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Feuille Fédérale Berne, le 8 juillet 1974

126e année

Volume II

N° 27 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 68 francs par an: 38 francs pour six mois; étranger: 82 francs par an, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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12003 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification du code civil suisse (Filiation) (Du 5 juin 1974)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet de revision des articles 252 à 327 du code civil suisse (CC) sur la filiation légitime et illégitime (sans les articles 264 à 269c concernant l'adoption, qui ont déjà été modifiés par la loi du 30 juin 1972 1).

1 Résumé La revision vise principalement à améliorer la situation juridique de l'enfant illégitime et de sa mère. Le projet apporte en outre des modifications importantes au droit de la filiation légitime, dans la mesure où il prend davantage en considération le bien de l'enfant et réalise l'égalité entre le père et la mère. La revision fondamentale du droit de la filiation entraîne une modification de la conception des titres septième et huitième du CC (chapitre premier, chiffre 1 du projet): la division traditionnelle entre filiation «légitime» et «illégitime» est remplacée par.la distinction entre l'établissement et les effets de la filiation. Il est en outre nécessaire de modifier d'autres dispositions du CC (chapitre premier, chiffre 2 du projet) et diverses dispositions de trois autres textes légaux, à savoir les lois fédérales sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse, sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour et sur l'organisation judiciaire (chapitre II du projet).

1) RO 1972 2873 1974 -- 348 Feuille fédérais, 126e année. Vol. II.

l

2 Partie générale 21 Genèse 211 Les travaux de la commission d'experts

Ainsi que le Conseil fédéral l'a exposé dans son message du 12 mai 1971 sur le nouveau droit de l'adoptions) le droit de la famille doit être revisé par étapes. La première étape a été franchie avec la mise en vigueur de la loi fédérale du 30 juin 1972 modifiant le code civil suisse (adoption et art. 321), en vigueur depuis le 1er avril 1973. La deuxième étape consistera dans la revision des dispositions sur la filiation - légitime et illégitime -, Celle-ci a également été préparée par la commission d'experts pour la revision du droit de la famille, instituée à la fin de 1968. Parmi les membres nommés au départ3', Me Max Brand, avocat (Berne), a été remplacé par Me Hans Schürner, avocat (Zurich), et celui-ci à son tour par Me Theo Kündig, avocat (Zoug); M. Biaise Bühler, secrétaire FOV (Lausanne) par M. Maurice Veillard, ancien président de la Chambre pénale des mineurs (Lausanne) et Mme Aimée Graber, juge de district (Lausanne) par Mme Emma Kammacher, avocate (Genève).

La commission a traité, lors de 15 séances de la commission plénière et de deux sous-commissions, la nouvelle réglementation du droit de la filiation. Une souscommission a préparé de façon autonome les dispositions sur le droit international. Nous nous fondons sur le projet de la commission qui donne toute satisfaction et nous appuyons, dans notre message, sur le rapport final de la commission d'experts, dû principalement à la plume du professeur Cyril Hegnauer, de Zurich.

La commission d'experts avait à sa .disposition les travaux préparatoires suivants: les rapports et avant-projets de la commission d'étude Grossen du 13 juin 1962 et du 28 juin 19654) et les consultations5>. La revision du droit de la filiation a fait également l'objet de discussions approfondies dans des cercles étendus avant et pendant les délibérations de la commission d'experts.

Ainsi, au Congrès des juristes à Saint-Gall en 1965, la Société suisse des juristes s'est occupée de la revision de la législation sur la filiation illégitime6). Lors de son assemblée annuelle de 1970, la Société suisse d'utilité publique s'était fait informer non seulement au sujet de l'adoption, mais aussi de la revision du droit de la filiation illégitime7'. En automne 1971, l'Association suisse des tuteurs officiels a entendu une communication sur le nouveau droit de la filia2) 3 ) 4 > « 8 >

FF 197111226 Cf. FF 19711 1226 Cf. FF 1971 I 1223 FF 19711 1225 Cf. Revue de droit suisse (RDS) 1965II: 1 à 200 rapport Hegnauer, 543 à 812 rapport .Lalive, 891 à 948 discussion.

') Revue suisse d'utilité publique 1970, 217; Grossen, La revision du droit de la filiation illégitime entre la théorie et la pratique; Hegnauer, Revisionsvorschläge zum Ausserehelichenrecht.

don. En avril 1972, la section suisse du Service social international, la Fondation Pro Juventute, l'Association suisse des assistants sociaux, la Conférence nationale suisse de. l'action sociale, l'Association suisse des tuteurs officiels et la Conférence des autorités cantonales de tutelle ont tenu ensemble, à Berne, une séance très fréquentée, au cours de laquelle l'avant-projet III de la commission d'experts a été exposé dans des rapports et discuté ensuite en détail, par groupes8'. Les critiques et les propositions de modification formulées lors de cette séance ont été prises dûment en considération dans les délibérations qui ont suivi. Un échange de vues a eu lieu en été et en automne 1972 avec la Conférence des directeurs cantonaux de l'assistance publique concernant l'adaptation de la dette alimentaire au nouveau droit de la filiation. Enfin, l'Alliance de sociétés féminines suisses s'est également penchée sur la revision du droit de la filiation lors de sa séance annuelle qui s'est tenue à Zoug au mois de mai 1973. La science juridique a également traité au cours des dernières années diverses questions relatives à la révision9'.

212 Les propositions de la commission d'étude

Dans ses rapports de 1962 et de 1965, la commission d'étude est arrivée à la conclusion que la revision devrait se limiter, en tout cas en ce qui concerne le droit de la filiation illégitime, à quelques modifications qui s'avèrent absolument nécessaires au regard des nouvelles conceptions juridiques et des expériences faites10'.

Dans le cadre de l'action en paternité elle a recommandé de rendre plus difficile la preuve à la décharge du défendeur (art. 314, 2e al., CC). La cohabita8)

Cf. Pro Juventute 1972, 238 s.; Hegnauer, Des fondements de la revision du droit de la filiation; Grossen, Puissance paternelle et protection de l'enfant; E. BlunschySteiner, Buts pratiques de la revision du droit de la filiation.

9 > Blunschy-Steiner, Die Revision des Kindesrechts im Schweizerischen Zivilgesetzbuch, Zeitschrift für öffentliche Fürsorge 1973, 113; Forni, Les lignes directrices de la revision en cours du droit de la famille, Revue de l'état civil (REC) 1973, 271; Grossen, Observations comparatives à propos de la réforme du droit suisse de la famille, (RDT) 1966, 127, 1967, 8; Hausheer, Das Familienrecht des Schweiz.

ZGB, Revue de la société des juristes bernois (RJE) 1973, 257; Hegnauer, Rechtsnorm und naturwissenschaftliche Erkenntnis in ihrer Bedeutung für die Feststellung der ausserehelichen Vaterschaft, Festschrift für Fritz Schwarz (Berne 1968), 56; du même auteur, Soll das Verbot der Standesfolge für ehewidrige Kinder beibehalten werden? RSJ 1968, 161 ; du même auteur, Ehelichkeit und Ausserehelichkeit heute, RJB 1971, 1; du même auteur, Vom zweifachen Grund des KindesverhältnisseSj RDS 1971 I 5; du même auteur, Grundgedanken des neuen Kindesrechts, Festschrift für Max Guldener (Zürich 1973) 127; Kehl, Die Famüienrechtsform, RDS 1967 I 147; Nehrwein, Revision des Rechtes des ausserehelichen Kindes, Revue suisse de jurisprudence (RSJ) 1957, 177; Spitzer, Vor einer Teilrevision des Familienrechts, Festschrift Amtsvormünder, (ouvrage édité à l'occason du cinquantenaire de l'Association suisse des tuteurs officiels), (Zurich 1963), 149; du même auteur: Die elterliche Gewalt der ausserehelichen Mutter, RDT 1966, 17; Yuns. Note sur les droits successoraux des entants naturels, La Semaine judiciaire (Sem. jud.)

1967, 137.

10 > Rapporti, 6s, II, 1.

tion du défendeur durant la période critique resterait, selon la commission, la base de la présomption de paternité, comme c'est actuellement le cas.

Mais pour infirmer cette présomption, le défendeur devrait prouver le caractère impossible ou hautement invraisemblable de sa paternité et non se contenter, comme jusqu'ici, d'élever des doutes sérieux, en prouvant la cohabitation plurale de la mère. L'inconduite de la mère ne devrait plus entraîner, à elle seule, le rejet de l'action. L'article 315 CC devrait être ainsi biffé. La prolongation à deux ans du délai pour intenter l'action (art. 308 CC) ainsi que l'instauration d'un troisième for au lieu de la naissance - outre les fors du domicile de la mère au temps de la naissance et du domicile du défendeur au moment de la demande (art, 312 CC) - devraient faciliter l'introduction de l'action en paternité et empêcher si possible qu'elle échoue pour de simples motifs de procédure. L'article 310 CC devrait être complété pair l'insertion du principe de la libre appréciation des preuves et par l'interdiction du serment ou de l'affirmation solennelle tenant lieu de serment pour constater des faits dont dépendent l'admission ou le rejet d'une action en recherche de paternité. Enfin, sur le plan de la procédure, l'obligation de se soumettre à l'examen médical devrait être introduite en droit fédéral, lorsque la preuve dépend de cet examen. En ce qui concerne la situation juridique de l'enfant illégitime à l'égard de ses père et mère, la principale innovation consiste à prévoir un droit de la mère à exercer la puissance paternelle, droit qui peut donner lieu à une action en justice en cas de litige et, en dernière instance, faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal fédéral: l'autorité tutélaire devrait accorder la puissance paternelle à la mère sauf si l'intérêt de l'enfant commandait de nommer un tuteur ou de placer l'enfant sous la puissance du père - en cas de paternité avec effets d'état civil -. La présomption légale en vertu de laquelle la mère d'un enfant illégitime est incapable d'exercer la puissance paternelle (art. 311 CC) serait ainsi renversée, ce qui devrait contribuer à renforcer le sentiment de responsabilité de la mère à l'égard de l'enfant. A titre subsidiaire, lorsqu'un lien de filiation est juridiquement établi, le père et la mère
d'un enfant illégitime se verraient reconnaître le droit d'entretenir avec l'enfant les relations personnelles indiquées par les circonstances, lorsqu'ils ne détiennent pas la puissance paternelle. En l'absence d'effets d'état civil à l'égard du père, l'enfant ne devrait pas porter comme jusqu'ici le nom de famille de sa mère (art. 324, 1er al, CC) mais le nom qu'elle porte.

Sur le plan successoral, l'enfant illégitime a les mêmes droits successoraux, du côté materne], que l'enfant légitime depuis l'entrée en vigueur du CC (art.

461,1er al., CC). Du côté paternel l'enfant illégitime a bien un droit successoral lorsqu'il suit la condition du père en vertu d'une reconnaissance ou d'une déclaration de paternité (art. 461, 2e al, CC); mais en concours avec des descendants légitimes, l'enfant naturel n'a droit qu'à la moitié de la part afférente à un enfant légitime. Celle discrimination de l'enfant illégitime sur le plan successoral devrait être écartée et le 3e alinéa de l'article 461 devrait être abrogé dans ce but.

En outre Pavant-projet de la commission d'étude prévoyait une augmentation des prestations pécuniaires que le père d'un enfant illégitime doit à la mère et à l'enfant. Le père devrait payer l'entretien de la mère pendant huit semaines après la naissance - et non plus seulement pendant quatre semaines (art. 317 CC) - et l'entretien de l'enfant jusqu'à l'âge de vingt ans révolus pour tenir compte de la formation plus longue - et non plus seulement jusqu'à l'âge de dix-huit ans révolus (art. 319 CC). Pour faciliter le recouvrement de ces prestations, Favant-projet introduisit, sur le modèle du droit matrimonial (art. 171 CC), la possibilité pour le juge, de prescrire aux débiteurs du père d'opérer leurs paiements entre les mains de la mère (art. 327bls nouveau).

En ce qui concerne le titre septième du code civil sur les enfants légitimes, la commission d'étude n'avait prévu que quelques modificationsu>. L'article 253 CC devrait permettre expressément à l'enfant d'intenter l'action en désaveu de paternité et prévoyait pour celle-ci la compétence du juge du domicile du demandeur. L'article 272, 2e alinéa, CC, d'après lequel l'autorité tutélaire peut permettre aux père et mère de l'enfant, dans certaines conditions, de prélever sur les biens de l'enfant mineur la contribution qu'elle fixera pour subvenir à l'entretien et à l'éducation de celui-ci, a été considéré comme trop étroit et élargi dans le sens suivant: les parents devraient être en droit de prélever sur les biens de l'enfant mineur de quoi assurer son entretien, son éducation et sa formation, dans la mesure où cela s'avère nécessaire. A l'époque déjà, la suppression pure et simple du pouvoir de décision du père, à défaut d'entente entre les parents au sujet de l'éducation des enfants (art. 274, 2e al., CC) avait été recommandée, sans remplacement. Pour le reste la commission s'est contentée de remplacer, à l'article 278 CC sur le droit de correction des père et mère, les termes «droit de correction» par l'expression «droit d'appliquer les peines nécessaires» et de prévoir comme condition pour le placement d'un enfant selon l'article 284 CC que son développement physique ou intellectuel soit «sérieusement» compromis.

La procédure de consultation et les discussions lors du Congrès suisse des juristes de 1965 ainsi que d'autres débats sur les
rapports de la commission d'étude ont montré que la plupart des propositions de cette dernière étaient accueillies favorablement, mais diverses autres suggestions ont été proposées pour reviser et compléter le droit de la filiation. Il est apparu qu'une revision point par point, selon les propositions de la commission d'étude, n'était pas satisfaisante et qu'un réexamen global et approfondi, par une commission d'experts représentative, s'imposait en vue de réaménager l'ensemble du droit de la filiation. Comme nous l'avons déjà mentionné, le Conseil fédéral peut se rallier aux propositions de la commission d'experts.

"> Rapport H, 21 s.

22 La revision du droit de la filiation 221 La situation sociale de l'enfant Le rôle des parents ne se limite pas à concevoir physiquement l'enfant.

Pendant des années, celui-ci a besoin de leur aide. Les parents ont la tâche d'en faire un être humain indépendant, responsable de ses propres actes. Cette tâche n'incombe pas seulement à la mère- ou au père, mais aux deux ensemble.

L'enfant a besoin de son père et de sa mère qui, de leur côté, sont tributaires l'un de l'autre dans leur responsabilité envers l'enfant. Ils se soutiennent, se complètent et se représentent réciproquement. Cette action commune des parents envers l'enfant trouve dans le mariage sa base durable et son ferme appui. C'est pourquoi la famille a une grande importance en tant que communauté d'éducation 12).

Il n'est toutefois pas donné à tous les enfants d'être élevés dans la famille de leurs parents. Il arrive qu'un décès prématuré prive certains d'entre eux de leur père, de leur mère ou de tous deux. Bien plus nombreux cependant sont les enfants dont les parents, encore vivants, ne forment pas avec eux une communauté familiale. Ce sont les enfants illégitimes et les enfants de parents divorcés.

Le pourcentage des enfants illégitimes, c'est-à-dire la part des naissances illégitimes sur 1000 naissances, oscille en Suisse autour de 40 au cours des cent dernières années (Maximum49 [1871 à 1875], minimum 32 [1943/44]; 1962: 44, 1971:37).

La statistique fédérale donne le tableau 13) suivant pour les dix dernières années : Enfante nés vivants Années

légitimes

illégitimes

toial

1963 1964 1965.

1966 1967 ..

1968 1969...

1970. . .

1971 1972 1973

105 448 108157 107 477 105 527 103 276 101 096 98 649 95 470 92 677 87 942 84187

4544 4753 4358 4211 4141 4034 3871 3746 3584 3400 3331

109 992 112890 111 835 109 738 107417 106 130 102 520 99216 96261 91 342 87518

12

...

;

> Rapport du Conseil fédérai à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire «Pour la famille», du 10 octobre 1944 (FF 1944, 865 s.)

13 > Annuaire statistique 1973,72. Chiffres pour 1973 selon la communication du Bureau fédéral de statistique.

. Le nombre des enfants mineurs dont les parents sont divorcés est beaucoup plus élevé et augmente sans cesse : Chiffres absolus^

.

Années

Enfanta dont les parca» ont divorcé

1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973

5120 5258 5261 5431 5446 6143 6482 6985 7659 8090 8307

'...'..

;

Ainsi les enfants illégitimes et les enfants de parents divorcés font ensemble près de 10% des enfants mineurs.

La situation morale et sociale des deux groupes diffère en ceci: l'enfant de parents divorcés et l'enfant de parents mariés qui, sans être divorcés, ont abandonné la vie commune sont généralement élevés au moins un certain temps chez leurs père et mère et entretiennent par conséquent avec tous deux des relations personnelles étroites qui survivent la plupart du temps au divorce ou à la séparation de fait. En revanche, il est rare que l'enfant illégitime connaisse personnellement son père. De plus, l'enfant illégitime n'est généralement pas désiré, il en va d'ailleurs de même de l'enfant légitime d'un mariage qu'il a fallu conclure. Toutefois, à partir de la suspension de la vie commune, l'enfant de parents divorcés et l'enfant illégitime ont ceci de commun qu'ils ne sont pas élevés sous la garde de leur père et mère, mais seulement de l'un d'entre eux, généralement de la mère, ou de tiers 15>. L'enfant illégitime et l'enfant de parents divorcés partagent avec l'orphelin l'infortune d'être sans famille.

C'est pourquoi on les appelle aussi des orphelins sociaux. Le cas de l'orphelin diffère du leur puisque, en ce qui le concerne, les relations morales et spirituelles entre les parents ont généralement été bonnes, tandis que les parents divorcés ou ceux d'enfants illégitimes sont la plupart du temps hostiles ou indifférents l'un à l'égard de l'autre, ce qui se répercute défavorablement sur les rapports avec l'enfant.

14

> Annuaire statistique 1973, 66. Chiffres pour 1972 et 1973 selon la communication du Bureau fédéral de statistique.

:

15

> II n'est pas nécessaire d'examiner ici le cas du concubina! qui est rarement durable.

8

Cette privation de famille n'est pas moins désavantageuse pour l'enfant illégitime que pour l'enfant de parents divorcés. Elle provoque souvent dans le développement intellectuel et moral des troubles dont l'enfant qui vit dans une famille saine est épargné. L'orphelin social éprouve de grandes difficultés à se sentir à l'aise dans la communauté, soit à l'école, soit plus tard dans sa profession ou dans sa propre union16).

222 Le rôle du droit de la filiation L'union du père et de la mère constitue en premier lieu une communauté chargée de pourvoir à l'éducation de l'enfant. La responsabilité des père et mère envers l'enfant s'y concrétise pour une large part dans la mesure qu'exigent les bonnes moeurs ; elle n'a besoin d'un encadrement juridique que sur quelques points17'. Il s'agit principalement de la délimitation des pouvoirs de la mère et du père, ainsi que de la position de l'enfant à l'égard des parents; et, dans des cas spéciaux, de savoir si le mari doit être considéré comme le père de l'enfant de sa femme.

A l'égard de l'orphelin social, la mission du droit est incomparablement plus importante. Elle présente deux aspects fondamentaux: l'un concerne la base juridique et l'aménagement du rapport de filiation à l'égard des parents qui ne sont pas ou plus unis par les liens du mariage, l'autre le problème social fondamental de Ja privation de famille. Le droit ne saurait résoudre entièrement ce dernier problème. La législation n'est pas en mesure de donner une famille à l'enfant né de parents divorcés ou à l'enfant illégitime. Elle peut cependant contribuer à atténuer autant que possible ou à surmonter la privation de famille. Citons en premier lieu la légitimation par mariage subséquent, reconnue pour toute la Suisse par l'article 54, 5e alinéa, de la constitution fédérale de 1874, et qui englobe plus d'un tiers des enfants nés illégitimes18'.

ie

> Bowlby, Mütterliche und kindliche Entwicklung (Munich/Bâlè 1972) 69 s.; Groth, Kinder ohne Familie (Munich 1961) 192 s.; Landplf, Kind ohne Vater (Berne/ Stuttgart 1968); Mitscherlich, Auf dem Weg zur vaterlosen Gesellschaft (Munich 1963): «... une enfance sans l'image du père laisse autant de traces qu'une enfance sans la présence de la mère» (trad. p. 348); Rapport «Pour la famille» FF 1944 869 a., 1042.

17 > Huber E., Exposé des motifs de l'avant-projet du CC (Berne 1901) I 201.

18 > Reste cependant à savoir dans quelle mesure ces mariages s'avèrent Stahles.

La statistique fédérale donne les indications suivantes19': Années

1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973

Mariages dotal)

:

43946 44 172 45 082 44 266 45 269 45711 46 886 46693 44881 43 081 40 768

Nombre de couples ayani alors des enfants

, 1525 1549 1523 1490 1385 1349 1379 1333 1329 1261 1295

Enfants légitimés (total)

1636 1685 1676 1634 1559 1476 1500 1433 1447 1413 1410

Au moment de la légitimation, environ 57 pour cent des enfants avaient moins d'un an, 18 pour cent un an, 17 pour cent deux à quatre ans et 8 pour cent cinq ans et plus.

La nouvelle loi sur l'adoption, du 30 juin 1972, constitue un grand progrès car elle permet l'intégration juridique complète des enfants sans famille dans la famille de leurs parents nourriciers ou, lorsqu'il s'agit d'enfants nés d'un autre lit, dans la nouvelle famille de l'un des parents.

Le projet pour un nouveau droit de la filiation vise d'autres améliorations en tenant compte de l'enfant né d'un autre lit et de l'enfant placé en ce qui concerne l'obligation d'entretien, l'autorité parentale et le changement de nom (art. 278, 2e al., 294, 299, 300, 307, 2e et 3e al.,. 310, 1er et 3e al., 315, 2e al., 30, 2e al., ch. 3 et 4). Le projet cherche en outre à atténuer la gêne économique de l'enfant sans famille en renforçant les dispositions légales relatives à son entretien (art. 281 s., 290 s.). Toutefois, les moyens qu'offre ici le droit privé sont limités. Seules des mesures de politique sociale bien comprises des collectivités publiques et des institutions d'utilité publique permettront de pallier les désavantages dont souffrent sur le plan social les enfants illégitimes et ceux qui sont nés de parents divorcés, notamment en ce qui concerne leur entretien, leur formation et l'octroi de soins. Il y va de l'intérêt de la société autant que de celui de l'enfant 20>.

En ce qui concerne la première tâche - la réglementation des rapports avec les parents - le droit se limite, dans le cas du divorce, à attribuer la garde de l'enfant et à établir les droits et les obligations de l'un et de l'autre parent 19

> Annuaire statistique 1973, 56, 75. Chiffres pour 1973 selon la communication du Bureau fédéral de statistique.

20 > Grossen, Revue d'utilité publique, 1970, 218.

10

(art. 156/157 CC), La position juridique de l'enfant demeure par ailleurs inchangée dans le droit actuel. Le divorce des parents n'a aucun effet sur les liens juridiques de parenté avec l'enfant ni sur les conséquences juridiques qui en découlent. En ce qui concerne les relations de parents divorcés avec l'enfant, seul est déterminant le principe d'une réglementation objective, c'est-à-dire guidée par l'intérêt de l'enfant. Le divorce des parents ne doit en aucun cas porter un préjudice juridique à l'enfant.

Il en va tout autrement des prescriptions du droit pour l'enfant illégitime.

223 L'importance de la légitimité et de l'illégitimité pour le droit de la filiation 223.1 La signification traditionnelle de la différence Légitimité et illégitimité sont les critères de la division fondamentale traditionnelle de notre droit de la filiation. Ces critères ne servent pas seulement à délimiter des catégories juridiques, comme par exemple les notions dé personnes physiques et personnes morales ou de propriété foncière et propriété mobilière.

Leur différenciation repose plutôt sur un jugement de valeur. La légitimité est ce qui est conforme à l'ordre, légitime, l'illégitimité, en revanche, est la négation de l'ordre, ce qui est irrégulier, illégitime. Cette appréciation est profondément enracinée dans la religion, l'éthique, la psychologie et la sociologie. C'est ce qui a fait de la légitimité et de l'illégitimité des notions irrationnelles, à caractère fatidique, voire quasi-mythique. C'est pourquoi, l'ordre juridique a désavantagé par principe l'enfant illégitime par rapport à l'enfant légitime. Le désir de renforcer la famille y a également contribué.

Cependant, l'enfant., illégitime n'est pas responsable des circonstances de sa conception; tout autant que l'enfant légitime, il a droit à ce que sa dignité d'être humain soit respectée. Cette conception ne s'est frayée que lentement un chemin à travers les siècles et a dû vaincre des résistances multiples et opiniâtres. Le sort de l'enfant illégitime a été amélioré sur deux plans. D'une part, le cadre de la légitimité a été étendu autant que possible, et la contestation autorisée seulement dans les limites les plus étroites; la légitimation par mariage subséquent des père et mère et par autorité de justice, plus tard aussi l'adoption, ont ouvert à l'enfant le chemin de la légitimité. D'autre part, certains droits de l'enfant légitime ont été attribués aussi à l'enfant illégitime, d'une façon générale ou sous certaines conditions. Vers la fin du 15e siècle, sont apparues la recherche judiciaire de la paternité, la constatation de la paternité et l'attribution de conséquences juridiques. Si celles-ci se limitaient d'abord à des prestations pécuniaires à la mère et à l'enfant, les effets d'état civil se sont développés ensuite sous diverses formes21>. Le siècle des lumières a donné une vigoureuse impulsion à l'amélioration du son de l'enfant illégitime. En 1783, ai

> Cf. Huber E., System und Geschichte des Schweizerischen Privatrechts, IV 529 s.

11 dans son écrit bouleversant «Législation et infanticide» Pestalozzi a dénoncé la misère de la mère illégitime et de son enfant, ainsi que la responsabilité de la société et de l'Etat dans cet état de choses : C'est pour l'humanité un besoin naturel évident que chaque mère puisse, dans l'éducation et le développement d'un enfant, s'appuyer sur un père, et bénéficier pleinement et durablement de cette relation, qu'aucune aumône annuelle ne saurait compenser.... La nature impose à tous les humains qui se reproduisent en satisfaisant un instinct naturel des devoirs de père et de mère. Moeurs et lois consacrent ces devoirs dans l'état de mariage; ces devoirs ne sont pas moins sacrés pour les parents qui ne sont pas mariés. ... L'Etat ne peut délier le père des obligations étendues que la nature lui impose à l'égard de la mère et de l'enfant, ou alors qu'il leur fournisse une compensation effective. Pour la jeune fille, cette, compensation ne saurait faire moins que d'empêcher que son état de mère devienne une offense et son enfant un fardeau. ... Seul nuit à l'Etat l'enfant illégitime qui n'est pas correctement éduqué. Pour l'humanité, un enfant illégitime est incontestablement un gain lorsqu'il est éduqué correctement ; pour son père et pour sa mère, il est un lien d'humanité et un moyen de s'améliorer, tant qu'ils peuvent l'aimer sans subir d'offense (traduction).

Au cours du 19e siècle, la différenciation entre légitimité et illégitimité a pu être évincée en droit public comme .en droit privé, du moins en principe, avec les importantes exceptions du droit de la famille et du droit successoral 22>.

A ce propos, le § 103 du code civil du canton de Lucerne de 1831 est caractéristique: 1 L'état d'enfant illégitime n'a rien d'infamant. L'enfant illégitime jouit de tous les droits civiques et politiques à l'égal de tout autre citoyen.

2 II n'appartient toutefois ni à la famille de son père ni à celle de sa mère, et il est exclu, tant en ce qui concerne l'une que l'autre, des droits qui découlent de la parenté; par contre, un enfant illégitime peut, par le mariage, fonder sa propre famille et créer les relations de parenté que la loi reconnaît (traduction).

Dans aucun domaine du droit privé suisse, à l'exception peut-être du droit de tester, il n'existait entre les cantons de différences aussi profondes que dans celui de la filiation illégitime 23>. Si certains droits cantonaux allaient plus loin que le CC en ce qui concerne les effets de la filiation à l'égard du père, la plupart d'entre eux subordonnaient l'établissement de cette filiation à des conditions si restrictives que peu d'enfants seulement ont pu en bénéficier. Dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Tessin, à l'exemple du code civil français, l'action en paternité était tout simplement exclue. Dans les cantons de Zurich, Thurgovie, Schaffhouse, Zoug, Obwald, Soleure, Lucerne et Argovie, elle ne pouvait être intentée contre un homme marié. Dans les cantons d'Argovie, Berne et Fribourg, elle nécessitait une déclaration de grossesse avant la naissance. Dans les cantons d'Obwald, Nidwald, Lucerne et Argovie, l'enfant n'entrait même pas dans la 32

>Des séquelles plus ou moins fortuites ont toutefois subsisté jusqu'à présent, par exemple en ce qui concerne les rapports de service des fonctionnaires de la Confédération, ATF 95 I 402.

a3 > Cf. Huber, Schweizerisches Privatrecht, I 484-550, II 111-134, 278 s., 286.

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.

famille de sa mère. La réglementation était tout aussi variée en ce qui concerne le droit successoral. Elle allait de l'exclusion de tout droit successoral, en passant par les gradations les plus diverses, jusqu'à la mise sur pied d'égalité absolue avec l'enfant légitime, tant du côté maternel que paternel24).

223.2 Le statut juridique de l'enfant illégitime dans le CC Le CC a maintenu la différence traditionnelle entre légitimité et illégitimité.

Il règle la filiation légitime dans son titre septième (art. 252-301 CC) et la filiation illégitime dans son titre huitième (art. 302-327 CC). En ce qui concerne cette dernière, le nouveau droit apportait des améliorations considérables.

Il convient de relever les suivantes: - l'admission générale de l'action en paternité (art. 307 s. CCX - l'extension du délai pour ouvrir action (art. 308 CC), - l'ouverture de l'action à l'enfant et l'institution d'un curateur (art. 307, 311 CC), - la compétence à raison du lieu soustraite à l'arbitraire du défendeur (art. 312 CC), - la limitation des motifs justifiant l'exclusion et le rejet de l'action (art. 314-315, 310CC), - l'extension du contenu et de la durée de l'obligation d'entretien (art. 319-322 CC), - la mise sur pied d'égalité de l'enfant illégitime avec l'enfant légitime dans la parenté maternelle et la possibilité de le placer sous la puissance paternelle de la mère (art. 324 CC), - la possibilité d'établir la filiation à l'égard du père par reconnaissance ou jugement, qui a pour une grande part les effets de la filiation légitime et permet d'attribuer la puissance paternelle au père (art. 303, 323, 325 CC).

Ces progrès, décisifs par rapport à l'état de droit antérieur, montrent nettement la volonté du législateur d'évincer la discrimination juridique de l'enfant illégitime. Dans son Exposé des motifs de l'avant-projet du CC 25>, Eugen Huber a écrit ce qui suit: Si l'on ne refuse pas la jouissance des droits civils à l'enfant conçu hors mariage, si on ne le prive pas de sa capacité civique, comment le frustrerait-on de la condition juridique qui correspond à sa filiation naturelle? Dans la vie sociale, l'enfant illégitime portera déjà le stigmate de sa naissance, et il serait contraire à une saine politique législative de le mettre encore au ban de la société en refusant de reconnaître les effets de
sa filiation naturelle. Ce serait une flagrante contradiction que d'accorder à l'enfant naturel l'égalité des droits en général, tout en le déclarant déchu de ceux attachés à la parenté. Ces raisons doivent nous engager à créer en faveur de l'enfant naturel une situation légale, dont l'infériorité ne reposera point sur le fait de l'illégitimité de la naissance, mais résultera d'autres considérations, telles que la protection due au mariage et aux enfants légitimes.

24

> Berne, loi sur le droit successoral des enfants illégitimes, du 4 juillet 1863, § 2 et 7; Claris, code civil, § 217, dans la teneur du 5 mai 1889.

"S) Exposé des motifs, 1902,1 203.

13 223.3 La nécessité de réformer le droit de la filiation du CC Le CC a réalisé dans le droit de la filiation une réglementation qui, non seulement, avait un caractère progressiste par rapport au droit cantonal antérieur et au droit étranger contemporain mais en outre assurait, par sa forme libre, un développement fructueux dans la doctrine et la jurisprudence.

Il s'est cependant produit depuis la création du CC, à la suite des deux guerres mondiales, des mutations sociales et morales profondes, qui touchent au plus haut point la famille et les conceptions relatives à sa réglementation. Si les innovations audacieuses du CC sont devenues depuis lors bien commun, il est par contre d'autres règles que le CC a accueillies comme allant de soi et sans contestation au début du siècle, et que l'évolution suivie depuis lors fait apparaître comme désuètes. Le titre huitième sur la filiation illégitime, surtout, n'a pas tardé à faire l'objet de critiques et de propositions de modifications.

Celles-ci visaient d'abord l'exclusion des effets d'état civil pour les enfants issus d'un commerce adultérin ou incestueux (art. 304 CC), le jugement de l'action en paternité (art. 314, 2e al., 315 CC), plus tard les modalités de l'action ainsi que la situation de la mère illégitime et de son enfant. En 1936 déjà, dans l'introduction à son commentaire du droit de la famille, August Egger avait exprimé l'avis que les dispositions sur la filiation illégitime étaient plus qu'aucune partie du CC dépassées sur des points importants et sujettes à revision du fait de l'évolution de la situation26'. L'Association suisse des tuteurs officiels, elle aussi, a relevé en 1936, 1951 et 1966 les défauts de l'action en paternité et proposé des améliorations. D'autres démarches ont été entreprises par l'Alliance de sociétés féminines suisses (1954, 1958), par les Groupes socialistes féminins (1956) et par l'association Pro Familia (1956). L'amélioration du droit de la filiation illégitime a fait l'objet d'une série de postulats au Conseil national: Oprecht, du 16 juin 1926 (classé), von Roten, n° 5951, du 5 octobre 1950 (classé le 1er décembre 1952), Grendelmeier, n° 6620, du 20 septembre 1955, Huber, n° 6920, du 20 septembre 1955, Gitermann, n° 7452, du 4 juin 1958, Hayoz, n° 9204, du 23 juin 1966.

Les expériences faîtes dans
l'application du droit et les recherches de la doctrine ont également révélé des insuffisances dans le droit de la filiation légitime. Rappelons la contestation de la légitimité par l'enfant, le pouvoir de décision du père dans le cadre de la puissance paternelle, de nombreuses lacunes et controverses dans le droit à l'entretien, la protection de l'enfant et la protection insuffisante des biens de l'enfant. Les postulats Eggenberger, n° 5465, du 24 septembre 1948 (classé), Forel, n° 10988, du 14 mars 1972, et Jacottet, n° 9273 du 24 mars 1966 ont demandé la modification de ces différents points.

Des suggestions ont été faites aussi par l'Alliance de sociétés féminines suisses (1960), la Ligue suisse des femmes catholiques (1960), les Groupes socialistes féminins (1959), ainsi que par l'Association pour la protection de la femme et de l'enfant (1963).

38)

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223.4 La revision peut-elle se faire point par point ?

Le mouvement de réforme du droit de la filiation est parti de la nécessité d'améliorer la situation de l'enfant illégitime et d'écarter les inégalités existantes 27> . On a d'abord cherché à atteindre ce but en proposant de modifier certaines dispositions du droit de la filiation illégitime actuel. Toutefois, pour réaliser une transformation fondamentale, la méthode de la revision point par point paraît problématique. Si, lors de réformes antérieures, il s'est agi de supprimer par étapes la discrimination juridique de l'enfant illégitime dans le cadre des notions traditionnelles de légitimité et d'illégitimité, la principale question qui se pose aujourd'hui n'est pas de savoir laquelle des inégalités encore existantes on va écarter, mais bien plutôt si et dans quelle mesure une différenciation est encore justifiée, sur le plan juridique. Cette recherche n'est pas seulement imposée par l'esprit de la loi, mais par les termes mêmes de l'article 4 de la constitution fédérale. En effet, l'interdiction des privilèges de naissance exclut du même coup ceux de la naissance légitime face à la naissance illégitime2S), 223.5 La différenciation entre légitimité et illégitimité est-elle justifiée?

223,51 Pour la constatation de la filiation à l'égard du père Dans le droit suisse, la différence traditionnelle entre légitimité et illégitimité repose uniquement sur le fait que la mère était ou n'était pas mariée à l'époque de la conception ou de la naissance de l'enfant. Ce fait n'a toutefois d'importance que comme condition de la présomption de légitimité. En effet, si la mère est mariée, son mari est considéré de par la loi comme le père de l'enfant (art. 252 CC). Si au contraire elle n'est pas mariée, l'enfant n'a d'abord pas de père au sens juridique du terme. Il lui faut en premier lieu chercher son père, peut-être au cours d'un procès long et laborieux39'. L'existence ou l'inexistence d'un mariage entre les parents joue donc un rôle nécessaire, indispensable pour établir la filiation juridique à l'égard du père. En dépit de la position centrale que cette situation occupe dans le système actuel, son importance n'est toutefois ni considérable, ni exclusive pour la formation du droit de la filiation.

223.52 Pour les effets de la parenté Ainsi, comme il
convient, la reconnaissance de la parenté et de ses effets dépend uniquement de la descendance et nullement du mariage ou de l'absence de mariage entre père et mère. Par conséquent, la différence entre légitimité et illégitimité n'a en principe aucune raison d'être en ce qui concerne le droit successoral des parents, l'obligation d'entretien des parents, ni pour les autres effets de la .filiation sur le droit de la famille, tels que par exemple la faculté de devenir détenteur de la puissance paternelle ou d'exercer un droit de visite.

27

> Rapport de la commission d'étude I 3.

> Voir à ce sujet Grossen, Schweiz. Privatrecht II 295.

29 > Wentzel, Plessi in Klangs Kommentar zu § 156 ABGB, 112 N20.

38

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223.521 Du côté maternel II y a longtemps que cette idée s'est imposée dans les rapports du côté maternel. Ceci est compréhensible. En effet, la naissance manifeste immédiatement et sans équivoque la filiation maternelle. La filiation juridique à l'égard de la mère naît sans égard au fait qu'elle soit mariée ou non. C'est pourquoi le droit le plus ancien connaissait déjà l'adage: Aucun enfant n'est le bâtard de sa mère30). Il est vrai que la portée en a.été fortement restreinte par la suite31). Cependant le CC a de nouveau réalisé intégralement ce principe tant en ce qui concerne l'établissement que les effets de la filiation. A l'exception de quelques points (nom et droit de cité, puissance .paternelle), le droit actuel ne fait pas, du côté maternel, de différence entre filiation légitime et illégitime (art. 302, 1er al., 324 CC) 32>.

223.522 Du côté paternel Du côté paternel, l'évolution a été plus lente. Etant donné que, d'abord, l'enfant illégitime n'a pas de père au sens juridique du terme, et que l'identité de ce père ne peut souvent être établie qu'avec peine, on a mis beaucoup d'hésitation et de réserve à reconnaître à l'enfant des droits à l'égard du père et de sa parenté. D'autant plus convient-il de relever qu'avec l'institution des effets d'état civil, le CC a réalisé en principe, dans les rapports avec le père également, l'égalité entre enfant illégitime et enfant légitime33'. Les effets d'état civil donnent naissance à une filiation qui équivaut pour l'essentiel à la filiation légitime (art. 325, 326 CC34>. Sont exceptés la puissance paternelle (art. 325, 3e al., CC) et le droit successoral, en vertu duquel l'enfant illégitime qui est en concours avec des descendants légitimes du père voit son droit réduit à la moitié (art. 461, 3e al., CC).

Les effets d'état civil ne sont toutefois pas ouverts à tous les enfants illégitimes. Le. législateur de 1907 entendait n'admettre un rapport de droit de la famille que lorsque la paternité était certaine. Il ne tenait une telle certitude pour acquise que lorsque l'enfant était reconnu volontairement ou, dans le cas d'un jugement, lorsque, outre les conditions permettant d'admettre l'action en paternité, le défendeur avait promis le mariage ou lorsque la cohabitation avait été un acte criminel ou un abus d'autorité (art. 303, 323,1er al., CC 35>)- Soucieux 30

> Schmidt-Hidding W., Die Stellung des unehelichen Kindes in den romanischen Rechtsordnungen Europas (Bielefeld 1967) 22.

31) Huber, Schweizerisches Privatrecht, I 529 s., II 111 s., 529 s.

32 > Hegnauer, Berner Kommentar, N12 ad art. 252 CC.

a: » Elle était déjà réalisée dans certains droits cantonaux, cf. Huber, Schweizerisches Privatrecht, ï 533 s.

34 > Hegnauer N5 s. ad art. 324-327 CC.

35 > Hubcr, Exposé des motifs de l'avant-projet du CC (Berne 1902) I 203-205: entre 1963 et 1972 314 enfants, en moyenne, ont été reconnus. Au moment de la reconnaissance 9,3% des enfants n'étaient pas encore nés, 59, 5% avaient un mois, 21,7% avaient entre 2 et 12 mois et 9,8% avaient plus d'une année (Annuaire statistique 1973, 75). Le nombre des attributions avec effets d'état civil, par le juge, est peu important ; sur ce point il n'y a pas de statistique nationale.

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de protéger la famille légitime, le législateur a en outre exclu les effets d'état civil pour les enfants issus d'un commerce adultérin ou incestueux (art. 304, 323, 2e al-, CC)36'. Bien des enfants illégitimes ne remplissent toutefois pas ces conditions et ne peuvent par conséquent entrer dans un rapport de droit de famille avec leur père. Afin de ne pas les laisser démunis, la loi leur accorde du moins un droit à des contributions d'entretien du père (art. 319 CC).

Cette paternité alimentaire, en liaison avec l'admission générale de l'action en paternité, a réalisé un progrès important en faveur de l'enfant illégitime.

De nos jours, le dualisme entre les effets d'état civil et la paternité alimentaire est cependant devenu problématique37). Les expertises hérédo-biologiques ont amélioré les perspectives d'établir à coup sûr la paternité ou la nonpaternité à un point tel que l'on ne saurait plus prétendre sérieusement que la reconnaissance volontaire, une promesse de mariage ou une cohabitation criminelle offre quant à la paternité davantage de certitude qu'un simple jugement de paternité38'. Le défendeur est astreint à faire des versements . parce qu'il est le père. Cette obligation a donc son fondement juridique dans la filiation naturelle39). Par contre la parenté juridique est niée. Ainsi tous les effets qui en découlent sont écartés : du point de vue du droit de la famille, l'enfant est privé de père, le père alimentaire est sans enfants. «Le père par le sang est à l'égard de l'enfant un étranger» 40>. Le père débiteur d'aliments ne peut jamais devenir détenteur de la puissance paternelle, même lorsqu'il aurait la volonté et les capacités d'assumer l'entière responsabilité de l'éducation de l'enfant. La mère et sa famille sont tenues d'entretenir l'enfant, mais en aucun cas les parents du côté paternel. Si le père meurt, ce n'est pas son enfant naturel qui est son héritier légal, mais peut-être un parent éloigné ou la collectivité, voire, par testament, une tierce personne.

On estime parfois que l'intérêt même de l'enfant exige qu'il soit privé de père par la loi; ainsi, le père se voit refuser tout droit à intervenir dans son éducation et à entretenir avec lui des relations personnelles. Ceci n'est toutefois pas nécessairement et dans tous les cas un avantage41'. Mais on oublie surtout
qu'une réglementation appropriée peut empêcher une immixtion indésirable du père même si l'on admet l'existence de rapports de filiation avec celui-ci.

Il n'est d'ailleurs pas possible d'appliquer avec toutes ses conséquences le principe qui dénie toute parenté légale du père débiteur d'aliments avec l'enfant42). Ainsi, selon l'opinion prédominante, la paternité alimentaire remplit les 36

> Bull. stén. 1905, 765, 767, 771-773, 1197, 1200-1204, 1269-1277.

> Cf. Egger, Zürcher Kommentar, N 5 des remarques préliminaires à l'article 252, N 8 ad art. 302 CC.

38 > Hegnauer, Festschrift für Fritz Schwarz, 56, 39 > Art. 309, 1er al., CC: «L'action tend ... à des prestations pécuniaires du père...» 40) ATF 40 H 302.

41) Webler, Zur personalen Rolle des Vaters im Leben des unehelichen Kindes, Zentralblatt für Jugendrecht und Jugendwohlfahrt 1961, 195.

42 > Cf. Hegnauer, N14 s. ad art. 324-327 CC.

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conditions de parenté en ce qui concerne l'empêchement au mariage, le droit de refuser le témoignage et dans les délits contre les moeurs et la famille. Il paraît d'autant moins convaincant d'exclure les autres effets du droit de la famille.

Outre la contradiction flagrante qui consiste à considérer le même homme tantôt comme le père tantôt comme un étranger l'enfant illégitime est désavantagé non seulement matériellement, mais aussi moralement. La privation juridique de père fait en quelque sorte de l'enfant un homme unidimensionnel.

Elle blesse en lui le sentiment de sa dignité et le stigmatise vis-à-vis de la société43).

Il ne saurait non plus être sérieusement question de prétendre que l'exclusion des effets du droit de la famille du côté paternel dissuade d'entretenir des relations sexuelles hors mariage ni, inversement, qu'accorder ces effets favorise ces relations. En effet le fait de mettre l'enfant illégitime sur pied d'égalité avec l'enfant légitime ne change rien au lourd désavantage social qu'il subit ainsi que sa mère.

. Exclure les effets d'état civil pour l'enfant né d'un commerce adultérin ou incestueux ne résiste pas davantage à un examen sérieux44'. C'est faire endosser à l'enfant la faute de ses parents sans pouvoir l'effacer45', ce qui ne change rien à la filiation naturelle de l'enfant. Cela ne permet pas non plus d'éviter les inconvénients qu'entraîné la révélation d'une conception contraire à la famille et au mariage puisque la loi, à juste titre, donne également à cet enfant un droit à des contributions d'entretien de la part du père. Ce n'est pas l'enfant illégitime qui met le mariage en péril, mais la liaison illégitime de ses père et mère46).

Il paraît également injustifié d'accorder ici au père et à la famille paternelle une protection que l'on refuse à la mère et à la famille maternelle.

La commission d'étude a déclaré pertinemment ce qui suit au sujet de la paternité alimentaire47).

Cette paternité à responsabilité limitée favorise davantage l'immoralité en général et l'immoralité matrimoniale en particulier que ne le ferait une position juridique plus favorable de l'enfant illégitime; rapprocher cette situation de celle de l'enfant légitime sera donc, en définitive, profitable également à la protection de la famille, sans parler de la dignité humaine de l'enfant
illégitime innocent de' son sort. Ceux qui recherchent la protection de la famille seraient mal inspirés de craindre le contraire.

La crainte d'obliger la famille légitime du père à accueillir en son sein l'enfant né d'un commerce adultérin, crainte qui, selon les travaux préparatoires du CC, a été décisive pour l'interdiction, n'est pas fondée. En effet, le père 43

> Hegnauer, RDS 1965 II 21 et les citations des N24 et 25.

") Cf. en particulier Hcgnauer RSJ 1968, 161 s.

4

«> Cf. également à ce sujet ATF 96 I 425.

·»«> Cf. Grossen, Revue d'utilité publique 1970, 219.

4 ?) Rapport I 34.

Feuille fédérale. 126' année. Vol. IL

2

18 n'acquiert pas la puissance paternelle de par la loi, mais seulement en vertu d'une décision expresse de l'autorité tutélaire (art. 325, 3e al., CC, art. 298, 2e al. du projet). La puissance paternelle, il est vrai, ne sera que rarement attribuée au père. Elle pourrait être cependant une bonne solution pour l'enfant, même s'il est né d'un commerce adultérin ou incestueux. Rappelons les cas où la mère est décédée ou incapable de discernement, où, pour quelque motif que ce soit, elle ne veut pas prendre soin de l'enfant, où elle est incapable de l'éduquer, et où le père est disposé à entreprendre cette éducation et capable de le faire avec l'accord de son épouse qui est peut-être sans enfants 48).

Enfin, cette interdiction fait également échec à l'admission de la légitimation de l'enfant adultérin. On ne voit pas pourquoi le sort juridique de l'enfant illégitime devrait dépendre du fait que Je mariage rompu soit dissous et que les parents naturels s'épousent. Cette inégalité de traitement de l'enfant adultérin peut même avoir des effets néfastes pour le mariage et la famille en incitant le mari, par responsabilité à l'égard de l'enfant, à demander le divorce alors que son mariage n'est pas ébranlé, et la femme qui serait par ailleurs disposée à continuer à vivre dans une union rompue à prêter la main au divorce par compassion, et les parents naturels à se marier uniquement à cause de l'enfant, bien que les conditions inhérentes à un mariage heureux fassent défaut49).

L'interdiction en question a donc cet effet paradoxal que la femme qui obtient le divorce pour adultère permet au mari de légitimer l'enfant adultérin alors que, si elle pardonne l'adultère, elle fait tomber l'enfant sous le coup de l'interdiction et lui fait ainsi payer la faute de son père. C'est la raison pour laquelle il a été proposé dans la doctrine française que la légitimation de l'enfant adultérin après le divorce soit interdite, mais la reconnaissance admise50).

Cette interdiction ne contribue pas non plus à protéger la famille légitime; en effet, Eugen Huber même se déclara expressément contre son insertion, bien que, dans le passage déjà cité de l'Exposé des motifs de Favant-projet du CC, il ait affinile que l'égalité de l'enfant illégitime avec le légitime devait être limitée dans la mesure où la protection de la
famille le demandait5«.

Dans la grande commission d'experts instituée à l'époque, cette insertion a été proposée, mais rejetée à une forte majoritéS2>. Depuis lors, la doctrine s'est également prononcée à la quasi unanimité et de façon énergique contre l'inter-

·*8> Cf. les exemples instructifs que présentent ATF 701216, RDT1951, 36, n° 15,1963, 63 n° 13 et, concernant un enfant incestueux, Bauraann, RSJ 1967, 324.

4S > Lalive RDS 1965 II 608.

5 °> Cf. Lalive. RDS 1965 U 608N 159; Les cahiers du Droit, n° 31, 1954, 119 et 102, 51 > Exposé des motifs I 224.

S2

> PV comm. exp. I 298 s.

19

diction 53). Les législations étrangères ignorent, à l'exception du Code civil français, une telle interdiction et établissent un rapport de droit entre l'enfant illégitime et son père. En France et en Italie, elle a été fortement restreinte par la loi et lapratique 54).. La réforme du Code civil français de 1972 la maintient partiellement pour l'enfant incestueux (art. 334-10), tandis que l'enfant adultérin reconnu n'est soumis qu'à certaines restrictions de droit successoral (art.

759-764). Il en va de même du projet de loi pour une réforme totale du droit italien de lfamille 55).). Enfin le projet de Convention européenne sur le statut juridique des enfants nés hors mariage 56) prévoit ausl'éliminationion des restrictions prévues pour l'établissement de la filiation d'un enfant adultérin (art. 2,5).

Le dualisme du rapport de l'enfant illégitime avec son père ne saurait donc plus être maintenu. L'unité de l'ascendance postule l'unité de la filiation et de ses effets déterminés par la parenté, y compris l'obligation d'entretien et le droit successoral. Par conséquent, la différence entre légitimité et illégitimité ne se justifie plus dans ce domaine, même du côté paternel.

223.53 Pour l'entretien et l'éducation Reste le champ étendu et important de l'entretien et de l'éducation de l'enfant. Le fait que les parents soient mariés ou non importe pour la réglementation juridique de ce domaine. Il n'est toutefois pas décisif qu'ils l'aient été lors de la naissance de l'enfant, mais bien que le mariage existe, en tant que fait social, pendant son enfance et sa jeunesse. Si tel est le cas, les parents prennent soin de l'enfant et l'éduquent en commun selon les principes du droit matri53)

Artus A., La reconnaissance des enfants illégitimes en droit suisse et turc (thèse Lausanne 1940) 51 s.; Aubert J.F., Les actions de la filiation en droit civil suisse (thèse Neuchâtel 1955) 77 s.; Baumann, RSJ 1967, 324; Bridel M., La règle «Pater is est...» en droit suisse (thèse Lausanne 1927) 99; Decoppet G., L'enfant naturel et son père (thèse Lausanne 1917) 28; Egger, Zürcher Kommentar, N2 ad art. 304 CC; Hegnauer, N28 ad art. 304 CC; Heim G., La condition de l'enfant naturel dans le Code civil suisse (thèse Montpellier 1924) 122 s. ; Holleaux G., De la filiation en droit allemand, suisse et français (Paris 1966) 160; Lalive, RDS 1965 H 619, 946; du même auteur, RDT 1966, 246; Larese W., Wesen und Bedeutung der Realien, Wege zu ihrer Erkenntnis (thèse Zürich 1968), 67 s.; Liver, Berner Kommentar, Einleitungsband, Einleitung N102; Peyer O., Die Familienrechtliche Stellung der unehelichen Kinder im Schweiz. Privatrecht (thèse Zürich 1907) 135; Robert L., De la condition juridique de l'enfant naturel dans le Code civil suisse et le Code civil allemand (thèse Genève 1912) 179; Rössel et Mentha, Manuel I, n° 667; Silbernagel, Berner Kommentar, N2 ad art. 304 CC; Zimmermann O., Die Anerkennung des ausserehelichen Kindes und deren Anfechtung durch den Anerkennenden (thèse Berne 1930) 72.

54) Cf. Schmidt-Hidding W., Die Stellung des unehelichen Kindes in den romanischen Rechtsordnungen Europas (Bielefeld 1967) 44 s.

55 > Jayme, Zeitschrift für das gesamte Familienrecht (Farn. RZ) 1973, 20.

56 > Cf. ci-après, chiffre 224.

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monial (art. 159-161, 272,1er al., 274,1er al,, CC). Si, par contre, il n'existe pas de communauté conjugale, l'obligation d'entretien et la puissance paternelle doivent être réglées séparément pour le père et la mère : l'un d'eux a la garde de l'enfant, l'autre est tenu de verser une contribution d'entretien et peut prétendre au droit de visite (art. 156, 274, 3e al., 319, 324, 3e al., 325, 3e al., 326 CC).

Lorsque ni le père ni la mère n'a la garde de l'enfant, chacun d'eux est tenu à des contributions d'entretien et peut exercer le droit de visite. Ce qui importe ici, c'est donc la fonction matérielle et sociale du mariage en tant que communauté d'éducation pendant la minorité de l'enfant. C'est cette fonction qui caractérise la situation de l'enfant comme légitime ou illégitime au sens matériel ou social, tandis que la notion traditionnelle de légitimité ou d'illégitimité imprimée par l'état civil de la mère à l'époque de la naissance est plutôt de nature formelle.

Lorsque les parents se marient ultérieurement, la situation sociale de l'enfant correspond en tous points à celle d'un enfant né légitime. Par conséquent, le droit met l'enfant né avant le mariage des époux sur le même pied que l'enfant né pendant le mariage (art: 258, 263 CC). La légitimation par mariage subséquent èst l'expression juridique de cette légitimité au sens matériel.

C'est plus souvent l'inverse qui se produit: La communauté conjugale des parents se dissout pendant l'enfance ou la jeunesse des enfants. En perdant le foyer de ses parents, l'enfant légitime se voit réduit, du point dé vue matériel et social, à la situation de l'enfant illégitime. Les rapports des parents avec l'enfant ne suivent plus les règles qui régissent la communauté conjugale, mais doivent être réglés séparément, comme lorsqu'il s'agit d'un enfant né illégitime et demeuré tel, pour celui des parents qui conserve l'enfant avec lui et pour l'autre. Ce qui importe en premier lieu pour régler l'obligation d'entretien et la puissance paternelle, ce n'est donc pas que l'enfant soit né de parents mariés, mais plutôt qu'il soit élevé dans leur communauté.

Le droit en vigueur ne réalise il est vrai que partiellement cette idée.

Aujourd'hui, sur des points importants tels que la durée ou la possibilité et les effets d'une réglementation contractuelle ou
sa modification, l'obligation d'entretien du père d'un enfant illégitime est soumise à d?autres règles que celle des parents divorcés57', sans que l'on puisse trouver à cette solution de motifs objectifs convaincants. Il en va de même pour la puissance paternelle, qui revient de par la loi aux parents légitimes, mais qui n'est conférée aux parents illégitimes que par une décision expresse de l'autorité tutélaire, et qui ne peut être retirée aux premiers que sur la base d'un motif légal, mais aux seconds selon la libre appréciation de l'autorité compétente. Ces différences proviennent, en partie du moins, du fait que l'obligation d'entretien et la puissance paternelle sont réglées séparément pour la filiation légitime et pour la filiation illégitime.

Cela favorise la discrimination juridique de l'enfant illégitime et cache l'importance qu'il faut attribuer à la communauté des parents pour l'éducation de 6

« Hegnauer N7 ad art. 319, N9 s. ad art. 320 CC.

21

l'enfant. Voilà pourquoi la différence entre légitimité et illégitimité au sens traditionnel s'avère non seulement inutile dans le domaine, d'une importance vitale pour l'enfant, de l'entretien et de l'éducation, mais comme préjudiciable à une réglementation appropriée.

223.54 Résumé II ressort de ces considérations que la différence entre naissance légitime et illégitime demeure nécessaire, en raison de la présomption de légitimité, pour établir la filiation à l'égard du père, En revanche, le fait que les parents soient ou non mariés ne joue aucun rôle en ce qui concerne la reconnaissance juridique de la parenté et les effets juridiques qui en découlent.

Enfin, pour l'entretien et l'éducation de l'enfant, c'est l'existence du mariage des parents en tant que communauté d'éducation qui est déterminante.

L'opposition fondamentale actuelle entre filiation légitime et illégitime ne tient pas compte de cette distinction. L'actuel régime de la filiation unit ce qui est différent et sépare ce qui doit être uni.

224 Unité de la filiation

Le projet abandonne par conséquent la différence traditionnelle entre légitimité et illégitimité pour y substituer le principe de l'unité de la filiation, Ce nouveau système permet de tenir compte de l'importance du mariage d'après les différentes fonctions objectives qui lui incombent dans les diverses parties du droit de la filiation et d'écarter du même coup la discrimination juridique de l'enfant illégitime. -Cela nécessite toutefois une revision formelle totale du droit dé la filiation.

D'après le projet, le titre septième règle désormais Y établissement, et le titre huitième les effets de la filiation. Cette innovation aussi importante que profonde ne signifie nullement que l'on fasse bon marché de l'actuel droit de la filiation. Au contraire, c'est l'estime même que l'on doit à l'oeuvre d'Eugen Huber qui exige qu'on mette à la renouveler le même esprit ouvert et progressiste qu'il a mis à la créer.

Si le projet de revision prévoit aujourd'hui la renonciation à la différence entre légitimité et illégitimité et, partant, l'égalité de principe entre enfant légitime et enfant illégitime, il ne trahit pas l'esprit du CC, mais réalise un objectif que le législateur de 1907 avait déjà reconnu, mais qu'il n'était pas encore tout à fait en mesure d'atteindre à l'époque. La poursuite, et l'accomplissement dans l'esprit du législateur, d'un développement que le CC a considérablement favorisé, témoigne d'une plus grande fidélité à l'esprit de la codification suisse que le maintien, par pusillanimité, de positions surannées.

22 Le projet est d'ailleurs en harmonie avec le développement du droit à l'étranger. La Scandinavie (Norvège 1956, Danemark 1960, Suède 1969), certains Etats d'Amérique (Arizona 1956, Nord Dakota, Oregon 1963)58), divers Etats de l'Amérique du Sud50>, les démocraties populaires de l'Europe de l'Est à l'exception de l'Union soviétique (RDA 1965, Pologne 1964, Tchécoslovaquie 1963, Bulgarie 1968, Hongrie 1957), l'Angleterre et la NouvelleZélande (1969) ont déjà abandonné la différenciation générale entre légitimité et illégitimité. La République fédérale d'Allemagne (1969), l'Autriche (1970) et la France (1970-72) ont également revisé entièrement leur droit de la filiation, mais en maintenant les deux catégories formelles fondamentales de la filiation légitime et illégitime. Celles-ci ont été fortement rapprochées l'une de l'autre en Allemagne et en Autriche jusqu'à l'égalisation presque entière, en France avec quelques rares réserves seulement. On regrette d'autant plus le maintien d'un droit spécial de la filiation illégitime 60\ L'égalité de l'enfant illégitime et de l'enfant légitime sur le plan juridique constitue également l'objectif d'efforts entrepris sur le plan international.

Elle est postulée dans la Résolution 1787 (LÏV) du 18 mai 1973 du Conseil économique et social des Nations Unies, sous le titre «Etude des mesures discriminatoires contre les personnes nées hors mariage et projet de principes relatifs à l'égalité et à la non-discrimination à l'égard de ces personnes».

De même un comité d'experts a soumis le 13 novembre 1973 au Comité européen de Coopération juridique, à l'intention du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, un projet de Convention européenne sur le statut juridique des enfants nés hors mariage. Comme la Convention de Strasbourg sur l'adoption, de 1967, ce projet oblige les Etats contractants à assurer la conformité de leur législation avec certaines prescriptions fondamentales (art. 4 à 13) et en outre à prendre en considération certaines autres dispositions (art. 14 à 17) dans leur législation.

225 Revision totale, formelle et matérielle Le nouveau système du droit de la filiation, on l'a vu, exige que le titre septième sur la filiation légitime et le titre huitième sur la filiation illégitime soient revisés comme un tout. Cette revision formelle totale n'exclut
pas en soi que la revision matérielle se fasse point par point et se limite aux dispositions dont la modification a été reconnue comme urgente au cours des travaux préparatoires. Le résultat serait toutefois un raccommodage qui ne saurait donner satisfaction. Ici comme ailleurs, rien ne sert de verser le vin nouveau dans une vieille outre, ni de racommoder un vieux drap avec des chiffons 08

> De même le projet d'un Uniform Act on Legitimacy, cf. Siehr Farn. RZ 1972, 54; cf. également Krause, Kommende Entwicklungen im amerikanischen Unehelichenrecht, Farn. RZ 1969, 304.

> Cf. Krause, Bastards Abroad Foreign Approaches to Illegitimacy, American

5!)

Journal of Comparative Law, vol. 15, 728.

w Cf. Bechthold, Recht in Ost und West (Berlin 1971) 72; Kralik, Juristische Blätter (Vienne 1971) 273; Neuhaus, Farn. RZ 1972, 279.

23

neufs. La revision formelle totale conduit nécessairement à réexaminer matériellement l'ensemble du droit actuel. Il apparaît alors qu'à côté des dispositions qui ont fait l'objet de demandes expresses de revision, bien d'autres ont besoin d'être modifiées. Si les interventions touchent principalement des questions où" le droit en vigueur déploie des effets particulièrement choquants, la science et la jurisprudence ont relevé, dans la législation actuelle, bien des dispositions qui sont obscures, contradictoires ou incomplètes ou qui ne donnent pas satisfaction du point de vue matériel. Certes, ces dispositions n'auraient pas nécessité à elles seules une revision totale puisqu'une interprétation et un développement créateurs de la loi permettent d'atténuer ces défauts dans une large mesure. Si toutefois la revision formelle totale apparaît nécessaire pour d'autres motifs - pour réaliser en principe l'égalité entre l'enfant légitime et l'enfant illégitime - le législateur ne doit pas se soustraire à la tâche de modifier également ces dispositions.

Cette innovation matérielle profonde correspond aussi au rôle de la codification envisagée comme la réglementation étendue, aussi complète que possible, uniforme dans l'esprit et la technique, d'un domaine juridique61'.

Nombreuses sont, précisément dans le droit de la filiation, les règles qui ne ressortent plus des termes de la loi, mais qui reposent sur un travail scientifique et sur la jurisprudence. Leur codification pourrait contribuer pour une large part à renforcer le rôle de pilote et le caractère populaire du CCG3). On peut également attendre cet effet de la réalisation, qui correspond aux vues actuelles, des deux postulats visant une situation plus indépendante des enfants et l'égalité des sexes, postulats qu'avaient déjà admis les auteurs du CC63>.

Ce but sera plus facile à réaliser dans le cadre d'une revision totale.

C'est pourquoi, contrairement à la commission d'étude qui entendait limiter la revision aux modifications matérielles indispensables à court terme64), la commission d'experts propose - comme pour l'adoption -' une revision formelle et matérielle totale du droit de la filiation. Nous approuvons cette proposition et partageons ainsi l'avis exprimé par un gouvernement cantonal dans la consultation au sujet du rapport de la
commission d'étude, selon lequel une revision limitée à des points particuliers ne favoriserait pas la revision complète et fondamentale ultérieure, mais l'ajournerait indéfiniment65'.

Les législations étrangères se sont récemment engagées elles aussi dans la voie de la revision totale; l'Allemagne et l'Autriche l'ont cependant divisée en deux étapes en traitant d'abord la filiation illégitime, puis la filiation légitime; la France a traité d'abord la puissance paternelle, et ensuite la filiation.

61

> Cf. Liver, Berner Kommentar, Einleitungsband, N2 der Einleitung.

> Cf. à ce sujet Liver, op. cit., N138.

03 > Huber, Exposé des motifs I 87.

M > Rapport ï 6/7, n 1.

6E ) Cf. également Hausheer RJB 1973, 281.

62

24

.

-'

226 Structure du projet Si le projet donne un aspect nouveau au droit de la filiations il n'en demeure pas moins fidèle, quant au fond, aux idées fondamentales éprouvées de l'ancien droit. Les nouvelles dispositions s'appuient sur les anciennes et sont développées sur leur base. H en est ainsi de la forme comme du contenu.

Le titre septième sur l'établissement de la filiation se divise en quatre chapitres. Le premier, qui comprend les articles 252 à 254, est consacré aux dispositions générales. Il est nouveau et regroupe des prescriptions jusque là dispersées. Le chapitre n intitulé: «La paternité du mari» (art. 255-259), correspond à l'ancien chapitre sur la filiation légitime (art. 252-257 CC).

Le chapitre III «Reconnaissance et jugement en paternité» (art. 260-263) reprend des parties importantes de l'ancien titre huitième. Les dispositions de ces trois premiers chapitres se divisent en dix-huit articles (art. 252-263, dont six articles insérés, 256°, ",c, 260°, " etc). Suit le chapitre IV sur l'adoption qui comprend les articles 264 à 269e dans la teneur du 30 juin 1972. Le nouveau titre huitième sur les effets de la filiation comprend également quatre chapitres. Le premier, qui traite de la communauté entre parents et enfants (art. 270-275) correspond à l'actuel chapitre IV du titre septième (art. 270-272 CC). Le chapitre II, sur l'obligation d'entretien des père et mère (art. 276-295) est nouveau. Le chapitre sur l'autorité parentale est ajouté en troisième place (art. 296-317).

Le chapitre IV, relatif aux biens des enfants (art. 318-327) contient les dispositions des articles 290-301 CC relatifs aux droits d'administration et de jouissance des parents. Le titre huitième comprend un article inséré (art. 316").

La refonte du droit de la filiation exige en outre une revision des dispositions concernant l'obligation d'entretien des parents et le droit successoral, ainsi que l'adaptation de la loi sur la nationalité et de l'organisation judiciaire fédérale, du titre final et de la loi fédérale sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour. Il faudra en même temps modifier profondément l'ordonnance sur l'état civil. Il ne convient toutefois pas d'en dire ici davantage à ce sujet.

227 Terminologie II convient enfin de relever encore une innovation terminologique.

Ainsi qu'on
l'a exposé, la naissance légitime ou illégitime n'a plus d'importance que pour quelques rares questions. Lorsque tel est le cas, la définition de l'état de fait peut être modifiée. Il n'est certes plus possible de le faire en peu de mots. Cet inconvénient ne justifie toutefois pas de maintenir les anciens termes «légitime» et «illégitime». Le projet les abandonne, afin de se dégager ainsi, du moins dans le cadre de la réglementation juridique, de la différence lourde de projugés entre légitimité et illégitimité.

25 3 Partie spéciale: Commentaire du projet 31 De l'établissement de la filiation 311 Dispositions générales 311.1 L'établissement de la filiation en général (art. 252) L'article 252 du projet a pour modèle l'article 302 CC, en vertu duquel la filiation illégitime résulte, à l'égard de la mère, du seul fait de la naissance (1er al.), tandis qu'à l'égard du père, elle doit être établie par une reconnaissance ou un jugement (2e al.)- La première disposition a été adoptée principalement pour distinguer le système de celui du code civil français, qui exigeait également une reconnaissance expresse pour la filiation à l'égard de la mère (art. 334/335 ancienne teneur) et l'exige encore aujourd'hui sous une forme atténuée (art.

337, teneur de 1972). Le principe selon lequel, de par la loi, la filiation résulte à l'égard de la mère du seul fait de la naissance, s'applique donc également à la filiation légitime60). Il convient donc d'en exprimer la portée générale (art. 252, 1er al., du projet). Tout intéressé peut exiger la constatation d'une maternité litigieuse en demandant que l'inscription sur le registre de l'état civil soit rectifiée (art. 45 CC) ou, à défaut d'une telle inscription, par une action autonome67). Point n'est besoin pour cela d'une disposition spéciale.

Le second alinéa de l'article 302 CC indique les fondements de la paternité illégitime, qu'il règle ensuite dans les détails (art. 303-306, 307-323 CC).

L'article 252, 2e alinéa, du projet généralise également cette disposition en plaçant le principal fondement de l'établissement de la filiation à l'égard du père, à savoir le mariage de la mère, avant la reconnaissance et le jugement.

Enfin, l'article 252, 3e alinéa, du projet mentionne encore l'adoption comme fondement spécial de l'établissement de la filiation à l'égard de la mère et du père. Les fondements de l'établissement de la filiation, mentionnés aux 2e et 3e alinéas, sont exposés de façon plus détaillée aux chapitres sur la paternité du mari, sur la reconnaissance et le jugement en paternité et sur l'adoption.

311.2 Constatation et contestation de la filiation (art. 253, 254) 311.21 For Le code civil désigne le for de la contestation de la légitimation (art. 262, 2e al., CC)88) et de l'action en paternité (art. 312, 1er al., et 313 CC) mais non celui de la contestation de
la légitimité et de la reconnaissance69). La ««> ATF 41 II 425, 50 H 103 «« Cf. ATF 86 H 437,41 n 425,50II103 ; Aubert, Les actions de filiation, 40 s. ; Hegnauer N12, 24 ad art. 252, N24 ad art. 302 CC.

68 ) Cf. à ce sujet ATF 95 n 391 88 > Voir toutefois à ce sujet i'art. 108, Ordonnance sur l'état civil (OEC); Hegnauer N15adart. 306CC.

26 contestation de la légitimité est régie dans chaque canton par le droit cantonal, et entre cantons par l'article 8 de la loi fédérale sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour. Cette réglementation du for est insatisfaisante, impénétrable et controversée sur bien des points70'. Une réglementation uniforme du for pour toutes les actions en constatation ou en contestation de la filiation s'impose. Le projet part de la solution adoptée pour l'action en paternité, qui a généralement donné satisfaction, et qui laisse au demandeur le choix entre son domicile au temps de la naissance et le domicile du défendeur au temps de la demande (art. 312, 1er al., CC), mais il élargit ce choix en permettant d'intenter Faction devant le juge du domicile de l'une des parties au temps de la naissance ou de la demande (art. 253), La commission d'étude - suivant en cela une proposition des associations féminines - préconisait pour la mère suisse et pour son enfant l'introduction d'un autre for au lieu de la naissance71'. Cette proposition a cependant été rejetée par la plupart des participants à la procédure de consultation72'.

La solution du projet tient compte de la critique dirigée contre le droit en vigueur7"'. Le projet a également tenu compte de ces critiques en étendant considérablement les délais pour intenter action. Il n'y a pas lieu de craindre que le concours des deux fors donnés au cas où plusieurs demandeurs et défendeurs ont plusieurs domiciles suscite des difficultés. En effet, en vertu du droit fédéral, l'ouverture de l'action par l'un de ceux, qui sont légitimés à l'intenter constitue un for exclusif qui lie également les autres personnes ayant qualité pour agir74'. La disposition spéciale de l'article 313 CC concernant les parties domiciliées hors du pays devra être traitée en liaison avec la revision de la loi fédérale sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour75'.

311.22 Procédure Contrairement à la procédure du divorce, le CC ne contient pas de dispositions de procédure pour l'action en paternité, à l'exception de l'article 310, 2e alinéa. En vertu de cette prescription, les cantons ne peuvent établir, en matière de preuve dans les procès en paternité, de règles plus rigoureuses que celles de leur procédure ordinaire. De nos jours, cette interdiction va de soi et n'a pas besoin d'être répétée. En revanche, il y a lieu d'établir deux autres

"» Cf. Aubert 19 s.; .Hegnauer RDS 1965 II 44 s., N28 ad art. 253 CC et citations.

«> Rapport I 38 s; de môme Lalive RDS 1965 II 747 s., 946 s.

") De même Frank RDS J965 II 933, s.; Hegnauer RDS 1965 II HO s; Nehrwein, RSJ 1957, 180; Spitzer, Vor einer Teilrevision des Familienrechts, 163.

73 ' Cf. p. ex. RDT 1972, 147 n° 32: La mère était domiciliée à Londres au temps de la naissance et à Winterthour au temps de la demande.

Le domicile du père défendeur était inconnu. D'après l'article 312, 1er alinéa, CC, il n'y avait pas de for suisse, mais il y en aurait un selon l'article 253 du projet.

74 > ATF 50 I 394 s.; Guldener RDS 1961 II 30 s; Hegnauer N 25 ad art. 312/313 CC.

75 ' Cf. ch. 35 ci-après.

27

règles de procédure, qui sont indispensables pour assurer l'application dû droit privé fédéral dans ce domaine. La première concerne la maxime d'office, La jurisprudence a déjà reconnu dans celle-ci une norme du droit fédéral7S>.

L'article 254, chiffre 1, du projet codifie cette règle en disposant que le juge examine d'office l'état de fait et apprécie librement les preuves. Ainsi, les déclarations de parties telles que serment ou promesse solennelle, ne lient plus le juge77). Cette disposition est formulée sur le modèle des articles 36,1er alinéa, et 40 de la loi sur la procédure civile fédérale. La reconnaissance lors de l'action en paternité prévue par l'article 260, 3e alinéa, du projet demeure réservée.

La seconde règle de procédure du projet concerne l'expertise sur la filiation.

Les sciences naturelles mettent à disposition, sous la forme des expertises hérédo-biologiques et médicales, des moyens susceptibles d'établir dans un nombre élevé et sans cesse croissant de cas, la paternité d'un homme ou de l'exclure avec certitude ou du moins avec une grande probabilité 78\ L'expertise scientifique occupe donc une place centrale dans l'actuel comme dans le futur procès en filiation79). Par conséquent, selon la jurisprudence, chaque partie a droit, conformément à l'article 8 CC, à ce que soit effectuée toute enquête susceptible, compte tenu de l'état actuel de la science, d'établir la filiation avec une certitude suffisante80). Ces enquêtes nécessitent toutefois pour une part la coopération personnelle des parties et des témoins et, selon les circonstances, de parents. Il en est notamment ainsi pour l'expertise sérologique ou fondée sur l'examen comparatif des sangs ainsi que pour l'expertise morphologique, anthropologique ou celle qui se fonde sur la ressemblance. La première repose sur l'examen de prélèvements sanguins, la seconde sur celui d'un grand nombre de caractéristiques morphologiques des personnes concernées. En général, celles-ci se prêtent volontairement aux examens. Il arrive cependant que l'une d'elles refuse son concours. Ainsi, l'expertise est vouée à l'échec, ou sa force probante est fortement restreinte. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'obligation de prêter son concours ne peut, en tout cas en ce qui concerne le prélèvement sanguin, être déduite de l'obligation
de déposer et de témoigner. Il s'agit plutôt ici d'une atteinte à la liberté personnelle qui doit être prévue expressément dans la législation cantonale81'. Cette juris-

76

> ATF 85 U 174 s, 95 II 295; Guldener, Das schweizerische Zivilprozessrecht (2e éd.

1958) 147; Begnauer N32 ad art. 253, N14 ad art. 323 CC; Walder, Offizialmaxime (Zurich 1973) I l s .

"> Cf. Hegnauer, N31 ad art. 310 CC '8> Cf. Hegnauer N99-217 ad art. 314/315, N28-75 ad art. 254 CC 79) Cf. Hegnauer, Rechtsnorm und naturwissenschaftliche Erkenntnisse in ihrer Bedeutung für die Feststellung der ausserehetichen Vaterschaft, Festgabe für Fritz Schwarz (Berne 1968) 56 s.

*°> ATF 90 II 222, 91 II 162 *» ATF 82 I 234, 82 II 510, 86 II 312, 89 I 98, 90 I 110, 99 II 412

28

'

.

prudence présente une certaine contradiction avec le droit à l'exécution de ces examens que prévoit la législation fédérale. Aussi les auteurs et la jurisprudence cantonale l'ont-ils critiquée82)\ U n'existe cependant aucun indice que le Tribunal fédéral s'en écarte. Depuis lors, une série de cantons ont édicté des dispositions qui prescrivent le concours à de tels examens 83>. Mais ce n'est pas, et de loin, le cas de tous les cantons. En outre, les prescriptions cantonales édictées jusqu'ici présentent des différences notables dans la définition des conditions personnelles et matérielles et des sanction84).. L'établissement d'une filiation contre la volonté de l'intéressé ne paraît toutefois justifié que si la descendance est établie avec le maximum de sûreté. Pour cela, les expertises scientifiques sont indispensables. Vu leur importance cruciale, il paraît insoutenable que, suivant les cantons, tantôt une partie, tantôt un tiers, puisse refuser son concours à ces examens, que ce soit d'une façon générale ou pour des motifs déterminés. Il faut absolument, pour que le droit privé fédéral puisse s'appliquer, que cette matière soit réglée de façonuniforme 85).. L'article 254, chiffre 2, du projet prévoit par conséquent que les parties et les tiers sont tenus de prêter leur concours aux expertises nécessaires à élucider la filiation et qui peuvent raisonnablement être exigées d'eux, eu égard à leur santé. Sont des tiers au sens de cette disposition les personnes dont la paternité est en cause, mais aussi les parents du sang lorsque les personnes concernées directement sont décédées ou que l'expertise n'a pas été concluante à leur sujet. Il n'y a aucune raison de leur permettre de refuser leur concours en s'appuyant sur le droit de refuser le témoignage. En effet, contrairement au témoignage, il s'agit ici d'établir objectivement un état de fait qui ne peut être influencé en aucune manière par la relation subjective avec la partie en cause. Il n'est pas nécessaire de prévoir une disposition spéciale concernant les conséquences d'un refus illicite. Le juge l'apprécie selon l'article 254, chiffre 1, dprojet 86).'. Entrent en outre en considération lés peines pour insubordination de la procédure civile et de l'article 292 du code pénal, ainsi que les dommages-intérêts prévus aux articles 41 s. du code des obligations. Par contre, la contrainte corporelle, telle qu'elle est prévue à Lucerne par exemple, doit être écar87). 7 ) .

8

» Cf. Grossen RDS 1960 n 66 a s.; Guldener ZPR 357 et RDS 1961 II 48 N112; Hegnauer RDS 1965 n 117 et N18 cit., N168 s. ad art. 314/315 CC; Huber RJB 1964, 403; Kummer, Berner Kommentar, N83 ad art. 8 CC; Lalive RDS 1965 II 702 s.; Merz RJB 1961, 369; Strebe! RSJ 1959, 65; Voyame RDS 1961 II 160 s.

83) Berne PC 264bis, Lucerne185biss et 185ter, Obwald 176, Nidwald 185, Zou181bis,s, Soleure 235, Baie-Ville 155a, Baie-Campagne 149a, Schaffhouse 283-286, Appenzell R.I. 199 a, Saint-Gal252bis,^, Vaud 232/233, Val250bis,Neuchâtelt251bis.251TM.

84 > Cf. Hegnauer RDS 1965 II 119 N37, RSJ 1971, 345 n° 160 85) Cf. au sujet de la constitutionnalité, Eichenberger RDS 1969II490, 512 et citations.

86) Cf. à. ce sujet art. 40 de la loi sur la procédure civile fédérale; cf. également RDT 1972, 142 n° 29 87) Cf. Grossen RDS 1960, 66a/67a; du même auteur, Schweiz. Privatrecht II 362; Hegnauer RDS 1965 II 119 N37.

29 312 La paternité du mari 312.1 Présomption (art. 255) Dans l'établissement de la filiation à l'égard du père, une différence essentielle entre l'enfant légitime et l'enfant illégitime est irréductible: l'enfant légitime a d'emblée un père dans la personne du mari- de la mère, tandis que l'enfant illégitime doit d'abord chercher son père.

La nature du mariage, communauté de vie étendue et exclusive entre mari et femme, justifie la présomption selon laquelle le mari est le père de l'enfant né de sa femme : «Pater est quem nuptiae demonstrant». L'article 255,1er alinéa, du projet, reprend la définition de la présomption de paternité de l'article 252, 1er alinéa, CC. Le texte allemand est adapté au texte français, qui substitue au terme «légitime» une définition claire et pertinente. D'après l'article 252, 2° alinéa, CC, l'enfant né après les trois cents jours qui suivent la dissolution du mariage n'est pas présumé légitime. Il arrive cependant qu'une grossesse dure plus de trois cents jours. Il est donc possible qu'un enfant conçu pendant le mariage ne naisse qu'après les trois cents jours qui suivent sa dissolution!

Selon la doctrine, dans un tel cas également, le mari est réputé être le père de l'enfant à condition qu'il soit établi que l'enfant a été conçu avant la dissolution du mariageS8). L'article 255, 2e alinéa, du projet a repris cette règle.

Lorsque le mari est déclaré absent, la cessation de la présomption est controversée. Certains sont d'avis que le délai de trois cents jours commence à courir le jour où prend effet la déclaration d'absence prévue à l'article 38, 2e alinéa, CCS9), tandis que d'autres estiment que la présomption ne cesse que lorsque le mariage est dissous conformément à l'article 102, 2e alinéa, CC90).

Suivant la seconde opinion, à vrai dire peu convaincante, le Tribunal fédéral des assurances a alloué à un enfant né en 1948 une demi-rente d'orphelin du fait que le mari, disparu pendant la guerre, avait été déclaré absent en 1952 avec effet rétroactif au 5 février 1945, mais que le mariage de la mère n'était pas dissous91). Il paraît donc opportun de préciser expressément dans la loi que lorsque le mari a été déclaré absent, le délai de trois cents jours court à partir du danger de mort ou des dernières nouvelles (art. 255, 3e al., du projet)93'.

312.2 Désaveu
(art. 256~256C) 312.21 Qualité pour agir Comme jusqu'ici, le droit d'attaquer une présomption erronée appartient en premier lieu au mari (art. 256,1er al., chiffre 1, du projet). Il convient cependant de codifier aussi le droit de l'enfant à intenter action, conformément à la *w Cf. HegDauer N25, 25 a et b ad art. 252 CC et citations.

9

* > Aubert, Les actions de filiation, 205; Hegnauer N20 ad art. 252 CC 90 > Egger N3 ad art. 102 C.C.; Silbernagel N4 ad art. 252 CC 91

> ATFA 1953, 226 > De même art. 315 CCfr dans la teneur de 1972.

82

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proposition de la commission d'étude93'. La pratique et la doctrine ont reconnu ce droit. Le Tribunal fédéral a fait de même lorsque le mari de la mère laisse passer le délai sans intenter action et que la mère, après la dissolution du mariage avec cet homme, épouse le père de l'enfant94). On ne saurait toutefois généraliser les conditions du cas d'espèce95'. Il paraît en revanche justifié de ne reconnaître la qualité pour agir à l'enfant que lorsque le mariage de ses parents n'est plus intact. C'est pourquoi l'article 256, 1er alinéa, chiffre 2, du projet fait dépendre cette qualité du fait que la vie commune des époux ait été suspendue alors qu'il était mineur96'. Une suspension provisoire de la vie commune ne saurait toutefois être une condition suffisante. La qualité pour agir est un droit strictement personnel, que l'enfant capable de discernement exerce lui-même. L'opinion selon laquelle le mineur ne peut intenter action sans le concours de l'autorité tutélaire97' est incompatible avec l'article 19, 2e alinéa, CC. Il y a cependant lieu d'être très exigeant en ce qui concerne la capacité de discernement. Lorsque l'enfant est incapable de discernement, ni son père légal ni sa mère, comme détenteur de l'autorité parentale, ne peuvent agir à sa place à cause de l'opposition d'intérêts. Il faut plutôt lui nommer un curateur, conformément à l'article 392, chiffre 2, CC, qu'il soit demandeur ou défendeur98'.

Après des délibérations approfondies, la commission d'experts a rejeté la qualité pour agir de la mère. Nous nous rangeons à cette opinion. La mère n'a pas, à côté du mari et de l'enfant, d'intérêt digne de protection à intenter l'action. L'intérêt de l'enfant incapable de discernement à intenter l'action doit être sauvegardé par l'autorité tutélaire99'. La mère peut proposer qu'un curateur soit nommé à l'enfant pour intenter l'action. Si, à tort, l'autorité nie l'intérêt de l'enfant à l'action, la mère peut recourir contre cette décision pour sauvegarder les intérêts de l'enfant, conformément à l'article 420 CC. La mère ne peut, par contre, attaquer la légitimité en son propre nom parce qu'elle juge l'intérêt de l'enfant autrement que les autorités tutélaires. A plus forte raison le père de l'enfant n'a-t-il pas qualité pour agir.

La qualité pour défendre est réglée comme jusqu'ici, à l'article 256, 2e alinéa, du projet, et complétée uniquement en ce qui concerne l'action de l'enfant.

9ii

' Cf. Hegnauer N 8 ad art. 253 CC et citations.

34) ATF 88 II 477 95 > Cf à ce sujet Tribunal cantonal de Zurich, Blätter für zürcherische Rechtsprechung (ZR) 1972 n° 89 c. 5, 6; RSJ 1973, 123 c. 5, 6; RSJ 1973, 91 n» 56 c. 9 »<»> Cf. Guggenheim RDS 1965 II 915; Hegnauer RDS 1965 II 42 '·"' ATF 88 n 485 98 ' Cf. Hegnauer Nil, 16 ad art. 253 CC 8!)

> ATF 88 II 485; ZR 1972 n° 89 c. 6; cf. aussi Aubert, Les actions de filiation, 172

31 La qualité pour agir du mari et de l'enfant est soumise à l'interdiction générale de l'abus de droit (art. 2, 2« al., CC). Il y aurait lieu, par exemple, de la dénier à l'enfant qui, sachant que le mari n'est pas son père, se fait offrir par lui des études ou un établissement. Une disposition spéciale avait d'abord été envisagée, mais elle n'est pas nécessaire et pourrait au contraire nuire à la souplesse dans l'application du droit. Il en va autrement lorsque le mari a consenti à la conception par le fait d'un tiers. La plupart des auteurs admettent il est vrai qu'il y a là également abus de droit100>. Néanmoins, la question n'est pas tout à fait claire en ce qui concerne l'article 20 du code des obligations et l'article 27 CC. Comme son importance pratique croîtra avec la diffusion de l'insémination artificielle par le sperme d'un tiers (insémination hétérologue) 101> il paraît indiqué de la trancher dans la loi. Cela répond aussi à la fonction transitoire de l'article 2 CC102>. Aussi le projet dénie-t-il la qualité d'agir au mari qui a consenti à la conception par le fait d'un tiers (art. 256, 3e al).

312.22 Moyen Les articles 254/255 CC graduent le fardeau de la preuve selon que la conception a eu lieu pendant le mariage, avant le mariage, ou pendant la séparation judiciaire. Le projet reprend cette réglementation, qu'il précise cependant sur divers points (art. 256a/2566).

L'indécision subsiste actuellement quant à savoir si c'est le temps de la naissance avant ou depuis le cent quatre-vingtième jour après la conclusion du mariage, conformément au texte même de la loi ou, selon les marginales (qui ont également force de loi), la conception avant ou pendant le mariage qui détermine si l'on a à faire à l'action en désaveu stricte (art. 254 CC) ou à l'action simplifiée (art. 255 CC). D'après la doctrine, c'est la conception qui est déterminante et la naissance avant ou après le cent quatre-vingtième jour après la conclusion du mariage ne fait que fonder la présomption (contestable) selon laquelle l'enfant est né dans le premier cas avant le mariage, et dans le second pendant le mariage103'. Le projet adapte le texte des articles 256°, 1er alinéa, 2560, 1er alinéa, aux marginales et établit en outre à l'article 256«, 2e alinéa, la présomption selon laquelle l'enfant né cent quatre-vingt jours
au moins après la célébration du mariage ou dans les trois cents jours après sa dissolution est présumé avoir été conçu pendant le mariage. Cela permet également de trancher les cas où l'on ne sait si l'enfant a été conçu encore avant ou seulement après la dissolution du mariage104).

M») Cf. Merz, Berner Kommentar, N435 ad art. 2 CC; Hegnauer N 6 ad art. 257 CC et citations.

101 > Cf. Law and Ethics of A.I.D and Embryo Transfer, Ciba Foundation Symposium 17, Amsterdam 1973, 4.

10 => Cf. Merz N42 ad ari. 2 CC ws) Cf. Hegnauer N3 s. ad art. 254, N4 ad art. 255 CC et citations.

104 > Cf. Hegnauer N 5 et 6 ad art. 254 CC

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Lorsque l'enfant a été conçu pendant le mariage, il faut prouver actuellement que le mari ne saurait en être le père (art. 254 CC). Sur la base des expériences faites avec les expertises scientifiques sur la filiation, il suffit cependant de prouver dans ce cas, comme dans d'autres où la filiation est contestée, que l'homme en question - en l'occurence le mari - n'est pas le père de l'enfant (art. 256°, 1er al., du projet).

L'action en désaveu simplifiée, qui intervient aujourd'hui lorsque l'enfant a été conçu avant le mariage ou pendant la séparation judiciaire (art. 255,1er al., CC), est étendue au cas où l'enfant est conçu après la dissolution du mariage, mais né avant l'expiration des trois cent jours qui ont suivi, ainsi qu'au cas plus fréquent dans lequel l'enfant naît pendant la suspension de la vie commune selon l'article 170, 1er alinéa, ou l'article 145 CC105>. Dans cette situation également, le fondement effectif de la présomption est beaucoup plus faible que pendant la vie commune des époux. Ceci vaut indépendamment d'une décision du juge sur la suspension de la vie commune. L'expérience montre en effet que d'une part les décisions ne sont pas toujours exécutées et d'autre part il est plus fréquent que les époux, chacun de son propre chef ou d'un commun accord, abandonnent la vie commune sans en référer au juge. Comme jusqu'ici, l'allégement consiste dans le fait que le demandeur n'a pas à motiver davantage sa demande. Si le défendeur rend vraisemblable que le mari a cohabité avec sa femme à l'époque de la conception (art. 2566, 2e al., du projet), la présomption de la paternité du mari renaît et ne peut plus alors, conformément à l'article 256", 1er alinéa, du projet être écartée qu'en prouvant que le mari n'est pas le père.

312.23 Délai Le délai pour intenter action est actuellement de trois mois à partir du jour où le mari a connu la naissance (art. 253 CC). Il peut être restitué si le demandeur établit qu'il a été induit frauduleusement soit à reconnaître l'enfant, soit à ne pas le désavouer; le nouveau délai est alors de trois mois à compter de la découverte de la fraude (art. 257, 1er et 2e al., CC). En outre, l'action peut encore être intentée après l'expiration du délai lorsque de justes motifs rendent le retard excusable (art, 257, 3e al., CC). Le délai ordinaire de trois
mois depuis la connaissance de la naissance ne peut s'appliquer directement à la qualité pour agir de l'enfant. Souvent, il s'avère aussi trop court pour le mari. Celui-ci doit être au clair non seulement sur la question de sa paternité, mais encore sur les effets que pourront avoir sur son mariage et sur ses relations avec l'enfant l'adultère de sa femme et le fait que l'enfant a été conçu avant le mariage des oeuvres d'un autre homme. Il lui faut mûrement réfléchir pour décider comment il voudra et pourra réagir. Il paraît raisonnable de lui accorder pour ce faire un délai d'une année 10G>.

100)

Cf. à ce sujet Bühler A., Ehelrcimuug und Aufhebung des gemeinsamen Haushaltes (thèse Zurich 1969) 50 s., avec références au droit français et néerlandais.

10« BGB n.v.§ 1594, 1er al.: deux ans.

33 La durée insuffisante du délai n'est toutefois pas le seul point critique; le fait que le délai coure du jour où le mari a connu la naissance, sans égard aux raisons qu'il peut avoir ou non d'intenter action, est tout aussi insatisfaisant. Comme celui que prévoit l'article 31 du code des obligations pour faire valoir un vice de volonté, le délai ne peut courir que du jour où le mari connaît non seulement la naissance, mais aussi le fait qu'il n'est pas le père, ou qu'un tiers a cohabité avec la mère à l'époque de la conception107>. D'autre part l'intérêt du mari à la contestation est d'autant moins digne de protection que l'enfant est plus âgé. Il convient de tenir compte de cette circonstance en fixant une limite absolue au délai pour agir du mari. Comme pour les délais prévus aux articles 137, 2e alinéa, et 138, 2e alinéa, CC, pour la péremption de l'action en divorce, il devrait être fixé à cinq ans à compter de la naissance (art. 256e, 1er al., du projet) i0V.

Quant à l'action de l'enfant, le Tribunal fédéral a admis avec des motifs pertinents que, pendant sa minorité en tout cas, elle n'était soumise à aucune prescription 109>. Le projet adopte cette solution. Par conséquent, le délai pour agir court jusqu'à la fin de l'année après que l'enfant est devenu majeur (art. 256e, 2e al.)110'. Comme on l'a déjà exposé, l'action peut cependant déjà être intentée avant la majorité de l'enfant par un curateur tant que l'enfant est incapable de discernement, et plus tard par l'enfant lui-même.

Il paraît enfin opportun de prévoir à l'article 256e, 3e alinéa, une restitution du délai pour de justes motifs. Pour le mari, mais aussi pour l'enfant, les intérêts en jeu sont si considérables que la contestation ne doit pas échouer du fait que le délai n'a pas été observé pour des motifs excusables, par exemple en raison des complications du droit international m>. Le délai absolu comme le délai relatif sont susceptibles de restitution.

312.3 Double présomption (art. 257) II peut arriver que la présomption de paternité touche deux maris de la mère. Cela peut tenir au fait que l'officier d'état civil n'a pas, lors du mariage, pris garde au fait qu'il existait déjà un premier mariage non dissous, ou qu'il a mal calculé le délai d'attente de l'article 103 CC, ou que le juge a réduit à tort le délai d'attente,
ou encore que le droit du pays où le mariage a été conclu ne connaît pas de délai d'attente pour la femme, ou seulement un court délai. Selon l'actuelle pratique d'enregistrement à l'état civil, la présomption du second mariage prévaut 112>. Cette pratique, qui concerne uniquement w) BGB n.v. § 1594, 2e al.: depuis qu'il connaît les circonstances qui plaident pour l'illégitimité de l'enfant.

108 > BGB n.v. § 1594, 3" al. : dix ans.

109) ATF 88 n 490 Si> c 6 «<» BGB n.v. § 1598: deux ans depuis la majorité.

u » Cf. à ce sujet RSJ 1969, 374: Action en contestation d'un «enfant» de 30 ans.

I13 > Cf. Hegnauer N27 ad art. 252 CC et citations.

Feuille fédérale, 126S année. Vol. n.

3

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l'inscription, ne parvient pas à écarter la présomption qui, de par la loi, concerne également le premier mariage. Il convient donc de spécifier dans la loi que la seconde présomption prévaut (art. 257 du projet). Cette priorité se fonde sur l'expérience selon laquelle la mère entretient ordinairement à l'époque de la conception des relations plus étroites avec le second mari. Elle assure en outre l'unité de la nouvelle famille113). Par contre, la solution que l'on préconise parfois, et selon laquelle l'enfant né dans les cent quatre-vingt jours qui suivent la conclusion du second mariage est réputé être celui du premier mari, et celui qui est né plus tard celui du second114) paraît peu réaliste et peu pratique116*.

312.4 Droit des héritiers (art. 258) D'après l'article 256, 1er alinéa, CC, les héritiers .peuvent intenter l'action en désaveu lorsque le mari est mort ou devenu incapable de discernement avant la fin du délai de désaveu, lorsque son domicile est inconnu ou lorsque, pour toute autre cause, il n'a pas pu être avisé de la naissance. Ce droit subsidiaire des héritiers est problématique. En introduisant l'action en désaveu, ils sauvegardent des intérêts successoraux, c'est-à-dire patrimoniaux, mais détruisent l'ensemble des rapports de droit de la famille entre l'enfant et le mari de la mère. Cela va à rencontre de la nature strictement personnelle de l'action en désaveu. Il est raisonnablement tenu compte des intérêts patrimoniaux des héritiers s'ils peuvent contester les droits aux aliments et les droits successoraux de l'enfant en prouvant qu'il n'est pas celui du mari (art. 258, 1er alinéa, du projet)116>. Par ailleurs la filiation ne doit pas être touchée. Comme jusqu'ici, ce droit restreint ne doit revenir aux héritiers que lorsque, pour des motifs objectifs, le mari n'a pu attaquer la présomption de sa paternité avant la fin du délai pour intenter action. Conformément à l'interprétation actuelle, il est expressément limité aux parents, et ne s'applique donc pas à la mère de l'enfant 117>. Comme il ne peut s'exercer que lorsque les droits aux aliments ou les droits successoraux d'un enfant sont en jeu, il ne paraît pas nécessaire de fixer un délai. Il convient par contre de spécifier que les héritiers qui exercent leur droit et obtiennent gain de cause perdent leurs propres droits
aux aliments et droits successoraux à l'égard de l'enfant (art. 258, 2e al., du projet).

Outre le droit subsidiaire des héritiers d'intenter l'action en désaveu, l'article 256, 2e alinéa, CC, prévoit un tel droit pour l'autorité compétente du canton d'origine. Ce droit n'a été introduit qu'au cours des débats parlementaires et non sans une vive résistancells); il visait à empêcher que lls

> Cette solutione correspond au droit étranger le plus récent: BGB n. v. 1600, 1er al., ABGB 138, 2 al.; Pologne, loi sur la famille 42, Tchécoslovaquie 42, Hongrie 35.

114 > Spahn, Doppelte Ehelichkeit (thèse Zurich 1970) 162 115 > Cf. Schönfeld Farn RZ 1971, 51 u<» Cf. DDR, Familiengesetzbuch § 61, 2e al.

u?) ATF 44 II 224; Aubert, Les actions de filiation, 172' 118 > Bull. sten. 15/1905 Conseil des Etats 1162-64

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certaines communes ne poussent déloyalement leurs ressortissantes devenues enceintes hors du mariage à épouser des citoyens d'autres communes afin de s'épargner des charges d'assistance. Le désaveu ne se prête toutefois pas à cette fin. En effet, l'enfant déclaré illégitime acquiert le droit de cité de la femme à l'époque de sa naissance (art. 324, 1er al., CC). Ils'agit cependant du droit de cité du mari, que la mère a acquis par le mariage (art. 161, 1er al., CC). Cette disposition est un contre-sens législatif119' et doit donc être biffée.

312.5 Mariage des parents (art. 259) Aux termes de l'article 258 CC, l'enfant né hors mariage est légitimé de plein droit par le mariage de ses père et mère. Cette disposition s'appuie sur l'article 54, 5e alinéa, de la constitution fédérale: «Les enfants nés avant le mariage sont légitimés par le mariage subséquent de leurs parents». Selon l'article 263 CC, l'enfant légitimé et ses descendants légitimes ont les mêmes droits, envers ses père et mère et leur parenté, que s'il était né du mariage.

Ainsi, de par sa nature, la légitimation concerne les -effets de la filiation: les rapports de l'enfant avec ses père et mère et leurs parents ne sont plus soumis aux dispositions sur la filiation illégitime, mais ce sont les dispositions sur la filiation légitime qui sont applicables. La légitimation n'a donc de sens et de substance que s'il existe une différence entre la situation juridique de l'enfant légitime et celle de l'enfant illégitime.

Le projet abandonne toutefois la différence essentielle et étendue qui existe entre filiation légitime et filiation illégitime. Seuls le nom de famille et le droit de cité, ainsi que l'obligation d'entretien et l'autorité parentale sont réglés différemment suivant que les parents sont mariés ou non. Dans cette mesure, sous le nouveau droit également, le mariage des parents a encore une certaine importance pour l'enfant. Cela ressort de l'article 259 du projet aux termes duquel, en cas de mariage des parents, les dispositions relatives à l'enfant né pendant le mariage sont applicables par analogie120'. Elles s'appliquent en ce qui- concerne le nom de famille et le droit de cité, l'obligation d'entretien et l'autorité parentale. Ainsi, le nouveau droit correspond également à l'article 54, 5e alinéa, de la constitution fédérale.
La légitimation ne touche pas en principe le fondement de la filiation à l'égard du père. Elle ne fait pas du mari de la mère le père de l'enfant. Comme pour tout enfant illégitime, la filiation doit être établie par un acte spécial, qui peut consister selon le droit actuel soit dans la reconnaissance, soit dans la déclaration de paternité avec effets d'état civil (art. 303, 323 CC). L'article 259 CC prévoit en outre la forme spéciale de la déclaration des enfants communs par les époux ou les fiancés à l'officier d'état civil. La nature juridique de cette déclaration est confuse. D'après l'article 259, 2e al., CC, les enfants lls

> Aubert, Les actions de filiation, 168 s.; Hegnauer N12 ad art. 256 CC; Lalive RDS 1965 II 800 120 > Cf. à ce sujet le projet de Convention européenne, art. 13

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sont légitimés même sans déclaration. Selon cette disposition, la déclaration n'aurait pas d'effet constitutif. Cependant, à défaut d'une reconnaissance ou d'un jugement, la légitimation ne peut être enregistrée ni alléguée que sur la base d'une telle déclaration. Celle-ci a donc tout de même un effet constitutif.

Par conséquent, le délai pour contester la légitimation court aussi du moment où le demandeur a eu connaissance de l'enregistrement121'. De même, le délit de falsification d'état civil prévu à l'article 216 du code pénal n'est réalisé que si son auteur a obtenu une inscription fausse122'. La situation est confuse en outre en ce qui concerne la contestation d'une légitimation lorsque le père a déjà reconnu l'enfant avant le mariage123). Les problèmes que suscite la déclaration plaident contre son maintien. Elle n'est d'ailleurs pas non plus indispensable, à côté de la reconnaissance, comme forme spéciale du fondement de la filiation à l'égard du père124'. S'il y a reconnaissance du père ou jugement en paternité au moment du mariage, l'enfant est mis d'emblée sur le même pied que celui de parents mariés. Par contre, si la filiation à l'égard du père n'existe pas encore, le mari peut, sans plus, reconnaître encore l'enfant. La forme de cette reconnaissance diffère fort peu de celle de la déclaration125'. Si le mari est décédé ou s'il refuse de reconnaître l'enfant, la constatation de la filiation à l'égard du père peut être demandée dans l'action en paternité. C'est pourquoi l'article 259 du projet permet l'application des dispositions relatives à l'enfant né pendant le mariage, dès que la paternité du mari est constatée par une reconnaissance ou un jugement. L'une et l'autre, comme jusqu'icim), portent effet rétroactif jusqu'au moment de la naissance et par conséquent aussi à l'époque ultérieure du mariage. Ainsi, dans cette situation également, les avantages de la légitimation demeurent acquis à l'enfant.

Outre la légitimation par mariage subséquent des parents, le droit actuel prévoit la légitimation par le juge (art. 260 CC) lorsque les parents d'un enfant se sont promis le mariage et que celui-ci est devenu impossible du fait que l'un des fiancés est décédé ou devenu incapable de contracter mariage. D'après le projet, la légitimation par le juge ne modifierait toutefois pas la condition
de l'enfant. En ce qui concerne le nom de famille et le droit de cité, les règles prévues pour les enfants de parents non mariés sont applicables. L'enfant peut

13« Hegnauer N15 ad art. 262 CC i«2) ATF 84 IV 18, 90 IV 26 s.

ias> Cf. à ce sujet Aubert, Les actions de filiation, 149; Hegnauer N 7 in fine ad art. 262, N26a ad art. 306 CC i*« Le CC l'a reprise de la loi fédérale du 24 décembre 1874 concernant l'état civil, la tenue des registres qui s'y rapportent et le mariage. Cette loi devait prévoir une forme spéciale, car c'était alors le droit cantonal qui réglait l'établissement de la filiation à l'égard du père illégitime.

12« Cf. art. 98, 3e et 4e al., 100; art. 104, 1" et 2« al., 105 OEC 12«) Hegnauer N i l ad art. 303, N19 ad art. 323 CC

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. alors acquérir éventuellement le nom et le droit de cité du père127). Les mêmes règles s'appliquent également à l'obligation d'entretien et à l'autorité parentale, tout comme la situation sociale de l'enfant légitimé par le juge se caractérise par le fait qu'il n'est pas élevé dans la communauté de ses père et mère. Sous tous les autres rapports, en revanche, l'enfant légitimé devrait être mis sur le même pied que l'enfant légitime, comme tout autre enfant illégitime dont le père est reconnu. Dans le système du projet, la légitimation judiciaire est par conséquent vidée de toute substance et devient superflue. C'est pour améliorer le statut juridique de l'enfant né de fiancés qu'elle a été insérée dans la loi, et non pour distinguer la grossesse de la fiancée d'une grossesse illégitime ordinaire, puisque la promesse de mariage ne précède pas nécessairement la cohabitation>as). Si le fait que les parents envisageaient le mariage mais que, contre leur volonté, il n'a pu être conclu, présente pour les intéressés une certaine signification affective, ce n'est pas le rôle de la loi que de donner à celle-ci une expression juridique qui n'aurait pas d'effets de droit matériel, mais reviendrait uniquement à une appréciation morale de la légitimité et de l'illégitimité, alors que la revision tend précisément à écarter cette différenciation. Cela ne-diminue en rien l'importance des fiançailles. En effet selon l'idée du législateur, les relations sexuelles ne font pas partie inhérente de cette institution.

La légitimation judiciaire ne facilite pas non plus l'établissement de la filiation à l'égard du père à un point qui en justifie le maintien. S'il n'y a ni reconnaissance ni jugement en paternité, le juge doit rechercher d'office s'il y a paternité. Si les héritiers du fiancé s'opposent à la légitimation, la procédure non contentieuse se transforme en un procès au cours duquel la paternité doit être jugée essentiellement d'après les règles des articles 314 et 315 CC129>.

Le projet n'amoindrit pas les chances qu'a l'enfant d'établir sa filiation à l'égard du père par le moyen de la reconnaissance ou de l'action en paternité.

Ajoutons que la légitimation judiciaire n'a guère d'importance pratique.

Les 98 principaux offices d'état civil n'ont annoncé que six cas pour les années 1968 à 1970.

313 Reconnaissance et jugement en paternité

Si la mère n'est pas mariée au temps de la naissance ou si la présomption de paternité est écartée ensuite d'une action en contestation, la filiation à l'égard du père ne peut s'établir que par un acte juridique spécial, que ce soit par la reconnaissance volontaire du père (art. 303-306 CC) ou, contre sa volonté, par jugement (art. 307-323 CC). Le projet maintient en principe cette réglementation.

127

> Cf. art. 271, 3e al. du projet.

"»' Cf. Hegnauer N 7 ad art. 260/261, N30-36 ad art. 323 CC i2»> Cf. Hegnauer N25/26 ad art. 260/261 CC; cf. cependant, en ce qui concerne le recours en réforme au Tribunal fédéral, ATF 91 II 141

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313.1 Reconnaissance (art. 260-260c) 313.11 Conditions et forme La reconnaissance n'est admise que lorsqu'il n'y a pas encore de rapport de filiation à l'égard du père. L'article 260, 1er alinéa, du projet fixe expressément ce principe, reconnu par la jurisprudence et la doctrine 130). Il n'est pas nécessaire que l'enfant remplisse d'autres conditions. Le projet renonce en particulier à interdire la reconnaissance de l'enfant né d'un commerce adultérin ou incestueux (art. 304 CC), On peut se référer ici aux explications fournies concernant les idées fondamentales du projet131).

D'après l'article 303, 1er al., CC, l'enfant peut, en cas de décès ou d'incapacité permanente de discernement du père, être reconnu par son grand-père paternel. Les organisations féminines demandent que ce droit soit étendu à la grand-mère paternelle. La commission d'étude rejette cependant cette suggestion étant donné le peu de portée pratique de l'inégalité (cas très rares) 132>.

Il est certes malaisé de justifier objectivement la préférence donnée au grandpère par rapport à la grande-mère. Selon la conception du Conseil fédéral et de la commission d'experts, au lieu d'étendre le droit de reconnaissance conféré au grand-père, il conviendrait plutôt de le supprimer. En effet, fonder la filiation sur la déclaration d'un tiers est contraire à la nature strictement personnelle de la reconnaissance, et par conséquent hautement problématique.

La reconnaissance par le grand-père n'a qu'une importance pratique tout à fait minime: de 1968 à 1970, les 98 principaux offices d'état civil n'ont enregistré que deux cas de ce genre 133). Cela incite à renoncer complètement à cette institution singulière, que ne connaît aucun autre droit.

En sa qualité de droit strictement personnel, la reconnaissance peut également être le fait de mineurs ou d'interdits, à condition qu'ils soient capables de discernement 134). Cependant, la reconnaissance est un acte constitutif de droit d'une aussi grande portée que l'émancipation (art. 15,1er al., CC), les fiançailles (art. 90, 2e al., CC), la déclaration de capacité de contracter mariage (art. 96, 2e al., CC), le mariage (art. 98 et 99 CC). Le mineur et l'interdit n'ont pas moins besoin, en ce qui les concerne, d'être protégés contre la conclusion précipitée d'un engagement aussi lourd de conséquences
135>. C'est pourquoi, pour la reconnaissance également, le projet exige le consentement du représen130) ATF 40 n 301 ; Aubert, Les actions de filiation, 65; Hegnauer N21, 22 ad art. 303 CC.; Lalive, sem; jud., 1966, 617 131 > Ci-dessus, chiffre 223.522 133 > Rapport I 17 las) Dans l'un d'eux, l'enfant avait encore été légitimé ultérieurement par le juge.

134) ATF 44 II 211 s., 56 II 475; Egger N5 ad art. 303 CC; Silbernagel Nil ad art.

303 CC 135) Cf. p. ex. ATF 66 II 77 s. ; 77 II 99

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tant légal136'. Pour le mineur, ce consentement ne doit toutefois être requis que s'il n'a pas atteint dix-huit ans révolus (art. 260,2e al., du projet). Si les parents refusent leur consentement, le mineur peut obtenir la reconnaissance dès qu'il a atteint dix-huit ans, Si le refus émane du tuteur^ le mineur peut, en vertu de l'article 420 CC, recourir contre sa décision. En outre, l'enfant peut intenter lui-même l'action en paternité.

Aux termes de l'article 303, 2e alinéa, la reconnaissance a lieu par acte authentique, les cantons déterminant les modalités de la forme authentique137'.

L'article 260, 3e alinéa, du projet prévoit au lieu de l'acte authentique une déclaration devant l'officier d'état civil. Aujourd'hui déjà, dans tous les cantons sauf Nidwald et Baie-Campagne, l'officier d'état civil est compétent138'.

C'est pourquoi l'ordonnance fédérale sur l'état civil a réglé en détail l'enregistrement de la reconnaissance par l'officier d'état civil et créé un registre spécial des reconnaissances (art. 102-112 OEC). La nature même de la reconnaissance paraît justifier sans plus la compétence générale de l'officier d'état civil, telle qu'elle était déjà prévue dans l'avant-projet du CC (art. 331, 2e al.).

La tâche qui incombe à l'officier d'état civil ne diffère pas essentiellement de celle qu'il assume lors de l'annonce de la naissance ou du décès, lors du mariage ou* selon le droit actuel, lors de la déclaration commune d'enfants nés avant le mariage. Le secret n'est pas moins bien garanti que lorsqu'il s'agit d'autres officiers publics (art. .15 OEC). D'ailleurs, la reconnaissance doit de toute façon être communiquée à l'officier d'état civil. L'opportunité de conseiller l'auteur de la reconnaissance, qui peut aujourd'hui avoir une certaine importance vu le dualisme existant entre la paternité avec effets d'état civil et la paternité alimentaire, ne l'a plus avec la structure uniforme du droit de famille régissant la filiation à l'égard du père. Une compétence alternative d'autres autorités (notaires, juges, fonctionnaires administratifs) paraît, sous réserve de l'acquiescement de l'action en paternité, dont il sera encore question, ne plus se justifier, mais constitue un corps étranger dans le régime de l'état civil réglé par le droit fédéral. Conformément au système, le principe
fédéraliste est observé dans l'organisation cantonale du service de l'état civil, selon l'article 40 CC et l'article 2 de l'ordonnance sur l'état civil.

Selon le droit actuel, l'action en paternité avec effets d'état civil peut être admise par le défendeur; les effets d'une telle reconnaissance sont les mêmes que ceux de la reconnaissance prévue à l'article 303 CC139', Cette possibilité doit être maintenue dans le nouveau droit également. C'est pourquoi l'article 136) cf. Hegnauer N45-47 ad art. 303 CC. Le droit étranger connaît aussi des dispositions protectrices dans ce sens: cf. BGB n.v. § 1600 d, CCit. art. 250, 2e al., loi danoise sur le statut juridique des enfants, §11.

137 ' Cf. art. 55 Tit. fin. CC .

138) \ SchafFhouse et Saint-Oall il l'est seulement sous certaines réserves ; cf. Hegnauer N51 s. ad art. 303 CC '"W ATF 65 H 121 ; Guldener, ZPR 128

40

260,3e alinéa, du projet la mentionne expressément. Elle entre surtout en considération lorsque le défendeur qui a d'abord contesté sa paternité modifie son attitude après l'ouverture de l'action, ou lorsque le père est décédé ou devenu incapable de discernement "et ne peut par conséquent reconnaître lui-même l'enfant.

Conformément à l'article 303, 2e alinéa, CC, la reconnaissance peut avoir lieu non seulement par acte authentique, mais aussi par disposition pour cause de mort. Cette dernière forme de reconnaissance paraît matériellement problématique, car elle ne déploie ses effets qu'après la mort de son auteur alors que, dans l'intérêt de l'enfant, la filiation à l'égard du père devrait être établie aussitôt que possible après la naissance. De plus, l'importance pratique de là reconnaissance par disposition pour cause de mort est tout à fait minime.

Les 98 principaux offices d'état civil, dont il a déjà été plusieurs fois question, ont annoncé trois cas semblables pour les années 1968 à 1970140>. Pour ces motifs, le projet ne prévoit plus la reconnaissance par disposition pour cause de mort.

313.12 L'action en contestation Actuellement, la reconnaissance peut être écartée soit par l'opposition de la mère ou de l'enfant, conformément à l'article 305 CC, soit par l'action en contestation de l'autorité de la commune d'origine ou d'un tiers, conformément à l'article 306 CC. Ce dualisme n'est pas justifié. L'institution de l'opposition fait dépendre la validité de la reconnaissance d'une double condition: à savoir que la mère et l'enfant n'aient pas élevé d'opposition, et que l'auteur de la reconnaissance n'ait pas demandé la mainlevée de l'opposition, ou qu'il ait été débouté. En outre, la tâche dévolue à l'officier d'état civil, et qui consiste à informer de l'opposition l'auteur de là reconnaissance ou ses héritiers est compliquée, car l'officier d'état civil du lieu d'origine compétent pour recevoir l'opposition n'est pas nécessairement celui qui a pris acte de la reconnaissance.

Peut-être ne sait-il même pas où l'auteur de la reconnaissance réside. La . coopération entre l'officier d'état civil et le juge paraît également compliquée: en cas d'opposition, l'officier d'état civil doit demander au juge après l'expiration du délai, si elle a été attaquée en justice. Les procédures d'opposition
sont d'ailleurs extrêmement rares: les 98 principaux offices d'état civil en ont enregistré dix entre 1968 et 1970. L'officier d'état civil n'est donc pas familiarisé avec une telle procédure. Lorsqu'un nouveau cas se présente après des années, il lui faut d'abord s'informer de ce qu'il a à faire. Cela prend beauccup de temps, et ce n'est pas rationnel. De plus, les nombreux officiers d'état civil qui exercent leur charge à titre accessoire sont exposés à commettre des erreurs.

Voilà pourquoi le projet renonce à maintenir le droit d'opposition spécial de la mère et de l'enfant et met à leur disposition également l'action en contestation.

Le fait de devoir intenter une action, formellement, ne constitue pas une 140

> L'un d'eux cotiixrriait la rcvuimaissìiiiu; pai un Espagnol domicilié en Espagne; elle avait eu lieu non sur la base de l'article 303 CC, mais sur celle du droit espagnol.

On ignore si les deux autres cas se présentaient de façon semblable.

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difficulté qu'on ne saurait leur imposer. Un rapport juridique doit s'établir entre le père et l'enfant. S'il l'a été par la reconnaissance, il ne doit pas pouvoir être écarté par une simple déclaration de la mère et de l'enfant.

Comme par le passé, l'action en contestation peut être intentée par tout intéressé (art. 306 CG). L'article 260", 1er alinéa, du projet met expressément la mère et l'enfant en évidence, ainsi que les descendants de l'enfant après sa mort et - sur le modèle de l'action en nullité du mariage (art. 121, 2e al., CC) et de l'annulation de l'adoption (art. 269", al. 1er, CC rev.) - enfin la commune d'origine ou de domicile de l'auteur de la reconnaissance. Par rapport à la légitimation d'une autorité désignée par le droit cantonal, la légitimation de la commune présente non seulement l'avantage de l'uniformité mais permet également dans le cadre des rapports intercantonaux la communication immédiate par l'officier d'état civil141'.

L'auteur de la reconnaissance lui-même ne peut actuellement l'attaquer en s'appuyant sur l'article 306 CC, mais seulement en demandant l'application par analogie des articles 23-31 du code des obligations sur les vices de volonté142'.

L'article 260a, 2e alinéa, du projet codifie en ces termes cette importante voie de recours: l'action n'est ouverte à l'auteur de la reconnaissance que s'il l'a faite en croyant qu'un danger grave et imminent le menaçait lui-même, ou l'un de ses proches, dans sa vie, sa santé ou son honneur ou s'il était dans l'erreur concernant sa paternité. Le Tribunal fédéral n'admet toutefois l'action que si l'auteur de la reconnaissance ignorait des circonstances rendant sa paternité impossible143'. Cela va trop loin. Le principal mobile.de la reconnaissance n'est pas d'éviter le procès en paternité, mais la conviction de son auteur d'être le seul à avoir cohabité avec la mère et, par conséquent, d'être le père. Si cette présomption se révèle inexacte parce qu'il a découvert que la mère avait entretenu des relations avec des tiers, l'action en contestation doit être ouverte à l'auteur de la reconnaissance144'.

La qualité pour défendre est réglée, par analogie, à l'article 260*. 3e alinéa, du projet comme pour la contestation de la présomption de paternité du mari.

Le moyen réside dans le manque de fondement de la reconnaissance
(art. 260", 1er al., du projet). Cependant, le fardeau de la preuve est gradué de la même façon que pour la contestation de la présomption de la paternité du mari (art. 2566 du projet). La mère et l'enfant n'ont pas à articuler d'entrée de cause d'autres motifs à l'appui de leur demande; ils doivent seulement prouver que l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père de l'enfant lorsque lui-même rend vraisemblable qu'il a cohabité avec la mère à l'époque de la M1

> Cf. par contre art. 106, 2e al., OEC.

142) ATF 75 TT 13, 79II 30; Hegnauer N27 ss. ad art. 306 GC et citations.

1 «'ATF79II30 M *> Cf. Aubert, Les actions de filiation, 91 s.; Hegnauer N43/44 ad art. 306 CC.

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conception (art. 2606, 2e al., du projet). L'allégement que constituait pour la .mère et l'enfant le droit d'opposition demeure donc maintenu pour l'essentiel.

Toutefois, ni la mère, ni l'enfant ne peuvent plus faire échec à la reconnaissance en alléguant qu'elle est préjudiciable à l'enfant. Ce droit, qui leur appartient aujourd'hui, est problématique (art. 305, 1er al., CC). Il n'y a pas de critère d'appréciation convaincant14S). Ce motif d'opposition contredit en outre l'idée selon laquelle chaque enfant doit avoir un lien de filiation avec son père également. Par conséquent, ni l'enfant de la mère mariée, ni celle-ci ne peuvent dissoudre la filiation à l'égard du père en alléguant qu'elle est préjudiciable à l'enfant. L'importance pratique de ce motif d'opposition - singulier lui aussi au regard d'autres droits - est minime1461. Il faut également tenir compte, en établissant les effets de la filiation, que le père non marié présente parfois des particularités qui font apparaître des relations plus étroites avec l'enfant comme peu souhaitables. Le projet de Convention européenne n'admet aussi la contestation de la reconnaissance qu'en cas de non-paternité de l'auteur de la reconnaissance (art. 7).

Les autres demandeurs doivent en revanche prouver dans chaque cas que l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père; celui-ci doit en outre prouver que la reconnaissance est entachée d'un vice de volonté (art. 26011, 2e al., du projet).

Le délai pour agir est actuellement de trois mois à partir du jour où l'auteur de l'action a su que la reconnaissance avait eu lieu (art. 306)147>. Comme le délai pour l'action en désaveu, il s'avère souvent trop court et doit ainsi également être porté à une année. C'est d'ailleurs aujourd'hui déjà la durée du délai lorsque l'action est intentée par l'auteur de la reconnaissance lui-même148).

Le début du délai doit également être réglé, par analogie, comme celui qui est imparti pour la contestation de la présomption de la paternité du mari. Suivant l'article 260e, 1er alinéa, il part du jour où l'auteur de l'action a eu connaissance de la reconnaissance et du fait que l'auteur de celle-ci n'est pas le père, ou qu'un tiers a cohabité avec la mère à l'époque de la conception', ou (au cas où la reconnaissance est attaquée par son auteur), du moment où la menace a
cessé, ou de celui où l'erreur a été découverte; il prend fin dans tous les cas à l'expiration de cinq ans à compter, de la reconnaissance. L'article 260e, 2e alinéa, du projet tient compte de l'intérêt spécial que peut avoir l'enfant à écarter une reconnaissance sans fondement en lui permettant de l'attaquer en justice dans l'année qui suit sa majorité. Enfin, ici également, le délai doit être restitué lorsque de justes motifs rendent le retard excusable (art. 260e, 3e al., du projet).

146

> Cf. Hegnauer N43-45 ad art. 305 CC et références; Hofmann RDS 1965 II 905.

M« Six cas de 1968 à 1970 pour 98 offices d'état civil; l'enquête ne révèle pas en quoi consistait le préjudice subi.

i«> Cf. aussi art. 305 CC.

"8)> Cf. ATF 79 II 28 s, et citations.

43

313.2 L'action en paternité (art. 261-263)

· '··

313.21 Qualité pour agir Selon l'article 261, premier alinéa, du projet l'action est ouverte comme jusqu'ici (art. 307 CC) aussi bien à la mère qu'à l'enfant. La relation de ces deux actions n'a pas suscité de difficultés spéciales dans l'application du droit149). Le conflit qui peut survenir actuellement du fait que la mère demande l'attribution avec effets d'état civil alors que l'enfant ne demande que des aliments, ou inversement, tombe en raison de l'unification de la filiation.

Lorsque le père est décédé, l'action est actuellement dirigée contre ses héritiers (art. 307, 3e al., CC). Le droit successoral ne touche cependant que des intérêts patrimoniaux. Les héritiers peuvent, en répudiant la succession, se soustraire aux charges que l'action pourrait leur imposer 150>. Aujourd'hui déjà, dans le cas de l'action visant l'attribution avec effets d'état civil, cette conséquence est contraire au système151). Il n'est pas non plus satisfaisant que des héritiers éloignés, qui n'ont peut-être pas eu de relations étroites avec le père, puissent, pour de simples raisons patrimoniales, attaquer l'établissement d'une filiation. Ainsi, la qualité pour défendre des héritiers est incompatible avec l'action en paternité du projet, qui est une pure action d'état, et qui met en jeu tous les effets du droit de la famille, et non seulement ceux du droit successoral. Les premiers ne touchent toutefois notablement que les proches parents: descendants, père et mère ou frères et soeurs du père décédé. Il est d'ailleurs assez aisé d'identifier ceux-ci, ce qui, souvent, n'est pas le cas des héritiers légaux, où la longueur de la recherche alourdit beaucoup la conduite du procès. C'est pourquoi l'article 261, 2e alinéa, du projet restreint la qualité pour défendre aux proches parents. Ils interviennent dans l'ordre cité comme défendeurs. Tant qu'il y a des descendants, ils ont seuls qualité pour défendre.

A défaut de descendants, l'action est dirigée contre les père et mère, et si ceux-ci sont décédés, contre les frères et-soeurs. Comme la qualité de défendeur ne repose pas sur le droit successoral, la répudiation ne joue pas de rôle.

A défaut des parents susmentionnés, l'action est intentée contre J'autorité compétente du dernier domicile du père152'. Lorsque l'action est intentée, la commune d'origine et la commune
de domicile du père défendeur et, lorsqu'il est décédé, de son épouse, doivent en être informées d'office, conformément à l'article 261, 3e alinéa, du projet. Elles ne sont pas défenderesses, mais elles ont un intérêt digne de protection au rejet d'une.action dénuée de fondement.

Elles peuvent, comme aujourd'hui la commune d'origine en vertu de l'article 148

> Cf. Hegnauer N14 s. ad art. 309 CC.

150) Egger N3 ad art 322 CC; Silbernagel N6 ad art. 322.

101 > Hegnauer IM y ad art. 323 CC 15a

> L'article 340-3 CCfr. rev. prévoit l'action contre l'Etat lorsque les héritiers ont

répudié la succession.

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312, 2e alinéa, CC, prendre part au procès, en qualité d'intervenant accessoire lorsque les défendeurs s'opposent à l'action, et comme intervenant principal lorsqu'ils admettent l'action ou ne prennent pas part au procès153*.

L'action vise uniquement la constatation de la filiation à l'égard du père.

Tout comme aujourd'hui l'action en attribution avec effets d'état civil, elle peut cependant être liée à une action tendant au versement de contributions d'entretien à l'enfant ou à l'indemnisation de la mère154). Ces droits découlent de la filiation et sont par conséquent réglés dans le titre huitième, au deuxième chapitre concernant l'obligation d'entretien (cf. art. 279, 295 du projet).

On a déjà signalé qu'en vertu de. l'article 260, 3e alinéa, du projet, la reconnaissance de l'enfant pouvait également avoir lieu au cours d'une action en constatation de paternité. Conformément aux principes généraux de la procédure, l'acquiescement met fin au procès en paternité, mais le procès en aliments qui a pu être engagé en même temps continue. Le droit d'admettre l'action en paternité n'appartient pas seulement au père lui-même, mais aussi, lorsqu'il est décédé, aux parents appelés à sa place comme défendeurs et, le cas échéant, à l'autorité compétente du dernier domicile. Si plusieurs parents sont défendeurs, la reconnaissance n'aboutit que s'ils agissent de concert.

L'intervention de la commune d'origine ou de domicile ou, lorsque le père est décédé, celle de sa femme, demeurent réservées. Elle offre une certaine garantie contre des reconnaissances abusives. C'est la raison pour laquelle, sous cette forme, la reconnaissance par des tiers est compatible avec le caractère strictement personnel de cette institution. L'action en contestation de l'article 260ft àc du projet est également ouverte contre la reconnaissance devant le juge.

313.22 Présomption Conformément à la règle générale de l'article 8 CC, c'est au demandeur qu'il incombe d'établir la paternité. La conception qui la détermine n'est toutefois accessible à aucune perception extérieure. La preuve positive de la paternité ne peut être fournie à l'heure actuelle, avec l'expertise hérédo-biologique, que dans certains cas, mais nullement d'une manière générale, immédiate et directe; dans les autres cas, elle ne peut être rapportée qu'indirectement,
c. à. d. en prouvant que le défendeur, et aucun autre homme, a cohabité avec la mère au temps de la conception. Le seconde condition est un fait négatif indéterminé qui ne peut être établi par le demandeur - si l'on fait abstraction de la déclaration souvent fort problématique de la mère.

L'article 314, 1er alinéa, CC, comble actuellement cette lacune en disposant que la paternité du défendeur est présumée lorsqu'il est prouvé qu'entre le trois centième et le cent quatre-vingtième jour avant la naissance, il a cohabité avec la mère de l'enfant. On ne peut renoncer à l'avenir à la présomption de paternité.

1S3

> Cf. Hegnauer N59-63 ad art. 312/313 CC > Cf. Hegnauer N 88 ad art. 324-327, N H ad art. 309 CC

154

45

L'article 262, 1er alinéa, du projet reprend la réglementation actuelle en supprimant les termes superflus «il est prouvé qu'». L'article 262, 2e alinéa, du projet la complète pour les cas où la grossesse a été particulièrement longue ou particulièrement courte; la paternité est également présumée lorsque l'enfant a été conçu avant le trois centième jour ou après le cent quatre-vingtième jour avant la naissance et que le père a cohabité avec la mère à cette époque. Ainsi se trouve résolue une controverse à laquelle la jurisprudence n'était pas parvenue à donner une solution satisfaisante155'.

La présomption cesse, aux termes de l'article 314, 2e alinéa, CC, si des faits établis permettent d'élever des doutes sérieux sur la paternité du défendeur.

Selon l'article 315 CC, l'action en paternité est également rejetée lorsque la mère vivait dans l'inconduite à l'époque de la conception. Ces deux dispositions sont contestées et font l'objet de nombreuses propositions de révision156'.

Les avis sont à peu près unanimes actuellement en ce qui concerne la suppression de l'article 315 CC. Contrairement à la marginale «Faute de la mère», la disposition prévoit le rejet de la demande non en raison de l'indignité morale de la mère, mais parce que son inconduite empêche de constater la paternité avec quelque sûreté157'. La disposition institue une exception de pluralité abstraite (exceptio plurium generalis). Il n'y a pas lieu de rechercher ici si, lors de la création du CC, le défendeur était réduit à cette disposition pour résister à des demandes injustifiées; quoi qu'il en soit, il ne l'est plus actuellement. Les expertises scientifiques sur la filiation permettent de tirer, concernant la paternité d'un homme ou l'exclusion de celle-ci, des conclusions incomparablement plus sûres que l'admission, fondée sur des témoignages souvent fort problématiques, du fait que la mère aurait cohabité non seulement avec le défendeur, mais encore avec des tiers inconnus. En outre, cette disposition va au-delà du but visé. Selon ses termes, l'action devrait être rejetée, en cas d'inconduite de la mère, même si la paternité du défendeur pouvait être prouvée158'. La conséquence juridique impliquée par le texte va donc plus loin que ne l'exige le sens de la disposition. La possibilité de prouver de façon positive 155

' Cf. Hcgnauer N29 s. ad art. 314/315 CC; ATF 91II 258.

> Commission d'étude Rapport I 8 s.; Aubert, Les actions de filiation, 119; Egger N12 ad art. 302 CC; Hegnauer RDS 1965 II 74 s.; Lalive RDS 1965 ÏÏ 659 s., 677; Merz, Bemerkungen zur bundesgerichtlichen Rechtsprechung 1956, RIß 1958, 17s.; Mohr G. R., Die Vaterschaftsklage des Schweiz. Zivilgesetzbuches und ihre historische Grundlage (thèse Berne 1912) 101/102; Nehrwein F,, Der Unterhaltsanspruch des ausserehelichen Kindes (thèse Zurich 1931) 106; du même auteur RSJ 1957, 180; Silbernagel N29 ad art. 314 CC; Staehelin, Bemerkungen zu BGE 82 II 269, RSJ 1957 482.

157 ' ATF 89 II 275 et références, 90 II 272; Egger N2 ad art. 315 CC; Hegnauer N71 ad art. 314/315 CC; Rössel et Mentha, Manuel I 477/478: Silbernagel N7. 12, 15.

.. 18, 19 ad art. 315.

i5S) ATF 44 II 26, 63 II 13, 79 II 27; Egger N4 ad art. 315 CC; Silbernagel N19 ad art. 315 CC.

158

46

.

la filiation par le moyen de l'expertise morphologique a révélé la contradiction inhérente à cette règle. Elle est résolue dans la jurisprudence récente par l'admission de la preuve directe de la paternité du défendeur 159).

Enfin, l'application de cette disposition suscite des difficultés considérables dues à l'imprécision de la notion d'inconduite. Elle exige des appréciations qui, de par la nature des choses, ne sauraient guère conduire à des résultats objectivement convaincants160). L'article 315 CC actuel est aussi incompatible avec la Convention européenne.

La présomption de l'article 314, 1er alinéa, CC, peut d'ailleurs être écartée par deux moyens. Le premier, qui n'est pas mentionné expressément dans la loi, résulte du principe selon lequel une présomption légale peut être renversée par la preuve du contraire. Si la cohabitation, fondement de la présomption, est établie, la conséquence de la présomption, la paternité, peut être directement contestée161). Grâce aux expertises scientifiques de la filiation, cette preuve de l'impossibilité de la paternité a dès à présent une importance croissante à mesure que progresse la recherche sur l'hérédité 162). Il convient donc de l'introduire également dans la loi.

Le second moyen d'écarter la présomption consiste à établir des faits qui permettent d'élever des doutes sérieux sur la paternité du défendeur. Tel est le cas, selon la jurisprudence, lorsqu'un tiers a cohabité avec la mère pendant la période légale de la conception163). L'article 314, 2e alinéa, CC, règle ainsi l'exception concrète de pluralité (exceptio plurium specialis). La présomption de la paternité du défendeur ne renaît que lorsque la paternité du tiers peut être exclue 164). L'exception de pluralité a fait de tout temps l'objet de vives critiques 165). D'abord parce qu'elle conduit au rejet de l'action dirigée contre le défendeur, bien que, en raison de sa cohabitation avec lamère,- il puisse être le père et que sa paternité ne soit pas exclue, mais aussi parce que le défendeur et le tiers peuvent en abuser par collusion matérielle ou de procédure, de sorte qu'elle favorise une «solidarité de labassesse»166).. C'est pour ces motifs que l'on propose de supprimer ou du moins de restreindre l'exception de pluralité, telle que l'ont conçue pendant longtemps doctrine etpratique167).. La
jurispru159) ATF 89 n 276, 90 II 273; Merz RJB 1962, 414 s.

180 > Hegnauer RDS 1965 II 80 s.; Lalive RDS 1965 II 679 s.; Nehrwein RSJ 1957 180 s.; Spitzer, Vor einer Teilrevision des Familienrechtes, 152 s.

181 > Cf. Kummer, Berner Kommentar, N108, 338 ad art. 8 CC.

182 > Cf. Hegnauer, Festschrift Schwarz, 63 s.; N 38-42, 99 s. ad art. 314/315 CC.

163) ATF 8 6 I I 313; Egger N15 a d art. 3 1 4 185

> C f . Hegnauer R D S 1965IIH 8 5 s.; Lalive R D S 1965 I I 6 5 5

187

' Postulats Oprecht (1926), von Roten (1950), Grendelmeier (1954); Grob H., Zur Änderung gesetzlicher Bestimmungen und ihrer Anwendung zugunsten des ausserehelichen Kindes (Pro Juventute 1935/1936) 16 s.; Association suisse des tuteurs.

officiels (1955).

C

C

47

dence la plus récente du Tribunal fédéral a déjà fait un pas important dans cette direction, en considérant que des doutes sérieux quant à la paternité du défendeur ne se justifient que lorsqu'il est établi qu'un tiers, non seulement a cohabité avec la mère pendant la période légale de la conception mais que, selon les circonstances, il peut entrer sérieusement en considération comme étant le pèreies>. Le postulat visant la réforme de l'article 314, 2e alinéa, CC, n'est pas devenu pour autant sans objet.

La proposition d'admettre une responsabilité solidaire de tous les hommes qui ont cohabité avec la mère au temps de la conception est d'emblée hors de question16". Cette solution était celle de quelques droits cantonaux171».

On la rencontrait aussi dans certains droits particuliers allemands171' et, récemment encore, en Norvège, de 1915 à 1956, et au Danemark, de 1937 à 1960, mais nulle part elle n'a pu s'imposer. Elle déclasse la mère et l'enfant davantage que le rejet de l'action et ne peut nullement se concilier avec le principe de la parenté. Elle ne paraît d'ailleurs plus nécessaire étant donné la force probante sans cesse croissante des expertises scientifiques sur la filiation.

Une autre solution radicale consisterait à ne permettre au défendeur que la preuve de l'impossibilité de sa paternité. Dans ce cas, la pluralité des relations ne joue pas de rôle. Cette solution se justifierait si, pratiquement, tout homme qui n'est pas le père pouvait être exclu dans la procédure probatoire. Certes, le développement des méthodes probatoires s'est déjà beaucoup rapproché de ce but, mais il ne l'a pas encore atteint. Selon la proposition de la commission d'étude, le défendeur doit pouvoir écarter la présomption en prouvant que sa paternité est exclue ou hautement invraisemblable 17a), Abstraction faite de l'imprécision de la notion de haute invraisemblance, cela aggraverait la situation de l'enfant. Sans relations plurales établies, la présomption n'est actuellement renversée que s'il est prouvé que le défendeur n'est pas le père. S'il' suffisait pour cela de prouver la haute invraisemblance, la possibilité d'une paternité que recèle cependant encore le peu de vraisemblance qui reste et qui, si la mère n'a pas entretenu de relations avec des tiers, demeure la seule explication de la grossesse,
serait écartée au détriment de l'enfant173). On évite ces inconvénients en permettant au père de prouver, non seulement qu'il n'est pas le père, mais aussi que la paternité d'un tiers est plus vraisemblable que la sienne propre. L'exception de pluralité n'est pas exclue totalement, mais fortement restreinte. Matériellement, cette solution de la commission d'experts et du Conseil fédéral correspond dans une large mesure à la jurisprudence les) ATF 95 II 81 «« Cf. Hegnauer RDS 1965 II 93 s.; Lalive RDS 1965 II 665 "°> Uri, Baie-Campagne; cf. Huber, Schweizerisches Privatrecht, l 544 s., IV 536 17l > Coiirad Fani RZ 1962, 326 "«Rapporti 11 s "3> Cf. Hegnauer RDS 1965 II 97 s

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la plus récente du Tribunal fédéral174), mais elle va plus loin puisque la présomption ne cesse que lorsque le défendeur prouve non seulement que la paternité du tiers entre sérieusement en considération, mais qu'elle est plus vraisemblable que la sienne propre. Ainsi, pour l'enfant de la mère célibataire, les perspectives d'une filiation à l'égard du père s'améliorent nettement. Certes, à vraisemblance égale, on accepte alors la possibilité de voir désigner comme père un homme qui, en fait, n'est peut-être pas le père. Dans ces rares cas, il est moins choquant de voir passer pour le père un homme dont la paternité n'est pas certaine, mais possible, que de laisser l'enfant sans père légal175'.

Cette solution, proposée à l'article 262, 3e alinéa, du projet, est en outre relativement précise et paraît, pour les tribunaux, d'une application plus facile que la notion actuelle des «doutes sérieux», ou de la «haute» ou «plus haute vraisemblance» prise récemment en considération. Elle paraît également beaucoup plus précise que la disposition danoise selon laquelle, en cas de relations plurales, la paternité d'un défendeur n'est admise que lorsqu'il y a une beaucoup plus grande vraisemblance que l'enfant soit de lui plutôt que d'un tiers176'. Signalons qu'en Autriche, où la présomption ne pouvait être renversée que par la preuve de l'impossibilité de la paternité, la loi sur le statut juridique de l'enfant illégitime du 30 octobre 1970 admet également que le défendeur rende sa paternité moins vraisemblable que celle d'un autre homme177'. Cette solution a aussi rallié la majorité des suffrages lors du Congrès suisse des juristes de 1965 et dans la procédure de consultation.

313.23 Délai Le délai pour agir est actuellement d'un an après la naissance (art. 308 CC).

Il paraît suffisant pour l'action de la mère. En revanche, sa prolongation et sa -restitution pour de justes motifs ont été demandées à diverses reprises en ce qui concerne l'action de l'enfant178'.

Ce postulat paraît justifié. Il n'est pas rare que le nom et le domicile du défendeur ne soient pas livrés par la mère ou ne puissent être établis qu'après l'écoulement du délai d'une année ou que la procédure probatoire exclue sa paternité et qu'il faille prendre en considération celle d'un tiers. Il arrive aussi que l'action ne soit pas intentée
dans le délai parce que le curateur n'a pas été désigné ou l'a été trop tard. Il est particulièrement fréquent que des enfants domiciliés à l'étranger laissent passer le délai étant donné que, à l'exception du droit roumain, aucun droit étranger ne prévoit un délai aussi court que la Suisse.

i?« ATF 95 II 81 "« Cf. Hegnauer RDS 1965 II 99/100; Lalive RDS 1965 II 666 s.

"«> Loi sur le statut juridique des enfants de 1960, § 6, 2e al.

177 > § 163, 2e al., ABGB; cf. à ce sujet H. Zemen, Die Neuordnung der Rechtsstellung des unehelichen Kindes in Österreich, hamRZ 1973, 358.

17 s> Postulat Huber (1955), eh. 4; postulat Hayoz (1966); Nehrwein RSJ 1957, 179; Commission d'étude Rapport I 39 s; Lalive RDS 1965 II 736 s.

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En ce qui concerne également la réglementation extra-judiciaire de la paternité en vue d'une reconnaissance volontaire ou d'un mariage, le délai actuel d'un an s'avère souvent trop court. Inversement, les motifs sur lesquels se fonde ia réglementation actuelle ne sont plus pertinents.

La brièveté du délai doit empêcher surtout que les preuves ne s'effacent.

Le risque de ne plus pouvoir, après une longue attente, constater exactement les faits déterminants pour l'établissement ou le renversement de la présomption de paternité, à savoir la cohabitation du défendeur et, éventuellement, celle de tiers, existe effectivement. Toutefois, les expertises héréditaires, plus sûres, ont enlevé beaucoup de leur importance aux témoignages comme à l'audition des parties. Le temps ne porte pas atteinte à la force probante de ces expertises. Au contraire, celles-ci exigent un âge minimum de l'enfant, qui est de six mois pour l'expertise sérologique et de trois ans pour l'expertise morphologique.

Le délai actuel a aussi été dicté par le souci d'éviter au défendeur et à sa famille le risque d'être menacés pendant des années d'avoir à supporter les conséquences de relations hors mariage. A ce souci s'oppose toutefois l'intérêt, manifestement plus digne de protection, de l'enfant à voir s'établir entre son père et lui un rapport juridique. L'enfant ne peut cependant pas agir lui-même en justice. Pendant le délai d'une année, il est encore incapable de discernement.

C'est donc toujours un tiers qui est responsable du dépassement du délai: la mère, l'officier d'état civil, les organes de tutelle. Même si, dans ces cas, la péremption du droit d'agir peut être supportable en ce qui concerne la paternité alimentaire, parce que les conséquences de celle-ci sont uniquement de nature patrimoniale et peuvent être compensées en principe par des actions en responsabilité, il apparaît choquant, à l'inverse, que l'enfant doive payer le retard de tiers en perdant définitivement son droit à l'établissement de la filiation du droit de la famille à l'égard du père.

A l'avenir également, l'action devra être intentée aussi rapidement que possible, dans l'intérêt des parties179*. La limitation à un an prévue par le projet de la période écoulée pour laquelle l'entretien peut être réclamé (art. 279, 1er al.), de même que le risque de
perdre des droits successoraux, pourrait exercer une pression salutaire sur les organes de la tutelle en les incitant à ne pas attendre, sans motifs, pour intenter l'action. Si toutefois, pour un motif quelconque, elle ne l'a pas été, l'enfant doit pouvoir l'intenter après avoir atteint sa majorité. Le délai, qui est aussi d'un an, ne doit cependant courir que du moment où le demandeur a eu connaissance du fait que le défendeur a cohabité avec la mère à l'époque de la conception. S'il existe déjà un rapport de filiation avec un autre homme, le délai commence seulement à courir dès le jour où ce rapport est dissous, selon l'article 263, 2e alinéa, du projet. Cette dernière disposition reprend et complète l'actuel article 316 CC, qui prouve d'ailleurs qu'il n'est pas nécessaire de fixer un délai absolu pour l'action en paternité. Enfin, 17W

Si l'adoption de l'enfant est en vue, l'actionjpeut devenir superflue.

Feuille fédérale, 126' année. Vol. IL

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comme pour l'action en contestation de la présomption de la paternité du mari et de la reconnaissance, il y a lieu de prévoir la restitution du délai lorsque de justes motifs rendent le retard excusable (art. 263, 3e al., du projet).

La réglementation proposée paraît audacieuse, comparée à l'ancien droit.

Elle ne va cependant pas au-delà de ce qui se fait à l'étranger, parfois depuis des décennies. La France et l'Italie accordent l'action à l'enfant encore pendant deux ans après sa majorité180'. L'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Suède, la Norvège, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et d'autres Etats ne fixent aucun délai pour agir.

314 L'adoption181» Seules sont prévues dans ce chapitre des adaptations formelles au nouveau droit de la filiation. L'ancien chapitre III devient le chapitre IV. Aux articles 264 et 267, 1er alinéa, CC rev., le terme «légitime» est birïé, et à l'article 267, 3e alinéa, CC rev., dans le texte allemand le terme « Personenname » est remplacé par «Vorname».

32 Des effets de la filiation 321 La communauté entre parents et enfants 32L1 Nom et droit de cité de l'enfant (art. 270, 271) 321.11 Enfants de parents mariés La communauté sociale de la famille s'exprime formellement dans l'unité du nom et du droit de cité. La manière dont ce principe se réalise est critiquée: en effet l'épouse et les enfants portent le nom du mari et du père et acquièrent son droit de cité (art. 161, 1er al., 270 CC); on y voit une discrimination de l'épouse. Dans le cadre d'un nouveau droit du mariage, on pourrait envisager une solution qui réaliserait le principe de l'égalité entre le père et la mère, tout en respectant l'unité du nom de famille. C'est pourquoi l'article 270, 1er alinéa, du projet prévoit que l'enfant de conjoints porte le nom de famille commun de ses père et mère. Il appartient au droit du mariage de déterminer le nom de famille.

A l'heure actuelle, le principe de l'unité du droit de cité de la famille, est contesté en raison de l'égalité de l'homme et de la femme. La législation en vigueur s'écarte de ce principe sur un point: la Suissesse qui épouse un étranger 180) cCfr art. 340-4, 3'al., CCit art. 271 181 > Depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit de l'adoptiuu le l" avril 1973, 2576 adoptions et soumissions au nouveau droit d'adoptions prononcées en vertu de l'ancien droit, ont été communiquées, pour l'année 1973, au service fédéral de l'état civil qui tient un registre central des adoptions.

51 peut conserver sa nationalité suisse (art. 9 LN). Jusqu'à ce que cette question soit éclaircie dans le cadre de la revision du droit du mariage, qui est actuellement en préparation, il est recommandable de rattacher comme jusqu'ici le droit de cité de l'enfant au droit de cité du père (art. 271, 1er al., du projet).

321,12 Enfants de parents non mariés Si la mère n'est pas mariée avec le père, ils n'ont ni nom de famille ni droit de cité communs. Il faut donc, pour l'enfant, choisir entre père et mère.

Le droit actuel prévoit que, lorsqu'il y a effets d'état civil, l'enfant porte le nom et acquiert le droit de cité du père (art. 325, 1er al., CC) et, lorsque tel n'est pas le cas, qu'il porte le nom de famille de sa mère et acquiert son droit de cité (art. 324, 1er al., CC). Cette réglementation ne tient toutefois aucun compte du fait que l'enfant a surtout intérêt à avoir le même nom et le même droit de cité que celui des parents auprès duquel il est élevé. C'est généralement la mère. Son lien social avec l'enfant est entravé lorsque celui-ci porte le nom et acquiert le droit de cité du père. Cela doit être l'une des raisons pour lesquelles les effets d'état civil n'ont exercé que peu d'attrait. Selon le projet, l'enfant dont la mère n'est pas mariée avec le père doit par conséquent porter le nom de famille et acquérir le droit de cité de la mère (art. 270,2e al. et art. 271, 2e al.).

La concordance des noms n'est cependant assurée que-si l'enfant reçoit celui que porte la mère au moment de la naissance et non pas, comme aujourd'hui, le nom de la famille de la mère. L'intérêt qu'a l'enfant à porter le même nom que sa mère prévaut ici sur celui du mari (actuel ou divorcé) ou, s'il est décédé, de ses parents, à ce qu'il ne passe pas pour son enfant. Il faut désormais partir du droit autonome pour chaque époux au nom de famille conjugal. Si le nom de famille de la mère change après la naissance, un changement de nom selon l'article 30, 2e alinéa, chiffre 3, du projet, assure l'unité du nom entre la mère et l'enfant.

Il arrive que l'enfant soit élevé non chez sa mère ou chez des proches, mais chez le père, par exemple lorsque la mère est décédée ou qu'elle ne se soucie pas de l'enfant1S2), ou lorsqu'il est déclaré illégitime sans que la mère divorce, et que le mari n'entend pas l'accueillir dans
la .communauté familiale 1S3>.

L'appartenance probablement durable à la famille du père doit s'exprimer également dans l'unité du nom de famille et du droit de cité. En ce qui concerne Je nom de famille, le projet renvoie au changement de nom prévu par l'article 30 CC. D'après l'article 30, 2e alinéa, chiffre 3, tel qu'il est proposé, il existe notamment des justes motifs d'autoriser une personne à changer de nom lorsque le requérant mineur porte un autre nom que le parent sous l'autorité parentale ou la garde duquel il est élevé. Par conséquent, l'enfant d'une mère non mariée recevra, au lieu du nom de la famille de la mère, celui du père i»2> Cf. ATF 70 I 216 IB3 > Cf. Revue de l'état civil 1967, 324

52 lorsque l'autorité tutélaire confère à celui-ci l'autorité parentale conformément à l'article 298, 2e alinéa, du projet, ou lorsque le tuteur lui confie la garde de l'enfant. Tel n'est pas le cas, en revanche, lorsque les parents vivent en concubinat. En effet, l'instabilité de ce lien s'oppose au transfert de l'autorité parentale, ou même seulement de la garde au père184>. Si le changement de nom est autorisé pour les motifs indiqués, l'enfant doit aussi acquérir de par la loi le droit de cité du père (art. 271, 3e al., du projet, art. 1er, 2e al, lettre b, du projet de LN). L'acquisition du droit de cité est moins laissée au bon vouloir du père que ce n'est actuellement le cas dans la reconnaissance avec effets d'état civil. D'une part, on l'a vu, il dépend de l'autorité tutélaire ou du tuteur que l'enfant soit élevé chez le père. Ensuite, le gouvernement cantonal n'autorisera le changement de nom que s'il est établi que cette situation va durer. Si tel est le cas, l'enfant doit acquérir de par la loi le droit de cité de son père. Ce serait une régression sensible par rapport à l'état de choses actuel que de ne lui accorder qu'un droit à une naturalisation facilitée. Si l'innovation proposée élargit l'actuel système de la loi sur la nationalité, elle ne le dénature pas. Cependant, le droit de cité n'est pas modifié si le nom est changé à nouveau par la suite. Un changement dans le nom du père doit en outre demeurer possible pour d'autres justes motifs, mais il reste sans influence sur le droit de cité.

Lorsque la mère de l'enfant épouse son père, la disposition concernant l'enfant de parents mariés s'applique par analogie, conformément à l'article 259 du projet, c'est-à-dire que l'enfant porte leur nom de famille et acquiert le droit de cité du père (art. 270, 1er al, et art. 271, 1er al, du projet et art. 1", 2e al, lettre a, du projet de LN). Le mariage des parents a donc le même effet que la légitimation de l'ancien droit185'.

321.2 Des devoirs réciproques (art. 272) Aux termes de l'article 271 CC, les père et mère et l'enfant se doivent mutuellement l'aide et les égards qu'exigé l'intérêt de la famille. En droit comparé, cette disposition calquée sur la prescription de droit matrimonial de l'article 159 CC paraît singulière. Elle présente cependant une importance fondamentale du fait
qu'elle reconnaît la responsabilité à l'égard du prochain comme base du droit de la famille. Même si les normes du droit écrit ne parviendront jamais à en faire le tour, cette responsabilité permet de concrétiser les nouveaux droits et obligations que les transformations dans la structure sociale de la famille peuvent rendre actuels. Cette disposition a pour le droit de la parenté une signification semblable à celle de l'article 2 CC pour l'ordre juridique en général. C'est pourquoi l'article 272 du projet la reprend sans

184) voir en ce qui concerne les exceptions Hegnauer N35, 225 ad art. 324-327 CC; ATF 95 II 503, 96 I 425 185 ' Cf. Hegnauer N 5-8 ad art. 263 CC

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changement. Il convient de relever que la communauté, au sens de cette disposition, ne se limite pas aux parents et aux enfants vivant en ménage commun, mais comprend toutes les personnes liées par une filiation juridique, soit les grands-parents avec les parents et ceux-ci avec les enfants186).

321.3 Relations personnelles (art, 273-275) 321.31 Principe Le droit actuel ne reconnaît expressément qu'à celui des parents divorcés auquel la garde des enfants n'est pas confiée (art. 156, 3e al., CC) et à la mère illégitime lorsque l'enfant est placé sous la puissance paternelle du père (art. 326, 1er al., CC) le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant.

Selon la jurisprudence et la doctrine, les parents auxquels la garde des enfants n'est pas confiée, conformément à l'article 284 CC, ou qui sont déchus de la puissance paternelle en vertu de l'article 285 CC, ont également un droit de visite, ainsi que la mère illégitime dont l'enfant est mis sous tutelle et le père illégitime dont l'enfant suit l'état 187>. L'étendue du droit de visite dépasse donc de beaucoup celle que prévoit le droit de divorce. Ce droit a pour les intéressés une grande importance pratique, ïl se justifie par conséquent de régler dans la loi même les grandes lignes des relations personnelles. Elles découlent des droits personnels des parents 188> et doivent donc être réglées ici, et non en liaison avec l'autorité parentale. Le projet maintient d'abord le droit des parents d'entretenir avec les enfants mineurs qui ne sont pas placés sous leur autorité parentale ou sous leur garde les relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273, 1er al.). Ce droit appartient aussi, en principe, au père non marié, dès que la filiation est établie189'. Les limites dont il sera encore question ont toutefois une importance particulière dans ce cas.

La commission d'experts a également examiné s'il convenait, à côté du droit de visite, d'instituer également un devoir de visite. L'existence de relations personnelles peut en effet être souvent dans l'intérêt de l'enfant et correspond dans cette mesure aux égards dus, au sens de l'article 272 du projet. Cependant, l'exercice du droit de visite s'avère encore plus souvent préjudiciable à l'enfant.

Un devoir de visite ne saurait donc guère être dans son intérêt; il se heurterait d'ailleurs à des difficultés presque insurmontables. Nous partageons cet avis, C'est pourquoi le projet ne prévoit pas un tel devoir.

186

> Cf. Hegnauer N4/5 ad art. 271 CC IST) ATF 87 ! 212; Egger, NI ad art. 326, N47 ad art. 405 CC; Hegnauer N72 ad art. 284, N64 ad art. 285, N154/155 ad art. 324-327 CC iss) ATF 89 II 4 m

> Cf. à ce sujet le projet de Convention européenne, art. 11

54

321.32 Droit de visite des grands-parents et de tiers Dans une pétition adressée à l'Assemblée fédérale le 7 février 1956, Agénor Krafft et Gaston Bridel ont demandé qu'un droit de visite pouvant faire l'objet d'une demande en justice soit reconnu aux grands-parents 190).

En France et en Allemagne, la jurisprudence a approuvé un teldroit 191).

Ce droit a également été introduit dans le Code civil françaisen 1970 192)..

Après en avoir amplement délibéré, la commission d'étude Grossen est arrivée par contre à la conclusion qu'il convenait de renoncer à introduire un tel droit 193). On ne saurait certes nier que les grands-parents ont souvent un intérêt digne de protection à entretenir des relations personnelles avec leurs petits-enfants. Leur permettre d'exercer ces relations là où des motifs pertinents ne s'y opposent pas paraît commandé par les moeurs194) et par les égards qu'exigé l'article 271 CC 105). Il faut cependant laisser la décision d'espèce à l'appréciation des parents. Un droit de visite des grands-parents qui, en cas de refus des parents, pourrait faire l'objet d'une demande en justice et d'un jugement exécutoire, perturberait inévitablement les relations entre parents et enfants e t n e serait d è s lors guèrconciliablele avec l'intérêt d e l'enfant e t d e personnelles des grands-parents avec leur petits-enfants, les autorités de tutelle peuvent, conformément à l'article 283 s. CC (respectivement article 307 s, du projet), intervenir pour abus de la puissanpaternelle 197).7'. Nous nous rallions, avec la majorité de la commission d'experts, à l'avis de la commission d'étude. Par conséquent, le projet ne prévoit pas de droit de visite des grandsparents.

La commission d'experts a reçu une proposition atténuée, visant à accorder, dans des cas extraordinaires et lorsque de justes motifs le justifient, le droit de visite à d'autres personnes que les parents. Les exemples suivants ont été invoqués à l'appui de cette proposition: le père divorcé vit outre-mer. Pour le temps durant lequel il est empêché d'exercer son droit de visite, il serait permis à ses parents, sans base légale, d'exercer ce droit à sa place 198). Un enfant a pris profondément racine chez ses parents nourriciers. Les rapports entre eux ne peuvent subsister. Il convient d'accorder aux parents nourriciers le droit de visiterl'enfant 199)..

190

> Cf. à ce sujet Krafft, Grands-parents et divorce, RSJ 1936/37, 231 > Cf. Birk, FamRZ 1967, 306; les indications chez Hegnauer N 34 ad art. 271 CC; Marthaler, Le droit de visite (Neuchâtel 1963), 35 s. ; Merz N 302 ad art. 2 CC 192 > Art. 371-4 193 ' Rapport I 24 s.

191

194) 197

C f . Merz N 3 0 2 a d art. 2 CC; Z R 1965 n ° 134,

> Hegnauer N 33 ad art. 271 CC > ZR 1965 n° 134 199 ' Cf. à ce sujet art. 311-13 CCfr, dans la teneur de 1972; avis contraire ZR 1928 n 91; ATF 54 II 4 198

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Que l'on songe aussi aux parents d'un père ou d'une mère décédés qui voudraient maintenir leurs relations personnelles avec leurs petits-enfants, mais que le détenteur de la puissance paternelle éconduit2005. Toutefois, pour les mêmes motifs que le droit de visite des grands-parents, cette proposition n'a pas rallié la majorité de la commission d'experts. Nous n'avons pas de raison de revenir sur cette décision, 321,33 Limites du droit de visite D'après les observations et les expériences des pédagogues et des psychiatres, le droit de visite est souvent la source de sérieuses difficultés d'éducationz^.

Aussi le considère-t-on généralement comme un mal. On ne saurait maintenir sérieusement l'opinion selon laquelle les relations personnelles sont en quelque sorte un droit naturel et absolu des parents202). Il est donc nécessaire de fixer, dans l'intérêt de l'enfant, les conditions dans lesquelles le droit de visite n'existe pas. La jurisprudence a hésité à reconnaître de telles limites 20*>. Il paraît donc indiqué de les fixer dans la loi.

C'est l'enfant qui est le premier touché par le droit de visite. Tant qu'il est incapable de discernement, il doit souffrir les relations personnelles avec celui des parents qui a le droit de visite. Lorsqu'il est devenu capable de discernement, en revanche, la visite des parents ne peut lui être imposée 3U4>. Son droit personnel doit être reconnu sous ce rapport également205). Pour des raisons pratiques, il convient cependant d'établir une limite d'âge fixe. Le projet reprend l'âge de seize ans, déterminant en ce qui concerne l'éducation religieuse. A cet âge, l'enfant doit avoir atteint la maturité nécessaire pour résister à l'influence de tiers, en particulier à l'influence de celui de ses parents auquel sa garde est confiée. Les relations personnelles ne peuvent alors subsister qu'avec son consentement (art. 273, 2e al., du projet).

Le droit de visite doit être accordé par la personne à laquelle la garde de l'enfant est confiée: détenteur de l'autorité parentale, tuteur ou parents nourriciers. Elles doivent permettre au titulaire du droit d'entretenir les relations personnelles, et lui en donner la possibilité. La visite représente toutefois, en raison des relations souvent perturbées ou tendues entre le titulaire du droit de visite et celui qui est chargé
de la garde, une entrave aux soins et à l'éducation assumés par ce dernien L'enfant est le premier à en souffrir. L'incompréhension aoo) cf. FamRZ 1973, 268 Zeitschrift für Volkswohl (Zurich), Vom Sinn und Widersinn des Besuchsrechts, 1955, cahiers 5 et 6, 1957, cahier 4, 1964, 81 ; Haffter C., Kinder aus geschiedenen Ehen (1e éd. Berne 1948) 72 s., (2e éd. 1960) 74 s.

202) cf. p. Simon, Das Verkehrsrecht - ein natürliches Elternrecht? FamRZ 1972, 485 203) ATF 72 n 10, 89 U 2; cf. Marthaler, Le droit de visite, 123 s., 138 s.

2"« cf. l'état de fait de l'ATF 93 II 66 s.

205) Marthaler, Le droit de visite, 46 s.; Sem. jud. 1962, 387 s.; opinion contraire ZR 1954 n° 88 S01>

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et la malice peuvent aggraver encore beaucoup cette charge psychique qu'on ne peut jamais éviter entièrement, en raison de la nature de la situation. C'est pourquoi le projet fait un devoir à chacun des parents de s'abstenir de tout ce qui pourrait perturber les relations de l'enfant avec l'autre. Ce devoir est réciproque; il concerne autant le titulaire du droit de visite que celui qui est chargé de la garde. En outre, le titulaire du droit de visite a l'obligation spéciale de ne pas rendre l'éducation de l'enfant plus difficile à l'autre parent, au tuteur ou aux parents nourriciers (art. 274, 1er al., du projet), Le droit de visite a son fondement dans la communauté juridique que constitue entre parents et enfant la filiation. Objectivement, il ne paraît toutefois se justifier que dans la mesure où, sur le plan spirituel et social également, il correspond à un rapport d'attachement personnel, et où son maintien est compatible avec l'intérêt de l'enfant. Cet attachement personnel est ordinairement le résultat des soins et de l'éducation que le titulaire du droit a donnés antérieurement à l'enfant; il peut cependant aussi s'exprimer par d'autres indices de responsabilité personnelle.

De là découlent les conditions auxquelles, selon le projet, le droit de visite doit être refusé ou retiré (art. 274, 2e al.): a. Les relations personnelles compromettent objectivement le développement de l'enfant. Point n'est besoin pour cela que le titulaire du droit de visite viole ses obligations ou commette une faute. Toutefois, le droit de visite ne doit être restreint ou retiré que s'il n'est pas possible d'empêcher d'une autre manière que le développement de l'enfant soit compromis.

b. Le titulaire du droit de visite viole ses obligations. Il s'immisce dans l'éducation de l'enfant, ou influence celui-ci contre son éducateur; il entretient les relations personnelles irrégulièrement ou de façon arbitraire ou fait fi des modalités nécessaires pour que ces relations se déroulent dans l'ordre.

c. Le titulaire du droit de visite ne s'est pas soucié sérieusement de l'intérêt de l'enfant. C'est généralement le cas du père illégitime qui a contesté sa paternité, et de celui des parents qui, soit par mauvaise volonté soit par légèreté, néglige son obligation d'entretien.

d. Il existe d'autres justes motifs, tels que
les particularités et le comportement antérieur des parents, qui laissent présumer d'emblée que le droit de visite aura des effets néfastes.

Pendant que l'enfant reçoit les soins de parents nourriciers, ce qui doit être le cas durant deux ans au moins avant une adoption (art. 264 CC rev.), la filiation juridique subsiste et, avec elle, en principe, le droit aux relations personnelles. Ce droit est cependant incompatible avec le but de cette institution.

C'est pourquoi l'article 274, 3e al., du projet spécifie que le droit aux relations personnelles cesse lorsque l'enfant est placé chez des tiers en vue d'une adoption. Le représentant légal de l'enfant ne procédera ordinairement à ce place-

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ment que lorsque les parents auront donné leur consentement, conformément à l'article 265° CC rev. ou lorsque, conformément aux articles 265e et 265^ CC rev., l'autorité tutélaire aura constaté que ce consentement n'est pas nécessaire, ou que l'on peut s'attendre à une telle décision.

321.34 La réglementation des relations personnelles La situation personnelle particulière aux intéressés exige que les relations personnelles soient réglées de façon claire. Dans la procédure de droit matrimonial, c'est au juge qu'incombé cette tâche (art. 156, 1er al., 170 CC). Dans les autres cas, la décision est prise actuellement par l'autorité tutélaire ou, lorsque l'enfant est sous tutelle, par le tuteur206). Sous réserve de la compétence que donnent au juge les dispositions du droit matrimonial, le projet confie uniformément cette tâche à l'autorité tutélaire (art. 275).

322 De l'obligation d'entretien des père et mère

Le premier devoir des parents est de pourvoir à l'entretien de l'enfant.

«Qui fait l'enfant le doit nourrir». Le droit en vigueur ne règle que sommairement l'obligation d'entretien et laisse indécises de nombreuses questions importantes. La pratique a élucidé certaines d'entre elles. D'autres doivent être résolues par le législateur. Le projet groupe en un chapitre spécial les principes essentiels concernant l'obligation d'entretien.

322.1 Objet et étendue (art. 276) Après avoir énoncé le principe général de l'obligation d'entretien, il s'agit aussi de préciser son étendue. Selon l'article 276, 1er alinéa, du projet, l'obligation porte non seulement sur les frais de l'entretien vital immédiat, mais aussi sur l'éducation et la formation, et sur les mesures pour la protection de l'enfant, en particulier pour son placement 207 >.

En général, les parents remplissent leur obligation d'entretien en donnant soins et éducation à l'enfant dans la communauté familiale et en assumant les frais que cela comporte. Si toutefois l'enfant ne vit pas sous leur garde, ils doivent satisfaire à leur obligation d'entretien par des prestations pécuniaires.

L'article 276, 2e alinéa, du projet prévoit ces deux formes principales de l'obligation d'entretien£08>. Le projet prévoit des dispositions spéciales concernant les prestations pécuniaires d'entretien (art. 279-294).

L'obligation d'entretien des parents est en soi primaire. Selon le projet, les parents n'en sont déliés que dans la mesure où l'on peut attendre de l'enfant qu'il subvienne à son entretien par le produit de son travail ou ses autres ressources (art. 276, 3e al.). Cette réserve est nécessaire en ce qui concerne 20«) Hegnauer N 72 ad art. 284, N 64 ad art. 285, N 166 ad art. 324-327 CC S( "> Cf. ATF 71IV 201, 78 IV 43, 87 IV 110; Hegnauer N 110-116 ad art. 272 CC

3

°«> Cf. à ce sujet BGB n. v.s § 1606, 3« al-, 2* phrase

58 le produit du travail puisque désormais, l'enfant en aura l'administration et la jouissance (art. 323). Parmi les autres ressources de l'enfant, celles qui entrent d'abord en considération ici sont les prestations sociales et les parties des biens de l'enfant qui sont soustraites à l'intervention des parents.

322.2 Durée (art. 277) D'après le droit en vigueur, le père illégitime est tenu de verser une pension jusqu'à ce que l'enfant soit âgé de dix-huit ans révolus (art. 319, 2e al., CC).

L'obligation d'entretien n'est au surplus soumise à aucun délai. La jurisprudence et la doctrine admettent qu'elle dure jusqu'à la majorité, et exceptionnellement au-delà, jusqu'à ce qu'une formation professionnelle commencée soit achevée209) Le projet codifie ces principes (art. 277) 210> avant la majorité, l'obligation d'entretien cesse, on l'a vu, dans la mesure où l'enfant peut subvenir lui-même à son entretien (cf. art. 276, 3e al., du projet). Le maintien exceptionnel de l'obligation d'entretien au-delà de la majorité suppose que l'enfant n'a pas encore achevé sa formation professionnelle et que, d'après l'ensemble des circonstances, on peut attendre des parents ces prestations supplémentaires.

Si l'enfant a reçu avant sa majorité une formation professionnelle adaptée à leurs moyens, ainsi qu'à ses goûts et à ses aptitudes (cf. art. 302, 2e al., du projet), les parents ne sont pas tenus de subvenir à son entretien pendant une autre formation professionnelle. Les facteurs importants sont, à côté des prestations déjà fournies par les parents, leur situation économique actuelle, les dépenses qu'ils font pour d'autres enfants et les rapports entre parents et enfant. Si l'enfant n'a pas donné aux parents l'aide et les égards qu'il leur doit (art. 272 du projet), les parents sont déliés en tout ou partie de cette obligation supplémentaire. Au-delà de la majorité, l'obligation d'entretien reste, quant à son étendue, limitée à l'entretien de l'enfant lui-même. Les parents n'ont donc pas à subvenir à l'entretien de l'époux ou des enfants de leurs enfants. L'obligation d'entretien des grands-parents à l'égard de leurs petits-enfants que prévoit l'article 328 CC demeure toutefois réservée. Dans tous les cas, l'obligation dure au plus jusqu'à ce que l'enfant ait atteint vingt-cinq ans révolus. Cette limite d'âge
correspond à la durée du droit aux prestations de l'assurance sociale311). Si, à ce moment, l'enfant n'a pas encore achevé sa formation professionnelle et si les parents ne veulent pas continuer à l'aider ou n'y sont pas tenus par les dispositions sur la dette alimentaire (art. 328), il doit assurer son entretien par le produit de son propre travail ou par des bourses.

Avec l'abrogation de la paternité alimentaire, la discrimination de l'enfant illégitime tombe aussi sur ce point.

sot» Egger N1 et 5 ; Hegnauer N 66 s. ad art. 272 CC ; RDT 1973, .54 n° 5 -10> Cf. postulat Jaccottet (1966) 211 > Art. 26, 2e al., LAVS, art. 35 LAI, art. 85 LAMA

59

322,3 Parents mariés (art. 278) Aux termes de l'article 272, 1er alinéa, CC, les père et mère supportent les frais d'entretien et d'éducation de l'enfant selon leur régime matrimonial.

Cette référence est trop étroite. Elle doit s'étendre également aux dispositions correspondantes sur les effets du mariage en général (art. 159, 2e al., 160, 2e et 3e al., 162, 163 CC). C'est pourquoi le projet statue que, pendant le mariage, les père et mère supportent les frais d'entretien conformément aux dispositions du droit matriminial (art, 278, 1er al.).

La question de savoir si et dans quelle mesure le beau-père ou la bellemère doit contribuer à l'entretien de l'enfant n'est pas réglée expressément dans le droit actuel. La doctrine et la jurisprudence ont déduit de l'article 159, 2e et 3e alinéas, CC, une obligation d'entretien subsidiaire du beau-père et de la bellemère2ia>. L'article 159, 2e alinéa, CC, ne paraît toutefois guère fournir pour cela une base suffisante. Dans l'idée du législateur, les enfants dont les parents s'obligent mutuellement à assurer la prospérité d'un commun accord sont certainement les enfants communs uniquement. En-revanche, le devoir d'assistance que prévoit l'article 159, 3e alinéa, CC, comprend également celui d'assister l'autre époux dans l'accomplissement de son obligation d'entretien comme parent. Le projet tire expressément cette conséquence. Le droit à cette assistance appartient au père ou à la mère selon le sang, et non à l'enfant directement. Il est limité aux enfants que peut avoir eu chaque époux avant le mariage, et n'existe pas en ce qui concerne les enfants que peut avoir eu l'un des époux avec un tiers pendant le mariage.

322.4 Action (art. 279-286) 322.41 Qualité pour agir, for et compétence . Le CC ne prévoit contre le père qui doit des aliments qu'une action de l'enfant illégitime tendant à des contributions d'entretien (art. 309, 319.CC).

D'après la doctrine et la jurisprudence, l'enfant peut cependant, dans d'autres cas aussi, réclamer l'entretien à ses parents. Cette action a une importance pratique quand l'enfant majeur réclame l'entretien à ses parents, lorsque les parents naturels se voient retirer la garde ou sont déchus de la puissance paternelle (art. 284, 285 CC), ou lorsque la mère illégitime ou le père illégitime dont l'enfant suit l'état n'a pas l'enfant sous sa garde et n'accomplit pas volontairement son obligation d'entretien al3>. Le projet codifie cette action (art. 279-286).

313

> Lemp, Berner Kommentar, N 15,16 ad art. 159 CC; Hegnauer N 32 ad art. 272 CC, et les citations; Anderegg, Die Unterhaltspflicht der Stiefeltern, Festschrift Amtsvormünder (Zurich 1963) 115 s.; cf. également Kehl RDS 1967 I 163 31 » Hegnauer N 178 s. ad art. 272, N 87 s. ad art. 324-327 CC

60

La qualité pour agir appartient à l'enfant. S'il est mineur, son représentant légal l'intente en son nom. Elle est dirigée contre celui des parents qui n'accomplit pas volontairement son obligation d'entretien (art. 279, 1er al., du projet). Si la filiation à l'égard du père n'est pas encore établie, l'action en aliments peut être liée à l'action en paternité214'. Selon l'article 279, 3e alinéa, du projet, la fixation de contributions d'entretien par le juge en vertu des dispositions concernant le divorce et les mesures protectrices de .l'union conjugale est réservée (art. 156, 2e al., 170/171 CC).

L'action tend au versement de contributions d'entretien pour l'avenir et pour une période écoulée d'un an au maximum (art. 279, 1er al., du projet).

Cette limitation correspond au principe selon lequel l'entretien ne peut être reclamé pour le passé (In peritum non vivitur). On évite ainsi des effets inéquitables de la prolongation du délai pour intenter l'action en.paternité.

Le défendeur contre qui l'action en paternité n'est intentée qu'après des années n'a pas à payer l'entretien rétroactivement jusqu'à la naissance, mais au plus jusqu'à une année avant l'action. D'autre part, l'enfant ne doit pas avoir à pâtir du fait qu'il n'agit pas immédiatement contre les parents, mais leur laisse le temps de trouver une solution amiable.

A l'exemple de l'action en constatation de la filiation (art. 253 du projet), l'action peut être intentée devant le juge du domicile de.l'enfant ou des parents défendeurs (art. 279, 2e al., du projet).

322.42 Procédure La procédure cantonale non plus ne règle pas expressément l'action alimentaire. Les dispositions sur l'obligation d'entretien sont appliquées par analogie215'. Certains cantons prévoient à cet effet une procédure judiciaire, d'autres une procédure administrative, l'une et l'autre devant cependant, en vertu du droit fédéral, se conformer à certains principes de la procédure contradictoire216). Comme il s'agit d'une prétention de droit civil, la compétence du juge civil paraît indiquée d'une manière générale. C'est aussi à lui qu'il incombe de fixer les contributions d'entretien pour l'enfant dans la procédure de droit matrimonial (art. 156, 2e al., CC) ainsi que, aujourd'hui, dans le procès en paternité simple (art. 319 CC). Enfin, la compétence judiciaire
correspond également à l'article 6, 1er alinéa, de la Convention européenne des droits de l'homme 217). C'est pourquoi le projet prévoit la compétence du juge pour l'action alimentaire (art. 279, 2e al.).

ai« voir chiffre 313.21 ci-dessus "s) Guldener, ZPR, 475; ZR 24/1925 n° 22; pour Baie-Ville, cf. L.i. 45; RSJ 60/1964, 236 n° 168 216) ATF 98 II 168 217 > Cf. Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la Convention de sauvegarde des droits dé l'homme et des libertés fondamentales, du 4 mars 1974, FF 1974, 1030 s.

61

Sur la proposition des directeurs cantonaux de. l'assistance publique, le projet prescrit pour l'action alimentaire une procédure simple et rapide et la maxime d'office (art. 280). Cette disposition trouve son modèle dans l'article 343, 2e et 4e alinéas, du code des obligations révisé, où la prescription sert l'intérêt du travailleur qui tire son entretien du produit de son travail. La même considération s'applique à l'action alimentaire de l'enfant. Le droit privé fédéral prend en considération la nature spéciale du droit à l'entretien en limitant la compensation, la. cession et la mise en gage (art. 125, ch. 2, 164, 1er al., CO, art. 899, 1er al. CC); le droit sur la poursuite pour dettes et la faillite fait de même (art. 93,197 LP) 218>. Cette protection spéciale du droit à l'entretien demeure incomplète si elle n'est pas étendue également à la procédure. Il arrive toujours que des procès en aliments, même lorsqu'ils visent une modification de la contribution d'entretien, sont menés avec lenteur en dépit d'une urgence matérielle manifeste. Il n'y a par contre aucune raison de prescrire également pour le procès en entretien la gratuité générale que prévoit l'article 343, 3e alinéa, du code des obligations revisé en ce qui concerne les prétentions du travailleur. Les parents qui contestent à tort leur obligation d'entretien ne méritent pas ces égards, et l'enfant a ordinairement droit à la gratuité de la procédure.

322.43 Mesures provisoires Lors de la revision du droit de l'adoption, l'obligation de fournir des sûretés, soumise à un délai et à des restrictions, qu'imposait l'article 321 CC au défendeur au procès en paternité, et qui s'était révélée tout à fait insuffisante, a été remplacée par l'obligation de consigner et de verser provisoirement des contributions d'entretien; c'est le juge compétent pour l'action eh paternité qui décide de ces versements provisoires et de leur remboursement (art. 321, 321a, 32l6 CC rev.). Ces dispositions, très souvent invoquées depuis leur entrée en vigueur le 1er avril 1973 219>, doivent être introduites dans le nouveau système du droit de la filiation (art. 282-284 du projet). Le préambule de l'article 321 CC rev. (= art. 282 du projet) est ajusté à la nouvelle fonction de l'action en paternité, qui ne vise plus que l'établissement de la filiation (art. 261 du projet).

218

> Rapport «Pour la famille» FF 1944, 951 s., 1044

219

> Entre le 1er avril et le 23 novembre 1973, 57 actions en paternité contestées étaient pendantes devant le tribunal de district de Zurich. Dans la même période ont été présentées 14 demandes de consignation et 17 demandes de paiement provisoire.

Une demande de chaque catégorie a été rejetée, les autres ont été admises (renseignements fournis par le président du tribunal de district de Zurich le 23 novembre 1973). Les deux recours formés ont été rejetés. La Banque cantonale de Zurich (siège principal et toutes les succursales) tient l'office de consignation. D'entente avec elle, la He Chambre civile du tribunal cantonal a publié le 27 avril 1973 une circulaire concernant le déroulement de la consignation. La plupart des défendeurs fourmsseni ponctuellement Tes prestations qui leur ont été imposées. Six cas seulement ont dû être remis au bureau de recouvrement du service des tutelles (renseignements fournis le 23 novembre 1973 par le mandataire du service des tutelles de la ville de Zurich devant les tribunaux).

62

Les mesures provisoires exigent donc que l'action alimentaire soit intentée en même temps que l'action en paternité. En outre, l'article 284 du projet (= art.

32l6, CC rev.) précise la compétence du juge en ce sens que le juge compétent pour l'action en paternité décide également du versement des montants consignés. Cette disposition vise d'abord une liquidation rapide de telles demandes.

Le jugement ne doit pas être retardé par le transfert du dossier à un juge qui n'a rien à voir avec le procès principal. Le droit cantonal peut donc remettre à loisir la décision concernant ces prétentions à un ou plusieurs juges du tribunal compétent pour vider l'action en paternité. Point n'est besoin pour cela d'une disposition légale expresse car le sens de la disposition existante est assez clair sur ce point.

Si, lors de ces mesures provisoires, le fondement juridique de l'obligation d'entretien, soit la paternité, est ordinairement contesté, elles peuvent également s'imposer lorsque la filiation est acquise, mais le montant de la contribution d'entretien contesté. Dans les procédures matrimoniales, les articles 145 et 170 CC permettent de fixer provisoirement les contributions d'entretien".

L'article 281 du projet le permet d'une manière générale, c'est-à-dire même contre des parents mariés auquel l'enfant doit être retiré, ou contre la mère célibataire, ou encore dans un procès visant à modifier la contribution d'entretien, conformément à l'article 286, 2e alinéa, du projet. Le juge peut ordonner la consignation ou le versement provisoire de contributions d'entretien (art.

281, 2e al., du projet). Il peut également combiner les deux mesures en prescrivant le versement provisoire pour les besoins urgents et la consignation pour le reste du montant contesté.

La consignation s'opère par versement à une caisse désignée par le juge et habilitée à recevoir des fonds pupillaires (art. 281, 3e al., du projet)220'.

Cette disposition générale vaut également en ce qui concerne le procès en paternité et en aliments.

322.44 Etendue de la contribution d'entretien Aux termes de l'article 285, 1er alinéa, du projet, la contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux facultés des père et mère, compte tenu de la fortune et des revenus de l'enfant.

Cette formule
tient compte de l'interprétation des articles 156, 2e alinéa, CC, concernant l'enfant de parents divorcés, et 319, 1er alinéa, concernant l'enfant illégitime 2S1>. La situation des parents correspond à leur train de vie effectif, qui dépasse peut-être leurs facultés332). Père et mère doivent être grevés également, en proportion de leurs facultés. Le nouveau droit allemand prévoit la fixation d'un entretien réglementaire que le gouvernement fédéral 22 °> Cf. à ce sujet art. 401, 1er al., CC *8i) Cf. Egger N 3, 4, 9 ad art. 272, N 14-1 fi ad art. 319, Ne 10 ad art. 325 CC; Hinderung H., Das schweizerische Ehescheidungsrecht (3 éd. Zurich 1967) 160 s.; Hegnauer N 121-138 ad art. 272, N 52-65 ad art. 319, N 92 ad art. 324-327 CC 322 > Cf. Hegnauer N 60 ad art. 319 CC et jurisprudence citée

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établit par voie d'ordonnance223'. Le projet n'adopte pas cette solution.

II appartient à la jurisprudence et à la doctrine de fixer des coefficients expérimentaux et d'établir des lignes directrices qui tiennent compte sans règles rigides mais sans arbitraire des multiples situations qui se présentent224).

Depuis l'entrée en vigueur du CC, les prestations des assurances sociales ainsi que de celles du personnel, des assurances contre les accidents et des assurances-responsabilité civile prennent de plus en plus d'importance pour l'entretien de l'enfant. Ainsi se pose la question du rapport entre ces prestations et le droit à l'entretien du droit de la famille. Le CC ne résout pas expressément cette question 235>. D'après le projet, de telles prestations ne se substituent pas en vertu de la loi au droit à l'entretien.

Si elles reviennent à l'enfant lui-même, par exemple les prestations pour enfants ou les rentes supplémentaires d'invalidité, elles font, avec les revenus de sa fortune et le produit de son travail, partie des recettes dont il faut tenir compte en fixant la contribution d'entretien (art. 285, 1er al.). Si, par contre, elles reviennent à la personne tenue de pourvoir à son entretien; par exemple les allocations pour enfants, les rentes pour enfants de l'AVS et de l'Ai, les allocations de naissance ou de formation professionnelle, elles doivent être versées en sus de la contribution d'entretien, sauf décision contraire du juge (art. 285, 2e al.). Cela correspond à la tendance prédominante de la jurisprudence et de la doctrine22S>.

La contribution d'entretien doit être versée d'avance, aux époques fixées par le juge (art. 285, 3e al., du projet). Cette disposition correspond à l'actuel article 319, 2e alinéa, CC, concernant la contribution d'entretien du père illégitime condamné à des aliments.

322.45 Faits nouveaux Lorsque la situation change notablement, la contribution d'entretien peut, comme jusqu'ici, être relevée ou réduite (art, 156, 320 CC; art. 286, 2e al., du projet). Une procédure spéciale en modification peut toutefois être évitée lorsque le juge tient déjà compte du développement prévisible ou possible de la situation en fixant pour la première fois la contribution d'entretien. Ainsi, la contribution d'entretien est échelonnée d'après le besoin d'entretien croissant avec l'âge de l'enfant, d'après l'accroissement prochain des facultés du 223) BGBn.v.5 1615 s.

324

) Cf. la thèse manuscrite de Hans Winzeler, Zurich, Die Bemessung der Unterhaltsbeiträge für Kinder 2S5 > Cf. ATF 86 I 137; Hegnauer, Sind die Waisenrenten der Sozialversicherung auf den Unterhaltsanspruch des ausserehelichen Kindes gegen die Erben seines Vaters anzurechnen? RSJ 1958, 265; Hegnauer N 69-74 ad art. 319 CC 22 « Cf. p. ex. la loi sur les allocations pour enfants, Zurich § 11, Baie-Ville § 3, 5e al.; Hinderung, Ehescheidung p. 163 s., Vasella ZSV 1964, 216 s.: cf. également ATF 98V 216

64 père ou de la mère, d'après la cessation d'autres obligations d'entretien ou le renchérissement èï">. Le projet codifie cette pratique en donnant au juge le pouvoir d'ordonner que la contribution d'entretien soit augmentée où réduite dès qu'il est prévisible ou possible que des changements déterminés surviennent dans les besoins de l'enfant, dans les facultés des parents ou dans le coût de la vie (art. 286, 1er al.). La possibilité de soumettre la contribution d'entretien à la clause d'indexation entre notamment en considération lorsque la situation économique du débiteur d'aliments permet d'attendre une adaptation courante de son revenu au renchérissement. La clause d'indexation doit être concrétisée de telle sorte qu'elle puisse être appliquée sans difficultés par le juge de mainlevée et le fonctionnaire de l'office des poursuites. Il y a donc lieu d'indiquer dans le jugement l'indice déterminant, son niveau au moment du jugement et l'ampleur de la modification qui déclenche la majoration de la contribution228). H serait recommandable de ne prévoir une telle majoration que pour le début de l'année civile suivante. Si le débiteur estime que la contribution d'entretien majorée d'après la clause d'indexation n'est pas appropriée, il lui est loisible de demander une modification écartant l'application de ladite clause.

322,5 Conventions concernant l'obligation d'entretien (art. 287, 288) La réglementation contractuelle de l'obligation, d'entretien répond à un besoin pratique répandu, mais, par égard à l'intérêt de l'enfant, elle ne peut être admise que dans certaines limites. D'après les dispositions actuelles, le droit à l'entretien que le droit de famille confère à l'enfant légitime en général, et à l'enfant illégitime à l'égard de la mère et du père lorsque l'enfant suit son état, est inaccessible à la prescription, à la cession, au règlement par une indemnité unique, à la mise en gage, à la compensation et à la renonciation 229 >. Il est permis, en soi, de le fixer par accord, mais, dans la procédure matrimoniale, une telle convention n'oblige les parties que lorsqu'elle est ratifiée par le juge, conformément à l'article 158, 5e alinéa, CC. Elle peut être modifiée en tout, temps 230>. Le droit de l'enfant envers le père illégitime tenu à verser des aliments est en revanche susceptible d'une
réglementation conventionnelle complète, mais celle-ci n'oblige l'enfant qu'avec le consentement de l'autorité tutélaire, conformément à l'article 421, chiffre 8, CC, et elle est définitive, à moins que la modification n'en soit expressément réservée 23i>.

227

> ATF 98 II 257; Hegnauer N 66 ad art. 319 CC; cf. également art. 208 CCfr. dans la teneur de 1972 228 > Cf. à ce sujet Johannes,-Biske, Statistik der Stadt Zürich, cahier 69, 1974, 44 s.

229 > Hegnauer N 13 et 167 ad art. 272 CC, et indications N 68 ad art. 324-327 CC »o) Hegnauer N 176/177 ad art. 272, N 85/86 ad art. 324-327 CC 231

> Sorg, Der Unterhalts-, insbesondere der Abfindungsvertrag bei ausserehelichen Vaterschaften, RDT 1963, Ï ; Hegnauer N 82-142 ad art. 319 CC

65 Le projet règle la convention d'entretien de façon uniforme. Les conventions relatives aux contributions d'entretien n'obligent l'enfant qu'après avoir été approuvées par l'autorité tutélaire; si la contribution est fixée dans une procédure du droit matrimonial, la ratification par le juge prévue à l'article 158, chiffre 5, CC, suffit (art. 287,1er al., du projet). De telles contributions d'entretien peuvent en principe être modifiées comme celles qui sont fixées en justice.

Leur modification peut être exclue, mais il faut qu'elle le soit expressément, et l'approbation de l'autorité tutélaire de surveillance est requise dans tous les cas, même lorsque la contribution a été réglée dans une procédure du droit matrimonial (art. 287, 2e al., du projet). Cette compétence correspond essentiellement à celle de l'article 422, chiffre 4 et 5, CC.

Une indemnité unique peut être substituée par convention à l'obligation d'entretien, selon l'article 288, alinéa 1er, du projet, s'il existe de justes motifs.

Un tel motif existe par exemple lorsque l'un des parents entend mettre fin définitivement à toutes ses relations avec l'enfant, peut-être parce qu'il va s'établir outre-mer. Dans un tel cas, vu les difficultés d'encaissement, l'indemnité unique peut être aussi dans l'intérêt de l'enfant. Dans tous les cas, la convention n'oblige toutefois celui-ci - même lors d'un divorce - que lorsque l'autorité tutélaire de surveillance l'a approuvée et lorsque l'indemnité a été versée à l'office désigné par elle (art. 288,2e al., du projet). L'indemnité unique substituée au droit à l'entretien ne touche pas l'obligation d'assistance réciproque de l'article 328 du projet, sauf si le contraire a été prévu expressément (art. 288, 3e al., du projet). Le droit successoral n'a pas non plus d'influence sur la convention réglant l'indemnité unique.

Les conventions prévues par ces dispositions portent sur l'obligation d'entretien du droit de la famille reposant sur la filiation. La conclusion de conventions d'entretien reposant sur le droit des obligations demeure autorisée, par exemple entre le père marié enregistré qui ne conteste pas la légitimité de l'enfant et le véritable père de l'enfant, ou entre l'enfant illégitime qui n'intente pas l'action en paternité et son père232). Point n'est besoin pour cela de prescriptions
spéciales. De telles conventions n'ont qu'une valeur provisoire et ne portent pas atteinte au droit d'intenter action en constatation ou en contestation de la filiation dans le délai légal.

322.6 Exécution (art. 289-292) Le droit à l'entretien appartient à l'enfant, qui est créancier du montant de l'entretien. Pendant sa minorité, les contributions d'entretien ne peuvent être acquittées valablement qu'en mains du représentant légal. L'article 289, 1er alinéa, du projet fixe ce principe, parfois contesté dans la pratique. Le dé-

2 2

3 > Hegnauer N 9/61 ad art. 272, N 84/85 ad art. 319, N 12/13 ad art. 307 CC

Feuille fédérale, 126° année. Vpl. II.

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tenteur de l'autorité parentale peut toutefois disposer des contributions d'entretien en faisant usage du droit d'utiliser les revenus des biens de l'enfant (cf. art. 319 du projet).

Lorsque les parents négligent ce devoir, la collectivité publique doit subvenir à l'entretien de l'enfant conformément à la législation cantonale sur l'assistance. La jurisprudence et la doctrine admettent, en se fondant sur l'article 329, 3e alinéa, CC, qu'en pareil cas, le droit de l'enfant à l'entretien passe à la collectivité publique233'. Cette règle importante est reprise expressément à l'article 289, 2e alinéa, du projet. La subrogation s'étend à toutes les prétentions liées au droit à l'entretien, notamment à l'action prévue aux articles 279 à 286 du projet, au droit à l'avis aux débiteurs prévu à l'article 291"et aux sûretés de l'article 292 du projet.

Le paiement des contributions d'entretien est actuellement insatisfaisant234'.

Des mesures spéciales sont nécessaires pour protéger l'enfant: 322.61 Aide à l'encaissement de la contribution d'entretien Bien des mères seules sont trop timides pour réclamer la contribution d'entretien par les moyens que leur offrent le droit des poursuites et le droit pénal. En bien des endroits, les services de recouvrement des organisations d'utilité publique ou des communes leur apportent une aide précieuse235'.

Une enquête sur la rentrée des contributions d'entretien destinées aux enfants illégitimes et aux enfants de parents divorcés, menée par Madame Käthe Johannes-Biske, docteur es sciences économiques et publiques, sur mandat du service social de la ville de Zurich, démontre clairement la haute efficacité de cette aide à l'encaissement236'. L'article 290 du projet astreint l'autorité tutélaire à fournir cette aide à l'encaissement à celui des parents qui en fait la demande. Il est loisible aux cantons de charger un autre office de cette tâche. Ils peuvent par conséquent continuer à la confier aux institutions qui existent déjà dans ce domaine.

322.62 Avis aux débiteurs Selon l'article 171 CC, le juge peut, pendant le mariage, prescrire aux débiteurs des époux, lorsque le mari néglige ses devoirs de famille, d'opérer leurs paiements directement entre les mains de la femme. La commission 233) ATF 71 IV 204, 78 IV 44; Hegnauer N 102 s. ad art. 272, N 94 ad art. 284 CC
2 3i' Hegnauer RDS 1965 n 20; Lalive RDS 1965 II 771 s; Johannes-Biske, Statistik der Stadt Zürich, cahier 69,1974, 52: en 1971, 27% des aliments dus n'ont pas été payés dans la ville de Zurich.

2as > Cf. p. ex. Revue suisse d'utilité publique 1964, 39 s: en 1972 le service d'e,Tir,aissement de l'autorité tutélaire de Zurich a recouvré frs 906 368.-, et le secrétariat de la jeunesse d'Andelflngen frs 130 060,-, S30 > Statistik der Stadt Zürich, cahier 69, 1974.

67 d'étude, répondant au postulat exprimé de divers côtés, a appuyé l'extension de cette mesure au père illégitime et au mari divorcé337'. L'avis présente certains inconvénients, tels que le licenciement du père par l'employeur agacé, le changement fréquent d'emploi pour échapper à l'avis, l'incitation à l'oisiveté, qui sont également à craindre lorsque le salaire est mis en gage. La commission d'étude met cependant l'accent notamment sur l'effet préventif de l'avis : pour des raisons de prestige, le père cherchera à éviter l'avis à son employeur.

En outre, l'avis facilite dans une mesure appréciable les poursuites juridiques, puisque pendant la période pour laquelle il est ordonné, il couvre aussi les prestations futures et ne doit ainsi pas donner lieu à une nouvelle procédure comme c'est le cas de la poursuite pour dettes qui doit être engagée à nouveau pour chaque prestation échue. Nous nous rallions à ces considérations. L'article 291 du projet généralise l'idée en astreignant les débiteurs des parents, et non seulement ceux du père, à opérer leurs paiements entre les mains du représentant légal de l'enfant.

322.63 Sûretés La violation, par mauvaise volonté, de l'obligation d'entretien, est punissable en vertu de l'article 217 du code pénal. Toutefois, dans la pratique, le besoin d'une sanction de droit civil se fait sentir338'. Aux termes de l'article 292 du projet, lorsque les parents persistent à négliger leur obligation d'entretien ou qu'il y a lieu d'admettre qu'ils se préparent à fuir, dilapident leur fortune ou la distraient, le juge peut les astreindre à fournir des sûretés appropriées pour assurer les contributions d'entretien futures Z3a\ Cette mesure a sur la poursuite pénale l'avantage d'assurer à l'enfant la réalisation future de son droit à l'entretien.

Une série d'autres postulats demandent que la poursuite pour dettes tienne davantage compte du droit à l'entretien240'. Ils devront être examinés lors de la revision totale de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite qui est envisagée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les prendre en considération présentement.

322.7 Droit public (art. 293) L'entretien de l'enfant ne peut être réglé par le droit privé que dans la mesure où l'enfant lui-même, ses père et mère et ses parents sont en mesure de l'assumer. S'ils
sont hors d'état d'en supporter les frais, le droit public détermine, conformément aux articles 284, 3e alinéa, et 289, 2e alinéa, CC, qui doit les supporter. Le projet reprend cette disposition à l'article 293, 1er alinéa, et se réfère au droit cantonal puisque la Confédération n'a aucune 237

> Rapport I 31 s; postulat Huber (1950) chiffre 5; associations féminines; Pro familia 338 ' Cf. à ce sujet postulat Jaccottet (Ì966) 339) Cf. RDT1971, 154, n° 36: Un père fortuné négligeait constamment son obligation d'entretien envers ses enfants et dissimulait sa situation de fortune.

240 > Rapport II de la commission d'étude 50 s; postulat Jaccottet (1966).

68 compétence dans ce domaine. Le législateur civil fédéral pose en principe que, lorsque les parents sont hors d'état de payer ces frais, la collectivité publique doit subvenir à l'entretien de l'enfant. Les cantons décident cependant si la commune et, le cas échéant, laquelle, ou le canton, ou tous deux, ont à supporter ces frais, et dans quelles proportions. Ils peuvent également régler les conditions, la forme et le remboursement des prestations, mais ils doivent respecter le sens et l'esprit de la réglementation de droit privé241>. Ce qui importe à ce propos, c'est que le projet s'attache spécialement à faciliter l'exercice et l'exécution du droit à l'entretien. Il ne suffit pas, en effet, que l'enfant ait un droit en soi. Il importe tout autant qu'il reçoive à temps et régulièrement les moyens d'assurer son entretien. C'est à quoi servent les mesures provisoires (art. 281-283 du projet), l'aide à l'encaissement (art. 290), l'avis aux débiteurs (art. 291) et les sûretés pour l'entretien futur (art. 292).

A ce développement de la réglementation de droit privé correspond, dans le droit public de l'assistance, l'avance des contributions d'entretien.

L'enfant ne doit pas avoir droit à des prestations de l'assistance parce qu'il est dans le besoin, mais parce que ses parents négligent leurs obligations d'entretien. La collectivité publique effectue en lieu et place et pour le compte des parents défaillants les prestations dont l'enfant a besoin pour son entretien.

En contre-partie, le droit de l'enfant à l'entretien passe à la collectivité publique.

Cette idée de l'avance des contributions d'entretien ne diffère pas beaucoup, en pratique, des mesures déjà appliquées par les autorités d'assistance ouvertes au progrès. La différence fondamentale est la suivante: Les avances ne constituent pas une assistance aux pauvres et ne doivent être remboursées que par les débiteurs d'aliments défaillants; ni l'enfant, ni la mère qui a rempli ses obligations d'entretien en donnant à l'enfant les soins et l'éducation nécessaires, ne sont tenus au remboursement. Cette idée est déjà réalisée en Scandinavie; en Islande, cette tâche incombe à l'assurance sociale officielle, au Danemark à une caisse publique spéciale242), en Finlande à l'autorité communale d'assistance. En France, trois propositions différentes,
signées par de nombreux députés et visant la création d'une caisse d'Etat destinée à faire l'avance des contributions d'entretien 243>, ont été déposées devant l'Assemblée nationale.

En Suisse également, on reconnaît qu'il est urgent de compléter l'obligation d'entretien du droit de la famille par une obligation d'avance de la collectivité publique244). Faute de base constitutionnelle, cette tâche ne peut toutefois être assignée à l'assurance sociale fédérale. La solution demeure plutôt réservée au droit public de l'assistance, qui ressortit à la compétence cantonale. L'article 2

«> Cf. Huber, Berner Kommentar, N 77 s. ad art. 6 CC > Cf. Die soziale Sicherung unvollständiger Familien in Dänemark (Bonn 1971); cf. également Johannes-Biske, Statistik der Stadt Zürich, cahier 69, 1974, 48 s.

243) NO 2571, 2604 rectifiée, 2623 244 > Cf. Congrès des Juristes RDS 1965 II: Hegnauer 180 s.; Lalive 782 s.; discussion 895, 944 (Hegnauer), 900, 947 (Lalive), 908 (Hoffmann), 925 (Müller-Freienfels).

242

69 293, 2e alinéa, du projet retient cette situation juridique au sens de l'article 6 CC. Des interventions en vue de la réalisation de cette obligation de faire des avances ont déjà eu lieu à Zurich 244a) et à Neuchâtel 245). L'enquête de la ville de Zurich dont il a déjà été question a montré que 86 pour cent environ des contributions d'entretien dues pouvaient être récupérées par la voie de rencaissement officiel246). Ce pourcentage élevé montre que l'obligation de faire des avances ne constitue pas pour la collectivité une chargeinsupportable 247)..

322,8 Parents nourriciers (art. 294) Le droit actuel ne traite pas les rapports des parents nourriciers avec l'enfant qui leur est confié. Le droit à une indemnité se règle d'après les dispositions du code des obligations 248). Dans la pratique, il y a certains doutes sur l'existence d'un tel droit 249). C'est pourquoi l'article 294, 1er alinéa, du projet prévoit que, sauf si le contraire a été convenu ou résulte clairement des circonstances, les parents nourriciers ont droit en principe à une rémunération équitable. Cette dernière condition est régulièrement remplie lorsqu'il s'agit d'enfants de proches parents ou d'enfants accueillis en vue d'adoption. Dans ce cas, conformément à l'article 294, 2e alinéa, du projet, la gratuité est présumée. Il faudrait qu'une rémunération ait été expressément convenue.

322.9 Droits de la mère célibataire (art. 295) Lorsque la mère est mariée, les frais qui résultent de la grossesse et de l'accouchement doivent être supportés selon les dispositions du droit matrimonial (art. 160, 2e al., CC). Si, par contre, la mère n'est pas mariée, elle peut faire valoir contre le père un droit spécial à être indemnisée, droit que règle actuellement l'article 317 CC à propos de l'action en paternité, mais que le projet règle en liaison avec le droit de l'enfant à l'entretien (art. 295). Le droit existe, comme actuellement, si la demande en paternité est fondée (art. 317 préambule, CC), ou si le père a reconnu l'enfant (art. 309, 2e al., CC). Les dispositions qui régissent l'action en paternité s'appliquent au délai, au for et à la compétence. Matériellement, le droit est élargi sur deux points: le temps durant lequel la mère est indemnisée de l'entretien après la naissance est porté de quatre semaines au moins à huit semaines
au moins (eh. 2)250). Cela 244a)Canton: motion Schmid du 9 juin 1969 et motion Braunschweig/Kyburz du 9 juin 1969; ville: motion Heidelberger du 19 août 1970 et rapports du Conseil de ville du 3 septembre 1970 et du 19 mars 1971.

245 ' Motion Favre et consorts du 14 décembre 1971 2 46) Johannes-Biske, op. cit. 21 247 > Cf. à ce sujet les estimations de Johannes-Biske, op. cit. 52 s et 65 s.

248) Cf. Hegnauer N 26 des remarques préliminaires aux articles 264-269 CC 249) Bertholet, Les aspects juridiques du placement familial (thèseNeuchâtell 1969) 43 s.

250) Cf. postulat Huber (1955) eh l ; commission d'étude, Rapport I 26/27.

70

correspond à la réglementation de l'article 35,2e alinéa, de la loi sur le travail 251>.

En outre l'indemnisation pour d'autres dépenses est étendue expressément au premier trousseau de l'enfant (ch. 3).

Il y a actuellement contestation quant à savoir si le défendeur est aussi tenu d'indemniser la mère en cas de fausse couche25^. En vertu de l'article 295, 2e alinéa, du projet, le juge peut également, pour des raisons d'équité, allouer tout ou partie de ces indemnités à la mère lorsque la grossesse a pris fin prématurément. Cela vaut aussi bien pour la fausse couche que pour l'interruption de la grossesse. Il est indiqué de réserver ici l'appréciation du juge, car les circonstances peuvent être fort diverses.

L'imputation des prestations de tiers est également contestée 253>. Ici également le projet remet la décision à l'appréciation du juge, qui peut, en vertu de l'article 295, 3e alinéa, dans la mesure où les circonstances le justifient, imputer sur ces indemnités les prestations de tiers auxquelles la mère a droit en vertu de la loi ou en exécution d'un contrat.

L'article 318 CC accorde en outre à la mère un droit Préparation morale lorsque le père lui avait promis le mariage, lorsque la cohabitation a été un acte criminel ou un abus d?autorité, ou lorsque la demanderesse était encore mineure à l'époque de la cohabitation. Ce droit est un cas d'application de l'article 28 CC et de l'article 49 du code des obligations sur la protection de la personnalité254'. Pratiquement il coïncide tout à fait avec le droit à réparation morale en cas de rupture de fiançailles que prévoit l'article 93 CC, et l'article 49 du code des obligations en cas d'atteinte aux intérêts personnels. Dans les rares arrêts publiés concernant l'article 318 CC, la réparation morale aurait pu se fonder également sur les deux dispositions citées. Point n'est besoin d'un droit à réparation morale spécial pour la grossesse provoquée hors mariage.

La législation étrangère - même la plus récente - ne connaît pas non plus un tel droit. Le projet abandonne donc cette disposition de l'ancien droit. La protection de la mère illégitime n'est pas, matériellement, diminuée pour autant.

323 L'autorité parentale 323.1 Remarque préliminaire Aux problèmes matériels que pose l'autorité parentale pour la revision s'ajoute une question de
terminologie. On trouve aujourd'hui trop absolue la désignation de puissance paternelle, qui rappelle la patria potestas du droit romain. De fait, par rapport à l'ancien droit, cette institution a subi des mutations profondes. Il n'est cependant pas aisé de trouver une meilleure désignation.

251 252

> Cf. en ce qui concerne le droit étranger Hegnauer RDS 1965II190 N12 > Contre: ATF 41 II 468, RSJ 1915/16 272 n° 68, 1946, 342 n° 130; Silbernagel

N 22/23 ad art. 317, N 3 ad art. 309 CC; pour: Hegnauer RDS 1965 II 188 s.; N 12 ad art. 317 CC; RSJ 1969, 344 nó 180; cf. aussi Lalive RDS 1965 II 753 s.

2S3 > Cf. RSJ 1972, 59 n° 24 254 > Gmür RJB 1899, 538; Hoffmann Bull. sten. 1905, 1197; ATF 72 II 174

71 Le còde civil français a remplacé la puissance paternelle par l'autorité parentale 355) Cette expression est reprise dans le texte français du projet et adoptée pour le texte italien. Elle apporte une nette atténuation, qui correspond à l'idée que l'on se fait actuellement de l'institution, sans enlever à celle-ci l'élément, qui lui est propre, du pouvoir de décision. Pour le texte allemand, cette solution n'est pas possible. L'expression «Autorität» est pour la langue allemande un terme étranger, moins proche de l'idée d'une compétence juridique que d'un pouvoir spirituel. Le code de la famille de la République démocratique allemande parle d'«Erziehungsrecht», le projet de la République fédérale d'Allemagne d'«elterlicher Sorge», le projet autrichien d'«elterlichen Rechten und Pflichten».

Ces expressions ne sont toutefois pas satisfaisantes258>. La notion de «Sorge» paraît indéterminée. On n'en saurait notamment déduire la représentation légale et la compétence juridique de prendre des décisions. Elle s'insère moins bien dans les contextes que celle de puissance paternelle. Des tournures telles que «détenteur, retrait, perte, limitation, abus, exercice des soins parentaux» ne sont pas satisfaisantes. Enfin, il est impossible d'introduire cette expression dans les textes français et italien. Les termes «Sorgerecht» et «Erziehungsrecht» n'expriment pas l'élément essentiel du devoir. Enfin le collectif «Elternrechte und -pflichten» sacrifie l'unité de l'institution et la délimitation claire par rapport à l'obligation d'entretien. Dans le code de droit privé zurichois et dans les législations qui l'ont suivi, l'institution est appelée «väterliche Vormundschaft», et la tutelle ordinaire «obrigkeitliche Vormundschaft». Cette terminologie, semblable à celle que l'on trouve en Scandinavie, exprime pertinemment le caractère d'obligation et d'altruisme de l'institution, mais elle efface la différence fondamentale qui la distingue de la tutelle, en particulier l'enracinement de la puissance paternelle dans la personnalité des parents. L'expression «elterliche Leitung» serait pertinente et moderne. Il n'y aurait pas de difficulté à la traduire en français et en italien (direction parentale, direzione dei genitori).

Cependant, dans le langage courant, l'expression «direction» est déjà liée à une multitude
de concepts des plus divers. On peut douter qu'elle puisse servir à désigner une institution juridique nettement déterminée. Pour ces motifs, le projet maintient dans le texte allemand l'expression, traditionnelle, bien connue et nettement définie par la législation, la jurisprudence et la doctrine de «elterliche Gewalt». En droit constitutionnel également, le terme de «Gewalt» est irremplaçable. Lorsqu'il est question de'séparatioh des pouvoirs, du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire, ou, dans la constitution fédérale, du pouvoir fédéral et de l'autorité suprême de la Confédération (art. 3, 71), lorsqu'on lit dans les constitutions cantonales a57 >, que le pouvoir de l'Etat repose sur .l'ensemble des citoyens, on entend par là un pouvoir originaire, exclusif et.

étendu, mais toujours juridiquement ordonné et limité. Ces caractéristiques 2SE)

Cf. Plattet, L'autorité parentale, RDS 1972 I 507 « Cf. à ce sujet Neuhaus, RabelsZ 1970, 396; Hoyer Farn RZ, 1972, 285 · 257 > P. ex: Zurich, article premier; Berne, art. 2 26

72 s'appliquent également à l'autorité parentale «elterliche Gewalt». Celle-ci, dans sa conception, n'est pas induite, mais originaire, antérieure à l'Etat, elle est étendue et exclusive, mais juridiquement circonscrite 258'. Elle ne présente pas de contradiction avec les nouveaux textes français et italien, puisque la constitution fédérale de 1874, toujours en vigueur, traduit «Gewalt», au sens de pouvoir de décision de l'Etat, par «autorità» en italien, à l'article 3, et par autorité en français, aux articles 71 et 95, et qu'elle rend, à l'article 49 (väterliche) Gewalt par autorité (paternelle).

Il est déjà reconnu sous le droit actuel que la puissance paternelle est tout autre chose "qu'une domination absolue et illimitée des parents, mais qu'elle porte plutôt lès traits d'un office ou d'un service259*. On verra que le projet accentue encore fortement ce caractère.

Le chapitre se divise comme jusqu'ici en trois parties dont la première est consacrée aux dispositions générales, la deuxième à l'autorité parentale et la troisième à la protection de l'enfant lorsque des parents manquent à leurs devoirs.

323.2 Conditions (art. 296 à 300) 323.21 En général L'autorité parentale signifie le pouvoir de prendre des décisions pour les enfants mineurs (art. 296, 1er al,, du projet). L'article 273, 2e alinéa, CC, prévoit la continuation de la puissance paternelle pour les enfants majeurs qui sont interdits, a moins que l'autorité compétente ne juge à propos de leur nommer un tuteur. La loi fait ici une règle260' de ce qui, dans la pratique, n'est qu'une rare exception. Il est bien rare que les parents d'interdits, soient, en raison de leur âge ou de leur caractère, en mesure de continuer à exercer l'autorité parentale. Comme l'estiment la commission d'étude261' et la commission d'experts, une prescription spéciale ne nous paraît pas nécessaire. Il suffit que le droit de la tutelle prévoie la possibilité, en cas d'interdiction, de rétablir l'autorité parentale plutôt que d'instituer une tutelle362'.

Seules les personnes ayant l'exercice des droits civils sont en mesure d'exercer la puissance paternelle (art. 13-16 CC). Aussi l'article 296, 2e alinéa, du projet dispose-t-il expressément que les mineurs et les interdits n'ont pas l'autorité parentale. Cela s'impose en ce qui concerne les mineurs, puisque désormais, l'autorité parentale appartient, en vertu de la loi, à la mère (art.

28

« Hegnauer N 4 s. ad art. 273 CC 59> Cf. les auteurs cités par Hegnauer N 10 ad art. 273 CC s«"» cf. art. 385, 3= al., CC 261 > Rapport II 40 262) L'art. 385, 3e al., CC devrait être adapté à la pratique lors de la revision du droit de la tutelle.

2

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298, 1er al., du projet), si elle n'est pas mariée avec le père; or, dans de tels cas, elle est souvent encore mineure elle-même. D'autre part, l'interdiction constitue déjà, selon l'article 285 CC, un motif impératif de déchéance de la puissance paternelle. Il est plus logique de faire intervenir de par la loi la perte de l'autorité parentale. Lé fait que, dans le droit actuel, la déchéance doive être prononcée expressément2G3) apparaît comme une complication inutile.

323.22 Parents mariés Le code civil a fait le pas décisif en remplaçant la puissance paternelle par la puissance parentale, qui, non seulement appartient aux père et mère, pendant le mariage, mais est exercée en commun par eux (art. 274, 1er al.)264'.

Depuis lors, ce principe a été universellement accepté. Le projet l'adopte comme allant de soi (art. 297, 1er al.). Le projet reprend également, en modernisant légèrement le texte, la phrase selon laquelle, après la mort d'un des époux, l'autorité parentale appartient au survivant et, en cas de divorce, à celui auquel les enfants sont confiés (art. 297, 3e al.). La réglementation de la puissance paternelle en cas de Suspension de la vie commune et de séparation judiciaire faisait jusqu'à présent l'objet de contro verses 365>. Le projet confère expressément au juge le pouvoir de confier dans ces cas l'autorité parentale à un seul des époux (art. 297, 2e al.). Cela peut être nécessaire dans l'intérêt de l'enfant, car l'expérience a montré que, dans ces situations, l'autorité parentale est rarement exercée en commun avec profit.

D'après le droit actuel, à défaut d'entente, le père décide (art. 274, 2e al., CC) >. Ce droit de décision du père correspond à la préséance, affaiblie certes mais encore nette, que le droit matrimonial donne au mari (art. 160, 1er al,, CC). La suppression de ce droit de préséance du père est un postulat important des associations féminines; il est manifestement fondé. Le droit de décision du père est incompatible avec l'égalité (le droit entre homme et femme. Il se fonde sur l'idée inexprimée que la volonté du père mérite objectivement la préférence, ce que personne aujourd'hui ne peut plus prétendre sérieusement. Les pays Scandinaves ont supprimé le droit de décision du père déjà bien avant la deuxième guerre mondiale. La plupart des législations étrangères
récentes ne connaissent plus cette préséance du père. Sur la recommandation de la commission d'étude 207 > et de la commission d'experts, le projet l'abandonne également.

266

26!

» > 365 > 2es >

Cf. Hegnauer N 24 ad art. 285 CC Cf. Egger N 1 et 2 ad art. 274 CC Cf. Hegnauer N 30, 32 s. ad art. 274 CC et citations.

Cf. à ce sujet: Frischkopf E., Die gemeinsame Ausübung der elterlichen Gewalt (thèse Fribourg 1970), avec ses études approfondies de droit comparé et ses considérations dogmatiques.

2e7 > Rapport II 22 s.

264

74

Certaines lois étrangères récentes prévoient, à défaut d'entente entre parents, une procédure spéciale de l'autorité 268>. La commission d'experts, comme la commission d'étude, estime que cela est inutile269). Nous partageons cette opinion. L^exercice de l'autorité parentale par les parents mariés fait partie de la vie conjugale; il est ainsi soumis à l'impératif général du commun accord (art. 159, 2e al., CC). Si les époux ne sont pas en mesure d'exercer cette autorité, il y a lieu d'y remédier par les moyens qu'offre le droit matrimonial (protection du mariage, séparation ou divorce), ou la protection de l'enfant selon l'article 307 s. du projet. H y a cependant lieu, pour protéger les tiers de bonne foi, de compléter les dispositions concernant la représentation de l'enfant par les parents (art. 304, 2e al., du projet), 323.23 Parents non mariés Le droit actuel ne confère pas de par la loi la puissance paternelle aux parents qui ne sont pas mariés. L'enfant reçoit d'abord un curateur à qui il incombe de régler en premier lieu la question de la paternité, mais qui dispose par ailleurs de tous les pouvoirs d'un tuteur (art. 311, 1er al., CC)270>. Si la paternité est réglée ou si l'action n'a pas été intentée dans le délai, le curateur est remplacé par un tuteur, conformément à l'article 311, 2e alinéa, CC, à moins que l'autorité tutélaire ne juge utile de placer l'enfant sous la puissance paternelle de la mère ou du père. Le recours au Tribunal fédéral en raison du refus de la puissance paternelle est exclu. Les postulats Huber, du 20 septembre 1955, et Gitermann, du 4 juin 1958, ainsi que divers mémoires d'organisations féminines, réclament ici également une amélioration du sort de la mère illégitime. De fait, la réglementation actuelle n'est pas satisfaisante. Il y a peu de temps encore, les autorités tutélaires décidaient tout à fait librement de l'attribution de la puissance paternelle271). Durant des décennies, elles n'ont usé de cette possibilité que rarement, et de façons fort diverses. En bien des endroits, la curatelle était généralement transformée en tutelle, et c'était même le cas lorsque la mère n'était ni incapable ni indigne d'exercer la puissance paternelle272>. Même contre le refus arbitraire de la puissance paternelle, la mère ne pouvait recourir au Tribunal fédéral 273). Ces
dernières années seulement, sous l'influence du' mouvement de revision, la situation de la mère illégitime, à qui la puissance paternelle est transmise beaucoup plus souvent s'est améliorée, même si la pratique diffère considérable36

«> «>> STO) 2ïi) 2va >

Art. 372-1 CCfr. rev.; Referentenentwurf zu § 1628 BOB d'octobre 1972 De même Frischkopf, op. cit., 157 ATF 94 II 228 ; Hegnauer N 46 ad art. 311 CC ATF 87 I 213, 72 II 337, 49 H 149; Egger N 18 ad art. 324 CC Cf. Hegnauer N 206 ad ari. 324-327 CC; RSJ 1916/17 263 n° 229, 1940/41 314 n° 199; RDT 1952 113 n° 32, 1968 25 n° 9 =»3) ATF 87 I 212; cf. Hegnauer N 273 ad art. 324-327 CC

s

75

ment d'un endroit à l'autre, et le Tribunal fédéral lui a enfin reconnu récemment la qualité d'agir par voie de recours de droit public274*. La modification de la réglementation légale n'est toutefois pas devenue pour autant superflue.

En 1962, la commission d'étude a proposé que l'autorité tutélaire soit tenue de placer l'enfant sous la puissance paternelle de la mère sauf si l'intérêt de l'enfant exige l'institution d'un tuteur275'. Les rapports au Congrès des juristes de 1965 et les consultations allèrent dans la même direction276). Ces propositions ont avec le droit actuel ceci de commun que l'autorité parentale n'est pas attribuée à la mère par la loi, mais seulement, dans chaque cas, par attribution expresse de l'autorité tutélaire. Cela constitue une différence essentielle par rapport aux parents légitimes, à qui la puissance paternelle revient de par la loi. La différence de la situation justifie-t-elle cette inégalité devant la loi? Le fait que la mère légitime exerce la puissance paternelle avec le père, tandis que la mère illégitime l'exerce seule, ne suffit pas à apporter cette justification. En effet, la puissance paternelle appartient, de par la loi, à la mère légitime, même seule, lorsque le père meurt ou lorsque, en cas de divorce, les enfants sont attribués à la mère; elle appartient de même à la mère célibataire lorsque son enfant a été légitimé par le juge. Certes, une différence fondamentale réside dans le fait que l'enfant de la mère légitime a depuis sa naissance un père au sens juridique du terme, tandis que l'enfant de la mère illégitime doit d'abord établir sa filiation à l'égard du père. Il s'agit là d'une tâche que, pour des raisons compréhensibles, la mère illégitime est rarement en mesure d'accomplir correctement pour l'enfant. Il suffit cependant de nommer à cet effet un curateur à l'enfant, sans priver la mère des autres attributions de la puissance paternelle.

On ne saurait prétendre non plus que la mère illégitime soit d'une façon générale inapte, ou moins apte que la mère légitime, à exercer correctement la puissance paternelle. Certes, le nombre des mères illégitimes qui sont faibles de caractère ou inaptes à donner une éducation est relativement élevé277), mais elles sont loin d'être toutes dans ce cas. Inversement, même le mariage n'offre pas une meilleure
garantie d'aptitude à l'éducation, puisqu'il, dépend souvent de circonstances bien fortuites que les parents se marient avant la conception ou la naissance, ou non. La présomption, qui est à la base de la réglementation actuelle, selon laquelle la mère légitime serait capable de donner une éducation, mais non la mère illégitime, apparaît donc dénuée de fondement objectif.

C'est une séquelle du jugement collectif stigmatisant la honte de la naissance illégitime et l'indignité de la mère illégitime. Cette présomption conduit en . outre, pratiquement, à des résultats absurdes puisque, par exemple, une femme 274) 276 > 276 > S77 >

ATF 97 I 263 Rapport I 21 s, RDS 1965 II: Hegnauer 133Js., Lalîve 552 s.

Binder H., Die uneheliche Mutterschaft (Berne 1941) 68 s. et autres auteurs cités par Hegnauer RDS 1965 n 137

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a la puissance paternelle sur son premier enfant issu d'un mariage dissous par le divorce, mais non sur son second enfant né hors mariage, bien que son aptitude ou son inaptitude à les éduquer soit la même en ce qui concerne l'un et l'autre. Elle ne tient pas compte non plus du fait que la garde directe et les soins de l'enfant incombent à la mère, du moins les premiers temps, mais souvent aussi pour une longue durée. C'est pourquoi la doctrine et la pratique reconnaissent à la mère, et à son défaut au père, de nombreux pouvoirs, indépendamment de la puissance paternelle278'.

A ceux qui défendent la réglementation actuelle en invoquant la nécessité de protéger suffisamment l'enfant illégitime, il convient d'objecter que l'enfant légitime n'a pas moins besoin d'être protégé. Il ne convient donc pas de régler l'attribution et la déchéance de l'autorité parentale selon un autre critère pour la mère illégitime que pour la mère légitime. C'est cependant à quoi aboutit la réglementation actuelle. Elle conduit, comme on l'a relevé, à traiter différemment la même situation sociale selon que l'enfant est légitime ou illégitime.

La seule solution objectivement satisfaisante consiste à attribuer l'autorité parentale, de par la loi, à la mère célibataire (art. 298, 1er al., du projet). Cette solution s'est également implantée à l'étranger, parfois depuis des décennies 379>.

H convient d'observer à ce propos qu'à l'avenir aussi il y aura lieu de nommer pour l'enfant un curateur chargé non seulement d'établir la filiation paternelle, mais de conseiller et d'assister également la mère de la façon appropriée aux circonstances (art. 309, l?r al., du projet). Le curateur devra aviser l'autorité tutélaire s'il constate que la mère n'est pas capable d'accomplir sa tâche (cf.

art. 309, 3e al., du projet). Si la mère est mineure, interdite ou décédée, ou si elle est déchue de l'autorité parentale, l'autorité tutélaire nomme un tuteur à l'enfant ou transfère l'autorité parentale au père lorsque le bien de l'enfant est sauvegardé (art. 298, 2e al., du projet) 2SO>. Si le père est marié, il n'est dans l'intérêt de l'enfant de lui transférer l'autorité parentale que si son épouse accepte d'accueillir l'enfant dans la communauté familiale et entretient avec lui de bonnes relations. Dans ces cas le transfert de l'autorité
parentale au père peut même s'avérer très avantageux pour l'enfant 281>. Le père illégitime n'est donc pas écarté de l'autorité parentale, mais il vient après la mère. Cela se justifie objectivement, car la filiation à l'égard de la mère existe dès la naissance, et l'enfant est la plupart du temps élevé chez elle. De surcroît, clairement exprimée dans la loi, la prééminence du droit de la mère prévient la lutte souvent si préjudiciable pour J'enfant lors du divorce. Sous le droit actuel, seules la doctrine et la pratique les plus récentes reconnaissent ce droit282'. L'opinion contraire 2

'» Cf. Hegnauer N 61 s., 98 s. ad art. 324-327 CC; RDS 1965 II 147 s.

TM> § 1705 n.v. BOB; art. 374, 2= al., CCfr. rev.; Egger N 17 ad art. 324 CC 28 °> Cf. l'exemple cité dans-RDT 1972, 8l n° 12 as« webler, Uneheliche Kinder in der Obhut ihrer Väter, Zentralblatt für Jugendrecht und Jugendwohlfahrt 1969, 177 2S2 > Cf. Hegnauer N 219 s. ad art. 324-327 CC 2

77

en faveur du droit préférentiel du père a renforcé l'opposition des curateurs et des mères illégitimes contre les effets d'état civil. - Le projet exclut lui aussi l'exercice en commun de l'autorité parentale par les parents non mariés.

323.24 Beaux-parents Lorsque le détenteur de l'autorité parentale, veuf, divorcé ou illégitime, conclut un nouveau mariage, le nouveau conjoint prend inévitablement une part plus ou moins grande au soin et à l'éducation de l'enfant. Il y est d'ailleurs tenu en vertu de l'obligation matrimoniale d'assistance (art. 159, 3e al., CC).

Cependant, l'autorité parentale ne lui appartient pas. Ainsi, sa position juridique à l'égard de l'enfant du conjoint et des tiers est faible et incertaine. L'article 299 du projet y remédie: chaque époux est tenu d'assister son conjoint dç façon appropriée dans l'exercice de l'autorité parentale à l'égard des enfants de l'autre et de le représenter lorsque les circonstances l'exigent. Cela n'est pas seulement une obligation, mais aussi un droit. Dans la mesure où les circonstances lui imposent lé soin et l'éducation de l'enfant, le beau-père ou la belle-mère a part également à l'autorité parentale. Cela favorise l'intégration de la famille fondée par le nouveau mariage.

323.25 Parents nourriciers Les parents nourriciers n'ont pas l'autorité parentale. Ils doivent en principe prendre les instructions des parents dans toutes les décisions 283>.

Mais cela n'est ni toujours possible en temps utile, ni nécessairement juste; en effet, les parents nourriciers connaissent bien mieux que les parents les circonstances dans lesquelles se trouve l'enfant. Il est donc dans l'intérêt de celui-ci que la position juridique des parents nourriciers soit également renforcée284). L'article 300 du projet prévoit par conséquent que, lorsqu'un enfant est confié aux soins de tiers, ceux-ci, sous réserve d'autres mesures, représentent les parents dans l'exercice de l'autorité parentale dans la mesure où cela est indiqué pour leur permettre d'accomplir correctement leur tâche. Cela ne vaut pas seulement pour les parents nourriciers au sens étroit, mais aussi pour le directeur d'un home dans lequel l'enfant est placé.

323.3 Contenu (art. 301-306) 323.31 En général II n'est pas nécessaire de modifier matériellement le contenu de l'autorité parentale. En revanche,
il faut en fixer plus nettement le but dans la loi: les parents déterminent les soins à donner à l'enfant et dirigent son éducation en vue de son bien; sous réserve de sa propre capacité (art. 19, 2e al., CC),

sas) Bertholet, Les aspects juridiques du placement familial, 54 > Cf. Egger N 13 ad art. 284 CC; conseiller national Aider, Bull. sten. CN1972,500 s.

S84

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ils prennent les décisions nécessaires pendant sa minorité (art. 301, 1er al., du projet). «L'éducation n'est toutefois pas un mouvement à sens unique de haut en bas», mais le résultat de l'ensemble des relations personnelles entre parents et enfants. Cela signifie que sa liberté est respectée, que sa résistance nécessaire n'est pas opprimée, que le sentiment de sa propre valeur n'est pas détruit.

Ainsi seulement il pourra se développer jusqu'à la majorité qui le mettra en mesure d'assumer à son tour responsabilité et protection» (trad.) 285\ Les parents doivent donc accorder à l'enfant, selon son degré de maturité, la liberté d'organiser sa vie et tenir compte autant que possible de son avis pour tous les.actes importants d'administration (art. 301, 2e al., du projet). L'élément essentiel de l'autorité parentale, qui est en même temps la condition de son exercice, est le pouvoir qu'ont les parents de désigner le lieu de séjour de l'enfant (droit de garde) 2S6>. L'article 273, 1er alinéa, CC, ne mentionne que les rapports avec les tiers: l'enfant ne peut être enlevé sans cause légitime à ses père et mère. Le projet complète cette disposition en ce qui concerne les relations avec l'enfant lui-même: il ne peut quitter la communauté domestique sans l'assentiment de ses père et mère (art. 301, 3e al.). Enfin, dans le texte allemand, le terme «Personennamen» (ait. 275, 3e al., CC) est remplacé par celui, plus usuel, de « Komamen» (art. 301, 4e al., du projet).

AUX termes de l'article 275, 1er alinéa, CC, l'enfant doit à ses père et mère obéissance et respect. On peut toutefois renoncer à cette disposition. Le droit à l'obéissance est inclus dans le pouvoir de décider des soins à donner à l'enfant et de diriger son éducation (art. 301, 1er al., du projet). Le respect est certes un devoir moral, mais il se manifeste comme l'expression d'une attitude intérieure qui, comme l'amour entre époux, est le résultat de la rencontre personnelle et qui, dans les relations entre parents et enfant, dépend justement, pour l'essentiel, de l'éducation2S7).

L'autorité parentale inclut également le droit de corriger l'enfant dans la mesure où son éducation l'exige. Point n'est toutefois besoin de mentionner ce droit expressément dans la loi. Le code civil français et le codice civile italiano s'en passent, de même que le Bürgerliche Gesetzbuch revisé et les autres lois récentes sur la famille. C'est pourquoi le projet abandonne l'article 278 CC.

28S

> Josef Duss-von Werdt, directeur de l'Institut de science matrimoniale et familiale, Zurich, dans: Überlegungen zur Familie von morgen, Revue suisse d'utilité publique 1972, 283 S88 > Cf. ATF 95 II 385 as?) La commission chargée d'étudier le projet de code de droit privé zurichois de Bluntschli avait déjà rejeté l'adoption des articles 371 et 372 du code civil concernant le respect et l'obéissance des enfants à l'égard des parents. La minorité de la Commission, toutefois, estimait extrêmement inquiétant d'affaiblir ou de nier le principe de l'obéissance des enfants sans lequel une vie de famille morale n'est pas possible, à une époque (-1853!-) où les enfants ne sont que par trop enclins à s'arroger une indépendance prématurée et sans raison ; Schneider N 2 ad § 655 BGB.

79 323.32 Education La plus noble tâche des parents, qui est l'éducation de leurs enfants, est de nature morale et échappe à la réglementation juridique288^. Le législateur doit par conséquent se borner dans ce domaine à des lignes directrices générales. Aux termes de l'article 275, 2e alinéa, CC, les père et mère sont tenus d'élever l'enfant selon leurs facultés. Le projet élargit cette prescription par trop étroite en ajoutant qu'ils doivent favoriser et protéger son développement corporel, intellectuel et moral (art. 302, 1er al.). Ils doivent en particulier donner à l'enfant une formation générale et professionnelle appropriée. Ils ont le même devoir a l'égard des enfants handicapés physiquement ou mentalement. Le fait que la formation professionnelle ne fasse plus comme jusqu'ici (art. 276 CC) l'objet d'une disposition spéciale ne diminue nullement son importance. Elle est partie intégrante de la formation, à laquelle s'applique, comme jusqu'ici à la formation professionnelle seulement, le .devoir de tenir compte des aptitudes et des -voeux des enfants (art. 302, 2e al., du projet).

Les parents ne sont pas seuls à devoir se soucier de l'éducation et de la formation de l'enfant. L'école et la protection officielle ou d'utilité publique de la jeunesse assument une bonne partie de cette tâche 289>. Ces institutions ont besoin de l'appui des parents pour que leur travail serve l'intérêt de l'enfant. C'est pourquoi l'article 302, 3e alinéa, du projet astreint les parents à collaborer dans ce but avec l'école et, lorsque les circonstances l'exigent, avec les institutions publiques et d'utilité publique de protection de la jeunesse. Certes, les lois cantonales contiennent également des prescriptions sur les devoirs des parents.

Celles-ci ne concernent toutefois quant à l'essentiel que leur comportement extérieur, en particulier l'obligation d'envoyer régulièrement et ponctuellement les enfants à l'école. Il ne s'agit toutefois pas ici de cette obligation de droit public des parents envers l'école, mais du devoir qu'ont les parents de collaborer dans son intérêt avec l'école et avec la protection de la jeunesse. Ils doivent le faire «de façon appropriée». Cela peut aussi signifier, dans.le cas particulier, que les parents ont le droit et le devoir de s'opposer au comportement objectivement dévié
d'un instituteur ou d'une assistante sociale. La disposition n'est pas dirigée contre la liberté d'éducation positive des parents, mais contre l'indifférence malheureusement répandue et hautement préjudiciable à l'enfant à l'égard du travail de l'école et de la protection de la jeunesse, 323.33 Education religieuse Abstraction faite d'une légère modification rédactionnelle au troisième alinéa, l'article 303 du projet reprend l'article 277 CC, Dans une pétition du 29 janvier 1959 à l'Assemblée fédérale, Agénór Krafift avait demandé de façon analogue à l'article 182 de l'ordonnance sur l'état civil, l'introduction d'amendes pour faire observer l'article 277, 2e alinéa, CC. La commission d'étude estime 2S8 2

> Cf. à ce sujet le rapport «Pour la famille» FF 1944, 953 9« Rapport «Pour la famille» FF 1944, 940 s.

80

toutefois que de telles mesures ne sont pas nécessaires 290>. Des mesures de droit pénal ne sauraient être une solution satisfaisante. En outre la question est davantage de nature politique que juridique. La commission d'experts se rallie à cet avis, d'autant plus que d'après la Lettre apostolique du Pape Paul VI «Matrimonia mixta» du 31 mars 1970, le conjoint non catholique n'a plus à promettre que les enfants seront élevés dans la religion catholique291>.

Nous nous rallions aussi à ces considérations. Il ne paraît pas opportun d'affaiblir cette disposition tant que les canons 1060/1061 et 2319 du codex juris canonici demeurent formellement en vigueur.

323.34 Représentation Le pouvoir de décision des parents couvre non seulement l'éducation, mais aussi la représentation légale de l'enfant. Le projet prévoit diverses modifications à ce sujet. Selon l'article 304, 2e alinéa, du projet^ les tiers de bonne foi peuvent présumer que, pendant le mariage, chaque époux agit avec le consentement de l'autre. Cette disposition est nécessaire en raison de l'abrogation du droit de décision du père, et tient compte des principaux griefs articulés contre ce droit. Elle est inspirée de l'article 372-2 du code civil français revisé et de l'article 202,2e alinéa, CC, concernant le droit de disposition du mari sur les biens de la femme.

La seconde modification a trait à l'application des dispositions du droit de la tutelle. Aux termes de l'article 280, 1er alinéa, CC, la capacité de l'enfant soumis à la puissance paternelle est la même que celle du mineur sous tutelle.

Or, seloa le deuxième alinéa de cet article, les dispositions concernant la représentation par le tuteur sont applicables par analogie, à l'exception de celles relatives au concours du pupille dans les actes d'administration. Tandis que la première disposition est maintenue dans l'article 305,1er alinéa, du projet, la seconde doit être modifiée. La référence à la représentation par le tuteur se limite aujourd'hui à la capacité d'exercer les droits civils de l'enfant et ne concerne ainsi, à voir les choses de près, que les articles 410 et 411 CC sur les actes du pupille. Cette disposition est cependant trop étroite. L'interdiction de souscrire des cautionnements, de faire des donations de quelque valeur et d'instituer des fondations que contient
l'article 408 CC doit valoir également pour la représentation légale 292>. L'exception faite à l'article 280, 2e alinéa, CC,pour le concours du pupille dans les actes d'administration est contraire à la conception actuelle de l'autorité parentale telle que l'exprime la définition générale de l'article 302, 2e alinéa, du projet. C'est pourquoi, dans la disposition générale sur la représentation de l'enfant par les parents, le projet renvoie aux dispositions sur la représentation du pupille (art. 304, 3e al.). Les articles s"» Rapport II 25 s.

291

> Directives de la Conférence des évêques suisses du 16 septembre 1970, II1 c.

=92) Même avis, Egger N 14, Hegnauer N 100 ad art. 279 CC, ATF 63 II129, 69 II 70

81 408 à 411 CC s'appliquent ainsi sans plus. Par conséquent, les parents ne doivent pas accomplir les actes interdits au tuteur; lorsque l'enfant est capable de discernement et âgé de plus de seize ans, ils doivent autant que possible prendre son avis dans les affaires importantes de la représentation légale.

Par contre, le concours des autorités tutélaires (art. 421 et 422 CC) demeure comme jusqu'ici exclu (art. 304, 3e al., du projet).

En ce qui concerne l'article 281 CC relatif aux actes que l'enfant accomplit pour la famille, les derniers mots «en conformité de leur régime matrimonial» ont été biffés dans l'article 306, 1er alinéa, du projet. En effet, la disposition vaut aussi pour les parents divorcés ou célibataires. Enfin, le projet facilite le traitement des conventions entre parents et enfant et des affaires d'intercession.

D'après la disposition générale de l'article 392, chiffre 2, CC, un curateur devrait ici prêter son concours ; d'après les articles 421 et 422 CC ce seraient lés autorités tutélaires qui devraient le faire. L'article 282 CC prescrit cependant toujours, outre le concours du curateur, l'approbation de l'autorité tutélaire, mais cette approbation suffit aussi dans chaque cas293). Ce traitement spécial ne paraît pas objectivement justifié 294>; de plus, la délimitation entre les articles 282 et 392, chiffre 2, présente de grandes difficultés pratiques 29S>. C'est pourquoi l'article 306, 2e alinéa, du projet renvoie en ce qui concerne ces actes à la curatelle de représentation (art. 392, ch. 2, CC).

323.4 Protection de l'enfant (art. 307-317) Les dispositions sur la protection de l'enfant sont parmi les innovations les plus précieuses du CC. Il s'agit seulement il est vrai de quelques prescriptions générales (art. 283-289 CC). Les interpréter et les concrétiser pour les besoins de la vie était l'une des grandes tâches que le nouveau droit assignait à la doctrine et à la jurisprudence. L'une et l'autre ont développé quantité de règles que seule l'étude des ouvrages qui leur sont consacrés permet de connaître 296>.

Les idées fondamentales du CC concernant la protection de droit civil de l'enfant ont donné satisfaction. La revision a pour tâche de les préciser, d'en codifier les conséquences importantes, d'éliminer certains défauts et de combler certaines lacunes. Au
début du siècle, le législateur voyait sa tâche dans une «surveillance plus étroite exercée par l'autorité sur les parents, afin de protéger les enfants contre les suites d'un abandon que les conditions modernes du travail semblent par trop favoriser» 297>. Cette remarque vaut également de nos jours.

2

»3> Cf. à ce sujet Hegnauer N 83 ad art. 282 CC ") Lecoultre RDT 1964, 16 295) cf. Spitzer RDT 1955, 6; Hegnauer N 4 37 ad art. 282 CC ao

29

«> Cf. les commentaires Egger et Hegnauer ad art. 283-286 CC > Huber, Exposé des motifs I 3

2B7

Feuille {iterale, 126- année. Vol. H.

82

323.41 Mesures protectrices Conformément à l'article 283 CC, les mesures de protection de l'enfant sont liées à la condition que les père et mère ne remplissent pas leurs devoirs.

Cette définition est sujette à critique et ne répond plus aux temps actuels; elle rend aussi plus difficile la collaboration des parents avec l'autorité. L'article 307, 1er alinéa, du projet, met au contraire au premier plan la menace pour le développement de l'enfant, c'est-à-dire le besoin objectif de l'enfant d'être protégé. Il fixe ensuite le principe de subsidiarité298': l'autorité n'est tenue d'intervenir que si les parents ne remédient pas d'eux-mêmes à cette menace ou sont hors d'état de le faire.

Jusqu'à présent, les mesures de protection de.l'enfant du droit civil n'étaient pas applicables aux enfants confiés aux soins.de tiers2"). Ce défaut n'est compensé qu'en partie par les prescriptions de droit public que la plupart des cantons ont édictées sur la surveillance des enfants confiés aux soins de tiers 30t». C'est pourquoi le postulat Eggenberger du 24 septembre 1948 demandait que soit édictée une loi fédérale sur la protection des enfants confiés aux soins de tiers301). Il peut être tenu compte en partie de ce postulat en étendant la protection de droit civil de l'enfant à l'enfant confié aux soins de tiers. L'article 307, 2e alinéa, du projet, astreint par conséquent l'autorité tutélaire à prendre les mesures nécessaires pour protéger les enfants placés chez des parents nourriciers ou vivant, dans d'autres cas, hors de la communauté familiale, par exemple dans des hommes pour enfants, dans des internats, etc.

L'article 307, 3e alinéa, du projet, concrétise ensuite la notion générale des «mesures protectrices» en donnant des exemples. L'autorité tutélaire peut rappeler les parents, les parents nourriciers ou l'enfant à leurs devoirs et donner des instructions déterminées quant au soin, à l'éducation et à la formation de l'enfant302). Elle peut en outre désigner une personne ou un office qualifiés qui aura un droit de regard et d'information. Cela permet de vérifier si les parents ont observé une instruction déterminée, p, ex, d'envoyer un enfant handicapé dans une école spéciale. La «surveillance de l'éducation» ou «surveillance tutélaire», très importante dans la pratique, est ainsi codifiée.

323.42 Curatelle
L'article 308 du projet prévoit, à titre de nouvelle mesure, la nomination d'un curateur, dont la tâche générale consiste à assister les parents de ses conseils et de son appui dans le soin de l'enfant. Il doit donc fournir une assis3BS

> Cf. Hegnauer N 49 s. ad. art. 283 CC "> Hegnauer N 59 ad. art. 283 CC 300 > Cf. Hegnauer N 29 des remarques préliminaires concernant les articles 264-269 CC; Hess, Schwejberisdies Zentralblatt für Staats- und Gemeindeverwaltung 1947, 289; Bertholet, Les aspects juridiques du placement familial, 66 s.

«W Cf. à ce sujet Bertholet op. cit. 91 s.

30S > Cf. à ce sujet Hegnauer N 118 s. ad art. 283 CC a

83

tance éducative. Afin d'éviter des confusions avec l'institution apparentée du droit pénal revisé de la jeunesse (art. 91, ch. 1, CP), on n'utilise pas cette désignation, mais celle de curatelle. Ces deux mesures ont pratiquement le même contenu et le même but. La curatelle doit être ordonnée lorsque les circonstances l'exigent, c'est-à-dire lorsque, à défaut d'un tel appui, les parents ne peuvent faire face à leur tâche, sans toutefois que des mesures plus énergiques soient nécessaires. Tel est souvent le cas lorsque le père ou. la mère sont seuls à exercer l'autorité parentale. Ainsi, la mère seule - veuve, divorcée ou célibatairenotamment, est souvent réduite à un tel appui. En vertu de l'article 308, 2e alinéa, du projet l'autorité tutélaire peut conférer au curateur certains pouvoirs spéciaux tels que celui de représenter l'enfant pour faire valoir sa créance alimentaire et d'autres droits, ainsi que dans l'exercice des relations personnelles.

L'article 308, 3e alinéa, du projet prévoit que l'autorité parentale peut être limitée en conséquence.

Il convient à ce propos d'examiner de plus près le postulat Forel, du 27 juin 1971, accepté le 14 mars 1972. Il vise l'inscription dans le CC de dispositions permettant aux médecins d'accomplir leur devoir vis-à-vis d'enfants qui ont un besoin urgent d'assistance médicale, même lorsque les parents refusent leur assentiment par conviction idéologique. Nous avons déjà exposé dans notre rapport du 23 février 1972 que, selon l'article 34, chiffre 2, du code pénal, le médecin peut prendre, même sans l'assentiment des parents ou de l'autorité tutélaire, une mesure qui sert à préserver la vie et la santé de l'enfant d'un danger imminent. Il n'est pas nécessaire dé modifier la loi sur ce point. Par contre, lorsque le danger pour la vie ou la santé de l'enfant n'est pas imminent, mais que l'on peut se rendre compte qu'il est très sérieux, l'autorité peut impartir aux parents, selon l'article 283 CC, de faire procéder préventivement à l'intervention. Si les parents ne donnent pas suite à cette injonction, le tuteur peut faire procéder à l'intervention après que l'autorité a retiré, dans ce but, la puissance paternelle aux parents en conformité de l'article 285 CC. La question de savoir si l'autorité peut dans ce cas, faire procéder à l'intervention sans retrait
de la puissance paternelle est controversée dans la doctrine et la jurisprudence. Il convient d'ajouter à ces explications données en réponse au postulat que le problème ne se pose que pour l'enfant incapable de discernement.

En effet, le consentement à un traitement est un droit strictement personnel que le mineur capable de discernement ou l'interdit exerce lui-même en vertu de l'article 19, 2e alinéa, CC. Le projet lève l'incertitude qui subsistait en ce qui concerne l'enfant incapable de discernement. Conformément à l'article 308 du projet, l'autorité tutélaire peut nommer un curateur et lui conférer conformément aux alinéas 2 et 3 le pouvoir spécial de donner en lieu et place des parents l'assentiment nécessaire pour le traitement. S'il n'existe cependant pas d'autre motif d'instituer une curatelle permanente, l'autorité tutélaire peut aussi donner directement cet assentiment. En effet, elle peut exercer elle-même un pouvoir qui appartient à un organe qui lui est subordonné 303>.

303

> Cf. Huber, Exposé des motifs I 255; ATF 69 I 221, 86 II 211

84

En vertu de l'article 311, 1er alinéa, CC, un curateur chargé de veiller aux intérêts de l'enfant naturel est nommé dans chaque cas. L'article 309 du projet maintient cette heureuse institution. Comme, de par la loi, l'autorité parentale appartient à la mère (art. 298,1er al.), la tâche du curateur ss borne, d'une part, à constater la paternité, de l'autre, conformément à la pratique en matière d'assistance, elle comporte désormais l'assistance à la mère. A cet effet, le curateur doit notamment examiner s'il convient dans l'intérêt de la mère et de l'enfant, de placer l'enfant en vue d'adoption. L'article 309, 2e alinéa, du projet dispose que la curatelle doit aussi être instituée lorsque la filiation (à l'égard d'un autre homme) a été écartée en justice304'. La curatelle ne prend pas nécessairement fin lorsque la paternité est établie. Au contraire, selon l'article 309, 3e alinéa, du projet, l'autorité tutélaire décide alors, sur proposition du curateur, s'il y a lieu de lever la curatelle ou de prendre d'autres mesures pour protéger l'enfant. Il en va de même lorsque l'action en paternité n'a pas été intentée dans les deux ans qui suivent la naissance. Les mesures qui entrent en considération sont notamment la curatelle selon l'article 308 du projet, le retrait du droit de garde selon l'article 310 ou la déchéance de l'autorité parentale selon les articles 311 et 312. Le nouveau droit garantit de la sorte que l'enfant de parents non mariés bénéficie de la protection juridique nécessaire, 323.43 Retrait du droit de garde des parents Une mesure indispensable de la protection de l'enfant consiste à le retirer aux parents et à le placer (art. 284 CC). Juridiquement, il s'agit du retrait du pouvoir qu'ont les parents de décider de la garde de l'enfant. La réglementation actuelle doit être adaptée sur divers points aux expériences et aux besoins de la pratique. Actuellement, cette mesure ne peut être prise que lorsque le développement physique ou intellectuel de l'enfant est durablement compromis ou lorsque l'enfant est moralement abandonné. L'application de ces larges critères d'appréciation suscite souvent des difficultés considérables.

Il est nécessaire objectivement, et il suffit ici également, d'exprimer dans la loi les principes de proportionnalité et de subsidiarité305>: la mesure doit être
prise lorsque la mise en danger de l'enfant ne peut être écartée d'une autre façon, c'est-à-dire soit par une des mesures prévues à l'article 307 du projet, soit par la nomination d'un curateur selon l'article 308 du projet.

Le projet précise en outre que l'enfant peut être retiré non seulement aux père et mère, mais aussi aux tiers chez qui ils l'ont placé. Selon l'article 284 CC, l'enfant est placé dans une famille ou dans un établissement. Le projet abandonne les termes «dans une famille ou dans un établissement». Ils sont superflus mais aussi incomplets. Le placement chez une personne seule ou dans un home, pour lequel la désignation quelque peu dépréciée d'«établissement» ne convient pas, peu également, suivant les circonstances, entrer en considération.

3"« Cf. Hegnauer N 5 ad art. 311, N 45/46 ad art. 253 CC 305) Hegnauer N 5-12 ad art. 284 CC

85

Outre les cas de mise en péril durable ou d'abandon de l'enfant, l'article 284, 2e alinéa, CC prévoit que l'enfant peut être retiré et placé aussi, à la demande des parents, lorsqu'il oppose, par méchanceté, une résistance opiniâtre à leurs ordres. Le projet donne à cette disposition un champ d'application plus général et mieux adapté à notre temps: les rapports entre parents et enfant sont si gravement atteints que le maintien de l'enfant dans la communauté familiale est devenu insupportable (art. 310, 2e al.). La demande de retrait du droit de garde peut être présentée non seulement par les parents, mais aussi par l'enfant.

La jurisprudence la plus récente l'a déjà.reconnu306'. Ainsi le projet reconnaît à nouveau le droit de la personnalité de l'enfant.

Enfin, l'article 310, 3e alinéa, du projet codifie le principe très important selon lequel le retrait de l'enfant peut aussi consister a interdire aux parents de le retirer aux personnes qui en prennent soin307'. Ainsi que les expériences faites l'ont montré, le maintien du lieu (favorable) où l'enfant est élevé est d'une importance décisive pour son développement qui peut être sérieusement . compromis si les parents retirent leur enfant d'un foyer dans lequel il a pris .

racine. Les parents qui se sont souciés de développer et d'entretenir des relations personnelles même avec l'enfant placé chez des tiers n'ont pas à craindre cette mesure.

323.44 Déchéance de l'autorité parentale Les expériences faites dans la pratique montrent que diverses modifications sont souhaitables également en ce qui concerne la déchéance de l'autorité parentale, qui est la mesure la plus grave. Ici également le principe selon lequel la déchéance ne doit intervenir que lorsque d'autres mesures de protection de l'enfant sont demeurées sans résultat ou qu'elles paraissent d'emblée insuffisantes (préambule de l'article 311 du projet) est spécifié expressément.

En outre, les motifs de déchéance sont redéfinis. Parmi les anciens motifs, l'interdiction des parents est abandonnée de toute façon, car désormais, en vertu de la loi, les interdits n'ont pas l'autorité parentale (art. 296, 2e al., du projet). Les deux autres ont trait, d'une part, à l'attitude des parents au moment du retrait, de l'autre à leur comportement antérieur: la déchéance doit intervenir lorsque les
parents ne sont pas en mesure d'exercer l'autorité parentale, ou lorsqu'ils se sont rendus coupables d'un grave abus d'autorité, ou encore lorsqu'ils ont gravement manqué à leurs devoirs. Le premier motif paraît trop général. Le projet précise: pour cause d'inexpérience, de maladie, d'infirmité, d'absence ou d'autres motifs semblables, les parents ne sont pas en mesure d'exercer correctement l'autorité parentale (art. 311, 1er al., 306) RJJX 1970j 67; 197Ï 3

15

°'> Cf. à te sujet Egger N 13 ad art. 273 CC; Hegnauer N 20, 44, 66 ad an. 284 CC; Neuhaus FamRZ 1972, 280 ligne 4; Bertholet, Les aspects juridiques du placement familial, 49/50; Conseiller national Aider, Bull. sten. CN 1972, 501

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eh. 1). Le deuxième motif est trop étroit, parce qu'il suppose une faute des parents. Le projet, au contraire, met le comportement objectif des parents au premier plan: ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou ont manqué gravement à leurs devoirs envers lui (art. 311, 1er al., ch. 2).

Actuellement, la déchéance de la puissance paternelle est prononcée par l'autorité compétente désignée par le droit cantonal. Il n'y a cependant,aucun motif suffisant de prévoir pour cette tâche typiquement tutélaire de la déchéance de l'autorité parentale, une réglementation cantonale spéciale des compétences. La complication actuelle se répercute également sur les moyens de droit et sur la responsabilité, auxquels, dans ce cas, s'appliquent non pas les dispositions du droit de la tutelle, mais celles du droit administratif cantonal.

Le projet confie cette tâche à l'autorité tutélaire de surveillance. L'organisation des autorités de tutelle ressortit au droit cantonal (art. 361, 2e al., CC). Ainsi, l'autonomie cantonale est suffisamment garantie.

Aux termes de l'article 286 CC, lorsque les circonstances l'exigent, un tuteur est nommé à l'enfant dont le père ou la mère, investi de la puissance paternelle, contracte un nouveau mariage. En vertu de l'article 379 CC, la nomination du tuteur incombe à l'autorité tutélaire; elle entraîne en vertu de la loi la déchéance de la puissance paternelle. Elle est en revanche inutile, et tombe à faux, dans le cas du remariage30S>. Le projet l'abandonne donc dans ce cas, mais la prévoit en revanche lorsque les parents la demandent pour de justes motifs, et conformément à la prescription de l'article 286« CC, introduite par la loi fédérale du 30 juin 1972, lorsque les parents ont donné leur consentement à l'adoption future de l'enfant par des tiers anonymes (art. 312 du projet). Par là, en cas de grossesse non désirée, il est possible de placer l'enfant auprès de parents nourriciers peu après la naissance. Est considéré notamment comme juste motif le fait que les parents s'estiment hors d'état d'accomplir correctement leur tâche. La possibilité pour les parents de demander eux-mêmes d'être déchus de l'autorité parentale favorise selon l'expérience, comme c'est le cas de l'interdiction prononcée à la demande de l'intéressé en vertu de l'article 372 CC, la collaboration
des parents avec les organes tutélaires, tandis que la preuve expresse d'un motif de déchéance accule souvent les parents à une attitude d'opposition ou de défense309'.

La prescription de l'article 285, 2e alinéa, CC, selon laquelle les enfants ne reçoivent un tuteur que si le père et la mère sont déchus de la puissance paternelle est maintenue sans changement à l'article 311, 2e alinéa, du projet.

L'autre disposition, en vertu de laquelle les effets de la déchéance s'étendent aux enfants nés après qu'elle a été prononcée (art. 285, 3e al., CC), est restreinte par la réserve que le contraire n'ait pas été ordonné expressément (art. 311, 3e al., du projet).

3°s> Cf. Hegnauer N 24-28 ad art. 286 CC 30!1 > Cf. Hess, Recht und Fürsorge, Armenpfleger 1951, 13

87 323.45 Faits nouveaux Aux termes de l'article 287, 1er alinéa, CC, l'autorité compétente doit, d'office ou à leur demande, rétablir le père ou la mère dans l'exercice de la puissance paternelle, lorsque la cause de la déchéance a disparu. L'article 313, 1er alinéa, du projet, généralise cette disposition en ce sens que, lors de faits nouveaux, les mesures prises pour protéger l'enfant doivent être adaptées à la nouvelle situation. L'autre disposition, selon laquelle le rétablissement dans l'exercice de la puissance paternelle ne peut avoir lieu avant un an à compter de la déchéance (art. 287, 2e al,, CC), est maintenue (art. 313, 2e al., du projet).

323.46 Procédure Sous réserve de deux points, la procédure est réglée par le droit cantonal (art. 314 du projet).

La première réserve tient compte du fait que notre projet attribue, de façon uniforme pour toute la Suisse, à l'autorité tutélaire de surveillance la compétence pour prononcer la déchéance de l'autorité parentale. Si celle-ci 'n'est pas une autorité judiciaire, le recours à une autorité judiciaire cantonale contre la déchéance de l'autorité parentale qu'elle a prononcée demeure réservé (art. 314, ch. 1, du projet). On évite ainsi que la réglementation proposée porte atteinte a la protection juridique dans les cantons où une autorité tutélaire est actuellement compétente pour prononcer la déchéance de l'autorité parentale mais dont la décision est jugée par un tribunal, en vertu du droit cantonal.

En outre l'article 6, chiffre 1, de la Convention européenne des droits de l'homme prescrit que les contestations de droit civil sont du ressort des tribunaux. Cela concerne également la prétention légale à l'autorité parentale.

La prescription n'exclut pas que la première décision soit prise par une autorité administrative mais elle exige que, sur la demande de l'intéressé, sa prétention soit jugée par un tribunal310). Il n'est pas établi si la possibilité actuelle du recours en réforme au Tribunal fédéral en vertu de l'article 44, lettre c, de la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ), suffit pour répondre aux exigences de la convention, puisque le Tribunal fédéral ne revoit que l'application du droit et non les constatations de fait (art. 63, 2e al, OJ)., Aussi il se recommande d'obliger les cantons à prévoir le recours à une autorité
judiciaire, lorsque la déchéance n'est pas déjà prononcée par une autorité judiciaire.

La seconde réserve concerne le recours contre les décisions relatives aux mesures de protection de l'enfant. Le moyen général est le recours à l'autorité tutélaire que prévoit l'article 420 CC. Le droit cantonal statue sur son effet suspensif éventuel311'. L'intérêt de l'enfant peut cependant exiger des mesures 31(

» Cf. Message concernant la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des

libertés fondamentales, du 4 mars 1974, FF 1974, 1030 s =") Egger N 53 ad art. 420 CC

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immédiates. La possibilité que donne l'article 386 CC d'ordonner des mesures provisoires ne s-uffit pas. L'autorité qui a ordonné une mesure ou l'autorité de recours doit être habilitée, par le droit fédéral, à priver le recours de l'effet suspensif que pourrait lui attacher le droit cantonal (art. 314, ch. 2, du projet).

323.47 For et compétence Reste à éclaircir la compétence d'ordonner des mesures de protection de l'enfant. Doctrine et jurisprudence, s'inspirant de l'article 376 CC, adoptent le principe selon lequel les autorités du domicile de l'enfant sont compétentes à raison du few312>. Ce principe est codifié à l'article 315, 1er alinéa, du projet.

C'est le domicile de droit civil qui fait règle, donc, conformément à l'article 25, 1er alinéa, CC, celui des parents. Si l'enfant vit chez des parents nourriciers ou ailleurs hors de la communauté familiale, ou lorsqu'il y a péril en la demeure, les autorités du lieu où se trouve l'enfant sont également compétentes, en vertu de.l'article 315, 2e alinéa, du projet 313>.

Quant à la compétence à raison de la matière, il apparaît souvent dans le procès en divorce ou en séparation que des mesures de protection de l'enfant sont nécessaires ou le deviennent précisément ensuite de la dissolution de la communauté familiale314). D'après la doctrine et la jurisprudence, lé juge compétent en matière de procédure matrimoniale peut également prendre les mesures nécessaires à protéger l'enfant dans le cadre des mesures provisoires qu'il ordonne en vertu de l'article 145 CC et des droits des parents au sens de l'article 156 CC31S\ Du point de vue de l'unification matérielle et de l'économie de procédure, cela paraît justifié. La délimitation des compétences du juge et des autorités tutélaires pose cependant de nombreuses questions qu'il n'est pas aisé de résoudre. Il est par conséquent indiqué de codifier au moins les principes directeurs. D'après l'article 316 du projet, le juge chargé dérégler ou de modifier, d'après les dispositions régissant le divorce, les droits des parents et leurs relations personnelles avec les enfants prend également les mesures nécessaires à la protection de l'enfant et charge de leur exécution les autorités de tutelle (1er al.). La compétence des autorités de tutelle demeure cependant réservée lorsque la procédure de protection
de l'enfant a eu lieu ou a été introduite avant la procédure de divorce, ou lorsque le juge ne peut probablement pas prendre à temps les mesures immédiatement nécessaires à la protection de l'enfant (2e al.).

Lorsque la situation change, les autorités de tutelle peuvent modifier les mesures prises par le juge tant qu'elles ne touchent pas les relations des parents entre eux (3e al.). Les autorités de tutelle peuvent donc, par exemple, lever une curatelle ordonnée par le juge du divorce conformément à l'article 308, 1er alinéa, du projet, lorsque celle-ci n'est plus nécessaire, elles peuvent aussi retirer 312

> Cf. Hegnauer N 44 ad art. 288 CC et citations.

a") Cf. également à ce sujet Hegnauer N 47 s. ad art. 288 CC »14> Cf. Hegnauer N 16 ad art. 285 CC 315 > Cf. Hegnauer N 166-210 ad art. 283 CC

89 la garde, selon l'article 310, à celui des parents auquel le juge du divorce a attribué les enfants, ou le déchoir de l'autorité parentale en application des articles 311/312; enfin lorsque le détenteur de l'autorité parentale désigné par le juge du divorce est décédé ou interdit, elles peuvent transférer l'autorité parentale à l'autre parent. Par contre, elles ne peuvent transférer l'autorité parentale à l'un des parents lorsque le juge du divorce les en a déchus tous deux, ni attribuer à l'autre parent les enfants que le juge a confiés à l'un.

323.48 Surveillance des enfants placés chez des parents nourriciers Lors des délibérations sur le nouveau droit de l'adoption, la nécessité d'une meilleure protection de l'enfant confié aux soins de tiers a été soulignée310>.

Le postulat Eggenberger du 24 septembre 1948 va dans le même sens. Le projet tient compte du placement chez des parents nourriciers dans le cadre de l'obligation d'entretien (art. 294), de l'autorité parentale (art. 300) et du changement de nom (art. 30, 2e al., ch. 4). En outre il étend la protection de droit civil à l'enfant placé chez des parents nourriciers (art. 307, 2e et 3e al., art. 310, 1er et 3e al., art. 315, 2e al.). Il faut souligner toutefois que ces dispositions ont essentiellement un caractère répressif: elles ne sont applicables que lorsqu'il y a mise en péril de l'enfant. Cela paraît généralement suffisant pour protéger les enfants placés sous la garde de leurs parents par le sang. Il en va toutefois autrement des enfants placés chez des parents nourriciers. Ils ont en outre besoin d'une protection préventive. La doctrine est unanime sur ce point.

Il faut veiller à ce que l'enfant ne soit confié qu'à des personnes qui offrent la garantie de soins et d'une éducation irréprochables. Cela exige que le placement de ces enfants soit soumis à autorisation et que leurs rapports avec les parents nourriciers fassent l'objet d'une surveillance constante3"). L'article 7 de la loi fédérale sur la lutte contre la tuberculose, du 13 juin 1928, et l'article 40 de l'ordonnance d'exécution du 20 juin 1930, prévoient déjà une protection préventive de l'enfant placé chez des parents nourriciers, mais seulement pour le secteur étroit de la mise en péril par la tuberculose. L'article 19 de la loi et l'article 49 de l'ordonnance
obligent les cantons à édicter des prescriptions d'exécution appropriées. Celles-ci présentent la plus grande diversité. Il est manifeste que certains cantons n'en ont pas édicté du tout. D'autres se sont limités à l'aspect sanitaire de la loi sur la tuberculose. Une série d'autres cantons ont par contre édicté, en partie déjà avant la loi sur la tuberculose, des ordonnances prévoyant une protection préventive étendue de l'enfant confié aux soins de tiers. Pour le reste, l'exécution des dispositions de la loi sur la tuberculose paraît en bien des endroits être restée lettre morte318).

318

> Bull. stén. 1972 CN 500 s. (Aider), 568 s. (Mme Blunschy), 570, 572 (Conseiller fédéral Furgler).

3i7> Bertholet, Les aspects juridiques du placement familial, 43 s.

318 > Hess, Der Schutz der Pflegekinder, «Gesundheit und Wohlfahrt» 1950, cahier 9, tirage à part, 10; Bertholet, op. cit. 12

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Cette situation n'est pas satisfaisante. Il doit exister en Suisse entre 60 000 et 80 000 enfants placés chez des parents nourriciers319). Leur nombre va sans doute encore augmenter à mesure que s'accroîtra celui des enfants de parents divorcés et des enfants étrangers. L'ordre juridique ne leur doit pas moins protection qu'aux enfants qui vivent sous la garde de leurs parents.

Au contraire, ils ont un besoin de protection bien plus grand encore. Et c'est au droit de la famille qu'il incombe d'assurer cette protection. La «filiation nourricière» apparaît comme un rapport qui, par sa structure sociale, se rapproche beaucoup de la filiation juridique à l'égard des parents et, souvent, constitue l'antichambre de l'adoption. Il incombe en outre au droit de la filiation et de ,la tutelle de s'occuper de l'enfant dont les parents ne sont pas en mesure de lui donner des soins et une éducation corrects, ou ne sont pas disposés à le faire. C'est pourquoi l'introduction dans la législation fédérale de la surveillance des enfants placés chez des parents nourriciers a été recommandée dans la procédure de consultation relative aux deux rapports de la commission d'étude. Enfin, la réglementation du droit fédéral est nécessaire pour compléter la surveillance du placement des enfants adoptifs. Sinon, on court le risque de voir éluder le régime de surveillance établi à l'article 269e du code civil revisé et dans l'ordonnance du Conseil fédéral du 28 mars 1973 sur l'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption. Pour ces motifs, le législateur civil fédéral paraît autorisé à régler aussi de façon complète la protection de l'enfant confié aux soins de tiers. Comme pour le placement d'enfants adoptifs, il y a lieu de fixer dans la loi, pour la protection de l'enfant placé chez des parents nourriciers également, le principe de la surveillance et de l'autorisation obligatoire (art. 316«, 1er al., du projet). L'autorité tutélaire paraît compétente à raison de la matière. Les cantons doivent toutefois pouvoir confier ces tâches à une autre autorité appropriée. Les détails devront être réglés dans une ordonnance du Conseil fédéral (art. 316", 28 al., du projet).

323.49 Collaboration dans la protection de la jeunesse Le dernier problème que pose la protection de l'enfant est celui de la coordination. Outre les autorités
tutéïaires, divers autres offices, soit officiels320), soit d'utilité publique, s'occupent d'aider l'enfant et les jeunes gens. Ils travaillent de façon largement indépendante les uns par rapport aux autres. Il s'ensuit que souvent les diverses mesures d'aide à la jeunesse ne sont pas harmonisées, ou le sont insuffisamment. Il en résulte des chevauchements, du travail inutile et des contradictions. La coordination judicieuse des divers organismes qui

319) cf. Hess F. v. M., Möglichkeiten und Ziele der modernen Jugendfürsorge (Zürich 1961), 110 aauj Autorités pénales pour la jeunesse, offices (de protection) de la. jcuncïsc, tuteuis officiels, autorités des services d'éducation, de santé, d'assistance et de police, offices de surveillance des enfants placés chez des parents nourriciers.

91 s'occupent de la protection de la jeunesse est donc un impératif urgent en vue de moderniser et de rationaliser ce secteur32". Cette coordination peut se faire soit en concentrant les différentes fonctions entre les mains d'une autorité, soit par une information soigneuse et un échange de vues étendu entre les différents organismes qui s'occupent des mêmes jeunes. L'article 317 du projet astreint par conséquent les cantons à édicter à ce sujet les prescriptions appropriées. Le législateur civil fédéral est habilité à prendre ces dispositions puisque la protection de droit privé de l'enfant ne peut se réaliser judicieusement que dans le cadre d'une coordination de toute l'aide à la jeunesse. Il s'agit là de règles nécessaires au sens de l'article 52, 1er et 2e alinéas, du Titre final du CC.

324 Des biens des enfants (Art. 318-327) Tout comme le CC (art. 290-301), le projet règle aussi les droits des parents sur les biens des enfants dans un chapitre spécial, bien que, matériellement, ils soient liés à l'autorité parentale. Les modifications portent principalement sur le renforcement de la protection des biens de l'enfant et l'émancipation accentuée de celui-ci.

324.1 Administration (art. 318) La règle de l'article 290, 1er alinéa, CC, selon laquelle les père et mère administrent les biens de l'enfant aussi lontemps qu'ils possèdent la puissance paternelle est maintenue sans changement (art, 318, 1er al., du projet). La prescription spéciale de l'article 327 CC concernant les parents illégitimes tombe. Aux termes de l'article 291 CC, celui des époux qui exerce la puissance paternelle après la dissolution du mariage est tenu de remettre à l'autorité tutélaire un inventaire des biens de l'enfant et de lui signaler les modifications notables survenues dans l'état de la fortune et le placement des fonds. L'article 318, 2e alinéa, du projet étend cette obligation au père ou à la mère qui possède seul l'autorité parentale, donc aussi au père ou à la mère non mariés. D'après le droit actuel, l'autorité tutélaire ne peut intervenir que lorsque les père et mère manquent à leurs devoirs (art. 297 CC). Mais dans ces cas, l'intervention a lieu généralement trop tard. C'est pourquoi l'article 318, 3e alinéa, du projet, permet à l'autorité tutélaire, lorsqu'elle le juge opportun vu le genre ou l'importance
des biens de l'enfant ou la situation personnelle des parents, d'ordonner la remise périodique de comptes et de rapports. La protection préventive dés biens de l'enfant est ainsi notablement améliorée en tenant compte des circonstances spéciales, tant objectives que subjectives, du cas particulier.

321

> Cf. Baldegger W., Vormundschaftsrecht und Jugendfürsorge (thèse Fribourg 1970) 78 s.; Egger N 20 s de l'introduction au droit de la tutelle; rapport «Pour la famille» FF 1944, 1058 s., 1063; Hegnauer M 163/164 ad art. 283 CC; Hug, Die Behördenorganisation und das Jugendproblem, RDT 1972, 56 s., en partie, 58 eh. 9; Rickenbach RDT 1973, 29; Schnyder RDT 1971, 51 = RJB 1969, 284

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324.2 Utilisation des revenus (art. 319) Les revenus des biens de l'enfant doivent être utilisés pour couvrir les frais de son entretien, de son éducation et de sa formation. Le surplus ne profite cependant plus aux parents, comme jusqu'ici (art. 293 CC). Ceux-ci peuvent néanmoins, dans la mesure où cela est équitable, utiliser ces revenus pour les besoins du ménage; le surplus passe désormais dans les biens de l'enfant selon l'article 319 du projet 322>.

324.3 Mise à contribution des biens de l'enfant (art. 320) La mise à contribution des biens de l'enfant est précisée par rapport à l'article 272, 2e alinéa, CC. Les indemnités, dommages-intérêts et autres prestations semblables peuvent être utilisés pour l'entretien de l'enfant autant que les besoins courants l'exigent (art. 320, 1er al., du projet). En principe, point n'est besoin pour cela de l'approbation de l'autorité tutélaire, car il s'agit ordinairement de prestations destinées à la consommation. Afin d'éviter que ces fonds ne soient utilisés prématurément, l'autorité tutélaire peut cependant, en se fondant sur l'article 318, 3e alinéa, du projet, ordonner la remise périodique de comptes et de rapports. La permission de l'autorité tutélaire demeure nécessaire pour mettre à contribution les autres biens de l'enfant (art, 320, 2e al., du projet).

'324.4 Biens libérés (art. 321-323) Les dispositions concernant les libéralités à l'enfant qui sont soustraites à la jouissance ou à l'administration des parents (art. 294 CC, art. 321, du projet) ne subissent pas de changement matériel. Quant à savoir si la réserve de l'enfant peut être soustraite à l'administration des père et mère, point aujourd'hui contesté 323), l'article 322, 1er alinéa, du projet est affirmatif.

Cette possibilité répond souvent à un besoin pratique urgent. Lorsque le défunt remet l'administration de la réserve à un tiers, celui-ci peut également être astreint à présenter périodiquement un rapport et des comptes (art. 322, 2e alinéa, du projet).

Actuellement, l'enfant dispose de ceux de ses biens que les parents lui remettent pour exercer une profession ou une industrie (art. 296 CC), mais il ne dispose en revanche du produit de son travail que lorsque, du consentement de ses parents, il vit hors de la famille (art. 295, 2e al., CC) alors que, dans le cas contraire, ce
produit revient aux père et mère (art. 295, 1er al., CC) et peut être saisi dans une poursuite engagée contre eux 324>. Cette dernière disposition ne correspond plus, ni à l'usage, ni aux vues actuelles. C'est pourquoi, en vertu de l'article 323, 1er alinéa, du projet, l'enfant a l'administration as« Cf. à ce sujet BGB n.v. § 1649 323 > Cf. à ce sujet Hegnauer RSJ 1967, 301 s., 317 s.

334 > Cf. ATF 62 III117, 78 IH 2, 84 IH 27

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et la jouissance de tout le produit de son travail, comme cela était le cas dans les cantons romands avant l'entrée en vigueur du CC335). Lorsque l'enfant vit en ménagé commun avec ses parents, ceux-ci peuvent cependant exiger, conformément à l'article 323, 2e alinéa, du projet, qu'il contribue équitablement à son entretien328'. L'obligation que fait à l'enfant l'article 328 CC de fournir des aliments à ses parents demeure réservée dans tous les cas. La jurisprudence et la doctrine inclinent à admettre que l'enfant qui, du consentement de ses parents, vit hors de la famille, a l'exercice des droits civils et peut ester en justice concernant le produit de son travail 327>. Ce principe s'étend désormais à tous les enfants qui exercent une activité lucrative. Par contre, la conclusion et la dissolution du contrat de travail demeurent soumises aux règles sur la représentation de l'enfant par les parents (art. 304/305 du projet; art. 279/280 CC) 328>, Ainsi, les parents peuvent dissoudre le contrat de travail au nom de l'enfant. Il en résulte, dans ce domaine, une limitation quantitative de l'exercice des droits civils par l'enfant; en effet, les engagements qu'il peut prendre ne doivent pas dépasser le salaire qui lui revient jusqu'à l'expiration du délai ordinaire de résiliation.

324.5 Protection des biens de l'enfant (art. 324-325) Les dispositions en vigueur concernant la protection des biens de l'enfant se sont avérées insuffisantes sur plus d'un point339'. Le projet renforce et différencie les pouvoirs de l'autorité tutélaire dans ce domaine. Les dispositions sur la protection s'appliquent par analogie à la procédure et à la compétence (art. 324, 3e al., du projet). Le droit qu'a l'autorité tutélaire d'exiger d'une manière générale un rapport et des comptes périodiques, suivant les circonstances objectives et subjectives du cas particulier et sans avoir à prouver que les parents manquent à leurs devoirs (art. 318, 3e al., du projet), a déjà été signalé. Si l'administration diligente n'est pas suffisamment assurée, l'autorité tutélaire est tenue de prendre les mesures nécessaires pour protéger les biens de l'enfant. Elle peut, en particulier, donner des instructions concernant l'administration et, lorsque les comptes et le rapport périodiques ne suffisent pas, exiger une consignation ou des sûretés
(art. 324, 1er et 2e al., du projet).

Aux termes de l'article 298,1er alinéa, CC, les père et mère ne peuvent être privés de leurs droits sur les biens de l'enfant qu'en cas de déchéance de la puissance paternelle. Cela va cependant trop loin: l'incapacité d'administrer correctement les biens de l'enfant ne suppose pas nécessairement l'incapacité 3S5

' Cf. art. 387 CCfr; .Hitzig, Festgabe zum Juristentag 1908 (Zurich 1908); Huber, Schweizerisches Privatrecht I 443, 463 3s . « Cf. à ce sujet art. 276, 3e al., du projet sa« ATF 40 III 152; Egger N 3 ad art. 294 CC; Hegnauer N 80 ad art. 295 CC; Huber, Exposé des motifs I 259 328 > Hegnauer N 26, 72 ad art. 295 CC 329) Q- Link, Massnahmen zum Schütze des Kindesvermögens RDT 1965 1 ; Spitzer, Probleme des Kindesvermögensschutzes RDT 1955, l

94 d'exercer correctement l'autorité parentale dans le domaine de l'éducation330).

L'article 325 du projet disjoint par conséquent ces deux mesures. S'il n'y a pas d'autre façon d'empêcher que les biens de l'enfant soient mis en péril, l'autorité tutélaire en confie l'administration à un curateur (1er al.). Elle agit de même lorsque les biens de l'enfant qui, selon l'article 321, 2e alinéa, ou 322, du projet, ne sont pas administrés par les parents sont mis en péril (2e al.)- De même, un curateur peut être nommé pour administrer ceux des biens ou des revenus de l'enfant qui sont libérés selon les articles 319 ou 320 du projet s'il est à craindre qu'ils ne soient pas utilisés conformément à leur destination.

324.6 Fin de l'administration (art. 326-327) Si les parents n'ont plus la jouissance des biens de l'enfant, ils ne répondent plus de leur restitution de la même manière qu'un usufruitier (art. 300, 1er al.; art. 752 s. CC), mais de la même manière qu'un mandataire selon l'article 327, 1er alinéa, du projet (art. 398 CO). Au surplus, aucun changement n'est apporté au contenu des dispositions sur la fin de l'administration. La mention expresse, à l'article 301 CC, de la créance de l'enfant privilégiée conformément aux dispositions de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes ne constitue pas une norme de droit matériel : elle est donc superflue.

33 Les autres dispositions 331 Changement de nom (art. 30 CC) L'enfant de parents non mariés reçoit de par la loi le nom de famille de sa mère. Cependant, lorsqu'il est placé sous l'autorité parentale ou sous la garde du père, il doit pouvoir, par changement de nom, recevoir le nom de famille de son père33". L'article 30 CC concernant le changement de nom doit donc être complété en conséquence. Il se justifie, à cette occasion, de reviser cette disposition encore sur d'autres points.

En vertu de l'article 30 CC, un changement de nom peut être autorisé pour de justes motifs. Cette disposition est très souvent appliquée. En 1968, on a estimé à quelque 5000 par an le nombre des demandes de changement de nom.

Ce nombre doit avoir encore augmenté depuis lors. Il s'agit en général d'affaires de routine. La notion àe juste motif est cependant interprétée différemment d'un canton à l'autre332'. Il est conforme à la fonction transitoire de la clause générale que, lors d'une revision de la loi, les principaux groupes de cas soient 330) Egger N 2; Silbernagel N l ad art. 298 CC; Link RDT 1965, 15/16; Du Pasquier RDT 1948, 59; Spitzer RDT 1955, 9 331

> Cf. aussi à ce sujet art. 271 du projet.

332) cf Grossen, Schweiz. Privatrecht II 343; Müller F., Die Namensänderung (thèse

Zurich 1972) 65 s.; Wirth REC 1962, 391

95

codifiés3331. Cela se justifie également du point de vue de l'égalité devant la loi et de la réalisation uniforme du droit privé fédéral. Dans la pratique, les principaux cas sont les suivants, aussi le projet les considère-t-il comme justes motifs d'un changement de nom : a. Une personne est entravée dans sa réussite matérielle par un nom ridicule ou choquant 334>.

b. Une personne perd par le divorce le nom de famille qu'elle portait, bien que les enfants nés du mariage lui sont attribués, que le mariage a duré longtemps, ou que ses intérêts matériels sont lésés335'.

c. Une personne mineure porte un autre nom de famille que k père ou la mère sous l'autorité parentale ou la garde duquel elle est élevée336'.

d. Le requérant mineur est élevé chez des parents nourriciers 337>.

Il ne s'agit pas là d'une énumération exhaustive des justes motifs, mais uniquement d'exemples. Il n'est pas exclu que dans d'autres situations moins fréquentes, il puisse y avoir un juste motif à changer de nom.

Le projet prévoit deux autres modifications de l'article 30 CC. L'une concerne le/or dû changement de nom. C'est actuellement le gouvernement du canton d'origine qui est compétent. Etant donné que beaucoup plus d'un tiers des Suisses habitent hors de leur canton d'origine, cette règle ne se justifie plus. Le nom de famille touche en premier lieu les intérêts du requérant.

L'autorité du domicile connaît ordinairement mieux sa situation; elle est par conséquent mieux en mesure de juger s'il y a un juste motif d'autoriser le changement de nom que l'autorité du lieu d'origine avec laquelle le requérant n'a souvent aucun rapport. Le projet remet par conséquent la compétence d'autoriser le changement de nom au gouvernement du canton de domicile.

Comme il s'agit d'affaires de routine, l'autorité gouvernementale doit, du moins dans les grands cantons, pouvoir être déchargée de ces tâches. Ainsi que la division de la justice l'a relevé dans son préavis du 31 janvier 1968 relatif au postulat Diethelm concernant la procédure de changement de nom, du 13 décembre 1967, accepté le 3 octobre 1968, les cantons sont autorisés à déléguer cette compétence. Le préciser par un additif à l'article 30 («Le gouvernement du canton de domicile ou l'autorité désignée par la législation cantonale,'..») semble cependant superflu.

Enfin,
le 2e alinéa de l'article 30 est supprimé. En vertu de cette disposition, le changement de nom est inscrit au registre de l'état civil et oublié ; il ne modifie pas la condition de celui qui l'a obtenu. Dans son postulat, le conseiller national Diethelm a suggéré que la publication officielle soit supprimée, car elle s'avère 333) Cf. Merz N 42 ad art. 2 CC 334) ATF 98 I a 455 335 > Cf. à ce sujet rapport n de la commission d'étude, 10 (art. 149, 3e al.).

33« ATF 70 I 220, 95 II 503, 96 I 425; Hegnauer N 33-35 ad art. 324-327 CC 337) ATF 70 l 220; REC 1945, 52/1968, 131

96

souvent préjudiciable et n'est plus observée actuellement par divers cantons.

De fait, il existe pas mal de changements de nom dont la publication est hautement indésirable pour les intéressés, en particulier lorsqu'il s'agit d'enfants accueillis par des parents nourriciers dans un endroit qui doit demeurer inconnu, mais souvent aussi de femmes divorcées. La commission d'experts et le Conseil fédéral estiment qu'il n'y a pas de raison suffisante d'exiger la publication officielle. Il n'y a aucun inconvénient à y renoncer. Le reste du 2e alinéa de l'article 30 paraît également superflu. En effet, l'inscription du changement de nom au registre de l'état civil doit être réglée dans l'ordonnance en la matière. Il va de soi que le changement de nom ne modifie pas la condition de celui qui l'a obtenu.

332 Désignation de l'état (art. 47, 100, 133 CC) Les termes-«naturel» et «légitimation», aux articles 47 et 100, 1er alinéa, CC sont biffés. A l'article 133, 1er alinéa, CC, la tournure: «les enfants...

sont légitimes» est remplacée par le membre de phrase: «le mari est considéré comme étant le père des enfants». Enfin, dans le texte allemand de l'article 47 CC, le mot «Kindesannahme» est remplacé par «Adoption», 333 Droits des parents (art. 156 CC) Les dispositions générales de l'article 156, 2e et 3e alinéas, CC, relatives à la contribution d'entretien et au droit de visite des parents lorsque l'enfant leur est retiré en cas de divorce, doivent être remplacées par une référence générale aux dispositions sur les effets de la filiation (cf. art. 285 s; 273 s.

du projet), 334 Dette alimentaire des parents (art. 328, 329 CC) Aux termes de l'article 328 CC, chacun est tenu de fournir des aliments à ses parents en ligne directe ascendante et descendante, ainsi qu'à ses frères et soeurs, lorsqu'à défaut de cette assistance ils tomberaient dans le besoin.

Les conditions de l'obligation d'assistance sont la parenté, la gêne de l'ayant droit et las facultés du débiteur. Par contre, leurs relations personnelles ne jouent pas de rôle. L'assistance est due également lorsque ces relations sont peut-être troublées par l'attitude de l'ayant droit et que celui-ci n'a pas rempli ses propres devoirs du droit de famille à l'égard du débiteur. Ainsi, l'enfant doit assister son père divorcé même lorsque celui-ci n'a jamais
versé les contributions d'entretien fixées par le juge et a abusé de son droit de visite de la pire façon. On ne fait qu'aggraver le danger de résultats aussi choquants en donnant d'une façon générale aux rapports avec le père illégitime un statut du droit de la famille. En effet, tandis que la paternité alimentaire du droit actuel n'engendre aucune obligation d'entretien, la filiation unifiée du projet engendre toujours entre l'enfant illégitime et la parenté paternelle l'obligation d'entretien. Il

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convient d'invoquer aussi .à ce propos le nouveau droit de l'adoption. Il a supprimé l'obligation d'entretien entre l'enfant et ses parents naturels, pour l'instituer en revanche non seulement entre l'enfant et les parents adoptifs, mais aussi avec les autres parents de l'adopté, bien qu'ils n'aient rien eu à dire au sujet de l'adoption. Ainsi, le droit actuel comme le nouveau droit prévu montrent qu'il est urgent de prendre en considération la relation subjective entre celui qui bénéfice de l'obligation d'entretien et celui qui y est astreint.

Diverses législations étrangères prévoient que l'obligation d'entretien est réduite ou supprimée lorsque l'ayant droit a manqué gravement à ses devoirs de famille338'. D'autres faits peuvent cependant aussi avoir de l'importance.

C'est pourquoi l'article 329, 2e alinéa, du projet prévoit d'une manière générale que le juge peut réduire ou supprimer entièrement l'obligation d'entretien lorsque, en raison de circonstances particulières, elle paraît inéquitable pour le débiteur.

' .

· La réglementation de l'action alimentaire dans le projet appelle une autre modification de l'obligation d'entretien. D'après l'article 329, 3e alinéa, CC, la demande en aliments est portée devant l'autorité compétente. Certains cantons ont confié cette tâche à une autorité judiciaire, d'autres à une autorité administrative. Or, matériellement, la dette alimentaire est étroitement liée à l'obligation d'entretien des parents. Elle aussi est. réglée exclusivement par le droit civil fédéral339'. Le projet prévoit cependant pour elle la compétence du juge (cf. art. 279, 2e al.). Il s'impose de traiter la dette alimentaire de même340'.

Il en va de même pour la subrogation de la collectivité publique. Celle-ci résulte aujourd'hui de l'article 329, 3e alinéa, CC, selon lequel l'action est intentée soit par l'ayant droit lui-même, soit, s'il est à la charge de l'assistance officielle, par l'autorité tenue de l'assister. Doctrine et jurisprudence ont adopté ce principe en ce qui concerne le droit d'entretien de l'enfant à l'égard de ses parents341'. L'égalité de traitement formelle entre le droit à l'entretien et l'obligation d'assistance est assurée du fait que l'article 329, 3e alinéa, du projet prévoit que les dispositions relatives à l'action en entretien de l'enfant et le transfert
de son droit d'entretien à la collectivité publique s'appliquent par analogie à la dette alimentaire.

Une dernière question concerne le cercle des débiteurs. Elle paraît, en soi, indépendante de la revision du droit de la filiation, mais il convient, pour tenir compte du but visé, de la traiter dans ce contexte. Le développement de l'assurance sociale a beaucoup diminué l'importance de l'obligation d'assistance entre parents342'. En même temps, le relâchement des liens de parenté a nette338

' Cf. p. ex. BGB n.v. 1611, CCfr. art. 207 (teneur de 1972), Bulgarie, code de la famille de 1968, art. 87 338) ATF 76 H 113 et citations.

340 > L'article 336, 3e alinéa, du projet de CC du Conseil fédéral prévoyait également la compétence du juge.

341 ' Hegnauer N 102 ad art. 272 CC et citations 3*2) Larese N., Wesen und Bedeutung der Realien (thèse Zurich 1968) 50 s.

Feuille fédérale, 126« année. VoL H

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98 ment affaibli la prise de conscience juridique de l'obligation d'assistance.

'. Cela s'exprime notamment dans le fait que non seulement les rentes de l'assurance sociale, mais aussi les rentes complémentaires de Fassurance-vieillesse et survivants et de l'assurance-invalidité sont versées sans égard aux facultés des proches. L'évolution internationale du droit a tendance elle aussi à limiter l'obligation d'assistance au rapport entre père et mère et enfants343'. En Suisse également, les milieux de l'assistance appuient ce postulat et vont plus loin en demandant la suppression complète de l'obligation d'assistance entre parents.

Par contre, le projet maintient l'obligation d'assistance réciproque des parents en ligne ascendante et descendante. La liberté d'appréciation que laisse au juge l'article 329, 2e alinéa, du projet permet de tenir suffisamment compte de circonstances spéciales dans les rapports entre parents et enfants, ainsi qu'entre grands-parents et petits-enfants. II abandonne en revanche l'obligation d'entretien entre frères et soeurs. Ceux-ci ne peuvent aujourd'hui déjà être recherchés que lorsqu'ils vivent dans l'aisance (art. 329, 2e al., CC). Même avec cette restriction, l'obligation d'entretien est ressentie comme un anachronisme. Hors de Suisse, cette obligation ne se rencontre qu'en Italie, en Grèce, en Espagne et au Portugal.

Enfin, l'article 328, 2e alinéa, du projet exprime le caractère subsidiaire de l'obligation d'assistance par rapport à l'obligation d'entretien des parents.

335 Droit successoral (art. 461 CC) L'enfant illégitime a, du côté maternel, les mêmes droits successoraux que l'enfant légitime (art. 461, 1er al., CC). Il n'a ces droits, du côté paternel, que s'il suit la condition du père (2e al.). L'enfant d'un père qui doit des aliments n'a par contre aucun droit successoral. Les droits successoraux de l'enfant qui suit la condition du père correspondent à ceux d'un enfant légitime; toutefois, s'il est en concours avec des descendants légitimes du père, son droit est réduit à la moitié de la part afférente à un enfant légitime ou à ses descendants (3e al.). Cette double inégalité paraît insoutenable tant par rapport à l'enfant légitime que par rapport au côté maternel. Nous avons exposé, à propos du dualisme entre les effets d'état civil et la paternité
alimentaire, qu'en ce qui concerne cette dernière, l'exclusion des effets juridiques de la parenté ne pouvait se justifier, ni du fait que la paternité est moins certaine ni, dans le cas des enfants adultérins et incestueux, par les circonstances de leur conception344^. U en va de même en droit successoral.

Quant à la limitation du droit successoral de l'enfant qui suit la condition du père lorsqu'il est en concours avec des descendants légitimes, elle est expliquée, dans l'Exposé des motifs de l'avant-projet du CC, par le fait que l'enfant illégitime est ordinairement lié davantage avec la mère qu'avec le père, 343

> Landfermann, Der Kreis der unterhaltspflichtigen Personen im europäischen Familien- und Sozialhilferecht, Rabeis Z 1971, 505 s.

344 > Cf. ci-dessus chiffre 223.522.

99

puisque il est souvent élevé avec les enfants légitimes de la même mère34^.

L'argument n'est cependant pas pertinent. Le droit légal à la sucession ne prend en effet, nulle part ailleurs, égard aux relations personnelles des héritiers avec le défunt. L'enfant légitime a également tous ses droits successoraux à l'égard de sa parenté paternelle lorsque le mariage de ses père et mère a été dissous par le divorce pendant sa prime jeunesse, qu'il a été élevé chez sa mère et qu'il n'y a pas eu entre le père et l'enfant de relations personnelles. L'article 461, 3e alinéa, CC, a encore d'autres conséquences absurdes. Si l'enfant meurt sans descendants, le père illégitime hérite autant que la mère. Si un homme a pour survivants deux enfants illégitimes et un enfant légitime et si l'un des deux premier meurt, l'enfant légitime reçoit les deux tiersi de la succession et l'enfant llégitime un tiers seulement, même lorsqu'il est né de la même mère que l'enfant décédé340'.

Le nouveau droit allemand de la filiation illégitime ne distingue pas quantitativement, mais qualitativement, le droit successoral de l'enfant illégitime par rapport à celui de l'enfant légitime. En concours avec des enfants légitimes et avec la veuve, l'enfant illégitime ne doit pas être héritier de son père, mais avoir seulement envers les héritiers un droit équivalent à la part successorale347). L'enfant naturel ou - pendant sa minorité - sa mère ne doit pas pouvoir s'immiscer dans le partage entre les héritiers de la famille légitime.

Le projet ne reprend pas cette solution. Dans les cas où l'enfant suit Ja condition du père, elle constituerait pour lui un recul par rapport au droit actuel et placerait en outre l'enfant illégitime dans une position plus désavantageuse à l'égard de la parenté paternelle qu'à l'égard de la parenté maternelle. Elle méconnaît cependant surtout le fait que la veuve et les enfants du mariage dissous par la mort ont à se partager la succession avec les enfants de précédents mariages du père dissous par le divorce, mais aussi avec d'éventuels héritiers institués.

Le nouveau droit allemand accorde à l'enfant naturel le droit d'être indemnisé par son père, entre 21 et 27 ans, de son futur droit34S>. Une telle prestation rendrait effectivement souvent davantage service à l'enfant que lorsqu'il n'hérite qu'après
la mort du père. Cela ne vaut toutefois pas seulement pour l'enfant illégitime, mais aussi pour l'enfant légitime, lorsque son père se soucie fort peu de sa formation et de son établissement, notamment lorsque le mariage a été dissous par le divorce. On ne voit dès lors pas pourquoi ce droit ne devrait être accordé qu'à l'enfant illégitime et uniquement contre le père. Il s'agit, à strictement parler, d'un problème fondamental de droit successoral qui n'a rien à voir avec la naissance légitime ou illégitime.

345

> Huber, Exposé des motifs 1204 s.

ad« cf. Yung, Note sur les droits successoraux des enfants naturels, Sem. jud. 1967.

141 s.

347 >BGBn.v.§1934a 3«>BGBn.v. § 1934d

100 C'est donc violer l'impératif de l'égalité devant la loi que de traiter différemment les droits successoraux de l'enfant légitime et de l'enfaut illégitime envers la parenté paternelle 349). Le projet prévoit par conséquent, conformément au postulat Huber de 1955350> et en accord avec la proposition de la commissiond'étude 351)' et de la commission d'experts, la suppression de l'article 4 6 C C 352).>.

34 Droit transitoire (art. 12, 12d, 13, 13a du projet de Tit. fin. CC) 341 Généralités

Aux termes de l'article 3 du Titre final, les cas réglés par la loi indépendamment de la volonté des parties sont soumis à la loi nouvelle, après l'entrée en vigueur du code civil, même s'ils remontent à une époque antérieure. C'est également le cas de la filiation 353). Les effets du rapport de droit de la famille ont leurs racines principalement dans la conception morale de la communauté de personnes pour laquelle la loi est édictée. Il se justifie par conséquent déjuger les effets futurs d'après le nouveau droit. «Car l'application simultanée de droits différents aux personnes appartenant à la même communauté de droit irait dans ce domaine à l'encontre de la consciences juridique populaire» (trad.)354). Le principe de l'application du nouveau droit est aujourd'hui invoqué expressément à l'article 12,1er alinéa, du Titre final, en ce qui concerne les «droits des parents et des enfants», et à l'article 13, 1er alinéa, en ce qui concerne la «filiation illégitime». Il paraît également se justifier à propos du rapport entre le nouveau droit et l'ancien droit de la filiation du CC. Les dispositions transitoires du droit allemand sur les enfants illégitimes, de 1969 355>, et celles du droit français de la filiation, de1972 356)s se placent sur le même terrain. Comme le nouveau droit ne fait plus de différence entre filiation légitime et illégitime, il suffit donc de statuer à l'article 12, 1er alinéa, du projet, que le nouveau droit est applicable à la filiation. Conformément à la terminologie du nouveau droit, les termes «droits des parents et des enfants» sont remplacés par «filiation». Il est en outre spécifié, selon l'interprétation 348

> Cf. à ce sujet le projet de Convention européenne, art, 15 > Chiffre Se 351) Rapport I, 32 352) De même Hegnauer, RDS 1965 II 162; Lalive RDS 1965 II 796 363> Broggini, Schweiz. Privatrecht 1471 ;Mutzner,, Berner Kommentar, N 31 ad art. 3 Tit.

fin.

.

.

354) Mützner N 48' ad art. 3 Tit. fin. CC, N 11 des remarques préliminaires concernant l'art, premier Tit. fin. CC; cf. également Broggini, op. cit., 446 s.

356) Art. 12, § 1 ' 356) Art. 12

360

101 actuelle 357), que l'établissement comme les effets de la filiation sont soumis au nouveau droit. D'après la terminologie du titre septième du projet, l'établissement englobe également la contestation de la filiation. L'article 13, 1er alinéa, du Titre final devient par contre superflu et peut être abrogé. Le temps écoulé a rendu cette disposition sans objet en ce qui concerne le rapport avec le droit antérieur au CC.

342 L'établissement de la filiation L'application du nouveau droit aux enfants nés avant son entrée en vigueur a les effets suivants en ce qui concerne l'établissement de la filiation : 342.1 La contestation de la présomption de légitimité La contestation de la présomption de légitimité de l'ancien droit se règle, après l'entrée en vigueur du nouveau droit, selon les dispositions de celui-ci concernant l'action en désaveu de la paternité du mari (art. 256 s. du projet).

Si l'action en désaveu est définitivement rejetée, les choses en restent là. Si, par contre, elle est encore pendante au moment de l'entrée en vigueur, elle doit être jugée d'après les dispositions du nouveau droit 358). Si le délai de trois mois pour intenter action est expiré avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, l'action est périmée 359). Conformément à l'article256c,, 3e alinéa, du projet, le délai peut cependant être restitué pour justes motifs. Il doit également en être ainsi des délais expirés avant l'entrée en vigueur du nouveau droit. .Une disposition transitoire s'impose d'autant moins que le délai de contestation pour l'enfant a été mesuré largement, tant par lajurisprudence 360)) que par l'articl256c,e, 2e alinéa, du projet. Si le délai de contestation de l'ancien droit n'est pas encore expiré lors de l'entrée en vigueur du nouveau droit (art256c,e, 1er et 2e al., du projet), conformément à l'article 49, 2e alinéa, du Titre final du CC, le délai d'un an du nouveau droit ne court que de ce moment. Le délai de cinq ans depuis la naissance que prévoit l'articl256c,e, 1er alinéa, du projet ne commence qu'avec l'entrée en vigueur du nouveau droit, puisque l'ancien droit ne le connaissaipas 361).'.

342.2 La légitimation par mariage subséquent La légitimation par mariage subséquent subsiste dans le nouveau droit du fait que l'enfant né avant le mariage acquiert la condition d'un enfant né pendant le
mariage (art. 259 du projet). Si les parents se marient après l'entrée 357) Mutzner N .1, 2 ad art. 12 Tit. fin. CC 358)Mutzner, 1re éd.,N7, 2e éd., N 4 ad art. ) 2, N 29 ad art. 13 Tit. fia. CC 358) Mutzner, 1re éd., N 7, 2e éd., N 4 ad art. 12, N 3 ad art 49 Tit. fin. CC; Huber/ Mutzner, System und Geschichte des schweizerischen Privatrechts (2e éd.), 249 N

59; ZR 1939 n° 135 c, 2 et 3.

360) ATF 88 II 490 c 6 361

> Mutzner N 7 ad art. 49 Tit. fin. CC

102

en vigueur du nouveau droit, cet effet ne se produit toutefois que si la filiation à l'égard du père a été constatée par une reconnaissance ou un jugement.

Point n'est besoin d'une disposition transitoire spéciale; par contre, les prescriptions de l'ordonnance sur l'état civil en la matière doivent être adaptées en conséquence. Comme le nouveau droit ne connaît pas la légitimation en tant qu'institution autonome, la règle générale de l'application du nouveau droit ne suffit pas pour contester une légitimation intervenue sous l'ancien droit. Il paraît donc indiqué d'appliquer dans ce cas les dispositions sur la contestation de la reconnaissance. Une disposition spéciale est nécessaire à cet effet (art. 12* du projet de Tit. fin.).

342.3 La reconnaissance La reconnaissance de l'enfant (illégitime) a aussi lieu, conformément à l'article 13, 3e alinéa, du Titre final, selon les dispositions du nouveau droit lorsque l'enfant est né avant son entrée en vigueur. Cela ressort déjà du principe général de l'article 12, 1er alinéa, du projet de Titre final. Une disposition spéciale n'est plus nécessaire si la prescription restrictive actuelle de l'article 13, 2e alinéa, du Titre final est biffée3G2). L'application du nouveau droit signifie que, désormais, les enfants nés d'un commerce adultérin ou incestueux peuvent être reconnus. Inversement, le grand-père ne peut plus procéder à la reconnaissance. La reconnaissance par disposition pour cause de mort est également exclue. Sans doute une reconnaissance d'un enfant déjà né, faite par disposition pour cause de mort avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, devrait-elle néanmoins être tenue pour valable d'après l'article 16, 2e alinéa, et l'article premier, 2e alinéa, du Titre final, même si le défunt ne meurt qu'après l'entrée en vigueur du nouveau droit. - Ce qui a été dit de la contestation de la présomption de légitimité vaut par analogie pour la contestation de la reconnaissance. Une opposition au sens de l'article 305 CC en suspens au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit doit être transmise par l'officier d'état civil au tribunal compétent pour être traitée comme action en contestation, et une action en rejet d'opposition pendante contre la reconnaissance poursuivie, en renversant le rôle des parties, comme procès en contestation. Etant donnée
l'extrême rareté de telles procédures, on peut faire ici l'économie de dispositions spéciales.

342.4 L'action en paternité Aux termes de l'article 13, 2e alinéa, du Titre final, lorsque la naissance illégitime a eu lieu avant l'entrée en vigueur du nouveau droit; la mère et l'enfant ne peuvent, avec l'action en paternité, intenter contre le père que les actions dérivant du droit de famille et qui leur appartenaient en vertu de la loi ancienne. Ainsi, les enfants déjà nés ne peuvent intenter que l'action en paternité 3U2

> Chiffre 332.4 ci-après

103

de l'ancien droit, qui s'applique à ladite action303'. Ainsi que l'a exposé le Tribunal fédéral dans l'arrêt 96 II 13, cette prescription de l'article 13, 2e alinéa, du Titre final apparaît toutefois comme une prescription spéciale à l'époque et qui tenait compte des grandes différences entre les anciennes prescriptions cantonales concernant la paternité illégitime384'; elle est certainement due aussi à l'idée périmée selon laquelle l'obligation d'entretien du père illégitime repose moins sur l'état permanent de la descendance que sur une sorte d'acte prohibé365'. Dans l'arrêt cité, le Tribunal fédéral a vu dans l'obligation d'entretien du père illégitime un rapport de droit qui, en vertu de la loi, résulte directement d'un état de fait permanent, la descendance366'. Dans les rapports de droit qui résultent directement, de par la loi, d'un tel état, non seulement le contenu, mais aussi l'état, se détermine toutefois d'après le nouveau droit dès que celui-ci est entré en vigueur367'. Ces considérations sur l'obligation d'entretien valent a fortiori pour la filiation comme telle, puisqu'il s'agit là d'une relation fondamentale de l'existence humaine. Par conséquent, la règle générale de l'application du nouveau droit au sens de l'article 3 du Titre final et de l'article 12, 1er alinéa, du projet de Titre final vaut également pour l'établissement de la filiation par la voie de l'action en paternité. L'article 13, 2e alinéa, du Titre final doit par conséquent être écarté en ce qui concerne le rapport entre le nouveau et l'ancien droit de la filiation. Cette disposition n'a plus aucune signification quant au rapport entre le CC et l'ancien droit cantonal et doit donc être biffée.

L'application du nouveau droit à l'enfant illégitime né avant son entrée en vigueur aurait d'abord pour conséquence que l'action en paternité pendante lors de l'entrée en vigueur du nouveau droit devrait, pour la période qui l'a précédée, être jugée d'après l'ancien droit, et d'après le nouveau pour la période ultérieure. Toutefois, étant donné que dans cette situation, les prétentions relatives à la période antérieure n'ont ordinairement que peu d'importance par rapport à celles qui touchent la période ultérieure, il paraît indiqué de régler uniformément d'après le nouveau droit l'action comme telle, c'est à-dire en tant
qu'elle vise la constatation de la paternité du défendeur, et de ne juger séparément que les effets portant sur l'ancienne ou sur la nouvelle période.

C'est ce que fait le nouvel article 13 du projet de Titre final368'. Ainsi, les mesures protectrices des articles 281-284 du projet sont également applicables aux enfants nés avant l'entrée en vigueur du nouveau droit. L'article 13, 2e alinéa1"8, du Titre final introduit par la loi fédérale du 30 juin 1972, peut par conséquent être abandonné.

363

> Mutzner lle éd., N 14-20,2e éd., N 32-35 ad art. 13 Tit. fin. CC « OE Mutzner N 1 ad art. 13 Tit. fin. CC

3e

365) cf Broggini op. cit. 472

366) ATF 96 II 12 > Cf. Mutzner N 2, 3 ad art. 3 Tit. fin. CC; ATF 39 II 20 s., et 681 ses) Ainsi que l'article 12, § 2, de la loi allemande sur la filiation illégitime.

367

104

L'article 13 du projet s'applique par analogie lorsque l'enfant est né avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, mais que le délai pour intenter action n'est pas encore expiré à ce moment et que l'action n'est intentée qu'ultérieurement. Pour la mère, le délai, qui n'est pas modifié par le nouveau droit, continue à courir (cf. art! 263, 2e al., ch, 1 du projet) 369>. Pour l'enfant, il ne commence par contre qu'avec l'entrée en vigueur du nouveau droit, puisque l'article 263, 2e alinéa, chiffre 2, du projet règle autrement, non sa durée, mais son début.

La conséquence principale, dans ce domaine, de l'application du nouveau droit, consiste toutefois dans le fait que les autres enfants illégitimes nés avant son entrée en vigueur, au cas où leur filiation à l'égard du père n'est pas encore établie .par une reconnaissance ou une attribution avec effets d'état civil, peuvent intenter l'action en constatation de paternité pour la période qui suit l'entrée en vigueur du nouveau droit. Cela vaut, d'une part, pour les cas de paternité alimentaire du droit actuel. D'après l'article 319 CC, le juge ne peut allouer de pension alimentaire à l'enfant que si la paternité a été préalablement constatée. Mais lors de conventions d'entretien judiciaires ou extra-judiciaires également, la filiation n'est, la plupart du temps ou du moins ordinairement, pas moins certaine. Il est conforme à l'idée fondamentale de l'article 12, 1er alinéa, du projet de Titre final que la descendance ait désormais les effets de la filiation.

Même si le délai de l'article 308 CC est expiré, l'action en constatation de filiation du nouveau droit paraît justifiée. Dans les procès internationaux, l'inobservation du délai est due la plupart du temps à l'ignorance, car le délai d'un an depuis la naissance de l'article 308 CC est singulièrement court si on le compare à ceux d'autres législations, et n'est plus guère conciliatale avec l'ordre public et la morale. Il se peut aussi que l'action n'ait pu être intentée parce que la mère ne pouvait ou ne voulait pas indiquer au curateur dans le délai le nom du père de l'enfant. L'enfant ne doit pas pâtir toute sa vie de cette situation.

Enfin, on peut avoir renoncé à l'action parce qu'elle ne paraissait avoir aucune chance sous l'ancien droit. S'il est en revanche possible d'établir la paternité
d'après le nouveau droit, l'enfant ne doit pas être privé de cette possibilité.

Le nouveau droit d'intenter action doit cependant, pour respecter l'égalité devant la loi, être accordé également à l'enfant qui l'a déjà fait, mais dont l'action a été rejetée pour un motif que ne retient pas le nouveau droit.

Cette règle s'écarte cependant de celle qui est prévue pour la contestation de la présomption de la filiation et de la reconnaissance. Cela se justifie toutefois du fait qu'il s'agit dans le premier cas d'écarter la filiation à l'égard du père, et dans le second de l'établir, mais surtout parce que les changements de droit matériel, minimes dans le premier cas, sont considérables dans le second.

L'action prévue pour l'enfant né avant l'entrée en vigueur du nouveau droit en constatation de la filiation à l'égard du père ne fait pas renaître non plus les droits périmés définitivement ou rejetés sous l'ancien droit. Tant que les aas) Mutzner N 9 ad art. 49 Tit. fin. CC; Huber/Mutzner Schweiz. Privatrecht, 270; Broggini op. cit. 507 N 86

105

droits découlant de la paternité illégitime sont soumis à l'ancien droit, la réglementation adoptée sous l'empire de ce droit subsiste : paternité alimentaire, rejet de la demande ou péremption, par inobservation du délai, du droit d'intenter action. Il ne s'agit toutefois pas ici, on l'a vu, d'un rapport circonscrit (dans le passé). Au contraire, la filiation fondée sur la descendance dure au-delà de l'entrée en vigueur du nouveau droit. C'est pourquoi la situation réglée conformément à l'ancien droit ne peut pas être reconnue comme définitive, mais doit, conformément à l'article 3 du Titre final, être soumise à la réglementation prévue par le nouveau droit. Le principe formel ide la force de chose jugée doit céder le pas à l'assimilation juridique la plus complète possible de l'enfant illégitime et de l'enfant légitime. De même, comme un jugement qui, avant 1912 en application du droit cantonal, condamnait un beau-fils à assister sa belle-mère, a été annulé lors de l'entrée en vigueur de la délimitation plus étroite de l'obligation d'assistance statuée par le CC 370>, le nouveau droit peut établir entre un père et son enfant un lien juridique qui, sous l'ancien droit, n'était pas admis ou ne l'était que de façon limitée. Cette limitation transitoire de la force de chose jugée est également reconnue en droit international371).

Il convient d'ajouter que c'est là la seule façon d'établir une concordance satisfaisante avec l'application du nouveau droit, conformément à l'article 13 du projet de Titre final, pour les actions qui sont pendantes lors de l'entrée en vigueur ou avant que soit expiré le délai pour agir de l'ancien droit, mais qui sont intentées après l'entrée en vigueur du nouveau droit. En effet, si tel n'était pas le cas, l'enfant né avant l'entrée en vigueur du nouveau droit serait moins bien traité si cette action est jugée avant que si elle l'est après. Or, son sort ne doit pas dépendre de tels aléas.

Lorsque le père a été condamné sous l'ancien droit à verser une pension alimentaire, il faudrait envisager, selon l'idée fondamentale de l'article 3 du Titre final et de l'article 12,1er alinéa, du projet de Titre final de transformer de par la loi cette obligation en contestation de la filiation du nouveau droit373).

Ce serait toutefois perdre de vue que la situation de l'enfant
illégitime s'est peut-être stabilisée dans le cadre de la paternité alimentaire et que l'établissement d'un rapport du droit de la famille à l'égard du père n'est peut-être plus souhaitable. On manque du reste des registres nécessaires pour fournir l'état complet des paternités .alimentaires. C'est pourquoi une telle situation ne doit pas être soumise au nouveau droit de par la loi, mais seulement à la demande de l'enfant. Dans les cas où il n'existe encore aucun rapport avec le père, la filiation ne peut de toute façon être constatée que par reconnaissance ou jugement.

370) ATF 39 II 20 371 > ATF 96 IL 4 dans le cas d'une action prescrite en vertu de l'article 308 CC; RSJ 1970, 360 n« 1S3 dans le cas d'une demande déjà rejetée pour péremption, selon l'article 308 CC 3'2> Dans ce sens art. 12 § 3, 1er al., de la loi allemande sur la filiation illégitimé.

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Le nouveau droit d'intenter action des enfants nés avant l'entrée en vigueur du nouveau droit doit être limité dans le temps dans deux directions. D'abord en ce qui concerne la personne du demandeur. L'action ne doit pas être ouverte à tous les enfants illégitimes encore vivants, mais seulement à ceux qui sont encore mineurs lors de l'entrée en vigueur du nouveau droit373). Par contre, il ne doit plus y avoir pour les majeurs, en règle générale, d'intérêt digne de protection à constater leur filiation à l'égard du père. Cela irait en outre trop loin d'appliquer ici le délai du nouveau droit à l'action en paternité (art. 263 du projet). Un délai de deux ans à partir de l'entrée en vigueur du nouveau droit paraît plutôt indiqué dans ce cas. On peut attendre des demandeurs qu'ils décident dans ce laps de temps s'ils entendent user de la possibilité qui leur est offerte ou s'ils entendent rester dans la situation créée sous l'ancien droit.

Les défendeurs, de leur côté, ont un intérêt digne de protection à savoir bientôt si l'affaire, qui est peut-être ancienne, sera reprise.

Le droit d'intenter action est un droit strictement personnel. Si l'enfant est capable de discernement, il l'intente lui-même; la capacité de discernement ne peut être admise au-dessous de 16 ans, et ne peut l'être que rarement au-dessous de 18 ans. Si l'enfant est incapable de discernement, l'action doit être intentée par son représentant légal. Il peut dans certains cas y avoir collision d'intérêts avec la mère, notamment lorsqu'elle refuse, pour des raisons personnelles, de reconnaître une relation du droit de la famille entre l'enfant et le père.

Dans ce cas, l'enfant doit être pourvu d'un curateur, conformément à l'article 392, chiffre 2, CC. D'autre part, il arrive souvent que là mère ne soit guère en mesure d'avoir une vue d'ensemble de tous les problèmes ardus liés à l'action et de les juger objectivement. L'autorité tutélaire devra donc, lorsque la mère ne prend pas d'elle-même les mesures nécessaires, nommer dans la plupart des cas un curateur à l'enfant en vue de Faction, en appliquant par analogie les articles 308 et 309 du projet.

Quant au fond, l'action doit être jugée d'après les dispositions du nouveau droit (art. 261/262 du projet). Aux termes de l'article 254, chiffre 1er, du projet, le juge examine d'office
l'état de fait et apprécie librement les preuves.

Les dossiers d'éventuels procès antérieurs doivent par conséquent être pris en considération, de même que les preuves rapportées à l'occasion de ces procès.

Si la paternité du défendeur a déjà été exclue par une expertise antérieure, qui reste convaincante dans l'état actuel de la science, la nouvelle action est vouée d'emblée à l'échec. Par contre, une action peut être intentée contre un autre homme susceptible d'être le père. Le défendeur qui, dans un procès antérieur, a été condamné à des contributions d'entretien, ou qui a pris l'engagement extra-judiciaire de verser de telles contributions, a la possibilité d'établir en se fondant sur l'état actuel, plus avancé, de la science que sa paternité est exclue ou moins vraisemblable que celle d'un tiers. S'il rapporte cette preuve, non seulement l'action est rejetée, mais l'obligation de fournir des prestations 373

> De même, art. 12 § 10, 2e al., de la loi allemande sur la filiation illégitime.

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pécuniaires fondées sur l'ancien droit cesse du même coup (art. 13", 2e al., du projet de Titre final). II faut songer à ce risque en intentant la nouvelle action. Les prestations déjà faites doivent être remboursées selon les dispositions sur l'enrichissement illégitime. Pour les contributions d'entretien périodiques qui ont déjà été utilisées, l'article 64 du code des obligations ne permet guère d'admettre un tel enrichissement. En cas d'indemnité unique, la durée de l'obligation légale d'entretien qui subsiste doit être prise en considération. Au cas où l'action est admise, une indemnité unique doit être imputée sur la dette alimentaire à moins qu'une convention au sens de l'article 288 du projet ne soit conclue.

343 Effets de la filiation Les effets de la filiation s'établissent d'après l'ancien droit pour la période antérieure à l'entrée en vigueur du nouveau droit, et d'après le nouveau droit pour la période ultérieure (art: 12, 1er al., du projet de Titre final). Le nouveau droit est applicable sans plus aux enfants nés antérieurement lorsque, d'après l'ancien droit, ils étaient déjà liés à leurs parents par un rapport juridique de filiation. II s'agit des enfants légitimes ou légitimés, des enfants naturels dans les rapports du côté maternel, ainsi que du côté paternel lorsqu'ils ont été reconnus par le père ou qu'ils lui ont été attribués avec effets d'état civil, En revanche, les dispositions du nouveau droit ne s'appliquent aux" autres enfants naturels nés auparavant que s'ils ont été reconnus par le père après l'entrée en vigueur du nouveau droit ou si la filiation à l'égard du père a été établie conformément à l'article Ì3a du projet de Titre final.

L'acquisition du nom de famille et du droit de cité échappent à l'application générale du nouveau droit. L'un et l'autre subsistent sous le nouveau droit, tels qu'ils ont été acquis sous l'ancien droit. L'article 12, 1er alinéa, du projet de Titre final tire expressément cette conséquence de l'article premier, 1er alinéa, du Titre final374'. Cette réserve présente une importance pratique pour l'enfant illégitime qui, sous l'ancien droit, a reçu, s'il n'a pas suivi la condition du père, le nom de la famille de la mère (art. 324, 1er al., CC) et, s'il a suivi la condition du père, le nom et le droit de cité du père (art. 325, 1er al-, CC).
Il y à lieu de prévoir d'autres exceptions en ce qui concerne l'autorité parentale. La mère célibataire la reçoit désormais de par la loi (art. 298, 1er al,, du projet). D'après la teneur actuelle de l'article 12, 3e alinéa, du Titre final, comme son enfant est sous tutelle lors de l'entrée en vigueur du nouveau droit, elle n'obtiendrait l'autorité parentale qu'en vertu d'un transfert opéré par les autorités de tutelle. Les autorités ne peuvent cependant décider à leur gré quand elles entendent prendre cette décision. C'est pourquoi l'article 12, 2e alinéa, du projet de Titre final prévoit que l'autorité parentale se substitue à la tutelle un an au plus tard après l'entrée en vigueur du nouveau droit, tant que les disposi374

> Huber et JVtutzner, Schweizerisches Privatrecht 250 N 63, 238 N 56

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tions sur la déchéance de .l'autorité parentale ne prévoient pas le contraire.

Il convient enfin de relever qu'un transfert ou une déchéance de la puissance paternelle prononcés par l'autorité sous l'ancien droit demeure en force (art.

12, 3e al., du projet de Titre final).

En ce qui concerne le droit successoral, des dispositions spéciales ne sont pas nécessaires. Si le père illégitime meurt avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, conformément à l'article 15 du Titre final, l'article 461 CC s'applique à sa succesion. Son enfant illégitime peut seulement faire valoir les droits que lui confère cette disposition, même s'il est né après l'entrée en vigueur du nouveau droit (cf. art. 544 CC). Par contre, le droit successoral légal naît entre l'enfant et les parents encore vivants du côté paternel lorsque la filiation à l'égard du père décédé antérieurement est constatée après l'entrée en vigueur du nouveau droit conformément aux nouvelles dispositions (y compris le droit transitoire).

Si le père meurt après l'entrée en vigueur du nouveau droit, les droits successoraux suivent le nouveau droit lorsque la filiation est établie. Si la succession est déjà partagée lors de l'établissement de la filiation, les héritiers répondent selon les articles 598-600 CC.

35 Droit international (art. 8"-8c, 28, ch. 2, du projet de LRDC) Lorsqu'un rapport de filiation présente des liens juridiques avec l'étranger, les dispositions des articles 8 et 9, en liaison avec l'article 32 de la loi fédérale du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour (LRDC), sont applicables. Selon l'article 8, le statut familial d'une personne, notamment sa filiation, légitime ou illégitime, les effets d'une reconnaissance volontaire ou l'adjudication par les autorités des enfants naturels, et l'adoption, est soumis à la législation et à la juridiction du lieu d'origine. Dans ces cas, c'est le lieu d'origine de l'époux, du père ou de l'adoptant qui est déterminant.

Cette règle, à première vue simple, qui était suffisante dans les relations intercantonales auxquelles elle était initialement destinée, était devenue de moins en moins satisfaisante dans les relations internationales auxquelles elle était applicable selon l'article 32. C'est la raison pour laquelle le législateur fédéral a déjà, lors de la révision du droit de l'adoption, introduit des dispositions particulières sur l'adoption (art. S", S", 8e) et supprimé dans l'article 8 les références à l'adoption. Cette revision a grandement facilité l'examen des nombreuses adoptions présentant des liens avec l'étranger.

Mais l'article 8 LRDC doit être revisé également pour ce qui concerne le reste du droit de la filiation. Du fait du séjour et de l'établissement de nombreux étrangers en Suisse et des liens conjugaux ou extra-conjugaux de Suisses avec des étrangers, il résulte de nombreuses situations dans lesquelles l'application de l'article 8 LRDC non seulement s'avère insatisfaisante, mais conduit

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parfois à des résultats presque absurdes. De plus en plus, la jurisprudence et la doctrine se sont vues obligées, sur la base des articles 1er et 2 CC, de restreindre et de modifier le champ d'application de l'article 8 LRDC375>. La nécessité et l'urgence d'une revision de l'article 8 LRDC sont incontestées. Cette tâche apparaît d'autant plus urgente que, contrairement au droit de l'adoption, il n'existe dans le domaine dé l'établissement et de la contestation de la filiation, à l'exception de trois points particuliers376>, aucune convention internationale susceptible de déterminer le for et la loi applicable. Il paraît donc indiqué, comme pour le droit de l'adoption, de procéder dès à présent, pour le reste du droit de la filiation, à la revision de l'article 8 LRDC, parallèlement à celle du droit matériel. C'est de cette manière que la France a procédé à l'occasion de la récente revision de son droit de la filiation (art. 311-14 à 311-18 du code civil)377). En revanche, la République fédérale d'Allemagne a renoncé, lors de la revision de son droit de la filiation illégitime, à modifier les dispositions correspondantes de la loi d'introduction du code civil, ce qui a déjà provoqué des difficultés considérables lors de l'application du nouveau droit378). La revision du droit de la filiation resterait lettre morte si les règles de conflits n'étaient pas revues en même temps.

Le Département fédéral de justice et police a désigné en été 1973 une grande commission d'experts chargée d'élaborer un projet pour la codification du droit international privé et de procédure civile, et de préparer la revision de la LRDC.

On peut donc se demander s'il ne conviendrait pas d'attendre cette législation pour reviser l'article 8 LRDC. Il conviendrait sans doute de répondre par l'affirmative à cette question si l'on pouvait s'attendre que cette loi entre en vigueur si ce n'est en même temps, du moins peu après le nouveau droit de la filiation. Compte tenu de l'importance extraordinaire et de la complexité de la tâche, la date à laquelle elle pourra être menée à terme demeure incertaine.

Dans ces conditions, on ne saurait attendre pour reviser l'article 8 LRDC, 375

> Cf. Lalive, Les conflits de lois en matière de filiation en droit international privé suisse, dans : Les conflits de lois en matière de filiation, en droit international privé français, allemand et suisse (Paris 1973) 147 s.; cf. également: Knoepfler, Action en désaveu de paternité intentée par l'enfant étranger: une jurisprudence contra legem? RSJ 1973, 72 376) Convention des Etats membres de la Commission internationale de l'état civil (CIEC) portant extension de la compétence des autorités qualifiées pour recevoir les reconnaissances d'enfants naturels, du 14 septembre 1961 (RO 1964, 553), Convention relative à l'établissement de la filiation maternelle des enfants naturels, du 12 septembre 1962 (également ratifiée par la Suisse, mais non publiée) et Convention sur la légitimation, du 10 septembre 1970 (pour les textes, cf. Conventions et Recommandations, édité par le Secrétariat général de la CIEC, Frankfurt 1972) 377 > Huet, Les conflits de lois en matière d'établissement de la filiation depuis la loi du 3 janvier 1972, dans: Les conflits de lois en matière de filiation en droit international privé français, allemand et suisse (Paris 1973) 19 s.

378 > Cf. Neuhaus Fam RZ 1972, 279, n° 2; Jayme Farn RZ 1973, 18

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qui est complètement surrané, la codification générale du droit international privé. Cette codification ne doit toutefois pas être préjugée par la revision aujourd'hui urgente, mais le législateur devra être libre de régler également le droit international de la filiation selon des principes uniformes ; les expériences faites sur la base des dispositions proposées aujourd'hui seront utiles à cet égard.

Selon l'article 8 LRDC, c'est le lieu d'origine du père qui est déterminant, tant pour le for que pour la loi applicable. Le projet règle les deux questions séparément. En ce qui concerne le for, il apporte deux modifications essentielles : premièrement, le rattachement au domicile, et deuxièmement la mise sur pied d'égalité des trois personnes qui participent au rapport de filiation - enfant, mère et père. En conséquence, l'action en constatation ou en contestation de la filiation pourra être intentée auprès du juge du domicile suisse de l'enfant ou de l'un des parents (art. 8d, 1er al., du projet de LRDC). Si, en revanche un domicile en Suisse fait défaut et si une action ne peut être intentée à un domicile étranger selon les règles qui y sont en vigueur, un for au lieu d'origine suisse de l'enfant ou de l'un des parents est assuré (art. &d, 2e al., du projet de LRDC). Cette extension considérable de la compétence suisse doit être limitée dans le cas particulier. Compte tenu de la nature et de l'importance du lien avec l'étranger, le projet fait dépendre l'abandon de la compétence suisse d'une double condition (art. 8*, 3e al.,) : - les rapports avec un autre pays déterminé sont plus forts qu'avec la Suisse et - ce pays ne reconnaît pas la compétence suisse.

Cette formule flexible devrait permettre de tenir compte de l'extraordinaire diversité des situations de fait et de droit.

En ce qui concerne le droit applicable, une nouvelle réglementation ne doit pas non plus faire abstraction de la signification traditionnelle du lieu d'origine pour la filiation. La loi nationale ne doit cependant être applicable en principe que lorsque les deux parents et l'enfant ont la même nationalité (art. 8e, 1er al., ch. 1, du projet de LRDC). A défaut de nationalité commune, mais si parents et enfant ont leur domicile dans un même pays, c'est la loi de ce pays qui s'appliquera (ch. 2). Si cette condition fait
également défaut, le droit suisse sera applicable (ch. 3). Même en cas d'application de ces règles, il peut arriver qu'une espèce présente effectivement des rapports étroits avec un autre pays. On pourrait imaginer le cas d'une Italienne séparée de son mari et vivant en Suisse, qui mettrait au monde un enfant dont le père est Suisse. Les parents légaux et l'enfant étant Italiens, l'action en contestation de la filiation intentée contre le père selon l'article 8e, 1er alinéa, chiffre 1, du projet, devrait être jugée selon le droit italien. En revanche, compte tenu du domicile suisse de la mère, de l'enfant et du père réel, ainsi que de la nationalité suisse de ce dernier, l'espèce présente des rapports prépondérants avec la Suisse. C'est donc, conformément au 2e alinéa, le droit suisse qui s'appliquera.

Ili Dans le cadre de cette revision, l'article 8 LRDC peut être biffé. Il existe des cas qui ne concernent ni la filiation, ni l'adoption379), et qui doivent être examinés à la lumière de l'actuel article 8 LRDC. Désormais, la jurisprudence devra déterminer le for et la loi applicable en appliquant les nouvelles dispositions par analogie; le résultat sera de toute manière préférable à celui obtenu avec l'actuel article 8.

Une nouvelle réglementation relative aux effets de la filiation ne s'avère pas urgente. L'article 9, 1er alinéa, LRDC, se réfère, en ce qui concerne la puissance paternelle, à la loi du domicile. Ce rattachement, qui vaudra également pour d'autres effets de la filiation, s'est révélé dans l'ensemble satisfaisant.

Cependant, le point de savoir si c'est le domicile du père, ou des parents ou de l'enfant qui est déterminant est controversé. La suppression de l'article 8 LRDC facilitera le rattachement plus logique au domicile de l'enfant. La revision de l'article 9, 1er alinéa, LRDC, peut être différée, d'autant plus que, pour l'important domaine des obligations alimentaires, la Convention de La Haye du 24 octobre 1956 3SO> et du 15 avril 1958 3B1> et, pour la non moins importante protection des mineurs, la Convention du 5 octobre 1961382> ont établi des règles de conflits essentielles383>.

L'article 9, 2e alinéa, LRDC, se limite à la question de l'obligation alimentaire. Bien que cette disposition ne corresponde plus aux vues actuelles on peut, compte tenu de son importance restreinte, attendre pour la réexaminer, la revision totale de la LRDC.

Les dispositions proposées sont valables en principe aussi bien pour les étrangers domiciliés en Suisse que pour les Suisses domiciliés à l'étranger, ce qui est exprimé par un complément à l'article 28, chiffre 2, LRDC, incluant l'adoption. Il va de soi que l'article 28, chiffre 2, reste en vigueur dans la mesure où il ne contrevient pas aux nouvelles dispositions.

379) ATF 92 II 138: requête d'une personne inscrite dans les registres de l'état civil comme personne de sexe masculin, en vue de se voir reconnaître le sexe féminin; 36 I 395: action de la femme divorcée en vue de conserver le nom;cf. également ATF 71 II 129.

ss« Texte cf. RO 1964, 1287 3B1 >. Texte cf. RO 1964, 1290 382) Texte cf. RO 1969, 191 383 > La Conférence de la Haye a en outre, lors de sa 12e session du 2 au 21 octobre 1972 (session supplémentaire du 19 au 28 mars 1973) élaboré deux nouvelles conventions concernant la reconnaissance et l'exécution de décisions relatives aux obligations alimentaires (texte cf. Annuaire suisse de droit international 1972, 450 s.) et sur la loi applicable aux obligations alimentaires (texte cf. Revue critique de droit international privé 1973, 398).

112 - 36 Loi sur la nationalité

(art. 1, 2, 4, 5 et 8) Les articles 1 et 2 de la loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité (LN) doivent être adaptés à l'article 271 du projet384). En même temps, il s'avère opportun de régler l'acquisition de la nationalité suisse par filiation dans un seul article (article premier du projet de LN). L'article premier, 2e alinéa, du projet prévoit une petite modification matérielle par rapport à l'article 2 LN.

D'après le droit actuel, l'enfant naturel d'une mère étrangère acquiert la nationalité suisse par le mariage de son père suisse avec sa mère sans égard à son âge (lettre0), mais il ne l'acquiert par la reconnaissance avec effets d'état civil que lorsqu'il est mineur (lettre0); en cas de jugement déclaratif de paternité lettre* - il est de toute façon mineur en raison du court délai de l'article 308 CC. Cette inégalité paraît injustifiée. Objectivement, il convient de limiter d'une façon générale l'acquisition de la nationalité aux enfants mineurs. Cette restriction concerne actuellement non seulement l'enfant naturel qui suit la condition du père, mais aussi, conformément à l'article 7 revisé, l'enfant adoptif.

De même, en vertu des articles 33 et 44, la minorité limite l'inclusion des enfants dans la naturalisation et dans la libération de la nationalité.

Il va sans dire que l'acquisition de la nationalité suisse par filiation exige un rapport de filiation du droit de la famille à l'égard de la personne qui transmet le droit de cité.

La nouvelle formulation de l'article 4 n'est qu'une adaptation formelle à l'article premier du projet de loi sur la nationalité.

Une modification beaucoup plus importante est prévue à l'article 5.

D'après le texte actuel du 1er alinéa de cette disposition, l'enfant légitime d'un père étranger et d'une mère suisse acquiert dès sa naissance le droit de cité cantonal et communal de sa mère, et par là même, la nationalité suisse, lorsqu'il ne peut acquérir une autre nationalité dès sa naissance. Ainsi, l'enfant légitime d'un étranger et d'une Suissesse n'acquiert pas de par la loi la nationalité suisse.

Il y a là une inégalité par rapport à l'enfant légitime d'un Suisse et d'une étrangère comme à l'égard de l'enfant naturel d'une Suissesse, qui tous deux sont Suisses dès leur naissance en vertu de l'article premier. L'égalité entre le père et la
mère devrait également être prise en considération lors de l'acquisition de la nationalité suisse. L'article 44, 3e .alinéa, de la constitution fédérale met toutefois des limites à la réalisation de ce postulat. En vertu de cette disposition, la législation fédérale peut statuer que l'enfant né de parents étrangers est ressortissant suisse, dès sa naissance, lorsque la mère était d'origine suisse par filiation et que les parents sont domiciliés en Suisse au moment de la naissance de l'enfant. Cette disposition ne fait pas que donner une compétence au légis38« cf. ci-dessus 321.1

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lateur fédéral; elle la limite du même coup: il ne peut prévoir l'acquisition de la nationalité suisse que dans les conditions établies385'. II n'a cependant pas usé de cette compétence, eu premier lieu, sans doute, pour éviter la création de doubles nationalités. Les inconvénients que cela comporte ne permettent toutefois pas de priver de la nationalité suisse l'enfant d'un étranger et d'une Suissesse qui est né en Suisse. C'est pourquoi le projet prévoit de compléter l'article 5, 1er alinéa, en ce sens que l'enfant d'une mère suisse et de son mari étranger acquiert dès sa naissance le droit de cité cantonal et communal de sa mère, et par là même la nationalité suisse, lorsque la mère était d'origine suisse par filiation et que les parents sont domiciliés en Suisse au moment de la naissance de l'enfant. Il est ainsi tenu compte pour l'essentiel d'un postulat que le conseiller aux Etats Luder a déposé le 15 mars 1972 et qui tend, en modifiant la loi sur la nationalité, à assurer à l'enfant d'une Suissesse mariée à un étranger la nationalité suisse. Une initiative du canton de Genève du 13 juin 1972 a le même objectif. La commission d'experts pour la revision dû droit de la famille partage à ce sujet l'avis de la commission d'experts pour la revision de la loi sur la nationalité et de sa base constitutionnelle. Dans son rapport du 25 juillet 1972, cette dernière est arrivée à la conclusion que le législateur fédéral devrait adopter l'idée du postulat Luder, tout au moins dans le cadre de l'actuel article 44, 3e alinéa, de la constitution386>. Dans leurs consultations la majorité des cantons et organisations compétentes ont aussi approuvé le rapport de la commission de la loi sur la nationalité.

Lors des travaux préparatoires pour la revision de la loi sur la nationalité, dans les années 50, la question de savoir si l'article 5, 1er alinéa, (= art. 5, 1er al., let, b, du projet) ne devait retenir que l'apatridie juridique ou aussi l'àpatridie de fait - ainsi lors de l'absence de papiers ou lors de la rupture des relations avec l'ancien pays d'origine sans perte formelle de la nationalité - a été discutée. On a toutefois renoncé à la seconde solution car il était impossible de trouver une définition claire de l'apatridie de fait. On pensait aussi pouvoir laisser à la jurisprudence le soin de trancher
ce problème. Dans ce sens, le Tribunal fédéral a confirmé, dans son arrêt 98 Ib 81 s, que l'enfant naturel d'un père étranger et d'une mère suisse acquiert dès sa naissance le droit de cité cantonal et communal de sa mère, et par là la nationalité suisse, même si les conditions objectives de l'article 5, 1er alinéa, de la loi sur la nationalité ne sont pas remplies, lorsque sa situation correspond à celle d'un enfant qui ne peut acquérir une autre nationalité dès sa naissance. Il n'y a pas de raison de renoncer à ce que la question de l'égalité de traitement entre l'apatridie juridique et l'apatridie de fait soit laissée à la jurisprudence.

385) Burckhardt W., Kommentar der Schweizerischen Bundesverfassung (3° éd., Berne 1931) 383

. »s«) P. 76 Fertile federate. 126' année. Vol. n.

8

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La modification de l'article 5 entraîne une modification de l'article 8.

Les enfants naturels d'une Suissesse acquièrent la nationalité suisse dès leur naissance (art. 1er, let. b), mais ils la perdent lorsque le père étranger épouse ultérieurement la mère suisse s'ils acquièrent de ce fait la nationalité du père (art. 8). Si toutefois, désormais, les enfants légitimes conservent, du moins sous les conditions indiquées, la nationalité de leur mère suisse, l'article 8 perd sa raison d'être et doit être abrogé387).

Ces modifications ne préjugent en rien la revision ultérieure de la loi sur la nationalité suggérée par la commission d'experts susmentionnée; elles peuvent donc être effectuées indépendamment de la revision constitutionnelle nécessaire à la revision de ladite loi.

37 Loi fédérale d'organisation judiciaire (art. 44, let. c et d)

La modification porte uniquement sur la numérotation des articles et sur l'augmentation du nombre des cas de curatelle dans lesquels le recours est admis.

38 Loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale (art. 12, 1er al.)

La modification de l'article 12,1er alinéa, ne concerne que le texte allemand et vise uniquement à adapter le texte de la disposition au nouveau droit de l'adoption.

4 Coostitutionnalité Le droit de la filiation est une matière du droit civil au sens de l'article 64, 2e alinéa, de la constitution. Il est vrai que le projet pose des règles de droit administratif et de procédure qu'en soi il appartient aux cantons d'édicter: tel est le cas de l'article 254 sur la procédure en matière de constatation et de contestation de la filiation, des articles 279 et 280 sur le for, la compétence et la

38?) Cf. à ce sujet le rapport de la commission pour la revision de la loi sur la nationalité, 83

115

procédure de l'action en entretien, de l'article 311 concernant la compétence pour prononcer la déchéance de l'autorité parentale ainsi que de l'article 314 sur la procédure des mesures de protection de l'enfant, de l'article 316" concernant la surveillance des enfants placés chez des parents nourriciers, de l'article 317 sur la collaboration dans le cadre de la protection de la jeunesse et de l'article 329 relatif à la compétence pour décider des demandes d'aliments.

Il est toutefois indispensable, sur le plan fédéral, d'unifier ces règles dans la mesure proposée si l'on veut que le droit de la filiation réponde aux exigences de la situation et qu'il devienne réalité388). Ces dispositions formelles de droit civil sont ainsi également couvertes par l'article 64, 2e alinéa, de la constitution.

L'adaptation des autres lois au nouveau droit de la filiation rentre dans le cadre de la constitutionnalité de ces lois fédérales.

5 Postulats à classer Notre projet donne suite aux postulats mentionnés ci-dessous de sorte que nous pouvons vous proposer de l'adopter et de classer ces postualts: 1955 P 6620

Statut des enfants naturels [N 20. 9. 1955, Grendelmeier].

1955 P 6920

Enfants naturels [N 20. 9; 1955, Huber].

1958 P 7452

Retrait et rétablissement de la puissance paternelle [N 4.6.

1958, Gitermann].

1966 P 9204

Prolongation du délai pour intenter l'action en paternité [N 23. 6. 1966, Hayoz],

1968 P 9839

Procédure pour les changements de nom [N 3. 10. 1968, Diethelm].

1969 P 10005

Revision du droit de la famille [N 13. 3. 1969, Muheim].

1972 P 10988

Protection de l'enfance [N 14. 3. 1972, Forel],

«s) Cf. ci-dessus chiffres 311.22, 322.42, 323.44, 323.46, 323.48, 323.49 et 334

116

6 Proposition Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous avons l'honneur de vous proposer d'accepter le projet de loi fédérale ci-joint.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 5 juin 1974 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Brugger aäoi7

Le chancelier de la Confédération, Huber

117

(Projet)

Code civil suisse (Filiation) Modification du

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 5 juin 19741), arrête: I

1. Le titre septième et le titre huitième du code civil 2> sont modifiés comme il suit: Titre septième: De l'établissement de la filiation Chapitre premier: Dispositions générales Art. 252 (252, 267, 302)3) 1

A l'égard de la mère, la filiation résulte du seul fait de la naissance.

2 A l'égard du père, elle est établie par son mariage avec la mère, par une reconnaissance ou un jugement.

3 La filiation résulte en outre de l'adoption.

Art. 253 (312, 1era)., 261, 1" al., 262, 2e al.)

L'action en constatation ou en contestation de la filiation est intentée devant le juge du domicile de l'une des parties au temps de la naissance ou de la demande.

An. 254 (310, 158, ch. 1 à 4) La procédure de constatation ou de contestation de la filiation est réglée par le droit cantonal, sous les réserves suivantes: « FF 1974 II 1 « RS 210 3

> Les chiffres accolés aux articles renvoient aux articles correspondants du texte en vigueur.

A. L'établissement de la filiation en général

B. Constatation et contestation de la filiation I. For

II. Procédure

118

1. Le juge examine d'office l'état de fait et apprécie librement les preuves.

2. Les parties et les tiers sont tenus de prêter leur concours aux expertises qui sont nécessaires pour élucider la filiation et qui peuvent être raisonnablement exigées d'eux, eu égard à leur santé.

Chapitre II: La paternité du mari Art. 255(252) A, Présomption

.

1

L'enfant né pendant le mariage ou dans les trots cents jours après la dissolution du mariage a pour père le mari.

2 Lorsque l'enfant est né après les trois cents jours, cette présomption ne vaut que s'il a été conçu avant la dissolution du mariage.

3 Si le mari a été déclaré absent, le délai de trois cents jours court à partir du danger de mort ou des dernières nouvelles.

Art. 256 (253)

B. Désaveu I. Qualité pour agir

1

La présomption de paternité peut être attaquée devant le

juge: 1. par le mari, 2. par l'enfant, si la vie commune des époux a été suspendue alors qu'il était mineur.

2

L'action du mari est intentée contre l'enfant et la mère, celle de l'enfant contre le mari et la mère.

3 L'action ne peut être intentée par le mari qui a consenti à la conception par le fait d'un tiers.

II. Moyen 1. Enfant conçu pendant le mariage

Art. 256a (254) Lorsque l'enfant a été conçu pendant le mariage, le demandeur doit établir que le mari n'est pas le père de l'enfant.

2 L'enfant né cent quatre-vingt jours au moins après la célébration du mariage ou dans les trois cent jours après sa dissolution est présumé avoir été conçu pendant le mariage.

1;

Art. 256" (255) l 2. Enfant Lorsque l'enfant a été conçu avant la célébration du mariage ou"aprèsViel ou après sa dissolution ou lorsqu'au moment de la conception la manage ou j mmune était suspendue, il n'y a pas à prouver d'autre fait à pendant la v e CO suspension l'appui de l'action.

de la vie commnnc

119 a Toutefois, dans ce cas également, la paternité du mari est présumée dès qu'il paraît établi qu'il a cohabité avec sa femme à l'époque de la conception.

Art. 256e (253, 257) Le mari doit intenter action au plus tard un an après qu'il m. Délai a connu la naissance et le fait qu'il n'est pas le père ou qu'un tiers a cohabité avec la mère à l'époque de la conception, mais en tout cas dans les cinq ans depuis la naissance.

2 L'action de l'enfant doit être intentée au plus tard une année après qu'il a atteint l'âge de la majorité.

3 L'action peut encore être intentée après l'expiration du délai lorsque de justes motifs rendent le retard excusable.

1

Art. 257 Lorsqu'un enfant est né après que sa mère a contracté un c. Double pr ompt1011 second mariage alors que le premier n'a pas encore été dissous ou dans les trois cents jours après sa dissolution, le second mari est réputé être le père de l'enfant.

2 Si cette présomption est écartée, le premier mari est réputé être le père.

1

Art. 258 (256, 1« al.)

Lorsque le mari n'a pu attaquer la présomption de sa D. Droit des hénucrs paternité avant l'expiration du.délai de désaveu, les parents de l'enfant qui sont ses cohéritiers ou ceux qu'il exclut d'une succession peuvent contester les droits aux aliments et les droits successoraux en alléguant que l'enfant n'est pas celui du mari.

2 S'ils obtiennent gain de cause, ils perdent leurs propres droits aux aliments et leurs droits successoraux envers l'enfant.

1

Art. 259 (258, 263) Lorsque les parents se marient, les dispositions concernant E. Mariage l'enfant né pendant le mariage sont applicables par analogie à d«paTMts l'enfant né avant leur mariage, dès que la paternité du mari est établie par une reconnaissance ou un jugement.

Chapitre III: Reconnaissance et jugement en paternité 1

Art. 260 (303) Lorsqu'il n'y a pas encore de rapport de filiation, le père A. Recon-

peut reconnaître l'enfant.

naissance

,,..

TI, ^ Conciliions

120 2

Si l'auteur de la reconnaissance n'a pas atteint dix-huit ans révolus ou s'il est interdit, le consentement des père et mère ou du tuteur est nécessaire, 3 La reconnaissance a lieu par déclaration devant l'officier de l'état civil ou, lorsqu'une action en constatation de paternité est pendante, devant le juge.

Art. 260* (305, 306) u. Action en contestation 1. Qualité pour agir

2. Moyen

3. Délai

B. Action en paternité I. Qualité pour agir

1

Tout intéressé, en particulier la mère, l'enfant" et .ses descendants après sa mort, ainsi que la commune d'origine ou la commune de domicile de l'auteur de la reconnaissance peut attaquer celle-ci en justice.

- L'action n'est ouverte à l'auteur de la reconnaissance que s'il l'a faite en croyant qu'un danger grave et imminent le menaçait lui-même, ou l'un de ses proches, dans sa vie, sa santé ou son honneur, ou s'il était dans l'erreur concernant sa paternité.

3 L'action est intentée contre l'auteur de la reconnaissance et contre l'enfant lorsque ceux-ci ne l'intentent pas eux-mêmes.

Art. 260" (305, 306) Le demandeur doit prouver que l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père de l'enfant.

2 Toutefois, la mère et l'enfant n'ont à rapporter cette preuve que si l'auteur de là reconnaissance rend vraisemblable qu'il a cohabité avec la mère à l'époque de la conception, 1

Art. 260" (305, 306) L'action doit être intentée dans le délai d'un an à compter du jour où le demandeur a appris la reconnaissance et que l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ou qu'un tiers a cohabité avec la mère à l'époque de la conception, ou à compter du jour où la menace a été écartée ou de celui où l'erreur a été découverte, mais en tout cas dans les cinq ans depuis la reconnaissance.

3 L'action de l'enfant peut toutefois être intentée au plus tard une année après qu'il a atteint l'âge de la majorité.

3 Passé ce délai, l'action peut encore être intentée lorsque de justes motifs rendent le retard excusable.

1

Art. 267(307) La mère et l'enfant peuvent intenter action pour que la filiation soi t. constatée à l'égard du père.

1

121 2

L'action est intentée contre le père ou, lorsqu'il est décédé, contre ses descendants, ses père et mère ou ses frères et soeurs ou, à leur défaut, contre l'autorité compétente de son dernier domicile.

3 Lorsque l'action est intentée, la commune d'origine et la commune de domicile du défendeur et, lorsqu'il est décédé, de son épouse doivent en être informées d'office afin de pouvoir sauvegarder leurs intérêts.

Art. 252(314) La paternité est présumée lorsque, entre le. trois centième n. Présompet le cent quatre-vingtième jour avant la naissance, le défendeur a cohabité avec la mère de l'enfant.

3 La paternité est également présumée lorsque l'enfant a été conçu avant le trois centième jour ou après le cent quatre-vingtième jour avant la naissance et que le défendeur.a cohabité avec la mère à cette époque.

3 La présomption cesse lorsque le défendeur prouve que sa paternité est exclue ou moins vraisemblable que celle d'un tiers.

1

Art. 263 (308, 316) L'action peut être intentée avant ou après la naissance de m. Délai l'enfant; elle doit l'être dans l'année qui suit le moment où le demandeur a eu connaissance du fait que le défendeur a cohabité avec la mère à l'époque de la conception, 3 Le délai commence à courir au plus tôt: 1. Pour la mère, à la naissance, 2. Pour l'enfant, à sa majorité, 3. S'il existe déjà un rapport de filiation avec un autre homme, dès le jour où ce rapport est dissous.

3 L'action peut encore être intentée après l'expiration du délai lorsque de justes motifs rendent le retard excusable.

1

Chapitre IV. L'adoption

Art. 264

Un enfant peut être adopté si les futurs parents adoptifs lui A. Adoption ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au r comi."TMTM moins deux ans et si toutes les circonstances permettent de prévoir générales que l'établissement d'un lien de filiation servira au bien de l'enfant sans porter une atteinte inéquitable à la situation d'autres enfants des parents adoptifs.

122 Art. 264* à 266 Inchangé

Art. 267 C. Effets I. En général

1

L'enfant acquiert le statut juridique d'un enfant de ses parents adoptifs.

- Les liens de filiation antérieurs sont rompus, sauf à l'égard du conjoint de l'adoptant.

3 Un nouveau prénom peut être donné à l'enfant lors de l'adoption.

Art. 267" à 269e Inchangé Titre huitième: Des effets de la filiation Chapitre premier: La communauté entre parents et enfants

A. Nom

·

B. Droit de cité

Art. 270 (270, 324, 1er al., 325, 1« al., 30) 1 L'enfant de conjoints porte leur nom de famille.

2 L'enfant dont la mère n'est pas mariée avec le père acquiert le nom de famille de sa mère, sous réserve des dispositions sur le changement de nom.

Art. 271 (270, 324, 1er al, 325, 1er al, 30).

1 L'enfant de conjoints acquiert le droit de cité du père.

2 L'enfant dont la mère n'est pas mariée avec le père acquiert le droit de cité de sa mère.

3 Lorsque, par un changement de nom, l'enfant reçoit le nom de famille du père parce qu'il est élevé sous son. autorité parentale ou sous sa garde, il acquiert le droit de cité du père.

Art. 272 (271)

'C. Devoirs réciproques

D. Relations personnelles I. Principe

Les père et mère et l'enfant se doivent mutuellement l'aide et les égards qu'exigé l'intérêt de la famille.

Art. 273 (156, 3e al, 326-, 1er al) 1 Les parents ont le droit d'entretenir avec l'enfant mineur qui n'est pas placé sous leur autorité parentale ou sous leur garde les relations personnelles indiquées par les circonstances.

123 2

Lorsque l'enfant est âgé de seize ans révolus, les relations personnelles ne peuvent subsister qu'avec son consentement.

Art. 274 Les père et mère doivent veiller à ne pas perturber les rela- n. Limites tions de l'enfant avec l'autre parent et à ne pas rendre l'éducation plus difficile.

2 Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, si les parents qui les entretiennent violent leurs obligations, s'ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'il existe d'autres justes motifs, le droit d'entretenir ces relations peut leur être refusé ou retiré.

3 Lorsque l'enfant est placé chez des tiers en vue d'une adoption, le droit aux relations personnelles cesse.

1

Art. 275 (156, 1er al.)

L'autorité tutélaire du domicile de l'enfant prend les mesures m. For et nécessaires concernant les relations personnelles.

tTMc " 2 La compétence attribuée au juge par les dispositions sur le divorce et sur les mesures protectrices de l'union conjugale est réservée.

1

Chapitre II: De l'obligation d'entretien des père et mère

Art. 276 (272, 1« al., 324, 2e al., 325, 2^ al.)

1 Les père et mère doivent pourvoir à l'entretien de l'enfant A. objet et et assumer les frais de son éducation et de sa formation, ainsi que des mesures prises pour le protéger.

3

L'entretien est assuré par les soins et l'éducation ou, lorsque l'enfant n'est pas sous la garde de ses père et mère, par des prestations pécuniaires.

3 Les père et mère ne sont déliés de leur obligation d'entretien que dans la mesure où l'on peut attendre de l'enfant qu'il subvienne à son entretien par le produit de son travail ou ses autres ressources.

Art. 277 1

L'obligation d'entretien des père et mère dure jusqu'à la B. Durée majorité de l'enfant.

2

Au-delà de cette majorité, mais au plus jusqu'à ce que l'enfant ait atteint vingt-cinq ans révolus, les père et mère doivent

124 encore .subvenir à l'entretien de l'enfant qui n'a pas terminé sa formation professionnelle, dans la mesure où les circonstances permettent de l'exiger d'eux.

Art, 278 (272, 1« al.)

, 1

C. Parents mariés

Pendant le mariage, les père et mère supportent les frais d'entretien conformément aux dispositions du droit matrimonial.

2 Chacun des époux doit assister l'autre de façon équitable dans l'accomplissement de son obligation d'entretien envers les enfants nés avant le mariage.

D. Action L pSw'âgir for « '

! L'enfant peut ouvrir action contré son père ou sa mère afin de Ieur r c amer él l'entretien pour l'avenir et pour une période écoulée d'un an au maximum.

2 Le juge compétent est celui du domicile de l'enfant ou du parent défendeur.

3 La compétence attribuée au juge par les dispositions sur le divorce et sur les mesures protectrices de l'union conjugale est

Art. 279 (156, 2-= al.)

compétence

Art, 280 II, Procédure

1

Les cantons sont tenus de soumettre à une procédure simple et rapide les litiges relatifs à l'obligation d'entretien.

2 Le juge examine d'office les faits et apprécie librement les preuves.

'.

Art. 281 (145)

III. Mesures provisoires 1. En général

1

Après l'introduction de la demande, le juge prend, à la requête de l'enfant, les mesures provisoires nécessaires pour la durée du procès.

2 Si la filiation est établie, le parent défendeur peut être tenu de consigner ou d'avancer des contributions équitables.

3 La consignation s'opère par versement à une caisse désignée par le juge et habilitée à recevoir des fonds pupillaires.

Art. 282 (321)

2. Avant la constatation de la paternité a. Consignation

Lorsque la demande d'aliments est introduite avec l'action en paternité et que la paternité du défendeur est rendue vraisemblable, celui-ci doit, sur requête du demandeur, même avant le jugement, consigner les frais d'accouchement et des contributions équitables pour l'entretien de la mère et de l'enfant.

125 Art. 283 (321«) Lorsque la paternité est présumée et le reste après l'administration des preuves immédiatement disponibles, le défendeur doit, sur requête du demandeur, même avant le jugement, contribuer d'une manière équitable à l'entretien de l'enfant.

b. Paiement provisoire

Art. 284 (321 ")

Le juge compétent pour l'action en paternité statue sur la consignation, les paiements provisoires, le versement des montants consignés et le remboursement des paiements provisoires.

c. For

Art. 255(319) 1

La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux facultés des père et mère, compte tenu de la fortune et des revenus de .l'enfant.

z Sauf décision contraire du juge, les allocations pour enfants, les rentes d'assurances sociales et d'autres prestations destinées à l'entretien de l'enfant, qui reviennent à la personne tenue de pourvoir à son entretien, doivent être versées en sus de la contribution d'entretien.

3 La contribution d'entretien doit être versée d'avance, aux époques fixées par le juge.

IV. Etendue de lu contribution d'emettici

Art. 286 (157, 320) 1

Le juge peut ordonner que la contribution d'entretien soit augmentée ou réduite dès qu'il est prévisible ou possible que des changements déterminés interviennent dans les besoins de l'enfant, dans les facultés des parents ou dans le coût de la vie.

2 Au surplus, si la situation change notablement, la contribution d'entretien peut être modifiée ou supprimée par le juge à la demande du père, de la mère ou de l'enfant.

Art. 287 (158, ch. 5, 319, 3e al.)

1 Sous réserve des mesures ordonnées par le juge en vertu des dispositions sur le divorce et sur les mesures protectrices de l'union conjugale, les conventions relatives aux contributions d'entretien n'obligent l'enfant qu'après avoir été approuvées par l'autorité tutélaire.

2 Les contributions d'entretien fixées par conventions peuvent être modifiées, à. moins qu'une telle modification n'ait été CACluc expressément et, dans tous les cas, avec l'approbation de l'autorité tutélaire de surveillance.

V. Faits nouveaux

E. Conventions concernant l'obligation d'entretien I. Contributions périodiques

126

Art. 288 IT. Indemnité unique

1

Une indemnité unique ne peut être substituée par convention à l'obligation d'entretien que s'il existe de justes motifs.

2 Dans tous les cas, une telle convention ne lie l'enfant que lorsque l'autorité tutélaire de surveillance l'a approuvée et lorsque l'indemnité a été versée à l'office désigné par elle.

3 La dette alimentaire subsiste si le contraire n'a pas été convenu expressément.

Art. 289

F. Exécution I. Créancier

n. Exécution J. Aide appropriée

1

Les contributions d'entretien sont dues à l'enfant et sont versées à son représentant légal.

2 La prétention à la contribution d'entretien passe avec tous les droits qui lui sont rattachés à la collectivité publique lorsque celle-ci assume l'entretien de l'enfant.

Art. 290 Lorsque le père ou la mère néglige son obligation d'entretien, l'autorité tutélaire ou un autre office désigné par le droit cantonal aide de manière adéquate et gratuitement l'autre parent qui le demande à obtenir l'exécution des prestations d'entretien.

Art. 291 (171)

2, Avis aux débiteurs

Lorsque les parents négligent de prendre soin de l'enfant, le juge peut prescrire à leurs débiteurs d'opérer tout ou partie de leurs paiements entre les mains du représentant légal de l'enfant.

Art. 292

JH. Sûretés

G. Droit public

Lorsque les parents persistent à négliger leur obligation d'entretien ou qu'il y a lieu d'admettre qu'ils se préparent à fuir, dilapident leur fortune ou la distraient, le juge peut les astreindre à fournir des sûretés appropriées pour assurer les contributions d'entretien futures.

Art. 293 (284, 3e al., 289, 2e al.)

1 Le droit public détermine, sous réserve de la dette alimentaire des parents, à qui incombent les frais de l'entretien lorsque ni les père et mère ni l'enfant ne peuvent les assumer.

2 Le droit public règle en outre le versement d'avances pour l'entretien de l'enfant lorsque les parents ne satisfont pas à leur obligation d'entretien.

127

Art. 294 1

Sauf si le contraire a été convenu ou résulte clairement des H. Parents circonstances, les parents nourriciers ont droit à une rémunération nourriciers équitable.

2

La gratuité est présumée lorsqu'il s'agit d'enfants de proches parents ou d'enfants accueillis en vue d'adoption.

Art. 295 (317) 1

Devant le juge compétent pour l'action en paternité, la mère peut demander au père ou à ses héritiers, dans l'année qui suit la naissance, de l'indemniser:

J- Droits de la .Sj^^f1"

1. Des frais de couches ; 2. Des frais d'entretien, au moins pour quatre semaines avant et au moins pour huit semaines après la naissance; 3. Des autres dépenses occasionnées par la grossesse et l'accouchement, y compris le premier trousseau de l'enfant.

3

Pour des raisons d'équité, le juge peut également allouer tout ou partie de ces indemnités à la mère lorsque la grossesse a pris fin prématurément.

3

Dans la mesure où les circonstances le justifient, les prestations de tiers auxquelles la mère a droit en vertu de la loi ou en exécution d'un contrat sont imputées sur ces indemnités.

Chapitre III: L'autorité parentale

Art. 296 (273, 1er al.)

1 L'enfant est soumis, pendant sa minorité, à l'autorité A. conduions L En é oral parentale.

s" 2

Les mineurs et les interdits n'ont pas l'autorité parentale.

Art. 297(274, 1er et 3e al.)

1 Pendant le mariage, les père et mère exercent l'autorité n. parents parentale en commun.

mânes 2

Lorsque la vie commune est suspendue ou le mariage dissous, le juge peut confier l'autorité parentale à un seul des époux.

3

Après la mort de l'un des époux, l'autorité parentale appartient au survivant et, en cas de divorce, à celui auquel les enfants sont confiés.

128

Art. 298 (311, 2e al., 324, 3* al., 325, 3e al., 326, 2e al.)

1

III. Parents non mariés

Si la mère n'est pas mariée avec le. père, l'autorité parentale appartient à la mère.

2 Si la mère est mineure, interdite ou décédée ou si elle a été déchue de l'autorité parentale, l'autorité tutélaire nomme un tuteur à l'enfant ou transfère l'autorité parentale au père lorsque le bien de l'enfant est sauvegardé.

IV. Beauxparents

Chaque époux est tenu d'assister, son conjoint de façon appropriée dans l'exercice de l'autorité parentale à l'égard des enfants de l'autre et de le représenter lorsque les circonstances l'exigent.

Art. 300 Lorsqu'un enfant est confié aux soins de tiers, "ceux-ci, sous réserve d'autres mesures, représentent les parents dans l'exercice de l'autorité parentale dans la mesure où cela est indiqué pour leur permettre d'accomplir correctement leur tâche.

An. 299

V. Parents nourriciers

B, Contenu I. En général

II. Education

Art. 301 (273, 1« al., 275, .3* al., 19, 409) - Les parents déterminent les soins à donner à l'enfant et dirigent son éducation en vue de son bien; sous réserve de sa propre capacité, ils prennent les décisions nécessaires.

2 Ils accordent à l'enfant la liberté d'organiser sa vie qui correspond à sa maturité et tiennent compte autant que possible de son avis pour les affaires importantes.

3 L'enfant ne peut quitter la communauté domestique sans l'assentiment de ses père et mère; il ne peut pas non plus leur être enlevé sans cause légitime.

4 Les père et mère choisissent le prénom de l'enfant.

1

Art. 302 (275, 2<= al., 276) !Les père et mère sont tenus d'élever l'enfant selon leurs facultés et leurs moyens; ils doivent favoriser et protéger son développement corporel, intellectuel et moral, 2 Ils doivent donner à l'enfant, en particulier à celui qui est handicapé physiquement ou mentalement, une formation générale et professionnelle appropriée, correspondant autant que possible à ses goûts et à ses aptitudes.

3 Us doivent collaborer dans ce but avec l'école et, lorsque les circonstances l'exigent, avec les institutions publiques et d'utilité publique de protection de la jeunesse.

129 Art. 303 (277) 1

Les père et mère disposent de l'éducation religieuse de l'en- m. Education K we ^ 2 Sont nulles toutes conventions qui limiteraient leur liberté à cet égard.

3 L'enfant âgé de seize ans révolus a le droit de choisir luimême sa confession.

fant.

Art. 304 (202, 2e al., 279, 280, 2e al, 407-412) 1 Les père et mère sont, dans la mesure où ils ont l'exercice de rv. Rfpffsentation l'autorité parentale, les représentants légaux de leurs enfants à 1. A l'égard des tien l'égard des tiers.

a. En général 2 Lorsque les père et mère sont mariés, les tiers de bonne foi peuvent présumer, que chaque époux agit avec le consentement de l'autre.

3 Les dispositions sur la représentation du pupille s'appliquent par analogie, à l'exclusion de celles qui concernent le concours des autorités de tutelle.

Art. 305(280, 410 et 411) La capacité de l'enfant soumis à l'autorité parentale est la même que celle du mineur sous tutelle.

2 L'enfant qui s'oblige est tenu sur ses propres biens, sans égard aux droits d'administration et de jouissance des père et mère.

Art. 306 (281, 282, 392, ch. 2) 1 L'enfant soumis à l'autorité parentale peut, s'il est capable de discernement, agir pour la famille du consentement de ses parents; dans ce cas, il n'est pas tenu lui-même, mais il oblige ses parents.

2 Les dispositions sur la curatelle de représentation sont applicable lorsque, dans une affaire, les intérêts des parents s'opposent à ceux de l'enfant.

1

Art. 307(283) Si le développement de l'enfant est menacé, l'autorité tutélaire est tenue de prendre les mesures nécessaires pour la protection de l'enfant, si les parents n'y remédient pas d'eux-mêmes ou sont hors d'état de le faire.

2 Elle y est également tenue dans les mêmes circonstances, pour protéger les enfants placés chez des parents nourriciers ou vivant, dans d'autres cas, hors de la communauté familiale.

1

Feuille fédérale. 126« année. Vol. U.

b. Capacité de l'enfant

2. A l'égard de la famille

C. Protection de l'enfant I. Mesures protectrices

130 3 Elle peut, en particulier, rappeler les parents, les parents nourriciers ou l'enfant à leurs devoirs, donner des indications ou instructions relatives au soin, à l'éducation et à la formation de l'enfarit, et désigner une personne ou un office qualifiés qui aura un droit de regard et d'information.

II. Curatelle 1. En général

ï. Constatation de la paternité

III. Retrait au droit de garde des parents

Art. 308 Lorsque les circonstances l'exigent, l'autorité tutélaire nomme à l'enfant un curateur qui assiste les parents de ses conseils et de son appui dans le soin de l'enfant.

2 L'autorité tutélaire peut conférer au curateur certains pouvoirs tel que celui de représenter l'enfant pour faire valoir sa créance alimentaire et d'autres droits, ainsi que la surveillance des relations personnelles.

3 L'autorité parentale peut être limitée en conséquence.

1

Art. 309(311) Dès qu'elle a été informée de l'accouchement d'une femme non mariée ou dès que la mère lui a donné avis de la grossesse, l'autorité tutélaire nomme un curateur chargé d'établir la filiation paternelle, de conseiller et d'assister la mère de la façon appropriée aux circonstances.

2 Elle prend la même mesure lorsque la filiation a été écartée en justice.

3 Si la filiation est établie, ou si l'action en paternité n'a pas été intentée dans les deux ans qui suivent la naissance, l'autorité tutélaire décide, sur proposition du curateur, s'il y a lieu de lever la curatelle ou de prendre d'autres mesures pour protéger l'enfant.

» Art. 310 (284) 1 Lorsqu'elle ne peut éviter autrement que le développement de l'enfant soit compromis, l'autorité tutélaire retire l'enfant aux parents ou aux tiers chez qui il se trouve et le place de façon appropriée.

3 A la demande des parents ou de l'enfant, l'autorité tutélaire prend les mêmes mesures lorsque les rapports entre eux sont si gravement atteints que le maintien de l'enfant dans la communauté familiale est devenu insupportable et que, selon toute prévision, d'autres moyens seraient inefficaces.

3 Lorsqu'un enfant a vécu longtemps chez des parents nourriciers, l'autorité tutélaire peut interdire aux parents de le reprendre s'il existe une menace sérieuse que son développement soit ainsi compromis.

1

131 Art, 311 (285) 1

Lorsque d'autres mesures de protection de l'enfant sont rv. Déchéance ^ del'autodemeurées sans résultat ou paraissent d'emblée insuffisantes, riie parentale l'autorité tutélaire de surveillance prononce la déchéance de l'au1. Par l'autotorité parentale: rité tuté1, Lorsque, pour cause d'inexpérience, de maladie, d'infirmité, d'absence ou d'autres motifs semblables, les parents ne sont pas en mesure d'exercer correctement l'autorité parentale; 2. Lorsque les parents ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou qu'ils ont manqué gravement à leurs devoirs envers lui.

lairedc suïveillance

2

Si le père et la mère sont déchus de l'autorité parentale, un tuteur est nommé à l'enfant.

3 Lorsque le contraire n'a pas été ordonné expressément, les effets de la déchéance s'étendent aux enfants nés après qu'elle a été prononcée.

Art. 312 (286, 286«) L'autorité tutélaire prononce la déchéance de l'autorité parentale:

2. Par l'autorité tutélaire

1. Lorsque les parents le demandent pour de justes motifs; 2. Lorsqu'ils ont donné leur consentement à l'adoption future de l'enfant par des tiers anonymes.

Art. 313 (287) 1

Lors de faits nouveaux, les mesures prises pour protéger l'enfant doivent être adaptées à la nouvelle situation.

2 Le rétablissement dans l'exercice de l'autorité parentale ne peut avoir lieu avant un an à compter de la déchéance.

V. Faiïs nouveaux

Art. 314 La procédure est réglée par la législation cantonale, sous vi. Procedure réserve des prescriptions suivantes: 1. Lorsque l'autorité tutélaire n'est pas une autorité judiciaire, le recours à une autorité judiciaire cantonale contre la déchéance de l'autorité parentale qu'elle a prononcée demeure réservé.

2. Lorsqu'un recours contre une mesure de protection de l'enfant a un effet suspensif, l'autorité qui a ordonné cette mesure ou l'autorité de recours peut le priver de cet effet.

132 Art. 315 VII. For et compétence I. Tutélaire

1

Les mesures de protection de l'enfant sont ordonnées par les autorités de tutelle du domicile de l'enfant.

2 Lorsque l'enfant vit chez des parents nourriciers ou, d'une autre manière, hors de la communauté familiale des parents, ou lorsqu'il y a péril en la demeure, les autorités du lieu où se trouve l'enfant sont également compétentes.

Art. 316

2. Judiciaire

VOI. Surveillance des enfants placés chez des parents nourriciers

IX. Collaboration dans la protection de la jeunesse

1

Le juge chargé de régler d'après les dispositions régissant le divorce les droits des parents et leurs relations personnelles avec les enfants prend également les mesures nécessaires à la protection de l'enfant et charge de leur exécution les autorités de tutelle.

3 La compétence des autorités de tutelle demeure réservée: 1. Lorsque la procédure pour la protection de l'enfant a eu lieu ou a été introduite avant la procédure de divorce; 2. Lorsque le juge ne peut probablement pas prendre à temps les mesures immédiatement nécessaires à la protection de l'enfant.

3 Lorsque la situation change, les autorités de tutelle peuvent modifier, en ce qui concerne l'un des parents, les mesures prises par le juge tant que cela ne touche pas directement la position de l'autre parent.

Art. 316a 1 Quiconque accueille des enfants en se chargeant d'en prendre soin doit obtenir une autorisation de l'autorité tutélaire ou d'un autre office de son domicile, désigné par le droit cantonal ; il est soumis à leur surveillance.

2 Le Conseil fédéral édicté les prescriptions d'exécution.

Art. 317 Les cantons assurent, par des dispositions appropriées, une collaboration efficace des autorités et services chargés des mesures .de droit civil pour la protection de l'enfance, du droit pénal des mineurs et d'autres formes d'aide à la jeunesse.

Chapitre IV: Des biens des enfants Art. 318 (290, 1er al., 291)

A. Administration

1

Les père et mère administrent les biens de l'enfant aussi longtemps qu'ils possèdent l'autorité parentale.

133 2 Si le père ou la mère possède seul l'autorité parentale, il est tenu de remettre à l'autorité tutélaire un inventaire des biens de l'enfant et de lui signaler les modifications notables survenues dans l'état de la fortune et le placement des fonds.

3 Lorsque l'autorité tutélaire le juge opportun, vu le genre ou l'importance des biens de l'enfant, ou la situation personnelle des parents, elle ordonne la remise périodique de comptes et de rapports.

Art. 319(293) 1

Les père et mère peuvent utiliser les revenus des biens de l'enfant pour son entretien, son éducation et sa formation et, dans la mesure où cela est équitable, pour les besoins du ménage.

2 Le surplus passe dans les biens de l'enfant.

Art. 320 (272, 2e al.)

Les indemnités, dommages-intérêts et autres prestations semblables peuvent être utilisés par tranches pour l'entretien de l'enfant, autant que les besoins courants l'exigent.

2 Lorsque cela s'avère nécessaire pour subvenir à l'entretien, à l'éducation ou à la formation de l'enfant, l'autorité tutélaire peut permettre aux père et mère de prélever sur les autres biens de l'enfant la contribution qu'elle fixera.

1

B. Utilisation des revenus

C. Mise à contribution des biens de l'enfant

Art. 321 (294) 1

Les parents ne peuvent pas disposer des revenus des biens qui ont été remis à l'enfant sous cette condition expresse ou pour être placés à intérêt ou sur carnet d'épargne.

2 L'administration des parents n'est exclue que si la disposition le prévoit expressément.

Art. 322 La réserve de l'enfant peut aussi, par disposition pour cause de mort, être soustraite à l'administration des père et mère.

2 Si le défunt remet l'administration à un tiers, l'autorité tutélaire peut astreindre celui-ci à présenter périodiquement un rapport et des comptes.

1

D. Biens libères I. Par disposition

H. Réserve

Art. 323 (295, 296) 1

L'enfant a l'administration et la jouissance du produit de son travail et de ceux de ses biens que les parents lui remettent pour exercer une profession ou une industrie.

m. Produit du travail, fonds professionnel

134

E. Protection des biens de l'enfant I. Mesures protectrices

H. Retrait de l'administration

F. Fin de l'administration I. Restitution

II. Responsabilité

·2 Lorsque l'enfant vit en ménage commun avec ses parents, ceux-ci peuvent exiger qu'il contribue équitablement à son entretien.

Art. 324 (297) . l Si l'administration diligente n'est pas suffisamment assurée, l'autorité tutélaire est tenue de prendre les mesures nécessaires pour protéger les biens de l'enfant.

2 Elle peut, en particulier, donner des instructions concernant l'administration et, lorsque les comptes et le rapport périodiques ne suffisent pas, exiger une consignation ou des sûretés.

3 Pour la procédure, le for et la compétence, les dispositions sur la protection de l'enfant sont applicables par analogie.

Art. 325 (298) S'il n'y a pas d'autre façon d'empêcher que les biens de l'enfant soient mis en péril, l'autorité tutélaire en confie l'administration à un curateur.

2 L'autorité tutélaire agit de même lorsque les biens de l'enfant qui ne sont pas administrés par les parents sont mis en péril.

3 S'il est à craindre que les revenus de l'enfant ou ses biens destinés à la consommation ou libérés ne soient pas utilisés conformément à la loi, l'autorité tutélaire peut également en confier l'administration à un curateur.

1

Art. 326 (299) Dès que l'aurotité parentale ou l'administration des père et mère prend fin, les biens sont remis suivant compte à l'enfant majeur, à son tuteur ou à son curateur.

Art. 327 (300) Les père et mère répondent, de la même manière qu'un mandataire, de la restitution des biens de l'enfant.

2 Ils doivent le prix de vente des biens aliénés de bonne foi.

3 Ils ne sont tenus à aucune indemnité pour les prélèvements qu'ils étaient en droit de faire pour l'enfant ou pour le ménage.

1

2. Les dispositions ci-après du code civil sont modifiées comme il suit: Art. 30, 1er et 2e al.

1

Le gouvernement du canton de domicile peut, s'il existe de justes motifs, autoriser une personne à changer de nom.

135 2

1.

2.

3.

4.

II y a justes motifs, en particulier: Lorsque le requérant est entravé dans l'existence par un nom ridicule ou choquant; Lorsque le requérant perd ensuite de divorce le nom de famille qu'il portait et que les enfants issus du mariage lui sont attribués, ou lorsque Je mariage a duré longtemps, ou lorsque des intérêts professionnels sont lésés ; Lorsque le requérant mineur porte un autre nom de famille que le père ou la mère sous l'autorité parentale ou sous la garde duquel il est élevé ; Lorsque le requérant mineur est élevé chez des parents nourriciers.

Art. 47 Mention en marge de l'inscription est faite, à la demande des n. inscriptions modlfiées intéressés ou sur avis officiel, des modifications survenues dans l'état civil, notamment par suite de reconnaissance, de déclaration de paternité, d'adoption, ou lorsque la filiation d'un enfant trouvé est établie.

Art. 100, ier al., ch. 1

1. Entre parents en ligne directe, entre frères et soeurs germains, consanguins ou utérins, entre oncle et nièce, tante et neveu, que la parenté repose sur la filiation ou sur l'adoption.

Art. 133, 1er al.

1

Le mari est réputé être le père des enfants issus d'un mariage déclaré nul, même si leurs père et mère n'étaient pas de bonne foi, Art. 156, 2e et 3e al.

2

Les relations personnelles de l'époux avec les enfants qui ne lui sont pas confiés, ainsi que la contribution aux frais de leur entretien à laquelle il est tenu, sont réglées d'après les dispositions sur les effets de la filiation.

3 Abrogé.

Art. 328 1

Chacun est tenu de fournir des aliments à ses parents en A. Débiteurs ligne directe ascendante et descendante, lorsqu'à défaut de cette assistance ils tomberaient dans le besoin.

2 L'obligation d'entretien des père et mère est réservée.

136

B, Demande d'aliments

1

Art. 329

.

2

Si, en raison de circonstances particulières, il paraît inéquitable d'exiger d'un débiteur qu'il s'acquitte de ses obligations, le juge peut réduire la dette alimentaire ou en exempter entièrement le débiteur.

3 Les dispositions concernant l'action alimentaire de l'enfant et le transfert de son droit aux aliments à la collectivité publique sont applicables par analogie.

Art. 461

Abrogé

Titre final: De l'entrée en vigueur et de l'application du code civil Chapitre premier: De l'application du droit ancien et du droit nouveau

·Art. 12 1

III. La filiation en général

L'établissement et les effets de la filiation sont soumis à la présente loi dès son entrée en vigueur; l'acquisition du nom de famille et du droit de cité sous l'ancien droit demeure réservée.

2 Les enfants sous tutelle lors de l'entrée en vigueur de la présente loi, qui sont soumis de par la loi à l'autorité parentale selon la nouvelle législation, passent sous l'autorité de leurs père et mère au plus tard à la fin de l'année qui suit l'entrée en vigueur, pour autant que le contraire n'ait pas été ordonné en vertu des dispositions concernant la déchéance de l'autorité parentale.

3 Le transfert ou la déchéance de l'autorité parentale résultant d'une décision prise par l'autorité selon le droit précédemment en vigueur demeure en force après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 12$ (nouveau)

m«". Légitimation

Les dispositions de la présente loi sont applicables par analogie à la contestation d'une légitimation intervenue sous le droit précédemment en vigueur.

IV. Action ça paternité 1. Actions pendantes

Art. 13 Une action pendante lors de l'entrée en vigueur de la présente loi doit être jugée d'après celle-ci en ce qui concerne la paternité du défendeur.

1

137 2

Les effets survenus jusqu'à l'entrée en vigueur de la présente loi se déterminent d'après le droit précédemment en vigueur.

Art. 13a (nouveau) 1 L'enfant qui n'a pas encore atteint vingt ans révolus lors 2. Nouveii« acdonB de l'entrée en vigueur de la présente loi peut, dans les deux ans, ouvrir l'action en paternité contre son père d'après les dispositions de la présente loi.

3 L'obligation de fournir à l'enfant des prestations pécuniaires, qui a pris naissance sous le droit précédemment en vigueur, ne s'oppose pas à cette action, mais elle s'éteint si le défendeur prouve que sa paternité est exclue ou moins vraisemblable que celle d'un tiers.

II Modification d'autres textes légaux

1. La loi fédérale du 25 juin 1891 » sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour est modifiée comme il suit:

Art. 8 Abrogé Art, 8d (nouveau) 1 Une action en constatation ou en contestation de la filiation peut être intentée auprès du juge du domicile suisse de l'enfant ou de l'un des parents.

2 A défaut de domicile suisse et s'il n'existe aucun for à un domicile étranger selon les règles qui y sont en vigueur, l'action peut être intentée auprès du'juge du Heu d'origine suisse de l'enfant ou de l'un des parents, 3 La compétence suisse sera déclinée si l'espèce présente des rapports prépondérants avec un autre pays et si celui-ci ne reconnaît pas la juridiction suisse.

Art. 8e (nouveau) 1 L'établissement et la contestation de la filiation sont régis: 1. Par la loi nationale commune de l'enfant et des parents ou par la loi interne à laquelle cette loi renvoie; 2. A défaut de loi nationale commune, par la loi du pays où les parents et l'enfant ont leur domicile; » RS 211.435.1

138

3. A défaut de loi nationale commune ou de domicile dans un même pays, par la loi suisse.

2 Toutefois, lorsque l'espèce présente des rapports prépondérants avec un autre pays, la loi de ce pays est applicable.

Art. 28, ch, 2 2. Si, d'après la législation étrangère, ces Suisses ne sont pas régis par le droit étranger, c'est le droit du canton d'origine qui leur est appliqué, et c'est également ce canton qui exerce la juridiction. Pour ce qui concerne l'adoption et la filiation, les articles 8° à 8e sont réservés.

2, La loi fédérale du 29 septembre 19521' sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse est modifiée comme il suit : Article premier Par

ffliatkm

i Est suisse dès sa naissance: a. L'enfant d'un citoyen suisse qui est marié avec la mère de cet enfant; b. L'enfant d'ime citoyenne suisse qui n'est pas mariée avec le père de cet enfant.

- Un enfant étranger mineur acquiert Ja nationalité suisse comme si l'acquisition était intervenue dès sa naissance: a. Lorsque le père est citoyen suisse et épouse la mère ultérieurement ; b. Lorsque la mère n'est pas mariée avec le père et qu'il porte le nom de famille de son père suisse conformément à l'article 30, 2e alinéa, chiffre 3, CC.

3

Si l'enfant mineur qui acquiert la nationalité suisse en vertu du 2 alinéa a lui-même des enfants, ceux-ci acquièrent également la nationalité suisse.

e

Art. 2 Abrogé

Art. 4 Droit de cité communal

» RS 141.0

Celui qui acquiert la nationalité suisse en vertu de l'article premier, 1er alinéa, lettre a, et 2e alinéa, lettres a et b, acquiert le droit de cité cantonal et communal du père; en vertu de l'article premier, 1er alinéa, lettre b, il acquiert celui de la mère et en vertu de l'article 3 celui du mari.

139 Art. 5, 1er et 2e al.

1

L'enfant d'une mère suisse et de son époux étranger acquiert dès sa naissance le droit de cité cantonal et communal de la mère et, par conséquent, la nationalité suisse:

Enfant de mare suisse et de père étranger

a. Lorsque la mère était ou est suisse d'origine et que les parents ont leur domicile en Suisse lors de la naissance; ou b. Lorsque l'enfant ne peut acquérir une autre nationalité dès sa naissance.

2 L'enfant qui a acquis la nationalité suisse en vertu du 1er alinéa, lettre b, la perd si, avant sa majorité, il avait la nationalité étrangère du père.

Art. 8 Abrogé 3. La loi fédérale du 16 décembre 19431} d'organisation judiciaire est modifiée comme il suit : Art. 44, let. c et d

c. Déchéance et rétablissement de l'autorité parentale (art. 311 et 313 CC); d. Interdiction et institution d'une curatelle (art, 308, 325, 369 à 372, 392 à 395 CC) et suppression de cette mesure, 4. La loi fédérale du 12 juin 19512> sur le maintien de la propriété foncière rurale est modifiée comme il suit :

Art. 12, 1er al.

(Ne concerne que le texte allemand)

in Entrée en vigueur Le Conseil fédéral fixe l'entrée en vigueur de la présente loi; les dispositions transitoires des lois qu'elle modifie sont applicables.

« RS 173.110 2

> RS 211.412.11

22017

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification du code civil suisse (Filiation) (Du 5 juin 1974)

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1974

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27

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12003

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08.07.1974

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