17.029 Message concernant l'approbation et la mise en oeuvre de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (convention Médicrime) du 22 février 2017

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (convention Médicrime), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 février 2017

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2016-1506

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Condensé La convention du Conseil de l'Europe du 28 octobre 2011 sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (convention Médicrime) est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. La convention vise à lutter contre la contrefaçon de médicaments et de dispositifs médicaux. Les Etats Parties s'engagent à adapter leur législation aux infractions en relation avec la fabrication, l'offre et le commerce de produits thérapeutiques contrefaits, à protéger les droits des victimes et à collaborer entre eux. La Suisse remplit déjà largement les exigences de la convention; seules quelques adaptations ponctuelles du code de procédure pénale et de la loi sur les produits thérapeutiques sont nécessaires pour renforcer la lutte contre la contrefaçon de produits thérapeutiques.

Contexte La contrefaçon de produits thérapeutiques constitue un risque grave pour la santé.

Elle prolifère dans le monde en raison du risque relativement faible de poursuite et de sanction pénales comparé aux énormes gains financiers potentiels. Le commerce par Internet lui donne une portée mondiale.

Visant à agir au niveau international contre la contrefaçon de produits thérapeutiques et les infractions similaires, la convention Médicrime prévoit des mesures de lutte répressives et préventives. La Suisse a signé la convention le 28 octobre 2011 à Moscou. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

Par ailleurs, des interventions parlementaires ont demandé au Conseil fédéral de s'exprimer sur une éventuelle restriction des possibilités d'importation, par les particuliers, de médicaments non autorisés en Suisse (question Hardegger 12.1065 «Mettre fin à l'importation par des particuliers de médicaments prêts à l'emploi non autorisés», interpellation Kessler 12.3746 «Médicaments de mauvaise qualité importés d'Inde. Des risques pour la santé et des coûts élevés»).

Contenu du projet La convention Médicrime érige en infractions pénales les actes liés à la fabrication, à l'offre et au commerce de médicaments et de dispositifs médicaux (produits thérapeutiques) contrefaits. Elle prévoit des mesures de prévention et de protection des victimes. Elle règle également la coopération entre autorités compétentes au niveau national et international. La protection des brevets et le droit de la propriété
intellectuelle sont expressément exclus du champ d'application de la convention.

La Suisse répond déjà largement aux exigences de la convention. Différents éléments (p. ex. l'adaptation des dispositions pénales) ont déjà été transposés dans le droit suisse lors de la révision ordinaire de la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh, 2e étape, cf. message du Conseil fédéral du 7 novembre 2012, FF 2013 1).

Des adaptations supplémentaires de la LPTh ainsi que du code de procédure pénale

2946

(CPP) sont effectuées dans le cadre du présent projet d'approbation et de mise en oeuvre de la convention Médicrime, notamment: ­

la définition du terme «distribution» est complétée;

­

une base légale concernant l'apposition de dispositifs de sécurité sur les emballages de médicaments est créée;

­

l'échange d'informations entre les autorités et les entreprises concernées est amélioré;

­

l'Institut suisse des produits thérapeutiques (institut), est désigné comme point de contact national;

­

la compétence de l'institut et de l'Administration fédérale des douanes d'ordonner certaines mesures de surveillance secrètes est prévue;

­

les procédures pénales nécessitant des mesures de surveillance secrètes particulièrement incisives, comme notamment une surveillance de la correspondance ou une investigation secrète, seront transmises par l'institut ou l'Administration fédérale des douanes au Ministère public de la Confédération. Les affaires d'envergure internationale ou de grande complexité pourront également être transmises au Ministère public de la Confédération;

­

un complément est apporté au CPP afin de permettre la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication ainsi que le recours à des investigations secrètes concernant des infractions liées aux produits thérapeutiques.

La ratification de la convention Médicrime et les modifications législatives prévues dotent la Suisse des instruments nécessaires à une lutte renforcée contre la contrefaçon de produits thérapeutiques.

Se fondant sur les résultats de la procédure de consultation, le Conseil fédéral va par ailleurs examiner l'option de limiter les possibilités pour les particuliers d'importer des médicaments par poste, dans le cadre de l'adaptation des dispositions d'exécution, une modification de la loi n'étant à cet égard pas nécessaire.

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Table des matières Condensé

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1

2951 2951 2951

2

Présentation de la convention 1.1 Contexte et élaboration de la convention 1.1.1 Contexte général 1.1.2 Mesures de lutte contre la contrefaçon de produits thérapeutiques au niveau international 1.1.3 Elaboration de la convention 1.2 Aperçu du contenu de la convention 1.3 Appréciation de la convention 1.4 Relation avec le droit de l'Union européenne 1.5 Importation par les particuliers de médicaments non autorisés 1.6 La procédure de consultation Les dispositions de la convention et leur relation avec la législation suisse 2.1 Chapitre I: Objet, but et terminologie 2.1.1 Objet et but (art. 1) 2.1.2 Principe de non-discrimination (art. 2) 2.1.3 Champ d'application (art. 3) 2.1.4 Définitions (art. 4) 2.2 Chapitre II: Le droit pénal matériel 2.2.1 Fabrication de contrefaçons (art. 5) 2.2.2 Fourniture, offre de fourniture et trafic de contrefaçons (art. 6) 2.2.2.1 Prescriptions de la convention 2.2.2.2 Adaptation de l'art. 4, al. 1, let. e, LPTh 2.2.3 Falsification de documents (art. 7) 2.2.4 Infractions similaires menaçant la santé publique (art. 8) 2.2.5 Complicité et tentative (art. 9) 2.2.6 Compétence (art. 10) 2.2.7 Responsabilité des personnes morales (art. 11) 2.2.8 Sanctions et mesures (art. 12) 2.2.9 Circonstances aggravantes (art. 13) 2.2.10 Condamnations antérieures (art. 14) 2.3 Chapitre III: Enquêtes, poursuites pénales et droit procédural 2.3.1 Mise en oeuvre et suite de la procédure (art. 15) 2.3.2 Enquêtes pénales (art. 16) 2.3.2.1 Prescriptions de la convention 2.3.2.2 Compléments à apporter au CPP (art. 269, al. 2, let. k, et 286, al. 2, let. i) 2.3.2.3 Modifications de la LPTh (art. 90, al. 4, et 90a à 90c)

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2.4

Chapitre IV: Coopération des autorités et échange d'informations (art. 17) 2.4.1 Exigences de la convention 2.4.2 Modifications de la LPTh (art. 59, al. 3bis, 62b et 69, al. 4, LPTh) 2.5 Chapitre V: Mesures de prévention (art. 18) 2.5.1 Exigences de la convention 2.5.2 Modifications de la LPTh (art. 17a et 18, al. 1 et 2, LPTh) 2.6 Chapitre VI: Mesures de protection 2.6.1 Protection des victimes (art. 19) 2.6.2 Statut des victimes dans les enquêtes et procédures pénales (art. 20) 2.7 Chapitre VII: Coopération internationale 2.7.1 Coopération internationale en matière pénale (art. 21) 2.7.2 Coopération internationale aux fins de la prévention et d'autres mesures administratives (art. 22) 2.8 Chapitre VIII: Mécanisme de suivi (art. 23 à 25) 2.9 Chapitre IX: Relations avec d'autres instruments internationaux (art. 26) 2.10 Chapitre X: Amendements à la convention (art. 27) 2.11 Chapitre XI: Clauses finales (art. 28 à 32) 2.12 Modifications de la LPTh purement formelles (art. 29, 75a, al. 3, et 90, al. 1, LPTh)

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3

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour la Principauté de Liechtenstein 3.3 Conséquences pour les cantons et les communes 3.4 Conséquences économiques

2980 2980 2981 2981 2981

4

Relation avec le programme de la législature

2982

5

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Forme de l'acte à adopter et de l'acte de mise en oeuvre 5.4 Délégation de compétences législatives 5.5 Conformité à la législation sur la protection des données 5.6 Frein aux dépenses

2982 2982 2983 2983 2983 2984 2984

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Arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (Convention Médicrime) (Projet)

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Convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (Convention Médicrime)

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Message 1

Présentation de la convention

1.1

Contexte et élaboration de la convention

1.1.1

Contexte général

La contrefaçon de médicaments et de dispositifs médicaux (produits thérapeutiques) ainsi que les infractions similaires sont une forme de criminalité particulièrement grave. Elles menacent la santé publique et trompent les personnes qui en sont victimes. D'une part, les patients s'attendent à une amélioration de leur état de santé alors que les produits sont peu sûrs ou inefficaces, voire dangereux. D'autre part, les fabricants de contrefaçons trompent ceux qui acquièrent des produits ne répondant pas aux exigences de conformité. Jusqu'à présent, les bénéfices que rapportent ces activités illégales l'emportent de beaucoup, aux yeux des trafiquants, sur le risque de poursuite pénale et sur les sanctions encourues. Comme pour les autres formes de commerce illégal, la criminalité transfrontalière dans le domaine des produits thérapeutiques a proliféré avec l'avènement du commerce électronique, rendant la tâche plus difficile aux autorités d'investigation et de poursuite pénales.

Dans le cadre d'une étude menée en 2008 par la European Alliance for Access to Safe Medicines, 30 médicaments remis sur ordonnance fréquemment achetés ont été commandés auprès d'une centaine de pharmacies en ligne. L'étude a montré que plus de 60 % des médicaments livrés étaient des contrefaçons et que la majorité (95,6 %) des pharmacies en ligne opéraient illégalement1.

En 2014, les administrations douanières de l'UE ont intercepté 2,8 millions de médicaments contrefaits, représentant 8 % des contrefaçons interceptées et figurant au troisième rang des marchandises confisquées2. Dans un rapport publié en 2006, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) constatait que, dans les pays industrialisés dotés de systèmes efficaces de surveillance du marché, les médicaments contrefaits représentent moins de 1 % du marché. Dans certains pays d'Amérique latine, du Sud-Est asiatique et d'Afrique en revanche, les recherches menées par l'OMS et l'Organisation pour la coopération économique et le développement (OCDE) font état d'une part de plus de 30 %3.

Même si les médicaments contrefaits ne sont pas toujours destinés au marché suisse, ils apparaissent parfois dans notre pays. C'est ainsi qu'en février 2010, plus de 17 000 boîtes de médicaments contrefaits contre la thrombose et contre la schizophrénie ont été saisies lors d'un contrôle douanier à Genève. Au printemps 2012, un médicament anticancéreux contrefait sans principe actif a été détecté dans la chaîne 1 2 3

European Alliance for Access to Safe Medicines: The Counterfeiting Superhighway, 2008, disponible sous www.eaasm.eu > News & Media > Reports (état: 13.12.2016) Communiqué de presse de la Commission européenne du 27.10.2015, disponible sous www.europa.eu > Commission européenne > Communiqués de presse (état 13.12.2016) L'OMS et ses partenaires accélèrent la lutte contre les médicaments contrefaits (2006), disponible sous www.who.int > Centre des médias > Informations > Communiqués de presse > Archives (état 13.12.2016)

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de distribution légale aux Etats-Unis. Les traces remontant à la source passent par plusieurs pays, dont la Suisse, où le médicament n'a toutefois pas été commercialisé.

Récemment, des contrefaçons provenant d'Inde d'un médicament contre l'hépatite, ont été importées en Israël par une société commerciale suisse. Dans l'UE également, des médicaments contrefaits introduits dans la chaîne de distribution légale ont été découverts.

La contrefaçon de médicaments peut prendre des formes très diverses: certains produits contrefaits ont le même aspect, les mêmes indications et le même principe actif que le produit original, d'autres contiennent des substances nuisibles pour la santé ou sont surdosés ou sous-dosés. Tous ont en commun le fait de tromper sur leur contenu ou leur provenance. Les contrefaçons ne concernent pas seulement des médicaments liés au mode de vie, tels que les médicaments contre la dysfonction érectile ou le surpoids, mais aussi des médicaments anticancéreux, des antibiotiques, des antipaludéens, des antituberculeux ou des médicaments contre le VIH/SIDA. Ils présentent des risques graves notamment pour les patients atteints d'une affection progressive comme le cancer ou l'hépatite qui recourent à des préparations inefficaces. Dans le cas d'antibiotiques et d'antipaludéens sous-dosés, la contrefaçon favorise l'apparition de résistances.

La question Hardegger (12.1065) du 14 juin 2012 «Mettre fin à l'importation par des particuliers de médicaments prêts à l'emploi non autorisés» et l'interpellation Kessler (12.3746) du 20 septembre 2012 «Médicaments de mauvaise qualité importés d'Inde. Des risques pour la santé et des coûts élevés» traitent de l'importation par des particuliers de médicaments dangereux pour la santé. Dans ses réponses, le Conseil fédéral a annoncé qu'il évaluera s'il y a lieu d'agir dans le cadre des travaux sur la ratification de la convention Médicrime (cf. ch. 1.5).

1.1.2

Mesures de lutte contre la contrefaçon de produits thérapeutiques au niveau international

La contrefaçon de produits thérapeutiques est un phénomène mondial qui nécessite une action coordonnée au niveau international. Outre les activités du Conseil de l'Europe qui ont abouti à la présente convention, la contrefaçon de produits thérapeutiques a fait l'objet de travaux dans d'autres organisations internationales.

Dans le cadre de l'OMS, un comité sur les produits médicaux de qualité inférieure, faux, faussement étiquetés, falsifiés et contrefaits (SSFFC) a été établi en mai 2012.

Son but est de renforcer la collaboration internationale à ce sujet, pour une meilleure protection de la santé publique dans le monde entier.

En avril 2011, la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale des Nations Unies (Commission on Crime Prevention and Criminal Justice, CCPCJ) a adopté une résolution appelant les organismes des Nations Unies, d'autres organisations internationales telles que l'OMS, l'Organisation mondiale des douanes et

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INTERPOL, de même que les autorités nationales, à collaborer pour lutter contre la criminalité organisée active dans le domaine des produits thérapeutiques4.

Par ailleurs, INTERPOL mène régulièrement des opérations de grande envergure contre la vente en ligne illégale de médicaments telle que l'Opération Pangea avec les autorités douanières et sanitaires de nombreux pays, la police et l'économie privée. En 2015, 20 millions de médicaments illégaux ont été saisis dans le cadre de PANGEA VIII à laquelle 115 pays, dont la Suisse, ont participé; 2414 sites Internet ont été fermés5. Lors de cette opération, les autorités suisses ont saisi 66 envois contenant des produits potentiellement dangereux6.

1.1.3

Elaboration de la convention

Le Conseil de l'Europe, par l'intermédiaire de la Direction européenne de la qualité du médicament & soins de santé (European Directorate for the Quality of Medicines and HealthCare, EDQM), veille depuis plusieurs décennies à l'amélioration et à l'harmonisation des standards en matière d'approvisionnement en produits thérapeutiques. La problématique des contrefaçons et des infractions similaires y fait l'objet de préoccupations et d'études depuis de nombreuses années7.

L'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté trois recommandations, entre 2004 et 2007, reconnaissant en substance que l'augmentation rapide des contrefaçons en Europe exige une intervention des pouvoirs publics et l'élaboration d'une convention internationale8.

Dès 2007, deux groupes d'experts, mandatés par le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), ont élaboré un projet de convention. Une fois adopté par les organes compétents, le texte a été ouvert à la signature le 28 octobre 2011 à Moscou. La Suisse l'a signé à cette occasion. La convention est entrée en vigueur le 1er janvier 2016 et a été ratifiée à ce jour par neuf Etats9.

4 5 6 7 8

9

Résolution 20/6 de la commission pour la prévention du crime et la justice pénale intitulée «Lutte contre les médicaments frauduleux, en particulier leur trafic» Communiqué d'Interpol du 18 juin 2015, disponible sous www.interpol.int > Centre des médias > Nouvelles (état 13.12.2016) Communiqué de presse de l'institut du 18 juin 2015, disponible sous www.swissmedic.ch > Actualité > Communications (état 13.12.2016) Cf. Counterfeit medicines ­ Survey Report, Harper, Gellie, publication du Conseil de l'Europe, 2006 Recommandation 1673 (2004), La contrefaçon: problèmes et solutions; recommandation 1793 (2007), Nécessité d'une convention du Conseil de l'Europe relative à la suppression de la contrefaçon et du trafic de produits contrefaits; recommandation 1794 (2007), La qualité des médicaments en Europe, toutes disponibles sous http://assembly.coe.int > Documents > Recommendation (état 13.12.2016) Etat: décembre 2016. Etat des signatures et ratifications cf. http://www.coe.int > Full list > Details of Treaty no. 211; on trouve le texte de la convention et son rapport explicatif sous http://www.coe.int > Droits de l'Homme > Etat de Droit > Contrefaçon de produits médicaux (Médicrime), (état 13.12.2016)

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1.2

Aperçu du contenu de la convention

Le champ d'application de la convention Médicrime est limité à la protection de la santé publique; les atteintes à la propriété intellectuelle en sont expressément exclues (art. 3).

La convention contient en premier lieu des dispositions pénales matérielles qui visent à harmoniser le droit pénal des Etats. Les Parties s'engagent notamment à sanctionner la fabrication de produits thérapeutiques contrefaits (art. 5), la fourniture, l'offre de fourniture et le trafic de produits thérapeutiques contrefaits (art. 6), la falsification de documents (art. 7), la fabrication ou la fourniture non autorisée de produits thérapeutiques et la mise sur le marché de dispositifs médicaux ne remplissant pas les exigences de conformité (art. 8).

La convention contient ensuite des règles relatives aux enquêtes et aux poursuites pénales, mentionnant en particulier les recours à des enquêtes discrètes (art. 15 et 16).

Elle traite également de la coopération nationale (art. 17) et prévoit une coopération internationale en matière pénale et administrative (art. 21 et 22).

La convention prévoit enfin des mesures préventives concernant la qualité et la sécurité des produits, la sûreté de la distribution, ainsi que concernant la formation des professionnels, l'information du public (art. 18) et la protection des victimes (art. 19 et 20).

1.3

Appréciation de la convention

La convention Médicrime est la première convention internationale dans ce domaine, élaborée pour répondre aux défis spécifiques que pose la contrefaçon de produits thérapeutiques à la communauté internationale. Comme le phénomène a pris une importance considérable ces dernières années, on ne peut qu'approuver l'existence d'une convention visant à harmoniser les législations nationales des Etats d'Europe et du monde entier, la ratification étant également ouverte aux Etats nonmembres du Conseil de l'Europe.

Dans le trafic de produits thérapeutiques, les circuits de distribution sont souvent délibérément aussi compliqués que possible: ils passent par plusieurs pays pour brouiller les pistes et exploiter les failles de l'échange d'informations entre Etats.

C'est pourquoi l'un des objectifs de la convention est d'améliorer la collaboration nationale et internationale entre autorités et avec les entreprises concernées. Elle traite également des moyens de surveillance dans le cadre des enquêtes pénales.

La loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques (LPTh)10 et ses ordonnances d'application permettent déjà la poursuite pénale de la contrefaçon de produits thérapeutiques. En outre, le principe du point de contact national est déjà appliqué; il pourra être inscrit dans la loi à la faveur de la mise en oeuvre de la convention. Enfin, quelques adaptations ponctuelles de la LPTh et du code de procédure 10

RS 812.21

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pénale (CPP)11 sont prévues pour renforcer la lutte contre la contrefaçon de produits thérapeutiques.

La convention Médicrime a soulevé certaines critiques, en particulier celle d'entraver le commerce légal de produits thérapeutiques12. Leurs auteurs craignent que des erreurs involontaires, comme il peut en survenir dans n'importe quelle entreprise, soient incriminées ou que le commerce des génériques soit limité. Or la convention ne qualifie pas de contrefaçon un produit du seul fait qu'il n'est pas autorisé dans un Etat ou qu'il est l'objet d'un trafic. De même, un produit thérapeutique dont la commercialisation est en principe légale mais qui ne répond pas aux spécifications techniques n'est pas considéré comme une contrefaçon lorsque cet écart n'est pas délibéré. Les critiques s'avèrent dès lors infondées, comme le démontre la pratique des autorités suisses qui poursuivent déjà la fabrication et la mise sur le marché de contrefaçons, et appliquent donc déjà la convention sur la base du droit actuel, sans créer les effets préjudiciables évoqués.

1.4

Relation avec le droit de l'Union européenne

La mise en oeuvre de la convention Médicrime ne pose pas de problème de compatibilité avec le droit de l'UE. De nombreux Etats membres de l'UE ont signé la convention, quatre l'ont déjà ratifiée.

Le 27 mai 2011, l'UE a adopté une directive relative à la prévention de l'introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne de distribution légale (directive 2011/62/UE)13, axée sur la prévention. La directive prévoit, entre autres, l'apposition de dispositifs de sécurité sur les emballages des médicaments soumis à ordonnance, permettant de détecter les médicaments contrefaits introduits dans la chaîne de distribution légale au plus tard au moment de leur remise. Les détails techniques de mise en oeuvre sont prévus dans un acte délégué14 qui entrera en vigueur début 2019.

La Suisse n'est pas tenue de se conformer aux exigences prescrites par la directive.

Cependant, lors de la consultation des milieux intéressés, de nombreux acteurs 15 ont exprimé le souhait que la Suisse se dote d'une réglementation analogue à celle de l'UE concernant les dispositifs de sécurité sur les emballages. Une nouvelle base 11 12

13

14

15

RS 312.0 Cf. p. ex. Amir Attaran, Roger Bate: «Why and How to Make an International Crime of Medicine Counterfeiting» (Journal of International Criminal Justice (2011) et «A counterfeit treaty: great idea, wrong implementation» (Lancet, 2010) Directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en ce qui concerne la prévention de l'introduction dans la chaîne d'approvisionnement légale de médicaments falsifiés, JO L 174 du 1 er juillet 2011, p. 74 Règlement délégué (UE) 2016/161 de la Commission du 2 octobre 2015 complétant la directive 2001/83/CE du Parlement et du Conseil en fixant les modalités des dispositifs de sécurité figurant sur l'emballage des médicaments à usage humain, JO L 32 du 9 février 2016, p. 1 Canton de FR, PS, Centre Patronal, Fédérations des Entreprises Romandes, Groupement Romand de l'Industrie Pharmaceutique, pharmalog, Société des pharmaciens du canton de Fribourg, Société Suisse des Pharmaciens.

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légale dans la LPTh est dès lors proposée à cette fin. Contrairement au droit de l'UE, il est prévu que l'apposition de dispositifs de sécurité et leur vérification soient facultatives en Suisse, en ménageant au Conseil fédéral la possibilité de rendre le système obligatoire par voie d'ordonnance (cf. ch. 2.5.2).

D'autres mesures prévues par la directive 2011/62/UE, tels que le contrôle des activités des courtiers ou l'optimisation de l'échange d'informations, sont prévues dans le présent projet de mise en oeuvre de la convention (cf. ch. 2.2). Des adaptations supplémentaires pourront être effectuées si nécessaire au niveau des ordonnances.

1.5

Importation par les particuliers de médicaments non autorisés

La LPTh prévoit que seuls les médicaments dont la mise sur le marché est autorisée en Suisse ou qui ne sont pas soumis à une autorisation de mise sur le marché peuvent être importés (art. 20, al. 1, LPTh). Le Conseil fédéral peut cependant autoriser l'importation, en petites quantités, de médicaments non autorisés, notamment par les particuliers pour leur consommation personnelle (art. 20, al. 2, LPTh). Le Conseil fédéral a fait usage de cette compétence et a prévu des exceptions pour certaines catégories de médicaments (médicaments contenant des OGM notamment, cf. art.

36, al. 1, de l'ordonnance du 17 octobre 2001 sur les autorisations dans le domaine des médicaments, OAMéd16). Il n'y a pas de restrictions quant au pays de provenance des médicaments et aucune prescription médicale n'est requise pour l'importation de médicaments soumis à ordonnance. Selon la pratique établie, une petite quantité correspond à la quantité de médicaments pour un usage personnel durant un mois au plus.

Le commerce en ligne de médicaments a connu un fort développement ces dernières années. Selon des estimations de l'institut, environ 100 000 colis contenant des médicaments sont adressés depuis l'étranger à des particuliers en Suisse chaque année. On estime qu'environ la moitié d'entre eux contiennent soit des quantités supérieures à celles autorisées, soit des médicaments contrefaits ou de mauvaise qualité. Après une baisse du nombre d'importations illégales de médicaments entre 2010 et 2012, le nombre d'envois illégaux saisis aux frontières de notre pays a de nouveau augmenté en 2015 (1225 envois illégaux saisis).

La convention Médicrime n'impose aucune modification des règles en vigueur relatives à l'importation de médicaments par les particuliers. Des interventions parlementaires déposées ces dernières années (cf. ch. 1.1.1) montrent cependant que la réglementation actuelle doit être réévaluée.

Les participants à la procédure de consultation ont dès lors été invités à se prononcer sur une éventuelle interdiction de toute importation par les particuliers de médicaments par voie postale ou par coursier. 45 acteurs consultés ont pris position à ce sujet. 18 d'entre eux s'expriment en faveur d'une telle interdiction, principalement pour le motif de la protection de la santé des patients et parce que 16

RS 812.212.1

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l'approvisionnement en médicaments non disponibles sur le marché suisse serait toujours garanti. 14 participants sont défavorables à une telle interdiction, invoquant la liberté de choix des consommateurs et des difficultés de mise en oeuvre. 13 participants émettent différents autres avis. Les résultats de la consultation à ce sujet sont donc très contrastés. Une majorité (25 avis reçus, dont 17 cantons) se dessine cependant en faveur d'une réglementation plus restrictive. Le Conseil fédéral se réserve la possibilité de proposer une alternative à l'interdiction totale dans le cadre de l'adaptation des dispositions d'exécution. Les autorités d'exécution seront impliquées dans l'évaluation de ces alternatives afin de tenir compte de leur faisabilité. Si une modification est envisagée, les milieux intéressés pourront dans tous les cas se prononcer sur les propositions dans le cadre d'une consultation.

1.6

La procédure de consultation

Le 18 décembre 2013, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l'intérieur (DFI) de mettre en consultation un avant-projet de modification du CPP et de la LPTh. Les participants à la procédure de consultation ont également été invités à se prononcer sur une éventuelle interdiction de l'importation par les particuliers de médicaments par voie postale ou par coursier. Les cantons, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale et les institutions et organisations intéressées ont eu jusqu'au 2 avril 2014 pour se prononcer. 62 prises de position ont été retournées.

La ratification et la mise en oeuvre de la convention sont largement approuvées dans les grandes lignes. 20 cantons, ainsi que la majorité des partis politiques et des organisations, ont explicitement exprimé leur soutien à la ratification et aux modifications législatives proposées. Certains les estiment cependant excessives ou demandent qu'elles soient précisées. 4 participants à la consultation ont demandé que l'on renonce à ratifier la convention.

On traitera ci-après, dans les commentaires des dispositions de la convention et des modifications du droit suisse, les remarques et les critiques issues de la consultation.

2

Les dispositions de la convention et leur relation avec la législation suisse

2.1

Chapitre I: Objet, but et terminologie

2.1.1

Objet et but (art. 1)

L'art. 1 fixe le cadre de la convention. Celle-ci vise à protéger la santé publique en incriminant la contrefaçon de produits thérapeutiques et les infractions similaires, en protégeant les droits des victimes des infractions et en promouvant la coopération nationale et internationale. Ces buts correspondent à ceux de la législation topique suisse.

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2.1.2

Principe de non-discrimination (art. 2)

La teneur de cet article correspond à celle de l'art. 8, al. 2, de la Constitution (Cst.)17.

2.1.3

Champ d'application (art. 3)

La convention porte sur les produits thérapeutiques à usage humain et vétérinaire ainsi que sur les dispositifs médicaux et s'étend également aux principes actifs, excipients, éléments et matériaux destinés à être utilisés dans la fabrication de produits thérapeutiques. Elle inclut expressément les génériques dans son champ d'application, leur statut au regard du droit de la propriété intellectuelle n'étant pas pertinent du point de vue de la convention.

2.1.4

Définitions (art. 4)

Les définitions de la convention ne diffèrent guère, sur le plan pratique, de celles utilisées en Suisse; les quelques différences terminologiques n'ont aucune incidence sur l'application de la convention dans notre pays. Par exemple, le terme «produit médical» correspond au terme «produit thérapeutique» utilisé dans le droit suisse, lequel recouvre les médicaments et les dispositifs médicaux.

La LPTh contient moins de définitions que la convention, conformément à la tradition de concision de la législation suisse. Par exemple, la «contrefaçon», signifiant une «présentation trompeuse de l'identité et/ou de la source», n'est pas définie dans la législation suisse des produits thérapeutiques. Il n'est pas nécessaire de reproduire cette définition dans la LPTh puisque la contrefaçon implique une série d'actions illégales déjà définies et réprimées par la LPTh.

2.2

Chapitre II: Le droit pénal matériel

2.2.1

Fabrication de contrefaçons (art. 5)

Selon l'art. 5 de la convention, les Etats Parties sont tenus d'ériger en infraction la fabrication intentionnelle de produits thérapeutiques, substances actives, excipients, éléments, matériaux et accessoires contrefaits.

La fabrication intentionnelle de produits thérapeutiques contrefaits constitue une infraction selon l'art. 86, al. 1, let. g, LPTh tel qu'adopté par le Parlement le 18 mars 2016 (nLPTh)18. Celui-ci prévoit la punissabilité de quiconque, intentionnellement, contrefait, falsifie ou désigne de manière inexacte des produits thérapeutiques ou met sur le marché, utilise, importe ou exporte des produits thérapeutiques contrefaits, falsifiés ou désignés de manière inexacte ou en fait le commerce à l'étranger.

17 18

RS 101 FF 2016 1781

2958

FF 2017

L'art. 86, al. 1, let. g, nLPTh vise non seulement les responsables d'entreprises de fabrication qui mettent sur le marché des contrefaçons, mais aussi les fournisseurs de composants (substances actives, excipients ou emballages) sachant ou devant savoir que ceux-ci serviront à la fabrication de contrefaçons. Ils sont punissables, suivant leur degré d'implication, pour fabrication de médicaments contrefaits ou complicité d'une telle infraction.

Le droit suisse répond donc de manière satisfaisante aux exigences de cette disposition de la convention.

2.2.2

Fourniture, offre de fourniture et trafic de contrefaçons (art. 6)

2.2.2.1

Prescriptions de la convention

L'art. 6 de la convention oblige les Etats Parties à prévoir la punissabilité, lorsque commis intentionnellement, de la fourniture ou l'offre de fourniture, y compris le courtage, le trafic, le stockage, l'importation et l'exportation de produits thérapeutiques, substances actives, excipients, éléments, matériaux et accessoires contrefaits.

Dans le trafic de produits thérapeutiques contrefaits, les activités d'intermédiaire revêtent une importance particulière puisqu'elles servent souvent à brouiller les pistes. C'est pourquoi la convention mentionne expressément l'activité de courtage au nombre des infractions.

2.2.2.2

Adaptation de l'art. 4, al. 1, let. e, LPTh

Toutes les activités énumérées à l'art. 6 de la convention constituent des infractions qui tombent sous le coup de la disposition pénale de la LPTh (art. 86 LPTh). Elles violent les exigences posées par la législation sur les produits thérapeutiques pour les activités en relation avec des médicaments ou avec la mise sur le marché de dispositifs médicaux.

Pour des raisons de clarté, il est cependant opportun de mentionner les activités d'intermédiaire dans la notion de distribution prévue dans la loi. En effet, les intermédiaires ne manipulent pas eux-mêmes les produits et un doute pourrait ainsi subsister sur le fait que leurs activités sont contenues dans la notion de distribution.

Or, la distribution de médicaments n'est pas limitée à des actions physiques. Par ailleurs, il s'agit d'être certain que tous les actes énumérés à l'art. 6, par. 1, de la convention sont passibles d'une sanction pénale.

Selon la terminologie du droit suisse, les activités d'intermédiaire recouvrent celles de courtage et d'agence (cf. art. 412 et 418a du code des obligations19). Il faut dès lors intégrer expressément ces activités dans la notion de distribution définie dans les grandes lignes à l'art. 4, al. 1, let. e, LPTh. La définition plus détaillée de la distribution figurant dans l'OAMéd devra également être remaniée.

19

RS 220

2959

FF 2017

La modification de la LPTh s'inspire de la législation sur les stupéfiants, où les activités des courtiers et des agents sont également considérées comme des activités commerciales soumises à autorisation (cf. art. 2, let. b, de l'ordonnance du 25 mai 2011 sur le contrôle des stupéfiants20). L'obligation faite aux intermédiaires d'être titulaires d'une autorisation pour le courtage de médicaments ne devrait pas engendrer d'entrave pour les activités licites. Les courtiers et agents jouent un rôle mineur sur le marché légal suisse où les circuits de distribution sont courts et transparents. Il est cependant envisageable que ce type d'activités augmente dans le cadre du commerce à l'étranger.

Par ailleurs, lors de la procédure de consultation, le souhait a été exprimé par différents participants21 d'harmoniser, au niveau de la loi ou de l'ordonnance, les notions de distribution (art. 4, al. 1, let. e, LPTh), de commerce de gros (art. 2, let. e, OAMéd) et de distribution en gros (art. 2, let. k, OAMéd). Les définitions de l'ordonnance sont peu cohérentes et ne correspondent pas à la systématique de la LPTh. Afin d'éviter des remaniements considérables et inutiles de la loi, le Conseil fédéral prévoit de clarifier les notions de commerce de gros et distribution en gros au niveau de l'ordonnance. À cela s'ajoute que l'harmonisation des définitions ne découle pas directement des obligations prévues par la convention; une telle harmonisation n'est donc pas liée à la mise en oeuvre du traité au sens de l'art. 141a Cst.

2.2.3

Falsification de documents (art. 7)

En vertu de cette disposition, les Parties s'engagent à poursuivre toute personne qui, intentionnellement, crée de faux documents ou modifie illégalement un document pour faire croire à l'authenticité d'un produit thérapeutique. La notion de document ne recouvre pas seulement les certificats et autres documents similaires, mais aussi l'emballage, l'étiquetage et d'autres textes, comme la notice d'emballage.

Concernant les produits thérapeutiques, la falsification d'attestations ou de certificats émis par une autorité ou un organisme d'évaluation de la conformité est réprimée par l'art. 28 de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce22 par renvoi de l'art. 88 LPTh.

Quant à la falsification d'un emballage, d'un étiquetage ou d'une notice d'information, elle est punie en tant que fabrication d'un produit contrefait 23. En effet, selon la LPTh, la fabrication de produits thérapeutiques ne se limite pas à la production et à l'assemblage des composants chimiques, biologiques, mécaniques ou électroniques. Elle inclut aussi le conditionnement (art. 4, al. 1, let. c, LPTh). Dès lors, l'art. 86, al. 1, LPTh est applicable à ces infractions.

Les exigences de la convention sont par conséquent remplies sans qu'il soit nécessaire d'adapter la loi sur ce point.

20 21 22 23

RS 812.121.1 Cantons de GE, TI, ZH, Association des pharmaciens cantonaux, pharmalog RS 946.51 Cf. art. 86, al. 1, let g, nLPTh

2960

FF 2017

2.2.4

Infractions similaires menaçant la santé publique (art. 8)

L'art. 8 de la convention impose aux Parties de prendre les mesures nécessaires pour ériger en infractions, lorsque commises intentionnellement et dans la mesure où elles ne tombent pas sous le coup des art. 5 à 7, les activités en relation avec des médicaments effectuées sans autorisation, les activités en relation avec des dispositifs médicaux ne remplissant pas les exigences de conformité, ainsi que l'utilisation commerciale indue de documents originaux.

Cette disposition concerne des actes qui mettent en danger la santé publique sans porter sur des produits contrefaits. Une telle extension du champ d'application de la convention consacre un système complet de lutte contre la criminalité liée aux produits thérapeutiques en élevant au rang d'infractions les violations intentionnelles des exigences d'autorisation et de conformité nationales. Cette disposition n'impose cependant pas aux Etats de modifier leurs régimes d'autorisation et de conformité.

Ne contenant aucun nouvel élément par rapport au droit suisse, elle ne nécessite pas d'adaptation de la loi.

2.2.5

Complicité et tentative (art. 9)

L'art. 9 de la convention oblige les Parties à prendre les mesures nécessaires pour rendre punissables la complicité d'une infraction définie par la convention ainsi que la tentative de commettre une telle infraction.

En français, le texte de la convention ne mentionne pas l'instigation car cette notion est inclue dans la complicité telle que définie dans le droit pénal français. Or, le texte de la convention en anglais mentionne explicitement l'instigation (abetting). On peut dès lors considérer qu'il s'agit également d'une infraction prévue par l'art. 9.

La tentative d'infraction à la LPTh et la participation (instigation et complicité) sont punissables en droit suisse en vertu des art. 22, 24 et 25 du code pénal (CP)24 s'agissant des crimes et délits, et de l'art. 87, al. 4, LPTh en relation avec l'art. 105, al. 2, CP s'agissant des contraventions. Les exigences de la convention sont par conséquent remplies par le droit suisse.

2.2.6

Compétence (art. 10)

L'art. 10, par. 1, let. a­c, de la convention impose aux Parties d'établir leur compétence par rapport aux infractions commises sur leur territoire, à bord d'un navire battant leur pavillon ou d'aéronefs immatriculés dans leur pays. Dans ces cas, la compétence des tribunaux suisse découle des art. 3 CP, 4, al. 2, de la loi fédérale du

24

RS 311.0

2961

FF 2017

23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse25 et 97, al. 1, de la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation26.

En vertu des par. 1, let. d, et 2, chaque Partie établit en outre sa compétence lorsque l'auteur ou la victime de l'infraction, commise à l'étranger, est l'un de ses ressortissants ou une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire.

La compétence des tribunaux suisses en cas d'infraction commise par un ressortissant suisse s'appuie sur l'art. 7, al. 1, let. a, CP. Si la victime est suisse, la compétence ressort de l'art. 7, al. 1, CP auquel renvoie l'al. 2.

En revanche, le CP ne prévoit pas la compétence des tribunaux suisses lorsque l'auteur ou la victime d'une infraction commise à l'étranger a seulement sa résidence habituelle dans notre pays. La Suisse va dès lors tirer parti de la possibilité prévue par la convention d'émettre une réserve par rapport aux dispositions en cause (par. 4)27. Lorsque l'infraction n'a pas lieu en Suisse, les tribunaux suisses n'établiront leur compétence que si l'infraction a été commise par ou à l'encontre d'un ressortissant suisse, comme jusqu'à présent.

Par ailleurs, en vertu du par. 3, chaque Partie doit établir sa compétence lorsque l'auteur présumé d'une infraction commise à l'étranger est présent sur son territoire et ne peut pas être extradé vers une autre Partie en raison de sa nationalité. La Suisse honore cette obligation de poursuite pénale en cas de non-extradition par le biais des art. 6 et 7 CP et de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 195728.

Quant aux prescriptions régissant la délégation à la Suisse de la poursuite pénale, elles sont prévues aux art. 85 ss de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP)29.

Dès lors, le droit suisse remplit dans la mesure du nécessaire les exigences prévues par l'art. 10 de la convention.

2.2.7

Responsabilité des personnes morales (art. 11)

En application de l'art. 11 de la convention, les entreprises doivent pouvoir être tenues pour responsables des infractions visées par la convention lorsque les infractions sont commises pour leur compte par quiconque exerce un pouvoir de direction en leur sein (par. 1). L'entreprise doit aussi être tenue pour responsable lorsque l'absence de surveillance ou de contrôle a rendu possible la commission d'une telle infraction (par. 2).

Cette responsabilité peut être de nature civile, pénale ou administrative (par. 3) et n'exclut pas la responsabilité pénale de la personne physique ayant commis l'infraction (par. 4).

25 26 27 28 29

RS 747.30 RS 748.0 La Hongrie a également émis une réserve à ce sujet.

RS 0.353.1 RS 351.1

2962

FF 2017

De nombreuses conventions internationales conclues ces dernières années contiennent des dispositions similaires, pour certaines identiques, concernant la responsabilité pénale des entreprises. La Convention pénale du 27 janvier 1999 sur la corruption30 prévoit aussi la responsabilité des personnes morales, sans préciser la nature de cette responsabilité (civile, pénale ou administrative).

La responsabilité pénale des sociétés figure dans le droit suisse, depuis le 1 er octobre 2003, aux art. 102 et 102a CP. Le CP établit une responsabilité primaire pour un nombre limité d'infractions si une entreprise n'a pas pris toutes les mesures d'organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher l'infraction. Les catégories d'infractions mentionnées ne recouvrent toutefois pas les infractions visées par la convention Médicrime.

La Suisse a en même temps instauré une responsabilité pénale subsidiaire de l'entreprise pour les cas où une infraction ne pourrait être imputée à aucune personne physique en raison du manque d'organisation de l'entreprise (art. 102, al. 1, CP). La peine prévue est une amende de 5 millions de francs au plus. La responsabilité pénale subsidiaire de l'entreprise s'applique à l'ensemble des crimes et délits au sens du droit suisse et couvre toutes les infractions visées par la convention. Elle concerne les infractions commises par une personne dans l'exercice d'activités commerciales conformes aux buts de l'entreprise. Elle va au-delà de la responsabilité prévue par la convention, laquelle se limite à des infractions commises pour le compte d'une personne morale par un membre de sa direction.

Mais, comme déjà mentionné, les personnes morales ne sont, en principe, punies que lorsque le comportement incriminé ne peut être imputé à aucune personne physique.

Toutefois, en vertu de l'art. 11, par. 4, de la convention, la responsabilité pénale des entreprises doit être établie sans préjudice de celle des personnes physiques. En conséquence, la question est ici de savoir si cette disposition oblige les Etats à prévoir une responsabilité pénale parallèle. Le rapport explicatif de la convention ne fournit pas de précision à ce sujet.

La responsabilité subsidiaire des personnes morales prévue par le droit suisse n'exclut pas la punissabilité des personnes physiques. Elle s'applique lorsqu'il
n'est pas possible de punir l'auteur de l'infraction en raison du manque d'organisation de l'entreprise. L'art. 102, al. 1, CP n'est donc pas contraire à l'art. 11, par. 4, de la convention. En effet, si le comportement et la faute de l'auteur sont établis après la condamnation de l'entreprise et que l'infraction n'a pu, dans un premier temps, être imputée à l'auteur en raison de l'organisation défaillante de l'entreprise, il est envisageable que les deux parties, c'est-à-dire la personne morale et la personne physique, soient punies31. Par ailleurs, une réglementation spéciale est prévue à l'art. 7 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA 32), applicable tant aux cas relevant de la compétence des autorités fédérales (cf. art. 90, al. 1, LPTh) qu'à ceux relevant de la compétence des cantons (cf. art. 89, al. 2, nLPTh, par renvoi de l'art. 90, al. 3, nLPTh). En vertu de l'art. 89, al. 1, nLPTh tel qu'adopté par le Parlement le 18 mars 2016, une amende de 20 000 francs au plus peut être 30 31 32

RS 0.311.55 Cf. Niggli/Gfeller, Basler Kommentar, Strafrecht I, Bâle 2013, no 119 relatif à l'art. 102 RS 313.0

2963

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infligée à une personne morale si l'enquête impose à l'égard des personnes physiques travaillant dans l'entreprise des mesures d'instruction hors de proportion avec la peine encourue. Dans un tel cas, c'est uniquement l'entreprise qui est punie.

Outre la responsabilité pénale, la LPTh prévoit la responsabilité administrative, à but préventif. Selon l'art. 66 LPTh, l'institut, et les cantons dans leur sphère de compétence, peuvent prendre toutes les mesures administratives nécessaires pour exécuter la loi. Cela va du simple avertissement à la révocation d'une autorisation d'exploitation ou au retrait d'un produit du marché. En outre, les entreprises poursuivant un but contraire aux moeurs ou illicite ne peuvent pas acquérir la personnalité juridique. Elles sont dissoutes et leur fortune dévolue à la collectivité (art. 52 et 57 du code civil33). Enfin, il existe des moyens de droit civil permettant d'engager la responsabilité d'une entreprise lorsqu'un employé exerçant une fonction dirigeante a commis une infraction pour le compte de l'entreprise ou a négligé ses devoirs de surveillance pour empêcher la commission d'une infraction par un subordonné.

On peut donc considérer que, dans les grandes lignes, le droit suisse remplit les exigences de l'art. 11 de la convention. La norme suisse en matière de responsabilité subsidiaire va en partie au-delà des exigences de la convention, permettant que les crimes et délits commis au sein d'une entreprise ne restent pas impunis même s'ils ne peuvent pas être imputés à une personne physique. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir une responsabilité pénale primaire des entreprises pour les infractions visées par la convention.

2.2.8

Sanctions et mesures (art. 12)

Le par. 1 de cette disposition impose aux Parties de prévoir que les infractions prévues par la convention sont passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, y compris de sanctions pécuniaires et de peines privatives de liberté pouvant donner lieu à l'extradition.

L'un des buts de la révision ordinaire de la LPTh, adoptée par le Parlement le 18 mars 2016, est le rapprochement du régime de lutte contre la criminalité en matière de produits thérapeutiques de celui contre les stupéfiants illégaux. Ce rapprochement est notamment concrétisé par un durcissement des peines34.

Les infractions intentionnelles impliquant une mise en danger concrète de la santé des êtres humains sont toutes des crimes ou des délits. L'extradition est donc possible dans ces cas, que ce soit en application de la convention européenne d'extradition ou des autres traités liant la Suisse en la matière.

Le par. 2 exige que les personnes morales tenues pour responsables en application de l'art. 11 soient, elles aussi, passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, incluant des sanctions pécuniaires.

33 34

RS 210 Voir le message concernant les modifications de la LPTh adopté le 7 novembre 2012 (FF 2013 1, en particulier 47 ss)

2964

FF 2017

Le régime des sanctions prévu par le droit suisse à l'encontre des entreprises est exposé dans le commentaire ad art. 11 de la convention.

Le par. 3 impose aux Parties de permettre la saisie et la confiscation des moyens matériels utilisés pour commettre les infractions, ainsi que des produits de ces infractions ou de biens d'une valeur équivalente. Les Etats doivent également prendre les mesures nécessaires pour permettre la destruction des éléments confisqués et les autres mesures appropriées afin de prévenir de futures infractions.

Toutes ces mesures sont prévues par le CP. Selon l'art. 69, al. 1, CP, le juge prononce la confiscation d'objets servant à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction si ces objets compromettent la sécurité des personnes. Le juge peut ordonner la destruction des objets confisqués. L'art. 70 CP permet de confisquer des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction. L'art. 71 CP permet au juge de prononcer une créance compensatrice en faveur de l'Etat. En outre, le CP prévoit notamment la possibilité de prononcer l'interdiction d'exercer une profession (art. 67 CP), la publication du jugement (art. 68 CP) et l'inscription au casier judiciaire (art. 365 ss CP).

Il en découle qu'aucune modification législative n'est nécessaire pour mettre en oeuvre l'art. 12 de la convention.

2.2.9

Circonstances aggravantes (art. 13)

En vertu de cette disposition, les Parties s'engagent à prévoir des circonstances aggravantes dans la fixation des peines concernant les infractions visées par la convention. Il s'agit de circonstances dont le juge doit tenir compte en droit suisse conformément à l'art. 47 CP.

Lorsque les circonstances visées à la let. a sont réalisées (atteinte à la santé ou à la vie), les peines encourues en vertu du code pénal sont proportionnelles à la gravité de l'atteinte. L'abus de confiance visé aux let. b et c dénote une conscience et une volonté criminelle particulière de l'auteur qui sont prises en compte dans la fixation de la peine conformément à l'art. 47, al. 2, CP. Le recours à des procédés de diffusion à grande échelle (let. d) indique une volonté de développer des affaires importantes, quitte à mettre en danger un grand nombre de personnes. Il s'agit également d'un élément contribuant à alourdir la culpabilité (art. 47, al. 2, CP). La commission de l'infraction dans le cadre d'une organisation criminelle (let. e) constitue une infraction en soi qui peut être retenue en concours (art. 260 ter CP). Quant à la prise en compte de la récidive (let. f), il s'agit d'un critère classique de la fixation de la peine en droit suisse (art. 47, al. 1, CP).

En résumé, la disposition de la convention est couverte par le droit en vigueur.

2965

FF 2017

2.2.10

Condamnations antérieures (art. 14)

L'obligation de prendre en compte les condamnations prononcées par une autre Partie, prévue à l'art. 14 de la convention, est couverte par l'art. 47 CP relatif aux critères de fixation des peines.

2.3

Chapitre III: Enquêtes, poursuites pénales et droit procédural

2.3.1

Mise en oeuvre et suite de la procédure (art. 15)

Selon l'art. 15 de la convention, les enquêtes et les poursuites pénales concernant les infractions prévues par la convention ne doivent pas être subordonnées à une plainte; la procédure doit pouvoir continuer en cas de retrait de la plainte.

Les infractions prévues par le CP pour les atteintes à la vie et à la santé, ainsi que celles prévues aux art. 86 et 87 LPTh, sont poursuivies d'office (cf. art. 30 ss CP).

Par conséquent, le droit suisse est conforme à l'art. 15 de la convention.

2.3.2

Enquêtes pénales (art. 16)

2.3.2.1

Prescriptions de la convention

En vertu de l'art. 16, par. 1, de la convention, les Parties doivent prendre les mesures nécessaires pour que les personnes chargées des enquêtes pénales soient spécialisées ou formées dans la lutte contre la contrefaçon de produits thérapeutiques et les infractions similaires, y compris dans les enquêtes financières. Les Etats doivent mettre les ressources adéquates (en personnel et en moyens financiers) à disposition.

En Suisse, les acteurs principaux des procédures pénales en matière de produits thérapeutiques sont aujourd'hui l'institut, les autorités douanières, l'Office fédéral de la police (fedpol), les autorités de poursuite pénale cantonales et les polices cantonales. Conformément à l'art. 20, al. 1, DPA, les collaborateurs de l'institut et de l'Administration fédérale des douanes en charge des auditions, des inspections locales et des mesures de contrainte doivent être spécialement formés à cet effet.

Lorsque des compétences spécialisées en matière financière et informatique sont requises, l'institut doit faire appel à des experts externes pour perquisitionner et saisir de grandes quantités de données électroniques et dépouiller les documents comptables. À cette fin, une adaptation de la LPTh est nécessaire (voir ci-dessous, commentaire ad art. 90c LPTh). En revanche, l'institut possède les compétences spécialisées liées aux produits thérapeutiques (notamment l'évaluation scientifique d'une préparation, les analyses de laboratoire). L'Administration fédérale des douanes dispose déjà des connaissances spécialisées exigées par la convention en matière d'enquêtes financières et d'informatique, de saisie d'avoirs et de données électroniques. Fedpol, les autorités de poursuite pénale cantonales et les polices cantonales peuvent se prévaloir de leur expérience dans le domaine des stupéfiants, où les techniques d'investigation et les problèmes sont similaires à ceux rencontrés 2966

FF 2017

dans le domaine des produits thérapeutiques (recherche de produits, reconstitution des flux financiers). Les autorités cantonales peuvent s'appuyer sur les connaissances des autorités sanitaires cantonales. En outre, les différents acteurs concernés collaborent et échangent leurs expériences.

Le par. 2 prévoit que chaque Partie doit garantir l'efficacité des enquêtes et des poursuites pénales conformément aux principes de son droit interne en prévoyant, s'il y a lieu, la possibilité de mener des enquêtes financières ou des enquêtes discrètes et de recourir aux livraisons surveillées et à d'autres techniques spéciales d'investigation.

Les procédures conduites par l'institut et l'Administration fédérale des douanes sont régies par la DPA; celles conduites par les autorités pénales cantonales ou fédérales sont régies par le CPP. Ces deux lois procédurales autorisent les personnes en charge des enquêtes à mettre en oeuvre l'ensemble des mesures d'enquête classiques (auditions, perquisitions, séquestres, demande de renseignements, expertises, etc.).

Au cours des enquêtes pénales, l'établissement des faits nécessite cependant parfois le recours à des mesures de surveillance secrètes telles qu'observations, achats fictifs, voire surveillance de la correspondance par poste et télécommunication et investigations secrètes. Le CPP et la LPTh doivent être complétés afin que les autorités puissent recourir à ces mesures dans la lutte contre la criminalité liée aux produits thérapeutiques.

2.3.2.2

Compléments à apporter au CPP (art. 269, al. 2, let. k, et 286, al. 2, let. i)

Dans de nombreuses affaires de trafic ou de fabrication de produits thérapeutiques illégaux, les instruments d'investigation traditionnels ne permettent pas de mener à bien l'enquête et d'établir les preuves car les victimes sont souvent inconnues. Des infractions de ce type justifient le recours à des mesures d'investigation secrètes, comme la surveillance de la correspondance électronique ou des communications téléphoniques. Cela permet de découvrir ou d'empêcher des infractions plus efficacement.

Le caractère mondial de l'essor de la criminalité liée aux produits thérapeutiques requiert également d'étendre les possibilités d'enquête. Alors que les surveillances secrètes sont déjà autorisées en la matière par plusieurs Etats européens, parmi lesquels l'Allemagne et l'Angleterre, les autorités suisses reçoivent des demandes d'entraide judiciaire de ces pays sans pouvoir travailler avec les mêmes moyens d'investigation. Il faut remédier à cette situation.

Pour ces motifs, l'art. 86, al. 2 et 3, nLPTh doit être repris dans les listes des infractions prévues aux art 269, al. 2, et 286, al. 2, CPP pouvant donner lieu à des surveillances et à des investigations secrètes. En effet, ce sont habituellement les infractions qualifiées qui justifient des mesures d'enquête spéciales. Comme dans toute enquête, le principe de la proportionnalité doit être respecté. Il n'est ainsi possible d'ordonner une mesure de surveillance conformément aux art. 269 ss CPP, la localisation d'une personne ou d'une chose conformément aux art. 280 et 281 CPP, ou 2967

FF 2017

une investigation secrète conformément aux art. 285a ss CPP, que si la gravité des soupçons et de l'infraction justifie les mesures.

Quant aux autres possibilités d'enquête énumérées à l'art. 16, par. 2, de la convention (enquêtes financières, livraisons surveillées, autres techniques spéciales d'investigation), elles ne sont pas réservées à certaines infractions dans le CPP (cf.

art. 246 ss concernant la perquisition d'enregistrements, 263 ss concernant le séquestre, 284 ss concernant la surveillance des relations bancaires et 298a à 298d concernant l'investigation secrète). Les autorités pénales compétentes peuvent donc prendre maintenant déjà de telles mesures en cas d'infractions à la LPTh; il n'est pas nécessaire de modifier le droit en vigueur.

2.3.2.3

Modifications de la LPTh (art. 90, al. 4, et 90a à 90c)

Art. 90, al. 4 Selon l'art. 16, par. 2, de la convention, les Parties doivent garantir des poursuites pénales efficaces concernant les infractions prévues par la convention.

En Suisse, la poursuite des infractions à la LPTh dans le domaine d'exécution des cantons incombe aux autorités de poursuite pénale cantonales (art. 90, al. 3, nLPTh).

Le domaine d'exécution des cantons porte principalement sur les autorisations et la surveillance du commerce de détail, c'est-à-dire la remise de médicaments dans les pharmacies, les cabinets médicaux et les hôpitaux (cf. art. 30 LPTh). Il se trouve que les infractions relatives à la remise de médicaments sont fréquemment associées à des infractions concernant le commerce de gros, l'importation, voire la fabrication de médicaments, activités dont la surveillance ressortit à l'institut. Dans de telles situations, les compétences de la Confédération et des cantons en matière de poursuite pénale sont concurrentes. À l'heure actuelle, la Confédération peut déléguer la poursuite à l'autorité pénale cantonale se fondant sur l'art. 20, al. 3, DPA. Jusqu'à présent, une délégation en sens inverse, de l'autorité cantonale à la Confédération, n'est pas prévue. Or, lorsque l'activité criminelle touche principalement le domaine de compétence de l'institut, il serait judicieux de disposer de cette possibilité. Afin de permettre la délégation de procédures à la Confédération, une disposition spéciale est créée à l'art. 90, al. 4, LPTh. Cette disposition règle également la délégation de procédures au canton compétent; dans ces cas, l'art. 20, al. 3, DPA ne sera plus applicable.

Art. 90a

Mesures de surveillance secrètes

Al. 1 à 3: selon l'art. 16, par. 2, de la convention, les Parties prévoient, si cela est conforme aux principes de leur droit interne et si elles l'estiment approprié35, la possibilité pour les autorités compétentes de mener des enquêtes secrètes et des enquêtes financières et de recourir aux livraisons surveillées ou à d'autres techniques spéciales d'investigation.

35

Cf. rapport explicatif sur la convention, ch. 109

2968

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Le CPP prévoit déjà de tels instruments, notamment l'observation (art. 282 et 283 CPP) et les recherches secrètes (art. 298a à 298d CPP). Ces instruments ne sont pas limités à certaines infractions: les autorités de poursuite pénale de la Confédération et des cantons qui appliquent le CPP (cf. art. 1, al. 1, CPP) peuvent s'en prévaloir dans les enquêtes portant sur la criminalité liée aux produits thérapeutiques.

Or l'institut et l'Administration fédérale des douanes, qui ne sont pas des autorités de poursuite pénale au sens du CPP, ont eux aussi besoin, dans le cadre des enquêtes qu'ils mènent, de pouvoir ordonner des observations secrètes de personnes ou de choses dans des lieux librement accessibles et de procéder à des achats fictifs de produits thérapeutiques. C'est pourquoi il est prévu de doter l'institut et l'Administration fédérale des douanes de la compétence d'ordonner des observations (art. 282 et 283 CPP) et des recherches secrètes (art. 298a à 298d CPP).

Comme les procédures engagées par l'institut et l'Administration fédérale des douanes sont régies par la DPA (cf. art. 90, al. 1, LPTh), il faut prévoir dans la LPTh la compétence de ces autorités d'ordonner les mesures de surveillance susmentionnées. En effet, la liste des mesures de contrainte énumérées à l'art. 45, al. 1, DPA et la systématique de cette loi portent une partie de la doctrine à conclure que la DPA n'offre pas une base légale suffisante pour diligenter des mesures de surveillance secrètes36.

Dans le cadre de la procédure de consultation, plusieurs participants 37 ont demandé que l'art. 90a, al. 1, soit biffé (voire tout l'art. 90a), ou de prévoir que l'institut et l'Administration fédérale des douanes requièrent les mesures de surveillance secrètes en cause auprès des autorités cantonales compétentes; cela afin de maintenir la répartition actuelle des compétences en matière d'investigation pénale. D'autres acteurs38 estiment que les mesures de surveillance secrètes doivent être soumises à un contrôle indépendant. Or il n'est pas opportun de biffer l'art. 90a: l'institut et l'Administration fédérale des douanes doivent pouvoir ordonner eux-mêmes des surveillances secrètes pour garantir l'efficacité de leurs enquêtes. Au-delà de 30 jours, les mesures seront soumises pour approbation au directeur de l'autorité qui
ordonne la mesure (al. 2). Au plus tard lors de la clôture de l'instruction, l'autorité compétente communique à la personne surveillée les motifs, le mode et la durée de la surveillance secrète (al. 3).

Al. 4 et 5: la surveillance de la communication par poste et télécommunication (art. 269 à 279 CPP) et d'autres techniques de surveillance (art. 280 et 281 CPP), ainsi que la surveillance des relations bancaires (art. 284 et 285 CPP) et les investigations secrètes (art. 286 à 298 CPP), sont des mesures particulièrement intrusives qui requièrent des compétences spécialisées et doivent être autorisées par le tribunal des mesures de contrainte.

36 37 38

Cf. Eicker/Frank/Ackermann, Verwaltungsstrafrecht und Verwaltungsstrafverfahrensrecht, Berne 2012, p. 191 s Cantons de BE et de ZG, Conférence des commandants des polices cantonales, Association Suisse des Pharmacies de Service direct Canton de VD, Association des médecins cantonaux de Suisse, et, à titre subsidiaire, canton de ZG. Les cantons de VD et de ZG demandent que les mesures excédant un mois soient approuvées par une autorité de contrôle.

2969

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Lorsque de telles mesures sont nécessaires dans les procédures relevant de la compétence de l'institut ou de l'Administration fédérale des douanes, il est prévu que le Ministère public de la Confédération reprenne les procédures en cause. En effet, les affaires pénales qui nécessitent des mesures de surveillance secrètes (actuellement environ une par an) sont souvent d'envergure internationale et d'une grande complexité. Elles affectent un secteur important de l'économie suisse, requièrent une collaboration internationale intense et nécessitent des ressources importantes. Elles paraissent dès lors comparables à d'autres procédures relevant de la criminalité économique dont la poursuite incombe de manière facultative au Ministère public de la Confédération. En outre, celui-ci dispose des connaissances et de la routine nécessaires pour évaluer la proportionnalité de telles mesures et pour les mettre en oeuvre.

La nécessité d'ordonner les mesures peut être identifiée avant le début ou au cours d'une procédure, ou à la faveur d'une demande d'entraide pénale internationale.

Dans ces cas, l'institut ou l'Administration fédérale des douanes, avec l'accord du Ministère public de la Confédération, saisira le tribunal des mesures de contraintes.

Si ce dernier autorise les mesures, le Ministère public de la Confédération reprendra la procédure en application du CPP. Les éventuels moyens de preuve déjà réunis par l'institut ou l'Administration fédérale des douanes seront repris par le Ministère public de la Confédération.

L'institut dispose des connaissances techniques (notamment en matière médicale et pharmaceutique) qui lui permettront de seconder le Ministère public de la Confédération si nécessaire. La solution prévue permet de combiner les compétences, ainsi que les moyens procéduraux et policiers, du Ministère public de la Confédération avec les compétences de l'institut et de l'Administration fédérale des douanes.

Art. 90b

Infractions commises à l'étranger et procédures complexes

Comme mentionné précédemment, l'art. 16, par. 2, de la convention exige des enquêtes et des poursuites pénales efficaces. Cette exigence implique que les infractions à la LPTh revêtant un caractère international ou une grande complexité soient prises en charge par les autorités de poursuite pénale de la Confédération. Nous renvoyons à ce sujet aux commentaires précédents ad art. 90a, al. 2 et 3, LPTh concernant les caractéristiques de la criminalité liée aux produits thérapeutiques et les procédures reprises par le Ministère public de la Confédération.

Seul un petit nombre de cas nécessiteront l'intervention du Ministère public de la Confédération; la majorité des affaires pénales, y compris de portée internationale, peuvent être prises en charge par l'institut ou l'Administration fédérale des douanes.

Art. 90c

Appel à des tiers

Conformément à l'art. 16, par. 1, de la convention, les enquêtes pénales doivent être confiées à des spécialistes.

Les autorités pénales sont souvent confrontées à des questions techniques qui nécessitent des connaissances spéciales, notamment en comptabilité et en informatique.

C'est pourquoi elles sollicitent le soutien d'autres autorités pénales ou de spécialistes indépendants de l'administration. L'art. 43 DPA prévoit que les autorités peuvent, 2970

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dans le cadre d'enquêtes pénales, mandater des experts privés qui s'expriment de façon ponctuelle sur des questions spécifiques lors de l'évaluation technique des faits.

Or les besoins de l'institut vont au-delà du recours ponctuel à de tels experts. En effet, si l'institut collabore avec les polices cantonales, fedpol et l'Administration fédérale des douanes, cela ne suffit pas à répondre à ses besoins pour saisir et analyser de grandes quantités de données électroniques et dépouiller les documents comptables. C'est pourquoi l'institut doit pouvoir faire appel à des auxiliaires spécialisés privés. Cela vaut également pour l'Office fédéral de la santé publique pour les tâches de poursuite pénale qu'il assumera en vertu des modifications de la LPTh adoptées par le Parlement le 18 mars 2016. Cette délégation de tâches nécessite une base légale spéciale.

Selon la nouvelle disposition, les frais découlant de la délégation de tâches sont des débours, en principe mis à la charge du condamné. Cela par analogie à l'art. 422, al. 1, let. c, CPP concernant les frais d'expertise et de participation d'autres autorités. En cas de non-lieu ou de circonstances particulières (art. 94 ss DPA), ils sont pris en charge par la Confédération.

2.4

Chapitre IV: Coopération des autorités et échange d'informations (art. 17)

2.4.1

Exigences de la convention

L'art. 17, par. 1, 3 et 4, de la convention engage les Parties à assurer la collecte et l'échange d'informations entre les autorités nationales compétentes, en collaboration avec le secteur privé, afin de lutter efficacement contre la contrefaçon de produits thérapeutiques et les infractions similaires.

La convention laisse une liberté importante aux Etats quant à la concrétisation de cette disposition. Elle mentionne néanmoins le système du point de contact développé par le Conseil de l'Europe. La Suisse a mis en place depuis plusieurs années un point de contact national en matière de produits thérapeutiques illégaux. La personne dirigeant l'unité «Contrôle des médicaments illégaux» de l'institut est le point de contact national au sens des art. 17, par. 3, et 22, par. 2, de la convention. D'une part, elle est l'interlocutrice des autorités nationales pour la réception, la collecte et la mise à disposition d'informations essentielles pour lutter contre la contrefaçon de produits thérapeutiques et les infractions similaires. Elle reçoit les informations arrivées aux points de contact désignés auprès de la douane, de fedpol, etc. (points de contact sectoriels) et les redistribue aux points de contact étrangers (art. 22, par. 2, de la convention). Les points de contact sectoriels transmettent toute information concernant la contrefaçon de produits thérapeutiques et les infractions similaires au point de contact national. En pratique, ces échanges ont lieu chaque fois que cela est nécessaire dans le cadre des procédures en cours. D'autre part, le point de contact auprès de l'institut est chargé de la réception, de la collecte et de la mise à disposition des informations qui lui sont remises par les points de contact étrangers. Il

2971

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notifie alors immédiatement toute information pertinente au point de contact sectoriel concerné.

L'ancrage de ce système dans la LPTh lui donnera une plus grande visibilité et légitimité. Les instruments et les points de contact dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale demeurent inchangés. Il n'y a lieu ni de faire cesser ni de compromettre l'échange d'informations pratiqué à l'heure actuelle par l'Administration fédérale des douanes et fedpol avec les points de contact en Suisse et à l'étranger.

Selon l'art. 17, par. 2, de la convention, les Parties s'engagent à établir une coopération avec les secteurs commercial et industriel actifs dans le domaine des produits thérapeutiques. Cela justifie une modification de la LPTh.

2.4.2

Modifications de la LPTh (art. 59, al. 3 bis, 62b et 69, al. 4, LPTh)

Art. 59, al. 3bis Les fabricants, distributeurs et personnes qui remettent des produits thérapeutiques sont susceptibles d'avoir connaissance avant les autorités d'infractions commises par des tiers. Pour augmenter l'efficacité de la poursuite pénale et mettre en oeuvre l'art.

17, par. 2, de la convention, il est prévu de compléter l'art. 59 LPTh avec le nouvel al. 3bis instituant un devoir des personnes concernées d'annoncer à l'institut tout soupçon d'infraction. Cette nouvelle disposition complétera l'art. 59, al. 3, LPTh, adopté par le Parlement le 18 mars 2016, obligeant les professionnels de la santé à annoncer à l'institut toute observation de faits graves et les défauts déterminants du point de vue de la sécurité thérapeutique (y compris lorsqu'ils suspectent une contrefaçon).

En réponse à certaines critiques émises lors de la procédure de consultation39, il est précisé ici que ce devoir n'impose pas aux entreprises ou aux professionnels de la santé de se muer en enquêteurs et d'effectuer eux-mêmes des investigations. Il ne s'agit pas non plus d'une obligation de dénoncer pénalement, mais d'un simple devoir d'annonce, au même titre que les autres annonces qui doivent être faites à l'institut en vertu de l'art. 59 LPTh.

Le défaut d'annonce est passible de mesures administratives au sens de l'art. 66 LPTh et de poursuites pénales au sens de l'art. 87, al. 1, let. c, LPTh.

Art. 62b

Collaboration avec le secteur privé

Dans les affaires graves et complexes de commerce illégal de produits thérapeutiques, les entreprises qui fabriquent et mettent sur le marché le produit autorisé jouent un rôle central dans les investigations et les mesures visant à protéger la santé publique. Elles disposent en effet d'informations essentielles sur le produit et sur les 39

Fédération des associations suisses du commerce et de l'industrie de la technologie (FASMED), Association des pharmacies de vente par correspondance (VSVA), Association patronale suisse de la branche dentaire (asd), PS et canton du TI

2972

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canaux de distribution légaux. En outre, les entreprises mènent parfois elles-mêmes des investigations en vue de défendre leurs droits et de prévenir les dangers qui pourraient être associés à leurs produits.

Dans ce contexte, la communication d'informations par les autorités aux entreprises concernées peut améliorer de façon significative la protection de la santé publique.

Par exemple, le fabricant informé du flux d'un produit contrefait pourra retirer les lots du médicament légalement commercialisé à l'étranger, ce que l'autorité suisse n'est pas en mesure de faire.

Le nouvel art. 62b LPTh habilite les autorités à communiquer des données confidentielles aux acteurs concernés, y compris des données sensibles au sens de l'art. 3, let. c, ch. 4, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)40, c'est-à-dire des données personnelles sur des poursuites ou des sanctions pénales et administratives.

Les données confidentielles sont des données collectées en application de la LPTh qui ne sont pas accessibles au public (art. 62 LPTh). Dans le contexte de la lutte contre les contrefaçons de produits thérapeutiques et les infractions similaires, ces données seront principalement des éléments découverts au cours de procédures administratives ou pénales, par exemple des listes de produits contrefaits, des noms de fournisseurs ou de destinataires.

En réponse à des critiques émises lors de la procédure de consultation41, invoquant un affaiblissement des droits des patients ou du secret professionnel, la disposition légale précise que les données personnelles (art. 3, let. a, LPD) de patients ne peuvent pas être transmises (art. 62b, al. 2, LPTh).

Art. 69, al. 4 L'art. 17, par. 3, de la convention impose aux Parties la mise en place de mécanismes permettant, au plan national ou local, la circulation de l'information entre les autorités engagées dans la lutte contre la contrefaçon de produits thérapeutiques et les infractions similaires.

Au sein du Conseil de l'Europe, la Suisse a participé à l'élaboration du concept de point de contact national en 2005 et, compte tenu de ses avantages pratiques, l'a concrétisé rapidement. Le point de contact national se trouve au sein de l'institut, autorité compétente pour les mesures urgentes liées aux produits thérapeutiques.

Des points de
contact sectoriels Justice, Douane et Police ont été établis au sein de l'institut, de la Direction générale des douanes et de fedpol. Les points de contact au sein de la Direction générale des douanes et de fedpol annoncent immédiatement à l'institut tout incident ou constatation lié à des produits thérapeutiques illicites et inversement. Le point de contact national fait la liaison entre les points de contact sectoriels et assure la coordination de l'information. En outre, il réceptionne et

40 41

RS 235.1 Fédération des médecins suisses (FMH), Société Suisse des Pharmaciens, Société des pharmaciens du canton de Fribourg, Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (SwissTPH) et PS

2973

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transmet au niveau international les demandes d'informations et/ou de coopération (cf. art. 22, al. 2, de la convention).

Le système est fonctionnel. Le nouvel art. 69, al. 4, LPTh consacre une pratique établie.

2.5

Chapitre V: Mesures de prévention (art. 18)

2.5.1

Exigences de la convention

Selon l'art. 18, par. 1 et 2, de la convention, les Parties sont tenues de prendre les mesures propres à assurer la fabrication de produits thérapeutiques sûrs et de qualité ainsi qu'une distribution sûre.

La convention laisse une marge de manoeuvre importante aux Etats pour concrétiser cette obligation. Comme exemple de mesure pouvant être prise, le rapport explicatif sur la convention mentionne la traçabilité des produits médicaux42.

En Suisse, la LPTh vise précisément à garantir la mise sur le marché de produits thérapeutiques de qualité, sûrs et efficaces (cf. buts de la loi, art. 1, al. 1). Certaines dispositions de la loi doivent cependant être améliorées pour prévenir le trafic de médicaments contrefaits.

L'art. 18, par. 3, de la convention enjoint aux Parties de prendre des mesures visant à former les autorités de surveillance des produits thérapeutiques ainsi que les professionnels de la santé, les fournisseurs, les policiers et les douaniers. Des campagnes de sensibilisation du public et des mesures pour prévenir la fourniture de produits contrefaits doivent également être prévues.

Les mesures évoquées sont déjà largement mises en oeuvre par l'institut, qui entretient des rapports étroits avec les autres autorités chargées d'appliquer la LPTh et avec les parties prenantes, et informe le public. Ces mesures ne nécessitent aucune modification de la loi.

2.5.2 Art. 17a

Modifications de la LPTh (art. 17a et 18, al. 1 et 2, LPTh) Dispositifs de sécurité

Au niveau de l'UE, la directive 2011/62/UE vise à prévenir l'introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne de distribution légale (cf. ch. 1.4). La directive prévoit l'apposition de dispositifs de sécurité sur les emballages des médicaments soumis à ordonnance, sauf exceptions établies par la Commission.

Plusieurs cas de médicaments contrefaits introduits dans la chaîne de distribution légale ont été découverts au sein de l'UE. Le système d'identification de chaque boîte de médicaments soumis à ordonnance et les dispositifs permettant de détecter l'ouverture des emballages sont des moyens efficaces pour prévenir ce risque. Ils 42

Rapport explicatif de la convention ad art. 18, ch. 113

2974

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permettent de détecter les médicaments contrefaits au plus tard au moment de leur remise.

Il est opportun que la Suisse se dote d'une réglementation semblable afin de disposer d'un niveau de protection équivalent à celui de l'UE. Contrairement au droit de l'UE, la disposition prévoit que l'apposition de dispositifs de sécurité par les entreprises concernées est facultative. Elle ménage au Conseil fédéral la possibilité de rendre le système obligatoire par voie d'ordonnance (al. 8). La vérification des dispositifs de sécurité est donc également facultative, et cela tant que le Conseil fédéral n'a pas prévu le contraire par voie d'ordonnance.

La notion de «dispositif de sécurité» figurant dans le titre de l'art. 17a recouvre tant les dispositifs permettant de vérifier l'authenticité des médicaments et d'identifier les boîtes individuelles (identifiants uniques) que les dispositifs permettant de détecter l'ouverture des emballages.

Comme dans le droit de l'UE, les dispositifs de sécurité ne peuvent en principe être apposés que sur des médicaments soumis à ordonnance. Il s'agit de la catégorie de médicaments la plus exposée au risque de contrefaçon. En outre, ces contrefaçons impliquent les risques les plus graves. Le Conseil fédéral peut cependant étendre la possibilité d'apposer des dispositifs de sécurité à d'autres médicaments (al. 8).

Pour permettre l'identification individuelle des boîtes de médicaments, un système de banques de données doit être mis en place. Comme dans l'UE, il est prévu que l'établissement et la gestion du système de banques de données soient confiés à une organisation établie par les entreprises pharmaceutiques concernées, qui impliqueront d'autres acteurs intéressés. La tâche du Conseil fédéral consistera à prévoir les conditions-cadres de la mise en place et de la gestion du système de banques de données, à régler la surveillance et les modalités de son fonctionnement (al. 3 à 5).

Les informations contenues dans l'identifiant unique, ses caractéristiques techniques, les exigences relatives à l'apposition et à la vérification des dispositifs de sécurité, les informations à enregistrer dans le système de banques de données (en particulier l'activation et la désactivation des identifiants uniques), ainsi que les modalités de l'annonce des cas suspects à l'institut, seront
également précisées par voie d'ordonnance (al. 2 et 7). Le Conseil fédéral tiendra compte des directives et des normes reconnues sur le plan international, ainsi que des expériences faites à l'étranger. Il s'inspirera du droit de l'UE tout en l'adaptant si nécessaire aux spécificités de notre pays.

Les coûts liés au système de banques de données seront supportés par les titulaires d'autorisation de mise sur le marché des médicaments dotés d'identifiants uniques (al. 6).

Art. 18, al. 1 et 2 À l'heure actuelle, les entreprises qui importent et exportent des médicaments non prêts à l'emploi doivent disposer d'une autorisation de commerce de gros. Le contrôle de ces entreprises et la soumission de ces activités à des conditions assurant la qualité et la sécurité des produits sont en effet essentiels pour prévenir la fabrication de contrefaçons et le trafic illicite. Or l'import/export de médicaments ne sont pas 2975

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compris dans la notion de distribution telle que définie par le droit suisse. Afin de disposer d'une base légale formelle claire, il faut prévoir à l'art. 18 LPTh que l'import/export de tous les médicaments, prêts à l'emploi ou non, sont soumis à autorisation (al. 1, let. a et b). On précise à cette occasion que les activités de courtage depuis la Suisse sont également soumises à autorisation (al. 1, let. d). L'actuel al. 2 attribuant au Conseil fédéral la compétence de prévoir par voie d'ordonnance l'exigence de l'autorisation pour l'import/export de médicaments non prêts à l'emploi n'a plus de raison d'être et est abrogé.

Conformément au principe de la légalité, il est nécessaire de prévoir une délégation au Conseil fédéral concernant la précision des exigences relatives aux activités soumises à autorisation, en particulier l'application par analogie des bonnes pratiques de distribution.

2.6

Chapitre VI: Mesures de protection

2.6.1

Protection des victimes (art. 19)

L'art. 19 de la convention engage les Parties à prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des victimes, notamment en veillant à ce qu'elles aient accès aux informations pertinentes, en les assistant dans leur rétablissement et en prévoyant une indemnisation par les auteurs d'infractions.

Les personnes lésées suite à la prise de médicaments ou à l'utilisation de dispositifs médicaux contrefaits, pour autant qu'elles aient subi une atteinte directe à leur intégrité physique ou psychique, ont le statut de victime au sens du CPP et de la loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes (LAVI) 43.

Les victimes au sens du CPP, mais aussi d'autres personnes (p. ex. celles lésées dans leurs droits patrimoniaux), peuvent participer à la procédure pénale comme demandeurs au pénal ou au civil et, à ce titre, elles ont accès aux informations relatives à la procédure engagée contre l'auteur de l'infraction (art. 107 ss et 118 ss CPP). En outre, le dénonciateur peut prendre connaissance de l'issue d'une procédure pénale administrative44. La loi du 17 décembre 2004 sur la transparence (LTrans) 45 ménage également une possibilité d'accès au dossier après la clôture d'une procédure administrative.

Les personnes lésées peuvent se retourner contre l'auteur de l'infraction par action en responsabilité civile pour obtenir une indemnité ou une réparation morale; elles peuvent également faire valoir ces droits en tant que parties à la procédure pénale.

Par ailleurs, la procédure pénale administrative prévoit la possibilité d'allouer au lésé des valeurs patrimoniales confisquées (art. 2 DPA en relation avec l'art. 73 CP).

Les prestations accordées au titre de la LAVI (conseils et aide, indemnisation et réparation) ne présupposent ni l'ouverture d'une procédure pénale ni une condamnation, l'auteur de l'infraction n'a même pas besoin d'être connu. Les prestations de 43 44 45

RS 312.5 ATF 124 IV 234, cons. 3 RS 152.3

2976

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l'aide aux victimes sont subsidiaires aux prestations versées par l'auteur de l'infraction, l'assurance privée et les assurances sociales (art. 4 LAVI).

Le droit en vigueur répond par conséquent aux exigences fixées à l'art. 19 de la convention.

2.6.2

Statut des victimes dans les enquêtes et procédures pénales (art. 20)

Selon l'art. 20 de la convention, les Parties doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des victimes d'infraction à tous les stades des enquêtes et des procédures pénales. Les mesures énumérées concernent, entre autres, les informations à fournir aux victimes relatives à leurs droits et les services à leur disposition. Les victimes, leurs familles et les témoins à charge doivent être protégés contre l'intimidation et les représailles. Lorsque cela se justifie, les victimes doivent bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite.

En Suisse, ces mesures sont prévues notamment par le CPP (cf. les art. 107, 117, 127, 152, 305 et 330 CPP). Pour le reste, nous renvoyons aux commentaires ad art.

10, 19 et 21 de la convention. Le droit suisse répond aux prescriptions de l'art. 20 de la convention.

2.7

Chapitre VII: Coopération internationale

2.7.1

Coopération internationale en matière pénale (art. 21)

L'art. 21, par. 1 et 2, de la convention enjoint les Etats Parties à coopérer dans la mesure la plus large possible en application des instruments internationaux pertinents et de leur droit interne. Cette disposition mentionne les enquêtes et les procédures pénales, ainsi que les saisies et confiscations, l'extradition et l'entraide judiciaire en matière pénale.

Les instruments internationaux pertinents auxquels la Suisse est partie sont notamment la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 195946, ainsi que son deuxième protocole additionnel47, et la convention européenne d'extradition et ses deux protocoles additionnels48. A ces instruments s'ajoutent la convention du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime49, la convention du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées50 et son protocole additionnel51 et plusieurs autres instruments pénaux du Conseil de l'Europe ou de l'ONU. Enfin, 46 47 48 49 50 51

RS 0.351.1 RS 0.351.12 RS 0.353.11 et 0.353.12 RS 0.311.53 RS 0.343 RS 0.343.1

2977

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l'EIMP règle les questions qui ne sont pas régies par les instruments internationaux.

Cette loi est applicable lorsque les pays impliqués ne sont pas parties aux instruments précités.

L'art. 21, par. 3, n'est pas pertinent pour la Suisse puisque notre pays ne subordonne pas l'extradition ou l'entraide judiciaire à l'existence d'un traité.

Les exigences de l'art. 21 de la convention sont par conséquent remplies par le droit suisse.

2.7.2

Coopération internationale aux fins de la prévention et d'autres mesures administratives (art. 22)

Selon le par. 1, les Parties coopèrent aux fins de la protection et de l'assistance aux victimes. Cela est mis en oeuvre dans notre pays dans la mesure où les victimes d'une infraction en Suisse peuvent bénéficier de l'aide aux victimes même si elles résident à l'étranger. Inversement, les personnes résidant en Suisse qui sont victimes d'une infraction à l'étranger peuvent obtenir, en Suisse, des conseils et de l'aide de la part d'un centre de consultation en vertu de la LAVI. Enfin, lorsque la procédure est menée en Suisse, les dispositions spéciales du CPP et la protection extraprocédurale des témoins sont applicables; le lieu de domicile de la victime ou des témoins n'est pas déterminant.

Selon le par. 2, les Parties désignent un point de contact chargé de l'échange international d'informations concernant la contrefaçon de produits thérapeutiques. Ce rôle est déjà exercé par l'institut; il est prévu de l'inscrire dans la loi (cf. commentaire ad art. 17 de la convention et le nouvel al. 4 de l'art. 69 LPTh, ch. 2.4).

Selon le par. 3, les Parties s'engagent à intégrer la lutte contre les contrefaçons de produits thérapeutiques et les infractions similaires dans leurs programmes d'assistance au développement au profit d'Etat tiers. Cela est fait par la Suisse dans le cadre d'organisations internationales ou de relations bilatérales.

En résumé, l'art. 22 de la convention ne nécessite aucune modification du droit suisse.

2.8

Chapitre VIII: Mécanisme de suivi (art. 23 à 25)

Le chap. VIII de la convention contient des dispositions visant à garantir une mise en oeuvre efficace de la convention. Le mécanisme de suivi se fonde principalement sur le Comité des Parties, composé de représentants des Parties à la convention.

L'art. 23 de la convention porte sur le Comité des Parties, sa composition et son fonctionnement.

L'art. 24 de la convention prévoit la participation d'autres représentants au mécanisme de suivi, visant à garantir une approche multisectorielle et multidisciplinaire.

Il s'agit notamment de représentants de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) ainsi que de 2978

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représentants d'autres comités intergouvernementaux ou scientifiques du Conseil de l'Europe et de la société civile (ONG).

L'art. 25 de la convention énumère les fonctions du Comité des Parties. Cet organe possède les compétences classiques de suivi (notamment facilitation de la mise en oeuvre de la convention, informations, avis et recommandations sur son application).

Il servira en particulier de centre pour la collecte, l'analyse et la mise à disposition d'informations, d'expériences et de bonnes pratiques entre les Parties.

2.9

Chapitre IX: Relations avec d'autres instruments internationaux (art. 26)

Cette disposition vise à assurer que la convention ne porte pas atteinte aux droits et obligations découlant d'autres instruments internationaux auxquels les Parties sont également liées (par. 1).

Les Parties peuvent conclure des accords internationaux relatifs aux questions réglées dans la convention. Toutefois, elles ne peuvent conclure d'accord dérogeant à la convention (par. 2).

2.10

Chapitre X: Amendements à la convention (art. 27)

En vertu de cette disposition, les Parties peuvent proposer des amendements à la convention. Si le Comité des Ministres adopte l'amendement, il est soumis aux Parties. L'amendement n'entre en vigueur que lorsque toutes les Parties ont donné leur accord.

2.11

Chapitre XI: Clauses finales (art. 28 à 32)

Les dispositions finales de la convention correspondent peu ou prou à celles des conventions existantes du Conseil de l'Europe.

Selon son art. 28, la convention est ouverte à l'adhésion non seulement des Etats membres du Conseil de l'Europe, mais aussi des Etats non-membres qui ont participé à son élaboration (Israël et le Japon) ou qui ont un statut d'observateur au Conseil de l'Europe. D'autres Etats peuvent être invités à y adhérer.

L'art. 29 de la convention vise uniquement certains territoires au statut particulier et ne concerne pas la Suisse.

L'art. 30 de la convention précise que seules les réserves expressément prévues par la convention sont admises. La Suisse fait usage de cette possibilité en ce qui concerne l'art. 10, par. 1, let. d, et 2, en vertu de l'art. 10, par. 4 (cf. commentaires ad art. 10, par. 4, de la convention, ch. 2.3).

2979

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L'art. 31 prévoit que le Comité des Parties et le CDPC facilitent au besoin le règlement amiable de toute difficulté d'application.

Selon l'art. 32, toute Partie peut dénoncer la convention dans un délai de trois mois.

2.12

Modifications de la LPTh purement formelles (art. 29, 75a, al. 3, et 90, al. 1, LPTh)

Art. 29 LPTh L'expression «Bonnes pratiques du commerce de gros» n'étant pas usuelle, il faut la remplacer par «Bonnes pratiques de distribution». Cela n'a pas d'incidence sur le fond.

Art. 75a, al. 3, LPTh52 La modification de cette disposition est d'ordre purement formel (mention de l'abréviation CPP). Le contenu de la disposition n'est pas modifié.

Art. 90, al. 1, LPTh53 La modification de cette disposition est d'ordre purement formel (utilisation de l'abréviation AFD). Le contenu de la disposition n'est pas modifié.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Les compétences pénales en matière de criminalité liée aux produits thérapeutiques sont réparties entre la Confédération et les cantons. La mise en oeuvre de la convention n'aura pas d'influence sur la répartition des compétences entre les cantons et la Confédération telle que prévue par la LPTh.

La contrefaçon de produits thérapeutiques augmente au niveau mondial. À moyen terme, une augmentation des affaires et de leur complexité est à prévoir. La mise en oeuvre de la convention permettra d'optimiser l'utilisation des ressources disponibles notamment en favorisant les échanges d'informations au niveau international.

La mise en oeuvre de la convention entraînera un surcroît de travail pour le Ministère public de la Confédération et pour fedpol, en raison des nouvelles tâches qui leur sont attribuées. Il n'est pas encore possible de quantifier ce surcroît de travail. Le transfert de procédures au Ministère public de la Confédération se limitera probablement à un ou deux cas par année. Cependant, s'agissant d'affaires complexes et de grande ampleur, l'expérience montre qu'elles mobilisent plusieurs personnes dès le début de l'enquête.

52 53

FF 2016 1781 FF 2016 1781

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FF 2017

S'agissant du mécanisme de suivi, les frais sont pris en charge par le Conseil de l'Europe. Les tâches découlant du suivi qui reviendront à l'institut s'inscriront dans le cadre de ses activités courantes et ne nécessitent pas de ressources supplémentaires.

Aucune contribution obligatoire des Etats Parties à la convention n'est prévue.

3.2

Conséquences pour la Principauté de Liechtenstein

La Principauté de Liechtenstein a également signé la convention Médicrime.

Conformément à l'échange de notes du 11 décembre 2011 entre la Suisse et le Liechtenstein concernant la validité de la loi suisse sur les produits thérapeutiques au Liechtenstein54, et conformément au Traité douanier du 29 mars 1923 entre la Suisse et la Principauté de Liechtenstein concernant la réunion de la Principauté de Liechtenstein au territoire douanier suisse55(traité douanier), la LPTh est applicable dans la principauté. Les deux pays examineront dans le cadre de la procédure régulière d'élimination des divergences portant sur les annexes au traité douanier si les présentes modifications de la LPTh y seront également applicables.

3.3

Conséquences pour les cantons et les communes

La mise en oeuvre de la convention n'engendrera pas de coûts supplémentaires pour les cantons et les communes. Les cantons mènent déjà des investigations et des poursuites pénales dans le domaine de la criminalité liée aux produits thérapeutiques. Pour les cantons également, l'augmentation des contrefaçons peut entraîner une augmentation des coûts de la lutte contre ce phénomène. Cependant, la ratification de la convention améliorera les possibilités d'investigation et l'échange d'informations au niveau international. Cela permettra, au niveau cantonal également, de tirer un meilleur parti des ressources disponibles.

3.4

Conséquences économiques

La contrefaçon de produits thérapeutiques peut avoir des effets graves sur la santé des patients et donc engendrer des coûts importants pour la collectivité. À cela s'ajoute le risque que les consommateurs perdent confiance dans les circuits de distribution légaux si des produits contrefaits y sont découverts. La ratification et la mise en oeuvre de la convention auront à cet égard des conséquences économiques positives.

Par ailleurs, il est important d'éviter que la Suisse devienne une plaque tournante du trafic international de produits thérapeutiques contrefaits. Les nouveaux moyens d'investigation pénale, la reprise par le Ministère public de la Confédération des 54 55

RS 0.812.101.951.4 RS 0.631.112.514

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FF 2017

procédures concernant des infractions commises à l'étranger et des procédures complexes, ainsi que l'amélioration de l'échange d'informations au niveau international, permettront de mieux prévenir ce risque.

En ce qui concerne l'apposition de dispositifs de sécurité sur les emballages de médicaments, les entreprises pharmaceutiques optant pour ce système devront remplir des exigences supplémentaires qui augmenteront les coûts liés à la fabrication de médicaments. De même, au niveau de la distribution et de la remise, la vérification des dispositifs de sécurité impliquera certaines dépenses, tout au moins initialement, pour les entreprises concernées. Au niveau de l'UE, il a été estimé que l'apposition d'un identifiant unique pouvait augmenter le prix d'un emballage de médicament d'environ 0,033 euros56. À cela s'ajoute les coûts liés au système de banques de données et à la vérification des identifiants uniques. Même facultative, l'apposition de dispositifs de sécurité peut donc avoir des conséquences sur les prix des médicaments. En contrepartie, cette mesure permettra à la Suisse de maintenir un niveau de protection de la santé équivalent à celui de l'UE concernant la prévention de l'introduction de médicaments contrefaits dans la chaîne de distribution légale.

4

Relation avec le programme de la législature

Le projet a été annoncé dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201557 et dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201558.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 54, al. 1, Cst. prévoyant que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. L'art. 184, al. 2, Cst. confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier.

Enfin, l'art 166, al. 2, Cst. confère à l'Assemblée fédérale la compétence de les approuver.

56

57 58

Commission Staff Working Document, «Impact assessment accompanying the document COMMISSION DELEGATED REGULATION (EU) No .../... supplementing the Directive 2001/83/EC of the European Parliament and of the Council by laying down detailed rules for the safety features appearing on the packaging of medicinal products for human use», Brussels, 2.10.2015, SWD(2015) 189 final, disponible sous www.

ec.europa.eu > More about the Commission > How the Commission is organised > Departments and agencies > DG Health and Food Safety > Public health > Policies > Pharmaceuticals > Medicinal Products for Human Use > Falsified Medicines > «Background to the delegated Regulation» (état 17.1.2017).

FF 2012 349 428 479 FF 2012 6667 6672

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FF 2017

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Tous les compléments et modifications proposés sont compatibles avec les engagements internationaux de la Suisse et ne portent pas atteinte aux accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE (cf. ch. 1.4, 2.2 et 2.7).

5.3

Forme de l'acte à adopter et de l'acte de mise en oeuvre

En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst. les traités internationaux sont sujets au référendum lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2), ou contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3). Selon l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement59, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Enfin, on entend par dispositions importantes celles qui, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., devraient être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

La présente convention est conclue pour une durée indéterminée mais peut être résiliée en tout temps (art. 32 de la convention) et ne prévoit aucune adhésion à une organisation internationale. L'adhésion à la convention entraîne cependant des adaptations de la LPTh et du CPP. L'arrêté fédéral d'approbation est par conséquent sujet au référendum en vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

Selon l'art. 141a Cst., lorsque l'arrêté portant approbation d'un traité international est sujet au référendum, l'Assemblée fédérale peut y intégrer les modifications constitutionnelles ou législatives liées à la mise en oeuvre du traité. En l'occurrence, les modifications législatives proposées sont liées à la mise en oeuvre de la convention. Le projet d'acte de mise en oeuvre peut dès lors être intégré à l'arrêté d'approbation.

5.4

Délégation de compétences législatives

Les modifications de la LPTh contiennent des normes de délégation. Selon l'art.

17a, le Conseil fédéral précise les exigences relatives à l'apposition et à la vérification des dispositifs de sécurité (al. 2 et 7). Il établit par voie d'ordonnance les conditions-cadres de la mise en place et du fonctionnement du système de banques de données (al. 3 à 5). Il peut rendre l'apposition et la vérification des dispositifs de sécurité obligatoires et étendre la possibilité d'apposer des dispositifs de sécurité à d'autres médicaments (al. 8). Quant à l'art. 18, al. 2, il prévoit que le Conseil fédéral

59

RS 171.10

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FF 2017

précise les exigences relatives aux activités soumises à autorisation, en particulier l'application par analogie des bonnes pratiques de distribution.

Ces délégations législatives se justifient par le haut niveau de détail et la technicité de la matière. Le droit d'exécution pourra être adapté rapidement et de manière flexible aux normes internationales, aux expériences faites à l'étranger et, pour l'art.

17a, à l'évolution de la situation en matière de contrefaçons.

5.5

Conformité à la législation sur la protection des données

Le nouvel art. 62b LPTh habilite les autorités à communiquer des données confidentielles aux acteurs concernés, y compris des données sensibles au sens de l'art. 3, let. c, ch. 4, LPD, c'est-à-dire des données personnelles sur des poursuites ou des sanctions pénales et administratives.

La possibilité de transmettre des données en vertu de cette disposition relève de l'appréciation de l'autorité qui peut, mais ne doit pas, y avoir recours. Elle est limitée aux cas où elle paraît nécessaire pour mettre au jour et combattre un trafic illégal de produits thérapeutiques, c'est-à-dire lorsqu'un intérêt public prépondérant justifie cette démarche. L'autorité procède dans chaque cas à une pesée des intérêts, cela est également expressément prévu. Enfin, les autorités ne peuvent pas transmettre d'autres données sensibles au sens de la LPD que celles en relation avec des poursuites ou des sanctions pénales et administratives (al. 1). Elles ne peuvent pas transmettre les données personnelles de patients (al. 2).

La possibilité de transmettre des informations confidentielles étant ainsi délimitée, l'art. 62b LPTh s'accorde avec les principes qui régissent la protection des données.

5.6

Frein aux dépenses

Dans le but de limiter les dépenses, l'art. 159, al. 3, let. b, Cst. prévoit que les dispositions relatives aux subventions, ainsi que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses, doivent être adoptés par la majorité des membres de chaque conseil s'ils entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses récurrentes de plus de 2 millions de francs. Le présent projet ne contient ni disposition relative à des subventions ni décision de financement. Il n'est donc pas soumis au frein aux dépenses.

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