509

# S T #

Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale relatif à

une modification de la loi fédérale du 8 février 1872 concernant les mesures de police à prendre contre les épizooties.

(Du 28 mai 1886.)

. Monsieur le président et messieurs, Depuis plusieurs années, le bulletin fédéral des épizooties a continuellement à indiquer l'existence de maladies contagieuses du bétail, et notamment de la fièvre aphteuse que l'on n'a jamais pu entièrement faire disparaître. Ainsi que vous pouvez le voir par le rapport de gestion du conseil fédéral pour 1885, il n'y a pas eu, pendant cette année, moins de 2333 étables et de 1144 pâturages infectés, et trois petits cantons seulement ont été épargnés.

L'importance du dommage qui résulte de cette épidémie pour l'agriculture déjà très éprouvée autrement, ne peut être calculée, parce que ce dommage ne se borne pas seulement à des revenus moindres ou à la perte des animaux, mais se fait sentir d'une manière probablement plus sensible encore ensuite des restrictions apportées au commerce par la mise à ban d'étables et de pâturages, par l'interdiction de foires, etc. Pour ne citer qu'un exemple, le grand marché au bétail, à Bulle, n'a pu avoir lieu en automne dernier à cause de cela, et les éleveurs de la Gruyère ont été obligés

510

d'hiverner au moins en partie, avec une provision de fourrage extraordinairement réduite, leur bétail élevé pour l'exportation.

A côté de la maladie mentionnée, il y a encore la pleuropneumonie contagieuse qui fait constamment ici et là des victimes et qui met à contribution les finances des cantons et dans les cas les plus graves celles de la Confédération. Si l'on ne peut obvier à cet état de choses, tel qu'il se présente surtout ces derniers temps, il est à craindre que les pays voisins n'édictent des dispositions limitant et interdisant l'importation chez eux comme cela a lieu, ainsi qu'on le sait, de la part de l'Allemagne vis-à-vis de l'Autriche-Hongrie.

Nous avons toujours et selon notre pouvoir cherché à ordonner des mesures pour limiter le mal au degré le plus bas. Ainsi, nous avons de nouveau dernièrement, comme vous avez également pu le voir dans le rapport de gestion susmentionné, ordonné que le bétail de marché soit régulièrement. visité par des vétérinaires patentés ; nous avons prescrit, pour tous les cas, la désinfection des wagons de chemins de fer, des bateaux à vapeur et des ustensiles qui ont servi au transport d'animaux ; nous avons aussi fait surveiller l'exécution de cette disposition par des fonctionnaires de notre administration, et nous avons établi sur des bases plus sûres et plus faciles à contrôler les indications que contient notre bulletin bimensuel des épizooties.

En ce qui concerne les autres points de la police des épizooties à l'intérieur, les cantons se font efforcés d'exécuter les prescriptions de la législation y relative.

Ces mesures sont sans doute propres à localiser en hiver, et aussi en été dans les contrées où il est d'usage de nourrir le bétail à Fétable, les maladies importées. Mais si l'épidémie a une fois éclaté sur des alpages où la mise à ban des étables ne peut ûtre effectuée et où les matières de contagion peuvent être répandues par les voies les plus diverses, l'influence humaine n'est, dans ce cas, que très restreinte, et l'on ne peut jamais juger où le mal cesse.

Le bulletin des épizooties de cette année prouve d'ailleurs combien sont insuffisantes toutes les mesures appliquées à l'intérieur.

Dans les quatre premiers mois, seulement, de janvier jusques et y compris avril, 4 étables renfermant 17 bêtes à cornes ont été infectées de
pleuropneumonie contagieuse ; 13 d'entre ces animaux ont dû être abattus. La fièvre aphteuse a déjà régné dans 155 étables renfermant 1410 têtes de bétail dont 16 ont péri.

Le bulletin indique que la maladie a été importée, dans cinq cas depuis l'Autriche, dans deux cas depuis l'Italie, dans un cas

511

depuis la Bavière ; on suppose que dans trois autres cas, elle a été introduite depuis l'Autriche.

Généralement, et suivant le témoignage de vétérinaires compétents, la fièvre aphteuse ne prend jamais chez nous naissance d'elle-même (spontanément), quoique dans le commerce extraordinairement animé de bétail, la preuve de l'importation ne puisse pas être, dans tous les cas, produite officiellement. Les conditions de la température et du sol, ainsi que d'autres facteurs connus et inconnus, peuvent probablement influer plus ou moins sur la propagation dans une année ou dans une contrée, mais non pas faire naître ellesmêmes l'une ou l'autre de ces maladies.

Plus le commerce et les moyens de trafic se développent, plus grand est le risque pour la santé de nos animaux domestiques. Les épidémies susmentionnées n'ont toutefois jamais pu réduire d'une manière considérable le bétail de notre pays. Par la construction de la ligne de l'Arlberg et en partie aussi par celle du tunnel du Grothard, un danger auquel nous osons à peine songer dans l'état actuel d'organisation de notre police des épizooties à la frontière, s'est cependant approché de nous; nous voulons parler de la peste bovine.

Par cela est indiqué le côté faible de notre législation sur les épizooties reconnue précédemment comme excellente, ainsi que le point sur lequel tous les efforts doivent porter afin que l'on arrive à empêcher ou tout au moins à pouvoir réduire au minimum l'introduction d'épizooties ; il faut surtout que lors de l'importation les animaux soient soumis à la frontière à une visite plus minutieuse et pltts utile.

Les conditions actuelles d'importation peuvent être résumées comme suit: 1. un certificat de santé doit être produit pour chaque animal ou chaque troupeau ; 2. lorsque l'on craint la peste bovine ou la fièvre aphteuse, les animaux à importer doivent être visités par un vétérinaire ; 3. les troupeaux de moutons ou de porcs arrivant par chemin de fer doivent toujours être visités par un vétérinaire ; 4. si les animaux à importer sont reconnus sains, un passavant muni du timbre de la station des péages que cela concerne, est délivré à leur propriétaire ; 5. les porcs et les moutons venant de France sont soumis à une quarantaine de huit jours et doivent être visités par un vétéi inaire avant te après cette quarantaine.

512

D'après la législation actuelle, l'exécution de ces dispositions est l'affaire des cantons. Nous avons maintenant instruit au sujet de cette exécution, une enquête dont le résultat est très peu satisfaisant. Les certificats de santé étrangers, qui sont prescrits, no sont pas toujours dignes de confiance. On a eu plusieurs fois la preuve que de tels certificats ont été remis en liane aux marchands. D'un autre côté, le bulletin des épizooties des dernières années prouve que le danger de l'introduction de la fièvre aphteuse existe toujours', néanmoins, la moitié, à peiue, des stations d'importation sont surveillées par des vétérinaires patentés. Dans plusieurs cantons on ne délivre aucun passavant, de sorte que la surveillance ultérieure dans le pays, des animaux importés, est impossible. A quelques exceptions près, la quarantaine à la frontière de l'est est appliquée d'une manière très défectueuse.

Nous ne voulons pas manquer d'ajouter qu'il y a des cantons frontières qui exécutent consciencieusement les prescriptions fédérales relatives à cette quarantaine. Mais cela n'a essentiellement d'autre effet que, pour du bétail suspect exposé à Otre refoulé, on recherche un endroit d'importation où la visite est moins minutieuse.

On ne peut réellement être tranquille que si chaque animal, à son entrée en Suisse, est visité par un vétérinaire patenté, consciencieux et expérimenté, et si chaque pièce suspecte de maladie est rigoureusement refusée. Une telle visite frontière doit ótre effectuée d'une manière aussi uniforme que possible et avec des taxes uniques et modestes afin de ne pas charger inutilement le commerce. On ne peut pas exiger cette visite des cantons, car quelquesuns seraient par là trop chargés et devraient s'imposer de trop grands sacrifices, tandis que d'autres ayant des endroits d'importation peu nombreux mais fréquentés, en retireraient un profit non morite.

La visite du bétail k la frontière doit ainsi nécessairement rentrer dans les attributions de la Confédération qui a à protéger l'ensemble du pays. Par cela nous prévenons un désir qui a déjà été manifesté chez nous à réitérées reprises par plusieurs gouvernements cantonaux et sociétés, et qui a récemment trouvé une vive expression dans une pétition que nous a adressée la société des agriculteurs suisses.

Cette société croit en
môme temps devoir encore faire une autre demande, savoir, que l'on exige une quarantaine obligatoire pour tout le bétail importé.

Nous ne pouvons toutefois pas nous prononcer en faveur de cette exigence. Un animal peut en effet être infecté d'une maladie

513

-contagieuse sans que le vétérinaire le plus expérimenté soit en mesure de reconnaître cet état (l'incubation), et la maladie pourrait alors, il est vrai, se déclarer dans l'étable où a lieu la quarantaine.

Mais abstraction faite de ce que, dans une quantité d'endroits d'importation, comme par exemple sur le Splugen, l'établissement de la quarantaine est absolument impossible, les étables de quarantaine devraient presque nécessairement devenir avec le temps de vrais foyers d'épidémies. Nous préférons eu conséquence donner pour les animaux paraissant sains à leur passage à la frontière, un passavant ·qui accompagne les pièces en transit jusqu'à l'endroit d'exportation, le bétail de boucherie jusqu'à l'abattoir et le bétail de rapport jusqu'à l'étable du propriétaire où ce bétail doit alors rester, pendant le temps de quarantaine fixé par la loi, sous le contrôle de l'inspecteur de bétail que cela concerne. Comme les maladies à l'état d'incubation ne sont pas contagieuses, le but sera de cette manière atteint plus sûrement, sans les frais, les entraves au commerce et les dangers qu'une quarantaine à la frontière devrait entraîner après soi.

La visite par des vétérinaires patentés et désignés par la Confédération, de tout le bétail importé en Suisse suppose que l'importation soit organisée de telle sorte que plusieurs lieux d'importation puissent chaque fois être contrôlés par un expert, en ne laissant ceux-ci ouverts au trafic du bétail que pendant des jours de la semaine ou des jours de marchés déterminés et pendant des heures fixes. Par une semblable disposition, le commerce -ne serait en aucune manière entravé, car il pourrait alors se diriger d'après cela, tandis qu'actuellement il arrive souvent que des transports de bétail doivent attendre des heures et des demi-journées sur le vétérinaire examinateur.

La fixation des lieux et du temps d'importation sera faite sur la proposition d'une commission composée de représentants de nos départements des. péages et de l'agriculture, et de délégués des cantons frontières intéressés. Provisoirement, nous avons prévu environ 171 endroits d'entrée et, pour leur surveillance, environ 74 vétérinaires. Ces vétérinaires ne seraient pas des fonctionnaires fédéraux proprement dits, avec des postes fixes, mais des experts appelés spécialement pour ce service
frontière et qui, après avoir rempli leurs devoirs, vaqueront de nouveau à leurs affaires professionnelles. La somme -- comptée largement -- à destiner dans ce but à titre d'honoraires, s'élèvera annuellement à 81,000 francs au plus et, avec environ 9000 francs de frais divers, occasionnera chaque année une dépense totale de 90,000 francs.

Le produit d'une taxe de visite variant entre 1 franc par tòte de gros bétail et 15 centimes pour les petits animaux, s'élèvera à

514

fr. 121,657 si l'on prend seulement comme base du calcul la moyenne de 10 ans de l'importation qui va toujours en augmentant.

Ce côté du service frontière serait naturellement soumis il notre département de l'agriculture; il ne sera cependant pas, par ce fait, touché à l'organisation de ce département. Son travail de bureau en sera sans doute quelque peu augmenté ; par contre, il ne sera probablement pas nécessaire de créer de nouveaux fonctionnaires.

Les fonctions officielles de ces vétérinaires pourraient, en ce qui concerne le temps employé aux visites et à la délivrance des passavants, être contrôlées par les bureaux de péages. Le contrôle proprement dit sur les visites mêmes serait exercé au moyen du bulletin des épizooties et, si cela était nécessaire, par le commissaire fédéral des épizooties dont la nomination est, suivant la loi, du ressort de la Confédération.

Il ne reste plus qu'à savoir si l'on veut s'en tenir aux modifications proposées, ou bien si toute la loi sur les épizooties, du 8 février 1872, ne devrait pas être soumise à une revision. Cette revision a été demandée par une pétition de la société des vétérinaires suisses.

Bien que nous convenions volontiers que la loi est susceptible de perfectionnement et a besoin d'améliorations, nous envisageons cependant que le moment actuel n'est pas propice pour entreprendre une revision de ladite loi. A l'heure qu'il est, des études et des essais ont lieu, qui ont pour objet de combattre la pleuropneumonie contagieuse, le charbon, sang de rate, et le charbon symptomatique, le typhus des chevaux, la pthisie pulmonaire, le rouget des porcs et la rage canine. Ces recherches ne sont encore en aucune manière entièrement terminées; un résultat complet et exempt d'objections n'existe pas encore. Toujours est-il que l'on fonde de grandes espérances sur ces recherches qui -- si elles se réalisent -- sont propres à transformer sensiblement la police sur les épizooties.

Il paraît en conséquence utile de suspendre encore, mais, en attendant, de résumer en un seul règlement d'exécution correspondant à l'état actuel de la science vétérinaire, le nombre assez grand des divers règlements et ordonnances qui ont été édictés depuis 1872, et qui rendent très difficile d'être maître de ce sujet.

Nous nous bornons en conséquence à recommander à votre
adoption le projet ci-après d'une loi fédérale qui nous remet en mains le moyen de protéger des dangers considérables de chaque année, cette grande partie de notre fortune nationale, le principal capital d'exploitation de notre agriculture, et qui doit rendre

515 superflu pour quelque temps d'édicter d'autres dispositions législatives en cette matière.

Agréez, monsieur le président et messieurs, l'assurance de notre considération la plus distinguée.

Berne, le 28 mai 1886.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération : DEÜCHBR.

Le vice-chancelier de la Confédération : SCHATZÏIANN.

Projet.

Loi fédérale modifiant

la loi fédérale du 8 février 1872 concernant les mesures de police à prendre contre les épizooties.

L'ASSEMBLEE FEDERALE

de la CONFÉDÉRATION

SUISSE,

vu le message du conseil fédéral du 28 mai 1886; en modification partielle de la loi fédérale du 8 février 1872 concernant les mesures de police à prendre contre les épizooties, décrète : er

Art. 1 . Tout animal de l'espèce chevaline, bovine, ovine, porcine ou caprine importé en Suisse doit être soumis, à la frontière, à la visite d'un vétérinaire patenté.

516

Sont réservées les dispositions que le conseil fédéral pourra prendre, concernant le transit et le trafic à la frontière.

Art. 2. Le conseil fédéral désigne et indemnise un nombre suffisant de vétérinaires patentés, qui sont chargés de cette visite, et il fixe les taxes à payer à cet effet.

Art. 3. Les indemnités à payer aux vétérinaires de la frontière et les autres dépenses occasionnées par la police sanitaire à la frontière sont prises sur le produit des taxes de visite.

Art. 4. Le reliquat, s'il y en a un, est employé à créer et à, augmenter un fonds pour les épizooties. C'est sur ce fonds que sont prises les sommes nécessaires pour combattre dos maladies contagieuses du bétail.

Art. 5. Sont abrogées celles des dispositions de la loi fédérale du 8 février 1872 concernant les mesures de police à prendre contre les épizooties, qui sont contraires à la présente loi.

Art. 6. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les lois et arrotés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer le moment où elle entrera en vigueur.

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale relatif à une modification de la loi fédérale du 8 février 1872 concernant les mesures de police à prendre contre les épizooties.

(Du 28 mai 1886.)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1886

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

25

Cahier Numero Geschäftsnummer

---

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

12.06.1886

Date Data Seite

509-516

Page Pagina Ref. No

10 068 096

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.