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FEUILLE FÉDÉRALE 103e année

Berne, le 23 août 1951

Volume II

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 28 francs par an; 15 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'Imprimerie des Hoirs O.-J. Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (Du 9 août 1951) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec message à l'appui, un projet de loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse.

INTRODUCTION I Déjà avant 1848, le ressortissant d'un des cantons confédérés portait le nom de Suisse. Mais il n'y eut une nationalité suisse, au sens juridique, qu'à partir de la création de l'Etat fédératif.

La nationalité suisse, telle qu'elle résulte de l'histoire et de la structure de la Confédération, a une certaine signification du point de vue du droit public interne et du droit des gens, mais elle n'existe pas par elle-même.

L'article 43 de la constitution dit : « Tout citoyen d'un canton est citoyen suisse. » L'inverse est juste aussi : Tout citoyen suisse est citoyen d'un canton. Ces deux indigénats sont toujours associés.

De plus, le ressortissant suisse a toujours un droit de cité communal (hormis certaines exceptions, par ex. dans le canton de Neuchâtel), Le fait que la commune n'est pas un Etat et que le droit de cité communal n'a dès lors pas les caractères propres de la nationalité n'amoindrit aucunement l'importance considérable que revêt en Suisse le droit de cité communal pour l'individu et la société.

La législation suisse sur la nationalité comprend toutes les dispositions qui règlent l'acquisition et la perte, l'existence et la non-existence de la nationalité suisse. Elle fait une distinction entre les Suisses et les étrangers.

Le droit de cité suisse n'a toutefois pas qu'un simple caractère formel.

Feuille fédérale. 103" année. Vol, II.

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II a aussi une signification matérielle, car il comporte tous les droits et obligations qu'a une personne par le seul fait qu'elle est suisse. Mais, la législation sur le droit de cité ne s'occupe pas de cette situation juridique, qui est la conséquence de l'existence de la nationalité suisse.

II La constitution de 1848 ne prévoyait pas la création d'un droit de cité suisse indépendant. Elle se bornait à déclarer que les ressortissants d'un canton étaient suisses. Les constituants avaient été surtout préoccupés par le désir de prévenir des nouveaux cas d'heimatlosat et d'éviter que l'octroi de la nationalité suisse ne provoquât des conflits avec les Etats étrangers. Aussi donnèrent-ils à l'article 43 de la constitution la teneur suivante : « Aucun canton ne peut priver un de ses ressortissants du droit d'origine ou de cité. Les étrangers ne peuvent être naturalisés dans un canton qu'autant qu'ils seront affranchis de tout lien envers l'Etat auquel ils appartenaient. » Quelques communes ayant commencé, au cours des vingt ans qui suivirent, à monnayer dans une certaine mesure la nationalité suisse, il fut nécessaire, pour remédier à cette pratique, que la Confédération ait son mot à dire lors de l'octroi du droit de cité par le canton et la commune.

Cette possibilité lui fut donnée par l'article 44 de la constitution de 1874, qui dit : « La législation fédérale déterminera les conditions auxquelles les étrangers peuvent être naturalisés, ainsi que celles auxquelles un Suisse peut renoncer à sa nationalité pour obtenir la naturalisation dans un pays étranger. » Se fondant sur cette prescription, le Conseil fédéral adressa aux chambres, le 2 juin 1876, un message accompagnant un projet de loi sur la naturalisation des étrangers en Suisse et la renonciation à la nationalité suisse. Il y déclarait insuffisante la disposition antérieure de la constitution en vertu de laquelle les autorités fédérales ne pouvaient intervenir dans un conflit avec des Etats étrangers que lorsque la naturalisation était un fait accompli. Il fallait que ces autorités pussent examiner les cas particuliers et éviter ainsi les conflits avant l'octroi du droit de cité. Le Conseil fédéral relevait que le nombre de ces conflits fâcheux résultant de certaines naturalisations s'était accru d'une manière regrettable et il ajoutait :
Souvent c'est une législation, étrangère qui, en excluant le divorce ou en limitant le nombre des cas où il est permis ou bien en y apportant des formalités gênantes et en le soumettant à de longs délais, etc., engage les ressortissants de cet Etat à chercher une nouvelle patrie dont la législation leur permette ce que celle de leur pays d'origine leur interdisait. Plus souvent encore, c'est le service militaire qui est la cause de l'expatriation. Des familles d'origine française, et, depuis les changements politiques survenus en Allemagne, surtout des familles allemandes, cherchent à acquérir la nationalité suisse pour leurs fils, lorsqu'ils approchent de l'âge où le service militaire devient obligatoire pour eux. Il est clair que ces personnes ne demandent la naturalisation que pour échapper à une obligation qui leur est imposée dans leur patrie et nullement dans le but

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d'acquérir la nationalité suisse d'une manière stable; au contraire, dès que leur intérêt le demande et qu'elles peuvent le faire sans danger, elles tournent le dos à leur nouvelle patrie.

Selon le message, la nationalité suisse, par sa nature, devait être envisagée de trois points de vue différents: celui de la commune, celui du canton et celui de la Confédération. Les trois parties devaient coopérer à l'octroi du droit de cité. Le Conseil fédéral ajoutait encore une réflexion, qui n'a pas perdu de son importance et mérite d'être rappelée: II nous aurait paru fort désirable de pouvoir traiter cette matière d'une manière complète et de soumettre la perte de la nationalité suisse à des règles générales. La plupart des législations étrangères considèrent l'indigénat comme perdu par la réalisation de certains faits . . . Ce mode de procéder épargne à l'Etat le désagrément de se voir demander secours et protection par un individu qui, lorsqu'il est dans l'embarras, se réclame de son origine et de sa nationalité, bien que pendant des générations, peut-être, il ait complètement ignoré sa patrie.

La constitution était-il ajouté, avait toutefois limité à dessein la perte de la nationalité suisse au cas où un Suisse renonçait à sa nationalité suisse pour acquérir une nationalité étrangère.

La loi qui fut élaborée le 3 juillet 1876 tint compte de ces considérations. Pour la première fois, il y était prescrit que tout étranger devait avoir une autorisation fédérale avant sa naturalisation dans un canton et qu'il devait être domicilié de façon stable en Suisse.

Vers la fin du siècle dernier, le nombre des étrangers résidant en Suisse avait augmenté considérablement par rapport à la population totale du pays. Alors qu'en 1888, la proportion était de 7,9 pour cent, elle était déjà de 11,8 pour cent en 1900. La surpopulation étrangère était particulièrement inquiétante dans les cantons et les villes frontières. Dans le canton de Baie-Ville, la proportion des étrangers était de 38,2 pour cent; dans le canton de Genève, elle atteignait même 40,3 pour cent. On pensait alors pouvoir combattre cette surpopulation étrangère surtout en augmentant le nombre des naturalisations. Le Conseil fédéral, le 20 mars 1901, soumit aux chambres un projet de revision de la loi sur la naturalisation et la renonciation à la nationalité suisse. Dans ses grandes lignes, ce projet ne différait pas beaucoup de la loi de 1876. Bien qu'elle eût été proposée de divers côtés, l'institution du -jus soli ne fut pas envisagée, car elle aurait été contraire à l'ancien l'article 44 de la constitution.

La loi du 25 juin 1903 imposa au Conseil fédéral l'obligation d'examiner aussi, avant d'accorder l'autorisation fédérale de naturalisation, « les rapports de l'étranger avec son pays d'origine, ainsi que toutes autres circonstances touchant sa personne et sa famille » ; il était en droit de refuser l'autorisation lorsque la naturalisation pouvait porter préjudice à la Confédération. La prescription de l'ancienne loi, selon laquelle la naturalisation ne pouvait être accordée à celui qui n'était pas libéré de sa nationalité d'origine, ne fut pas reprise. Les cantons furent autorisés à instituer sous

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certaines conditions le jus soli dans leur législation (mais aucun d'eux ne fit, dans la suite, usage de cette faculté). Enfin, la réintégration fut étendue à d'autres cas.

Malgré tout, la surpopulation étrangère avait continué de croître.

En 1910, les étrangers formaient 14,7 pour cent de la population. Vu cette situation et particulièrement les expériences faites au cours de la première guerre mondiale, le Conseil fédéral adressa aux chambres, le 28 juin 1919, un projet de r e vision partielle de la loi de 1903. Il y relevait que seule l'incorporation, dite improprement alors « naturalisation forcée », était à même de porter un remède efficace à cette situation, mais qu'elle ne pouvait être introduite dans la législation sans une revision partielle de la constitution. Il déclarait qu'il était urgent de modifier les conditions de domicile fixées par la loi de 1903, car le stage prévu présentait l'inconvénient d'être beaucoup trop strict et beaucoup trop court et n'était pas de nature à assurer l'agrégation des seuls étrangers véritablement attachés à la Suisse.

La loi de 1903 fut révisée partiellement le 26 juin 1920, et c'est dans la teneur donnée lors de cette revision qu'elle est restée en vigueur jusqu'à ce jour. Elle prévoit à l'article 2, en ce qui concerne le domicile, que l'autorisation fédérale de naturalisation ne peut être accordée que si l'étranger a résidé en Suisse pendant au moins six années au cours des douze années qui précèdent la requête; toutefois, les étrangers qui sont nés en Suisse et qui y ont résidé au moins dix années au cours des vingt premières années de leur vie peuvent obtenir l'autorisation après une résidence effective en Suisse de trois années au cours des cinq années qui précèdent leur requête.

Dans chaque cas, le requérant doit avoir résidé effectivement en Suisse sans interruption pendant les deux années qui précèdent la requête.

Les efforts faits en vue d'utiliser le jus soli comme remède à la surpopulation étrangère furent poursuivis. Le 20 mai 1928, le peuple suisse approuva la revision partielle de l'article 44 de la constitution. Cet article revisé, tel qu'il est encore en vigueur aujourd'hui, laisse d'une manière générale au législateur fédéral le droit de déterminer les règles applicables à l'acquisition et à la perte de la nationalité suisse. La
législation fédérale peut disposer notamment que « l'enfant né de parents étrangers est ressortissant suisse, dès sa naissance, lorsque la mère était d'origine suisse par filiation et que les parents sont domiciliés en Suisse au moment de la naissance de l'enfant ». Le législateur n'a jusqu'ici pas fait usage de cette faculté. Néanmoins, la surpopulation étrangère a notablement diminué.

Tandis qu'en 1920, la proportion des étrangers était encore de 10,4 pour cent, elle n'était plus, en 1941, que de 5,2 pour cent. Le résultat du recensement du 1er décembre 1950 n'est pas encore connu; mais on estime que cette proportion sera d'environ 6 pour cent. Cela démontre que le jus soli n'est pas absolument indispensable pour combattre la surpopulation étrangère. C'est par une organisation et une pratique judicieuses de la police des étrangers qu'on peut le mieux y porter remède. La question de

savoir si le jus soli peut contribuer à cette lutte contre la surpopulation étrangère est encore à examiner.

Peu après le début de la dernière guerre mondiale, le Conseil fédéral se vit contraint d'édicter, par la voie des pouvoirs extraordinaires, certaines prescriptions destinées à compléter la législation suisse sur la nationalité.

Il édicta, le 20 décembre 1940, un premier arrêté modifiant les dispositions sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse, qu'il abrogea et remplaça, le 11 novembre 1941, par un arrêté portant le même titre. Ce dernier arrêté est encore en vigueur.

in L'arrêté du Conseil fédéral de 1941 fondé sur les pouvoirs extraordinaires cessera d'être en vigueur à la fin de l'année 1952. Si l'on voulait faire passer certaines de ses dispositions dans le droit ordinaire, il fallait réviser la loi. Pour diverses raisons cependant, une revision totale de celle-ci s'imposait.

Aussi le département de justice et police entreprit-il, après la fin de la dernière guerre, les travaux préparatoires d'une telle revision. Le 1er décembre 1949, il mit au point un premier avant-projet d'une loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse. Au printemps 1950, il le soumit aux gouvernements des cantons pour examen et avis et en donna connaissance à la presse à l'intention du public. Il constitua, en même temps, une commission d'experts chargés de se prononcer sur l'avant-projet. Firent partie de cette commission: M. F. Häberlm, juge fédéral, Lausanne, président, M. P. Altwegg, député au Conseil des Etats, Frauenfeld, M. W. Baumann, secrétaire de direction, Aarau (en qualité de représentant des autorités cantonales de surveillance de l'état civil), M. M. Bridel, professeur, Lausanne, Mme H. Bürgin-Kreis, avocate et notaire, Baie, M. U. Dietschi, conseiller national et conseiller d'Etat, Soleure, M. A. Egger, professeur, Zurich, M. A. Favre, conseiller national, professeur, Sion, M. M. Feldmann, conseiller national et conseiller d'Etat, Berne, M. E. Freimüller, conseiller national et conseiller municipal, Berne, M. E. Götz, oflicier de l'état civil, Baie, M. H. Huber, conseiller national, Saint-Gali, M. H. Huber, professeur, Mûri/Berne, M. Ch. Knapp, professeur, Neuchâtel, M. G. Lepori, conseiller d'Etat, Bellinzone, Mme T. Peter-Ruetschi, Zurich, M. A. Picot, député au Conseil des Etats, Genève, M. L. Python, juge fédéral, Lausanne,

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Mlle A. Quinche, avocate, Lausanne.

M. P. Reichlin, chancelier d'Etat, Schwyz, M. W. Biva, conseiller national et avocat, Lugano, M. M. Ruth, précédemment premier adjoint de la division de la police, Rapperswil (Samt-Gali), M. G. Schürch, président de la « Nouvelle Société Helvétique », Berne, Mme Vischer-Frey, avocate, Berne, Mme M. Wülfratt-Düby, avocate, Zurich, M. H. P. Zschokke, président de la commission des Suisses de l'étranger de la « Nouvelle Société Helvétique », Baie.

Cette commission siégea entre le 6 juillet 1950 et le 8 janvier 1951.

Il y eut onze séances plénières, une séance de la sous-commission juridique et trois séances de la sous-commission de rédaction. Vers la fin du mois de janvier 1951, la commission remit au département de justice et police, comme résultat de ses travaux, un nouvel avant-projet de loi portant la date du 8 janvier 1951. Cet avant-projet fut également soumis, pour avis, aux gouvernements des cantons. Après avoir reçu la plupart des préavis cantonaux, le département de justice et police réunit, le 18 avril 1951, une conférence à laquelle prirent part les représentants des directions et départements cantonaux compétents en matière de droit de cité. Cette conférence fut appelée à se prononcer sur diverses questions essentielles pour la mise au point du projet de loi.

Le projet de loi que nous vous soumettons se fonde sur les travaux préparatoires.

PABTIE GÉNÉRALE IV

La loi de 1903 contient des dispositions relatives à la naturalisation, à la réintégration et à la libération de la nationalité suisse. Il s'agit donc de dispositions qui ont trait à l'acquisition et à la perte de cette nationalité par décision de l'autorité. Mais, il y a encore d'autres règles, qui sont, comme telles, plus importantes. Ce sont celles qui concernent l'acquisition et la perte de la nationalité suisse par le seul effet de la loi. Ces règles, en tant qu'elles ont trait à l'acquisition, se trouvent dans le code civil, bien que ce code, à l'article 22, 2e alinéa, déclare précisément que le droit de cité est réglé par le droit public. Les règles relatives à la perte de la nationalité suisse par le seul effet de la loi ne font, en revanche, pas l'objet de dispositions du droit positif ordinaire. Elles résultent du droit coutumier, complété partiellement par l'arrêté pris par le Conseil fédéral en 1941 en vertu de ses pouvoirs extraordinaires. C'est cet arrêté -- et non pas le droit ordinaire -- qui détermine selon quelle procédure l'autorité peut prendre une décision obligatoire pour tous lorsqu'il y a un doute au sujet de la nationalité suisse d'une personne. Enfin, il y a encore quelques dispositions

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sur la nationalité dans la loi sur l'heimatlosat du 3 décembre 1850, mais la plupart d'entre elles sont depuis longtemps obsolètes.

D'accord avec presque tous les gouvernements cantonaux et la commission d'experts, nous sommes d'avis qu'il est désirable de réunir ces règles dans une seule loi. La nouvelle loi doit donc comprendre toutes les dispositions nécessaires pour déterminer si une personne acquiert ou perd la nationalité suisse, par le seul effet de la loi ou par décision de l'autorité.

Elle est fondée sur l'article 44 de la constitution, combiné avec les articles 43, l«r alinéa, 54, 4« alinéa, 64 et 68.

En élaborant le projet, nous avons voulu réunir dans un seul texte législatif les dispositions en vigueur, les compléter là où elles présentaient des lacunes et les refondre là où les circonstances l'exigeaient. Notre but était que la législation en matière de nationalité formât un tout, qu'elle fût inspirée par des principes uniformes et qu'elle fût adaptée aux exigences de la vie actuelle. Ainsi mise au point, la nouvelle loi aura l'avantage de l'unité. Elle sera plus aisée à appliquer que le droit ancien et elle sera aussi plus facile à comprendre pour ceux qui ne sont pas particulièrement versés dans les questions juridiques.

Nous inspirant de l'idée d'une codification, nous avons repris dans le projet diverses dispositions du code civil. A part une exception, nous ne les avons pas modifiées quant au fond. En ce qui concerne la forme, des raisons de technique législative ne nous ont malheureusement pas permis de les reproduire telles qu'elles figurent dans le code civil.

A noter que les dispositions du code civil ne seront pas abrogées par la nouvelle loi. Elles resteront applicables dans le domaine interne, aux cas où le droit de cité cantonal et communal s'acquiert ou se perd sans que la nationalité suisse soit en jeu. Certes, il serait désirable, dans l'intérêt de l'uniformité des conceptions juridiques, que les règles de la nouvelle loi soient également valables en droit interne. Etant donné que la grande majorité des gouvernements cantonaux et la commission d'experts n'ont pas estimé désirable une telle solution, nous avons renoncé à la proposer.

Si la nationalité, en tant que critère distinctif entre les nationaux et les étrangers, est demeurée inchangée depuis la création de l'Etat fédératif, il n'en est pas de même de ses effets, du contenu de cette notion. Les droits et les obligations qui en découlent se sont profondément modifiés au cours des cent dernières années. Abstraction faite de la question des droits politiques, qui a évolué d'une manière inégale dans les divers pays, on peut dire qu'au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la nationalité avait de l'importance surtout lorsqu'il s'agissait de déterminer dans quel pays un homme pouvait être astreint à remplir des obligations militaires et par quel pays un individu devait être reçu et assisté en cas de besoin.

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D'un autre côté, il était alors très facile, dans la plupart des pays du monde, de franchir les frontières, de s'y établir et d'y exercer une activité professionnelle. La nationalité prit beaucoup plus d'importance, pour l'Etat comme pour l'individu, à la suite de l'évolution politique et économique et particulièrement des deux guerres mondiales, avec leurs incommensurables bouleversements et leurs répercussions sur la vie internationale et nationale, publique et privée. Les frontières entre les pays prirent une signification plus manifeste que par le passé. Pour sauvegarder leur indépendance et leur patrimoine national, pour protéger leur population et ses conditions de vie, les Etats furent contraints de plus en plus de s'isoler les uns des autres. De nos jours, il y a bien peu de chose que l'individu puisse faire ou omettre -- en dehors de sa vie privée -- sans que, volontairement ou non, il entre en contact avec l'Etat et ses autorités, la nationalité jouant dans ces rapports un rôle important. Ce phénomène a pour signe extérieur la valeur que l'on attribue aujourd'hui -- alors que ce n'était guère le cas autrefois -- au passeport ou à l'acte d'origine.

Ces transformations importantes contraignirent tous les Etats à reviser et à préciser d'une manière correspondante leur législation sur la nationalité.

Le fait que, dans maints pays, on tend en même temps à redonner plus de valeur à la personne humaine peut être tenu pour une réaction heureuse et salutaire. Certes, comme par le passé, la nationalité de l'individu doit être réglée par le droit public en considération des intérêts de la communauté.

Mais l'individu ne doit pas être un simple objet, un jouet; dans la mesure où l'intérêt public ne s'y oppose pas impérieusement, l'individu et sa volonté doivent être pris en considération pour la détermination de la nationalité.

Eu égard aux rapports entre l'Etat et l'individu, cela est d'ailleurs dans l'intérêt bien compris de la communauté.

VI Selon un adage classique, tout homme doit avoir une nationalité, mais il ne doit en avoir qu'une. II ne devrait y avoir ni apatridie, ni double nationalité. Mais on sait, en général, que la réalité est bien différente.

Depuis la création de l'Etat fédératif, le législateur suisse s'est efforcé d'éviter que le droit suisse ait pour conséquence
l'apatridie. L'article 68 de la constitution l'invite expressément à prévenir tout cas nouveau d'heimatlosat.

Notre projet s'inspire de cette conception traditionnelle. Aucune de ses dispositions ne devrait entraîner l'apatridie.

Le droit suisse ne peut empêcher que des personnes qui ont eu autrefois la nationalité suisse ne deviennent apatrides en vertu du droit étranger.

Le projet, -- et c'est là quelque chose de nouveau --, contient cependant des dispositions qui permettent, dans de tels cas, la réintégration dans la nationalité suisse; les enfants, s'ils sont apatrides, peuvent, suivant les

673 circonstances, bénéficier également de cette acquisition, bien qu'ils n'aient jamais eu la nationalité suisse. C'est là une modeste contribution de la Suisse à la lutte générale contre l'apatridie.

La commission d'experts crut devoir aller encore plus loin. Dans certaines dispositions de son avant-projet, elle attribue des effets juridiques non plus seulement à l'apatridie, celle-ci étant comprise au sens juridique, mais également à l'apatridie dite « de fait ». Bien que les considérations d'ordre humanitaire qui sont à la base de cette suggestion soient dignes de respect, nous n'avons pas pu reprendre celle-ci dans le projet. Que faut-il entendre par apatridie « de fait » ? Il serait bien difficile de le dire d'une manière précise! De l'avis général, le seul fait qu'une personne est sans papiers ne saurait, en aucun cas, permettre de conclure qu'elle est apatride « de fait ». H n'est pas possible non plus -- et l'on est aussi unanime à cet égard -- de faire dépendre l'appréciation de l'apatridie « de fait » de n'importe quel acte de volonté qu'un étranger peut estimer bon de manifester au sujet de sa nationalité. Si l'on voulait, uniquement en raison des circonstances particulières d'un cas, attribuer un effet juridique par exemple au refus de la protection diplomatique par l'Etat dont la personne est la ressortissante, les décisions des autorités judiciaires ou administratives seraient inévitablement proches de l'arbitraire. La constatation de la nationalité est une question de droit qui doit rester nécessairement soustraite à la libre appréciation de l'autorité. Mais ceci ne veut pas dire, à notre avis, que l'autorité doive nécessairement, lorsqu'elle est appelée à se prononcer sur l'existence d'une nationalité dans un cas particulier, se lier par des considérations de pur formalisme juridique. Il ne faut pas oublier, par exemple, que récemment encore quelques Etats traitaient à tous égards comme des étrangères des personnes qui leur appartenaient juridiquement et qu'ils refusaient néanmoins de leur délivrer une attestation de libération d'allégeance, souvent considérée comme une faveur. Dans de telles circonstances, le Tribunal fédéral et le Conseil fédéral devraient pouvoir admettre l'apatridie au sens du projet. Ce serait là, à notre avis, une application raisonnable et justifiée du droit,
qui permettrait aussi de régulariser certaines situations particulièrement choquantes.

La double nationalité ne pourrait être évitée que si tous les Etats du monde donnaient à leur législation sur la nationalité le même contenu et harmonisaient leurs dispositions avec celles du droit des autres Etats. Un tel but ne peut être atteint, car chaque Etat détermine en pleine souveraineté ses nationaux en tenant compte avant tout de ses propres intérêts.

En formulant les dispositions du droit national, le législateur suisse peut contribuer à augmenter ou à diminuer le nombre des cas de double nationalité. Certains prétendent que la double nationalité est en général particulièrement propre à resserrer les liens de pays à pays et qu'elle ne saurait en principe soulever d'objection. Nous ne pouvons pas nous rallier

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à cette manière de voir, car la double nationalité contient le germe de conflits entre les Etats ou pour le moins entre le double national et l'une ou l'autre de ses patries. Une personne ne peut pas simultanément faire valoir tous ses droits et remplir toutes ses obligations envers deux pays. La double nationalité n'est cependant pas telle qu'il faille l'éviter en toutes circonstances. En droit suisse, on ne pourrait pas la prévenir dans certains cas sans porter atteinte à des intérêts suisses essentiels.

En tout temps, des Suisses ont émigré en grand nombre à l'étranger.

S'ils vivent dans des Etats qui connaissent le jus soli, leurs enfants qui naissent sur le territoire de ces Etats acquièrent automatiquement la nationalité du pays de leur lieu de naissance. Si, pour éviter la double nationalité, le droit suisse déclarait que ces enfants, dans ces cas, ne deviennent pas Suisses par filiation, notre pays devrait renoncer par avance à voir se développer par cette voie les colonies suisses à l'étranger. Cela ne serait guère supportable.

Le droit suisse pourrait aussi prévoir que l'étranger qui veut se faire naturaliser en Suisse doit préalablement être libéré de son allégeance d'origine. Cette règle, la constitution fédérale de 1848 l'avait prévue.

Mais, elle a dû être abandonnée. Tous les Etats n'autorisent pas leurs nationaux à se libérer de leur nationalité par une procédure simple et peu onéreuse. Or, la Suisse ne peut pas se laisser lier par le droit étranger lorsqu'il s'agit pour elle d'introduire dans sa population, par la naturalisation, des étrangers aptes à devenir suisses.

Il serait simple, semble-t-il, de prescrire que tout ressortissant suisse qui acquiert, sur demande, une nationalité étrangère, perd automatiquement sa nationalité suisse. Cette règle pourrait bien avoir une certaine justification lorsque la naturalisation a lieu dans un pays d'Europe, mais elle ne serait guère justifiée en cas de naturalisation dans les pays d'outremer. Dans ces pays, le Suisse immigré acquiert souvent après relativement peu de temps la nationalité de son pays de résidence, sans avoir pour autant cessé d'être attaché à sa patrie d'origine. Cela est catégoriquement confirmé par les déclarations des colonies suisses dans ces pays. Ces colonies sont du point de vue politique, culturel et économique,
trop importantes pour notre pays pour qu'on leur apporte, sans motifs impérieux, de profondes modifications.

Par certaines dispositions du projet, nous cherchons donc à diminuer le nombre des cas de double nationalité tout en évitant de perdre inutilement des compatriotes à l'étranger qui sont restés attachés, au fond d'euxmêmes, à notre pays. En revanche, lorsque des doubles nationaux ont une attitude contraire aux intérêts ou au bon renom de la Suisse, nous estimons que la nationalité suisse doit pouvoir leur être retirée. Quant aux étrangers qui se font naturaliser en Suisse, on doit pouvoir pour le moins exiger d'eux qu'ils n'entreprennent aucune démarche en vue de conserver volontairement leur nationalité d'origine.

675 VII La législation en matière de nationalité doit assurer à l'Etat un noyau stable de population. C'est à ce but que tend notamment le principe du jus sanguinis en vertu duquel tout enfant acquiert par filiation, dès sa naissance, la nationalité suisse de son père. Cette règle traditionnelle, qui est l'un des modes les plus importants d'acquisition de la nationalité, doit, de toute évidence, être maintenue pour l'avenir et reprise, dès lors, dans le projet. En raison de sa situation, de ses étroites frontières et de la constante migration de sa population, la Suisse ne peut pas fonder son droit sur le principe du jus soli, sur le principe territorial. Si elle adoptait un tel principe, la cohésion de sa population ne tarderait pas à en souffrir sensiblement.

Le droit et la vie sont intimement liés l'un à l'autre. La nationalité -- par sa nature même -- est le lien externe et interne qui rattache une personne à une patrie. Si le lien interne manque, la nationalité n'est plus qu'une fiction. La législation doit alors agir comme correctif. C'est ainsi que l'application de la règle de l'acquisition de la nationalité par filiation peut avoir besoin, elle aussi, d'être revisée.

Depuis 1848, la Suisse applique le principe dit de 1'« imprescriptibilité » du droit de cité suisse: Ce droit de cité se transmet sans interruption, de génération à génération, du père aux enfants. Mais si une famille vit depuis des générations à l'étranger, inévitablement, elle se détache de plus en plus de sa patrie d'origine, et cela surtout lorsque ses membres ont, en plus de la nationalité suisse, la nationalité étrangère de leur pays de résidence.

Bien entendu, ce détachement se fait plus ou moins rapidement suivant les cas. Mais dès le moment où une telle famille a rompu tout lien avec la Suisse, sa nationalité suisse n'est plus qu'une fiction. C'est pourquoi, il serait anormal de laisser subsister cette nationalité.

Dans toutes les parties du monde, il y a des familles qui ne sont plus suisses que de nom et qui ne se souviennent peut-être de la nationalité suisse de leurs aïeux que dans les temps critiques où elle peut leur servir.

On a pu en faire souvent la constatation avant, pendant et après la dernière guerre mondiale. Nos compatriotes à l'étranger restés fidèlement attachés à leur patrie d'origine ont été
particulièrement irrités de cet état de choses. D'autre part, les autorités d'assistance des cantons et des communes sont tenues, suivant les circonstances, d'assister ainsi des familles qui n'ont plus aucune attache quelconque avec la Suisse.

Ainsi que nous l'avons déjà relevé ci-dessus, le Conseil fédéral avait déjà attiré l'attention des chambres, dans son message du 2 juin 1876, sur le caractère fâcheux de cette situation. Mais, il avait dû alors constater que la constitution fédérale ne permettait pas à la législation d'y porter remède. La constitution ayant été partiellement revisée en 1928, cela est maintenant possible. C'est pourquoi nous prévoyons dans le projet que

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les liens de la nationalité suisse peuvent être rompus suivant le cas, lorsqu'une famille réside depuis plusieurs générations à l'étranger, la condition première de cette rupture étant toujours, bien entendu, que cette famille n'ait plus aucune attache de fait avec la Suisse.

VIII II y a encore une autre situation qui doit être redressée par la législation sur la nationalité. C'est celle de l'étranger qui, vivant en Suisse, s'est si intimement lié au pays et à sa population que le fait qu'il n'est pas Suisse paraît absolument anormal. Le correctif est apporté ici par la naturalisation, l'octroi du droit de cité, sur demande, par décision de l'autorité.

Seul l'étranger apte à devenir Suisse et digne de l'être doit être naturalisé. Il faut qu'il se soit adapté d'une manière décisive aux conditions suisses, qu'il se soit assimilé. Il faut qu'en considération de son genre de vie, de son caractère, de toute sa personnalité, on puisse admettre qu'il fera certainement un bon Suisse, digne de toute confiance. En un mot, la naturalisation est 1'« élection » d'un homme d'après son aptitude à devenir citoyen.

En naturalisant, l'Etat ne répond pas seulement à un désir de l'étranger, il défend en même temps ses propres intérêts. La nationalité n'est pas seulement une source de droits pour celui qui en bénéficie; elle comporte aussi pour lui des obligations à l'égard de l'Etat. Celui qui est véritablement entré dans cette communauté doit avoir ces droits et ces obligations.

C'est en partant de ces considérations que nous avons rédigé les dispositions du projet relatives à la naturalisation. Pour la naturalisation ordinaire, nous nous en sommes tenus, dans l'essentiel, à ce qui est en vigueur actuellement et qui a donné satisfaction. Les conditions préalables, notamment les conditions de domicile, sont quelque peu plus sévères. En fixant le stage minimum nous avons tenu compte du fait que l'étranger qui n'est arrivé dans notre pays qu'à un certain âge, alors que son caractère était déjà formé, s'assimile beaucoup plus diflîcilement que ses enfants qui ont été élevés dans notre pays et qui y ont reçu leur formation scolaire et professionnelle. C'est en nous efforçant avant tout d'incorporer dans notre population les enfants des étrangers immigrés que nous arriverons à pratiquer une politique de naturalisation
raisonnable, à même de nous permettre d'atteindre le but envisagé.

Comme une vieille expérience nous l'a appris, ce n'est cependant pas seulement avec la procédure de la naturalisation ordinaire que l'on peut atteindre ce but. Trop souvent des conditions formelles et tout particulièrement des taxes élevées font obstacle à une naturalisation là même où, considérée d'un point de vue plus élevé, elle s'imposerait. Doit-on, dès lors, prévoir dans la loi que les enfants de parents étrangers acquerront la natio-

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nalité suisse, suivant le cas, dès leur naissance, comme le permet l'article 44, 3e alinéa, de la constitution ?

Le jus soli par lui-même, et particulièrement dans la forme que lui donne l'article constitutionnel précité, fait dépendre beaucoup trop du hasard l'acquisition de la nationalité suisse. Selon cet article, l'enfant deviendrait automatiquement suisse lorsque sa mère était d'origine suisse par filiation et que ses parents sont domiciliés en Suisse au moment de sa naissance. Peu importe que la naissance ait lieu en Suisse ou à l'étranger.

Peu importe également que les parents n'aient été domiciliés en Suisse que peu de temps avant la naissance ou que, tôt après celle-ci, ils transfèrent leur domicile à l'étranger, l'enfant étant alors élevé et éduqué dans un pays étranger et dans une famille étrangère. Les dispositions de caractère, les habitudes de vie et les conceptions des parents, qui ont une importance déterminante pour le développement de l'enfant, ne seraient pas prises en considération pour l'acquisition du droit de cité. Cela serait particulièrement regrettable. Une telle réglementation créerait de grands dangers. Les expériences que l'on a faites également dans notre pays, au cours de la dernière guerre mondiale, avec les enfants de parents étrangers sont significatives à cet égard.

Une solution qui consisterait ainsi dans l'acquisition automatique de la nationalité suisse ne pourrait être adoptée que si l'on avait une confiance absolue dans la force d'assimilation de notre population et si l'on était persuadé de pouvoir accueillir sans trop de dommage un nombre assez élevé d'éléments nouveaux peu intéressants. Une telle solution ne pourrait être justifiée que s'il était indispensable d'incorporer dans la population suisse le plus possible d'enfants de parents étrangers. Mais tel n'est pas le cas actuellement; la surpopulation étrangère sera combattue efficacement non par une augmentation du nombre des naturalisation, mais par de judicieuses mesures de la police des étrangers. L'attribution de la nationalité suisse est une question de qualité et non de quantité. La situation dans laquelle se trouve la Suisse exige que cette attribution soit fondée sur un choix guidé par l'aptitude et la valeur.

Partant de ces considérations, presque tous les gouvernements cantonaux et la
commission d'experts ont été d'avis qu'on ne pouvait plus songer aujourd'hui à une solution dans le sens de celle que permettait l'article 44, 3e alinéa, de la constitution. Nous partageons cette opinion.

Personne, toutefois, ne conteste qu'il soit nécessaire de naturaliser plus que par le passé les enfants élevés en Suisse d'un père étranger et d'une mère suisse d'origine. La commission d'experts aurait voulu accorder à ces enfants issus d'une mère suisse d'origine un droit à la naturalisation dès le moment où ils auraient vécu en Suisse au moins dix ans ; ils n'auraient été privés de ce droit que s'ils avaient commis des délits graves ou des actes dangereux pour la Suisse. Les gouvernements cantonaux se sont

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prononcés en partie pour, en partie contre l'octroi d'un tel droit; mais ils ont déclaré expressément qu'il ne pouvait en tout cas pas être question d'accorder ce droit lorsque la conduite ou les moeurs de l'intéressé laissaient à désirer. Or, c'est là une question d'appréciation, et c'est d'elle en définitive, que dépendrait la décision de l'autorité.

C'est pourquoi nous ne voyons aucune raison impérieuse pour rompre avec cette tradition qui veut qu'un étranger n'ait jamais un droit à la naturalisation. En revanche, nous prévoyons dans le projet une disposition selon laquelle les enfants d'une mère suisse d'origine qui ont vécu pendant dix ans au moins en Suisse peuvent bénéficier de facilités pour leur naturalisation. Cette naturalisation facilitée diffère de la naturalisation ordinaire par le fait que sa procédure est plus simple et moins onéreuse. Cette solution paraît suffire pour atteindre le but visé. Comme elle va moins loin que la solution prévue par l'article 44, 3e alinéa, de la constitution, nous sommes d'avis, avec la commission d'experts, qu'elle reste dans les limites constitutionnelles.

Le projet prévoit que d'autres faits encore, bien que moins importants, peuvent permettre une naturalisation facilitée. Il envisage, comme le droit antérieur, une possibilité de réintégration pour les personnes qui ont eu autrefois la nationalité suisse. En ce qui concerne les détails, nous nous référons à la partie spéciale, IX Celui qui a trouvé une nouvelle patrie ne doit pas être maintenu de force dans la communauté helvétique. S'il a perdu tout lien intérieur avec la Suisse en tant que patrie et désire rompre également l'attache extérieure qui le lie à elle, sa libération de la nationalité suisse ne constitue nullement une perte pour notre pays. Il s'agit là simplement d'une mise en harmonie du droit avec un fait.

Le projet règle la libération de la nationalité suisse comme le droit actuellement en vigueur. Il ne l'autorise que si le requérant est domicilié à l'étranger. Afin d'éviter l'apatridie, il ne la permet que si le requérant a une nationalité étrangère acquise ou assurée. La libération doit être consentie, toutefois, dès le moment où les conditions légales sont remplies.

X Le législateur doit prendre son parti: Ou bien il considère le droit de cité comme un droit strictement individuel
ou bien il le traite dans le cadre de la famille, celle-ci formant, selon le principe, une unité. Dans le premier cas, un fait juridique déterminant en matière de droit de cité ou une décision relative à ce droit ne peut jamais avoir d'effet que pour un individu; et, par suite, seule une personne majeure peut revendiquer ou solliciter

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un tel droit. Dans le second cas, certains faits juridiques, ainsi que la naturalisation et la libération de la nationalité ont un effet non seulement pour le chef de famille, mais aussi pour sa femme et ses enfants mineurs.

Dans tous les domaines du droit public suisse, la famille est traitée, en règle générale, comme une unité. Il en est ainsi notamment en matière d'établissement, de police des. étrangers, de mesures d'ordre social et d'assistance. Lorsque le législateur, en matière de nationalité, déclare que mari, femme et enfants mineurs ont un sort commun, il ne fait donc que reprendre un principe général du droit suisse.

En élaborant notre projet, nous sommes partis de cette conception traditionnelle. Si l'on attribuait au droit de cité suisse le caractère d'un pur droit individuel, non seulement on romprait complètement avec la tradition, mais encore on susciterait dans maints domaines du droit public de grandes difficultés. En ce qui nous concerne, nous ne voyons aucune raison pouvant justifier une telle innovation.

Nous estimons, en revanche, que le principe de l'unité du droit de cité de la famille ne doit pas non plus être appliqué d'une manière par trop rigide et aux dépens, le cas échéant, d'intérêts légitimes publics et privés.

Ce qui est essentiel du point de vue suisse, c'est que l'unité du droit de cité de la famille soit assurée lorsqu'il s'agit d'une famille dont le chef est suisse. Lorsque le mari et père est étranger, que sa famille est dès lors une famille étrangère, l'unité de nationalité de cette famille ne dépend pas, d'ailleurs, du droit suisse. Dans ce cas, la question est seulement de savoir si l'on doit accorder ou laisser-la nationalité suisse à certains membres de cette famille et si les avantages d'une telle solution l'emportent ou non sur les inconvénients éventuels. Nous croyons que tel est le cas, dans une certaine mesure, et c'est pourquoi nous nous sommes inspirés de cette idée en élaborant notre projet, A cet égard, il y a lieu de se demander en tout premier lieu si le mariage doit avoir des effets sur la nationalité de la femme et lesquels, qu'il s'agisse d'une étrangère mariée à un Suisse ou d'une femme suisse mariée à un étranger.

L'article 54, 4e alinéa, de la constitution dit : « La femme acquiert par le mariage le droit de cité et de bourgeoisie de
son mari. » Nous retrouvons la même disposition à l'article 161, 1er alinéa, du code civil. Selon le droit existant, il est donc absolument clair que l'étrangère qui épouse un Suisse acquiert la nationalité suisse par le mariage.

Quelques-uns ont suggéré d'abandonner cette réglementation et de prévoir que l'étrangère n'acquiert plus la nationalité suisse par le seul fait de son mariage avec un Suisse. Mais cette suggestion ne pourrait être retenue sans une revision de l'article 54, 4e alinéa, de la constitution. Or, une telle revision retarderait considérablement la mise en vigueur d'une nouvelle loi. Cette question mise à part, nous ne voyons pas, d'ailleurs, de

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raisons suffisamment pertinentes pour justifier cette revision. Dans le cas en question, il s'agit d'une famille suisse. Or, nous avons déjà exposé précédemment que, en pareille occurrence, l'unité du droit de cité des époux d'abord, puis des enfants nous paraît juste et souhaitable.

Certes, des femmes se sont montrées parfois indignes du droit de cité qu'elles avaient acquis par le mariage. Il serait toutefois inéquitable, à l'égard de la plupart des étrangères qui épousent un Suisse, de déclarer d'emblée qu'elles ne méritent pas le droit de cité suisse de leur mari. Le plus grand nombre d'entre elles se sont efforcées et s'efforcent honnêtement et avec succès de s'adapter aux conditions de vie suisses. Et, avant tout, il ne faut pas oublier l'importance de cette réglementation pour les enfants. Ceux-ci se développent au sein de la famille, et c'est en elle et par elle -- l'influence de l'école (en cas de domicile en Suisse) mise à part -- qu'ils reçoivent la formation qui leur est principalement nécessaire pour devenir des citoyens suisses. Si l'épouse et mère n'avait pas la nationalité suisse, son assimilation serait nécessairement rendue plus difficile. Cela influencerait défavorablement un développement et une éducation des enfants conformes à l'esprit suisse. Mais il faut penser aussi aux conséquences de la divergence de nationalité des époux en cas de tension internationale. Ne possédant pas la nationalité de son mari, la femme serait en butte à des difficultés de toutes sortes; le cas échéant, elle pourrait même être exposée à une pression d'ordre politique de la part de son pays.

Il en serait autrement si, par le mariage, elle a acquis la nationalité suisse de son mari, peut-être même sans perdre sa nationalité d'origine.

Il y a, à vrai dire, les mariages dits de nationalité, que les époux concluent non pas en vue de vivre en commun, mais uniquement en vue de faire acquérir à la femme la nationalité suisse. Nous exposerons dans la partie spéciale de quelle manière on peut prévenir de tels mariages.

Une question particulièrement délicate et discutée est celle des effets du mariage sur la nationalité de la femme suisse qui épouse un étranger.

Selon le droit en vigueur, la femme perd, en règle générale, la nationalité suisse par le fait du mariage. D'après la jurisprudence du Tribunal
fédéral qui était déterminante en la matière jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du Conseil fédéral de 1941, elle ne perdait toutefois cette nationalité que si elle acquérait par le mariage la nationalité étrangère de son mari ou si elle l'avait déjà. Le Conseil fédéral, dans son arrêté de 1941, a formulé la règle pour la première fois dans un texte du droit positif et l'a rendue quelque peu plus sévère : La femme suisse qui épouse un étranger perd la nationalité suisse, à moins qu'à défaut de celle-ci, elle ne soit inévitablement apatride.

Elle perd ainsi la nationalité suisse lorsque, au moment du mariage, elle acquiert ou a déjà la nationalité de son mari ou n'importe quelle autre nationalité étrangère; elle la perd même lorsque, au moment du mariage, elle a la possibilité en vertu du droit du pays d'origine de son mari d'acquérir

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la nationalité de celui-ci sur demande et devient apatride par le fait de n'avoir pas fait usage de cette faculté. En outre, elle perd la nationalité suisse qu'elle a conservée exceptionnellement lors du mariage lorsqu'elle acquiert après coup n'importe quelle nationalité étrangère. Cette réglementation a souvent été considérée comme trop sévère.

L'article 54, 4e alinéa, de la constitution permet-il d'adopter une autre solution que celle qui nous a été transmise par la tradition, autrement dit d'abandonner la règle de la perte de la nationalité suisse par le mariage ? On trouve à ce sujet, dans la doctrine, diverses opinions. Rappelons, par exemple, que Burckhardt, dans son commentaire de la constitution fédérale, 3e édition, aux pages 502/503, déclare expressément que l'article 54, 4e alinéa, est applicable également à la femme suisse qui épouse un étranger et que la femme, dès lors, perd la nationalité suisse. En revanche, Fleiner, dans son ouvrage sur le droit public fédéral (Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 108) prétend que la règle de la perte de la nationalité suisse par le mariage relève non pas du droit positif, mais du droit coutumier. Au sein de la commission d'experts, les avis ont été également divergents.

Sur un point seulement, on semble avoir été d'accord: D'après le droit coutumier, la femme suisse perd, en règle générale, la nationalité suisse par le mariage avec un étranger lorsqu'elle ne devient pas apatride. En revanche, on n'a pu s'entendre sur la question de savoir si l'article 54, 4e alinéa, confirme cette règle de droit coutumier et la rend, dès lors, obligatoire, pour le législateur (celui-ci étant tenu de reprendre en principe la règle dans la loi) ou si cet article a trait uniquement à. l'acquisition de la nationalité suisse par la femme étrangère qui épouse un Suisse (le législateur étant libre dans ce cas de régler comme il l'entend les effets du mariage sur la nationalité de la femme suisse qui épouse un étranger).

L'une et l'autre opinions ont été défendues au sein de la commission d'experts par des juges fédéraux et des professeurs.

Dans de telles conditions, on ne saurait reprocher au Conseil fédéral de passer outre à la constitution si, se ralliant à l'opinion de la majorité des membres de la commission d'experts, il admet que l'article 54, 4e alinéa,
n'empêche pas le législateur de s'écarter dans une certaine mesure de la tradition pour régler les effets du mariage sur la nationalité de la femme suisse qui épouse un étranger.

Quelle autre solution pourrait-on envisager? Quels motifs peut-on invoquer en faveur de cette solution ou de la réglementation antérieure ?

A l'opposé de la solution traditionnelle, on a proposé d'admettre en principe que le mariage d'une femme suisse avec un étranger n'a aucun effet sui1 sa nationalité. Nous ne pouvons naturellement pas ici exposer en détail tous les arguments que l'on peut faire valoir pour ou contre l'une et l'autre de ces deux solutions; cela nous conduirait trop loin. Nous Feuille fédérale. 103« aimée. Vol. II.

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n'essayons que d'en donner un bref résumé avec ses inévitables défauts et lacunes : Les arguments que l'on avance en faveur de la solution traditionnelle sont étroitement liés à l'importance qui a été attribuée jusqu'ici au mariage dans tout le droit suisse. Le rôle du mariage en matière de droit de cité doit être adapté à celui qu'il joue dans l'ensemble du système juridique suisse. Il ne s'agit pas d'accorder ou de refuser à la femme le droit de disposer d'elle-même. Ce dont il s'agit, c'est d'assurer à la communauté familiale une volonté commune à laquelle doivent être subordonnés tous les membres de cette communauté. Bien que de nombreux pays étrangers aient adopté la solution moderne, ceux qui entourent la Suisse sont encore restés fidèles à l'ordre traditionnel; d'ailleurs, bien des Etats qui ont admis la nouvelle solution accordent très facilement, et sitôt après le mariage, leur nationalité à la femme étrangère qui épouse un national. Quelle que soit la réglementation juridique adoptée, les liens intimes qui rattachent une femme à sa patrie suisse d'origine peuvent subsister, mais cela n'empêche pas que la femme sera tenue d'élever ses enfants, qui possèdent la nationalité de leur père, d'après les idées que son mari tient de son pays.

La conservation de la nationalité suisse n'est pas seulement réclamée pour des raisons de sentiment; ce que l'on veut plutôt c'est que la femme puisse se prévaloir de sa nationalité suisse dans les temps critiques, s'assurant par là une situation juridique plus favorable que celle de son mari et de ses enfants. Or, l'expérience de ces dernières années a montré que la femme qui a une autre nationalité que celle de son mari peut se trouver dans une situation difficile déjà pour de pures raisons d'ordre politique; en tout cas, la conservation de la nationalité suisse ne protégera pas la femme, dans les temps critiques, contre les difficultés et les désagréments qu'elle pourra rencontrer à l'étranger. Le nombre des femmes suisses, qui est actuellement plus grand que celui des hommes suisses, sera encore sensiblement augmenté si l'on abandonne la solution traditionnelle. En matière de droit international privé, d'assistance, de police des étrangers se poseront de nouveaux problèmes dont la solution apparaîtra souvent rigoureuse. Il n'est pas satisfaisant que dans
les rapports internationaux on applique d'autres principes que dans les rapports intercantonaux ou intracantonaux, où l'on continue d'admettre, comme une chose toute naturelle, que par exemple la Genevoise qui épouse un Vaudois devienne également Vaudoise. D'ailleurs, le droit suisse actuel accorde déjà, dans maints domaines, à l'ancienne Suissesse, même après le mariage avec un étranger, une situation plus favorable que celle d'un autre étranger; on pourrait encore, le cas échéant, améliorer sa situation.

Ceux qui défendent la « solution moderne » commencent toujours par rappeler comment la situation de la femme s'est modifiée au cours d'un siècle dans la vie publique, dans l'organisation professionnelle, dans l'économie du pays et dans la défense nationale. Vu cette situation nouvelle, on ne peut

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admettre que le mari détermine la nationalité de sa femme et que celle-ci n'ait aucun mot à dire lors de cette détermination. La nationalité est devenue importante pour le sort de chacun. Il est inadmissible que d'un côté une étrangère devienne suisse par le seul fait du mariage, alors que bien souvent elle n'a aucune attache intime avec notre pays et conserve parfois sa nationalité d'origine, et que d'un autre côté, la femme suisse soit considérée comme une étrangère. La solution traditionnelle est dépendante du droit étranger, de sorte que la conservation ou la perte de la nationalité suisse est déterminée en définitive par la nationalité et la législation du pays d'origine du mari.

L'unité du droit ne signifie pas d'emblée l'imité réelle et intime du mariage ; la divergence de nationalité des époux ne nuit pas à leur unité intérieure.

La femme suisse d'un étranger, lorsqu'elle habite la Suisse, élève ses enfants dans l'esprit suisse, aidée en cela par le milieu dans lequel elle vit. La femme devrait pouvoir se prévaloir de la nationalité suisse lorsqu'elle se trouve à l'étranger et que son mari, par exemple, fait du service militaire en temps de guerre ou se trouve en détention pour des raisons d'ordre politique. La femme suisse d'origine ne devrait pas être traitée en Suisse comme une étrangère et soumise comme telle aux prescriptions de la police des étrangers; elle devrait pouvoir continuer à exercer son activité professionnelle quelle que soit celle-ci, par exemple celle de médecin, d'institutrice, de fonctionnaire, etc. ·-- Enfin on a prétendu aussi que, pendant la dernière guerre, d'anciennes Suissesses n'auraient souvent pas réussi à se mettre en sûreté en Suisse. A cet égard, il est juste de dire que les autorités fédérales ont fait ce qui leur était possible pour que les anciennes Suissesses qui se présentaient comme réfugiées à la frontière fussent reçues dans notre pays.

L'avant-projet du 1er décembre 1949 qui a été soumis pour avis à la commission d'experts s'en tenait, en principe, à la solution traditionnelle.

Mais il prévoyait que la nationalité suisse ne se perdait « que lorsque la femme avait la nationalité de son mari ». La femme n'était ainsi plus tenue -- comme sous le régime de l'arrêté du Conseil fédéral de 1941 encore en vigueur -- d'user de la faculté que pouvait lui
donner, le cas échéant, le droit étranger d'acquérir la nationah'té de son mari. Il était par là certain que la femme ne pouvait être contrainte en aucun cas de prêter le serment d'allégeance politique que diverses législations étrangères exigent actuellement. La perte de la nationalité suisse devenait tout simplement la conséquence du fait que homme et femme avaient la même nationalité étrangère.

A cette solution, la commission d'experts en a préféré une autre qui, dans l'essentiel, correspond à la solution moderne. Certes, elle a renoncé à enlever au mariage tout effet sur la nationalité de la femme, mais elle a permis à la femme, par une déclaration de volonté, de conserver sa nationalité suisse. Lorsque la femme ne revendique pas expressément la nationalité suisse, celle-ci se perd selon la réglementation antérieure.

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Appelés à 8e prononcer sur l'avant-pro jet du 1er décembre 1949, les gouvernements cantonaux se sont déclarés, en majorité, pour la solution qui y était proposée (art. 10 de cet avant-projet) ; consultés au sujet de l'avant-projet de la commission d'experts, ils ont cependant préféré, à une faible majorité, la solution de cette commission (art. 8 de l'avantprojet de cette commission).

La réglementation traditionnelle nous paraît être celle qui convient le mieux à nos conceptions et conditions de vie. Mais nous devons reconnaître que son application dépend du droit étranger d'une manière telle que, vu l'évolution juridique internationale, elle est constamment soumise à des fluctuations et à des changements imprévisibles. C'est en considération de ce fait et de la situation incontestablement occupée aujourd'hui par la femme dans la vie publique que nous avons repris dans notre projet la solution de la commission d'experts.

La réalisation de la solution que nous prévoyons dans le projet soulèvera certainement de notables difficultés. Il faut s'attendre avant tout que les autorités d'assistance des cantons et des communes se montreront -- à juste titre -- réservées lors de l'octroi de l'assistance à la femme suisse d'un étranger. On ne peut pas, en effet, demander à ces autorités qu'elles assistent des familles dont la majorité des membres sont étrangers, d'autant moins qu'en règle générale, c'est avant tout au mari et aux autorités de son pays d'origine qu'incombé l'assistance de la famille. D'autre part, des mesures prises par la police des étrangers à l'égard du mari étranger auront forcément des conséquences rigoureuses pour la femme. Il ne sera en tout cas pas possible d'assurer au mari une situation privilégiée en matière de police des étrangers. On en arriverait sinon à un nouveau genre de mariage dits « de nationalité ».

Dans ce chapitre, nous sommes partis de l'idée que le principe de l'unité du droit de cité de la famille devait servir d'une manière générale de ligne directrice, mais qu'il devait devenir déterminant lorsqu'une famille suisse entre en considération. Cette observation vaut non seulement pour la détermination des effets du mariage sur la nationalité de la femme, mais aussi notamment pour la naturalisation et la libération de la nationalité suisse.

Lorsqu'un étranger, marié
et père de famille, se fait naturaliser suisse, sa famille devient une famille suisse. C'est pourquoi le projet prévoit qu'en règle générale, la femme et les enfants acquièrent simultanément la nationalité suisse. Certes, une des conditions de cette acquisition est que la femme consente expressément à la naturalisation. Mais, si elle ne donne pas cet assentiment ou si des enfants mineurs sur le point d'atteindre leur majorité ne tiennent pas à devenir suisses, la naturalisation, dans la pratique, sera généralement refusée.

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La libération de la nationalité suisse a, elle aussi, en règle générale, des effets pour toute la famille. Mais là encore, l'assentiment de la femme est requis par la loi. Il en est de même pour les enfants de plus de 16 ans; si l'on tient compte de leur volonté, c'est que par la libération de leur père, ils perdront un droit acquis dès l'origine. Lorsque la femme ou les enfants ne donnent pas leur assentiment, les autorités ne sont pas tenues de consentir à la libération du chef de famille. Elles statueront suivant les cas et refuseront, par exemple, la libération du mari et père, lorsque celui-ci cherche uniquement à se dégager de ses charges de famille.

XI Les questions de procédure et de compétence des autorités doivent être réglées de manière que les intérêts des cantons et des communes soient sauvegardés.

Si ces questions ne jouent pas un rôle déterminant lorsque l'acquisition et la perte de la nationalité résultent du seul effet de la loi, il n'en est pas de même lorsque cette acquisition ou cette perte dépendent d'une décision de l'autorité. Pour la naturalisation ordinaire, la réintégration et la libération de la nationalité suisse, le projet reprend la procédure actuelle, qui a donné satisfaction.

La naturalisation n'est valable que si une autorisation fédérale a été préalablement accordée, mais son octroi même est du ressort exclusif des autorités cantonales et communales. C'est l'autorité fédérale, en revanche, qui accorde la réintégration et qui, par le fait même, confère directement au requérant le droit de cité cantonal et communal et, partant, la nationalité suisse. Toutefois, si le canton propose de rejeter la requête, la réintégration ne peut pas être accordée par le département fédéral de justice et police ou l'une de ses divisions, mais peut l'être tout au plus par le Conseil fédéral (comme cela est déjà le cas en vertu de l'arrêté du Conseil fédéral du 26 février 1926 réglant la dissolution de la division des affaires intérieures du département politique). Ce sont les autorités du canton d'origine qui accordent la libération de la nationalité suisse.

Le projet prévoit une naturalisation facilitée pour certains cas qui ne pouvaient jusqu'ici faire l'objet que d'une naturalisation ordinaire. C'est là une innovation importante. Dans ces cas, comme en matière de réintégration,
c'est l'autorité fédérale qui confère directement au requérant le droit de cité cantonal et communal et ainsi la nationalité suisse. Dans ces circonstances, la naturalisation s'impose pour des raisons d'ordre supérieur qui doivent l'emporter, à notre avis, sur des objections que l'on peut élever notamment du point de vue des charges d'assistance. La compétence de l'autorité fédérale est ici réglée de la même manière qu'en matière de réintégration; les autorités cantonales et communales ont ainsi la pleine garantie que l'objection qu'elles pourraient soulever au sujet d'un cas

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particulier sera examinée et appréciée avec soin. Le cas le plus important est celui des enfants d'une Suissesse d'origine, élevés en Suisse. La procédure envisagée par le projet permet de tenir beaucoup mieux compte des intérêts des cantons et des communes que la solution admise par la constitution, qui prévoyait une acquisition par le seul effet de la loi sans qu'aucune autorité ait pu y faire objection. Nous sommes de l'avis que, dans l'ensemble, la réglementation prévue par le projet est également acceptable pour les cantons et les communes.

Les autorités de recours ont été instituées dans le projet d'après l'idée que la décision en dernière instance appartient au Tribunal fédéral dans les questions de droit et au Conseil fédéral ou au département fédéral de justice et police dans les cas où il s'agit d'une question d'appréciation.

XII

Jusqu'en 1940, il n'y avait pas de procédure dans laquelle on pouvait statuer à titre principal et d'une manière obligatoire pour toutes les autorités suisses sur un cas de nationalité suisse douteuse. Le cas ne pouvait être tiré au clair que par une voie détournée: Celui qui prétendait être Suisse devait solliciter un acte d'origine et pouvait, en cas de refus, interjeter un recours de droit public au Tribunal fédéral pour violation de l'article 45 de la constitution; le Tribunal fédéral examinait et se prononçait alors à titre préjudiciel sur l'existence de la nationalité suisse. Mais cette procédure avait bien des défauts.

L'arrêté du Conseil fédéral du 20 décembre 1940 (remplacé par l'arrêté du 11 novembre 1941) créa une procédure indépendante de constatation de droit. Le département fédéral de justice et police statue en première instance et le Tribunal fédéral comme autorité de recours.

Cette procédure s'est révélée utile et nécessaire. Aussi l'avons-nous reprise dans le projet en prévoyant le Tribunal fédéral comme instance de recours. En revanche, nous avons remplacé, en première instance, le département fédéral de justice et police par une autorité cantonale. Nous répondons par là à un désir des gouvernements cantonaux, qui estiment, avec raison, qu'il devrait leur appartenir en premier lieu de statuer sur l'existence du droit de cité cantonal. Certes, l'uniformité de la jurisprudence peut en souffrir. Toutefois, d'après le projet, le département fédéral de justice et police peut non seulement provoquer une décision de l'autorité de première instance, mais encore recourir contre la décision de cette autorité au Tribunal fédéral. Il peut ainsi, dans une certaine mesure, contribuer à assurer cette uniformité de la jurisprudence. En outre, il restera, comme parle passé, à la disposition des cantons qui lui demanderont conseil, notamment en ce qui concerne le droit étranger, dont la connaissance est parfois importante pour la décision à prendre.

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La décision prise dans la procédure de constatation de droit est obligatoire pour toutes les autorités, communales, cantonales et fédérales. Il n'est nullement nécessaire de provoquer une telle décision chaque fois qu'une autorité administrative ou judiciaire doit éclaircir préalablement dans son propre domaine si une personne possède ou non la nationalité suisse. Lorsque les faits sont simples, cette autorité se prononcera elle-même, comme jusqu'ici, sur cette question. Mais, si elle l'estime nécessaire, elle peut provoquer l'ouverture de la procédure de constatation de droit et différer sa décision sur la question principale ; la personne qui fait l'objet d'une décision préalable de cette autorité, de son côté, n'est pas liée par cette décision et peut, de son chef, demander qu'une décision soit prise dans la procédure de constatation de droit.

PARTIE SPÉCIALE Nous nous bornons ici a donner la justification des diverses dispositions du projet et à ajouter certains commentaires là ou cela nous paraît être encore nécessaire.

xni Acquisition par le seul etfet de la loi (art. 1 à 7) Les dispositions de ce chapitre confirment dans l'essentiel le droit actuellement en vigueur. Elles ont ceci de commun que l'acquisition de la nationalité suisse est l'effet légal direct d'un fait juridique, toute intervention de l'autorité étant exclue, Jj'article premier désigne la cause principale d'acquisition de la nationalité suisse: La filiation. La teneur de sa lettre a correspond à celle de l'article 270 du code civil et celle de sa lettre b à celle de l'article 324, 1er alinéa, de ce code. Il importe que le père ou la mère, lorsqu'il s'agit d'un enfant illégitime, ait la nationalité suisse au moment de la naissance de l'enfant.

La lettre a de l'article 2 est en harmonie avec les articles 258 et 260 du code civil, et les lettres b et c, avec l'article 325, 1er alinéa, du même code. Lorsque des gens d'un certain âge reconnaissent comme leurs enfants illégitimes des personnes qui sont, elles aussi, d'âge mûr, il est pour ainsi dire impossible, en règle générale, de vérifier l'état de fait. Ont-ils voulu honnêtement la reconnaissance pour elle-même ou ont-ils eu uniquement l'intention de provoquer l'acquisition de la nationalité suisse ? On peut avoir des doutes à ce sujet. C'est pourquoi, conformément à la proposition de la commission d'experts, le pfojet n'admet l'acquisition de la nationalité suisse, en cas de reconnaissance, qui si celle-ci a lieu alors que l'enfant est encore mineur. La nationalité suisse s'acquiert au moment du changement d'état; ce dernier, ainsi, n'a pas d'effet rétroactif.

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L'article 3 applique la règle de l'article 54, 4e alinéa, de la constitution.

La disposition du 1er alinéa correspond à celle de l'article 161 de ce code, celle du 2e alinéa à celle de l'article 134, 1er alinéa de ce code, et celle du 3e alinéa à celle de l'article 133, 1er alinéa, en corrélation avec l'article 270.

En ce qui concerne la question des mariages dits de nationalité, nous nous référons aux explications que nous donnons au sujet de l'article 54 du projet.

L;'article 4 a trait au « droit de cité cantonal et communal ». Bien entendu, celui qui acquiert la nationalité d'une personne ayant plusieurs droits de cité cantonaux et communaux acquiert simultanément tous ces droits. En précisant à cet article, et dans d'autres dispositions analogues, qu'il peut y avoir non seulement un, mais plusieurs droits de cité cantonaux et communaux acquis ou perdus, on alourdirait le texte, et cela serait superflu.

'L'article 5 reprend la réglementation de l'article 5, 3e et 4e alinéa, de l'arrêté du Conseil fédéral du 11 novembre 1941, tout en lui apportant de sensibles modifications. C'est l'apatridie de l'enfant, et non pas la filiation d'une mère suisse, qui est en premier lieu déterminante pour l'acquisition de la nationalité suisse. Comme il est normal, en matière de nationalité, que l'enfant suive la condition de son père, les parents doivent veiller à ce que les conditions d'acquisition de la nationalité prévues par le droit du pays d'origine du père soient remplies. Ils sont tenus, par exemple, d'annoncer la naissance de l'enfant aux autorités du pays, lorsque cela est exigé. Le 2e alinéa prévoit, pour la même raison, que la nationalité suisse, dans ce cas, se perd dès que l'enfant a la même nationalité que son père. Toutefois, si l'enfant est encore Suisse au moment de sa majorité, cette perte n'intervient plus par le seul effet de la loi. Il peut arriver, lorsque les parents vivent en Suisse, que le père acquière lui-même la nationalité suisse par naturalisation. Son enfant est mis alors exclusivement au bénéfice de son droit de cité cantonal et communal. Nous répondons par là à un désir de plusieurs gouvernements cantonaux, qui demandaient une réglementation claire pour ce cas assez fréquent; on ne saurait y voir là une immixtion dû droit fédéral dans le domaine cantonal.

L'article 23 de
la loi fédérale de 1850 sur l'heimatlosat prescrit la naturalisation des enfants trouvés. Il s'agit là aussi d'éviter l'apatridie dans le cadre du droit suisse. A l'artick 6, le projet confère à l'enfant, par le seul effet dé la loi, le droit de cité du canton dans lequel il a été exposé, et partant la nationalité suisse ; il laisse au canton le soin, de désigner le droit de cité communal qu'acquiert simultanément l'enfant. Si la filiation est établie après coup, le droit de cité de l'enfant peut changer en conséquence, mais ici encore à la condition que l'enfant ne devienne pas apatride.

L''article 7 n'est pas, en soi, indispensable; l'adoption ne peut avoir d'effet en matière de droit de cité si la loi ne le prévoit pas expressément.

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Si, d'accord avec la commission d'experts, nous estimons indiqué de faire mention de l'adoption dans la loi, c'est en raison de l'incertitude qui règne ici ou là au sujet des effets de l'adoption sur le droit de cité. -- H ne serait pas opportun de faire de l'adoption un motif d'acquisition du droit de cité, contrairement à la législation en vigueur (art. 268 CC). Elle pourrait sinon servir à éluder les prescriptions concernant la naturalisation. En revanche, dans le domaine de la naturalisation, il doit être possible, là où les circonstances l'indiquent, de faciliter l'acquisition de la nationalité suisse à l'enfant étranger adopté par des parents suisses en allégeant les conditions de domicile.

XIV

Perte par le seul effet de la loi (art. 8 à 11) Du point de vue tant formel que matériel, les dispositions de ce chapitre créent du droit nouveau. Le droit ordinaire actuel ne contient aucune disposition é.crite prévoyant la perte par le seul effet de la loi. Cette perte est réglée par le droit coutumier et par l'arrêté du Conseil fédéral de 1941, mais le projet s'écarte de ce droit et de cet arrêté.

Il n'est pas possible, à l'article 8, qui traite de la perte de la nationalité suisse, de régler les effets du changement d'état de la même manière qu'à l'article 2, où il est question de l'acquisition de cette nationalité. Le projet reprend la proposition faite par la commission d'experts après un examen approfondi : L'enfant naturel de mère suisse reconnu avec suite d'état civil par le père étranger ne doit pas perdre la nationalité suisse par le seul effet de la loi, car le père n'est pas toujours guidé par les véritables intérêts de l'enfant. H en est de même en cas d'attribution judiciaire de l'enfant au père, étant donné que la perte de la nationalité suisse peut empêcher souvent les intéressés d'intenter une action en attribution de paternité qui serait pourtant dans les intérêts bien compris de la mère et de l'enfant.

La réglementation admise par le projet peut, certes, entraîner des cas de double nationalité, mais c'est là un inconvénient supportable. D'ailleurs, il reste loisible à l'intéressé de renoncer à la nationalité suisse dès le moment où il remplit les conditions d'une telle renonciation. La légitimation par mariage subséquent des parents peut, en revanche, avoir sans inconvénients des effets en matière de droit de cité.

ïi'article 9 apporte une innovation importante aux effets du mariage sur la nationalité de la femme suisse qui épouse un étranger. Nous en avons déjà parlé en détail dans la partie générale (X). A l'avenir, lorsque cette femme se marie en Suisse, elle pourra généralement, en vertu de l'article 9, conserver sa nationalité suisse. Si elle se marie à l'étranger et notamment si elle ne se sent plus guère d'attaches avec sa patrie d'origine, elle ne souscrira souvent pas de déclaration en vue de conserver la nationalité suisse et perdra celle-ci. -- Même si elle a conclu le mariage en Suisse,

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la femme qui réside d'une manière stable ou temporaire à l'étranger peut souscrire auprès d'une légation ou d'un consulat de Suisse une déclaration en vue de rester suisse.

Nous avons également commenté dans la partie générale (VII) l'innovation d'assez grande portée de l'article 10 du projet. C'est la troisième génération, ou plus exactement la deuxième génération née à l'étranger qui sera exposée pour la première fois à la perte par péremption, puis viendront les générations suivantes, mais, pour les unes et les autres, en cas de double nationalité seulement. L'existence d'une attache de fait avec la Suisse, si minime soit-elle, empêche la péremption. Il suffit par exemple que la famille soit en rapport avec une représentation de la Suisse à l'étranger ou directement avec les autorités internes, qu'elle leur annonce la naissance de l'enfant, qu'elle demande pour lui des papiers de légitimation, etc. L'enfant peut lui-même s'assurer le maintien de la nationalité suisse en s'immatriculant auprès d'un consulat ou en lui demandant des papiers, ainsi qu'en manifestant par écrit son intention de rester Suisse.

C'est intentionnellement que nous n'avons pas énuméré d'une manière limitative, à l'article 10, 2e alinéa, tous les faits qui peuvent être considérés comme une annonce suffisante. La pratique doit pouvoir admettre très libéralement tout indice d'attache avec la Suisse de nature à empêcher la péremption. Dans le doute, la conservation de la nationalité suisse doit être admise. En revanche, il ne suffit pas que les parents annoncent la naissance de leur enfant uniquement aux autorités locales étrangères et que ce soit par celles-ci, agissant d'office, que les autorités suisses de l'état civil en aient connaissance.

En ce qui concerne l'article 11, nous ne pouvons faire que les mêmes remarques qu'à l'article 4.

XV Naturalisation ordinaire (art. 12 à 17)

Les dispositions du projet réglant les conditions et les effets de la naturalisation ordinaire, la compétence et la procédure sont empruntées dans une large mesure au droit et à la pratique actuels.

TJ article 12 confirme que la naturalisation ordinaire est affaire des cantons et des communes; c'est à eux qu'il appartient de décider si et quand un étranger devient Suisse. L'octroi de l'autorisation préalable des autorités fédérales ouvre la voie à la procédure cantonale.

Les autorités fédérales reçoivent en moyenne deux mille demandes d'autorisation de naturalisation par année. C'est pourquoi, Y article, 13 permet au département de justice et police de déléguer ses pouvoirs à l'une de ses divisions. Depuis la suppression de la division des affaires intérieures du département politique c'est, en vertu d'un arrêté du Conseil fédéral du

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26 février 1926, la division do la police qui statue en première instance.

L'octroi de l'autorisation fédérale n'oblige nullement un canton et une commune à accorder la naturalisation et ne donne, dès lors, à l'étranger aucun droit à celle-ci. Cela étant évident, nous n'en avons pas fait mention expresse dans le projet. -- L'autorisation fédérale n'est valable que pour la naturalisation dans un canton déterminé. Cette disposition est motivée par la procédure de l'enquête préalable, au cours de laquelle les autorités du canton où l'étranger voudrait être naturalisé doivent pouvoir se prononcer sur sa requête et juger s'il a des chances d'obtenir la naturalisation.

Du reste, il n'est pas sans importance pour l'autorité fédérale de connaître, avant de prendre sa décision, dans quel canton et dans quelle région linguistique, la naturalisation est envisagée.

L'étranger doit savoir qu'avant d'obtenir l'autorisation fédérale son aptitude à la naturalisation sera examinée avec soin. L'enquête prévue à l'article 14 est ordonnée par l'autorité fédérale, mais elle doit être exécutée pour l'essentiel par les autorités du canton et de la commune où l'étranger réside et veut se faire naturaliser. L'enquête doit empêcher que l'autorisation fédérale soit accordée à des étrangers dont la naturalisation n'entre réellement pas en ligne de compte. L'octroi de cette autorisation ne s'oppose nullement à ce que les autorités du canton et de la commune, avant d'accorder la naturalisation, procèdent encore à une enquête complémentaire.

L'article 15 fixe les conditions du domicile. Le seul fait qu'un étranger a été domicilié en Suisse pendant une certaine durée ne permet pas de conclure qu'il a déjà atteint un degré d'assimilation correspondant. Certes, seul l'étranger qui a résidé dans le pays pendant des années peut s'adapter aux conditions et conceptions suisses. Mais, combien de temps doit-il avoir vécu au sein de la population suisse pour atteindre l'assimilation indispensable à une naturalisation ? Cela dépend de ses qualités personnelles, de son genre de vie, de son activité professionnelle et, d'une manière générale, de ses relations avec son proche entourage. Chaque étranger qui a vécu de nombreuses années en Suisse n'a pas nécessairement acquis de ce fait les sentiments qui devraient l'attacher à notre pays
et à sa population.

D'autre part, les étrangers qui ont une aptitude très marquée à s'adapter rapidement à un nouveau milieu ne sont pas toujours propres à faire des citoyens dignes de confiance. La réalisation de l'exigence légale du domicile n'est qu'une des diverses conditions de la naturalisation, dont la principale demeure toujours celle de l'aptitude. L'exigence du domicile, d'un stage, a aussi une autre utilité : elle permet à l'autorité et aux Suisses vivant dans l'entourage de l'étranger de le mieux connaître. En fixant une durée minimum de domicile, le législateur entend signifier qu'avant cette résidence minimum les droits et les obligations d'un citoyen suisse ne sauraient être conférés à un étranger et que la naturalisation de celui-ci ne saurait être prise d'emblée en considération. Ce minimum, d'ailleurs, est prévu pour

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l'octroi de l'autorisation fédérale; le canton et la commune sont libres, pour l'octroi de la naturalisation même, d'imposer des conditions plus sévères.

La loi de 1903 (dans sa teneur de 1920) exige six ans de domicile en Suisse. Dans le projet, nous nous en sommes tenus à la proposition de la commission d'experts et nous avons fixé la durée minimum à douze ans; de nombreux gouvernements cantonaux auraient préféré quinze ou vingt ans. Il n'est pas nécessaire que le domicile ait été absolument ininterrompu.

La formulation du 1er alinéa permet de tenir compte de la situation spéciale dans laquelle se trouvent notamment les requérants qui, pour des raisons d'ordre professionnel, sont souvent contraints de s'absenter assez longtemps à l'étranger.

Les enfants d'étrangers, lorsqu'ils sont élevés en Suisse, subissent tout naturellement et spécialement l'influence du milieu suisse dans lequel ils vivent. Leur naturalisation, d'une manière générale, présente un grand intérêt. Aussi avons-nous réduit pour eux -- au 2e alinéa -- le minimum du domicile. Nous avons estimé qu'il était également juste d'être plus large encore à l'égard des enfants étrangers adoptés par des parents suisses (3e alinéa).

L'article 16 a trait au droit de cité d'honneur. Du point de vue du droit fédéral, il n'y a pas d'objection à ce qu'un canton et une commune attribuent leur droit de cité à titre honorifique à un étranger qui remplit les conditions de la naturalisation et a obtenu, dès lors, l'autorisation fédérale et qu'ils facilitent sa naturalisation en simplifiant la procédure et en renonçant aux taxes habituelles. Toutefois, certains cantons et communes attachent du prix à pouvoir accorder le titre de bourgeois d'honneur à des étrangers éminents, qui, le cas échéant, peuvent être leurs hôtes.

Mais c'est là un simple geste qui ne doit pas avoir pour effet de conférer à l'étranger et à ses descendants les droits et les obligations d'un citoyen suisse.

Nous avons parlé assez longuement de la double nationalité dans la partie générale. "L'article 17 prescrit à l'étranger qui veut se faire naturaliser de renoncer à toute démarche en vue de conserver sa nationalité d'origine ; i] est tenu aussi d'y renoncer expressément lorsque le droit de son ancien pays d'origine lui permet de le faire selon une procédure simple et sans
taxes exagérées. Celui qui veut entrer dans la communauté helvétique par la naturalisation doit le faire sans réserve.

En principe, cette règle n'est pas valable'seulement pour la naturalisation ordinaire. Si l'on devait l'appliquer d'une manière obligatoire également dans les cas de réintégration ou de naturalisation facilitée, elle pourrait cependant avoir parfois des conséquences par trop rigoureuses. Nous pensons par exemple aux cas, assez fréquents, des veuves qui jouissent d'une pension versée par le pays d'origine de leur mari et qui la perdraient

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si elles devaient renoncer expressément à la nationalité de celui-ci. C'est pourquoi, intentionnellement, nous n'avons pas inséré l'article 17 dans les dispositions générales.

XVI Réintégration (art. 18 à 24)

Selon notre projet comme selon le droit actuel, la réintégration dans le droit de cité cantonal et communal et, partant, dans la nationalité suisse de personnes qui ont eu autrefois cette nationalité doit se faire suivant une procédure gratuite et plus simple que celle de la naturalisation ordinaire.

"L'article 18 règle le cas de réintégration qui est de loin le plus fréquent et le plus important: celui de la femme qui, selon le droit actuel, a perdu la nationalité suisse automatiquement, sans égard à sa volonté, par le fait qu'elle s'est mariée avec un étranger ou qu'elle a été comprise dans la libération de son mari ; une fois le mariage dissous, elle doit pouvoir recouvrer sa nationalité d'origine. Il doit en être de même pour la femme qui, malgré la faculté que lui donne le projet, n'a pas déclaré lors du mariage vouloir conserver sa nationalité, ayant estimé plus juste de suivre, en matière de nationalité, le sort de son mari.

Selon le droit actuel, la femme ne peut être réintégrée dans la nationalité suisse que si elle réside d'une manière stable en Suisse et si elle sollicite sa réintégration dans les dix ans à compter de la dissolution du mariage.

Cette prescription est trop stricte. On a pu le constater particulièrement pendant et après la dernière guerre, où des femmes se sont trouvées temporairement dans l'impossibilité de voyager d'un pays à l'autre ou se sont exposées à de très sérieux inconvénients en cas d'abandon de leur domicile. Mais ce n'est pas seulement en raison de ces circonstances qu'il est justifié de faciliter la réintégration. Il ne faut pas oublier que si la femme a perdu la nationalité suisse, ce n'est pas parce qu'elle n'en est plus digne, mais uniquement parce qu'elle est entrée dans une famille étrangère et qu'elle doit avoir normalement la même nationalité que son mari. Il est donc absolument logique que la loi prévoie la réintégration comme un correctif de la situation juridique de la femme dès le moment où elle n'est plus liée à son mari par le mariage. On peut fort bien laisser à l'autorité la faculté de refuser la réintégration dans un cas particulier, lorsqu'un tel refus est justifié.

Le projet n'exige plus, comme condition de la réintégration, le domicile en Suisse. C'est là une innovation très importante. Il peut être capital pour la femme de pouvoir
réacquérir la nationalité suisse alors qu'elle se trouve à l'étranger. Avec un passeport suisse, elle doit pouvoir, dans les temps critiques, revenir plus facilement au pays que si elle n'avait qu'un passeport étranger. Elle ne sera plus contrainte d'abandonner l'activité

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professionnelle et les biens qu'elle pourrait avoir à l'étranger. La renonciation à l'exigence du domicile en Suisse a, certes, aussi, un inconvénient: l'autorité qui statue en Suisse ne connaîtra souvent plus la requérante et pour se faire une idée de sa personne, elle n'aura plus à sa disposition que des rapports venant de l'étranger. Mais cet inconvénient semble être tolérable, ce d'autant plus que la requérante n'a pas un droit à la réintégration.

Dans les cas peu clairs, la réintégration peut être refusée ou du moins différée tant que la femme ne s'est pas présentée personnellement en Suisse, La commission d'experts voulait aller plus loin et accorder à la femme un droit à la réintégration sauf dans le cas où elle aurait commis des délits graves ou des actes dangereux pour la Suisse. Mais, les gouvernements cantonaux ont demandé à l'unanimité et avec insistance que la réintégration pût être exclue également lorsque la femme est de mauvaise conduite ou est insuffisamment assimilée. Nous avons estimé, dès lors, qu'il était plus indiqué de ne prévoir aucun droit à la réintégration et de laisser, en principe, à l'autorité compétente le pouvoir de se prononcer sur l'opportunité de la réintégration. C'est de cette manière seulement qu'il peut être possible de tenir compte de la diversité des circonstances, étant bien entendu que la réintégration d'une ancienne Suissesse ne saurait être refusée que dans des cas où des raisons absolument impérieuses l'exigent.

Qui doit-on pouvoir réintégrer dans la nationalité suisse? Uniquement, l'ancienne Suissesse d'origine ? ou encore, la femme qui était devenue suisse par naturalisation ? Faut-il refuser cette faveur à la femme étrangère qui avait acquis la nationalité suisse par un premier mariage ? A notre avis, la loi ne devrait pas contenir d'énumération limitative, car, elle ne tiendrait ainsi pas suffisamment compte de la multiplicité des circonstances.

L'étrangère qui est devenue suisse par un premier mariage peut très bien, lorsqu'elle a été élevée en Suisse ou y a vécu pendant des années avec son mari, être plus attachée à notre pays et à sa population que, par exemple, une Suissesse d'origine qui a été élevée hors de Suisse et qui y est mariée avec un étranger. Le seul fait qu'une personne a juridiquement la nationalité d'un Etat n'est pas toujours
une garantie de son attachement avec ce pays.

Pour cette raison également, la réglementation que nous avons admise dans le projet nous semble être justifiée: Pas de droit à la réintégration, mais décision de l'autorité suivant le cas particulier. En principe, la réintégration est possible dans tous les cas où la nationalité suisse a été perdue par suite du mariage, mais elle peut être refusée à une femme qui n'est pas liée par des sentiments profonds avec notre pays, et cela quelle que soit la manière dont elle a acquis précédemment la nationalité suisse.

Sous la lettre a de l'article 18, nous prévoyons, comme c'est déjà le cas actuellement, que la femme peut être réintégrée après la dissolution de son mariage, mais nous autorisons également la réintégration lorsque les conjoints ont été séparés en fait pendant trois ans au moins. Etant

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donné que d'après le projet, la femme a la faculté de conserver la nationalité suisse lors du mariage, il n'y a aucune raison d'être particulièrement strict à l'égard de celle qui a perdu cette nationalité par une union antérieure.

Le délai de dix ans dans lequel la femme doit présenter normalement sa requête n'est plus un délai légal péremptoire; des requêtes présentées après ce délai peuvent être encore prises en considération là où il convient d'éviter des rigueurs particulières.

La disposition de la lettre b de l'article 18 est nouvelle. Il peut arriver qu'une ancienne Suissesse devienne apatride par l'effet du droit étranger.

Le projet permet également de remédier à cette apatridie: La réintégration peut être accordée dans ce cas bien que le mariage ne soit pas dissous; elle peut l'être en tout temps.

Si la femme qui épouse un étranger peut désormais conserver sa nationalité suisse comme le prévoit le projet, l'article 18 sera applicable surtout aux femmes qui auront perdu cette nationalité sous l'ancien droit. Cette disposition jouera un rôle d'autant plus grand qu'une femme pourra, dans des circonstances particulières, être réintégrée dans la nationalité suisse même si, ayant laissé passer le délai légal dans lequel elle devait présenter sa requête, elle ne peut plus l'être selon l'ancien droit. Ajoutons que, la disposition de la lettre b permet également la réintégration des anciennes Suissesses devenues apatrides avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Selon l'article 19, les enfants mineurs d'une femme réintégrée dans la nationalité suisse peuvent, comme jusqu'à ce jour, être compris dans la réintégration de leur mère. Certes, il ne s'agit pas pour eux d'une réintégration puisqu'ils n'ont pas eu antérieurement la nationalité suisse, mais il est juste qu'ils bénéficient de celle de leur mère; ils sont, en règle générale, si liés à celle-ci que, tout naturellement, son sort en matière de nationalité doit être le leur. Toutefois, lorsque l'enfant vit à l'étranger et a une nationalité étrangère, ce privilège ne peut lui être accordé. L'octroi d'une telle faveur n'aurait plus de justification suffisante et pourrait entraîner des conflits avec des Etats étrangers. La Suisse ne saurait d'ailleurs admettre qu'un enfant qui n'a jamais eu que la nationalité suisse et a toujours vécu sur
son territoire soit un jour ou l'autre considéré par un Etat étranger comme son ressortissant et revendiqué comme tel. Lorsque les enfants sont apatrides, cette objection tombe. C'est pourquoi le projet prévoit qu'ils peuvent être compris dans la réintégration de leur mère même s'ils résident hors de Suisse.

La nationalité suisse peut parfois se perdre par péremption conformément à l'article 10 alors que, vu les circonstances particulières du cas, une telle perte ne serait pas justifiée. 'L'article 20 permet d'apporter le correctif nécessaire. Le domicile en Suisse, comme cela est logique, n'est pas exigé dans ce cas. En revanche, la réintégration doit être sollicitée dans le délai

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de dix ans à compter de la péremption, car celui qui s'est désintéressé de sa patrie suisse après cette péremption ne mérite plus d'égards.

"L'article 21 doit également permettre de remédier aux effets trop stricts d'une disposition légale, lorsque de tels effets semblent léser l'équité: Celui qui, encore mineur, a été libéré de la nationalité suisse avec son père doit pouvoir là recouvrer lorsque, de retour en Suisse, il exprime son intention d'être suisse.

"L'article 22 confirme une disposition du droit actuel. Comme jusqu'à ce jour, les autorités veilleront dans leur pratique à ce qu'il n'en soit pas fait usage pour des opportunistes qui croient pouvoir changer de nationalité à leur guise. Elle est prévue surtout pour les cas, qui se présentent chaque année, où un Suisse a demandé sa libération de sa nationalité pour des motifs plausibles et mérite, vu le changement des circonstances, sa réintégration.

"L'article, 23 prévoit que la réintégration entraîne l'attribution du droit de cité cantonal et communal qu'avait l'intéressé au moment de la perte de la nationalité suisse. La femme suisse mariée en premières noces à un ressortissant d'un autre canton et, en secondes noces, à un étranger acquiert ainsi par la réintégration, non pas le droit de cité cantonal et communal qu'elle avait à sa naissance, mais celui qu'elle avait lors du second mariage.

La réintégration constitue, dans une certaine mesure, un rétablissement dans la condition perdue.

C'est l'autorité fédérale qui prononce la réintégration. Elle confère directement à l'intéressé le droit de cité cantonal et communal. C'est là une simplification de la procédure par rapport à celle de la naturalisation ordinaire. "L'article 24 règle la compétence de l'autorité appelée à statuer sur une demande de réintégration de la même manière que le droit actuel (voir à cet égard l'arrêté du Conseil fédéral du 26 février 1926 répartissant les attributions de la division des affaires intérieures du département politique lors de la dissolution de celle-ci). Toutefois, même lorsque le canton consent à la réintégration, ce ne sera plus la division de la police du département de justice et police qui statue, comme c'est le cas actuellement, mais le département même. Cette réglementation répond à un désir des gouvernements cantonaux et elle est conforme
à la proposition de la commission d'experts : Un droit de cité cantonal et communal ne devrait être accordé, dans la compétence fédérale, que par le Conseil fédéral ou tout au plus par un de ses départements, et cela à l'exclusion de toute délégation à une division subordonnée. Nous ne croyons pas pouvoir nous opposer à cette réglementation. Mais nous devons relever ici qu'il y a en moyenne plus de mille demandes de réintégration par an, sans compter les recours en cas de refus. En faisant du département l'autorité de première instance et du Conseil fédéral l'autorité de recours, on attribuera à ces autorités

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un surcroît de travail assez considérable, alors qu'on s'efforce précisément dans les temps actuels, de décharger le plus possible le Conseil fédéral et ses membres.

XVII Naturalisation facilitée (art. 25 à 29) Les dispositions contenues dana ce chapitre sont nouvelles. Ce sont des intérêts d'ordre public qui, dans les cas d'application prévus par ces dispositions, exigent que la naturalisation soit facilitée (voir Partie générale, chiffre XI). En l'espèce, la procédure est plus simple et elle est gratuite.

Le plus important des cas de naturalisation facilitée est celui que règle l'article 25. La naturalisation remplace dans ce cas l'attribution automatique du droit de cité à la naissance envisagée par l'article 44, 3e alinéa, de la constitution. Nous nous référons à ce sujet à la Partie générale (VIII).

La naturalisation des enfants d'une femme d'origine suisse par filiation doit pouvoir être facilitée. Ce qui est essentiel c'est que la mère ait été suisse dès sa naissance; peu importe, en revanche, qu'elle ait encore ou non cette qualité à la naissance de l'enfant. Il faut aussi que l'enfant ait vécu en Suisse pendant des années, soit pendant dix années au moins alors que, dans la naturalisation ordinaire (art. 15, 2e al.), une résidence en Suisse de six ans peut suffire suivant le cas. Il est normal que l'autorité fédérale ne puisse pas accorder le droit de cité cantonal et communal et, de ce fait, la nationalité suisse, plus vite que le canton et la commune ne pourraient eux-mêmes l'accorder dans la procédure ordinaire. L'enfant acquiert le droit de cité cantonal et communal que la mère a ou a eu en dernier lieu: ce qui est déterminant en l'espèce c'est toujours la filiation maternelle. Cette procédure diffère là aussi de la procédure ordinaire qui permet la naturalisation en n'importe quel heu, en règle générale, au lieu de domicile.

La disposition de Vartide 26 est une conséquence nécessaire de celle qui prévoit que la femme suisse peut conserver sa nationahté lors de son mariage avec un étranger ou lors de la libération de son mari. L'ancienne Suissesse, après dissolution du mariage ou lorsqu'elle est devenue apatride, peut se faire réintégrer dans la nationahté suisse et ses enfants mineurs peuvent être compris, suivant le cas, dans sa réintégration. Il ne serait pas juste de traiter
plus mal les enfants d'une femme qui a conservé la nationalité suisse. La disposition de l'article 26 correspond dans les détails à celle de l'article 19, qui a précisément trait aux enfants de la femme réintégrée.

Il arrive toujours, bien qu'assez rarement, qu'une personne qui n'était pas suisse de droit ait cru pendant des années qu'elle l'était et ait été traitée Feuille fédérale. 103e année. Vol. II.

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comme telle par les autorités suisses. Une rectification de la situation juridique de cette personne s'impose généralement. Actuellement, une telle rectification se heurte souvent à des difficultés provoquées notamment par les conditions formelles de la naturalisation ordinaire et la longueur de la procédure. "L'article. 27 prévoit pour ce cas une naturalisation facilitée.

Les gouvernements cantonaux n'y sont pas opposés; la plupart du temps, les cantons y ont même un intérêt direct. L'état de fait étant, ainsi que l'expérience l'a montré, très différent d'un cas à l'autre, il ne peut pas être par trop circonscrit dans la loi, car sinon on ne pourrait plus apporter à tous les cas particuliers la rectification juridique qui s'impose. Il est arrivé plusieurs fois que des personnes qui se croyaient Suisses aient accompli du service militaire suisse sur ordre de marche avant que l'erreur n'ait été découverte. Ces cas sont choquants, et c'est précisément pour éviter que la rectification ne se heurte en pareille occurrence à des obstacles d'ordre formel que nous avons renoncé à exiger que la naturalisation soit sollicitée dans un délai minimum. Notons que, ici aussi, l'erreur aura parfois duré des années. Quoi qu'il en soit, l'autorité n'est pas tenue d'accorder la naturalisation; elle a uniquement la faculté de conférer le droit de cité, là où l'octroi est justifié, selon une procédure brève, simple et peu coûteuse.

"L'article 28 n'est applicable pour le moment qu'à des ressortissants français, car seule la convention franco-suisse du 23 juillet 1879 prévoit l'acquisition de la nationalité suisse par option. Selon cette convention, les enfants mineurs d'un Français naturalisé en Suisse ne deviennent pas Suisses en même temps que lui, mais seulement si, au cours de leur vingt-deuxième année, ils optent pour la Suisse. Jusqu'à l'option, ils sont français, et ils restent Français s'ils n'optent pas. Mais il arrive de temps en temps que ces enfants, notamment quand leur père est décédé alors qu'ils étaient encore très jeunes, ne connaissent pas leur situation juridique exacte en matière de nationalité ou bien que, ayant été inscrits par erreur comme Suisses dans les registres suisses, ils aient cru de bonne foi être Suisses et aient omis ainsi de souscrire une option. Aujourd'hui, l'autorité fédérale peut,
en vertu d'un arrêté du Conseil fédéral du 20 février 1925, comprendre rétroactivement ces enfants dans la naturalisation de leurs parents. Pour remplacer cette faculté, le projet prévoit la naturalisation facilitée, qui ne soulève aucune objection d'ordre juridique. La convention conclue avec la France n'empêche pas la Suisse de naturaliser selon son droit des Français devenus majeurs et cela même lorsqu'ils auraient pu opter pour la nationalité suisse et ne l'ont pas fait. Le seul inconvénient est que ces personnes, selon le droit français, restent également françaises.

La compétence de l'autorité appelée à statuer sur un cas de naturalisation facilitée est réglée par l'article 29 de la même manière qu'en matière de réintégration (voir la remarque à l'art. 24).

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XVIII Dispositions communes (art. 30 à 39) Ces dispositions sont valables aussi bien pour la naturalisation ordinaire que pour la réintégration et la naturalisation facilitée.

'L'article 30 est fondé sur le principe de l'unité de nationalité de la famille: Les conjoints doivent avoir un sort commun en matière de nationalité. La femme ne peut pas se faire naturaliser seule, sans son mari, à moins que, d'une manière durable, les conjoints ne vivent séparément.

La naturalisation du mari s'étend, en règle générale, à sa femme. Celle-ci a, toutefois, son mot à dire ; elle ne peut être naturalisée sans son assentiment.

Si elle ne donne pas son consentement, l'autorité est alors libre ou d'accorder la naturalisation au mari (sans sa femme) ou de la lui refuser. En règle générale, elle la refusera car une famille suisse doit former une unité en matière de droit de cité. Une exception doit rester possible, car des circonstances spéciales peuvent la justifier dans un cas particulier.

A l'article 31, nous nous sommes également inspirés du même principe.

Il peut arriver exceptionnellement qu'il ne soit pas possible de comprendre un enfant mineur dans la naturalisation ou la réintégration de ses parents, II en est ainsi, par exemple, dans le cas de la réintégration de la mère, lorsque l'enfant ne réside pas en Suisse. La naturalisation de l'enfant peut aussi n'être pas désirable: Par exemple, un enfant qui est sur le point d'atteindre sa majorité ne s'est pas heureusement développé, ou bien il déclare lui-même qu'il ne veut pas devenir Suisse. C'est à l'autorité qu'il appartient de décider dans ces cas si la naturalisation des parents doit être également refusée, si elle doit être différée ou si elle peut être accordée avec exclusion de l'enfant.

Alors que l'article 31 concerne la naturalisation de l'enfant mineur avec ses parents, l'article 32 a trait à sa naturalisation indépendante. Une telle naturalisation a toujours été possible en droit suisse. Elle joue même un rôle important dans le cas de la naturalisation facilitée prévue par l'article 25. Les enfants mineurs de plus de 16 ans doivent exprimer euxmêmes leur volonté de devenir Suisses ; il ne serait guère de bonne politique d'en faire des Suisses malgré eux. -- La commission d'experts n'a pas estimé nécessaire d'exiger outre l'assentiment du
représentant légal, celui de l'autorité tutélaire et de l'autorité de surveillance (selon l'art. 422, chiffre 2c). Dans le cas de la naturalisation, il s'agit en effet d'assurer à l'enfant une situation juridique qui, du point de vue suisse, l'avantage.

D'autre part, diverses autres autorités, communales, cantonales et fédérales sont déjà appelées à donner leur avis ; il serait superflu de faire intervenir encore les autorités de tutelle.

Par droit suisse au sens de l'article 33, il faut entendre, également, cela va de soi, les règles du droit international privé suisse.

700

Les candidats à la naturalisation étant tous des étrangers, ils sont tous soumis aux prescriptions légales applicables en matière de police des étrangers. C'est pourquoi l'article 34 se réfère à ces prescriptions pour la détermination de la notion du domicile. Il est plus clair de s'en tenir à la même notion.

Ij'article 35 dispose que le candidat à la nationalité suisse n'a pas le droit d'exiger la communication de son dossier (sous réserve du cas prévu à l'art. 51). Les autorités n'obtiennent, généralement, des renseignements de parents, de connaissances, d'employeurs ou d'employés du candidat que si elles leur donnent l'assurance qu'il n'en résultera pour eux ni désagréments, ni préjudices. Pour l'autorité, ces renseignements sont indispensables.

Mais il va de soi que ceux qui, malicieusement, donnent des renseignements inexacts compliquent la tâche de l'autorité et ne méritent pas une protection spéciale. -- En rejetant une requête, l'autorité doit, pour le moins, motiver brièvement sa décision de manière à permettre au requérant de faire usage de son droit de recours. -- La disposition du 4e alinéa est destinée à éviter toute incertitude au sujet de la question de savoir quelles sont les personnes qui ont été comprises dans une autorisation de naturalisation ou qui sont devenues Suisses par une décision de naturalisation.

Selon l'article 36, l'autorité fédérale ne perçoit pour ses décisions agréant ou rejetant une requête qu'un simple émolument de chancellerie.

Cet émolument ne doit pas être confondu avec la taxe de naturalisation, parfois assez élevée, que prélèvent les cantons et les communes. La disposition du 2e alinéa a une certaine importance: La réintégration, et la naturalisation facilitée sont, ainsi que nous l'avons déjà relevé, gratuites, réserve étant faite précisément pour l'émolument de chancellerie.

L'article, 37 fixe, conformément à l'article 44, 5e alinéa, de la constitution, la durée et l'importance de la contribution financière de la Confédération aux charges d'assistance des cantons et des communes. Il prévoit également cette contribution pour les cas les plus importants de naturalisation facilitée. L'arrêté du Conseil fédéral du 11 novembre 1941 permet à l'autorité fédérale de donner une déclaration de garantie pour la moitié des dépenses d'assistance pouvant découler
d'une naturalisation pendant les quinze premières années. Le Conseil fédéral espérait par là pouvoir faciliter la naturalisation des étrangers élevés en Suisse et peu aisés, mais, dans la pratique, son espoir ne s'est guère réalisé.

La disposition de l'article 38 est identique à celle de l'article 44, 5e alinéa, de la constitution.

Ij'article 39 permet à l'autorité d'annuler une naturalisation ou une réintégration qui a été obtenue frauduleusement par de fausses déclarations ou par la dissimulation de faits essentiels et qui n'aurait pas été

701

accordée si ces faits avaient été connus. Pour une raison de sécurité juridique, la naturalisation ou la réintégration no peut être annulée que dans les cinq ans qui la suivent. La décision annulant l'acquisition de la nationalité a, en principe, des effets également pour les personnes devenue» Suisses par suite de cette acquisition. Une naturalisation ou une réintégration peut déjà être annulée selon le droit existant. Mais ce qui est nouveau, c'est qu'elle ne peut plus l'être sans l'assentiment préalable du gouvernement du canton dont le droit de cité est en cause. Vu les expériences faites au cours des trente dernières années, on pouvait se demander s'il ne conviendrait pas de prévoir, comme l'arrêté du Conseil fédéral de 1941, la possibilité de prononcer une annulation lorsqu'il est constaté que la personne naturalisée ou réintégrée a une mentalité manifestement contraire à l'esprit suisse. La commission d'experts n'a pas voulu -- avec raison -- autoriser cette faculté, car, normalement, une demande de naturalisation ou de réintégration doit être examinée minutieusement; une fois accordée, la nationalité ne saurait être retirée sans motifs impérieux.

XIV

Libération de la nationalité suisse (art. 40 à 45) Le projet règle la libération de la nationalité suisse de la même manière, en ce qui concerne l'essentiel, que le droit actuel.

'L'article 40 indique les conditions auxquelles un Suisse a le droit d'exiger sa libération. La nationalité suisse se perd comme jusqu'ici, non pas au moment où l'autorité cantonale prend la décision, mais au moment où l'acte de libération est notifié à l'intéressé. Cette disposition est nécessaire pour éviter dans la mesure du possible que la libération n'entraîne l'apatridie.

"L'article, 41 règle l'effet collectif dans le cas de la libération de la même manière que le fait l'article 30 dans le cas de la naturalisation. Il y a, toutefois, une différence entre ces deux cas : Dans l'un, le candidat à la naturalisation ne peut pas exiger que celle-ci lui soit accordée, alors que dans l'autre, celui qui renonce à la nationalité suisse peut réclamer comme un droit que la libération lui soit accordée dès le moment où il remplit les conditions légales. C'est pourquoi, lorsque la femme ne consent pas à être comprise dans la libération de son mari, une dérogation à l'obligation légale de l'autorité d'accorder cette libération doit être prévue.

La libération doit s'étendre, normalement, aux enfants mineurs. Mais l'article 42 contient une disposition spéciale pour les enfants de plus de seize ans: Ceux-ci ne peuvent être compris dans la libération qu'avec leur assentiment. Leur situation est différente de celle des enfants mineurs qui doivent être compris dans la naturalisation suisse de leurs parents. Il ne

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s'agit pas pour eux d'acquérir un avantage, mais de perdre un droit acquis par leur naissance. Il est donc normal que dès le moment où ils atteignent un âge où ils sont à même d'exprimer leur propre volonté en pleine connaissance de cause, ils ne soient pas, pour le moins, privés malgré eux d'un tel droit.

L'acte de libération dont il est question à l'article 43 a une importance particulière, car c'est sa notification à l'intéressé qui entraîne la perte de la nationalité suisse. Dans certains pays, un Suisse ne peut se faire naturaliser que s'il a été préalablement libéré de sa nationalité. Dans ce cas, l'acte de libération doit normalement lui être remis avant qu'il n'ait acquis la nationalité étrangère; il est alors apatride tant que cette nationalité ne lui a pas été définitivement attribuée. En général, cette apatridie ne dure pas longtemps et n'a pas de conséquences fâcheuses. Toutefois, nous avons estimé devoir rédiger la disposition du 3e alinéa de manière que la procédure puisse être adaptée, suivant le cas, aux conditions spéciales de l'Etat étranger. La publication de la libération peut, en cas de nécessité, remplacer la notification de l'acte à l'intéressé. C'est là une innovation qui peut avoir son utilité, car il arrive toujours que des personnes qui ont demandé leur libération ne puissent plus être atteintes dans la suite.

La libération constitue une sorte d'épuration du registre des bourgeois.

Il serait regrettable de lui faire obstacle par la perception de taxes excessives. Il suffit que nous rappelions à cet égard que des cantons et des communes sont contraints aujourd'hui de faire de gros sacrifices pour l'assistance de plusieurs personnes considérées comme des Suisses de l'étranger de retour au pays, alors que ces personnes avaient renoncé autrefois à la nationalité suisse, mais n'avaient pu effectivement en être libérées, l'acte n'ayant pu leur être notifié en raison de leur refus de payer les taxes requises (parfois 5 à 10 francs). La disposition de l'article 44 ne saurait, dès lors, être considérée comme une immixtion du droit fédéral dans un domaine cantonal. Elle veut préserver cantons et communes de tels incidents.

Même si une demande de libération est traitée minutieusement, il peut arriver qu'on ne sache pas ou qu'on ne s'aperçoive pas que le requérant a simultanément
les droits de cité de plusieurs cantons et communes; le requérant ne le sait lui-même pas toujours. En prévision d'un tel cas, l'article 45 contient des dispositions nouvelles souhaitées par les gouvernements cantonaux.

XX

Retrait de la nationalité (art. 46) La nationalité suisse ne saurait être retirée à celui qui n'a que cette nationalité, car il deviendrait apatride. En revanche, lorsque les conditions prévues par l'article 46 sont remplies, elle peut être fort bien retirée à des

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doubles nationaux. On aurait pu même aller plus loin et envisager la possibilité d'un retrait également lorsque l'attitude ou l'activité d'un double national paraît montrer clairement qu'il s'est décidé à ne se lier qu'à son autre patrie et qu'en tant que citoyen, il est effectivement perdu pour la Suisse. Nous renonçons, toutefois, à étendre ainsi le champ d'application de l'article 46, car la commission d'experts s'y est opposée à l'unanimité.

XXI

Procédure de constatation de droit (art. 47) Nous avons exposé dans la Partie générale (XII) l'importance de la procédure prévue à l'article il/, A l'avenir, une décision de principe sur une question de droit importante, mais contestée, pourra être prise sans que l'on soit contraint d'attendre que l'intéressé veuille bien déférer son cas au Tribunal fédéral. Le département de justice et police pourra, d'office, soumettre un cas douteux à la décision de l'autorité compétente en première instance, en l'espèce à une autorité cantonale, et recourir, le cas échéant, contre cette décision au Tribunal fédéral.

XXII Recours (art. 48 à 51) Les questions de droit, notamment celles qui concernent le retrait de la nationalité, sont tranchées en dernière instance, selon l'article 48, par le Tribunal fédéral. C'est dans la procédure de constatation de droit que cette haute autorité sera vraisemblablement appelée le plus souvent à se prononcer.

Selon l'article 49, les questions d'appréciation sont, en dernière instance, du ressort du Conseil fédéral. Une dérogation à cette règle n'est prévue que pour l'autorisation fédérale de naturalisation : Dans ce cas, le département de justice et police statue définitivement. Il y a toutefois, ici, une exception à l'exception: Si le gouvernement d'un canton (et non pas n'importe quelle autorité cantonale ou communale) estime qu'il ne peut se rallier à une décision refusant l'autorisation fédérale de naturalisation à un étranger, il peut, en dernière instance, s'adresser au Conseil fédéral.

Ont qualité pour recourir au Tribunal fédéral ou au Conseil fédéral non seulement les personnes touchées par la décision, mais également les autorités intéressées à celle-ci (art. 50).

Lorsque, dans la procédure du recours de droit administratif, il s'agit de statuer sur l'existence d'un droit, sur sa prétendue violation ou sur son

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retrait, il convient d'accorder au recourant la faculté de prendre connaissance de son dossier. Tel était l'avis de la commission d'experts auquel nous nous sommes ralliés et dont nous avons tenu compte à l'article 51.

Ce droit de l'individu doit, toutefois, trouver une limite lorsque la sécurité du pays est en jeu.

XXIII Dispositions finales et transitoires (art. 52 à 56) Le Conseil fédéral est chargé par l'article, 52 de mettre la loi à exécution et d'édicter, au besoin, les dispositions d'application. Celles-ci comprennent également, au sujet de l'établissement des passeports suisses et des actes d'origine, des règles qui se trouvent déjà dans l'ordonnance du Conseil fédéral du 10 décembre 1928 sur les passeports et dans l'arrêté de la même autorité du 16 mars 1885 sur les formules des actes d'origine. Le Conseil fédéral doit veiller, en outre, à ce que le registre des familles tenu par les offices de l'état civil et le registre des bourgeois dans les communes contiennent des indications uniformes et aussi sûres que possible sur la nationalité des personnes qui doivent y être inscrites.

'L'article 54 a trait à ce que l'on appelle généralement les mariages de nationalité. Ces mariages sont la conséquence du fait que l'étrangère qui épouse un Suisse acquiert la nationalité suisse par le seul effet de la loi.

En concluant de tels mariages, les époux -- ou l'un d'eux -- n'ont nullement l'intention de créer une communauté conjugale ; le but est uniquement de procurer la nationalité suisse à la femme étrangère. Le Tribunal fédéral a admis, il y a déjà des années, que ces mariages -- et par le fait même, leurs effets en matière de nationalité -- pouvaient être annulés en vertu de l'article 2 du code civil. Mais les tribunaux n'ont suivi cette voie que rarement, et non sans hésitations. C'est pourquoi le Conseil fédéral, dans son arrêté du 11 novembre 1941, a prévu une procédure foncièrement nouvelle : Le département de justice et police peut annuler l'acquisition de la nationalité lorsque le mariage a été conclu manifestement dans le dessein d'éluder les prescriptions sur la naturalisation. Le département a fait usage de cette faculté dans de nombreux cas. Mais la procédure souffre de défauts importants : Une autorité administrative est contrainte d'apprécier les intentions intimes des époux au
moment du mariage en se fondant sur des rapports d'enquête d'un canton et d'une commune et souvent sans connaître elle-même les intéressés; elle peut, le cas échéant, admettre l'opinion d'un tribunal qui a été appelé à prononcer le divorce, mais elle n'est pas tenue non plus de s'y rallier. Sa décision repose sur la conviction que les intéressés ont voulu non pas le mariage même, mais l'un de ses effets accessoires : l'acquisition de la nationalité. C'est uniquement cet effet qu'annulé sa décision; le mariage, du point de vue du droit civil, subsiste.

705

II ne faut pas perdre de vue notamment qu'en vertu de l'article 54, 4e alinéa, de la constitution, le mariage entraîne sans réserve pour la femme l'acquisition du droit de cité de son mari. Certes, le constituant n'a pas voulu, par cette disposition, protéger l'abus de droit. Mais si un acte a eu lieu illicitement et s'il doit être annulé, c'est l'acte lui-même, en l'espèce le mariage, et non pas son effet accessoire en matière de droit de cité, que doit viser l'annulation.

Pour ces diverses raisons, et bien que la plupart des gouvernements cantonaux l'eussent souhaité, nous ne prévoyons pas une procédure administrative de retrait de la nationalité suisse dans les cas de mariage dits de nationalité. Nous reprenons, en revanche, à Yarticle 54 du projet une solution proposée par la commission d'experts, solution qui, du point de vue juridique, donne pleine satisfaction: Un nouveau motif de nullité du mariage est introduit dans le code civil. Sur la base de cette nouvelle disposition, le juge civil peut, si besoin est, déclarer nul le mariage et, de ce fait, annuler simultanément ses effets en matière de nationalité. -- Lorsqu'on peut présumer qu'il existe un mariage de nationalité, l'autorité cantonale doit d'office intenter l'action en nullité. L'important est que les tribunaux civils ne soient plus contraints de recourir à l'application subsidiaire de la disposition générale de l'article 2 du code civil et puissent trouver à l'article 120 de ce code un motif clair de nullité.

Une nouvelle loi sur la nationalité ne doit pas retroagir. C'est ce qu'admet, pour le projet, l'article, 55. Il y a toutefois un cas spécial. C'est celui de l'application de la disposition de l'article 10 (perte de la. nationalité suisse par péremption). Si l'on ne veut pas que cette disposition n'ait d'effet que vingt-deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, il est nécessaire d'en prévoir l'application également aux cas où la nationalité suisse a été normalement acquise avant cette entrée en vigueur. Mais l'extension de cette application n'a pas le véritable caractère d'une rétroactivité, elle n'en a que l'aspect. Nous devons relever, en outre, que l'acquisition et la perte de la nationalité par le seul effet de la loi ne deviennent effectives qu'au moment où se produit l'acte juridique qui les motive, soit par exemple,
au moment de la naissance, du changement d'état, du mariage, etc. -- Mverses propositions ont été faites en vue de permettre, d'office ou sur demande, la réintégration dans la nationalité suisse des femmes qui l'ont perdue par un mariage conclu avec un étranger sous le régime de l'ancien droit ; les unes tendaient à accorder cette réintégration à toutes ces femmes sans exception, les autres la restreignaient suivant l'époque du mariage ou de la perte. La commission d'experts a rejeté toutes ces propositions à juste titre, car il ne serait guère possible de prévoir les conséquences juridiques et pratiques de leur réalisation. D'une manière générale, on ne saurait, d'ailleurs, modifier rétroactivement sans autres formalités tout ce que le législateur considérait autrefois comme juste et a prescrit.

706 Vu la nature de la loi sur la nationalité, il est indiqué que les chambres fédérales fixent la date de son entrée en vigueur comme le prévoit l'article 56.

Cette date ne pourra, toutefois, guère être précisée avant la fin des délibérations parlementaires.

Vu l'exposé qui précède, nous avons l'honneur de vous recommander d'accepter le projet de loi ci-annexé.

Nous saisissons l'occasion pour vous renouveler, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 9 août 1951.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ed. de STEIGER 8842

Le chancelier de, la Confédération, LEIMGRUBER

707 (Projet)

LOI FÉDÉRALE BUT

l'acquisition et la perte de la nationalité suisse

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 43, 1er alinéa, 44, 54, 4e alinéa, 64 et 68 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 9 août 1951, arrête : I. ACQUISITION ET PERTE PAR LE SEUL EFFET DE LA LOI A. Acquisition par le seul effet de la loi Article premier Est suisse dès sa naissance: a. L'enfant légitime dont le père est suisse; 6. L'enfant naturel dont la mère est suisse.

Art. 2 L'enfant naturel d'une mère étrangère acquiert la nationalité suisse, lorsque le père est suisse: a. Par le mariage de ses père et mère ou par un jugement de légitimation ; 6. Par un jugement déclaratif de paternité; c. Par la reconnaissance faite par le père ou le grand-père paternel, si l'enfant est encore mineur.

2 Sa femme, de même que ses enfants lorsqu'ils suivent sa condition, acquièrent avec lui la nationalité suisse.

1

Art. 3 La femme étrangère acquiert la nationalité suisse par son mariage avec un Suisse.

1

Par filiation

Par changement d'état

Par mariage

708 2

Elle garde cette nationalité, nonobstant un jugement de nullité du mariage, si elle était de bonne foi lors de la célébration.

3 Les enfants issus du mariage déclaré nul restent suisses, même si leurs père et mère n'étaient pas de bonne foi.

Droit de cité cantonal et communal

Enfant apatride de mère suisse

Enfant trouvé

Adoption

Art. 4 Quiconque acquiert la nationalité suisse en vertu des articles 1er, 2 ou 3 acquiert simultanément le droit de cité cantonal et communal de la personne dont il suit la condition.

Art. 5 L'enfant légitime d'un père étranger et d'une mère suisse acquiert dès sa naissance le droit de cité cantonal et communal de sa mère, de même que la nationalité suisse, lorsqu'il ne peut acquérir une autre nationalité dès sa naissance.

2 II perd la nationalité suisse si, avant sa majorité, il a la nationalité étrangère de son gère.

3 II perd le droit de cité cantonal et communal acquis en vertu du 1er alinéa et acquiert celui de son père lorsque celui-ci devient Suisse avant la majorité de son enfant.

1

Art. 6 L'enfant de filiation inconnue trouvé en Suisse acquiert la nationalité suisse et le droit de cité du canton dans lequel il a été exposé.

2 Le canton détermine le droit de cité communal qu'acquiert l'enfant.

3 Lorsque la filiation est constatée, l'enfant perd les droits de cité ainsi acquis s'il est encore mineur et ne devient pas apatride.

1

Art. 7 L'adoption n'entraîne ni l'acquisition, ni la perte de la nationalité suisse.

B. Perte par le seul efîet de la loi

Par changement d'état

Art. 8 L'enfant naturel, encore mineur, d'une mère suisse et d'un père étranger perd la nationalité suisse par le mariage de ses père et mère lorsqu'il acquiert de ce fait la nationalité de son père ou l'a déjà.

1

709 2

L'enfant naturel qui suit la condition d'une personne perdant la nationalité suisse en vertu de l'alinéa 1er perd avec elle cette nationalité s'il acquiert simultanément la nationalité étrangère de cette personne ou l'a déjà.

Art. 9 1 La femme suisse perd la nationalité suisse par son mariage avec un étranger si elle a déjà la nationalité de son mari ou l'acquiert par le mariage, à moins que, lors des publications ou dans les six mois qui suivent la célébration, elle ne déclare vouloir rester suisse.

2 La déclaration doit être faite par écrit, en Suisse, a l'officier de l'état civil qui a procédé à la publication ou à la célébration du mariage, à l'étranger, à un représentant diplomatique ou consulaire suisse.

Art. 10 1 L'enfant né à l'étranger d'un père suisse qui y est également né perd la nationalité suisse à vingt-deux ans révolus lorsqu'il a encore une autre nationalité, à moins que, jusqu'à cet âge, il n'ait été annoncé à une autorité suisse à l'étranger ou au pays, qu'il ne se soit annoncé lui-même ou qu'il n'ait déclaré par écrit vouloir conserver la nationalité suisse.

2 Est considérée notamment comme une annonce au sens du 1er alinéa toute communication des parents, de la parenté ou de connaissances en vue d'inscrire l'enfant dans les registres de la commune d'origine, de l'immatriculer ou de lui faire délivrer des papiers de légitimation.

3 L'enfant qui, à sa naissance, a la nationalité suisse de sa mère est soumis à la même règle par analogie.

Art. 11 Quiconque perd la nationalité suisse par le seul effet de la loi perd simultanément le droit de cité cantonal et communal.

Par mariage

Far péremption

Droit dô vite e&ntoüal et communal

II. ACQUISITION ET PERTE PAR DÉCISION DE L'AUTORITÉ A. Acquisition par naturalisation ou réintégration a. Naturalisation ordinaire

Art. 12 Dans la procédure ordinaire de naturalisation, la nationalité suisse s'acquiert par la naturalisation dans un canton et une commune.

2 La naturalisation n'est valable que si une autorisation fédérale a été accordée.

1

Décision de naturalisation

710

Art. 13 Autorisation de naturalisation

Enquête

Conditions de résidence

Droit de cité d'honneur

Double nationalité

1

L'autorisation est accordée par le département fédéral de justice et police. Ce département peut déléguer ses pouvoirs à l'une de ses divisions.

* L'autorisation est accordée pour un canton déterminé ; la durée de sa validité est limitée à trois ans.

3 Elle peut être prolongée ou modifiée quant aux membres de la famille qui y sont compris.

4 Le département fédéral de justice et police peut révoquer l'autorisation avant la naturalisation lorsqu'il apprend des faits qui, antérieurement connus, auraient motivé un refus.

Art. 14 Avant l'octroi de l'autorisation, l'aptitude du requérant à la naturalisation doit être examinée.

2 L'enquête doit donner une image aussi complète que possible de la personnalité du requérant et des membres de sa famille.

1

Art. 15 L'étranger ne peut demander l'autorisation que s'il a résidé en Suisse pendant douze ans, dont trois au cours des cinq années qui précèdent la requête.

2 Dans le calcul des douze ans de résidence, le temps passé en Suisse par le requérant entre dix et vingt ans révolus compte double.

3 Pour l'enfant adopté par des parents suisses, le temps passé en Suisse avant l'âge de dix ans révolus compte également double.

1

Art. 16 L'octroi par un canton ou une commune du droit de cité d'honneur à un étranger, sans l'autorisation fédérale, n'a pas les effets d'une naturalisation.

Art. 17 Quiconque veut se faire naturaliser doit s'abstenir de toute démarche en vue de garder sa nationalité. La renonciation à la nationalité étrangère doit être exigée si elle peut raisonnablement être attendue du requérant.

b. Réintégration

Femme mariée

Art. 18 La femme qui a perdu la nationalité suisse par le mariage ou par l'inclusion dans la libération de son mari peut être réintégrée: 1

711

a. Lorsque le mari est décédé, que le mariage a été déclaré nul ou a été dissous par le divorce, ainsi qu'après une séparation de corps prononcée pour une durée indéterminée ou après une séparation de fait de trois ans; 6. Lorsqu'elle est apatride.

2 La demande de réintégration en vertu de la lettre a doit être présentée dans le délai de dix ans dès l'accomplissement de la condition. En cas de rigueurs, une requête formulée avec retard peut aussi être prise en considération, et cela même si le délai était déjà écoulé lors de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 19 Lorsqu'une femme est réintégrée en vertu de l'article 18, 1er alinéa, lettre a, ses enfants mineurs peuvent être compris dans sa réintégration avec l'assentiment de leur représentant légal, s'ils résident en Suisse.

2 Quand elle est réintégrée en vertu de l'article 18, 1er alinéa, lettre 6, ses enfants mineurs peuvent être compris dans sa réintégration avec l'assentiment de leur représentant légal, s'ils sont eux aussi apatrides. Par la suite, les dispositions de l'article 5, 2e et 3e alinéas leur sont applicables.

1

Art. 20 Quiconque a omis, pour des raisons excusables, de s'annoncer ou de souscrire une déclaration comme l'exige l'article 10 et a perdu, de ce fait, la nationalité suisse par péremption, peut être réintégré.

La requête doit être présentée dans les dix ans à compter de la péremption.

Art. 21 Les enfants qui ont été libérés de la nationalité suisse avec le détenteur de la puissance paternelle peuvent être réintégrés s'ils résident en Suisse. Us doivent présenter leur requête dans les dix ans qui suivent leur retour en Suisse et au plus tard avant d'avoir trente ans révolus.

Art. 22 Quiconque a été contraint par des circonstances spéciales de demander la libération de la nationalité suisse peut être réintégré, s'il réside en Suisse. La requête doit être présentée dans les dix ans qui suivent le retour en Suisse.

Enfants compris dans la réintégration

En cas do perte par péremption

Enfants libérés aveo le détenteur de la puissance paternelle

Suisse libéré de sa nationalité

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Effet

Compétence

Enfanta de mère suisse par naissance

Art. 23 Par la réintégration, le requérant acquiert le droit de cité cantonal et communal qu'il a eu en dernier lieu, de même que la nationalité suisse.

Art. 24 Le département fédéral de justice et police statue sur les requêtes. La réintégration peut être accordée par le département lorsque l'autorité cantonale y consent et par le Conseil fédéral lorsque l'autorité cantonale s'y oppose.

c. Naturalisation facilitée Art. 25 1 Les enfants dont la mère était suisse par naissance et qui ont vécu en Suisse pendant dix ans au moins peuvent être naturalisés selon la procédure facilitée, lorsqu'ils résident en Suisse et en font la demande avant vingt-deux ans révolus.

2 Ils acquièrent le droit de cité cantonal et communal que la mère a ou avait en dernier lieu, de même que la nationalité suisse.

Art. 26 Les enfants mineurs dont la mère a conservé la nationalité suisse lors de son mariage avec un étranger ou lors de la libération de son mari, peuvent être naturalisés selon la procédure facilitée: a. S'ils résident en Suisse et, lorsque le père est décédé, que le mariage des parents a été déclaré nul ou a été dissous par le divorce, ainsi qu'après une séparation de corps prononcée pour une durée indéterminée ou une séparation de fait de trois ans des parents; b. Lorsqu'ils sont apatrides. Par la suite, les dispositions de l'article 5, 2e et 3e alinéas, leur sont applicables dans ce cas.

2 Ils acquièrent le droit de cité cantonal et communal de leur mère, de même que la nationalité suisse.

1

Enfants de mère suisse

Nationalité suisse admise par erreur

Art. 27 L'étranger qui, pendant cinq ans au moins, a vécu de bonne foi dans l'idée qu'il était Suisse et a été traité effectivement comme tel par une autorité cantonale ou communale peut être naturalisé selon la procédure facilitée.

2 En règle générale, il acquiert par cette naturalisation le droit de cité du canton responsable de l'erreur; il acquiert simultanément le droit de cité communal que détermine ce canton.

1

713 3

S'il a déjà servi dans l'armée suisse, il n'est soumis à aucune condition de temps.

Art. 28 1 L'étranger résidant en Suisse qui, en vertu d'un traité, aurait pu acquérir la nationalité suisse par option et qui, pour des raisons excusables, a omis d'opter dans les délais et les formes voulus, peut être naturalisé selon la procédure facilitée.

2 II acquiert le droit de cité cantonal et communal qu'il aurait obtenu par l'option, de même que la nationalité suisse.

Art. 29 Le département fédéral de justice et police statue sur les demandes de naturalisation facilitée. La naturalisation peut être accordée par le département lorsque l'autorité cantonale y consent et par le Conseil fédéral lorsque l'autorité cantonale s'y oppose.

Option ooxißo

Compétence

d. Dispositions communes

Art. 30 La femme mariée ne peut être naturalisée qu'avec son mari.

Elle est comprise dans la naturalisation de son mari lorsqu'elle y consent par écrit.

2 Le lel alinéa n'est pas applicable lorsque les époux sont séparés de corps pour une durée indéterminée ou sont séparés de fait depuis trois ans.

Art. 31 Les enfants mineurs du requérant sont compris, en règle générale, dans sa naturalisation ou sa réintégration.

1

Art. 32 La demande de naturalisation ou de réintégration de mineurs est faite par le représentant légal. S'ils sont sous tutelle, l'assentiment de l'autorité de tutelle n'est pas nécessaire.

2 Les mineurs de plus de seize ans doivent en outre exprimer par écrit leur intention d'acquérir la nationalité suisse.

1

Art. 33 Au sens de la loi, la majorité et la minorité sont celles du droit suisse (art. 14 du code civil), à moins que le droit étranger ne soit expressément réservé.

Art. 34 1 Au sens de la loi, la résidence est, pour l'étranger, la présence en Suisse conforme aux dispositions légales sur la police des étrangers.

Feuille fédérale. 103e année. Vol. II.

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Femme mariée

Enlanta compriä dana la naturalisation ou la réintégration

Mineurs

Majorité et minorité

Résidence de l'étranger

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La résidence n'est pas interrompue lorsque l'étranger fait un court séjour hors de Suisse avec l'intention d'y revenir.

3 En revanche, elle est interrompue dès la sortie de Suisse lorsque l'étranger a déclaré son départ à la police ou a résidé en fait pendant plus de six mois hors de Suisse.

Dispositions de procédure

Art. 35 Le requérant n'a pas le droit d'exiger la communication du dossier.

3 Les renseignements sur le requérant ou les membres de sa famille sont confidentiels, à moins que celui qui les a donnés ne renonce expressément à leur maintenir ce caractère. Le département fédéral de justice et police peut exceptionnellement déroger à cette règle lorsque la personne qui a donné les renseignements savait qu'ils étaient faux ou en a malicieusement exagéré l'importance.

3 Les décisions du département fédéral de justice et police refusant une naturalisation ou une réintégration doivent être motivées.

4 Toute personne comprise dans la naturalisation ou la réintégration doit être mentionnée dans l'autorisation fédérale et l'acte de naturalisation ou de réintégration.

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Art. 36 Les autorités fédérales perçoivent pour leurs décisions un émolument de chancellerie équitable. Cet émolument doit être remis en cas d'indigence.

2 Hormis cet émolument, la réintégration et la naturalisation facilitée sont gratuites.

Art. 37 La Confédération prend à sa charge la moitié des dépenses d'assistance que l'étranger qui acquiert la nationalité suisse en vertu des articles 18 à 26 occasionne aux cantons et aux communes pendant les dix premières années qui suivent la naturalisation ou la réintégration.

Art. 38 Toute personne naturalisée ou réintégrée en vertu des articles 18 à 28 jouit des mêmes droits que les autres ressortissants de la commune; elle n'a cependant aucun droit aux biens bourgeoisiaux ou corporatifs, sauf disposition contraire de la législation cantonale.

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Emolument

Garantie pour les dépenses d'assistance

Droit aux biens bourgeoisiaux ou corporatif

Annulation

Art. 39 Avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, le département fédéral de justice et police peut, dans les cinq ans, annuler la

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naturalisation ou la réintégration obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels. Sauf décision expresse, l'annulation fait également perdre la nationalité suisse aux membres de la famille qui l'ont acquise en vertu de la décision annulée, B. Perte par décision de l'autorité a. Libération Art. 40 Tout Suisse est, sur sa demande, libéré de sa nationalité lorsqu'il ne réside pas en Suisse, qu'il est âgé d'au moins vingt ans et qu'il a une nationalité étrangère acquise ou assurée.

2 La libération est prononcée par l'autorité du canton d'origine.

3 Le droit de cité cantonal et communal, de même que la nationalité suisse, se perdent lors de la notification de l'acte de libération.

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Art. 4} La femme mariée ne peut être libérée de la nationalité suisse qu'avec son mari. Elle est comprise dans la libération de son mari, lorsqu'elle y consent par écrit.

2 Elle doit également remplir les conditions prévues par l'article 40, 1er alinéa. Si l'une ou l'autre de ces conditions n'est pas remplie ou si la femme refuse le consentement prévu au 1er alinéa, la libération du mari peut être différée ou refusée.

3 Le 1er alinéa n'est pas applicable lorsque les époux sont séparés de corps pour une durée indéterminée ou sont séparés de fait depuis trois ans.

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Art. 42 Les enfants mineurs sous puissance paternelle du requérant sont compris dans sa libération ; les enfants de plus de seize ans seulement, toutefois, s'ils y consentent par écrit.

2 Ils doivent également résider hors de Suisse et avoir une nationalité étrangère acquise ou assurée.

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Art. 43 Le canton d'origine établit un acte de libération mentionnant toutes les personnes libérées.

2 Le département fédéral de justice et police est chargé de faire notifier l'acte; notification faite, il en informe le canton.

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Demande de libération et décision

Femme mariée

Enfants compris dans la libération

Acte de libération

716 3

II diffère la notification tant qu'il ne peut escompter que la personne libérée obtiendra la nationalité étrangère promise.

* Si le lieu de séjour de la personne libérée est inconnu, la libération peut être publiée dans la Feuille fédérale. Cette publication a eles mêmes effets que la notification de l'acte (art. 40, 3e al.; art. 45, 3 al.).

Emolument

Ressortissants de plusieurs cantons

Art, 44 Les cantons peuvent percevoir un émolument de chancellerie équitable pour l'examen d'une demande de libération.

2 La notification de l'acte de libération ne peut toutefois dépendre du paiement de l'émolument.

s Les autorités fédérales ne perçoivent aucun émolument pour leur intervention dans la procédure de libération.

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Art, 45 Si. le requérant est ressortissant de plusieurs cantons, l'autorité de chaque canton d'origine se prononce sur la libération.

2 Les actes de tous les cantons sont notifiés ensemble.

3 La notification d'un seul acte de libération fait perdre la nationalité suisse et tous les droits de cité cantonaux et communaux, même si, par erreur ou inadvertance, un des cantons d'origine ne s'est pas prononcé.

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b. Retrait

Double national

Art. 46 Le département fédéral de justice et police peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, retirer la nationalité suisse et le droit de cité cantonal et communal à un double national si sa conduite porte une atteinte grave aux intérêts ou au renom de la Suisse.

III. CONSTATATION DE DROIT

Cas douteux de nationalité SUÌ33B

Art. 47 En eas de doute sur la nationalité suisse d'une personne, l'autorité du canton dont le droit de cité est en cause statue d'office ou sur demande.

2 Le département fédéral de justice et police a également qualité pour présenter la demande.

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IV. RECOURS

Art. 48 Peuvent être l'objet de recoure de droit administratif au Tribunal fédéral: 1° Les décisions du département fédéral de justice et police concernant : a. L'annulation de la naturalisation ou de la réintégration selon l'article 39; b. Le retrait de la nationalité suisse selon l'article 46.

2° Les décisions des autorités cantonales concernant: a. La libération de la nationalité suisse selon les articles 40 à 42 ; b. La constatation de droit selon l'article 47.

a Ces décisions doivent être communiquées immédiatement et sans frais au département fédéral de justice et police.

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Art. 49 Toutes les autres décisions du département fédéral de justice et police peuvent être déférées au Conseil fédéral.

2 Toutefois, sous réserve du 3e alinéa, les décisions du département fédéral de justice et police concernant l'autorisation de naturalisation (art. 13) sont sans recours. Si le département charge un de ses services de se prononcer sur l'octroi de cette autorisation, il statue, sur recours, en dernière instance.

3 Le gouvernement du canton pour lequel la naturalisation a été demandée peut déférer au Conseil fédéral les décisions du département fédéral de justice et police refusant l'autorisation de naturalisation.

Art. 50 Ont qualité pour recourir selon les articles 48 et 49 les personnes touchées par la décision et en outre: a. Les autorités du canton et de la commune dont le droit de cité est en cause, contre les décisions du département fédéral de justice et police; b. L'autorité communale et le département fédéral de justice et police, contre les décisions des autorités cantonales.

Recours de droit administratif

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Art. 51 Dans la procédure du recours de droit administratif, les intéressés ont le droit de consulter leur dossier, à moins que cette consultation ne porte atteinte à la sauvegarde de la sécurité intérieure ou extérieure du pays.

Recours administratif

Qualité pour recourir

Droit a la consultation du dossier dans la procédure de recours de droit administratif

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V. DISPOSITIONS FINALES ET TRANSITOIRES Exécution par le Conseil fédéral

Abrogation de dispositions

Modifications de dispositions du code civil

Dispositions transitoires

Entrée en vigueur

Art. 52 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution de la présente loi.

2 II est autorisé a établir des prescriptions concernant les papiers de légitimation des ressortissants suisses.

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Art. 53 Toutes les dispositions contraires à la présente loi sont abrogées, notamment : a. La loi fédérale du 3 décembre 1850/24 juillet 1867 sur l'heimatlosat; b. La loi fédérale du 25 juin 1903/26 juin 1920 sur la naturalisation des étrangers et la renonciation à la nationalité suisse; c. L'arrêté du Conseil fédéral du 11 novembre 1941 modifiant les dispositions sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse.

Art. 54 L'article 120 du code civil est complété par le chiffre 4 suivant : 4. Lorsque la femme n'entend pas fonder une communauté conjugale, mais veut éluder les règles sur la naturalisation.

2 L'article 121 du code civil reçoit la teneur suivante: Art. 121. L'action en nullité est intentée d'office par l'autorité cantonale compétente.

Elle appartient aussi a tout autre intéressé, notamment a la commune d'origine.

Art. 55 1 La présente loi n'a pas d'effet rétroactif, 2 L'acquisition et la perte de la nationalité suisse par le seul effet de la loi sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s'est produit.

3 Lorsque les conditions d'application de l'article 10 sont remplies, les personnes qui ont plus de vingt-deux ans le jour de l'entrée en vigueur de la loi ou qui atteindront l'âge de vingt-deux ans dans l'année qui suit cette entrée en vigueur perdent la nationalité suisse si dans ce délai d'une année elles ne s'annoncent pas ou ne souscrivent pas une déclaration conformément audit article.

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Art. 56 La présente loi entre en vigueur le 8812

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (Du 9 août 1951)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1951

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

34

Cahier Numero Geschäftsnummer

6088

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

23.08.1951

Date Data Seite

665-718

Page Pagina Ref. No

10 092 432

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