques actuelles auront à demander au Conseil lederai l'autorisation nécessaire d'émettre des billets.

En acceptant cette autorisation, elles prennent en même temps l'engagement de procéder au retrait et à la destruction de leurs anciens billets, et cela dans le délai d'une année au plus à partir du moment où elles aiu-ont reçu les nouvelles vignettes.

De m6me, elles prennent l'engagement, dans le cas où, à côté des opérations d'escompte et de celles qui en dépendent (art. 5), elles se livreraient à d'autres opérations, telles qu,e de faire dos emprunts hypothécaires, d'accorder des crédits à découvert, d'acheter et vendre des fonds publics, de soumissionner des emprunts pour leur propre compte ou pour celui d'autrui. etc., de détacher dn leur capital une part distincte qui sera destinée à l'émission des billets et aux opérations d'escompte, et qui devra faire l'objet d'uno, comptabilité séparée et de bilans spéciaux.

Dans ce cas, le § 2 de l'art. 4, relatif au maximum de l'émission, ne se rapporte qu'au capital ainsi mis à part.

Au bout de 10 ans, les banques qui font des opérations mixtes devront ou bien se borner à l'émission, aux opérations d'escompte et a celles qui en dépendent, ou bien renoncer à l'émission des billets de banque.

Art. 25. Celles des banques d'émission actuelles qui ne pourraient obtenir de la Confédération l'autorisation nécessaire seront tenues de retirer leurs billets de la circulation. Il sera statué ultérieurement à ce sujet par le Conseil fédéral.

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En outre, le Conseil fédéral se réserve de prendre les mesures nécessaires principalement en vue de l'émission, de la circulation et, du remboursement des billets, pendant le temps qui s'écoulera entre la promulgation de la présente loi et l'émission des nouveaux billets.

Art. 26. Le Conseil fédéral est chargé de la publication et de l'exécution de la présente loi.

·Les dispositions des lois cantonales relatives à l'émission des billets de banque sont abrogées.

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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant le recours du Canton du Tessin contre l'arrêté du Conseil fédéral du 11 février. 1874, au sujet de l'impôt cantonal de consommation sur les matériaux importés pour les chemins de fer.

(Du 17 juin 1874.)

· Monsieur le Président et Messieurs, Le Conseil d'Etat du Canton du Tessin, agissant au nom du Grand Conseil de ce Canton, a recouru contre un arrêté du Conseil fédéral du 11 février 1874 interdisant au Canton du Tessin de percevoir l'impôt cantonal de consommation sur les matériaux de constructionimportés par la Compagnie du Gothard.

Le recours expose qu'au point de vue du droit les concessions de la ligne du Gothard et des lignes des vallées tessinoises no stipulent pas une exemption de l'impôt cantonal de consommation pour les matériaux de construction importés de l'étranger, et qu'au point de vue du fond le Conseil fédéral n'était pas compétent pour prendre la décision incriminée.

En ce qui concerne le point de vue du droit, nous avons à alléguer ce qui suit à l'appui de notre décision : D'après l'art. 24 de la Constitution fédérale de 1848, la Confédération avait le droit,-moyennant une indemnité, de supprimer Feuille fédérale suisse. Année X X V I . Vol. II.

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Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant une loi sur l'émission et le remboursement des billets de banque. (Du 16 juin 1874.)

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