17.046 Message relatif à l'initiative populaire «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination)» du 5 juillet 2017

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination)», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

5 juillet 2017

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2017-0458

5027

Condensé L'initiative pour l'autodétermination vise à établir la primauté du droit constitutionnel sur le droit international. Elle a aussi pour but de contraindre les autorités à modifier ou à dénoncer au besoin les traités internationaux qui seraient contraires à la Constitution (Cst.). Son intention affichée est de clarifier la relation entre le droit international et le droit interne. Or il n'est pas possible de satisfaire à cette exigence en pratique. L'initiative présente des contradictions internes et menace de saper la sécurité du droit et la prévisibilité, qui est capitale pour la Suisse et pour ses entreprises. Elle propose de modifier la Constitution de manière à contraindre les autorités à faire fi des obligations conventionnelles existantes.

Cette exigence est contraire à notre culture juridique et affaiblirait la position de la Suisse dans ses relations avec les autres États. L'initiative pour l'autodétermination, si elle était acceptée, aurait des conséquences négatives sur la politique extérieure et sur les échanges économiques (extérieurs). Aussi le Conseil fédéral recommande-t-il son rejet.

Teneur de l'initiative L'initiative pour l'autodétermination vise à compléter les art. 5 et 190 Cst. et à ajouter un nouvel art. 56a. Elle prévoit en outre une disposition transitoire selon laquelle les nouvelles dispositions s'appliqueront à toutes les obligations de droit international existantes de la Confédération et des cantons.

Le but est d'établir la primauté de la Constitution sur le droit international, sauf s'agissant des règles impératives de celui-ci. En cas de conflit d'obligations, la Confédération et les cantons seraient tenus de veiller à ce que les obligations de droit international soient adaptées aux dispositions constitutionnelles, c'est-à-dire renégociées. En cas d'échec de ces négociations, du fait, par exemple, du désaccord des partenaires de la Suisse avec l'une des modifications proposées, il conviendrait au besoin de dénoncer le traité international concerné.

Selon le droit constitutionnel en vigueur, le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'appliquer le droit international, y compris, donc, quand il est en contradiction avec le droit constitutionnel. Selon l'initiative pour l'autodétermination, les tribunaux ne seraient tenus d'appliquer à l'avenir
que les traités internationaux dont l'arrêté d'approbation a été sujet ou soumis au référendum. Les autres traités internationaux ne seraient plus applicables s'ils sont en contradiction avec la Constitution.

Appréciation de l'initiative Certaines dispositions de l'initiative pour l'autodétermination se réfèrent à des problèmes qui ne se posent pas du tout en pratique. Par exemple, il n'est pas besoin de préciser que la Constitution fédérale est la source suprême du droit de la Confédération suisse, ni qu'il est interdit de conclure des traités internationaux qui soient en contradiction avec elle. L'affirmation contenue dans l'initiative pour l'autodétermination selon laquelle il y aurait contradiction entre le droit interne (édicté de

5028

manière totalement autonome) et le droit international (dicté par des forces extérieures) n'a pas lieu d'être. La démocratie directe est parfaitement assurée lors de la conclusion de traités internationaux. Se soumettre à des obligations de droit international n'est pas restreindre la souveraineté nationale, mais exercer celle-ci.

Il est vrai que la relation entre droit international et droit interne n'est pas entièrement dépourvue de tensions. Par exemple, la Constitution ne propose pas de solution générale concernant la mise en oeuvre d'initiatives populaires contraires au droit international. Mais on peut aussi considérer comme un avantage le fait de laisser ouvert le rapport de primauté entre la Constitution et le droit international.

Cela permet en effet l'adoption de solutions pragmatiques et largement étayées.

L'initiative pour l'autodétermination menace de fermer cette voie. En imposant la primauté de la Constitution et l'adaptation ou la dénonciation des traités internationaux, elle prône un schéma rigide, là où il faudrait une approche nuancée.

Au-delà de cette question, l'acceptation de l'initiative pour l'autodétermination entraînerait des désavantages pour la Suisse et créerait un certain nombre de nouveaux problèmes. Elle nuirait à la fois à l'économie et à la protection internationale des droits de l'homme. Autoriser tacitement la violation de traités, comme le prévoit l'initiative pour l'autodétermination, affaiblirait le pouvoir de négociation de la Suisse et augmenterait le risque, pour celle-ci, de voir sa responsabilité internationale engagée et de devoir en assumer les conséquences (suspension ou dénonciation par l'autre partie au traité, mesures de rétorsion, représailles, etc.).

L'initiative pour l'autodétermination promet de clarifier les relations entre le droit interne et le droit international. Or si elle est acceptée, c'est l'inverse qui risque de se produire, car elle contient un certain nombre d'ambiguïtés et de contradictions.

Par exemple, elle n'établit pas clairement d'ordre de primauté entre le droit international et les différentes dispositions du droit interne, laissant des questions cruciales à l'appréciation des tribunaux.

Proposition du Conseil fédéral Les préoccupations à l'origine de l'initiative pour l'autodétermination sont indéfendables, tant de
par leur approche que par la manière d'y répondre concrètement.

Aussi le Conseil fédéral propose-t-il au Parlement de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire sans contre-projet direct ou indirect.

5029

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Table des matières Condensé

5028

1

Aspects formels 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Examen préliminaire et aboutissement 1.3 Délais de traitement 1.4 Procédure de révision partielle

5032 5032 5033 5033 5033

2

Validité 2.1 Unité de la forme 2.2 Unité de la matière 2.3 Compatibilité avec les règles impératives du droit international 2.4 Exécutabilité

5035 5035 5035 5036 5038

3

Contenu et but de l'initiative du point de vue de ses auteurs 3.1 Contenu de la réglementation proposée 3.2 Objectifs des auteurs de l'initiative

5038 5038 5039

4

Relation entre droit international et droit interne: généralités 4.1 Les trois aspects de la relation entre droit international et droit interne 4.2 Rang du droit international et procédure en cas de conflit de normes avec le droit interne dans la situation juridique actuelle 4.2.1 Éviter les conflits de normes: un mandat constitutionnel 4.2.2 Autres prescriptions constitutionnelles 4.2.3 Relation entre droit international et lois fédérales 4.2.4 Relation entre droit international et Constitution 4.2.5 Résolution d'un conflit de normes 4.3 Débats antérieurs sur la relation entre droit international et droit interne

5040

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative 5.1 La Constitution, source suprême du droit et placée au-dessus du droit international (art. 5, al. 1 et 4, P-Cst.)

5.1.1 La Constitution source suprême du droit 5.1.2 Suprématie de rang et règle de résolution des conflits 5.1.3 Notions: «Constitution fédérale» et «droit international» 5.1.4 Réserve en faveur des règles impératives du droit international 5.2 Traitement des conflits entre la Constitution et les obligations de droit international (art. 56a P-Cst.)

5.2.1 Interdiction expresse de conclure des traités 5.2.2 Conflit entre des obligations de droit international et des normes constitutionnelles

5050

5

5030

5040 5041 5041 5042 5043 5044 5045 5046

5050 5050 5050 5051 5053 5053 5053 5054

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5.2.3 5.2.4

5.3

5.4 6

Adaptation des obligations de droit international Dénonciation au besoin d'un traité contraire à la Constitution 5.2.5 Autorités compétentes pour dénoncer les traités internationaux selon le droit interne 5.2.6 Réserve en faveur des règles impératives du droit international Restriction de la primauté d'application du droit international (art. 190 P-Cst.)

5.3.1 Portée et but de l'art. 190 Cst.

5.3.2 Première restriction: les «traités internationaux» au lieu du «droit international» 5.3.3 Deuxième restriction: primauté d'application limitée aux traités internationaux sujets ou soumis au référendum 5.3.4 Interprétation de la notion «sujet ou soumis au référendum» 5.3.5 Conséquences pour la relation entre droit international et loi fédérale Disposition transitoire (art. 197, ch. 12, P-Cst.)

5056 5057 5058 5059 5060 5060 5061 5061 5062 5065 5065

Appréciation de l'initiative et conséquences d'une acceptation 6.1 Des normes superfétatoires 6.2 Des solutions inappropriées 6.2.1 Une norme schématique de règlement des conflits 6.2.2 Marge de manoeuvre restreinte 6.3 Apparition de nouveaux problèmes 6.3.1 Affaiblissement de la fidélité aux traités et de la validité du droit international 6.3.2 Risque de voir la responsabilité internationale de la Suisse engagée 6.3.3 Répercussions négatives sur les échanges économiques extérieurs 6.3.4 Affaiblissement de la protection internationale des droits de l'homme 6.3.5 Contradictions et imprécisions du texte de l'initiative

5066 5066 5067 5067 5068 5068

7

Renonciation à tout contre-projet direct ou indirect

5075

8

Conclusion

5075

5069 5069 5071 5072 5072

Bibliographie

5077

Liste de documents cités plusieurs fois

5078

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination)» (Projet)

5079

5031

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Message 1

Aspects formels

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination)» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 5, al. 1 et 4 Le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. La Constitution fédérale est la source suprême du droit de la Confédération suisse.

1

La Confédération et les cantons respectent le droit international. La Constitution fédérale est placée au-dessus du droit international et prime sur celui-ci, sous réserve des règles impératives du droit international.

4

Art. 56a

Obligations de droit international

La Confédération et les cantons ne contractent aucune obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution fédérale.

1

En cas de conflit d'obligations, ils veillent à ce que les obligations de droit international soient adaptées aux dispositions constitutionnelles, au besoin en dénonçant les traités internationaux concernés.

2

3

Les règles impératives du droit international sont réservées.

Art. 190

Droit applicable

Le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'appliquer les lois fédérales et les traités internationaux dont l'arrêté d'approbation a été sujet ou soumis au référendum.

Art. 197, ch. 122 12. Disposition transitoire ad art. 5, al. 1 et 4 (Principes de l'activité de l'État régi par le droit), art. 56a (Obligations de droit international) et art. 190 (Droit applicable) À compter de leur acceptation par le peuple et les cantons, les art. 5, al. 1 et 4, 56a et 190 s'appliquent à toutes les dispositions actuelles et futures de la Constitution 1 2

RS 101 Le numéro définitif de la présente disposition transitoire sera fixé par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

5032

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fédérale et à toutes les obligations de droit international actuelles et futures de la Confédération et des cantons.

1.2

Examen préliminaire et aboutissement

L'initiative populaire «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination)» a fait l'objet d'un examen préliminaire de la Chancellerie fédérale le 25 février 20153 et a été déposée le 12 août 2016, munie des signatures nécessaires. Lors de l'examen préliminaire, la Chancellerie fédérale a constaté que la liste de signatures et le titre de l'initiative pour l'autodétermination satisfont, quant à la forme, aux exigences de la loi. Par décision du 6 septembre 2016, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti, avec 116 428 signatures valables4.

1.3

Délais de traitement

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose aucun contre-projet, ni direct ni indirect. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral a jusqu'au 12 août 2017 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. L'Assemblée fédérale, pour sa part, dispose d'un délai de 30 mois à compter du dépôt de l'initiative pour décider si elle recommandera au peuple et aux cantons d'accepter ou de rejeter celle-ci (art. 100 LParl). Ce délai expire le 12 février 2019. Si l'un des conseils a pris une décision sur un contre-projet ou un projet d'acte en rapport étroit avec l'initiative populaire, l'Assemblée fédérale peut proroger d'un an (jusqu'au 12 février 2020) le délai imparti pour traiter l'initiative (art. 105, al. 1, LParl).

1.4

Procédure de révision partielle

Les art. 193 et 194 de la Constitution (Cst.)6 distinguent la révision totale de la Constitution de sa révision partielle. Cette distinction se fonde sur les éléments suivants7: tout d'abord, les règles de procédure sont différentes (voir art. 193, al. 1 à 3, Cst. pour la révision totale, et art. 194, al. 1, Cst. pour la révision partielle). Ensuite, s'agissant de la révision totale, les initiatives populaires ne peuvent que proposer le déclenchement de la procédure (art. 138 Cst.), tandis que pour une révision partielle, elles peuvent exiger des modifications concrètes et ce, qu'elles revêtent la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé. Il est par conséquent logique que le principe de l'unité de la matière ne s'applique qu'à la révision partielle, de sorte que ne puissent être exigées que des modifications 3 4 5 6 7

FF 2015 1831 FF 2016 6871 RS 171.10 RS 101 Voir Tschannen, § 44, no 1.

5033

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unies par un lien matériel. Selon la pratique des autorités fédérales, la distinction entre révision totale et révision partielle se fait sur la base de critères formels et matériels8:

­

Critères formels: il y a révision totale lorsque le document constitutionnel en vigueur est remplacé par une constitution nouvelle. Sont alors remises en question toute la matière constitutionnelle sur le plan thématique, et toutes les dispositions de l'«ancienne» constitution sur le plan formel 9. Il y a révision partielle lorsqu'une ou plusieurs normes constitutionnelles sont modifiées, abrogées ou introduites dans la constitution en vigueur.

­

Critères matériels10: l'initiative tendant à une révision partielle doit aussi se limiter à une révision partielle sur le plan du contenu; elle ne doit pas être une révision totale déguisée. Une révision totale serait envisagée si l'initiative vise à modifier des principes fondamentaux de la Constitution (p. ex. le fédéralisme, les fondements démocratiques de la Suisse). En effet, intégrer une telle modification dans la constitution existante n'aurait aucun sens. Il ne faut pas pour autant conclure à une révision totale déguisée dès qu'une initiative vise la modification de dispositions constitutionnelles importantes11.

L'initiative pour l'autodétermination vise à compléter deux dispositions de la Constitution (art. 5 et 190) et à en créer deux nouvelles: un art. 56a et une disposition transitoire (art. 197, ch. 12, P-Cst.). Du point de vue formel, l'initiative pour l'autodétermination ne porte que sur un nombre restreint de dispositions constitutionnelles. Elle est donc clairement délimitée. Sur le fond, elle vise, par une modification de l'art. 5, al. 4, Cst., à établir la primauté du droit constitutionnel sur le droit international. Les autres modifications (art. 5, al. 1, 56a, 190 et 197, ch. 12, P-Cst.)

portent sur d'autres points, notamment les conséquences juridiques de la règle de primauté. L'initiative pour l'autodétermination traite de la relation entre droit international et droit interne, et ainsi des aspects importants de notre ordre juridique, qui ont une dimension constitutionnelle12. Elle n'affecte cependant en rien les «choix fondamentaux [inhérents à la Cst.] qui conditionnent l'ensemble de la structure de notre État» (démocratie, État fédéral, État de droit, État social)13. Cette question de la portée d'une révision a été débattue notamment lors de la réforme de la péréqua8 9 10

11 12

13

Message nCst., p. 439 Biaggini, art. 192, no 5 La prise en compte (supplémentaire) de critères de distinction matériels n'est pas incontestée dans la doctrine. Sont notamment l'objet de critiques la complexité du sujet (à partir de quel moment une révision partielle est-elle radicale au point qu'il faille la qualifier de «matériellement totale»?), et le risque de voir la forme de la révision totale matérielle détournée afin de déclarer nulles les initiatives politiquement indésirables, trop radicales par leur contenu (voir Tschannen, § 44, no 5).

Voir exemples in Hangartner/Kley, no 814.

Voir message du Conseil fédéral du 25 mai 1988 concernant l'initiative «pour une Suisse sans armée et pour une politique globale de paix», FF 1988 II 946, en l'espèce 950.

Le Conseil fédéral y estimait que la suppression de l'armée constituait «une décision fondamentale relative à la forme de l'État», mais qu'il fallait y réfléchir en tenant compte de la pratique observée depuis longtemps en matière de révision partielle et non de révision totale.

Message nCst., p. 14 ss

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tion financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), laquelle était conçue comme une réforme du fédéralisme 14. Par comparaison, il apparaît clairement que l'initiative pour l'autodétermination vise une révision partielle de la Constitution, et qu'il faut lui appliquer la procédure correspondante15.

2

Validité

2.1

Unité de la forme

Les initiatives populaires tendant à la révision partielle de la Constitution peuvent revêtir la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé (art. 139, al. 2, Cst.). Conformément à l'art. 75, al. 3, de la loi fédérale du 18 décembre 1976 sur les droits politiques (LDP)16, les formes mixtes ne sont pas admissibles.

L'initiative pour l'autodétermination est présentée sous la forme d 'un projet rédigé.

L'unité de la forme est par conséquent respectée.

2.2

Unité de la matière

En vertu de l'art. 139, al. 3, Cst., l'art. 75, al. 2, LDP dispose que l'unité de la matière est respectée lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties d'une initiative. Ce principe vise à garantir un vote libre et non faussé, ce qui suppose que les électeurs soient appelés à donner leur avis sur une question précise, au sujet bien délimité. Il faut en effet éviter le regroupement dans une seule requête de plusieurs propositions hétérogènes dans le but d'obtenir plus facilement le soutien à l'initiative et, partant, le nombre de signatures requis. Une fois que l'initiative a abouti, il faut faire en sorte que lors du vote, les électeurs ne soient pas invités à se prononcer sur plusieurs objets différents n'ayant aucun rapport entre eux. L'Assemblée fédérale défend une notion plutôt large de l'unité de la matière17.

L'initiative pour l'autodétermination respecte l'unité de la matière. Ses différentes dispositions ont un rapport intrinsèque les unes avec les autres: l'art. 5, al. 4, P-Cst assoit la primauté du droit constitutionnel sur le droit international, et l'art. 56a, al. 2, P-Cst. réglemente les conséquences juridiques (obligation d 'adaptation et de dénonciation) de ce principe. La primauté de validité (du droit constitutionnel sur le droit international) inscrite à l'art. 5, al. 4, P-Cst. a un rapport de connexité suffisant avec l'art. 190 P-Cst.; cette dernière disposition décrit la portée de la primauté d'application et implique que les traités internationaux sujets ou soumis au référendum, s'ils sont (devenus) contraires à la Constitution, restent applicables jusqu'à leur 14

15 16 17

Message du Conseil fédéral du 14 novembre 2001 concernant la Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), FF 2002 2155 2185 s.

Voir par contre Keller/Weber, p. 1020 s., qui préconisent une révision totale, eu égard à l'importance du contenu.

RS 161.1 Message nCst., p. 441

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modification ou leur dénonciation. La primauté de validité a aussi un lien intrinsèque avec la disposition transitoire, qui prévoit notamment que les nouvelles règles de primauté, d'adaptation et de dénonciation s'appliqueraient aussi aux obligations de droit international existantes.

Les différentes dispositions de l'initiative pour l'autodétermination n'ont pas un lien intrinsèque qu'entre elles. Elles se rapportent toutes à un sujet unique, la position du droit international dans l'ordre juridique suisse, et poursuivent par conséquent le même objectif.

À l'opinion formulée çà et là dans la doctrine, selon laquelle l'initiative pour l'autodétermination ne respecterait pas l'unité de la matière 18, on opposera ceci: d'une part, les imprécisions et le flou juridique d'une initiative constitutionnelle ne sont pas un motif d'invalidité en soi (voir l'énumération de l'art. 139, al. 3, Cst.); d'autre part, l'imprécision de certaines dispositions constitutionnelles ne suffit pas à établir le non-respect de l'unité de la matière. En outre, le principe de l'unité de la matière ne donne nullement aux électeurs le droit de voir soumettre séparément à leur vote des éléments individuels d'un projet, fussent-ils particulièrement importants. Les initiatives constitutionnelles contiennent presque toujours plusieurs mesures, ou des ensembles complets de mesures, que certains électeurs n'approuvent qu'en partie. Après avoir soigneusement pesé le pour et le contre, ils sont obligés de prendre une décision globale. Ce processus de décision n'aboutit pas à une contrainte (pertinente juridiquement) qui permette de conclure directement à l'absence de rapport intrinsèque. Il convient plutôt de vérifier si les différentes dispositions présentent un rapport intrinsèque. Comme nous venons de l'expliquer, les différentes dispositions sont liées matériellement et dans leur genèse. La règle de primauté (art. 5, al. 4, P-Cst.) est l'élément principal. Les autres modifications (art. 5, al. 1, 56a, 190 et 197, ch. 12, P-Cst.) portent sur d'autres définitions, notamment les conséquences juridiques de la règle de primauté. Certains arguent, en vertu du principe de l'unité de la matière, que l'acceptation d'une initiative populaire formulée de manière restrictive sur le plan du contenu, qui serait ponctuellement en contradiction
avec un traité international formulé de manière large, ne doit pas être interprétée comme un mandat pur et simple de dénonciation du traité en question, au prétexte qu'il s'agirait là de deux questions différentes19. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici: l'initiative pour l'autodétermination formule explicitement une règle applicable aux conflits, qui peut, au besoin, conduire à la dénonciation. Ce point est incontestable sous l'angle de l'unité de la matière. Par conséquent, l'initiative pour l'autodétermination respecte l'unité de la matière.

2.3

Compatibilité avec les règles impératives du droit international

Selon l'art. 139, al. 3, Cst., lorsqu'une initiative populaire ne respecte pas les règles impératives du droit international, elle est déclarée totalement ou partiellement nulle.

La Constitution ne définit pas ces règles impératives, mais le Conseil fédéral et 18 19

Keller/Weber, p. 1016 ss.

Künzli, p. 69; Blum/Naegeli/Peters, p. 556 s.

5036

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l'Assemblée fédérale ont développé une pratique à ce sujet. Il en ressort que relèvent des «règles impératives du droit international» les normes suivantes20:

­

tout d'abord, les normes du droit international impératif (jus cogens), dont l'art. 53, 2e phrase, de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (convention de Vienne)21 fournit une définition générale. Le jus cogens désigne les normes fondamentales du droit international ne souffrant aucune dérogation22;

­

ensuite, le Conseil fédéral a confirmé à plusieurs reprises que relevaient également des règles impératives du droit international les droits garantis par la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)23 qui ne souffrent aucune dérogation, même en cas d'état d'urgence (art. 15): l'interdiction d'infliger la mort arbitrairement (art. 2), l'interdiction de la torture (art. 3), l'interdiction de l'esclavage et du travail forcé (art. 4, al. 1), le principe «pas de peine sans loi» (art. 7), plus l'interdiction de la double peine en vertu du principe ne bis in idem (art. 4 du protocole no 7 du 22 novembre 1984 à la CEDH24);

­

enfin, la pratique des autorités fédérales accorde la qualité de règle impérative du droit international à certains droits garantis par le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU)25 auxquels il est impossible de déroger, même en cas d 'état d'urgence26.

Conformément à l'art. 5, al. 4, 2e phrase, P-Cst., la primauté du droit constitutionnel ne s'étend pas aux règles impératives du droit international. L'art. 56a, al. 3, P-Cst.

précise lui aussi que les règles impératives du droit international sont réservées.

Cette condition de validité est donc remplie.

20

21 22

23 24 25 26

Sujet traité en détail dans le rapport additionnel droit international/droit interne, p. 3413 ss. Voir aussi le message nCst., p. 441 s. et le message du Conseil fédéral du 27 août 2008 relatif à l'initiative populaire «contre la construction de minarets», FF 2008 6923 6929 ss.

Entrée en vigueur pour la Suisse le 6 juin 1990; RS 0.111.

Art. 53, 2e phrase, de la convention de Vienne: «Aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère.» Voir liste de droits relevant du jus cogens: message sur l'initiative de mise en oeuvre, p. 8504 s.

Entrée en vigueur pour la Suisse le 28 novembre 1974 (RS 0.101).

RS 0.101.07 RS 0.103.2 Voir message sur l'initiative de mise en oeuvre, p. 8503, pour plus de détails.

5037

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2.4

Exécutabilité

L'inexécutabilité manifeste dans les faits est la seule limite non écrite à la révision constitutionnelle27. La révision peut être en soi impossible ou être devenue sans objet. À l'aune de ces exigences, l'initiative pour l'autodétermination se révèle exécutable.

Qu'en est-il des traités internationaux dont il est généralement admis qu'ils ne peuvent pas être dénoncés? Cette question se pose notamment s'agissant du Pacte II de l'ONU28. On pourrait en conclure que l'obligation visée à l'art. 56a, al. 2, P-Cst., de dénoncer au besoin les traités internationaux contraires à la Constitution dont l'adaptation a échoué, est inexécutable s'agissant de traités internationaux ne pouvant être dénoncés, et que l'initiative pour l'autodétermination doit être déclarée partiellement nulle. Tel n'est pas le cas:

­

L'art. 56a, al. 2, P-Cst. peut être interprété de la manière suivante: l'obligation de dénoncer qu'il contient ne peut être appliquée qu'à des traités internationaux dénonçables, ce qu'ils sont du reste presque tous. S'il y a contradiction et que l'adaptation échoue, l'art. 56a, al 2, P-Cst. pourrait donc être appliqué dans la plupart des cas.

­

Conformément, entre autres, à la pratique relative aux initiatives populaires contraires à des dispositions de traités internationaux non dénonçables29, la non-applicabilité de l'obligation de dénoncer visée à l'art. 56a, al. 2, P-Cst.

entraînerait tout au plus une non-exécutabilité juridique, mais pas dans les faits. Or la non-exécutabilité simplement juridique n'est pas une raison suffisante pour invalider une initiative populaire.

­

Par ailleurs, le caractère, le cas échéant non dénonçable, d'un traité international n'est pas contraire à la règle de primauté prévue à l'art. 5, al. 4, P-Cst.

3

Contenu et but de l'initiative du point de vue de ses auteurs

3.1

Contenu de la réglementation proposée

L'initiative pour l'autodétermination vise à inscrire dans la Constitution la primauté du droit constitutionnel sur le droit international, avec l'obligation d'adapter ou de dénoncer au besoin les traités internationaux contraires à la Constitution. Cette règle s'appliquerait aux conflits existants comme aux conflits futurs entre les traités internationaux et la Constitution.

Concrètement, l'initiative pour l'autodétermination vise à compléter les art. 5 et 190 de la Constitution et à y ajouter un nouvel art. 56a. Elle prévoit en outre une disposition transitoire selon laquelle les nouvelles dispositions s'appliqueront à toutes

27 28 29

Message nCst., p. 441 Voir rapport sur la CEDH, p. 399 s., avec d'autres références.

Rapport droit international/droit interne, p. 2136; Tschannen, § 44, no 26b.

5038

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les obligations de droit international existantes et futures de la Confédération et des cantons (art. 197, ch. 12, P-Cst.).

Sur le fond, l'initiative pour l'autodétermination vise essentiellement les modifications suivantes (voir le commentaire et l'interprétation du texte de l'initiative au ch. 5):

­

inscription à l'art. 5, al. 1 et 4, Cst. de la primauté du droit constitutionnel sur le droit international (règle de primauté);

­

création d'un art. 56a Cst. qui obligerait la Confédération et les cantons à adapter les traités internationaux contraires à la Constitution, et à les dénoncer au besoin (devoir d'adaptation et de dénonciation);

­

restriction, à l'art. 190 Cst., de la portée de la primauté d'application aux seuls traités internationaux dont l'arrêté d'approbation a été sujet ou soumis au référendum (restriction de la primauté d'application), et non plus à l'ensemble du droit international.

Les dispositions prévues imposeraient des obligations aux autorités concernées de la Confédération et des cantons sans qu'il soit besoin d'édicter une loi d'exécution30.

3.2

Objectifs des auteurs de l'initiative

Selon les auteurs de l'initiative, le Tribunal fédéral et le Conseil fédéral ont tout mis en oeuvre ces dernières années, avec le soutien des professeurs de droit, pour faire passer le droit international avant le droit interne (droit constitutionnel). Ils estiment que le Conseil fédéral et le Parlement refusent fréquemment, en invoquant le droit international, d'appliquer (complètement) des initiatives populaires qui ont été acceptées. Selon eux, l'ATF 139 I 16 constitue pour le moment le point culminant de ce développement: le Tribunal fédéral y a tranché la question fondamentale de savoir qui est le pouvoir législatif suprême en Suisse en donnant la priorité au droit international et, plus particulièrement, à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Les auteurs de l'initiative considèrent qu'il faut inverser ce développement. C'est la raison pour laquelle l'initiative pour l'autodétermination déclare la Constitution source suprême du droit de la Confédération, garantissant ainsi que tout conflit de normes soit réglé en faveur du droit interne. Les auteurs estiment que cela permettra à l'avenir d'appliquer intégralement les décisions du peuple et des cantons, et que cette clarification de la relation entre droit international et droit interne rétablira la sécurité juridique et la stabilité31.

30 31

Voir argumentaire de l'initiative, p. 35.

Voir argumentaire de l'initiative, p. 4 s., 12 et 14.

5039

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4

Relation entre droit international et droit interne: généralités

Afin de favoriser la compréhension du commentaire du texte de l'initiative (voir ch. 5) et de l'appréciation de celle-ci (voir ch. 6), nous exposons ici les principaux aspects de la relation entre le droit international et le droit interne, de même que la pratique juridique en vigueur (ch. 4.1 et 4.2). Nous donnerons aussi un aperçu des débats relativement vifs que ce sujet a inspirés ces derniers temps.

4.1

Les trois aspects de la relation entre droit international et droit interne

La relation entre droit international et droit interne comprend trois aspects 32: la validité du droit international en droit interne, l'application du droit international en droit interne et le rang du droit international par rapport au droit interne.

En Suisse, les traités internationaux, contraignants en droit international, sont automatiquement valables en droit interne (monisme), c'est-à-dire qu'ils ne nécessitent pas de transformation par un acte interne, contrairement à la pratique des États dualistes33. Le choix du monisme n'a aucune influence sur le rang du droit international.

De même, le caractère contraignant des obligations de droit international pour les relations extérieures (voir ch. 4.2.1 et 6.3.1) est indépendant de cette question de système34. L'initiative pour l'autodétermination ne remet pas en cause le choix du système moniste.

Les normes du droit international sont directement applicables (self-executing) dès lors qu'elles sont suffisamment claires et précises pour que les particuliers (personnes physiques et morales) puissent en déduire directement des droits et des obligations et faire valoir ceux-ci devant les autorités administratives et judiciaires35.

Elles ne sont pas directement applicables (non-self-executing) lorsqu'elles s'adressent aux organes législatifs des États. Il s'agit alors de dispositions cadres ou programmatiques, qui ne confèrent aucun droit individuel et qui nécessitent une concrétisation dans la loi. L'initiative pour l'autodétermination n'exerce aucune influence directe sur ces principes concernant l'application du droit international. Cela dit, lorsqu'une disposition constitutionnelle contredit une norme du droit international directement applicable, l'art. 190 Cst. détermine si les autorités sont tenues d'appliquer cette dernière (voir ch. 5.3).

L'initiative pour l'autodétermination vise à intégrer à la Constitution une nouvelle règle qui établisse la primauté du droit constitutionnel sur le droit international.

Le but est de modifier la situation juridique actuelle (voir ch. 4.2) s'agissant du 32

33 34 35

Voir à ce propos et pour la suite le rapport droit international/droit interne, p. 2087 ss (en général) et 2102 ss (concernant le droit suisse); rapport CF sur le postulat 13.3805, p. 4 s.

ATF 127 II 177, consid. 2c, p. 181.

Voir l'avis du Conseil fédéral du 28 mai 2014 sur la motion 14.3221 Reimann «Remplacer le système moniste par un système dualiste».

ATF 142 II 161, consid. 4.5.1; 140 II 185, consid. 4.2.

5040

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rang du droit international dans la hiérarchie des normes et de la procédure en cas de conflit de normes.

4.2

Rang du droit international et procédure en cas de conflit de normes avec le droit interne dans la situation juridique actuelle

4.2.1

Éviter les conflits de normes: un mandat constitutionnel

La Confédération et les cantons sont aussi liés par la Constitution dans leurs relations extérieures. Il en découle, pour le Conseil fédéral et le Parlement, l'obligation de ne conclure aucun traité international qui soit en contradiction avec le droit interne. Le cas échéant, les dispositions constitutionnelles ou légales objets de la contradiction doivent être adaptées avant la conclusion du traité. L'art. 141a Cst. prévoit à cet égard la possibilité d'opter pour une solution globale: les modifications constitutionnelles ou de lois liées à la mise en oeuvre d'un traité international (soumis ou sujet au référendum) peuvent être intégrées dans l'arrêté portant approbation de ce traité. La Suisse, en tant que partie, peut, si c'est nécessaire et si c'est possible, formuler des réserves pour exclure ou modifier les effets juridiques de telle ou telle disposition de l'accord. La procédure de conclusion des traités internationaux comprend donc les instruments et les cautèles permettant d'éviter les conflits de normes entre le droit international et le droit interne.

Les conflits de normes naissent donc en règle générale d'une modification de la Constitution ou de l'édiction d'une loi fédérale dont les termes sont en contradiction avec le droit international en vigueur. Il est vrai que les projets constitutionnels ne doivent pas violer les règles impératives du droit international (art. 193, al. 4, et 194, al. 2, Cst.); toute initiative populaire ne respectant pas ce principe doit être déclarée totalement ou partiellement nulle par l'Assemblée fédérale (art. 139, al. 3, Cst.; voir aussi ch. 2.3). Il est en revanche possible de soumettre à la votation des initiatives populaires qui contredisent des règles non impératives du droit international. Une fois acceptée par le peuple et les cantons, une telle initiative devient elle aussi du droit constitutionnel valable. Il peut en résulter un conflit de normes entre la Cst. et le droit international (si le droit constitutionnel contraire au droit international est applicable directement) ou entre la loi fédérale et le droit international (si le droit constitutionnel contraire au droit international nécessite une loi d'exécution).

Dans bien des cas, il est possible d'éviter les conflits de normes au moyen de l'interprétation conforme au droit international. Cette
méthode a pour fonction d'harmoniser les normes juridiques internes et internationales. Elle consiste à donner à la norme interne en question une signification conforme au sens de la norme internationale, en l'interprétant sous plusieurs angles admissibles. Il s'agit donc d'une règle destinée non pas à résoudre les conflits entre de telles normes, mais au contraire à prévenir ceux-ci. En effet, tant qu'une norme de droit interne peut être interprétée de manière conforme au droit international, aucun conflit ne prend naissance.

L'obligation d'interpréter le droit interne de manière conforme au droit international peut être déduite de l'art. 5, al. 3 et 4, Cst. Il s'agit du pendant, en droit interne, des 5041

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obligations internationales consacrées aux art. 26 et 27 de la convention de Vienne et reconnues par le droit coutumier36, selon lesquelles tout traité doit être exécuté de bonne foi (principe pacta sunt servanda) nonobstant le droit interne37. L'interprétation conforme au droit international repose par ailleurs sur l'hypothèse selon laquelle le législateur (lié lui aussi par l'art. 5, al. 4, Cst.) ne veut pas adopter des lois internes contraires au droit international. Comme l'interprétation conforme à la Constitution, elle vise à renforcer l'homogénéité de l'ordre juridique38. On ne pourrait cependant pas exclure que la règle de primauté formulée à l'art. 5, al. 4, P-Cst.

réduise la portée de l'interprétation conforme au droit international (voir ch. 5.1.2).

4.2.2

Autres prescriptions constitutionnelles

En pratique, les conflits entre normes internationales et normes internes sont rares.

Lorsqu'un tel conflit survient, il s'agit généralement d'une contradiction entre un traité international et une disposition d'une loi fédérale. S'agissant du rang du droit international et de la gestion des conflits de normes, la Constitution prévoit les principes suivants.

Tout d'abord, la Constitution39, comme l'art. 53 de la convention de Vienne, dispose que les règles impératives du droit international figurent au sommet de la hiérarchie des normes internes (et internationales).

Conformément à l'art. 5, al. 4, Cst., la Confédération et les cantons respectent le droit international. Cette obligation entérine le principe selon lequel les normes de droit international priment les normes de droit interne avec lesquelles elles sont en contradiction. La primauté de principe du droit international découle en particulier des art. 26 et 27 de la convention de Vienne (qui sont également valables en droit coutumier; voir à ce propos ch. 4.2.1). On ne peut toutefois pas déduire de l'art. 5, al. 4, Cst. une reconnaissance sans réserve de la primauté du droit international40.

De même, cette disposition ne livre pas d'indications qui permettraient de définir une règle pour résoudre les conflits entre droit international et droit interne41.

L'art. 190 Cst. dispose que le Tribunal fédéral et les autres autorités sont «tenus d'appliquer» les lois fédérales et le droit international. Il indique simplement la marche à suivre lorsqu'un conflit de normes survient entre les lois fédérales ou le droit international d'une part, et la Constitution d'autre part: dans ce genre de cas, il y a primauté d'application des lois fédérales et du droit international. Il ne traite pas, en revanche, des conflits de normes ni du rapport de primauté entre les lois fédérales et le droit international (voir ch. 4.2.3 pour plus détails à ce propos, et ch. 4.2.4 concernant le rapport entre Constitution et droit international).

36 37

38 39 40 41

Par ex., ATF 142 II 35, consid. 3.2, p. 39.

Le principe de l'action selon les règles de la bonne foi est aussi important en droit civil (voir art. 2, al. 1, du code civil [CC; RS 210]) et est présent d'un bout à l'autre de l'ordre juridique.

Rapport droit international/droit interne, p. 2108.

Voir art. 139, al. 3, 193, al. 4, et 194, al. 2, Cst.

En revanche, l'art. 49, al. 1, Cst., consacre la primauté absolue du droit fédéral sur le droit cantonal.

Voir Epiney, BS-BV-Kommentar, art. 5, no 85; Tschannen, § 9, no 15.

5042

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En cas de conflit de normes avec une disposition d'une ordonnance de la Confédération édictée par l'Assemblée fédérale, par le Conseil fédéral, par un département ou par un office, c'est le droit international qui prime (art. 5, al. 4, Cst.). Ce cas n'est pas régi par l'art. 190 Cst., car les ordonnances ne lient pas les autorités d'application du droit au sens de cette disposition.

S'agissant du droit cantonal, la règle est la suivante: les traités internationaux conclus par la Confédération intègrent la législation suisse au niveau fédéral dès leur entrée en vigueur. Leur primauté sur le droit cantonal découle par conséquent de l'art. 49, al. 1, Cst.42.

4.2.3

Relation entre droit international et lois fédérales

Dans le prolongement des dispositions constitutionnelles évoquées, le Tribunal fédéral reconnaît en principe la primauté du droit international, tout en admettant certaines exceptions. On peut considérer sa jurisprudence comme constante, même si elle ne permet pas de clarifier définitivement toutes les questions qui s'y rapportent43. En voici les grandes lignes s'agissant des conflits de normes entre une loi fédérale et le droit international44:

42 43

44 45 46

­

En principe, le droit international l'emporte sur les lois, y compris s'agissant des lois fédérales édictées après l'entrée en vigueur de la norme internationale concernée (lois postérieures).

­

À titre exceptionnel, lorsque l'Assemblée fédérale a sciemment adopté un texte contraire au droit international, c'est ce texte (postérieur) qui s'applique (jurisprudence dite Schubert, fondée sur l'ATF 99 Ib 39). Selon le Tribunal fédéral, pour qu'on puisse qualifier de consciente, voire de délibérée, une décision contraire à un traité international, il faut que l'Assemblée fédérale ait, lors de ses débats, abordé de manière détaillée les implications de la loi fédérale sur le plan du droit international ou les éléments risquant d'entrer en contradiction avec ce dernier45.

­

À titre d'exception à l'exception, les droits de l'homme garantis par le droit international (tels qu'en contient notamment la CEDH) l'emportent néanmoins systématiquement sur les lois fédérales (jurisprudence PKK, fondée sur l'ATF 125 II 417)46. Cette restriction découle en particulier du mécanisme d'application de la CEDH: en adhérant à la CEDH, la Suisse s'est engagée à prendre, suite aux arrêts de la Cour européenne des droits de Häfelin/Haller/Keller/Thurnherr, no 1928; Tschannen, § 9, no 26; Tschumi/Schindler, SG-BV-Kommentar, art. 5, no 76 Le Tribunal a par ex. constaté, dans l'ATF 142 II 35, consid. 3.2 et 3.3, que la jurisprudence Schubert n'était pas applicable au droit de la libre circulation entre la Suisse et l'UE. Voir l'ATF 136 III 168, consid. 3.3.4, qui relativise la primauté des droits de l'homme garantis par le droit international. Voir le récapitulatif chez Schürer.

Parmi de nombreux exemples, ATF 142 II 35, consid. 3.2, p. 39; 139 I 16, consid. 5.1.

ATF 138 II 524 consid. 5.3.2 Dans l'ATF 142 II 35, consid. 3.2 et 3.3, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence selon laquelle la jurisprudence Schubert n'était pas applicable au droit de la libre circulation entre la Suisse et l'UE, même à titre d'exception à l'exception.

5043

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l'homme, les mesures individuelles et générales nécessaires pour éviter toute violation analogue future de la convention, en modifiant le droit national au besoin47. Si le Tribunal fédéral donnait la priorité à la loi fédérale tout en constatant une violation de la convention, il se verrait relégué au rang de simple instance intermédiaire, le recourant ayant encore la possibilité de s'adresser à la Cour européenne des droits de l'homme 48. Les lois fédérales sont de ce fait soumises en quelque sorte à un contrôle constitutionnel, dans la mesure où les droits de l'homme garantis par le droit international présentent le même contenu que les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution.

4.2.4

Relation entre droit international et Constitution

Longtemps, la jurisprudence et la doctrine se sont peu intéressées à la gestion des conflits de normes entre droit constitutionnel et droit international. D'une part, la problématique des initiatives populaires contraires au droit international est relativement récente. D'autre part, l'application du droit ne donne que rarement naissance à un conflit de normes, soit uniquement dans les cas où la disposition constitutionnelle en question est directement applicable. Cela suppose une formulation suffisamment claire de l'état de fait et de la conséquence juridique pour que les autorités compétentes règlent les droits et les devoirs des citoyens dans les cas d'espèce en s'appuyant directement sur la disposition constitutionnelle, sans l'intervention du législateur49 (à propos de l'application directe du droit international, voir ch. 4.1).

Lors de l'examen général de la relation entre droit international et droit interne, le Conseil fédéral a donné en 2010 son avis sur différentes amorces de solution 50. Il a commencé par confirmer la primauté des principes fondamentaux de la Constitution et de l'essence des droits fondamentaux sur le droit international51. Il a estimé par ailleurs que les autorités sont en principe tenues d'appliquer une disposition constitutionnelle contraire au droit international lorsqu'elle est plus récente que la règle internationale et que l'art. 190 Cst., et qu'elle est directement applicable (principes de la lex posterior et de la lex specialis), en citant comme exemple l'art. 72, al. 3, Cst. (initiative «contre la construction de minarets»). Cependant, le Conseil fédéral a signalé explicitement le risque d'une telle amorce de solution (la responsabilité de la Suisse en droit international peut se trouver engagée), précisant que s'il est possible d'éviter ce risque en renégociant ou en dénonçant le traité concerné, ce genre de démarche n'est pas toujours possible ni souhaitable sur le plan politique ou juridique. Il en concluait qu'il fallait examiner la relation entre droit international et Constitution d'une manière plus nuancée qu'en appliquant une règle de primauté schématique.

47 48 49 50 51

ATF 139 I 16, consid. 5.2.3 Message nCst., p. 516 À propos des critères de l'application directe, voir ATF 139 I 16, consid. 4.2.3 et 4.3.2.

Rapport droit international/droit interne, p. 2111 et 2123 ss Rapport droit international/droit interne, p. 2111 et 2124

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L'Assemblée fédérale ne reconnaît pas au droit constitutionnel (postérieur) de primauté générale sur le droit international. Cette position s'exprime dans des décisions récentes sur la mise en oeuvre de nouvelles dispositions constitutionnelles. Par exemple, la loi d'exécution, déjà en vigueur, de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. (expulsion d'étrangers criminels)52 tient compte, outre d'autres prescriptions constitutionnelles, de prescriptions de la CEDH. La loi d'exécution adoptée par l'Assemblée fédérale le 16 décembre 2016 concernant l'art. 121a Cst. (gestion de l'immigration)53 tient compte de l'accord entre la Suisse et l'UE du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes (ALCP)54.

Le Tribunal fédéral est très prudent lorsqu'il s'agit de reconnaître l'applicabilité directe de dispositions constitutionnelles55. Quant aux conflits de normes entre droit constitutionnel et droit international, il n'a pas tranché la question, et la doctrine n'est pas non plus unanime sur le sujet56. Certains sont par exemple d'avis que ce genre de conflits de normes doivent être traités comme ceux qui opposent les lois fédérales au droit international (application par analogie de la jurisprudence Schubert précisée par la jurisprudence PKK)57.

4.2.5

Résolution d'un conflit de normes

Les conflits de normes entre droit international et droit interne étant relativement rares, il existe peu d'arrêts dans lesquels le Tribunal fédéral a consacré la primauté du traité international sur une loi fédérale58. À l'inverse, lorsque le Tribunal fédéral défend l'application de la loi dérogeant sciemment au traité, il faut déterminer si cet acte du législateur doit être interprété comme un mandat de renégocier ou de dénoncer le traité concerné59. Le Conseil fédéral estime qu'il est important que l'Assemblée fédérale précise, avant l'adoption d'une loi fédérale ou l'approbation d'un traité international, si cette décision est susceptible d'entraîner un conflit entre le droit international et une loi fédérale. Cela permettrait d'une part de donner une base plus solide à l'application éventuelle de la jurisprudence Schubert/PKK (adoption d'une loi dérogeant sciemment à un traité international), d'autre part d'établir clairement dès l'adoption de la norme quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour

52 53 54 55

56

57

58 59

Voir en particulier la clause dite de rigueur qui découle de l'art. 66a, al. 2, du code pénal (RS 311.0).

FF 2016 8651 Entré en vigueur pour la Suisse le 1er juin 2002 (RS 0.142112.681).

Voir aperçu de la jurisprudence du Tribunal fédéral et distinction entre dispositions constitutionnelles directement applicables et celles contenant des prescriptions contraignantes: Tschannen, § 4, no 16a ss.

Voir ATF 133 II 450, consid. 6 et la relativisation ultérieure dans l'ATF 139 I 16, consid. 5.2 et 5.3. Voir aperçu de la doctrine dans le rapport droit international/droit interne, p. 2109 s. et Tschumi/Schindler, SG-BV-Kommentar, art. 5, no 85.

Voir remarques dans le rapport droit international/droit interne, p. 2111. Selon cette vision des choses, on pourrait conclure, certaines conditions étant réunies, à une primauté du droit constitutionnel sur le droit international, si le législateur avait clairement l'intention de créer du droit constitutionnel contraire au droit international.

Exemples: ATF 133 II 45, consid. 2.2 et 133 V 367, consid. 11.

Rapport droit international/droit interne, p. 2112.

5045

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régler le conflit. Dans l'idéal, la démarche envisagée serait inscrite directement dans la loi fédérale concernée60.

La problématique est similaire lorsque l'adoption d'une initiative populaire crée une contradiction entre le droit constitutionnel et le droit international. Lorsque la nouvelle norme constitutionnelle ne laisse aucune latitude au législateur pour la mettre en oeuvre conformément au droit international, il ne reste que les options suivantes 61: on peut tout d'abord tenter d'entamer des négociations en vue d'une modification du traité international, voire envisager la dénonciation de celui-ci. Il ne résulte toutefois pas automatiquement de l'acceptation d'une initiative populaire ­ contradictoire avec un traité international ­ d'obligation de dénoncer ce traité. Selon les cas, une telle obligation serait même contraire au principe de l'unité de la matière 62. Ensuite, le peuple et les cantons ont la possibilité de modifier ou d'abroger la norme constitutionnelle contraire au droit international. En effet, conformément à l'art. 192, al. 1, Cst., la Constitution peut être révisée en tout temps. Enfin, il n'est pas exclu que la Suisse assume (dans un premier temps) le conflit de normes et ses conséquences, qui peuvent varier grandement selon la nature du traité et l'ampleur de la violation concrète (suspension ou dénonciation par une autre partie, mesures de rétorsion, représailles, etc.)63.

4.3

Débats antérieurs sur la relation entre droit international et droit interne

Le Conseil fédéral et l'administration fédérale ont examiné à maintes reprises la relation entre droit international et droit interne en général, et la problématique des initiatives populaires contraires au droit international en particulier 64, notamment lors de la révision totale de la Constitution (1999) et de la réforme des droits populaires (2003). Ces questions ont de nouveau été traitées en 2006 dans un rapport de l'Office fédéral de la justice (OFJ) à l'intention de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N)65.

Deux rapports du Conseil fédéral sur la relation entre droit international et droit interne En 2010, le Conseil fédéral a procédé à un examen approfondi de la relation entre droit international et droit interne, dont il a publié les résultats dans un rapport. Une étude commandée pour l'occasion a révélé que la pratique de la Suisse en matière de droit international s'inscrivait dans un cadre qui est également en usage dans 60 61

62 63 64 65

Rapport CF sur le postulat 13.3805, p. 20.

Voir, globalement, rapport droit international/droit interne, p. 2130 ss; voir aussi l'avis du pacité d'action du Parlement et du Conseil fédéral. Mettre en oeuvre l'article 121a de la Constitution. Maintenir la jurisprudence Schubert».

Voir ch. 2.2.

Pour plus de détails, voir ch. 6.3.2 et rapport droit international/droit interne, p. 2090 ss; publication commune OFJ/DDIP, p. 478.

Par ex., dans la publication commune OFJ/DDIP de 1989. Voir référence à des débats très antérieurs sur la relation entre droit international et droit interne in Kley, p. 331 ss.

Voir rapport OFJ.

5046

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d'autres États (en particulier en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Suède et en Inde, tous objets de l'étude). S'agissant du rang, aucun des régimes juridiques étudiés n'accorde automatiquement la primauté au droit international ou au droit national. Sous une forme ou sous une autre, tous réservent une place centrale à des mécanismes de mise en concordance. Les tribunaux recherchent des solutions pragmatiques, adaptées à chaque situation66.

Dans son rapport, le Conseil fédéral a par ailleurs souligné les problèmes qui surviennent lorsqu'un projet constitutionnel (initiative populaire) est contraire aux règles non impératives du droit international; il a examiné des solutions applicables au stade de l'invalidation de l'initiative et de son examen préliminaire 67.

Le Conseil fédéral a ensuite examiné plus en détail trois pistes concrètes et exposé ses conclusions dans un rapport additionnel en 201168. Il y recommandait, tout d'abord, de soumettre les initiatives populaires à un contrôle préalable matériel. Il proposait, ensuite, d'ajouter aux limites matérielles à la révision de la Constitution le respect de l'essence des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution. Enfin, il explorait la possibilité d'inscrire dans la Constitution une règle de primauté qui s'appliquerait en cas de contradiction entre droit constitutionnel et droit international. Il considère cependant une telle solution comme trop rigide, recommandant de ne pas codifier de règle de résolution de conflit.

Classement des motions 11.3468 et 11.3751 Après avoir pris connaissance du rapport additionnel du Conseil fédéral, les Commissions des institutions politiques du Conseil national et du Conseil des États (CIP-N et CIP-E) ont déposé les motions 11.3468 (CIP-N) et 11.3751 (CIP-E), par lesquelles elles chargeaient le Conseil fédéral d'élaborer, en se fondant sur ses deux propositions (examen préliminaire et extension des motifs d'invalidité), un projet contenant les modifications nécessaires de la Constitution et des lois. Ce projet a cependant reçu un accueil très critique lors de sa mise en consultation69. Aussi le Parlement a-t-il classé les deux motions en question en juin 2016, sur proposition du Conseil fédéral70.

Effort de réforme des Commissions des institutions politiques Par suite de
difficultés survenues en 2014 et en 2015 lors de la mise en oeuvre d'initiatives populaires acceptées par le peuple et les cantons, la CIP-E a examiné la nécessité de réformer les conditions de validité des initiatives populaires. Après avoir procédé à des auditions, elle a décidé de promouvoir des réformes ponctuelles 66 67 68 69

70

Rapport droit international/droit interne, p. 2093 ss; voir aussi Auer/Beusch/Bucher, no 14.

Rapport droit international/droit interne, p. 2109 ss, 2115 et 2130 ss Rapport additionnel droit international/droit interne.

Le dossier soumis à la consultation, les avis exprimés et le rapport rendant compte des résultats de la consultation sont publiés sur le site www.ofj.admin.ch (rubriques «État et Citoyen»/«Droit international et initiatives populaires»).

Rapport du Conseil fédéral du 19 février 2014 proposant le classement des motions 11.3468 et 11.3751 des Commissions des institutions politiques «Mesures visant à garantir une meilleure compatibilité des initiatives populaires avec les droits fondamentaux», FF 2014 2259

5047

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au niveau de la loi, déposant à cet effet plusieurs initiatives parlementaires71. Précisons qu'aucune de ces initiatives ne porte sur le rang du droit international dans la hiérarchie des normes du droit interne72.

Autres interventions et initiatives parlementaires Plusieurs interventions parlementaires ayant un rapport avec le rang du droit international dans la hiérarchie des normes du droit interne ont été déposées ces dernières années73. Le Conseil national a notamment décidé lors de la session d 'hiver 2014 de ne pas donner suite à trois initiatives parlementaires qui visaient essentiellement à renforcer le droit interne par rapport au droit international74.

L'initiative parlementaire 13.452 poursuivait le même but que l'initiative pour l'autodétermination. Elle visait à abroger l'art. 5, al. 4, Cst. («La Confédération et les cantons respectent le droit international») et à compléter l'art. 5, al. 1, Cst. par les deux phrases suivantes: «La Constitution fédérale est la plus haute source du droit de la Confédération suisse. Elle est de rang supérieur au droit international et prime ce dernier; les règles impératives du droit international sont réservées.» La majorité de la CIP-N a estimé que le constituant avait sciemment renoncé à réglementer strictement l'ordre de priorité dans l'art. 5, al. 4, Cst., pour permettre aux autorités chargées de l'application du droit de soupeser les différents intérêts en jeu au cas par cas afin de trouver une solution appropriée à chaque situation. Toujours selon la commission, l'abandon de cette approche pragmatique aurait des conséquences négatives pour la Suisse, en particulier pour ses entreprises et les particuliers. La minorité de la commission a estimé pour sa part que sans une régle71 72

73

74

Voir rapport CIP-E, p. 6506 ss.

Initiative parlementaire 15.475 «Application plus stricte ou définition plus précise des critères concernant l'examen du respect du principe de l'unité de la matière dans les initiatives populaires» (classée le 13 janvier 2017); initiative parlementaire 15.476 «Délais des initiatives populaires visant à modifier une disposition constitutionnelle dont le délai de mise en oeuvre dans le cadre de la législation n'a pas encore expiré» (classée le 13 janvier 2017); initiative parlementaire 15.477 «Examen préliminaire non contraignant et facultatif des initiatives populaires sur les plans formel et matériel»; initiative parlementaire 15.478 «Publication des contre-projets indirects dans les explications de vote du Conseil fédéral».

Motion 08.3249 Reimann «Base constitutionnelle pour la pratique Schubert» (rejetée le 3 mars 2010); initiative parlementaire 09.414 Groupe UDC «Le droit international ne doit pas primer le droit national» (décision de ne pas donner suite le 14 septembre 2010); initiative parlementaire 09.466 Groupe UDC «Règles impératives du droit international.

Définition» (décision de ne pas donner suite le 28 septembre 2010); postulat 09.3676 Groupe UDC «Droit international et droit national. Passage d'un système moniste à un système dualiste» (classé le 12 juin 2013); motion 14.3221 Reimann «Remplacer le système moniste par un système dualiste» (classée le 18 mars 2016); interpellation 16.3043 Vogt «Garantir la capacité d'action du Parlement et du Conseil fédéral. Mettre en oeuvre l'article 121a de la Constitution. Maintenir la jurisprudence Schubert» (non encore traitée au conseil); motion 16.3239 Reimann «Remplacer le système moniste par un système dualiste» (non encore traitée au conseil).

Initiative parlementaire 13.452 Brand «Primauté du droit constitutionnel sur le droit international»; initiative parlementaire 13.456 Rutz «Adaptation du droit suisse à des normes étrangères par les autorités fédérales. Respecter les processus démocratiques»; initiative parlementaire 13.458 Stamm «Relation entre droit international et droit interne.

Clarification».

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mentation claire de l'ordre de priorité, les juges disposent d'une trop grande marge d'interprétation, ce qui est notamment source d'insécurité juridique75.

Rapport du Conseil fédéral sur le postulat 13.3805 et motion 15.3557 En exécution du postulat 13.380576, le Conseil fédéral a examiné les conséquences d'une hiérarchisation des normes de droit international, dans leur application en droit interne, en fonction de leur légitimité démocratique. De la hiérarchie obtenue, on tirerait une règle de résolution des conflits de normes: en cas de contradiction entre une norme de droit international et une norme de droit fédéral, c'est celle ayant la plus forte légitimité démocratique qui l'emporterait.

La règle de primauté proposée promet d'être transparente et facile à appliquer. Mais le Conseil fédéral estime que cette promesse se révélerait illusoire dans bien des cas.

En effet, le droit international est très éloigné de toute notion de hiérarchisation et la Suisse serait toujours tenue d'honorer ses engagements internationaux, quel que soit l'ordre de primauté établi. La règle proposée dans le postulat pourrait entraîner une augmentation du nombre des conflits de normes qui seraient résolus au profit du droit interne. Cela ne résoudrait pas le problème, mais ne ferait que le déplacer au niveau du droit international. La Suisse verrait sa crédibilité entamée, et sa responsabilité internationale risquerait d'être engagée77.

Toujours en exécution du postulat 13.3805, le Conseil fédéral a par ailleurs traité de l'instauration du référendum obligatoire pour les traités internationaux ayant un caractère constitutionnel78. Il avait proposé en 2010 au Parlement d'inscrire explicitement ce référendum dans la Constitution, par la voie du contre-projet direct à l'initiative «Accords internationaux: la parole au peuple!»79. Le Parlement n'est pas entré en matière sur le contre-projet.

Le projet d'inscription dans la Constitution du référendum obligatoire pour les traités internationaux ayant un caractère constitutionnel doit cependant être poursuivi. C'est à cette fin que les Chambres ont transmis en 2016 la motion 15.355780, dont le Conseil fédéral avait proposé l'acceptation.

75

76 77 78 79

80

Rapport de la CIP-N du 29 août 2014 sur l'initiative parlementaire 13.452.

Voir argumentation similaire dans le rapport de la CIP-N du 20 août 2010 sur l'initiative parlementaire 09.414.

Postulat 13.3805 Groupe libéral-radical «Établir un rapport clair entre le droit international et le droit suisse» Rapport CF sur le postulat 13.3805, p. 16 ss Rapport CF sur le postulat 13.3805, p. 10 ss Message du Conseil fédéral du 1er octobre 2010 relatif à l'initiative populaire «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère (Accords internationaux: la parole au peuple!)», FF 2010 6353 6373 ss Motion 15.3557 Caroni «Référendum obligatoire pour les traités internationaux ayant un caractère constitutionnel»

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5

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

5.1

La Constitution, source suprême du droit et placée au-dessus du droit international (art. 5, al. 1 et 4, P-Cst.)

5.1.1

La Constitution source suprême du droit

Les normes constitutionnelles ne peuvent être modifiées qu'avec l'aval du peuple et des cantons. Cette condition formelle de validité très forte et le rôle de fondement de l'ordre juridique qu'a la Constitution justifient sa primauté (de validité) sur les lois et les ordonnances. Pour ce qui est de la prééminence de la Constitution sur les autres actes normatifs du droit interne, lorsque la 2 e phrase que les auteurs de l'initiative proposent d'ajouter à l'art. 5, al. 1, Cst. précise que la Constitution fédérale est la source suprême du droit de la Confédération, elle explicite seulement ce qui vaut déjà. La seule nouveauté est que le texte constitutionnel mentionne expressément cette hiérarchisation.

La mention de la notion de source du droit de la Confédération suisse est aussi une nouveauté. La principale source du droit est le droit positif, qui inclut toutes les normes juridiques en vigueur qui ont été créées par les autorités compétentes au niveau fédéral, cantonal et communal selon une procédure formalisée (droit constitutionnel, lois, ordonnances, actes normatifs des unités administratives décentralisées, etc.). Sont aussi des sources de droit, sans être du droit positif, le droit coutumier et le droit prétorien, c'est-à-dire établi par le juge81. L'art. 1, al. 2, CC82 l'énonce clairement et vaut pour l'ensemble de l'ordre juridique. Les principes généraux de droit sont encore une autre source du droit83. Il faut rappeler dans ce contexte que la Suisse est d'obédience moniste, chose que l'initiative ne veut pas changer (voir ch. 4.1). Les traités internationaux sont valables en droit interne dès lors qu'ils lient la Suisse sur le plan international. Ils font donc aussi partie des sources du droit de la Confédération suisse.

5.1.2

Suprématie de rang et règle de résolution des conflits

L'art. 5, al. 4, 2e phrase, P-Cst. prévoit la suprématie de rang du droit constitutionnel sur le droit international («La Constitution fédérale est placée au-dessus du droit international [...]»). S'inspirant de la formulation de l'art. 49, al. 1, Cst., il instaure en outre une règle de résolution des conflits ou, autrement dit, une règle de primauté («[...] et prime sur celui-ci»): le droit constitutionnel prévaut sur le droit internatio81

82 83

Au niveau constitutionnel, le droit prétorien comprenait, avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution le 1er janvier 2000, les droits fondamentaux non écrits reconnus par le Tribunal fédéral (par ex. la liberté d'opinion, la liberté de la langue, la liberté personnelle, la liberté de réunion, le droit à des conditions minimales d'existence), les droits fondamentaux découlant de l'art. 4a aCst. (par ex. l'interdiction de l'arbitraire, les droits fondamentaux de procédure) et les principes constitutionnels non écrits.

RS 210 Pour une vue globale des sources du droit, voir Schindler, SG-BV-Kommentar, art. 5 no 19 ss.

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nal qui lui est contraire. La disposition vise à résoudre les conflits de normes, c'està-dire les situations dans lesquelles les normes de la Constitution et les règles du droit international se contredisent en réglant un même fait de manière différente.

Pour déterminer la portée pratique de cette règle de primauté (primauté de validité), il faut toutefois la mettre en relation avec les art. 56a et 190 P-Cst. (primauté d'application; voir ch. 5.2 et 5.3).

Les exigences du droit international influencent aussi la portée de la règle de primauté. Certes, le droit interne peut fixer quel est le rang du droit international au sein de la législation nationale et en déduire des règles de primauté. Le droit international ne prescrit rien à cet égard. Il se limite à exiger que les traités internationaux et les autres règles du droit des gens soient respectés (pacta sunt servanda). Il ne se prononce pas non plus sur la manière dont les États doivent parvenir à ce résultat.

Cependant, la responsabilité d'un État est engagée dès lors qu'il viole une de ses obligations internationales (voir ch. 6.3.2)84.

La règle de primauté prévue par l'initiative pour l'autodétermination fixerait peutêtre des limites plus étroites à l'interprétation conforme au droit international. Cette méthode d'interprétation vise à empêcher autant que possible les conflits de normes entre le droit international et le droit (constitutionnel) interne. Elle tend à assurer le respect des engagements de droit international et se fonde notamment sur l'art. 5, al. 4, Cst., qui statue l'obligation de respecter le droit international (voir ch. 4.2.1).

La suprématie de rang du droit constitutionnel supprimerait en partie l'intérêt de l'interprétation conforme au droit international des normes constitutionnelles. Par rapport à la situation actuelle, il faudrait plutôt conclure à une contradiction insoluble entre une norme de droit interne et une norme de droit international. À l'inverse, la formulation de l'art. 56a, al. 2, P-Cst. selon laquelle le traité contraire à la Constitution doit être dénoncé seulement «au besoin» pourrait aussi être comprise comme une invitation à minimiser autant que possible le risque de conflit par une interprétation conforme au droit international.

5.1.3

Notions: «Constitution fédérale» et «droit international»

Les compléments apportés aux al. 1 et 4 de l'art. 5 Cst. reposent sur la notion de Constitution fédérale. Ce terme recouvre les dispositions inscrites dans le texte constitutionnel, c'est-à-dire toutes les règles de droit qui ont été édictées selon la procédure spécifique à l'adoption de normes constitutionnelles (Constitution au sens formel). Il peut recouvrir des dispositions dont on est en droit de se demander si leur contenu est réellement d'un rang constitutionnel ou si elles ne devraient pas plutôt relever du niveau législatif. Quels que soient ces doutes, toutes les règles de droit de la Constitution, y compris les dispositions transitoires, appartiennent à la Constitu84

Rapport droit international/droit interne, p. 2091; voir aussi le rapport CF sur le postulat 13.3805, p. 6, avec une référence à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui consacre la primauté du droit de l'UE sur les législations nationales comme principe des traités fondateurs de l'EU; voir l'arrêt de la CJUE du 15 juillet 1964, Flaminio Costa contre E.N.E.L., Aff. 6/64, Recueil 1964 1253, et jurisprudence liée.

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tion fédérale au sens de l'art. 5, al. 1 et 4, P-Cst. Ce terme englobe sans doute aussi le droit constitutionnel non écrit. Il s'agit de règles de rang constitutionnel qui ne se trouvent ni dans le texte de la Constitution, ni dans les lois et ordonnances 85, et qui n'ont de ce fait pas la légitimité démocratique qualifiée que donne l'approbation du peuple et des cantons (voir art. 140, al. 1, let. a, Cst.).

L'art. 5, al. 4, 2e phrase, P-Cst. donne expressément à la Constitution la primauté sur le droit international. Le texte proposé ne comprend cependant pas de règle expresse de primauté ou de résolution des conflits en cas de contradiction entre une loi fédérale et le droit international (sur la primauté d'application, voir ch. 4.2.3).

La notion de droit international, déjà utilisée dans l'actuel art. 5, al. 4, Cst., vise en premier lieu les traités internationaux bilatéraux et multilatéraux liant la Suisse. Ce sont eux qui contiennent aujourd'hui la plus grande partie des règles de droit international; en raison de leur nombre et de leur importance, ils sont très nettement la première source du droit international. Le terme englobe aussi les autres sources de droit codifiées par l'art. 38, par. 1, du Statut du 26 juin 1945 de la Cour internationale de justice (statut de la CIJ)86: le droit coutumier, les principes généraux de droit et (comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit) les décisions judiciaires et la doctrine. Bien que l'art. 38, par. 1, du statut de la CIJ omette de les mentionner, certains actes juridiques unilatéraux87 peuvent être considérés comme du droit international au sens de l'art. 5, al. 4, Cst. Ce sont là les sources primaires du droit international. Il faut considérer en outre le droit international secondaire: les actes des organisations internationales peuvent déployer des effets contraignants pour les États qui en sont membres, mais seulement lorsque ces derniers ont conféré à un organe donné la compétence d'adopter de tels actes. Pour citer un exemple, les membres de l'ONU sont tenus d'appliquer les décisions incluses dans les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, selon l'art. 25 de la Charte des Nations Unies du 26 juin 194588. En outre, la jurisprudence des tribunaux internationaux peut aussi fonder des obligations de droit international
pour la Suisse, lorsque cette dernière en a reconnu le caractère contraignant. Notamment, les États parties à la CEDH sont tenus, selon l'art. 46, par. 1, de la convention, de se conformer aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme 89. Il existe enfin une troisième catégorie de dispositions sur le plan international, la soft law ou «droit mou»: dépourvues d'effets contraignants sur le plan juridique, elles ont cependant une certaine portée; elles se situent entre la norme de droit international et l'injonction politique. Ce sont par exemple les résolutions de l'Assemblée générale de l'ONU ou les recommandations de l'Organisation de coopération et de dévelop85

86 87 88 89

À l'époque de la constitution fédérale de 1874, le droit constitutionnel non écrit englobait surtout les droits fondamentaux non écrits reconnus par le Tribunal fédéral et les conditions générales régissant la restriction des droits fondamentaux. Aujourd'hui, la liste des droits consacrés par les art. 7 à 34 Cst. peut être considérée comme complète, mais rien n'interdirait au Tribunal fédéral de reconnaître de nouveaux droits fondamentaux non écrits.

Entré en vigueur pour la Suisse le 28 juillet 1948 (RS 0.193.501) Voir rapport droit international/droit interne, p. 2085 Entrée en vigueur pour la Suisse le 10 septembre 2002 (RS 0.120) Concernant l'exécution des arrêts par la Confédération et les cantons, voir rapport sur la CEDH, p. 388.

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pement économiques (OCDE) dans le domaine fiscal. La soft law n'est pas comprise dans le champ d'application de l'art. 5, al. 4, Cst.90.

Selon le texte de l'initiative, le droit constitutionnel doit primer le droit international quel que soit le type de droit international (primaire ou secondaire) et quelle que soit l'autorité qui a la compétence de l'approuver (traité approuvé par l'Assemblée fédérale ou conclu de son propre chef par le Conseil fédéral, voir art. 166, al. 2, Cst.). L'art. 5, al. 4, 2e phrase, P-Cst. ne s'intéresse pas ­ contrairement à l'art. 190 P-Cst. (voir ch. 5.3) ­ à la question de savoir si l'arrêté de l'Assemblée fédérale portant approbation du traité a été sujet ou soumis au référendum en matière de traités internationaux (voir art. 140, al. 1, let. b, et 141, al. 1, let. d, Cst.). Cela signifie que même les traités internationaux approuvés par le peuple et les cantons par référendum obligatoire ­ selon les mêmes modalités qu'une révision partielle de la Constitution ­ sont considérés comme de rang inférieur au droit constitutionnel. On aperçoit là une inconséquence par rapport à l'art. 190 P-Cst., qui prend le référendum comme critère pour déterminer par quels traités les autorités d'application du droit sont liées.

5.1.4

Réserve en faveur des règles impératives du droit international

L'art. 5, al. 4, 2e phrase, P-Cst. précise que la primauté du droit constitutionnel ne vaut que sous réserve des «règles impératives du droit international», lesquelles restent donc placées au-dessus de la Constitution. Il répète là simplement quelque chose qui se trouve en d'autres endroits de la Constitution (voir notamment art. 139, al. 3, Cst.; aussi art. 193, al. 4, et 194, al. 2, Cst.). La pratique établie par les autorités pour appliquer l'art. 139, al. 3, Cst., notamment, peut être transposée à l'art. 5, al. 4, 2e phrase, P-Cst.: selon cette pratique, les règles impératives du droit international comprennent en premier lieu les normes du droit international impératif (jus cogens), mais aussi les droits de la CEDH et certains droits du Pacte II de l'ONU qui ne souffrent aucune dérogation, même en cas d'état d'urgence, (voir ch. 2.3). Le Conseil fédéral a confirmé à plusieurs reprises que cette notion de droit interne devait être interprétée au sens étroit91. Cela signifie, par exemple, que les autres droits consacrés par la CEDH (ceux auxquels on peut déroger) n'en font pas partie.

5.2

Traitement des conflits entre la Constitution et les obligations de droit international (art. 56a P-Cst.)

5.2.1

Interdiction expresse de conclure des traités

La règle visée par l'art. 56a, al. 1, P-Cst., soit l'interdiction de contracter une obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution, est déjà prescrite par le droit constitutionnel et pratiquée, car le Conseil fédéral et l'Assemblée fédé90 91

Tschumi/Schindler, SG-BV-Kommentar, art. 5 no 63.

Voir notamment rapport additionnel droit international/droit interne, p. 3415.

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rale sont aussi liés par la Constitution dans les relations extérieures (voir ch. 4.2.1).

Ce qui est nouveau, c'est l'idée d'inscrire expressément dans la Constitution ce devoir des autorités fédérales et cantonales. L'art. 56a P-Cst. ne change cependant rien au contenu de la compétence de conclure des traités de la Confédération et des cantons (compétence globale de la Confédération, compétence subsidiaire des cantons selon les art. 54 et 56 Cst.).

L'interdiction de contracter des obligations de droit international contraires à la Constitution se rapporte aux traités internationaux. Les obligations découlant du droit coutumier ou des principes généraux de droit ne peuvent pas être (activement) «contractées».

Il faudrait fixer en pratique quel acte recouvre ce terme de contracter (en allemand: eingehen; en italien: assumere). Le plus évident semble être de se référer à l'art. 11 de la convention de Vienne, qui fixe les modes d'expression du consentement à être lié par un traité. En Suisse, il est d'usage de ratifier un instrument international ou d'y adhérer: le Conseil fédéral exprime ainsi la volonté de la Suisse d'être liée sur le plan international, au terme de la procédure d'approbation interne (voir art. 184, al. 2, Cst.). Si le Conseil fédéral, un département, un groupement ou un office fédéral est habilité à conclure des traités de son propre chef92, l'approbation peut aussi prendre la forme d'une signature définitive.

5.2.2

Conflit entre des obligations de droit international et des normes constitutionnelles

L'obligation des autorités d'adapter ou de dénoncer les traités au sens de l'art. 56a, al. 2, P-Cst. est subordonnée à l'existence d'un conflit entre les obligations de droit international et les dispositions constitutionnelles. Toutes les obligations de droit international ne sont pas adaptables et dénonçables: si les traités internationaux le sont en principe, la Confédération et les cantons ne sauraient en aucun cas adapter et au besoin dénoncer le droit coutumier et les principes généraux de droit.

Pour constater s'il existe un conflit au sens de l'art. 56a, al. 2, P-Cst., il faut déterminer le contenu de la norme constitutionnelle selon les principes d'interprétation habituels93. C'est notamment l'interprétation conforme au droit international qui doit être appliquée; elle permet d'éviter les conflits de normes (sur la portée de l'interprétation conforme au droit international, voir ch. 5.1.2). Le contenu de la disposition de droit international en question doit être déterminé selon les règles générales de l'interprétation des traités internationaux (art. 31 à 33 de la convention de Vienne). Il y a contradiction (conflit de normes) lorsque la norme constitutionnelle et la disposition de droit international règlent la même matière, mais de manière différente. La notion de conflit à l'art. 56a, al. 2, P-Cst. soulève plusieurs questions d'interprétation:

92 93

Voir art. 166, al. 2, Cst. et, de façon générale, les art. 7a et 48a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010).

Message sur l'initiative de mise en oeuvre, p. 8512 ss

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94 95

96

­

Est-ce qu'une contradiction ponctuelle entre une norme constitutionnelle et une disposition (unique, et peut-être secondaire) d'un traité suffit à déclencher l'obligation d'adapter et de dénoncer? Ou bien faut-il qu'un élément important du traité, voire le traité entier, soit contraire à la Constitution? Ces questions appellent des réponses différentes selon les conséquences juridiques concrètes. On pourrait par exemple argumenter qu'une contradiction ponctuelle déclenche déjà l'obligation de mener des négociations avec les parties au traité, visant à la résoudre par une adaptation de ce dernier, mais que la dénonciation n'est requise qu'en cas de contradiction avec une partie importante du traité. Ce mécanisme reflèterait le texte de l'initiative, qui exige de dénoncer le traité «au besoin»94.

­

Doit-on supposer qu'il y a conflit de normes lorsque la Constitution et des obligations de droit international se trouvent en contradiction potentiellement, c'est-à-dire avant tout cas d'application? Ou bien le conflit au sens de l'art. 56a, al. 2, P-Cst. n'existe-t-il qu'à partir du moment où il est mis au jour dans un cas concret? Les al. 1 et 2 de l'article parlent de conflit et non de violation. Le choix de ce terme laisse supposer qu'un conflit de normes potentiel réalise déjà les conditions de l'art. 56a, al. 2, P-Cst.

­

Il est aussi possible que le jugement d'un tribunal international auquel la Suisse est tenue de se soumettre révèle un conflit entre la Constitution et les obligations de droit international. Tel peut être le cas par exemple d'une condamnation de la Suisse par la Cour européenne des droits de l'homme 95.

La question qui se poserait alors est de savoir si un seul jugement suffit pour que l'on admette qu'il y a conflit de normes, ou s'il y faut une jurisprudence consolidée, identique sur une certaine période («constante»)96. Idem lorsque le Tribunal fédéral contrôle la conformité d'une décision au droit international et constate par exemple la violation d'un droit garanti par la CEDH.

Cependant, ce qui est alors constaté est souvent la non-conformité au droit international de la décision attaquée, mais non celle de la norme interne (constitutionnelle) à la base de cette décision.

­

Les destinataires de l'art. 56a, al. 2, Cst. sont «la Confédération et les cantons». Rien n'indique quelle autorité fédérale serait appelée à juger de l'existence d'un conflit de normes. Cette compétence devrait incomber en premier lieu au Tribunal fédéral, lorsqu'il constate un conflit de normes en examinant un litige. L'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral pourraient aussi revendiquer ce rôle, dans la mesure où ils sont aussi compétents pour adapter ou dénoncer le traité international en question (voir plus loin les explications relatives aux autorités compétentes, selon le droit interne, pour dénoncer les traités internationaux).

La question est laissée en suspens par Keller/Balazs-Hegedüs, p. 720.

Voir, pour le nombre de requêtes déposées auprès de la Cour européenne et liquidées par cette dernière, en général et pour la Suisse (jusqu'en 2013) le rapport sur la CEDH, p. 376 ss.

Dans l'argumentaire de l'initiative, on explique que la résiliation de la CEDH est envisagée «en cas de conflits répétés et fondamentaux avec le droit constitutionnel suisse» (p. 25). Concernant cette problématique, voir aussi Kolb, p. 575 s.

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5.2.3

Adaptation des obligations de droit international

L'adaptation du traité international demandée par l'art. 56a, al. 2, P-Cst. en cas de conflit de normes passerait normalement par une (re)négociation 97 avec les autres États parties. De manière générale, un traité international peut être modifié (adapté) par l'accord de toutes les parties. Cet accord est régi par les art. 6 à 25 de la convention de Vienne, à moins que le traité n'en dispose autrement (voir art. 39 de la convention de Vienne). Pour ce qui est de la modification de traités multilatéraux, il convient de prendre en compte les art. 40 et 41 de la convention de Vienne.

L'obligation d'adapter les engagements de droit international prévue par l'art. 56a, al. 2, P-Cst. déploie ses effets à compter de l'acceptation de la norme constitutionnelle contraire par le peuple et les cantons, soit à compter de son entrée en vigueur (voir art. 195 Cst. et art. 197, ch. 12, P-Cst.), ou bien au moment où le conflit de normes est constaté. Une initiative populaire qui a abouti mais qui n'a pas encore été soumise au vote du peuple et des cantons ne peut pas déclencher cette obligation.

L'obligation d'adapter le traité s'adresse d'abord, en principe, au Conseil fédéral, chargé de négocier les traités internationaux au titre de sa compétence en matière de politique extérieure (art. 184, al. 1, Cst.). Elle incombe aux unités administratives subordonnées au Conseil fédéral (département, groupement ou office) si le Parlement ou le gouvernement leur a délégué la compétence de conclure des traités du type concerné. Les règles générales de partage des compétences entre Conseil fédéral, Parlement et peuple s'appliquent à l'approbation d'une éventuelle modification du traité98. Selon une pratique constante des autorités fédérales, l'organe compétent pour modifier un traité international se détermine selon le même critère que pour conclure un traité international: la portée du texte. Cela veut dire que même si la conclusion du traité est soumise à l'approbation du Parlement (et éventuellement sujette au référendum), le Conseil fédéral peut décider seul d'une modification du même traité si celle-ci n'excède pas les limites de sa compétence, fixée dans une loi spéciale, ou est de «portée mineure» au sens de l'art. 7a, al. 2, LOGA. À l'inverse, il est possible que la modification d'un traité conclu par le Conseil
fédéral doive être approuvée par le Parlement (et éventuellement sujette au référendum), si elle excède la compétence du Conseil fédéral telle que la définit une loi spéciale ou l'art. 7a, al. 2, LOGA. La conclusion de l'accord portant modification du traité équivaut à l'adaptation visée par l'art. 56a, al. 2, P-Cst. Cela signifie que cet accord doit être approuvé ou signé et éventuellement ratifié.

Quoique l'art. 56a, al. 2, P-Cst. n'impose pas de contraintes temporelles, on peut supposer que les autorités devraient entamer rapidement une renégociation ciblée après la constatation d'un conflit. Le cours des négociations échappe toutefois à tout pronostic, car le droit des traités internationaux repose sur le consensus et non sur une décision de la majorité. Leur longueur et leur issue dépendent de la bonne volonté et de la position des parties au traité. Rappelons que l'adaptation de conven97 98

La notion de renégociation apparaît à l'art. 197, ch. 11, al. 1, Cst. (Dispositions transitoires relatives à l'art. 121a Cst.) en relation avec la gestion de l'immigration.

Voir les art. 166, al. 2, et 184, al. 2, Cst. (compétences de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral) et les art. 140, al. 1, let. b, et 141, al. 1, let. d, Cst. (référendum facultatif et obligatoire en matière de traités internationaux).

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tions multilatérales, en particulier, est très difficile et parfois impossible en pratique parce que toutes les parties doivent généralement y souscrire 99. Par exemple, il serait difficile, voire impossible, de s'accorder sur une nouvelle règlementation dans un temps plus ou moins raisonnable dans le cas des traités codifiant les droits de l'homme ou dans celui des engagements pris dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC/GATS).

La Suisse ne peut pas non plus, pour satisfaire à l'obligation d'adapter le traité, apporter a posteriori une réserve à un traité multilatéral pour résoudre la contradiction avec son droit constitutionnel100. Les réserves doivent être formulées a priori, soit «au moment de signer, de ratifier, d'accepter, d'approuver un traité ou d'y adhérer» (art. 19 de la convention de Vienne). L'admissibilité de la démarche qui consisterait à dénoncer le traité puis à réadhérer aussitôt avec une nouvelle réserve est aussi fortement douteuse101. Un tel procédé pourrait être considéré comme contraire à la bonne foi, voire comme abusif.

En complément à l'obligation d'adapter le traité conformément à l'art. 56a, al. 2, P-Cst., reste la possibilité de résoudre le conflit entre les obligations de droit international et la Constitution par une (nouvelle) révision de la Constitution. N'oublions pas que selon l'art. 192, al. 1, Cst., la Constitution peut être révisée en tout temps, totalement ou partiellement.

5.2.4

Dénonciation au besoin d'un traité contraire à la Constitution

Si l'on échoue à adapter le traité international contraire à la Constitution, le conflit de normes doit être résolu par la dénonciation du traité, conformément à l'art. 56a, al. 2, P-Cst. L'obligation de dénoncer prend effet au moment où l'on constate que l'adaptation a échoué. Ce moment risque cependant d'être difficile à déterminer en pratique, notamment si les négociations ont été suspendues ou provisoirement refusées, ou lorsque certains indices portent à croire qu'un accord pourrait encore avoir lieu à l'avenir (si certaines circonstances changent).

Selon l'art. 56a, al. 2, P-Cst., le traité international doit être dénoncé au besoin, ce qui implique qu'il s'agit là d'un dernier recours pour résoudre le conflit de normes.

La dénonciation n'entre pas en ligne de compte tant qu'il existe des chances réelles d'éliminer la contradiction en adaptant la norme de droit international concernée.

On peut aussi comprendre l'expression «au besoin» comme une injonction de procéder, avant de décider de la dénonciation, à une appréciation dans laquelle l'importance du traité devrait être prise en considération. La disposition constitutionnelle proposée ne précise pas en l'espace de combien de temps un traité international devenu contraire à la Constitution doit être dénoncé après l'échec d'une tentative d'adaptation. Il apparaît donc que le terme «au besoin» est peu clair et crée une insécurité du droit.

99 100 101

Kolb, p. 576 Contrairement à ce qu'affirme l'argumentaire de l'initiative, p. 35.

Voir rapport sur la CEDH, p. 400, avec une référence à ATF 118 Ia 473, 487, cons. 7 c) cc). Voir aussi Auer/Beusch/Bucher, note 40.

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L'extinction d'un traité peut avoir lieu conformément aux dispositions de celui-ci ou, à tout moment, par consentement de toutes les parties (art. 54 de la convention de Vienne), ou bien encore pour un des motifs suivants, énumérés dans la convention de Vienne: violation substantielle du traité (art. 60), survenance d'une situation rendant l'exécution impossible (art. 61), changement fondamental de circonstances (art. 62). Les traités qui ne contiennent pas de dispositions réglant leur dénonciation peuvent néanmoins être dénoncés s'il est établi qu'il entrait dans l'intention des parties d'admettre la possibilité d'une dénonciation ou d'un retrait, ou si le droit de dénonciation ou de retrait peut être déduit de la nature du traité (art. 56, al. 1, de la convention de Vienne).

Les traités indénonçables sont rares102. On considère ordinairement comme tels ceux qui portent sur des questions territoriales, comme les traités fixant la frontière entre deux États, les traités de paix et les Pactes internationaux du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels103 et aux droits civils et politiques104. Les États parties peuvent cependant dénoncer ce type de traité par consentement mutuel.

La dénonciation d'un traité (bilatéral) ou le retrait (d'un traité multilatéral) est un acte unilatéral qui ne requiert pas l'approbation des autres parties et qui ne peut pas être refusé par ces dernières, tant que les conditions juridiques de la dénonciation sont respectées. Comme la ratification, la dénonciation et le retrait sont des actes de droit international. Ils doivent être présentés par écrit, dans les formes prescrites par le traité, à l'autre État partie en cas de convention bilatérale, à l'État dépositaire pour les instruments multilatéraux. Les droits et les obligations des parties découlant du traité prennent fin au moment où la dénonciation ou le retrait prend effet (art. 70 de la convention de Vienne)105.

5.2.5

Autorités compétentes pour dénoncer les traités internationaux selon le droit interne

L'art. 56a, al. 2, P-Cst. ne définit pas quelle autorité est habilitée à dénoncer le traité international contraire à la Constitution. La pratique actuelle en la matière se fonde sur l'art. 184, al. 1, Cst., qui dit que le Conseil fédéral représente la Suisse à l'étranger106. Il est appelé à accomplir des actes de droit international, comme négocier, signer, ratifier, dénoncer et suspendre des traités internationaux107. Il est fondamentalement seul habilité à accomplir ces actes (déployant des effets à l'extérieur de la Suisse). Sa compétence en matière de dénonciation s'étend donc aux traités qui ont 102 103 104 105 106

107

Concernant la question des traités indénonçables dans le contexte de l'initiative pour l'autodétermination, voir Kolb, p. 577.

Pacte I de l'ONU, entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992 (RS 0.103.1).

Pacte II de l'ONU, entrée en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992 (RS 0.103.2).

Voir par ex. l'art. 25, par. 4, ALCP, selon lequel les accords visés cessent d'être applicables six mois après la réception de notification relative à la dénonciation.

Pour une vue d'ensemble de la pratique actuelle, voir la réponse donnée par le Conseil fédéral le 25 février 2015 à l'interpellation 14.4249 Schneider-Schneiter «Protection des droits politiques».

Message nCst., p. 424.

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été soumis à l'approbation parlementaire ou au référendum. S'il délègue sa compétence de conclure des traités à un département, un groupement ou un office, comme l'y autorise l'art. 48a, al. 1, LOGA, cette unité administrative dispose aussi de la compétence de dénoncer les traités en question108.

L'art. 152, al. 3, LParl enjoint au Conseil fédéral de consulter les Commissions de politique extérieure du Parlement sur les projets les plus importants. Cette démarche serait indiquée s'il se voyait amené à dénoncer un traité international approuvé par l'Assemblée fédérale. Même s'il est compétent, il n'est pas interdit au Conseil fédéral de demander l'aval exprès du Parlement. Il peut le faire notamment lorsque cela est déjà prévu dans l'arrêté d'approbation, au moment de la conclusion du traité, ou lorsqu'il s'agit d'un instrument international particulièrement important. Le Conseil fédéral a déjà déclaré, par exemple, qu'il apparaît inconcevable aujourd'hui de dénoncer la CEDH sans que le Parlement soit intégré au processus, en raison de la portée politique exceptionnelle d'une telle mesure109.

La CIP-E a présenté, le 25 août 2016, une initiative dont le but est de régler explicitement la répartition des compétences en matière de dénonciation des traités internationaux, en dérogation à la pratique actuelle110. Selon ce texte, les autorités habilitées à conclure ou approuver un traité auraient aussi la compétence de le dénoncer. Il y aurait alors parallélisme entre la conclusion et l'extinction des traités internationaux pour ce qui est du partage des compétences entre Assemblée fédérale et Conseil fédéral et du référendum. Il semble indiqué à la commission de renforcer la légitimité démocratique de l'extinction des traités notamment lorsque celle-ci a des conséquences économiques ou politiques importantes, ou bien lorsqu'elle entraîne des coûts élevés, ou la perte de droits de particuliers. Entre l'initiative de la commission et l'exigence de dénoncer au besoin les traités contraires à la Constitution, inscrite à l'art. 56a, al. 2, P-Cst., la proximité est manifeste. Si l'initiative est mise en oeuvre dans le sens exposé, la décision de dénoncer des traités importants ne pourra être prise que sous réserve de l'approbation expresse ou tacite du peuple (référendum facultatif) ou, dans certains cas, sous réserve de l'approbation expresse du peuple et des cantons (référendum obligatoire).

5.2.6

Réserve en faveur des règles impératives du droit international

L'interdiction de contracter des obligations de droit international contraires à la Constitution (art. 56a, al. 1, P-Cst.) et l'obligation d'adapter ou de dénoncer les traités en cas de conflit de normes (art. 56a, al. 2, P-Cst.) valent uniquement sous réserve des «règles impératives du droit international» (sur ce concept, voir ch. 2.3 et 5.1.4), conformément à l'art. 56a, al. 3, P-Cst.

108 109

Communication DDIP/OFJ, p. 1112 s.

Rapport sur la CEDH, p. 401; réponse du Conseil fédéral du 25 février 2015 à l'interpellation 14.4249 Schneider-Schneiter «Protection des droits politiques» 110 Initiative parlementaire 16.456 CIP-E «Dénonciation et modification des traités internationaux. Répartition des compétences»; la CIP-N a approuvé cette initiative le 17 novembre 2016.

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5.3

Restriction de la primauté d'application du droit international (art. 190 P-Cst.)

5.3.1

Portée et but de l'art. 190 Cst.

L'art. 190 Cst., dans sa teneur actuelle, vise à assurer que les autorités d'application du droit, dont en dernière instance le Tribunal fédéral, appliquent les lois fédérales et le droit international, qu'ils soient ou non conformes à la Constitution (primauté d'application des lois fédérales et du droit international; dite aussi principe d'immunité ou d'impunité des lois fédérales et du droit international). Cela signifie que la primauté de validité de la Constitution fédérale sur les lois fédérales ne peut pas être concrétisée par les tribunaux; c'est en ce sens que la loi fédérale est «immunisée»; elle n'est pas soumise au contrôle constitutionnel111. Il en va de même pour les dispositions de droit international: elles doivent être appliquées, en principe même si elles sont contraires à la Constitution (voir aussi le ch. 4.2.4 concernant la relation entre le droit international et la Constitution). L'art. 190 Cst. ne concerne toutefois que l'application du droit par les tribunaux; il ne dispense pas le législateur de l'obligation de respecter la Constitution lorsqu'il édicte des lois et lorsqu'il approuve des traités internationaux (primauté de validité de la Constitution)112.

Le but de la règlementation de l'art. 190 Cst., pour ce qui est de l'immunité des lois fédérales, ressortit au partage de compétences entre les pouvoirs législatif et judiciaire: cette norme place la question de la constitutionnalité des lois entre les mains de l'Assemblée fédérale. Ce n'est pas le pouvoir judiciaire qui, après coup, assume la responsabilité première de la constitutionnalité de la législation fédérale, c'est, dès l'abord, l'affaire du pouvoir politique113. Quant à l'immunité du droit international, elle sert principalement à garantir la fiabilité de la Suisse en tant que partenaire des relations internationales114.

L'art. 190 P-Cst. ne change rien à la primauté d'application des lois fédérales sur la Constitution. Malgré l'art. 5, al. 4, P-Cst., les lois fédérales resteraient immunisées de la même manière qu'aujourd'hui.

Par contre, alors que, selon le droit en vigueur, le «droit international» est aujourd'hui déterminant pour le Tribunal fédéral et les autres autorités d'application du droit, seuls le seraient encore, selon l'art. 190 P-Cst., «les traités internationaux dont l'arrêté d'approbation a été sujet ou soumis au référendum». Cela limite le principe d'immunité du droit international de deux manières.

111

Le principe d'immunité de l'art. 190 Cst. n'implique pas d'interdiction de contrôler les lois fédérales. Le Tribunal fédéral peut examiner la constitutionnalité d'une loi fédérale.

Simplement, s'il constate qu'elle viole la Constitution, elle doit être appliquée quand même; le Tribunal fédéral peut seulement inviter le législateur, dans les considérants de l'arrêt, à modifier la disposition anticonstitutionnelle (voir ATF 141 II 280, consid. 9.2, 140 I 353, consid. 4.1).

112 Message nCst., p. 436; Epiney, BS-BV-Kommentar, art. 190 no 22 113 Tschannen, § 8 no 8 114 Biaggini, art. 190 no 7

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5.3.2

Première restriction: les «traités internationaux» au lieu du «droit international»

Le principe d'immunité inscrit à l'art. 190 Cst. vaut pour l'ensemble du droit international. Il vise en premier lieu les traités internationaux conclus par la Suisse et encore en vigueur, mais il porte aussi sur les autres sources de droit international (primaires) dont l'art. 38, par. 1, du statut de la CIJ fait la liste, ainsi que sur le droit international dit secondaire (sur cette notion, voir ch. 5.1.3)115. Selon le texte du projet d'article constitutionnel, l'immunité du droit international est relativisée en ce sens que la primauté d'application se limite aux traités internationaux. Si l'initiative pour l'autodétermination était acceptée, il n'est pas certain, par exemple, que le Tribunal fédéral et les autres autorités d'application du droit puissent encore appliquer une décision de sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU (droit international secondaire), que la Suisse s'est engagée à appliquer en vertu de l'art. 25 de la Charte de l'ONU, si cette décision est contraire à la Constitution. La même question se pose concernant le droit coutumier et les principes généraux de droit qui seraient en conflit avec la Constitution116.

5.3.3

Deuxième restriction: primauté d'application limitée aux traités internationaux sujets ou soumis au référendum

Récapitulons ici les règles de compétence relatives à la conclusion de traités internationaux: l'Assemblée fédérale approuve les traités internationaux, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (art. 166, al. 2, Cst.; art. 24, al. 2, LParl; art. 7a, al. 1, LOGA)117. Parmi les traités internationaux approuvés par l'Assemblée fédérale, ceux visés aux art. 140, al. 1, let. b, et 141, al. 1, let. d, Cst. sont soumis ou sujets au référendum (référendum obligatoire ou facultatif en matière de traités internationaux).

Le principe d'immunité (art. 190 Cst.) couvre tous les traités internationaux, quel que soit l'organe qui les a conclus et, pour les traités approuvés par l'Assemblée fédérale, qu'ils aient été sujets ou soumis au référendum.

Même en cas d'acceptation de l'initiative pour l'autodétermination, tous les traités internationaux visés à l'art. 190 P-Cst. dont l'arrêté d'approbation a été soumis ou sujet au référendum seraient déterminants pour les autorités d'application du droit (droit international conventionnel qualifié). Cela signifie que le Tribunal fédéral et les autres autorités d'application du droit seraient tenus par ces traités, même anticonstitutionnels. La règle de primauté prévue par l'initiative («le droit constitutionnel prime le droit international»: primauté de validité, voir art. 5, al. 4, 2e phrase, 115

Message nCst., p. 436 s.; ATF 133 II 450 consid. 6.1; Hangartner/Looser, SG-BV-Kommentar, art. 190 no 23 116 Sur cette problématique, voir Kolb, p. 578.

117 Conformément à l'art. 48a, al. 1, LOGA, le Conseil fédéral peut à son tour déléguer cette compétence à un département; en ce qui concerne les traités de portée mineure, il peut la déléguer à un groupement ou à un office.

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P-Cst.) ne vaut pas dans ces cas-là118. Toutefois, les traités soumis ou sujets au référendum contraires à la Constitution sont des «obligations de droit international» au sens de l'art. 56a, al. 2, P-Cst. et doivent, en vertu de ce dernier, être adaptés et au besoin dénoncés.

Les traités internationaux approuvés par l'Assemblée fédérale qui ne sont pas sujets ou soumis au référendum et les traités approuvés par le Conseil fédéral ou les unités administratives subordonnées ne seraient par contre plus immunisés (art. 190 P-Cst.

a contrario). S'ils présentent une contradiction avec la Constitution, le Tribunal fédéral et les autres autorités d'application du droit ne devront plus les appliquer. Il se peut qu'en l'espèce, il s'ensuive une violation du droit international dont la Suisse aurait à répondre sur le plan international, face aux États concernés. Le risque de violation du droit international durerait jusqu'à ce que le traité en question ait pu être adapté ou dénoncé (art. 56a, al. 2, P-Cst.).

5.3.4

Interprétation de la notion «sujet ou soumis au référendum»

L'art. 190 P-Cst. introduit un nouveau critère distinctif en faisant dépendre l'immunité des traités internationaux du fait que leur «arrêté d'approbation a été sujet ou soumis au référendum»119. Pour les traités sujets au référendum (art. 141, al. 1, let. d, Cst.), le critère est rempli qu'une votation ait eu lieu ou non. Il importe peu que le peuple ait approuvé le traité tacitement (c'est-à-dire faute de demande de référendum ou faute d'aboutissement de la demande de référendum) ou expressément (en votation). Pour les traités soumis au référendum, l'acceptation sera toujours expresse (voir art. 140, al. 1, let. b, Cst.).

Le critère du référendum posé à l'art. 190 P-Cst. soulève cependant plusieurs questions d'interprétation, que nous illustrerons ci-après par l'exemple des conventions internationales relatives aux droits de l'homme et des traités dits standard: ­

118 119 120 121

Ne serait-ce que pour des raisons de sécurité du droit, il faut que le traité international considéré ait réellement été sujet ou soumis au référendum au moment de son approbation, et non pas qu'il aurait dû théoriquement l'être selon les règles de la Constitution actuelle. Cette interprétation est confirmée par la lettre de l'art. 190 P-Cst., qui cite les traités «dont l'arrêté d'approbation a été sujet ou soumis au référendum». Voici ce que cela signifierait pour la CEDH, approuvée par l'Assemblée fédérale le 3 octobre 1974120: le droit constitutionnel de l'époque (art. 89, al. 4, aCst.) ne prévoyait ni référendum obligatoire ni référendum facultatif pour l'arrêté d'approbation de l'Assemblée fédérale121; si l'on se fonde sur cette seule circonstance, cela veut dire que la CEDH ne lierait plus les autorités d'application du droit, en vertu de l'art. 190 P-Cst.

Voir aussi l'argumentaire de l'initiative, p. 35.

On trouvera une critique de ce critère dans Kolb, p. 578.

RO 1974 2148 Pour plus de détails, voir le rapport sur la CEDH, p. 368 ss.

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­

122 123

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126 127 128

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130

La CEDH présente cependant certaines particularités qui sont à prendre en considération pour l'interprétation de l'art. 190 P-Cst. D'abord, il convient de rappeler que le contenu des droits qu'elle consacre a été intégré dans la Constitution actuelle, au titre de la mise à jour de la Constitution122. De ce fait, le peuple et les cantons lui ont conféré, au moins indirectement, une légitimité démocratique123. Par ailleurs, les critiques contre la CEDH visent surtout la Cour européenne des droits de l'homme et le mécanisme de contrôle de la convention. Ce mécanisme, tel qu'il existe aujourd'hui, repose essentiellement sur la réforme apportée par les protocoles n o 11124 et no 14125.

Le protocole no 15126, approuvé le 18 mars 2016 par l'Assemblée fédérale, a entraîné d'autres modifications du mécanisme de contrôle et donc du texte de la CEDH. Les protocoles no 14 et no 15 étaient sujets au référendum prévu par l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. Les droits et libertés matériels inscrits dans le titre I (art. 2 à 18) de la convention sont demeurés inchangés depuis 1950, date de la conclusion de cette dernière. Toutefois, plusieurs protocoles additionnels ont étendu la liste de ces droits et libertés127 et la procédure qui aboutit aux arrêts de la Cour est définie pour l'essentiel dans le protocole no 14, sujet au référendum128. Dans ces conditions, on pourrait considérer que l'approbation du protocole no 14 constitue une approbation implicite de la CEDH («convention mère») 129. Si on ne le fait pas, les autorités d'application du droit se trouveraient placées devant une situation difficile: elles seraient tenues d'appliquer le protocole additionnel, sujet au référendum, mais non la convention elle-même130. La problématique est la même, par exemple, pour la convention en matière de double imposition

Message nCst., p. 139 ss «La consultation populaire dont fera l'objet l'ensemble du droit constitutionnel en vigueur offre une bonne occasion au peuple de prendre conscience de ces normes fondamentales et de les confirmer» (message nCst., p. 47).

Protocole no 11 du 11 mai 1994 à la convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales portant restructuration du mécanisme de contrôle établie par la Convention (RS 0.101.09; RO 1998 2993).

Protocole no 14 du 13 mai 2004 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention (RS 0.101.094; RO 2009 3067). Le délai référendaire concernant ce protocole est échu le 6 avril 2006 sans avoir été utilisé.

FF 2016 1959 (arrêté fédéral) et 2015 2149 (texte du protocole). Le délai référendaire est échu le 7 juillet 2016 sans avoir été utilisé.

Voir rapport sur la CEDH, p. 363 s.

L'art. 122 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) prévoit que la révision d'un arrêt du Tribunal fédéral peut être demandée si la Cour européenne des droits de l'homme a constaté, dans un arrêt définitif, une violation de la CEDH ou de ses protocoles.

Voir Auer/Beusch/Bucher, no 23. On peut aussi parler d'approbation implicite de la CEDH en relation avec l'assujettissement de l'art. 122 LTF au référendum (voir note de bas de page 128).

Voir Müller/Thürer, p. 14.

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conclue avec l'Allemagne en 1971131 (non sujette ni soumise au référendum) et le protocole du 17 juin 2011 la modifiant132, sujet au référendum.

131

132

133 134 135

­

S'il n'est pas certain que la CEDH soit encore immunisée aux termes de l'art. 190 P-Cst., la situation est claire pour le Pacte II de l'ONU, qui consacre des droits fondamentaux similaires à ceux de la CEDH. L'arrêté fédéral du 13 décembre 1991, qui portait approbation de ce pacte, était sujet au référendum applicable aux traités internationaux d'une durée indéterminée et non dénonçables (art. 89, al. 3, let. a, aCst.)133. Cet instrument multilatéral resterait, lui, applicable en cas de conflit avec la Constitution (pour la question de l'adaptation et de la dénonciation de ce traité, voir ch. 5.2.4).

­

Le critère du référendum instauré par l'art. 190 P-Cst. pourrait aussi créer des incertitudes en relation avec les traités standard, c'est-à-dire les traités de contenu semblable voire identique que la Suisse conclut avec un grand nombre d'États. La pratique s'est développée ­ notamment pour les accords relatifs à la double imposition, au libre échange et à la protection des investissements, ou à la sécurité sociale ­ de ne pas assujettir ces traités au référendum facultatif, bien qu'ils contiennent «des dispositions importantes fixant des règles de droit» (au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.). Le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale considéraient en effet que les obligations internationales de ce type n'étaient importantes que si elles n'avaient pas déjà été incluses dans des traités avec d'autres États. Par exemple, l'Assemblée fédérale avait renoncé à assujettir au référendum facultatif son arrêté du 20 mars 2014 portant approbation de l'accord de libre-échange avec la Chine134. Si l'initiative pour l'autodétermination était acceptée, il n'est pas certain que les autorités qui appliquent le droit puissent continuer d'appliquer les traités standard en cas de contradiction avec la Constitution.

Rappelons ici que le Conseil fédéral a décidé en juin 2016 d'adapter cette pratique et d'assujettir au référendum facultatif les traités prévoyant des dispositions importantes contenant des règles de droit, même si elles se retrouvent dans des traités précédemment conclus. Le Conseil fédéral a toutefois proposé que la conclusion de ce type d'accords puisse être déléguée à l'Assemblée fédérale (approbation par arrêté fédéral simple) lorsqu'ils ne contiennent pas de dispositions nouvelles importantes par rapport aux accords antérieurs. Cette clause de délégation doit être inscrite dans un acte soumis ou sujet au référendum ­ loi fédérale ou arrêté fédéral135.

Convention du 11 août 1971 entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (RS 0.672.913.62; RO 1972 3075; FF 1971 II 1427 1453) Protocole modifiant la Convention du 11 août 1971 entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune dans la teneur modifiée par le protocole du 12 mars 2002 (RO 2012 825; FF 2011 463 477) Le délai référendaire est échu le 23 mars 1992 sans avoir été utilisé (RO 1993 749).

RO 2014 1315 Voir le message du Conseil fédéral du 15 février 2017 relatif à l'approbation de l'accord de libre-échange entre les États de l'AELE et la Géorgie, FF 2017 2105 2145.

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5.3.5

Conséquences pour la relation entre droit international et loi fédérale

Les cas ­ relativement rares ­ de conflit de normes dans la pratique concernent généralement la relation entre le droit international et une loi fédérale. Comme l'un et l'autre lient tout autant les autorités d'application du droit, il n'est pas possible de se fonder sur l'art. 190 Cst. pour savoir comment résoudre la contradiction et quel texte l'emporte sur l'autre. C'est en ce cas la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral (jurisprudence Schubert et jurisprudence PKK, voir ch. 4.2.3) qui indique la voie à suivre.

Selon l'art. 190 P-Cst., les traités internationaux dont l'arrêté d'approbation a été sujet ou soumis au référendum (droit international conventionnel qualifié) resteraient tout aussi immunisés que les actes normatifs fédéraux du degré législatif. En cas de conflit entre un de ces traités et une loi fédérale, il serait toujours possible de se fonder sur la jurisprudence Schubert/PKK. Ces cas de figure sont significatifs dans le sens où les dispositions à l'origine du conflit ont été sujettes ou soumises au référendum, applicable aux lois fédérales d'un côté (art. 141, al. 1, let. a, Cst.) et aux traités internationaux de l'autre côté (art. 140, al. 1, let. b, et 141 al. 1, let. d, Cst.).

La situation est toute autre pour le reste du droit international, et en particulier pour les traités internationaux non sujets ni soumis au référendum. Selon l'art. 190 P-Cst., ils ne seront plus immunisés comme les lois fédérales. On pourrait en conclure que la perte de leur immunité face aux tribunaux signifie qu'ils deviennent d'un rang inférieur à la loi fédérale136. En conséquence, le Tribunal fédéral et les autres autorités d'application du droit ne seraient plus liés par les traités internationaux (non sujets ni soumis au référendum) contraires à une loi fédérale. Cette interprétation semble logique, mais il ne serait pas non plus exclu de se fonder sur la jurisprudence Schubert/PKK ici aussi, d'autant que le texte proposé ne règle pas expressément cette question137. C'est là un autre élément montrant que l'initiative populaire crée des incertitudes (voir ch. 6.3.5).

5.4

Disposition transitoire (art. 197, ch. 12, P-Cst.)

Les actes normatifs prennent effet dès la date de leur entrée en vigueur. Le droit constitutionnel ne fait pas exception. L'art. 195 Cst. énonce que la Constitution révisée partiellement entre en vigueur dès que le peuple et les cantons l'ont acceptée.

Cela implique déjà l'application des nouvelles dispositions aux obligations de droit international futures de la Confédération et des cantons - donc plus précisément aux traités internationaux conclus ou entrant en vigueur après l'acceptation de l'initiative populaire ­ l'art. 197, ch. 12, P-Cst. en faisant une règle explicite.

136 137

Keller/Balazs-Hegedüs, p. 719 Les auteurs de l'initiative populaire parviennent manifestement à la conclusion opposée et présument que la jurisprudence Schubert / PKK continuera de prévaloir en cas de conflit de normes entre les traités non sujets ni soumis au référendum et les lois fédérales (voir argumentaire de l'initiative, p. 35).

5065

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En énonçant que les nouvelles dispositions constitutionnelles s'appliquent aussi aux obligations de droit international actuelles, la norme transitoire garantit que les traités internationaux conclus avant l'acceptation éventuelle de l'initiative sont inclus.

Enfin, l'art. 197, ch. 12, P-Cst. prévoit explicitement que la règlementation instaurée par l'initiative populaire s'applique à toutes les dispositions actuelles et futures de la Constitution fédérale. Cette formulation vise à assurer que les dispositions constitutionnelles entrées en vigueur avant l'acceptation de l'initiative pour l'autodétermination soient aussi couvertes par les nouvelles règles. L'application de ces dernières à des dispositions constitutionnelles postérieures va de soi et n'aurait en soi pas besoin d'être mentionnée.

6

Appréciation de l'initiative et conséquences d'une acceptation

6.1

Des normes superfétatoires

Le titre de l'initiative, «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination)», laisse entendre que l'édiction de normes de droit interne est synonyme de souveraineté, tandis que les engagements pris dans le cadre des traités internationaux sont l'expression de la dépendance et de la sujétion. C'est méconnaître que la conclusion et l'approbation de traités internationaux sont tout autant un acte de souveraineté nationale que l'édiction de lois. De plus, en même temps que les réseaux d'accords internationaux se densifiaient, les instruments de démocratie directe dans la procédure de conclusion des traités ont été développés progressivement: en 1977, le référendum en matière de traités internationaux a été fondamentalement révisé; en 2003 est entré en vigueur l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., renforçant encore les droits du peuple en étendant le référendum facultatif en matière de traités internationaux. Depuis lors, il existe un fort parallélisme entre le référendum concernant les lois et celui concernant les traités internationaux. Même dans les cas où l'Assemblée fédérale délègue la compétence de conclure les traités internationaux au Conseil fédéral, les processus démocratiques sont assurés. En effet, cette délégation de compétence doit être prévue dans une loi fédérale, elle-même sujette au référendum. En renforçant le rôle du peuple, des cantons et du Parlement dans les processus de politique extérieure, les autorités fédérales ont trouvé un juste équilibre entre la nécessité de parler d'une seule voix vis-à-vis de l'extérieur et celle de donner une légitimité démocratique aux instruments de la relation avec l'étranger. Il n'est pas exact de prétendre qu'il y a opposition entre le droit interne (édicté de manière totalement autonome) et le droit international (dicté par des forces extérieures). La conclusion de traités internationaux ne représente pas une restriction de la souveraineté nationale, mais relève de l'exercice de cette dernière.

Deux propositions concrètes de l'initiative sont tout aussi superflues: d'une part, le complément apporté à l'art. 5, al. 1, Cst., selon lequel la Constitution est la source suprême du droit de la Confédération suisse; d'autre part, l'interdiction, prévue à l'art. 56a, al. 1, P-Cst., de contracter des obligations de droit
international contraires à la Constitution. Cela fait de longues années que le droit suisse obéit à cette conception et que les autorités fédérales suivent cette pratique, et ce point restera vraisem5066

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blablement incontesté (voir ch. 5.1.1 et 5.2.1). Tant l'une règle que l'autre sont inutiles. En outre, elles éveillent l'impression, inexacte, qu'une règlementation explicite est nécessaire pour que la Constitution soit la norme de rang suprême et pour que l'on puisse éviter de conclure des traités internationaux contraires au droit constitutionnel.

6.2

Des solutions inappropriées

La relation entre le droit international et le droit interne n'est pas tout à fait exempte de contradictions. Notamment, la Constitution n'offre pas de réponse toute faite aux difficultés que causent les initiatives populaires contraires au droit international. La Suisse a toujours réglé ces cas de manière pragmatique. L'initiative pour l'autodétermination ne montre pas la voie pour résoudre ces antagonismes. Au contraire, en proposant une norme schématique de règlement des conflits et en posant un carcan rigide d'exigences, elle complique la recherche de solutions par les autorités et limite excessivement la marge de manoeuvre de la Suisse.

6.2.1

Une norme schématique de règlement des conflits

Le constituant de 1999 a renoncé intentionnellement à régler explicitement la façon de résoudre les conflits entre les normes du droit interne et le droit international. Il voulait notamment donner au Tribunal fédéral la possibilité de maintenir la jurisprudence Schubert, selon laquelle une loi fédérale contraire au droit international peut exceptionnellement être appliquée lorsque le législateur a sciemment dérogé à ce dernier. Le constituant a donc opté pour une solution pragmatique, en assortissant le principe de la primauté du droit international de la possibilité de faire usage d'un certain pouvoir d'appréciation dans des cas exceptionnels138. Du point de vue du Conseil fédéral, cette jurisprudence a donné jusqu'à présent des résultats satisfaisants. La décision de ne pas la codifier s'est aussi avérée une bonne solution139. La jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral permet de répondre aux différentes situations de conflits de normes et à la diversité des états de fait concernés. Le Tribunal fédéral a régulièrement trouvé des solutions pratiques et consensuelles en cas de conflit entre le droit national et le droit international.

L'initiative pour l'autodétermination contient une règle de primauté schématique en faveur du droit constitutionnel en cas de conflit avec des obligations de droit international, ce qui élimine toute possibilité de trouver des solutions taillées sur mesure dans des cas particuliers. La modification proposée par l'art. 5 P-Cst. ignore le fait que les normes de droit international sont aujourd'hui d'importance très diverse. Il n'est d'ailleurs pas étonnant qu'aucune constitution nationale n'offre à ce jour de 138 139

Schürer, p. 132 Avis du Conseil fédéral du 27 août 2008 concernant la motion 08.3249 Reimann «Base constitutionnelle pour la pratique Schubert» et ­ avec d'autres références ­ celui du 11 mai 2016 concernant l'interpellation 16.3043 Vogt «Garantir la capacité d'action du Parlement et du Conseil fédéral. Mettre en oeuvre l'art. 121a de la Constitution.

Maintenir la jurisprudence Schubert».

5067

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solution satisfaisante pour régler de manière générale et rationnelle toutes les contradictions possibles entre le droit international et le droit interne140. La difficulté est d'autant plus grande en Suisse que notre Constitution comporte des normes dont l'importance varie141. Elle ne répond pas à la notion de la norme constitutionnelle matérielle, si bien qu'il est possible d'intégrer, notamment par la voie de l'initiative populaire, des dispositions qui, sur le fond, relèveraient plutôt de la loi ou de l'ordonnance, voire de l'acte individuel.

6.2.2

Marge de manoeuvre restreinte

Jusqu'à présent, lorsqu'il risque d'apparaître un conflit de normes entre un traité existant et une nouvelle disposition constitutionnelle, la Suisse essaye de l'éviter grâce à une interprétation conforme au droit international ­ généralement avec succès. On peut citer pour exemples la mise en oeuvre de l'initiative sur l'internement ou de l'initiative sur le renvoi. Il ne serait pas exclu non plus de se résoudre (provisoirement) à un conflit de normes à condition d'être disposé à en supporter les conséquences juridiques et politiques. Le choix se fonde, dans l'un et l'autre cas, sur des considérations politiques.

Avec l'initiative pour l'autodétermination, il n'y aurait par contre plus de marge pour trouver des solutions pragmatiques.

En effet, selon l'art. 56a, al. 2, P-Cst., les autorités fédérales seraient tenues de régler le conflit de normes en suivant la démarche dictée par la norme constitutionnelle.

Elles devraient négocier, parfois pendant plusieurs années, avec un ou plusieurs partenaires pour adapter le traité, même si les chances de succès sont objectivement très réduites. La Constitution prescrit aussi l'étape suivante, qui est de dénoncer le traité au besoin, si bien que la délégation suisse chargée des négociations serait soumise à une forte pression; en même temps, l'autre partie risquerait d'utiliser cette pression à son profit, ce qui affaiblirait la position des négociateurs suisses. Dans tous les cas, il règnerait une incertitude juridique susceptible de durer plusieurs années. L'obligation d'agir créée par l'art. 56a, al. 2, P-Cst. a, en conjonction avec l'art. 197, ch. 12, P-Cst., une portée particulière, car cette disposition transitoire fait que les nouvelles règles s'appliquent à toutes les dispositions actuelles de la Constitution et à toutes les obligations actuelles de droit international.

6.3

Apparition de nouveaux problèmes

L'initiative pour l'autodétermination propose des solutions pour des cas qui ne requièrent pas de règlementation (voir ch. 6.1). Les mesures prévues pour traiter les réelles contradictions qui peuvent surgir entre le droit international et le droit interne apparaissent peu appropriées (voir ch. 6.2). Mais outre cela, l'initiative est propre à susciter un certain nombre de nouveaux problèmes.

140 141

Tschumi/Schindler, SG-BV-Kommentar, art. 5 no 95 Voir Kolb, p. 571.

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6.3.1

Affaiblissement de la fidélité aux traités et de la validité du droit international

Le droit des traités est tout entier sous-tendu par un principe central: tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi (art. 26 de la convention de Vienne; pacta sunt servanda). Le bien-fondé de ce principe tient à la nature même du droit conventionnel international: il repose sur des accords entre les États parties. Contrairement au droit interne, qui résulte d'une décision de la majorité, les traités internationaux naissent par consensus, exactement comme le droit contractuel privé. Comme les contrats privés, ils peuvent être modifiés (par l'accord de toutes les parties) ou dénoncés (unilatéralement). Un État ne peut pas invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité.

S'il le fait ­ en violation de l'art. 27 de la convention de Vienne ­, il risque d'être responsable au regard du droit international; en fin de compte, c'est la validité du droit international qui se trouve affaiblie.

Si elle prévoyait la primauté du droit constitutionnel sur le droit international (art. 5 P-Cst.), et limitait la primauté d'application du droit international aux traités internationaux sujets ou soumis au référendum (art. 190 P-Cst.), la Suisse remettrait ouvertement en question le principe pacta sunt servanda. On serait en droit de comprendre les modifications proposées comme un assentiment ou une invitation, formulée dans la Constitution même, à violer les traités internationaux non sujets ni soumis au référendum. Cette brèche ouverte dans le principe de la fidélité aux traités affaiblirait l'ensemble du droit international et irait à l'encontre des intérêts de la Suisse. Il lui deviendrait difficile de demander à ses partenaires de remplir leurs obligations envers elle si elle-même offrait dans sa Constitution une possibilité générale de les bafouer. Cette tendance serait contraire à la culture juridique suisse: les accords conclus doivent être respectés, qu'il s'agisse de contrats de vente, de bail ou de travail, ou bien encore de traités internationaux. De même qu'une société anonyme ne peut pas se libérer tout simplement de ses obligations contractuelles en changeant ses statuts, un État ne peut pas s'affranchir de ses engagements internationaux juste en modifiant sa Constitution.

6.3.2

Risque de voir la responsabilité internationale de la Suisse engagée

Sur le plan du droit international, un traité international demeure valable et en vigueur jusqu'à ce qu'il soit dénoncé ou ­ pour les traités de durée limitée ­ jusqu'à ce que sa durée de validité expire. Une contradiction avec son droit constitutionnel n'autorise pas la Suisse à ne pas exécuter les obligations qui en découlent. Elle doit les respecter, quelles que soient les règles de primauté prévues par son droit interne.

Le droit des traités reconnaît quelques causes pouvant justifier la non-exécution d'un traité international. Par exemple, une violation substantielle d'un traité par l'une des parties autorise l'autre ou les autres parties à suspendre l'application du traité en totalité ou en partie (art. 60 de la convention de Vienne). Si aucun motif licite ne peut être invoqué, la responsabilité de l'État concerné est engagée. Les consé-

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quences juridiques concrètes peuvent être prévues dans le traité lui-même. De manière générale, la responsabilité internationale entraîne les obligations suivantes142: ­

En premier lieu, l'État responsable doit rétablir une situation conforme au droit international ou cesser son comportement contraire au droit international. Cette obligation découle déjà de la norme violée, qui, en règle générale, subsiste. Si l'État qui contrevient au droit international dénonce le traité afin de se libérer de ses engagements, il ne peut pas pour autant éluder sa responsabilité pour la violation commise durant la période où il était soumis au traité.

­

Si le rétablissement de la situation conforme au droit international n'est pas possible, ou ne l'est qu'en partie, l'État doit verser des dommages-intérêts.

Si la violation ne peut se traduire en un dommage chiffrable, il fournit une réparation.

Si l'État responsable ne remplit pas ces obligations, l'État lésé dispose de plusieurs moyens pour réagir: ­

Il peut intervenir sur le plan diplomatique, au niveau bilatéral ou multilatéral, pour exercer une pression sur l'État responsable et l'inciter à remplir ses devoirs de réparation;

­

Le traité peut être suspendu, conformément à ses dispositions ou par consentement de toutes les parties (voir art. 57 et 58 de la convention de Vienne).

Une partie peut également le suspendre unilatéralement, en totalité ou en partie, en cas de violation substantielle (voir art. 60 de la convention de Vienne).

­

Il peut y avoir extinction du traité par consentement des parties ou dénonciation unilatérale (voir art. 54 et 56 de la convention de Vienne). Une partie peut même mettre fin immédiatement au traité, en cas de violation substantielle de celui-ci (voir art. 60 de la convention de Vienne).

Si ces réactions n'entraînent pas le retour à une situation conforme au droit international, il ne reste plus que la contrainte pour pousser la partie contrevenante à remplir ses obligations. Il s'agit pour une part de mesures de rétorsion, c'est-à-dire de mesures hostiles prises par les autres parties pour nuire au contrevenant sans cependant violer ses droits: par exemple la rupture des relations diplomatiques, le refus d'une aide au développement ou d'un crédit, des restrictions du commerce et des investissements dans les limites des règles internationales applicables aux échanges commerciaux. Mais les États peuvent aussi avoir recours à des mesures de représailles, c'est-à-dire des mesures qui violent le droit international mais qui sont admissibles exceptionnellement en réaction à une violation antérieure commise par l'autre partie. Le recours à la contrainte est utilisé avec une extrême réserve, et uniquement en réponse à des violations très graves des obligations de droit international.

La CEDH contient une clause particulière: les États membres sont tenus de se conformer aux arrêts de la Cour (art. 46, al. 1, CEDH), dans lesquels celle-ci peut cons142

Voir rapport droit international/droit interne, p. 2091 ss.

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tater une violation de la convention. Le Comité des Ministres surveille l'exécution des arrêts (art. 46, al. 2, CEDH), concernant les mesures de nature concrète ou générale que les États doivent prendre. En cas de violation systématique et durable, l'exclusion du Conseil de l'Europe est possible en théorie; elle aurait les mêmes effets qu'une dénonciation de la CEDH (art. 58, al. 3, CEDH).

L'art. 190 P-Cst. oblige le Tribunal fédéral et les autres autorités d'application du droit à ne plus appliquer les traités internationaux non sujets ni soumis au référendum s'ils dérogent à la Constitution (et, éventuellement, à une loi fédérale, voir ch. 5.3.5). En adoptant une telle règle, la Suisse serait davantage soumise au risque de voir sa responsabilité engagée sur le plan international.

6.3.3

Répercussions négatives sur les échanges économiques extérieurs

La forte intégration de la Suisse dans le marché intérieur européen et dans l'économie mondiale en général va de pair avec un dense réseau d'accords (accords bilatéraux avec l'UE, accords OMC, conventions de libre-échange et de protection des investissements, etc.). La Suisse a immensément intérêt à ce que les conditions du commerce mondial soient fiables et réglées par des traités et que les échanges se déroulent conformément aux règles. L'acceptation de l'initiative pour l'autodétermination pourrait inciter les partenaires commerciaux de la Suisse, en réaction, à relativiser leurs obligations en invoquant des réserves de droit national lorsqu'ils concluent de nouveaux accords. La nouvelle situation juridique pourrait peut-être même aboutir, en Suisse, à une remise en question de la participation de la Suisse à des traités existants, par exemple aux grands ensembles d'accords commerciaux internationaux143, vu le risque accru de voir engagée la responsabilité de la Suisse (voir ch. 6.3.2) et les répercussions économiques négatives pour notre pays. En outre, pour ce qui est des traités standard, l'incertitude règnerait sur leur statut au regard de l'art. 190 P-Cst. (immunité face au Tribunal fédéral et aux autres autorités d'application du droit; voir ch. 5.3.4).

Le droit économique international repose sur le respect des traités et sur le principe de la bonne foi, de sorte que les partenaires aient une assurance de voir se réaliser leurs attentes fondées. L'initiative pour l'autodétermination, parce qu'elle menace la sécurité juridique et la prévisibilité des échanges internationaux, va à l'opposé de ces deux principes. Si elle était acceptée, les exportateurs suisses de biens et services pourraient avoir plus de mal à accéder aux marchés internationaux et les investisseurs suisses à l'étranger voir leurs intérêts et leurs attentes moins bien protégés.

Parallèlement, l'attrait de la Suisse pour les investisseurs (par ex. pour les multinationales) pâtirait de l'insécurité du droit.

Dans l'ensemble, il n'est pas toutefois pas possible d'évaluer avec certitude les conséquences économiques. Cela est dû d'une part aux contradictions et imprécisions de 143

Sur les possibles effets négatifs de l'initiative sur les traités internationaux à caractère économique (accords de l'OMC, accords de protection des investissements, accords de libre échange, etc.), voir Kaufmann, p. 9 ss.

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l'initiative (voir ch. 6.3.5), qui offre de ce fait une grande marge d'interprétation.

D'autre part, le texte ne contient pas de normes constitutionnelles réglant directement le statut de particuliers (normes directement applicables)144, ce qui rend hasardeux d'éventuels pronostics sur les conséquences d'une acceptation.

6.3.4

Affaiblissement de la protection internationale des droits de l'homme

La requête individuelle, qui permet à un particulier de s'adresser directement à la Cour européenne des droits de l'homme en cas de violation d'une disposition de la CEDH par l'État, ne permettrait plus de protéger aussi efficacement les citoyens qu'elle le fait aujourd'hui. En effet, en cas de contradiction entre une norme constitutionnelle et la CEDH, la mise en oeuvre des arrêts de la Cour européenne pourrait se heurter à des difficultés. Voilà qui ne manquerait pas de saper la sauvegarde des droits de l'homme garantie en Suisse par le droit international et, par ailleurs, de ternir les relations avec le Conseil de l'Europe. Rappelons en outre que la CEDH est aussi importante pour l'exercice des activités économiques. Le Conseil de l'Europe, de même que la CEDH, sont des instruments centraux de la promotion et de la consolidation de l'État de droit et de la démocratie dans toute l'Europe. En leur apportant son soutien, la Suisse ne protège pas seulement les droits de l'homme à l'intérieur de ses frontières; elle aide à assurer la paix et la sécurité sur tout le continent européen, ce qui est pour elle d'un intérêt existentiel.

Dans le contexte des affaires étrangères, la Suisse oeuvre à promouvoir le respect des droits de l'homme, tels que les garantit notamment le droit international (voir art. 54, al. 2, Cst.). En conséquence, dans ses relations extérieures, elle souligne l'importance de la protection des droits de l'homme et en condamne les violations. Cet engagement s'exprime aussi à travers sa conviction qu'aucun État ne doit se réclamer de sa souveraineté pour justifier des violations des droits de l'homme ou relativiser ces derniers. L'acceptation de l'initiative pour l'autodétermination minerait la cohérence de la politique intérieure et extérieure de la Suisse et la fiabilité de son engagement en faveur des droits de l'homme.

6.3.5

Contradictions et imprécisions du texte de l'initiative

L'argumentaire du comité d'initiative promet que l'initiative pour l'autodétermination apportera «la sécurité du droit et la stabilité en clarifiant les rapports entre le droit national et le droit international»145. Elle pourrait toutefois avoir en grande partie l'effet contraire. En effet, elle comporte de nombreuses contradictions 144

Il ne faut pas confondre l'applicabilité directe des normes constitutionnelles pour les particuliers et la question de savoir si une disposition constitutionnelle impose aux autorités des obligations de faire ou de ne pas faire, déployant des effets sans qu'il soit besoin d'une loi d'exécution (c'est le cas de l'initiative pour l'autodétermination, voir ch. 3.1).

145 Argumentaire de l'initiative, p. 4.

5072

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et imprécisions, qui risquent même d'affecter l'équilibre des pouvoirs entre les organes de l'État: ­

La claire hiérarchie des normes visée par l'art. 5 P-Cst., qui statue la primauté de validité du droit constitutionnel («la Constitution prime le droit international») est battue en brèche par l'art. 190 P-Cst., qui, en réglant les actes liant le Tribunal fédéral et les autres autorités (primauté d'application), donne le pas aux traités internationaux sur les normes constitutionnelles qui leur sont contraires, dès lors que leur arrêté d'approbation a été sujet ou soumis au référendum. Il est difficile de comprendre quelle gradation concrète des différents types d'actes et de traités l'initiative tend à réaliser.

­

En particulier, on peut supposer que la façon de traiter les conflits de normes entre le droit international (traités internationaux sujets ou soumis au référendum) et les lois fédérales restera en principe la même (maintien de la jurisprudence Schubert/PKK développée par le Tribunal fédéral, voir ch. 5.3.5). C'est là que les conflits de normes sont les plus fréquents en pratique. Or l'initiative pour l'autodétermination n'y apporte pas vraiment de changement, mais vise plutôt la relation entre le droit international et le droit constitutionnel, qui suscite bien moins souvent des contradictions. Il est vrai que ces dernières ont été plus fréquentes ces derniers temps, notamment en raison de la tendance à inscrire de plus en plus de dispositions directement applicables dans les initiatives constitutionnelles et à les formuler de manière si catégorique que le législateur n'a plus de marge de manoeuvre digne de ce nom pour les mettre en oeuvre. En cas d'acceptation de l'initiative pour l'autodétermination et d'adoption d'une règle de primauté en faveur du droit constitutionnel, cette tendance pourrait encore se renforcer, au risque que les conflits de normes entre le droit international et le droit interne concernent plus souvent des normes de rang constitutionnel. Une telle évolution poserait problème sur le plan institutionnel, dans le sens où la Constitution est censée être le point de départ de la création du droit, et non son aboutissement.

L'intervention du législateur et l'élaboration de lois d'exécution sont le préalable à une règlementation praticable, propre à apporter des solutions aux problèmes que le constituant n'avait pas anticipés. La procédure législative permet de confronter et de discuter tous les points de vue pertinents, en associant au processus toutes les personnes concernées (procédure de consultation, délibération des commissions, système bicaméral). Lorsque les initiatives populaires contiennent des prescriptions détaillées et directement applicables, le législateur est mis en retrait et les avantages de la procédure législative que nous venons de citer sont perdus.

­

Autre point obscur, le moment où il existe un «conflit» entre la Constitution et le droit international au sens de l'art. 56a, al. 1 et 2, P-Cst. Suffit-il qu'il y ait conflit sur le plan abstrait entre deux normes, ou bien faut-il attendre qu'il se révèle au moment de l'application du droit, voire durant la phase d'exécution? Il règne par ailleurs la plus grande incertitude sur l'autorité qui pourrait ou devrait constater (dans un cas d'espèce ou dans l'absolu) l'existence de ce conflit ­ organe gouvernemental, parlementaire ou judiciaire.

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­

Concernant l'art. 56a, al. 2, P-Cst.: quand (au terme de quelles démarches, ou après quels efforts) la tentative d'adapter un traité international contraire à la Constitution vaut-elle comme ayant échoué, de sorte que naît l'obligation de le dénoncer? Une contradiction ponctuelle touchant une unique disposition du traité oblige-elle à dénoncer ce dernier? Ou bien doit-on s'appuyer sur la précision «au besoin» et le principe de proportionnalité de l'activité de l'État (art. 5, al. 2, Cst.) pour exiger que le traité soit entièrement ou pour une grande part contraire à la Constitution?

­

Il semble contradictoire de déclarer les traités internationaux sujets ou soumis au référendum déterminants pour toutes les autorités d'application du droit (art. 190 P-Cst.) et de prévoir par ailleurs une obligation de les adapter ou de les dénoncer (art. 56a, al. 2, P-Cst.).

­

N'y a-t-il pas également une contradiction dans le fait de traiter de manière différente des traités internationaux de contenu similaire en vertu de l'art. 190 P-Cst., si l'un a rempli le critère du référendum (par ex. le Pacte II de l'ONU) et l'autre non (par ex. la CEDH)? La même inégalité de traitement, dont il est difficile de voir la justification, frappe les protocoles additionnels de la CEDH sujets au référendum, auxquels l'art. 190 P-Cst. confère l'immunité, alors que la convention mère ne le sera peut-être pas.

­

Le critère du référendum n'est pas un indicateur fiable de l'importance réelle des traités internationaux. Il existe de nombreux traités importants qui n'ont été ni sujets ni soumis au référendum, comme le montre l'exemple des traités standard (voir ch. 5.3.4). Les normes constitutionnelles régissant le référendum en matière de traités internationaux ont été modifiées au cours du temps (voir ch. 6.1). La disposition de l'art. 190 P-Cst. entraînerait une inégalité de traitement en faisant dépendre l'immunité des traités d'un critère formel (le référendum), qui ne reflète pas toujours leur importance réelle.

C'est principalement le cas des traités internationaux qui ont été conclus avant 2003, année où l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. est entré en vigueur.

­

Selon la formulation de l'art. 5, al. 4, 2e phrase, P-Cst., le droit constitutionnel prime toutes les obligations de droit international ­ y compris donc les traités internationaux que le peuple et les cantons ont acceptés par la voie du référendum obligatoire, et qui ont la même légitimité démocratique que les normes constitutionnelles. On est amené à se demander quelle peut être la motivation d'une prééminence aussi grande du droit constitutionnel.

Le Tribunal fédéral serait appelé à clarifier les questions juridiques soulevées par l'initiative, du moins celles qu'il serait possible de soumettre à l'appréciation du pouvoir judiciaire, et en particulier celles relatives à la portée des modifications apportées aux art. 5 et 190 Cst. et à la relation entre ces deux normes. Les tribunaux se verraient ainsi attribuer la prérogative d'interpréter des questions importantes concernant la relation entre le droit international et le droit interne. Quant à l'obligation d'adapter ou de dénoncer les traités, inscrite à l'art. 56a, al. 2, P-Cst., le Conseil fédéral et le Parlement devraient développer une pratique. Plusieurs années pourraient s'écouler avant que les questions les plus importantes soient éclaircies.

Les incertitudes juridiques qui subsisteraient dans l'intervalle auraient sans doute 5074

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des retombées négatives pour les acteurs économiques (sur les conséquences pour les échanges économiques extérieurs, voir ch. 6.3.3).

7

Renonciation à tout contre-projet direct ou indirect

Un contre-projet direct à l'initiative populaire devrait porter «sur la même matière constitutionnelle» (art. 101, al. 1, Cst.), c'est-à-dire offrir une réponse à ce que demande l'initiative. Il peut en donner une version moins ambitieuse ou moins rigide dans l'exécution, ou bien proposer d'autres solutions, mais non adopter un point de vue totalement différent. Or, pour les raisons évoquées au ch. 5, le Conseil fédéral ne peut pas soutenir l'approche empruntée par les auteurs de l'initiative pour l'autodétermination. Il lui est donc impossible de proposer un contre-projet, direct ou indirect, qui signifierait qu'il défend au moins en partie les orientations de l'initiative.

En 2015, le Conseil fédéral a étudié une proposition visant, comme l'initiative, à établir des règles de primauté, mais il a finalement recommandé de ne pas hiérarchiser le droit international en fonction de sa légitimité démocratique146. La proposition examinée était d'établir une corrélation entre la légitimité démocratique des textes normatifs et leur rang en cas de conflit. Le Conseil fédéral était cependant parvenu à la conclusion que ce mécanisme, loin de résoudre le problème, le déplacerait voire l'aggraverait ­ comme l'initiative pour l'autodétermination.

8

Conclusion

L'initiative pour l'autodétermination est de nature à exacerber les problèmes touchant à la relation entre le droit international et le droit interne. Elle demande le traitement uniforme des conflits de normes, là où un traitement nuancé est nécessaire. Elle prétend apporter de la clarté dans la relation entre droit international et droit interne, mais elle n'est pas plus en mesure de le faire qu'elle ne peut accroître l'autodétermination comme elle le promet. Le texte est au contraire entaché de contradictions internes.

L'acceptation de l'initiative créerait de multiples incertitudes juridiques et nuirait aux relations politiques et commerciales extérieures de la Suisse. La stabilité et la prévisibilité dont ont besoin le pays et ses entreprises seraient mises à mal par l'obligation d'adapter et de dénoncer des traités. Le Conseil fédéral et le Parlement qui, aujourd'hui, cherchent des solutions pragmatiques et individuelles, tenant compte à la fois des exigences de la Constitution et des engagements de la Suisse, pour mettre en oeuvre les normes constitutionnelles contraires au droit international, seraient empêchés de le faire. La seule option que leur laisserait l'initiative est celle d'une renégociation et, éventuellement, d'une dénonciation du traité concerné.

La tradition humanitaire de la Suisse, son rôle d'État dépositaire de très nombreuses conventions, font qu'elle a un lien fort avec le droit international. En tant que petit 146

Rapport CF sur le postulat 13.3805; voir aussi ch. 4.3.

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État, elle a en outre un intérêt particulier au respect des obligations de droit international, qui sont un rempart contre la loi du plus fort. Les traités internationaux contiennent des règles contraignantes de ce type et permettent à la Suisse d'avoir le même poids que les autres pays dans le concert des nations. Le droit international garantit que le droit passe avant les relations de force. «La force d'un petit État, c'est avant tout son bon droit.»147. Ce n'est qu'en étant elle-même une partenaire fiable que la Suisse pourra attendre des autres pays qu'ils se tiennent à leurs engagements envers elle.

L'idée centrale de l'initiative pour l'autodétermination est en contradiction avec la pratique que la Suisse a toujours suivie avec succès dans ses relations extérieures. Le Conseil fédéral invite les Chambres fédérales à la soumettre au peuple et aux cantons sans contre-projet direct ni indirect, en recommandant de la rejeter.

147

Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 11 décembre 1919 concernant les traités internationaux d'arbitrage, FF 1919 V 809 814.

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Bibliographie Auer Andreas/Beusch Michael/Bucher Silvia et al., Stellungnahme zur Volksinitiative «Schweizer Recht statt fremde Richter (Selbstbestimmungsinitiative)», Jusletter 20 février 2017 Biaggini Giovanni, Kommentar zur Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich 2007 Blum Nina/Naegeli Vera/Peters Anne, Die verfassungsmässigen Beteiligungsrechte der Bundesversammlung und des Stimmvolkes an der Kündigung völkerrechtlicher Verträge, ZBl 2013, p. 527 à 562 Ehrenzeller Bernhard/Schindler Benjamin/Schweizer Rainer J./Vallender Klaus A. (Hrsg.), Die Schweizerische Bundesverfassung. St. Galler Kommentar, 3 e éd., Zurich/Saint-Gall 2014 Häfelin Ulrich/Haller Walter/Keller Helen/Thurnherr Daniela, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 9e éd., Zurich 2016 Hangartner Yvo/Kley Andreas, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich 2000 Kaufmann Christine, Conséquences possibles de l'initiative fédérale suisse «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination)» sur des traités internationaux pertinents pour l'économie, disponible sous: www.economiesuisse.ch > Actualités > Communiqués de presse > Communiqué du 6 avril 2017 Keller Helen/Balazs-Hegedüs Natalie, Paradigmenwechsel im Verhältnis von Landesrecht und Völkerrecht?, AJP 2016, p. 712­724 Keller Helen/Walther Reto, Konsequenzen der «Selbstbestimmungsinitiative» für die Wirtschaft, PJA 2016, p. 867 à 878 Keller Helen/Weber Yannick, Folgen für den Grundrechtsschutz und verfassungsrechtliche Gültigkeit der «Selbstbestimmungsinitiative», PJA 2016, p. 1007 à 1023 Kley Andreas, Geschichte des öffentlichen Rechts der Schweiz, 2e éd., Zurich 2015 Kolb Robert, L'initiative de l'UDC sur «l'autodétermination» («Juges étrangers)», SZIER 2016, p. 567 à 579 Künzli Jörg, Demokratische Partizipationsrechte bei neuen Formen der Begründung und bei der Auflösung völkerrechtlicher Verpflichtungen, RDS 2009 I p. 47­75 Müller Jörg Paul/Thürer Daniel, Landesrecht vor Völkerrecht? Grenzen einer Systemänderung, RDS 2015 I, p. 3 à 20 Schürer Stefan, Hat die PKK-Rechtsprechung die Schubert-Praxis relativiert?, ZBl 2015, p. 115à 132 Tschannen Pierre, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 4 e éd., Berne 2016 Waldmann Bernhard/Belser Eva Maria/Epiney Astrid (éd.), Bundesverfassung.

Basler Kommentar, Bâle 2015 5077

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Liste de documents cités plusieurs fois Argumentaire Initiative populaire «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination)» du 10 mars 2015, disponible sous: www.selbstbestimmungsinitiative.ch Downloads (cit.: argumentaire de l'initiative) Communication de la Direction du droit international public du DFAE et de l'Office fédéral de la justice du DFJP, du 14 juin 2006 («La compétence des unités administratives pour conclure et dénoncer des instruments internationaux.

Droit et pratique suisses»), JAAC 2006 no 69 (cit.: communication DDIP/OFJ) Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 1 (cit.: message nCst.)

Message du Conseil fédéral du 20 novembre 2013 concernant l'initiative populaire «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en oeuvre)», FF 2013 8493 (cit.: message sur l'initiative de mise en oeuvre) Publication commune de l'Office fédéral de la justice et de la Direction du droit international public, du 26 avril 1989 («Rapports entre le droit international et le droit interne au sein de l'ordre juridique suisse. Fondements juridiques et conséquences de la primauté du droit international»), JAAC 1989 n o 54 (cit.: publication commune OFJ/DDIP) Rapport additionnel du Conseil fédéral du 30 mars 2011 au rapport du 5 mars 2010 sur la relation entre droit international et droit interne, FF 2011 3613 (cit.: rapport additionnel droit international/droit interne) Rapport de l'Office fédéral de la justice du 28 décembre 2006 à l'intention de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, JAAC 2012 no 4 (cit.: rapport OFJ) Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des États du 20 août 2015 («Conditions de validité des initiatives populaires. Examen du besoin de légiférer»), FF 2015 6485 (cit.: rapport CIP-E) Rapport du Conseil fédéral du 12 juin 2015 en exécution du postulat 13.3805 («Clarifier la relation entre le droit international et le droit interne»), disponible sous: www.parlament.ch > (taper le numéro du postulat dans le champ de recherche) > Rapport en réponse à l'intervention (cit.: rapport CF sur le postulat 13.3805) Rapport du Conseil fédéral du 19 novembre 2014 en exécution du postulat Stöckli 13.4187 du 12 décembre 2013 («40 ans d'adhésion
de la Suisse à la CEDH: Bilan et perspectives»), FF 2015 353 (cit.: rapport sur la CEDH) Rapport du Conseil fédéral du 5 mars 2010 sur la relation entre droit international et droit interne, FF 2010 2067 (cit.: rapport droit international/droit interne)

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