Rapport du Conseil fédéral sur les banques d'importance systémique (Examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques) du 28 juin 2017

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons, en vous proposant de l'approuver, le rapport sur l'examen des banques d'importance systémique, conformément à l'art. 52 de la loi sur les banques.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 juin 2017

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2017-1722

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

La récente crise financière et économique mondiale a révélé que la situation d'urgence ou la défaillance d'une banque d'importance systémique (systemically important bank, SIB) pouvait, du fait de sa taille, de sa position sur le marché et des réseaux qu'elle entretient, ouvrir de graves failles dans le système financier et avoir des répercussions néfastes sur l'ensemble de l'économie. Il est donc probable que l'État concerné ne laissera pas disparaître une telle banque en cas de crise si le maintien de ses fonctions d'importance systémique n'est plus assuré. Cette garantie d'État implicite se solde par des distorsions injustifiées du marché. Aussi les mesures étatiques prises dans le cadre d'une politique de réglementation des banques d'importance systémique ont-elles pour objectif premier de dénoncer cette garantie afin que l'État, en cas de situation d'urgence ou de défaillance d'une banque d'importance systémique, ne soit contraint de mobiliser des fonds publics pour la sauver.

La problématique concernant les banques d'importance systémique constitue un défi particulier pour la Suisse qui, en comparaison internationale et par rapport à sa taille, abrite de très grands établissements financiers. C'est pourquoi la Suisse, s'appuyant sur les recommandations formulées par la commission d'experts chargée d'examiner la limitation des risques que les grandes entreprises font courir à l'économie nationale dans son rapport du 30 septembre 2010 ­ a tiré assez rapidement les leçons prudentielles de la crise financière en mettant en oeuvre un projet de loi (renforcement de la stabilité du secteur financier too big to fail). Les dispositions révisées de la loi du 8 novembre 1934 sur les banques (LB)1 sont en vigueur depuis le 1er mars 2012. C'est au 1er janvier 2013 que le Conseil fédéral a mis en vigueur les modifications correspondantes de l'ordonnance ainsi que les normes de Bâle III applicables à toutes les banques.

En 2014, l'approche réglementaire de la Suisse concernant les banques d'importance systémique a fait pour la première fois l'objet d'un examen, conformément à l'art. 52 LB. Dans son premier rapport d'évaluation établi en exécution de cette obligation, daté du 18 février 2015 (ci-après «rapport d'évaluation 2015») 2, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion que l'approche suisse était
globalement positive en comparaison internationale et qu'il n'était donc pas nécessaire de modifier fondamentalement le modèle de réglementation en vigueur. Il a identifié par contre un besoin d'agir au niveau des mesures à la fois prudentielles et organisationnelles ainsi que des mesures à prendre en cas de crise. Un groupe de travail placé sous la direction du Département fédéral des finances et composé de représentants de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et de la Banque nationale suisse (BNS) a ensuite élaboré des propositions portant sur les modifica1 2

RS 952.0 FF 2015 1793

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tions législatives nécessaires. Le Conseil fédéral a adopté le 21 octobre 2015 les paramètres relatifs aux modifications prévues au niveau des ordonnances. Du 22 décembre 2015 au 15 février 2016 a eu lieu une audition sur les modifications envisagées de l'ordonnance du 1er juin 2012 sur les fonds propres (OFR)3 et de l'ordonnance du 30 avril 2014 sur les banques (OB)4. Les adaptations des ordonnances adoptées le 11 mai 2016 par le Conseil fédéral sont entrées en vigueur le 1er juillet 2016. Les banques d'importance systémique devront satisfaire aux nouvelles exigences d'ici à fin 2019. Les dispositions révisées applicables aux banques d'importance systémique ont entraîné en particulier pour les deux banques d'importance systémique opérant à l'échelle internationale, Credit Suisse (CS) et UBS, un net resserrement des exigences de fonds propres en termes de volume et de qualité. Par les mesures prudentielles mises en oeuvre, la Suisse répond dans l'ensemble aux normes internationales pertinentes, à savoir les exigences de Bâle III, le supplément imposé par le Conseil de stabilité financière (CSF) aux banques d'importance systémique mondiale (global systemically important banks, G-SIB), ainsi que la norme minimale concernant la capacité totale d'absorption de pertes (total loss absorbing capacity, TLAC). En outre, la Suisse applique les exigences internationales en matière de liquidités dans le cadre du calendrier de Bâle III. Du fait de la mise en oeuvre de ces normes minimales, les conditions sont réunies pour aspirer, à propos des banques suisses d'importance systémique mondiale (Credit Suisse et UBS), à une gestion des crises reconnue et concertée au niveau international, qui puisse préserver au mieux les intérêts de la Suisse.

1.2

Mandats

1.2.1

Mandat prévu par l'art. 52 LB

En vertu de l'art. 52 LB, le Conseil fédéral examine tous les deux ans les dispositions applicables aux banques d'importance systémique en comparant leur mise en oeuvre avec celle des normes internationales correspondantes à l'étranger. Il en fait rapport à l'Assemblée fédérale et détermine les dispositions de lois et d'ordonnances qui doivent être modifiées. Comme il est déjà précisé plus haut, le Conseil fédéral a adopté le 18 février 2015 le rapport d'évaluation 2015 à l'intention du Parlement.

1.2.2

Rapport d'évaluation supplémentaire sur décision du Conseil fédéral

Les banques d'importance systémique sont censées disposer d'un capital suffisant pour continuer à fournir leurs services sans devoir, en cas de crise, ni recourir à un soutien de l'État, ni faire l'objet d'un assainissement ou d'une liquidation (capital permettant d'assurer la continuité de l'exploitation, dit capital going concern). Ainsi qu'il est dit au ch. 1.1, les deux banques suisses d'importance systémique mondiale doivent, conformément aux modifications des ordonnances adoptées par le Conseil 3 4

RS 952.03 RS 952.02

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fédéral le 11 mai 2016 et entrées en vigueur le 1er juillet 2016, en plus des exigences going concern, détenir suffisamment de capital pour garantir leur assainissement ou maintenir les fonctions d'importance systémique dans une unité opérationnelle et liquider les autres unités (capital dit gone concern). Tant l'assainissement que la liquidation doivent être possibles sans mobiliser des fonds publics.

Le Conseil fédéral a reconnu dans le même temps qu'il existait un besoin d'action au niveau des exigences de capital gone concern auxquelles doivent satisfaire les banques d'importance systémique qui n'opèrent pas à l'échelle internationale. Il s'agit en l'espèce de PostFinance, du groupe Raiffeisen et de la Banque cantonale de Zurich ZKB (désignés ci-après par le terme collectif de banques d'importance systémique nationale). Or à l'époque, la question de l'aménagement des plans d'urgence gone concern des banques d'importance systémique nationale était encore entièrement ouverte. Vu la situation particulière de chacune de ces banques en termes d'organisation et de propriété, il ne sera pourtant possible de formuler et de calibrer les exigences prudentielles de façon fiable qu'une fois connues les grandes lignes des différents plans d'urgence. Dans ce contexte, le Conseil fédéral a décidé que la fixation des besoins concrets au regard des exigences de capital gone concern ne serait examinée que dans le cadre du présent rapport.

1.3

Contenu du rapport

Comme le précise le ch. 1.2, le présent rapport d'évaluation, deuxième du nom, non seulement procède à l'examen prévu par l'art. 52 LB (évaluation de l'approche suisse en comparaison internationale) mais évalue les besoins au regard des exigences gone concern auxquelles doivent répondre les banques d'importance systémique nationale.

Les bases nécessaires à l'établissement de ce rapport ont été élaborées par le Département fédéral des finances (DFF) en collaboration avec la BNS et la FINMA. Ces travaux s'appuyaient notamment sur les vastes préparatifs en vue de la mise en oeuvre des modifications de l'OFR et de l'OB adoptées par le Conseil fédéral le 11 mai 2016 et entrées en vigueur le 1er juillet 2016. Les documents fondateurs importants sont en particulier le «rapport explicatif du 22 décembre 2015 concernant les modifications de l'OFR et de l'OB (exigences relatives aux fonds propres des banques ­ recalibrage TBTF et classification)»5, le «rapport du DFF du 13 mai 2016 sur l'audition concernant les modifications de l'OFR et de l'OB (exigences relatives aux fonds propres des banques ­ recalibrage TBTF et classification)»6 ainsi que l'«analyse d'impact de la réglementation du 11 mai 2016 concernant les modifications de l'OFR et de l'OB (exigences relatives aux fonds propres des banques ­ recalibrage TBTF et classification)»7. En plus de ces analyses approfondies, le 5 6 7

www.admin.ch > Documentation > Communiqués du DFF > Audtition concernant la modification des dispositions sur les établissements too big to fail > Rapport explicatif.

www.admin.ch > Documentation > Communiqués du DFF > Le Conseil fédéral approuve la modification des dispositions sur les établissements too big to fail > Rapport explicatif.

www.admin.ch > Documentation > Communiqués du DFF > Le Conseil fédéral approuve la modification des dispositions sur les établissements too big to fail > Analyse d'impacte de la réglementation.

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rapport final du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers (sous la présidence d'Aymo Brunetti, professeur à l'Université de Berne)8 et le rapport d'évaluation 2015 établi à partir de ce dernier ont fourni des bases importantes.

Le présent rapport s'articule comme suit: le ch. 2 est consacré à l'examen du régime suisse. Il évalue, en comparaison internationale, l'approche suisse en matière de réglementation des banques d'importance systémique (ch. 2.1), concrétise les besoins en capital gone concern des banques d'importance systémique nationale (ch. 2.2) et commente la question de l'impôt sur le bénéfice en rapport avec l'émission de TLAC (ch. 2.3). Par ailleurs, le ch. 2 contient des explications sur la législation relative à l'assainissement et à l'insolvabilité bancaires (ch. 2.4) ainsi que sur le du nouveau régime concernant la réduction pour participations et l'octroi d'allégements aux divers établissements d'importance systémique (ch. 2.5). Le ch. 3 résume les besoins d'action identifiés et le ch. 4 décrit le processus et le calendrier de leur mise en oeuvre.

2

Examen de la réglementation applicable aux banques d'importance systémique

2.1

Évaluation de l'approche suisse en comparaison internationale

Critères d'évaluation Les travaux préliminaires ont porté d'une part sur la mise en oeuvre en Suisse des normes internationales en vigueur, de l'autre sur la comparaison du régime suisse applicable aux banques d'importance systémique avec les mesures réglementaires prises dans un certain nombre de juridictions, et tout spécialement aux États-Unis, dans l'UE et au Royaume-Uni car ces pays abritent des banques d'importance systémique disposant de structures comparables à celles des banques suisses d'importance systémique9.

Pour les besoins de la comparaison internationale, la réglementation des banques d'importance systémique a été subdivisée en trois catégories: les mesures prudentielles visent à renforcer la résistance des banques aux crises. Pour leur part, les mesures structurelles régissent la structure et l'organisation d'une banque. Enfin, le cadre juridique d'un régime efficace d'assainissement et de liquidation a pour but soit d'assainir, soit de liquider en particulier des banques et groupes de banques d'importance systémique selon une procédure ordonnée.

8

9

Voir le rapport final du 1er décembre 2014 du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers et annexe sur l'examen du régime suisse too big to fail en comparaison internationale ­ Base de l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques (ci-après rapport du groupe d'experts [2014]) (www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/37612.pdf et www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/37615.pdf) Voir l'annexe 4 du rapport de la commission d'experts (2014), p. 10.

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1) Mesures prudentielles Comparativement, la Suisse met particulièrement l'accent sur les mesures prudentielles: ainsi, vis-à-vis des banques d'importance systémique, ses exigences en matière de fonds propres pondérés en fonction des risques sont les plus sévères.

Selon cette approche, un établissement d'importance systémique doit disposer d'un capital going concern suffisant pour fournir ses services, afin de pouvoir absorber des pertes imprévues.

Il résulte de la comparaison internationale que si les exigences suisses de capital going concern auxquelles doivent satisfaire les deux banques d'importance systémique mondiale excèdent les normes internationales, elles n'en sont pas moins parfaitement comparables à celles des États-Unis et du Royaume-Uni (voir le graphique 1). Ce qui répond à l'objectif formulé dans le rapport d'évaluation 2015 quant au niveau des exigences de fonds propres, à savoir que la Suisse se doit de compter parmi les pays imposant aux banques d'importance systémique les exigences les plus rigoureuses en la matière. Les hautes exigences que doivent remplir les banques suisses d'importance systémique se justifient notamment par la taille de ces établissements par rapport au produit intérieur brut; en comparaison avec d'autres pays, ce rapport est supérieur à la moyenne, d'où un risque considérable pour l'économie nationale.

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Graphique 1 Exigences de capital en comparaison internationale (plus hautes exigences imposées dans chacun des pays aux banques d'importance systémique mondiale) Norme Bâle II

Stand 31.3.2017

Normes internationales

Going Concern

RWA Exigence minimale Volant (2.5% + suppl.

G-SIB 1.0%-2.5%) 2 Leverage Ratio (LR) Exigence minimale

Total Tier 1 9.5-11.0% 6.0%

dont CET1 8.0-9.5% 4.5%

3.5-5.0%

3.5-5%

"3.0%" "3.0%"

Norme TLAC Tier 2

dont AT1 1.5% 1.5%

T2 2.0% 2.0%

"3.0%" "3.0%"

Exigence minimale

1

18.0% RWA

6.75% LR

Mise en oeuvre des normes internationales RWA

14.3%

10.0%

4.3%

8.0% 6.3%

4.5% 5.5%

3.5% 0.8%

5.0%

3.5%

1.5%

Exigence minimale Volant (valeur visée) 3

3.0% 2.0%

1.5% 2.0%

1.5%

US

RWA Exigence minimale Volant (valeur maximale) Leverage Ratio (LR) Exigence minimale Volant (valeur maximale)

13.0% 6.0% 7.0% 5.0-6.0% 3.0% 2.0-3.0%

UK

RWA Exigence minimale Volant (valeur maximale) Leverage Ratio (LR) Exigence minimale Volant (valeur maximale)

11.0% 6.0% 5.0% 3.875% 3.0% 0.875%

CH

Exigence minimale Volant (valeur visée) 3 Leverage Ratio (LR)

18.0-22.3% RWA (selon la remise 4 )

6.75-8.0% LR (selon la remise 4 )

11.5% 1.5% 4.5% 1.5% 7.0% 5.0-6.0% 3.0% 2.0-3.0%

2.0% 2.0%

9.5% 4.5% 5.0% 3.250% 2.375% 0.875%

2.0% 2.0%

1.5% 1.5%

18.0% RWA 5

9.5%-10.5% LR 5

0.625% 0.625%

20.6% RWA 6

9.5%-10.5% LR 6

1

La norme TLAC ne comporte que des exigences minimales et aucune exigence en matière de volant de fonds propres.

2

Volant de 4,0 % (y c. supplément G-SIB de 1,5 %) pour CS et de 3,5 % (y c. supplément G-SIB de 1,0 %) pour UBS

3

Sur la base des données publiées par la banque sur leur taille prévisible dans un avenir proche («valeur visée»)

4

Les remises sont possibles tant que les normes internationales minimales sont respectées.

5

Exigence plus élevée de 18 % (RWA) ou de 9,5 % (LR)

6

Exigence plus élevée de 2 x (pillar 1 + pillar 2A) ou de 2 x LR (LR minimal: 6,75 %)

Au niveau international, les mesures en cas de crise sont elles aussi, de longue date, au coeur des mesures prudentielles. Il s'agit par là de garantir à une banque d'importance systémique, en cas de défaillance, une sortie ordonnée du marché ainsi que le maintien de ses services d'importance systémique. C'est avec cet objectif que le CSF a adopté en novembre 2015 la norme minimale TLAC. Cette norme est censée permettre à une banque d'importance systémique mondiale d'engager des mesures d'assainissement ou de liquidation en échange d'une participation obligatoire des créanciers (bail-in).

Du fait des modifications des ordonnances entrées en vigueur le 1 er juillet 2016, la Suisse a été le premier pays à mettre en oeuvre la norme TLAC et, ainsi, à fixer des 4543

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exigences gone concern contraignantes pour les banques d'importance systémique mondiale, exigences qui vont au-delà de la norme internationale. Ce faisant, la Suisse comptera ­ probablement avec les États-Unis ­ parmi les pays les plus avancés au regard de ces exigences10. En raison des engagements à l'étranger particulièrement marqués des deux banques suisses d'importance systémique mondiale ainsi que des incertitudes et des risques qu'ils feraient peser en cas d'assainissement ou de liquidation, ces exigences gone concern relativement élevées s'imposent.

2) Mesures structurelles La comparaison internationale révèle que les diverses juridictions affichent des caractéristiques bien différentes dans les efforts qu'elles déploient sur le plan des mesures structurelles. Fondamentalement, l'accent porte sur la définition soit des activités à risque, soit des services bancaires d'importance systémique (les opérations de dépôt en général) et sur leur délimitation par rapport aux autres activités de la banque.

Aux États-Unis, les activités à risque (les opérations de négoce pour compte propre, par ex.) ne peuvent pas être exercées au sein d'une société holding qui, parallèlement, effectue des opérations de dépôt. La définition pourtant fort détaillée de cette interdiction présente un flou du fait de l'admission d'activités de market making qui, en pratique, sont difficilement distinguables des opérations de négoce pour compte propre.

À la différence des États-Unis, ce sont la définition et la délimitation de services bancaires centraux qui occupent le premier plan au Royaume-Uni. Aucun cloisonnement complet n'est toutefois exigé entre les activités d'importance systémique et les activités à risque, au motif que les activités diversifiées d'un groupe financier peuvent avoir un impact positif sur sa stabilité financière. Il est donc licite d'effectuer des opérations de dépôt au sein du groupe financier, mais elles doivent être localisées dans une unité distincte.

La Suisse suit en l'espèce une approche différente. Au nom du principe de subsidiarité, l'amélioration durable des possibilités d'assainissement et de liquidation est au coeur des mesures structurelles. La réglementation suisse applicable aux banques d'importance systémique ne prévoit ni d'interdire certaines activités ni de cloisonner des
activités commerciales particulières. L'essentiel des mesures structurelles est bien davantage axé sur la planification d'urgence et, par là même, en cas de crise, sur la poursuite des fonctions d'importance systémique en Suisse. Il sera ainsi possible aux établissements concernés d'adapter individuellement les mesures organisationnelles requises aux différents modèles d'affaires. C'est ainsi que les deux banques suisses d'importance systémique mondiale ont lancé chacune en 2015 (UBS) et en 2016 (CS) une nouvelle SA suisse, filiale à 100 % du holding bancaire, afin de lui transférer les fonctions d'importance systémique pour la Suisse.

10

Tel qu'il est prévu, le régime américain est supérieur aux normes internationales, du moins dans le domaine du ratio de levier (leverage ratio).

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3) Cadre juridique d'un régime efficace d'assainissement et de de liquidation Le CSF a défini les principaux éléments d'un régime efficace d'assainissement et de liquidation dans les Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions (key attributes). En révisant la LB, l'OB, l'OFR et en créant une ordonnance sur l'insolvabilité bancaire (ordonnance de la FINMA du 30 août 2012 sur l'insolvabilité bancaire [OIB-FINMA]11), la Suisse a transposé les prescriptions du CSF dans le droit national et posé ainsi les fondements juridiques d'une planification de la stabilisation, de l'assainissement et de la liquidation spécifique à chaque établissement. Selon une appréciation actuelle, la Suisse compte parmi les juridictions ayant déjà mis en oeuvre l'essentiel des normes internationales dans le domaine de l'assainissement et de la liquidation12. Il reste que les choses continuent d'évoluer à l'échelle internationale du fait d'approches réglementaires différentes et de disparités de fonctionnement des espaces juridiques, de sorte qu'il est probable que des adaptations périodiques de la législation suisse s'imposeront au fil des ans.

Évaluation L'analyse comparative internationale a confirmé que l'approche réglementaire de la Suisse à l'égard des banques d'importance systémique était propre à réduire le risque systémique. Dans l'ensemble, l'approche suisse est jugée positive en comparaison internationale et il n'est pas nécessaire de modifier fondamentalement le modèle suisse de réglementation.

2.2

Exigences de capital gone concern à remplir par les banques d'importance systémique nationale

Des exigences élevées en matière de capital going concern ne permettent pas toujours d'éviter un assainissement ou une liquidation. L'expérience montre qu'une forte capitalisation going concern est souvent insuffisante en cas de crise car les pertes risquent d'être sous-estimées et les méthodes de calcul (fondées sur des scénarios historiques) de ratios de fonds propres peuvent être erronées. Comme il est dit plus haut, les deux banques suisses d'importance systémique mondiale ont dès à présent l'obligation ­ en plus des exigences going concern ­ de détenir du capital gone concern. Ce dernier est censé faciliter l'assainissement de ces banques ou, au contraire, garantir la continuité des fonctions d'importance systémique pour la Suisse au sein d'une unité viable, tandis que les autres unités seront liquidées. Tant l'assainissement que la liquidation doivent être possibles sans avoir à mobiliser des fonds publics au niveau de la Confédération. Les instruments de bail-in constituent à cet égard le moyen le plus répandu à l'échelle internationale pour se procurer des capitaux à des fins d'assainissement. Ces instruments sont des créances envers la banque que la FINMA, en cas de défaillance de la banque, peut soit amortir (en partie), soit convertir en fonds propres. L'important étant que qu'au moment où 11 12

RS 952.05 Voir Second Thematic Review on Resolution Regimes, 18.3.2016 (www.fsb.org > Publications > 2016 > March).

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menace l'insolvabilité, la banque dispose de suffisamment d'instruments de bail-in ou de capital going concern excédentaire et que le caractère exécutoire de l'opération soit garanti.

Exigences de capital actuelles à remplir par les banques d'importance systémique Du fait des dispositions entrées en vigueur en juillet 2016 et qui prendront pleinement effet à fin 2019, les deux banques suisses d'importance systémique mondiale doivent remplir des exigences going concern égales à 14,3 % des actifs pondérés en fonction des risques (risk weighted assets, RWA) et à 5 % de ratio de levier (leverage ratio, LR). S'y ajoute une exigence gone concern de 14,3 % de RWA, qui peut être abaissée par la FINMA sous forme de remises individuelles, sans toutefois tomber en deçà de 10 % en application de la norme internationale. En matière de ratio de levier, l'exigence gone concern est de 5 %. Les banques d'importance systémique nationale doivent pour leur part satisfaire à des exigences going concern de 13,2 % de RWA et de 4,63 % de ratio de levier (Raiffeisen), ou de 12,9 % de RWA et de 4,5 % de ratio de levier (PostFinance, ZKB), sous réserve d'éventuelles décisions individuelles de la FINMA). Il n'existe pas encore d'exigences gone concern explicites pour les banques d'importance systémique nationale. Quant aux plus grandes banques d'importance non systémique, elles doivent satisfaire à des exigences going concern de 12 % de RWA. À la différence des banques d'importance systémique, les banques d'importance non systémique peuvent remplir partiellement cette exigence par des fonds propres complémentaires (tier 2), de moindre qualité.

Analyse de pertes historiques L'analyse de pertes historiques peut livrer d'importants indices pour estimer le niveau adéquat des exigences de capital à remplir par les banques d'importance systémique nationale.

Lors de l'interprétation de l'analyse de pertes historiques subies en Suisse et à l'étranger, il faut garder présent à l'esprit que l'environnement prudentiel a changé suite aux crises évoquées. En outre, le potentiel de perte de chaque banque dépend de son modèle d'affaires, ce qui, par principe, rend difficiles les comparaisons. Il n'empêche que les pertes ou les coûts d'assainissement et de liquidation persisteront dans des proportions similaires.

On a observé des pertes
substantielles de banques suisses en particulier durant la crise immobilière des années 90 dans le pays. Suite à cette crise, la Banque cantonale bernoise (BCBE), la Banque cantonale vaudoise (BCV) et la Banque cantonale de Genève (BCGE) ont subi des pertes nécessitant l'intervention des pouvoirs publics. La perte de la BCV a atteint par exemple 3,1 milliards de francs, soit 8 % du total du bilan. À l'époque, certes, on ne faisait pas encore état du ratio de levier, mais cette perte de 8 % au bilan peut servir de valeur indicative. Une telle perte n'aurait pas pu être absorbée, même en appliquant les exigences going concern actuelles auxquelles doivent satisfaire les deux banques suisses d'importance systémique mondiale.

L'analyse des pertes historiques de ces banques suisses livre de précieux indices sur le potentiel de perte des deux établissements prêteurs que sont la ZKB et Raiffeisen.

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En raison de son modèle commercial, PostFinance est un cas spécial, de sorte que la possibilité de comparaison avec les pertes historiques d'autres banques suisses est limitée.

De plus, on sait d'expérience que les coûts d'un assainissement ou d'une liquidation bancaire sont très élevés. Une étude de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) conclut que le coût de liquidation moyen de plus de 1000 insolvabilités bancaires examinées aux États-Unis entre 1986 et 2007 a dépassé 21 % des actifs13.

Un deuxième indice, plus récent, est fourni par les pertes de banques étrangères lors de la crise financière de 2007/2008. Les pertes essuyées par les établissements dont le modèle commercial et la structure juridique sont le mieux comparables à ceux des banques d'importance systémique nationale ont atteint jusqu'à 7 % des actifs pondérés en fonction des risques.

En résumé, retenons qu'avec les exigences de capital going concern actuelles, les banques d'importance systémique nationale seraient incapables d'absorber de telles pertes.

Importance systémique À la différence des banques d'importance non systémique, une liquidation ou un assainissement ordonnés en période de crise jouent un rôle éminent pour la stabilité financière. Aussi faut-il disposer en cas de gone concern de fonds suffisants pour faire face à l'éventualité d'un assainissement ou d'un transfert des fonctions d'importance systémique à une unité opérationnelle.

L'art. 60, al. 1, OB oblige les banques d'importance systémique à révéler comment elles entendent poursuivre leurs fonctions d'importance systémique en cas de menace d'insolvabilité. Cela ne peut réussir ­ d'après les enseignements tirés du plan d'urgence ­ que si la FINMA dispose au préalable de fonds de tiers suffisants (ou, éventuellement, d'une garantie équivalente) pouvant être convertis au besoin en fonds propres sans l'intervention de tiers.

Développements internationaux Dans l'UE, les exigences de capital gone concern sont prévues en principe pour toutes les banques et sont désignées pour chaque établissement comme des «exigences minimales pour les fonds propres et les engagements éligibles»14. Le Royaume-Uni a concrétisé ces exigences en publiant un projet de loi dans ce sens pour consultation. Les mesures en question portent sur une exigence de capital going concern doublée d'une exigence gone concern et répondent ainsi, en principe, aux 13

14

Rosalind L. Bennett et Haluk Unal, «The effects of resolution methods and industry stress on the loss on assets from bank failures», Journal of Financial Stability, volume 15, décembre 2014, p. 18 à 31.

Directive (UE) 2014/59 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n ° 1093/2010 et (UE) n ° 648/2012, JO L 173 du 12.6.2014, p. 190

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normes TLAC internationales. Elles distinguent différents cas en fonction de la taille. Le cas comparable aux banques suisses d'importance systémique nationale est celui des banques les plus grandes, fortes d'un total du bilan supérieur à 25 milliards de livres sterling. Pour ces banques, les exigences gone concern doivent refléter les exigences going concern minimales, ce qui équivaudrait pour les trois banques d'importance systémique nationale à une exigence gone concern d'au moins 8 % de RWA.

Avis des banques concernées Préalablement à la décision du Conseil fédéral, les banques d'importance systémique nationale ont eu l'occasion à plusieurs reprises de faire part aux représentants des autorités de leur point de vue sur les exigences de capital gone concern. Elles ont insisté en particulier sur les différences qui existent entre elles en matière de structure organisationnelle et de rapports de propriété. En outre, les établissements concernés ont souligné qu'ils se distinguent des banques suisses d'importance systémique mondiale par une organisation sensiblement moins complexe et une interdépendance internationale et financière moins forte.

Évaluation Le Conseil fédéral en vient à la conclusion que les exigences de capital gone concern s'imposent également aux banques d'importance systémique nationale.

1) Motifs Comme le montre l'analyse des crises passées, on ne saurait exclure pour les banques d'importance systémique nationale que des pertes puissent excéder les exigences going concern en vigueur.

Il est essentiel pour leur stabilité financière que les banques d'importance systémique puissent procéder en cas de crise à un assainissement ou à une liquidation ordonnés, et cela vaut aussi bien pour les banques d'importance systémique mondiale que pour les banques d'importance systémique nationale. Ces dernières n'étant encore soumises à aucune exigence explicite de capital gone concern, le maintien de leurs fonctions d'importance systémique ne peut être garanti.

À défaut d'exigences gone concern pour les banques d'importance systémique nationale, leurs exigences de capital sont à peine supérieures à celles des plus grandes banques d'importance non systémique. Or contrairement aux banques d'importance systémique, le rôle que jouent les banques d'importance non systémique au regard de la
stabilité financière est nettement plus faible. Par conséquent, la seule chose qui se justifie pour ces établissements est de renoncer à une composante de capital gone concern fixée par voie d'ordonnance.

2) Niveau des exigences de fonds propres pondérés en fonction des risques Par rapport aux deux banques d'importance systémique mondiale, les banques d'importance systémique nationale présentent nettement moins d'imbrications internationales et sont organisées de façon moins complexe. Ces facteurs simplifient 4548

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un assainissement ou une liquidation ordonnés en cas de crise et justifient des exigences de capital gone concern moins strictes.

Comme pour les banques d'importance systémique mondiale, les exigences de fonds propres gone concern pondérés en fonction des risques doivent refléter les exigences de fonds propres going concern pondérés en fonction des risques, mais à hauteur de 40 % seulement, afin de traduire dans les faits le moindre degré d'importance systémique et d'interdépendance internationale des banques d'importance systémique nationale. Aujourd'hui, cela reviendrait à fixer les exigences de fonds propres gone concern pondérés en fonction des risques à environ 5,3 % (Raiffeisen) et 5,2 % (PostFinance, ZKB) des actifs pondérés en fonction des risques.

Les allégements sous forme de remises consentis par la FINMA aux banques d'importance systémique mondiale pour leur permettre d'améliorer leur capacité à être assainies ou liquidées (en vertu de l'art. 10, al. 3, LB ou de l'art. 65 OB) ne sont pas applicables aux banques d'importance systémique nationale puisque leur meilleure capacité d'assainissement et de liquidation par rapport aux banques d'importance systémique mondiale a d'ores et déjà été prise en considération avec le régime des 40 % d'exigences de fonds propres.

Graphique 2 Exigences de capital going et gone concern à remplir par les banques suisses (pour CS et UBS sans les remises de la FINMA entrées en vigueur en juin 2016, catégories selon l'annexe 3 de l'OB) 30% 25% 20%

14.3% 5.3%

5.2%

14.3%

13.2%

12.9%

UBS / CS

Raiffeisen

15%

10% 5%

12.0%

11.2%

10.5%

0% ZKB / Banques de Banques de Banques de Postfinance la catégorie 3 la catégorie 4 la catégorie 5

Exigence going concern

Exigence gone concern

3) Exigences en termes de ratio de levier Bon nombre de crises bancaires ont mis en évidence l'importance de la complémentarité du ratio de levier et des exigences de fonds propres pondérés en fonction des risques pour l'absorption de pertes dans une banque affectée par une telle crise (going concern), mais également en cas d'assainissement ou de liquidation (gone concern). L'architecture des exigences TBTF adoptées en Suisse en 2016 repose 4549

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systématiquement sur ces deux piliers (conversion au moyen d'une densité RWA de 35 %).

C'est pourquoi il convient d'appliquer également le régime des 40 % d'exigences de capital gone concern au ratio de levier. À l'heure actuelle, cela se traduirait par des exigences de ratio de levier gone concern d'environ 1,9 % pour Raiffeisen et de 1,8 % pour PostFinance et la ZKB.

4) Mise en oeuvre en souplesse et taillée sur mesure Les trois banques d'importance systémique nationale montrent de nettes disparités quant à leur structure d'organisation (Raiffeisen, par ex., est une coopérative) et à leurs rapports de propriété (PostFinance, ZKB). Il faut prendre ces caractéristiques en considération en traitant ces établissements de manière individuelle et en faisant preuve de flexibilité dans la mise en oeuvre des mesures, notamment en termes de qualité et de spécificités des instruments gone concern à prendre en compte.

Les exigences gone concern doivent pouvoir être satisfaites en particulier par des fonds propres going concern excédentaires. Il sera fait application à cet égard d'un rapport d'imputation de fonds propres tier 1 sur les exigences gone concern de 2 à 3.

L'OFR en vigueur offre elle aussi des possibilités de tenir compte des particularités des banques d'importance systémique nationale. Notamment les emprunts assortis d'un abandon de créances (write-off-bonds) conviennent pour les banques dont la structure de propriété ne doit pas être modifiée après le bail-in. À cette fin, il est possible, dans le cadre juridique actuel, de faire en sorte que les emprunts bail-in soient entre les mains des pouvoirs publics.

Si une banque d'importance systémique nationale dispose d'une garantie explicite de l'État (au niveau cantonal) ou d'un mécanisme analogue, cet établissement remplira ainsi 50 % des exigences gone concern. Le degré de conformité pourra être relevé jusqu'à concurrence de 100 % des exigences gone concern pour autant que la totalité des fonds nécessaires provenant de la garantie de l'État ou du mécanisme analogue soit disponible à court terme et accessible à la FINMA en cas de crise sans que la banque ou des tiers n'aient à intervenir. De plus, l'octroi d'un délai de transition prolongé, soit sept ans, permettra de constituer (en partie du moins) des fonds propres par rétention de bénéfices.
5) Objections des banques concernées Le Conseil fédéral estime que la voie choisie pour définir les exigences de capital gone concern prend en considération certaines réticences exprimées par les banques concernées. Les banques d'importance systémique nationale se sont engagées en faveur d'exigences nettement moins strictes. En outre, la dotation en fonds propres going concern, actuellement élevée, que privilégient les banques est sous-tendue par la possibilité d'une compatibilité plus que proportionnelle avec les exigences gone concern. La prise en compte (partielle) d'une garantie explicite de l'État ou d'un mécanisme analogue est également prévue. Grâce à ces mesures, l'émission de bailin-bonds ou de write-off-bonds convertibles en fonds propres ne serait plus impérative.

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2.3

La question de l'impôt sur le bénéfice dans le contexte de l'émission de TLAC à l'échelon de la société faîtière d'un groupe

En vertu de la législation fiscale en vigueur, les intérêts d'emprunts conditionnels à conversion obligatoire (contingent convertible bonds, CoCo), de write-off-bonds et de bail-in-bonds constituent une charge de financement prise en compte proportionnellement dans le cadre de la réduction pour participations. Cette diminution de la réduction pour participations est inhérente au système. L'ensemble des intérêts sur les fonds de tiers conduisent dans toutes les sociétés de capitaux et les coopératives à une diminution du produit brut des participations et, partant, de la réduction pour participations. Du fait du transfert intragroupe des fonds, le total des actifs de la société faîtière augmente, ce qui a également un impact sur la réduction pour participations. À l'échelon d'une société faîtière d'un groupe bancaire ayant émis des CoCo, des write-off bonds et des bail-in-bonds et inscrit à l'actif les fonds transférés au sein du groupe, ce système peut donc entraîner, dans le cadre de l'impôt fédéral et des impôts cantonaux sur le bénéfice, une augmentation de la charge fiscale grevant le rendement des participations.

Cette augmentation de la charge des impôts directs tient finalement au fait que le droit de surveillance oblige certaines banques d'importance systémique à émettre de tels instruments financiers dans une certaine mesure, et que cette émission doit s'effectuer ­ également pour des raisons de droit de surveillance ­ par l'entremise de la société faîtière sise en Suisse d'un groupe bancaire. Les banques d'importance systémique concernées ne sont pas non plus à même de résoudre le problème en émettant les instruments financiers par l'intermédiaire d'une autre société du groupe, notamment via une société à objet unique créée à cette fin.

Pour les établissements émetteurs concernés, le système décrit plus haut peut donc entraîner un alourdissement de l'impôt sur le bénéfice à hauteur de plusieurs centaines de millions de francs par an. Cet alourdissement de la charge fiscale a pour corollaire une érosion des fonds propres, ce qui est contraire aux objectifs de la réglementation des banques d'importance systémique.

Évaluation Les instruments de financement évoqués servent à réduire le risque systémique inhérent au secteur bancaire. Mais du fait de la législation fiscale qui prévaut,
l'émission de ces instruments de financement engendre pour les sociétés faîtières de banques d'importance systémique une charge fiscale accrue sur les produits des participations, en contradiction avec l'objectif de la réglementation des banques d'importance systémique, à savoir renforcer la base de fonds propres des établissements.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral a décidé le 30 septembre 2016 d'éliminer d'emblée, au regard de l'impôt sur le bénéfice, l'effet des CoCo, des write-offbonds et des bail-in-bonds sur la réduction pour participations des sociétés faîtières de groupes bancaires. Les paiements d'intérêts des CoCo, des write-offbonds et des bail-in-bonds ainsi que les fonds inscrits à l'actif transférés au sein du groupe ne seront pas pris en compte dans le calcul de la réduction pour parti4551

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cipations au niveau des sociétés faîtières, si bien que cette réduction ne sera pas restreinte.

La solution proposée a pour but d'empêcher que la charge fiscale qui pèse sur la société faîtière d'une banque d'importance systémique ne croisse du fait de l'émission de CoCo, write-off-bonds et bail-in-bonds, ce qui serait contraire aux objectifs prudentiels.

Le 9 juin 2017, le Conseil fédéral a ouvert la consultation sur ce projet de loi portant sur l'imposition du bénéfice.

2.4

Législation sur l'assainissement et l'insolvabilité bancaires

La législation sur l'assainissement et l'insolvabilité bancaires est régie aux art. 25 ss LB et dans l'OIB-FINMA. Sur le principe, les bases légales en vigueur offrent un cadre suffisant pour l'assainissement et la liquidation d'établissements financiers.

Ainsi, les key attributes édités par le CSF en 2014 ont été transposés dans le droit suisse sur l'insolvabilité bancaire. Cependant, des ajouts ponctuels s'imposent pour améliorer la sécurité juridique et l'applicabilité d'un assainissement. C'est ainsi que le Conseil fédéral, dans son message du 4 novembre 2015 concernant la loi sur les services financiers (LSFin) et la loi sur les établissements financiers (LEFin) 15, a rajouté après la consultation une partie consacrée à une législation remaniée sur l'assainissement et l'insolvabilité bancaires. Afin d'améliorer la sécurité juridique, diverses dispositions de l'OIB-FINMA, entre autres, ont été reprises dans la LB (voir message, avec justification détaillée).

En l'état actuel de la procédure parlementaire, il y a tout lieu de penser que ce volet du projet de LSFin/LEFin sera renvoyé au Conseil fédéral. Dans ce cas, celui-ci élaborera dans les meilleurs délais un projet remanié de législation sur l'assainissement et l'insolvabilité bancaires pour consultation.

Soulignons enfin que le droit en vigueur ne prévoit pour les intermédiaires financiers aucune obligation systématique de conserver séparément leurs propres actifs et les actifs de leurs clients (ségrégation) tout au long de la chaîne de conservation en Suisse. Sachant que deux des plus grands gérants de fortune de la planète, à savoir CS et UBS, sont domiciliés en Suisse, il convient de combler cette lacune en instaurant une obligation légale, formelle, de ségrégation couvrant tous les maillons de la chaîne de conservation.

15

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FF 2017

Évaluation Le besoin d'adaptation constaté dans le domaine de l'assainissement et de l'insolvabilité bancaires sera concrétisé soit dans le projet LSFin/LEFin, soit dans un projet séparé du Conseil fédéral destiné à la consultation. Le 15 février 2017, le Conseil fédéral a décidé de combler cette lacune réglementaire en matière de ségrégation et a chargé le DFF d'élaborer un projet destiné à la consultation avant fin novembre 2017.

2.5

Réduction pour participations et octroi d'assouplissements

Conformément à l'OFR, les participations dans des entreprises à consolider qui opèrent dans le secteur financier doivent être déduites totalement du capital de la banque qui détient ces participations. Dans le cas des maisons mères de banques suisses d'importance systémique mondiale, ce sont surtout les filiales fortement capitalisées aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais aussi, désormais, en Suisse qui entrent en considération. Sachant qu'en application stricte du système de réduction, la base de capital accuse, arithmétiquement parlant, une forte érosion dans chaque établissement pris individuellement, le législateur a contraint la FINMA à accorder des assouplissements aux banques suisses d'importance systémique mondiale, à condition que celles-ci prouvent avoir pris les mesures qui peuvent raisonnablement être attendues d'elles pour éviter l'élévation du niveau des exigences à l'échelon du groupe financier.

La FINMA accorde aujourd'hui des assouplissements matériels dont les banques ne sont toutefois pas tenues de faire état sur le plan quantitatif. Ce sont surtout les exigences de fonds propres à remplir par les filiales aux États-Unis et au RoyaumeUni, qui ont été fortement resserrées récemment, qui avaient déjà conduit la FINMA à admettre (au sens d'un assouplissement pour ainsi dire) une pondération partielle accrue des risques inhérents aux participations à la charge de la réduction pour participations. Ce système mixte alliant réduction pour participations et pondération des risques se révèle être d'une application complexe et opaque, au demeurant difficilement comparable dans le contexte international.

Évaluation Le passage, pour toutes les banques, à une pondération cohérente des risques liés aux participations détenues dans des entreprises à consolider opérant dans le secteur financier permettrait d'abandonner la pratique de l'octroi automatique d'assouplissements pour les maisons-mères.

Le Conseil fédéral charge le DFF de vérifier les régimes de réduction pour participations en vigueur (art. 32 OFR) et d'octroi d'assouplissements (art. 125 OFR) et de proposer d'éventuelles adaptations.

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FF 2017

3

Résumé des actions requises

Le Conseil fédéral est convaincu que les très grands établissements financiers en comparaison internationale et par rapport à la taille du pays jouent un rôle essentiel dans la stabilité financière de la Suisse. Cette stabilité peut être particulièrement menacée par une banque d'importance systémique confrontée à une situation d'urgence.

Toutefois, l'approche suisse suivie dans le désamorçage du problème des banques d'importance systémique, qui combine différentes mesures et s'est développée au fil des ans, est jugée positive et adéquate en comparaison internationale. Une réorientation fondamentale de cette politique ne s'impose pas.

Le Conseil fédéral n'en conclut pas moins qu'il faut imposer des exigences de capital gone concern aux banques d'importance systémique nationale. C'est pourquoi, avec la participation de la FINMA et de la BNS, et après avoir entendu les banques concernées, il a fixé les paramètres esquissés au ch. 2.2 du présent rapport.

Le Conseil fédéral entrevoit en outre la nécessité d'ajuster la réduction pour participations dans le contexte de la réglementation des banques d'importance systémique.

Il s'agirait d'alléger la charge fiscale grevant certains instruments financiers, de telle sorte qu'elle n'entrave pas le renforcement des fonds propres des banques d'importance systémique. Il est en outre prévu de combler la lacune de réglementation en matière de ségrégation.

4

Travaux et calendrier

Le Conseil fédéral a chargé le DFF d'élaborer d'ici au 28 février 2018 un projet destiné à la consultation concernant les exigences de capital gone concern à remplir par les banques d'importance systémique nationale, et ce, à partir des paramètres exposés dans le présent rapport d'évaluation. Dans le cadre de ces travaux, le DFF examinera la réglementation en vigueur concernant la réduction pour participations (art. 32 OFR) et l'octroi d'assouplissements (art. 125 OFR) et proposera le cas échéant des modifications au Conseil fédéral.

Le projet destiné à la consultation que le Conseil fédéral a adopté le 9 juin 2017 a d'ores et déjà répondu au besoin d'action concernant l'impôt sur le bénéfice. Les mesures jugées nécessaires dans le domaine de l'assainissement et de l'insolvabilité bancaires seront mises en oeuvre soit dans le projet LSFin/LEFin, soit dans un projet séparé du Conseil fédéral qui sera soumis à la consultation. En ce qui concerne la lacune de réglementation en matière de ségrégation, le Conseil fédéral a déjà chargé le DFF le 15 février 2017 d'élaborer un projet destiné à la consultation avant fin novembre 2017.

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