15.3631 Rapport sur le classement de la motion Hess Hans 15.3631 «Pour une application effective du principe du cassis de Dijon» du 5 juillet 2017

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2016

M 15.3631

Pour une application effective du principe du cassis de Dijon (E 16.9.2015, Hess Hans; N 17.3.2016)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

5 juillet 2017

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2017-1441

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Rapport 1

Contexte

La motion 15.3631 («Pour une application effective du principe du cassis de Dijon») du 18 juin 2015, déposée par l'ancien conseiller aux États Hans Hess, a été acceptée le 16 septembre 2015 par le Conseil des États et le 17 mars 2016 par le Conseil national. Elle charge le Conseil fédéral de prendre des mesures en vue de garantir que, dans les contrats de distribution, les fabricants de produits autorisent expressément leurs distributeurs suisses à effectuer notamment tous travaux d'installation, d'entretien ou de garantie pour leurs produits même lorsque ceux-ci ont été achetés directement dans l'Espace économique européen (EEE).

L'auteur de la motion entend lutter contre l'îlot de cherté qu'est la Suisse. Le montage de certains produits nécessite souvent le recours à des spécialistes. La motion cite, à titre d'exemples, les appareils électriques, les installations de cuisine, les cyclomoteurs, les installations de combustion, telles que chaudières ou brûleurs, les bateaux de sport, les installations de stabulation pour l'agriculture, les véhicules nautiques à moteur, les appareils et installations sanitaires, les revêtements de sol ou de mur, les installations de ventilation ou encore les équipements médicaux ou de laboratoire.

Dans le développement de la motion, l'auteur fait valoir que les entreprises suisses, refuseraient d'installer ce type de produits ou d'en assurer la maintenance lorsqu'ils ont été achetés directement dans l'EEE. Ces fins de non-recevoir seraient d'ailleurs souvent dictées par le fabricant ou l'importateur, afin d'empêcher que leurs canaux de distribution soient soumis à une concurrence. Le Conseil fédéral devrait statuer dans ce domaine et prendre les mesures nécessaires contre de telles instructions.

Le Conseil fédéral avait proposé de rejeter la motion. Dans son argumentation, il avait fait valoir, d'une part, qu'il n'apparaissait pas clairement s'il s'agissait effectivement d'un problème de grande ampleur ou plutôt de cas isolés, vu qu'aucun précédent n'avait jusque-là été enregistré par les autorités en matière de concurrence. D'autre part, il avait relevé que les bases légales nécessaires pour combattre de telles pratiques existent déjà. Une disposition supplémentaire selon laquelle certaines clauses doivent expressément figurer dans presque tous les contrats de
distribution constituerait une restriction de la liberté contractuelle et économique et, de ce fait, ne serait pas justifiée.

Suite à la réponse du Conseil fédéral à la motion, le secrétariat de la Commission de la concurrence (COMCO) a mené, en été 2016, une étude exhaustive auprès des entreprises en vue d'évaluer, du point de vue pratique, la pertinence de la motion (cf. ch. 2.3). Il s'agissait de savoir si le refus, par des entreprises suisses, de fournir des prestations de service constitue un problème bien réel et si, le cas échéant, il résulte d'instructions données par le fabricant ou l'importateur.

L'étude de marché du secrétariat de la COMCO a été menée auprès d'environ 6000 opérateurs du marché, associations et organisations de protection des consommateurs. Des membres d'associations qui représentent des branches explicitement 4882

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mentionnées dans la motion ont notamment été interrogés, mais l'étude a également été menée auprès des organisations suisses de protection des consommateurs afin de recueillir les expériences des consommateurs suisses. Le secrétariat de la COMCO a adopté le rapport final concernant l'étude de marché le 21 septembre 2016 1. Les résultats de l'étude de marché n'étaient pas disponibles à l'époque où ont eu lieu les délibérations parlementaires sur la motion.

2

Justification de la proposition de classer la motion

2.1

Remarques préliminaires

Le Conseil fédéral propose aujourd'hui le classement de la motion en s'appuyant notamment sur les possibilités d'intervention inscrites dans la loi du 6 octobre 1995 sur les cartels (LCart)2 et sur les résultats de l'étude de marché menée par le secrétariat de la COMCO.

2.2

Possibilités d'intervention en vertu de la LCart

Dans le développement de la motion, référence est faite à la communication de la COMCO du 21 octobre 2002 concernant l'appréciation des accords verticaux dans le domaine de la distribution automobile (CommAuto 2002)3 et, en particulier, au ch.

5, let. c, de sa note explicative4 (la note a été remplacée en 20105). La CommAuto a été révisée le 1er janvier 2016 (communication automobile du 29 juin 2015, CommAuto 20106). La disposition inscrite au ch. 5, let. c, de la CommAuto 2002 a été remplacée par l'art. 15, al. 2 de la CommAuto 2010. La note explicative à ce sujet 7, tout comme celle concernant le ch. 5, let. c, de la CommAuto 2002, prévoit que les réparateurs agréés ont l'obligation de réparer tous les véhicules de la marque en question, d'honorer les garanties, d'effectuer l'entretien gratuit et de réaliser tous les travaux sur les véhicules rappelés, que les véhicules aient été achetés (ch. 11 de la note explicative CommAuto 2010) dans l'EEE ou en Suisse.

La motion demande que cette réglementation soit déclarée obligatoire, mutatis mutandis, pour la commercialisation d'autres produits de marque et qu'elle soit inscrite dans une ordonnance du Conseil fédéral ou dans la communication de la

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Disponible (en allemand) sous www.weko.admin.ch > Documentation > Droit et politique de la concurrence en pratique (DPC) > 2016/3, p. 869 ss RS 251 Disponible sous www.weko.admin.ch > Documentation > Droit et politique de la concurrence en pratique (DPC) > 2002/4, p. 778 ss Disponible sous www.weko.admin.ch > Documentation > Droit et politique de la concurrence en pratique (DPC) > 2004/3, p. 971 ss Disponible sous www.weko.admin.ch > Documentation > Droit et politique de la concurrence en pratique (DPC) > 2010/3, p. 628 ss FF 2015 5522 Disponible sous www.weko.admin.ch > Documentation > Droit et politique de la concurrence en pratique (DPC) > 2016/1, p. 358 ss

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COMCO du 28 juin 2010 sur les accords verticaux (CommVert) 8. À noter toutefois que l'art. 15, al. 2, CommAuto 2010, malgré ce que peut laisser entendre un énoncé équivoque dans la note explicative CommAuto 2010, ne prévoit pas de soumettre les réparateurs agréés à une obligation générale de réparer les véhicules automobiles de la marque concernée, d'en assurer le service ou de fournir des garanties à cet égard.

Il considère plutôt les accords entre les fabricants ou les importateurs généraux et les réparateurs agréés autorisés à la vente, qui sont conclus en vue de renoncer à fournir de tels services comme des restrictions graves de la concurrence sur le plan qualitatif. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral en la cause Gaba9: en principe, de telles restrictions, dans les affaires transfrontalières, limitent dans une large mesure la concurrence, dès lors qu'elles correspondent à l'état de fait énoncé à l'art. 5, al. 4, LCart. Quant à savoir si de telles restrictions sont illicites, la question exige une évaluation dans le cas d'espèce. En fin de compte, il importe également de considérer qu'il n'existe pas d'obligation de contracter.

Par contre, la CommVert s'occupe en général de l'appréciation des entraves aux importations parallèles et directes du point de vue du droit des cartels. Le fait qu'un fabricant (étranger) conclue avec son partenaire commercial suisse un accord en vue de renoncer à certains services de garantie concernant des produits importés, directement ou en parallèle, peut indirectement conduire à une protection territoriale absolue au sens de l'art. 5, al. 4, LCart, comme précisé au ch. 10, al. 2, CommVert.

Selon l'arrêt du Tribunal fédéral en la cause Gaba, de tels accords sont d'une portée considérable et, à moins de se justifier par des motifs d'efficacité économique, ils sont illicites et directement passibles de sanctions.

Compte tenu du règlement (UE) no 330/201010 et des lignes directrices sur les restrictions verticales11 de la Commission européenne, le droit européen est applicable par analogie dans le droit suisse des cartels, selon le consid. VII CommVert. Dans son arrêt en la cause Gaba, le Tribunal fédéral a également fait observer que le droit suisse, à tout le moins en ce qui concerne les accords de concurrence au sens de l'art. 5, al. 4, LCart, doit
concorder avec le droit européen. D'après les lignes directrices sur les restrictions verticales, il y a protection territoriale indirecte lorsqu'un prestataire ne prévoit pas, à l'échelle de l'Union, de service de garantie que tous les distributeurs sont normalement tenus d'assumer et en contrepartie duquel ils sont remboursés par le fournisseur, même pour des produits vendus sur leur territoire par d'autres distributeurs (ch. 50 des lignes directrices sur les restrictions verticales.

À noter également que le fait d'exclure contractuellement des prestations de garantie des marchandises n'est pas en soi illicite. S'appuyant sur la jurisprudence européenne en la matière12, la COMCO a décidé, dans un cas d'espèce, que le fait d'exclure contractuellement des prestations de garantie des marchandises acquises 8 9 10

11 12

FF 2010 4625.

Arrêt 2C_180/2014, Colgate-Palmolive Europe Sàrl (anc. Gaba International SA) contre COMCO, du 28 juin 2016 Règlement (UE) no 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, § 3, du traité sur le fonctionnement de l'UE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, JO. L 102 du 23.4.2010, p. 1 Lignes directrices sur les restrictions verticales, JO. C 130 du 19.5.2010, p. 1 Arrêt de la CJCE du 13 janvier 1994, C-376/92, Metro/Cartier, Recueil de jurisprudence 1994, p. I-00015, ch. 32 s.

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hors d'un système de distribution sélectif ne constitue pas un accord illicite en matière de concurrence. L'argument avancé est qu'une telle limitation de garantie a le même effet qu'une limitation de distribution à des détaillants autorisés. De l'avis de la COMCO, il n'y a donc à tout le moins pas d'accord en termes de protection territoriale absolue qui serait directement passible de sanction au sens de l'art. 5, al. 4, LCart (cf. décision COMCO du 30 juin 2014 en l'affaire Jura, restrictions à la concurrence)13.

Il s'ensuit qu'une analyse des circonstances précises est nécessaire dans chaque cas d'espèce pour déterminer si un refus de garantie constitue indirectement un accord en termes de protection territoriale absolue. Dans ce contexte, d'autres questions essentielles se posent quant à la manière dont le risque de garantie a été contractuellement assuré entre les intéressés et quant à savoir si l'on est en présence d'un refus de garantie de la part du fabricant ou d'un refus de garantie relevant du droit de la vente. En droit de la vente, il incombe au vendeur de répondre, face à l'acheteur, des caractéristiques garanties contractuellement (cf. rapport final su secrétariat de la COMCO, ch. 101).

S'agissant des interventions possibles en vertu de la LCart, on peut en synthèse estimer que, aujourd'hui déjà, l'exigence de la motion est prise en compte en ce sens que, dans la distribution d'autres produits, s'appliquent les mêmes principes du droit des cartels que dans le secteur de la vente de véhicules automobiles: le secrétariat de la COMCO le relève lui aussi explicitement dans son rapport final. Ainsi, les autorités de la concurrence disposent déjà des bases légales nécessaires pour agir contre des cas tels que ceux mentionnés dans la motion Hess. Les accords du droit des cartels en matière de protection territoriale font partie depuis de nombreuses années des préoccupations prioritaires de l'autorité de la concurrence; lorsque des signes d'accords de ce genre lui sont communiqués, elle les vérifie dans tous les cas. Vu les résultats de l'étude de marché, largement étayée et menée auprès des opérateurs du marché, il est finalement permis de conclure à une sensibilité plus aiguë aux problèmes soulevés dans la motion Hess et à une disposition accrue à communiquer aux autorités de la concurrence
les indices observés à cet égard (cf. rapport final du secrétariat de la COMCO, ch. 112).

L'exigence formulée dans la motion, à savoir le verrouillage du marché suisse des travaux d'installation, d'entretien ou de garantie touchant les produits achetés dans l'EEE, pourrait bien avoir été finalement corroborée par la jurisprudence récente du Tribunal fédéral. Dans son arrêt en la cause Gaba, le Tribunal fédéral a en effet précisé que les accords visant à une protection territoriale absolue au détriment de la Suisse sont d'une portée considérable et qu'ils sont directement passibles de sanctions lorsqu'ils ne sont pas justifiés par des raisons économiques.

13

Disponible (en allemand) sous www.weko.admin.ch > Documentation > Droit et politique de la concurrence en pratique (DPC) > 2014/2, p. 410 s., ch. 39

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2.3

Etude de marché du secrétariat de la COMCO

2.3.1

Résultats détaillés

Aux destinataires du questionnaire utilisé dans le cadre de l'étude de marché, il était demandé, premièrement, si, au cours des dix dernières années, ils avaient refusé d'effectuer, pour des clients suisses, des travaux d'installation, d'entretien, de réparation ou de garantie sur des produits qui avaient été achetés directement à l'étranger. Deuxièmement, il leur a été demandé s'ils ont été soumis à des pressions ou à des incitations visant à ce qu'ils refusent de fournir des prestations concernant des produits importés directement. Troisièmement, les opérateurs du marché participant à l'étude ont été interrogés sur leurs propres expériences de consommateurs quant à d'éventuels refus de fournir une prestation sur des produits importés de l'EEE. L'anonymat absolu et le respect de la confidentialité des réponses ont été assurés aux entreprises interrogées, conformément à l'art. 7, al. 1, let. h, de la loi du 17 décembre 2004 sur la transparence (LTrans)14. Le secrétariat de la COMCO a récolté, au total, 252 questionnaires complétés.

82% des entreprises interrogées réfutent la pertinence pratique du refus d'effectuer des travaux d'installation, d'entretien, de réparation ou de garantie sur des produits directement importés (rapport final du secrétariat de la COMCO, ch. 56). Les réponses concernant les fins de non-recevoir, en matière de fourniture de services, se répartissent en deux catégories: d'un côté, des entreprises se refusent, indépendamment de l'influence de leurs fournisseurs, à effectuer des travaux d'installation, d'entretien, de réparation ou de garantie sur des produits directement importés, ceci pour les raisons suivantes (cf. synthèse des motifs invoqués sous ch. 56 du final du secrétariat de la COMCO et les ch. mentionnés ci-après):

14

­

la responsabilité de fournir des services de garantie incombe aux partenaires de distribution du fabricant à l'étranger (ch. 25);

­

manque de capacités (ch. 34 et 47);

­

réticence à fournir des services de garantie sur des produits achetés à l'étranger (ch. 34, 42 et 47);

­

manque de confiance quant à la qualité des produits importés (ch. 30, 36 et 42);

­

mauvaise qualité des produits importés (ch. 34);

­

manque d'informations sur les produits importés (ch. 34);

­

absence de support technique (ch. 34);

­

indisponibilité des pièces de rechange (ch. 34);

­

produits importés ne répondant pas aux normes de production usuelles (ch. 40);

­

charge administrative en rapport avec le remboursement des services de garantie (ch. 52); RS 152.3

4886

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­

les fiches secteur des appareils électriques ne sont pas compatibles avec les prises suisses (ch. 25);

­

les appareils électriques importés présentent une tension d'alimentation incorrecte (trop élevée), ne sont pas conformes aux normes suisses ou n'ont pas reçu le marquage de conformité CE (ch. 33 et 49);

­

manque partiel d'indications normatives (déclaration de conformité, preuve de conformité aux normes requises ou ­ à défaut de contrôles ­ autorisation) (ch. 33);

­

homologation suisse ou certificat faisant défaut en ce qui concerne des systèmes d'échappement et des fours (cheminées et fours de chauffage) (ch. 42);

­

délais de garantie plus longs pour les installations répondant aux normes SIA que pour les produits importés (ch. 35).

D'autre part, cinq répondants ont rapporté que des travaux de garantie effectués sur des produits directement importés n'étaient que partiellement remboursés par le fournisseur ou le fabricant (ch. 56 en relation avec les ch. 34, 35, 37, 44 et 52).

L'étude de marché n'a mis au jour aucun autre cas de refus d'effectuer des travaux d'installation, d'entretien, de réparation ou de garantie consécutifs à des accords conclus entre opérateurs et fabricants ou fournisseurs.

Aucune des associations ayant préféré émettre un avis officiel plutôt que de faire suivre le questionnaire à leurs membres n'a eu connaissance de mesures prises par les fabricants ou les fournisseurs afin de promouvoir un refus systématique de fournir des services d'installation, d'entretien, de réparation ou de garantie sur des produits directement importés (ch. 85). Le refus de fournir des services d'installation sur des produits directement importés a été bien plus souvent motivé par des risques de responsabilité, en ce sens que, selon le droit des contrats d'entreprise, l'opérateur assume en principe la responsabilité non seulement des travaux qu'il a effectués (installation et montage), mais également des matériaux utilisés et des appareils installés (ch. 86 en relation avec les ch. 62 et 72; voir aussi ch. 2.3.2). Les fins de non-recevoir en matière de fourniture de services de réparation et d'entretien ont donc été motivées par le fait que les produits importés ne seraient pas connus et que l'outillage spécifique éventuellement nécessaire ne serait pas disponible ainsi que par le fait que l'opérateur ne saurait assumer de responsabilité quant à la sécurité offerte par le produit et à sa conformité aux prescriptions légales (ch. 4 et 113).

Le secrétariat de la COMCO a en outre interrogé des organisations de protection des consommateurs, soit la Stiftung für Konsumentenschutz (SKS), la Fédération romande des consommateurs (FRC) et l'Associazione Consumatrici e Consumatori della Svizzera Italiana (ACSI), en vue d'établir si elles étaient au fait de la problématique évoquée dans la motion. L'étude a révélé que, ces dernières années, un seul cas de refus abusif de fournir des prestations d'entretien ­ qui concernait une pompe à chaleur directement importée ­ a été rapporté aux organisations de protection des consommateurs (ch. 87 ss).
En synthèse, on constate que l'étude de marché n'a révélé que des indices sporadiques quant à des cas de refus de fournir des services sur des produits directement 4887

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importés. Il est en revanche difficile de savoir si ces cas découlent de mesures prises par les fabricants ou les importateurs, telles que rapportées dans la motion. Les fins de non-recevoir qui ont été recensées ne portaient que sur la fourniture de prestations de garantie et ont été motivées par le fait que les ristournes proposées par le fabricant ou l'importateur étaient insuffisantes. L'étude de marché n'a mis au jour aucun autre indice de refus de fournir des prestations d'installation, d'entretien, de réparation ou de garantie sur des produits directement importés au sens de la motion Hess.

En particulier, l'étude n'a pas fourni d'indice quant à d'éventuels refus de fournir des prestations, au motif d'accords conclus entre opérateurs et fabricants ou fournisseurs, sur des produits directement importés; comme motif de refus, elle a plutôt mis en évidence des risques de responsabilité relevant du droit des contrats ainsi que des entraves techniques au commerce. Les dispositions réclamées dans la motion ne sauraient remédier à ces états de fait. Toutefois, on ne peut exclure l'éventualité de réponses ayant été motivées par des considérations stratégiques (ch. 87 ss). Quant aux mesures privées des fabricants et importateurs, telles qu'elles elles sont décrites dans la motion Hess, les résultats de l'étude de marché ne permettent pas de conclure qu'elles sont pertinentes du point de vue pratique.

2.3.2

Problématique de la responsabilité relevant du droit des contrats

Dans le cadre de l'étude de marché, les risques de responsabilité sont l'un des deux principaux motifs invoqués quant au refus d'exécuter des travaux d'installation sur des produits directement importés. Pour les droits du maître (en l'occurrence généralement un consommateur) vis-à-vis de l'entrepreneur (généralement un atelier artisanal), le droit du contrat d'entreprise prévoit, en principe, que lorsque les défauts d'un ouvrage mobilier (par ex. une installation de chauffage) intégré dans un ouvrage immobilier (par ex. une habitation), conformément à l'usage auquel il est normalement destiné, a causé un dommage à l'ouvrage immobilier (par ex. un dégât d'eau), le délai de prescription est de cinq ans à compter de la réception de l'ouvrage (art. 371, al. 1, 2e phrase, du code des obligations [CO]15).

Dans le droit du contrat de vente, toute action en garantie pour les défauts d'une chose se prescrit, en principe, par deux ans à compter de la livraison faite à l'acheteur (art. 210, al. 1, 1re phrase, CO). Si les défauts d'une chose (par ex. une installation de chauffage) intégrée dans un ouvrage immobilier (par ex. une habitation) conformément à l'usage auquel elle est normalement destinée sont à l'origine des défauts (par ex. un dégât d'eau) de l'ouvrage, l'action se prescrit par cinq ans à compter de la livraison faite à l'acheteur (art. 210, al. 2, CO).

Ces délais ne peuvent en principe pas être réduits (voir, pour le droit du contrat de vente, art. 210, al. 4, CO et, pour le droit du contrat d'entreprise, art. 371, al. 3, en relation avec l'art. 210, al. 4, CO). En revanche, dans le droit du contrat de vente et celui du contrat d'entreprise, l'action en garantie peut être exclue. Malgré la possibilité d'exclure la garantie et le fait que les dispositions concernant les délais de pres15

RS 220

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cription ne règlent pas la responsabilité concrète dans le cas d'espèce (c'est-à-dire lorsque les défauts d'un ouvrage mobilier sont à l'origine de dommages causés à un ouvrage immobilier dans lequel il a été intégré), le régime de prescription décrit ici est, d'après les résultats de l'étude de marché, propre à dissuader les opérateurs du marché suisses d'installer des produits achetés directement par le client sur un marché étranger (ch. 86, 93, 94 et 107).

Quant à savoir si le refus d'installer des produits achetés à l'étranger évoqué par les entreprises interrogées est fondé, la question peut rester en suspens vu que la problématique de la responsabilité, précédemment exposée, peut être résolue par le biais d'une exclusion de garantie. Même s'il devait y avoir d'autres motifs ­ non mentionnés par les répondants ­ de refuser de fournir ces prestations, il reste qu'il s'agit du comportement unilatéral et délibéré de certains opérateurs du marché suisses et, en pareil cas, la LCart ne serait pas applicable (à moins qu'il ne soit question de position dominante sur le marché, ce qui n'est pas le cas dans le contexte qui nous occupe). En l'occurrence, il ne serait d'aucun profit non plus de mettre en oeuvre les mesures réclamées par la motion Hess, aux termes de laquelle les entreprises suisses devraient obtenir expressément de leurs fournisseurs le droit d'effectuer des travaux d'entretien, de réparation et d'installation sur des marchandises achetées directement dans l'EEE. La motion ne prévoit pas qu'une entreprise suisse soit tenue d'accepter tout mandat.

2.3.3

Entraves techniques au commerce

Selon les résultats de l'étude de marché, les entraves techniques au commerce qui subsistent entre la Suisse et le reste de l'Europe constituent le deuxième motif le plus souvent invoqué pour refuser d'installer des produits directement importés. La notion d'entraves techniques au commerce se rapporte à des mesures non tarifaires entravant ou restreignant les échanges transfrontaliers de marchandises. Il s'agit en l'occurrence de diverses dispositions concernant l'admission et les dérogations qui font partie intégrante du principe du Cassis de Dijon. Celui-ci désigne la réglementation selon laquelle les produits qui répondent aux prescriptions techniques de l'UE ou d'un État membre de l'UE ou de l'EEE et qui y sont légalement commercialisés peuvent, en principe, également être commercialisés en Suisse sans contrôles préalables. Des exceptions ne sont possibles que si elles sont indispensables à la sauvegarde d'intérêts publics prépondérants. Les produits faisant exception au principe du Cassis de Dijon sont énumérés dans une «liste négative». La Suisse a mis en oeuvre le principe du Cassis de Dijon élaboré par le Cour européenne de justice de manière autonome et l'a inscrit dans la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce16.

À ce jour, l'art. 3 de l'ordonnance du 19 mai 2010 sur la mise sur le marché de produits fabriqués selon des prescriptions étrangères17 prévoit 26 exceptions au principe du Cassis de Dijon. Par conséquent, les produits concernés, tels que réfrigérateurs, congélateurs et autres appareils électroménagers, chaudières, brûleurs à air 16 17

RS 946.51 RS 946.513.8

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pulsé ou peintures ne peuvent être importés en Suisse que s'ils répondent aux prescriptions suisses sur les produits. Certaines des entreprises interrogées dans le cadre de l'étude de marché menée par le secrétariat de la COMCO ont explicitement motivé leur refus d'effectuer des travaux d'installation, d'entretien, de réparation ou de garantie par les prescriptions relatives à ces produits. Pour un très large éventail de produits, sur lesquels des travaux d'installation, d'entretien, de réparation ou de garantie doivent nécessairement être effectués par des professionnels, le principe du Cassis de Dijon ne peut ainsi déployer pleinement ses effets. Seule une réduction des exceptions au principe du Cassis de Dijon permettrait de lutter contre les entraves au commerce précédemment évoquées.

Exemple: lorsqu'un client ayant importé d'Allemagne une cuisine équipée et des appareils électroménagers demande ensuite à une entreprise suisse de procéder à son installation et au raccordement des appareils électroménagers, des incompatibilités peuvent se produire entre les appareils étrangers et les raccordements ou les prises suisses. Présentant, en outre, une tension trop élevée, certains appareils de cuisine, à l'étranger, sont susceptibles de contrevenir aux prescriptions d'entreprise de l'exploitant du réseau. Enfin, des appareils électroménagers importés sont susceptibles de contrevenir à certaines dispositions telles que celles de l'ordonnance du 7 novembre 2001 sur les installations à basse tension18.

3

Conclusion

La motion Hess charge le Conseil fédéral de prendre des mesures pour empêcher les entreprises suisses de refuser certaines prestations de services en invoquant les exigences auxquelles les soumettent des fabricants étrangers.

En vertu de la base légale actuelle, les autorités de la concurrence peuvent, aujourd'hui déjà, intenter des actions contre les entraves dans ce domaine dans la mesure où le problème soulevé par la motion serait imputable à des accords de concurrence entre fabricants ou importateurs et entreprises. En outre, la clarification apportée par le Tribunal fédéral dans son arrêt en la cause Gaba a nettement corroboré les réglementations du droit des cartels qui visent à empêcher le verrouillage du marché suisse.

Par ailleurs, l'étude effectuée par le secrétariat de la COMCO, dont les résultats n'ont été disponibles qu'après transmission de la motion par le Parlement, indique que:

18

1.

les refus de prestations mentionnés ne se produisent que dans une faible mesure;

2.

les refus examinés ne sont pas dus à des accords de concurrence entre fabricants ou fournisseurs et entreprises, mais: a. au remboursement insuffisant des services de garantie par les fabricants ou importateurs;

RS 734.27

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b.

c.

aux éventuels risques de responsabilité; aux entraves techniques au commerce.

En fin de compte, l'étude effectuée par le secrétariat de la COMCO a montré clairement que les mesures privées décrites dans la motion Hess et mises en oeuvre par les fabricants et importateurs ne sont pas un fait généralisé. Du point de vue du Conseil fédéral, il n'y a donc pas de lieu de légiférer à ce sujet. À l'inverse, les tâches d'exécution risqueraient d'engendrer des charges administratives et d'inutiles contrôles de caractère bureaucratique.

Pour les raisons susmentionnées, le Conseil fédéral propose de classer la motion.

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