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6032 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la création de légations en Indonésie, en Islande et en Ethiopie (Du 20 avril 1951)

Monsieur le Président et Messieurs, Dans de précédents messages, nous avions relevé que la création des légations alors envisagées ne mettrait pas fin au développement de notre représentation diplomatique. En effet, le resserrement de nos relations avec certains pays, la formation de nouveaux Etats nous obligent à adapter constamment notre représentation officielle aux données sans cesse mouvantes de la politique internationale. En outre, notre pays a, dans la situation présente plus que jamais, intérêt à entretenir avec le plus grand nombre de pays possible des relations amicales fondées sur la compréhension et la confiance réciproques.

Par ailleurs, nous avons conscience aussi du devoir qui nous est .dicté actuellement par la situation financière de la Confédération. C'est pourquoi, tout en limitant au strict nécessaire les dépenses aiférentes à l'administration fédérale, nous nous efforçons de combler progressivement et selon un plan mûrement réfléchi les plus importantes lacunes existant encore dans nos relations diplomatiques.

C'est en partant de ces considérations que nous avons l'honneur de vous exposer ci-après les motifs qui font apparaître comme particulièrement souhaitable la création de légations en Indonésie, en Islande et en Ethiopie.

1. L'INDONÉSIE Le territoire de l'Indonésie est formé de la plupart des îles constituant jadis l'Insulinde néerlandaise: Java, Sumatra, les Célèbes et, en partie, Bornéo, soit un territoire d'environ 1 900 000 km2 et une population estimée à 70 000 000 d'habitants en 1946. La ville de Djakarta elle-même, l'ancienne Batavia, compte quelque 500 000 habitants. Pays fertile, terre légendaire des épices, le plus grand producteur de caoutchouc et d'étain, l'Indonésie se classe parmi les plus riches contrées du monde.

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La république d'Indonésie, proclamée par M. Soekarno, son premier président, le 17 août 1945, a été officiellement reconnue par les Pays-Bas à la conférence de la Table Ronde, le 2 novembre 1949. L'accord précisait que la république d'Indonésie jouirait d'une pleine et entière souveraineté; en outre, que les Pays-Bas et l'Indonésie s'uniraient et placeraient à la tête des deux Etats la reine Juliana et ses successeurs légaux à la couronne des Pays-Bas. Le transfert de la souveraineté à la république d'Indonésie eut lieu le 27 décembre 1949. Le nouvel Etat fut immédiatement reconnu par la plupart des pays du monde, et la Suisse en particulier.

Libre et indépendante, l'Indonésie s'est efforcée de nouer des relations diplomatiques avec de nombreux Etats. A cet effet, elle a entrepris des démarches dans différentes capitales et, entre autres, à Berne. Actuellement, presque tous les pays européens ont déjà envoyé des missions diplomatiques à Djakarta.

De notre côté, après une étude approfondie de la question, nous sommes arrivés à la conclusion que la présence permanente d'un représentant diplomatique suisse en Indonésie était une nécessité et correspondait bien à l'évolution des relations fort anciennes existant entre les deux pays.

Ce riche territoire a depuis longtemps, en effet, exercé un attrait considérable sur nos compatriotes émigrant à l'étranger. C'est ainsi que pour y sauvegarder leurs intérêts, nous avons ouvert un consulat à Djakarta, en 1868 déjà. Ce poste est l'un de nos plus anciens. Par la suite, un autre consulat -- transformé plus tard en un vice-consulat -- fut créé, en 1916, à Médan (Sumatra). Enfin, depuis 1935, il existe une agence consulaire à Surabaja, dans la partie méridionale de Java. La présence de ces trois postes consulaires montre l'importance que ce pays présente pour la Suisse.

Actuellement encore, la colonie suisse y est prospère. Nombre de nos compatriotes occupent des situations de premier plan dans l'économie du pays et ont placé des capitaux considérables dans les plantations, l'industrie ou le commerce. Au surplus, l'Indonésie nous offre d'intéressants débouchés et constitue une source très riche de matières premières, comme le montrent les chiffres de notre commerce extérieur avec ce pays au cours de ces dernières années: Importations (en millions de fr. s.)

Exportations (en millions de fr, s.)

12,7 1938 13,3 3,3 1945 0,002 6.8 1946 1,4 9.9 1947 3,8 17.0 1948 10,1 15,9 1949 15,0 20.1 1950 12,5 Enfin, notre consulat à Djakarta a pu, jusqu'à présent, entreprendre les démarches qui auraient dû être faites par voie diplomatique; mais il

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n'en salirait être longtemps ainsi. En effet, les Etats nouvellement créés ont tendance à appliquer strictement les règles de répartition prévues par le droit des gens quant aux attributions des missions diplomatiques et des représentations consulaires.

De ce qui précède il ressort donc nettement que, vu la nature, l'importance et la complexité des problèmes que posent désormais nos relations avec l'Indonésie, il est indispensable que notre pays soit représenté le plus rapidement possible par une légation à Djakarta.

2. L'ISLANDE L'Islande est une des îles les plus importantes de l'Atlantique nord.

Sa superficie de 103 000 km2 est égale à deux fois et demi celle de la Suisse.

Jusqu'alors rattachée au Danemark, l'Islande fut proclamée Etat souverain le 1er décembre 1918 et se constitua en union réelle avec le Danemark. Pendant la dernière guerre, le parlement islandais se prononça pour l'indépendance totale du pays. Sa décision fut approuvée par le peuple le 24 mai 1944. Le 17 juin suivant, la république d'Islande fut proclamée.

Jusqu'au moment de la séparation définitive entre l'Islande et le Danemark, notre légation à Copenhague était compétente pour la sauvegarde de nos intérêts en Islande. Ce dernier pays étant devenu indépendant, il n'existe plus maintenant de représentation diplomatique suisse accréditée auprès du gouvernement de Reykjavik.

Or, les circonstances ont montré à différentes reprises combien était fâcheuse l'absence de rapports diplomatiques directs entre notre pays et l'Islande. Le besoin de tels contacts s'est fait particulièrement sentir dans les questions économiques. Le commerce suisse avec l'Islande est, en effet, assez important vu la pauvreté de ce pays en matières premières et en industries. Les statistiques commerciales suisses donnent les chiffres suivants : Importations (an millions de Ir. s.)

Exportations (en millions de fr. s.)

-- 1945 1,72 1,37 1946 7,03 0,54 1947 2,53 0,42 1948 0,93 0,48 1949 1,50 0,39 1950 0,56 Par ailleurs, le 18 août 1950, le gouvernement islandais a accrédité un ministre à Berne. Les usages diplomatiques veulent que nous accordions la réciprocité et accréditions, à notre tour, un envoyé diplomatique à Reykjavik.

Nous ne pensons toutefois pas ouvrir, pour l'instant, un poste diplomatique permanent dans la capitale islandaise. Suivant la solution choisie

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par la plupart des autres Etats, nous envisageons d'accréditer en Islande le ministre de Suisse à Oslo, 3. ETHIOPIE L'antique royaume d'Abyssinie, qui fut pendant longtemps le seul Etat indépendant d'Afrique, n'a entretenu qu'à la fin du siècle passé des rapports étroits et suivis avec les puissances européennes. Conquis par l'Italie en 1936, repris par les Anglais et les forces éthiopiennes en 1940-1941, il redevint Etat souverain le 31 janvier 1942.

Depuis lors, ce pays a pris une place de premier plan parmi les nations situées autour de l'importante région stratégique du canal de Suez, de la mer Bouge et d'Aden. Son rôle politique s'est accru à la suite de ses revendications sur l'Erythrée et la Somalie italiennes et, dans un autre domaine, de sa participation, comme membre fondateur, aux Nations-Unies et aux organisations spécialisées qui leur sont rattachées. Il faut relever, en outre, que seule, dans cette région de l'Afrique et du Proche-Orient acquise à l'Islam, l'Ethiopie est demeurée un Etat chrétien. Sa population est évaluée à dix millions d'habitants. Addis-Abéba, la capitale, en compte environ 300 000.

Du point de vue économique, l'Ethiopie est peu développée. Le pays ne possède presque pas d'industrie. Les principaux produits d'exportation sont le café, les céréales, les peaux. Le sol renferme de l'or, du platine, du charbon et d'autres minéraux, mais dont l'extraction n'est guère poussée.

Le gouvernement éthiopien s'efforce cependant de mettre à profit les richesses du pays. Il a récemment demandé un prêt à la banque internationale de reconstruction. Il a également obtenu le concours de certains Etats, qui ont estimé digne d'intérêt ce pays encore si peu exploité.

La Suisse a importé d'Ethiopie, au cours des trois dernières années, des marchandises pour une valeur d'environ 13 millions de francs suisses par année. Les exportations suisses sont moins considérables : elles s'élèvent à quelque 500 000 francs par année, sans compter les marchandises d'origine suisse réexportées en Ethiopie par des pays tiers. Bien qu'elles soient difficiles à caractériser, nos futures relations commerciales avec l'Ethiopie semblent pouvoir s'intensifier encore. Tel est l'avis de certains milieux économiques suisses.

D'autre part, depuis que notre compatriote, l'ingénieur Alfred Hg, émigré en
Abyssinie en 1878, devint premier-ministre de l'empereur Ménélik, l'Ethiopie a attiré un assez grand nombre de ressortissants suisses. Malgré les guerres de 1936 et 1940, une cinquantaine de nos compatriotes sont encore établis dans ce pays. Ils sont immatriculés à la légation de Suisse en Egypte. Mais l'absence de rapports diplomatiques directs entre notre pays et l'Ethiopie empêche notre légation au Caire de sauvegarder efficacement nos intérêts et ceux de la colonie suisse en Ethiopie. L'expérience

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a, en effet, montré qu'il est nécessaire que nos représentants aient accès auprès des plus hautes autorités du pays, ce qui n'est possible que s'ils revêtent un caractère diplomatique. C'est pourquoi nous envisageons, suivant en cela l'exemple d'autres pays comme la Norvège, la Suède, le Danemark, etc., d'accréditer à Addis-Abéba notre représentant au Caire. Nous n'avons, toutefois, pas l'intention, pour le moment, d'ouvrir une représentation diplomatique permanente à Addis-Abéba.

Pour terminer, nous désirons vous entretenir encore de notre représentation en Thaïlande. En effet, le 8 octobre 1947, les chambres fédérales nous ont autorisés à accréditer à Bangkok (Thaïlande) le ministre de Suisse à la Nouvelle Delhi. L'évolution de la situation dans ce pays nous a toutefois amenés à renforcer notre représentation officielle; c'est pourquoi nous avons supprimé notre consulat à Bangkok -- ouvert en 1932 -- et l'avons remplacé par une représentation diplomatique, dirigée par un chargé d'affaires intérimaire, sous les ordres du ministre en Inde. Les chambres fédérales ayant donné leur accord de principe à la création d'une légation en Thaïlande, le développement de notre représentation dans ce pays n'exige plus d'arrêté fédéral formel. Nous désirions néanmoins informer le parlement de nos décisions à ce sujet.

Vu les considérations qui précèdent, nous avons l'honneur de vous recommander d'approuver le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

Nous saisissons cette occasion pour vous présenter, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 20 avril 1951.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le -président de la Confédération, Ed. de STEIGER Le chancelier de la Confédération, LEBtGRXrBER

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ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant

la création de légations en Indonésie, en Islande et en Ethiopie

L'Assemblée fédérale, de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 20 avril 1951, arrête : Article premier Le Conseil fédéral est autorisé à créer une légation en Indonésie, en.

Islande et en Ethiopie.

Art. 2 Le Conseil fédéral est chargé de publier le présent arrêté conformément à la loi du 17 juin 1874 concernant les rotations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux et de fixer la date de son entrée en vigueur.

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26.04.1951

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