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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'organisation du fonds de solidarité de la broderie suisse au métier à navette.

(Du 22 janvier 1948.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous adresser le présent message à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral sur l'organisation du fonds de solidarité de la broderie suisse au métier à navette.

I. ORIGINE DU FONDS DE SOLIDARITÉ (La caisse de crise das brodeurs-façonniers suisses sur machine à navette.)

D'après le recensement fédéral des professions, plus de 72 000 personnes étaient occupées, en 1910, dans l'industrie de la broderie et ses branches connexes. Ce nombre plaçait alors l'industrie de la broderie en tête de» industries suisses, c'est-à-dire devant l'hôtellerie, l'horlogerie, la construction des machines et les autres industries textiles. En 1913, l'industrie de la broderie a exporté des marchandises qui totalisèrent un tonnage de 90 000 quintaux et une valeur de plus de 200 millions de francs. La valeur des exportations de broderies atteignit des totaux plus élevés encore, il est vrai avec des tonnages sensiblement moindres, au cours de la première guerre mondiale et des années qui suivirent. 1919 et 1920 furent en effet des années records, puisque 50 000 à 60 000 quintaux de broderies représentant plus de 400 millions de francs ont été exportés pendant chacune de ces deux années. Après quoi est venue, en 1921, une chute soudaine, causée par l'appauvrissement général, par l'élévation des barrières douanières, par les difficultés survenues dans le trafic des payements et le cours, des changes, enfin par la défaveur de la mode. La valeur des exportation» de broderies dégringola dès lors d'année en année, au point de se trouver réduite en 1935 à la somme quasiment incroyable de 12 millions de francs.

·642 La crise qui frappait ainsi l'industrie suisse de la broderie détermina les pouvoirs publics à intervenir. Leur intervention se traduisit par une oeuvre de secours, ainsi que par l'élimination partielle d'un appareil de production devenu pléthorique. C'est en majeure partie la société fiduciaire de la broderie, fondée en 1922, qui mena cette tâche à bonne fin. Tandis ·qu'on comptait encore plus de 5000 métiers à navette en 1920, il n'y en .avait plus qu'environ 1600 à fin 1932. On avait bien alors le sentiment très net que les métiers en surnombre n'avaient pas encore été tous éliminés.

Mais on en était arrivé à un point où une certaine prudence s'imposait si l'on voulait que ne s'affaiblît pas par trop, et à tout jamais, l'industrie ·suisse de la broderie. Aussi, pour sauver la broderie au métier à navette {brodeurs-façonniers), qui comptait encore en 1932 plus de 500 entreprises disposant d'environ 1300 métiers, auxquels venaient s'ajouter quelque 300 métiers appartenant à une vingtaine de maisons d'exportation, fallut-il recourir au moyen que voici: fondation, avec l'appui des pouvoirs publics, d'une caisse de crise qui apporterait une aide financière aux fabricants de broderies (brodeurs-façonniers) manquant d'ouvrage et les mettrait .ainsi en mesure de tenir pendant les périodes de marasme.

La fondation, avec l'appui financier de la Confédération et des cantons intéressés à l'industrie de la broderie, d'une société coopérative dénommée « caisse de crise des brodeurs-façonniers suisses sur machine à navette » procède de l'arrêté fédéral du 23 décembre 1932 accordant une aide aux ^brodeurs prénommés (RO 48 856). Cet organisme avait pour objet d'indemniser les propriétaires ou locataires de métiers à navette travaillant à façon à raison des métiers qu'ils ne pouvaient employer, faute d'ouvrage, depuis un certain temps. De 1933 à 1939, il a reçu successivement de la Confédération et des cantons intéressés des subventions se montant au total à 1 911 000 francs (1 500 000 francs de la Confédération et 411 000 -francs des cantons). Il a reçu en outre 619 000 francs des fabricants membres de la caisse.

La guerre a brusquement mis fin à l'orientation favorable que venait justement de prendre l'industrie de la broderie. Les lourdes charges qui grevèrent dès lors la caisse de crise ont déterminé
la Confédération et les ·cantons intéressés à revenir à la rescousse. Leur aide, limitée aux années 1940 et 1941, a été réglée par votre arrêté du 9 avril 1940 (RO 56, 1267).

Sur cette base, la Confédération et les cantons ont alloué, comme contribution à la couverture des déficits de ces deux années, la première 188 000 francs et les seconds 113 000 francs, soit donc au total 301 000 francs. De plus, une subvention de 65 000 francs, provenant des ressources de la so·ciété coopérative fiduciaire de la broderie, a en outre été allouée à la caisse en 1942. Jusqu'à sa réorganisation en 1943 et à la suite de laquelle elle prit le nom de « fonds de solidarité », la caisse de crise a reçu des pouvoirs publics, au titre de subventions, la somme de 2 278 000 francs (1 754 000 fr.

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de la Confédération et 524 000 fr. des cantons) et des fabricants de broderies, au titre de cotisations, la somme de 718 000 francs. Au cours de ses dix années d'existence, la caisse a donc encaissé au total 2 996 000 francs.

D'autre part, ses versements sont montés à 2 692 000 francs; à elles seules, les trois années de crise aiguë qui ont immédiatement suivi sa fondation entrent dans cette somme pour 1 666 000 francs.

II. INSTITUTION ET ÉVOLUTION DU FONDS DE SOLIDARITÉ DE LA BRODERIE SUISSE AU MÉTIER A NAVETTE Bien qu'il nous ait paru désirable, déjà avant la guerre, de doter la caisse de crise d'un statut financier stable, il fallut, sous la pression des circonstances extraordinaires nées de la conflagration mondiale, se résoudre à n'adopter de nouveau qu'une solution provisoire. Cette solution, qui a trouvé son expression dans notre arrêté du 11 mai 1943 (RO 59, 381), tendait à développer l'entr'aide au sein de la branche. En dehors de la Confédération et des cantons intéressés, il n'y avait jusque-là que les fabricants de broderies qui, on leur qualité de bénéficiaires, eussent à alimenter la caisse. La principale innovation apportée par la réorganisation de 1943 -- innovation qui ressort de la dénomination nouvelle de « fonds de solidarité » -- fut de faire participer les exportateurs de broderies au financement de l'organisme (art. 4). Cette participation, bénévolement offerte, se justifiait, puisque les exportateurs, qui, dans leurs majorité, ne possèdent pas eux-mêmes d'appareil de production, ont tout intérêt à faire en sorte que les fabricants à qui ils passent leurs commandes puissent les exécuter et disposent par conséquent des machines nécessaires à cet effet. Notre arrêté a apporté encore une autre innovation importante, en conférant aux prescriptions du fonds de solidarité force obligatoire générale s'imposant à l'ensemble des brodeurs-façonniers sur métier à navette (art. 3). Rappelons, à ce propos, que vos arrêtés des 23 décembre 1932 (art. 10) et 9 avril 1940 (art. 2) nous avaient déjà donné pouvoir de décréter semblable applicabilité générale obligatoire. En même temps qu'il se substituait à la caisse de crise, le fonds de solidarité, pour des raisons analogues à celles qui ont dicté la constitution de la société coopérative fiduciaire de la broderie en société coopérative de
droit public (*), a reçu une forme juridique adaptée au droit des obligations révisé, c'est-à-dire qu'il luì a été attribué le caractère d'une société coopérative de droit public au sens de l'article 829 du code des obligations (art. 1er).

Notre arrêté du 11 mai 1943 devait cesser de sortir ses effets le 31 décembre 1944. Par arrêté du 24 novembre 1944 (RO 60, 750), nous l'avons prorogé d'une année, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1945. Avant l'ex(*) Arrêté fédéral du 26 mars 1947, RO 63, 833.

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pìration de ce délai, nous avons,.par arrêté du 28 décembre 1945 (RO 62, 1) qui est actuellement en vigueur et aura effet jusqu'au 31 décembre 1948, réglé la matière à nouveau, sans d'ailleurs nous écarter sensiblement de la réglementation antérieure. Comme principale modification, nous avons prévu que la contribution des pouvoirs publics à la couverture d'un déficit serait ramenée de 80 à 662/a pour cent, et d'un maximum de 120 000 francs à un maximum de 60 000 francs, mais qu'en revanche la Confédération et les cantons alloueraient conjointement et par moitié une subvention annuelle d'un montant fixe de 60 000 francs.

Le fonds de solidarité, qui a commencé à fonctionner en lieu et place de la caisse de crise le 1er juin 1943, avait reçu, jusqu'au 30 septembre 1947, 234 000 francs au titre de subventions de la Confédération et des cantons et 1 421 000 francs en cotisations de l'industrie. Ainsi donc, la contribution de l'industrie équivaut à plus de six fois celle des pouvoirs publics. On voit combien l'entr'aide des principaux intéressés a gagné en importance au cours des années. De son côté, le fonds a versé pendant ce temps des indemnités se montant à 559 000 francs.

La caisse de crise et le fonds de solidarité, en faisant office de caisse de chômage pour les métiers à navette inemployés, oiit rendu à l'industrie de la broderie les plus émiinents services. On ne conçoit guère comment, à défaut d'un pareil soutien, cette industrie serait parvenue à surmonter les crises aiguës qui ont sévi avant et pendant la deuxième guerre mondiale.

L'indemnité prévue par la réglementation en vigueur est de 4 francs par jour ouvrable pour chaque métier plombé; elle est versée, dans le cas le plus favorable, pendant 240 jours dans le cours d'une année civile (art. 10).

Sans doute ces indemnités sont-elles loin de suffire -- indépendamment de la conjoncture économique -- à assurer pour longtemps l'existence d'une entreprise; mais elles compensent plus ou moins la dépense que doit supporter l'entreprise pour le service des intérêts et des amortissements afférent aux machines inemployées. Elles apportent dès lors au chef d'entreprise un appui de première importance pour tenir pendant les périodes critiques.

303 entreprises disposant au total de plus de 600 métiers à navette bénéficient de ce soutien. Il y a
là un bel exemple de solidarité entre exportateurs et fabricants. C'est dire que le fonds doit être maintenu. L'intérêt des bénéficiaires se rencontre ici avec l'intérêt général. Puisqu'il en est ainsi, nous estimons que l'organisation du fonds de solidarité devrait être intégrée dans la législation ordinaire. C'est une opinion que nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion de vous faire connaître (*). Reste à voir maintenant quel devra être pour l'avenir le statut légal de cet organisme.

(*) Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 10 décembre 1945 sur l'ensemble des arrêtés et mesures pris en vertu dee pouvoirs extraordinaires et encore en vigueur, ainsi que sur le sort prévu pour lesdits arrêtés (FF 1945, II, 614).

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III. LA STRUCTURE A DONNER AU FONDS DE SOLIDARITÉ 1. Généralités et base constitutionnelle.

Les intéressés désirent tous qu'il ne soit apporté aucun changement essentiel à la structure actuelle du fonds de solidarité, laquelle procède des conditions particulières --· et l'on peut ajouter, complexes -- de l'industrie de la broderie. Cela doit s'entendre d'abord de la forme juridique du- fonds. Cette formé est celle d'une société coopérative de droit public, parce que le fonds déborde la sphère purement privée et que son objectif ultime est de grouper en une communauté d'intérêts tous les preneurs et bailleurs d'ouvrage de la broderie sur métier à navette. Mais cela doit s'entendre également de toutes les autres questions touchant à l'organisation, en particulier à la coopération des fabricants, des exportateurs et des pouvoirs publics dans la gestion du fonds.

Votre arrêté déclaré urgent du 23 décembre 1932, qui a donné naissance à la caisse de crise -- arrêté que nous avons rappelé plus haut -- se fondait sur les articles 2 et 34 ter de la constitution. Celui du 9 avril 1940, muni de la clause référendaire --· également cité plus haut -- lequel avait pour principal objet de prévenir une débâcle du fonds par l'octroi de subventions en cas de bilan déficitaire, s'appuyait de même sur l'article 34 ter.

Quant aux deux arrêtés que nous avons pris dans la suite à l'effet d'instituer le fonds de solidarité et d'assurer son existence, l'un, celui du 11 mai 1943, a pour base votre arrêté du 30 août 1939 sur les mesures propres à assurer la sécurité du pays et le maintien de sa neutralité, l'autre, celui du 28 décembre 1945 qui est actuellement en vigueur, se fonde sur votre arrêté du 6 décembre 1945 restreignant les pouvoirs extraordinaires du Conseil fédéral.

Les nouveaux articles de la constitution relatifs au domaine économique nous offrent certainement le moyen de consolider la base constitutionnelle du fonds de solidarité. Le projet d'arrêté que nous vous soumettons repose principalement sur l'article 31 bis, 3e et 4e alinéas. Mais on peut ici également s'appuyer sur l'article 31 guinquies. Car, du moment qu'il apporte aux fabricants de broderies un soutien financier dans les temps difficiles, le fonds de solidarité affermit leur volonté de tenir et favorise en même temps la stabilité des prix de
façon fixés par contrat. Il fait ainsi office d'antidote, non seulement contre les conséquences du chômage, mais aussi contre l'aggravation des crises économiques.

2. L'arrêté fédéral et son exécution.

Notre arrêté actuellement en vigueur ne se borne.pas à fixer dans ses grandes lignes le statut légal du fonds de solidarité; il entre dans les détails touchant aux cotisations et aux indemnités, ainsi qu'à l'organisation administrative. Pareil mode de faire se justifie lorsqu'il s'agit d'une règle-

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rnentation de courte durée. Mais il n'est pas praticable lorsqu'on entend légiférer pour longtemps, car on se trouve alors devant l'impossibilité de résoudre une fois pour toutes les questions qui dépendent essentiellement des fluctuations de la conjoncture économique; ainsi en est-il des questions que soulève la fixation des cotisations ou des indemnités. A vouloir trancher définitivement semblables questions, on se heurterait d'ailleurs aux fabricants et aux exportateurs de broderies qui n'entendent nullement se lier pour un temps indéterminé. II y avait lieu dès lors, pour s'assurer une liberté de mouvement et des possibilités d'adaptation suffisantes, d'insérer les règles fondamentales dans le projet d'arrêté que nous vous soumettons, en abandonnant les points de détail aux prescriptions d'exécution (art. 12). Notre projet d'arrêté prévoit d'ailleurs que les prescriptions d'exécution seront établies d'entente avec les cantons et les associations intéressées, ainsi qu'avec l'administration du fonds de solidarité. Les intéressés seront donc consultés comme par le passé et leurs avis seront dûment pris en considération dans l'élaboration des prescriptions, notamment sur toutes les questions relatives à l'organisation et à la gestion du fonds, ainsi qu'aux indemnités à payer et cotisations à percevoir. Il restera à voir enfin, du moment que l'entr'aide jouera désormais le rôle prépondérant, s'il ne conviendrait pas de réduire la représentation des pouvoirs publics dans les organes de gestion du fonds.

3, L'aménagement financier du fonds de solidarité.

Selon la réglementation actuelle, chaque preneur d'ouvrage (fabricantfaçonnier) doit payer au fonds de solidarité 75 centimes par jour ouvrable pour chaque métier en service, cependant que les exportateurs bailleurs d'ouvrage lui garantissent à eux tous une allocation annuelle de 160 000 francs (art. 5). Par ailleurs, la Confédération d'une part et les trois cantons intéressés d'autre part lui versent, chacun de leur côté, une subvention annuelle de 30 000 francs, soit donc 60 000 francs au total. Mentionnons en outre que les pouvoirs publics sont tenus de contribuer à la couverture d'un déficit à concurrence de 60 000 francs par année, mais qu'il s'agit là d'une disposition qui, pour l'instant, n'entre pas pratiquement en ligne de compte (art. 9).

Les fabricants consentent à payer à l'avenir, comme jusqu'à présent, 75 centimes par jour ouvrable pour chaque métier en service. Les exportateurs, au contraire, réclament un certain allégement de leur contribution annuelle de 160 000 francs, estimant que cette charge deviendrait à la longue trop lourde, surtout si la conjoncture économique venait à décliner.

Ils se sont toutefois, eux aussi, déclarés prêts à soutenir le fonds de la même façon que par le passé; les points de détail restent à régler. Exportateurs et fabricants voudraient que la Confédération et les "cantons intéressés contribuent comme jusqu'ici à alimenter le fonds de solidarité en

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lui versant chaque année une subvention déterminée avec, en plus, une allocation supplémentaire en cas de bilan déficitaire, ou du moins lui assurent certaines subventions pour le cas où les exercices annuels seraient déficitaires. Ces dernières années -- nous l'avons rappelé plus haut -- la contribution financière des pouvoirs publics a été modeste, comparée à celle de l'industrie (1946: 60000 fr. versés par la Confédération et les cantons ; 314 000 fr. versés par l'industrie). Elle n'en fut pas moins accueillie avec faveur par l'industrie, non seulement à raison de sa valeur proprement dite, mais encore à raison de sa valeur symbolique; elle attestait en effet l'intérêt que la Confédération et les cantons portent au fonds de solidarité ; aussi serait-elle la bienvenue dans l'avenir. Etant données d'une part les ressources actuelles du fonds et d'autre part la situation financière de la Confédération, nous estimons toutefois devoir nous tenir, plus encore que par le passé, sur une prudente réserve. Nous voulons dire par là que nous ne prêterions à l'avenir notre concours financier que si, nonobstant les cotisations des exportateurs et des fabricants, le fonds devait se trouver en diificulté. Nous prévoyons dès lors à l'article 4, 2e alinéa, de notre projet d'arrêté que, si, par suite d'une crise aiguë et prolongée, le fond» de solidarité n'avait plus des ressources suffisantes pour s'acquitter de ses obligations de façon durable, la Confédération le soutiendrait dans une mesure appropriée aux besoins tant que persisterait cet état de choses, II faudrait toutefois que les cantons intéressés lui prêtent ensemble un concours financier au moins équivalent. Quant aux points de détail, vous nous laisseriez le soin de les fixer dans les prescriptions d'exécution (art. 12, 2« al.).

Il est bien difficile, en pareil domaine, de donner d'ores et déjà des précisions sur l'ampleur que pourrait atteindre, dans les années à venir, l'aide financière des pouvoirs publics. Voici du moins ce qu'on peut inférer des données de la situation présente. Si la proportion de métiers en service atteignait 60 à 65 pour cent, le fonds de solidarité parviendrait à équilibrer ses recettes et ses dépenses, même en l'absence de toute allocation des pouvoirs publics. Et puisque le fonds dispose aujourd'hui d'une fortune d'environ
1 200 000 francs, qui lui permettrait de faire face à ses engagements pendant deux ans, même en période de marasme très prononcé (métiers en marche dans une proportion de 10% seulement), il faudrait que l'industrie de la broderie fût bien durement atteinte, ou le fut de façon durable, avant que le fonds ne se voie dans l'impossibilité de continuer à remplir sa mission et que la Confédération ne doive intervenir en liaison avec les cantons au sens de l'article 4, 2e alinéa. Si pareille nécessité devait cependant s'imposer, notre aide pourrait se régler, quant à sa forme et à son ampleur, sur ce qui a été fait dans les années écoulées. Rappelons, à ce propos, que votre arrêté du 9 avril 1940 (art. 1er, 3e al.) prévoyait que les subventions de la Confédération et des cantons ne dépasseraient pas au total, pour chacune des années 1940 et 1941, 80 pour cent du déficit

·648 enregistré, que notre arrêté du 11 mai 1943 (art. 9, 1er al.) prévoyait que le fonds de solidarité pourrait bénéficier de subventions des pouvoirs publics à concurrence du même pourcentage en cas de bilan déficitaire en 1943 et 1944, sous la réserve que la somme des subventions ne dépasserait' pas annuellement 120 000 francs (60 000 fr. de la Confédération et 60 000 fr.

des cantons) et, enfin, que notre arrêté du 28 décembre 1945 (art. 9, 1er et -3e al.) actuellement en vigueur prévoit une allocation globale du même montant, comprenant une subvention ferme et une subvention éventuelle, ·cette dernière pouvant atteindre -- Confédération et cantons ensemble --- 66 2/3 pour cent du déficit enregistré. Or, nous pensons que, si le fonds avait besoin d'être soutenu à l'avenir, les chiffres qui viennent d'être relatés ne devraient pas être dépassés. D'ailleurs, une aide fédérale, quelle qu'elle soit, devra se déterminer, non seulement d'après les conditions du fonds et la situation générale de l'industrie de la broderie, mais aussi, dans une large mesure, d'après les possibilités financières des milieux directement intéressés et l'attitude des cantons entrant en cause. De toute façon, au moment où pareille décision devra être prise, on aura encore à envisager si une crise sévit également dans d'autres branches économiques et si, pour cette raison, des mesures de portée générale sont appliquées.

Le fonds de solidarité de la broderie suisse sur métier à navette est une institution qu'on ne saurait trop apprécier comme moyen de pallier ·aux crises pouvant atteindre cette industrie. II est devenu, en fait, une des pierres angulaires de cette branche sujette, par essence, aux fluctuations de la conjoncture économique. Bien qu'elle n'ait plus son importance d'antan, l'industrie suisse de la broderie a repris aujourd'hui, notamment à raison de la qualité de ses produits, une place considérable sur le marché mondial.

3511e occupe actuellement quelque 10 000 personnes dans les cantons de St-Gall, de Thurgovie et d'Appenzell Rhodes extérieures; la valeur de ses exportations est de nouveau montée à 80 millions de francs en 1946.

"Y compris environ 200 métiers qui sont la propriété de maisons d'exportation et ne rentrent pas dans le rayon d'action du fonds, on compte aujourd'hui encore quelque 800 métiers
en fonction, contre 5700 en 1910 et 2100 en 1930. Les 600 métiers qui relèvent du fonds se répartissent entre 300 entreprises, parmi lesquelles il y en a 200 qui ne disposent chacune ·que d'un métier. Ici se reflète la structure économique et sociale de la broderie au métier à navette. Ce parc de machines n'a rien d'excessif pour ·des temps normaux. Autant vaudrait abandonner l'industrie de la broderie A son sort, si l'on ne faisait pas le nécessaire pour le maintenir intact en période moins heureuse. Or, c'est là précisément la mission du fonds de ·solidarité.

Alors que, au début, la caisse de crise -- ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer -- devait être alimentée en majeure partie par la ConfédéTation et les cantons, le fonds de solidarité qui lui a succédé a pris de plus

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en plus le caratère d'un organisme d'aide mutuelle entre les principaux intéressés. D'après le projet d'arrêté que nous vous soumettons, les exportateurs et fabricants de broderies seront en principe les seuls pourvoyeurs du fonds. Le concours financier de la Confédération et des cantons ne pourra plus être sollicité que si, par suite d'une crise particulièrement aiguë, le fonds ne parvenait plus, à défaut d'une aide des pouvoirs publics, à s'acquitter de ses obligations. Il n'en demeure pas moins nécessaire -- comme l'invoquent expressément les porte-parole de l'industrie -- que le fonds de solidarité continue à avoir une assise légale et à bénéficier tout au moins de l'appui moral des pouvoirs publics. C'est en effet à cette seule condition que son existence demeurera assurée, puisque sa mission sera, à l'avenir comme par le passé, d'unir en une communauté d'intérêts économiques et sociaux tous les preneurs et bailleurs d'ouvrage de la broderie sur métier à navette. Le projet ci-joint doit permettre au fonds de solidarité de se maintenir et de poursuivre son activité. Nous vous prions de l'adopter, en faisant en sorte qu'il puisse entrer en vigueur le 1er janvier 1949, compte tenu du délai référendaire.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 22 janvier 1948.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la. Confédération, CELIO.

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Le vice-chancelier, Ch. OSER.

Fettine fédérale. 100e année. Vol. I.

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(Projet)

Arrêté fédéral sur

l'organisation du fonds de solidarité de la broderie suisse au métier à navette

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, vu les articles 31 bis, 3° et 4e alinéas, et 31 quinquies de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 22 janvier 1943, arrête : Article premier Forme juridique.

Organisation,

1

Le «fonds de solidarité de la broderie suisse au métier à navette» (fonds de solidarité) est une société coopérative de droit public au sens de l'article 829 du code des obligations; son siège est à St-Gall.

* L'organisation et la gestion du fonds de solidarité seront réglées dans le détail par les prescriptions d'exécution du Conseil fédéral, ainsi que parles statuts et les règlements de travail du fonds. Les cantons et associations intéressés seront consultés au préalable.

3 Sauf disposition contraire du présent arrêté, des prescriptions d'exécution ou des statuts, les règles du code des obligations sur la société coopérative de droit privé sont applicables.

Art. 2

objw.

1

Le fonds de solidarité a pour objet d'indemniser les exploitants qui exécutent des commandes de broderies, à raison des métiers à navette qu'ils possèdent comme propriétaires ou locataires et qu'ils n'emploient pas, faute d'ouvrage. En sont exceptés les exportateurs qui exécutent des commandes de broderies sur leur propres métiers.

Ml peut aussi subventionner l'élimination de métiers.

Art. 3 1 Champ d'appliaLe présent arrêté et les prescriptions d'exécution du Conseil fédéral s'appliquent fian.

à tous les exploitants qui fabriquent (preneurs d'ouvrage) ou font fabriquer (bailleurs d'ouvrage) des broderies au métier à navette. Sont réservées les exceptions prévues dans le présent arrêté et les prescriptions d'exécution du Conseil fédéral.

" Sont réputés preneurs d'ouvrage tous les les fabricants de broderies au métier à navette, qu'ils soient propriétaires ou locataires des métiers dont Ils disposent, et qu'ils exécutent des commandes pour leur propre compte ou pour le compte de tiers.

651 9 Sont réputés bailleurs d'ouvrage tous tes exportateurs, ainsi que tous les fabricants travaillant pour leur propre compte, qui foni exécuter des commandes sur des métiers qui ne leur appartiennent pas.

Art. 4 1

Le fonds de solidarité est alimenté par les cotisations périodiques des preneurs Ressources du et bailleurs d'ouvrage.

fonds de, »oiid*.

a SI, par suite d'une crise aiguë ou prolongée, le fonds de solidarité n'avait plus de ressources suffisantes pour continuer à faire face à ses engagements, la Confédération, tant que durerait cet état de choses, lui verserait des subventions en rapport avec ses besoins, à condition qu'il reçoive des cantons intéressés des subventions d'un montant global au moins égal.

Art. S Sont tenus à cotisation:

Cotisations.

a. Les preneurs d'ouvrage au sens de l'article 3, 2e alinéa, à condition que leur exploitation soit viable et que leurs machines soient en parfait état de marche; b. Les bailleurs d'ouvrage, au sens de l'article 3, 3e alinéa.

Art. 6 Ont droit aux indemnités, pour leurs métiers inemployés, les preneurs d'ouvrage Indemnité).

tenus à cotisation.

Art. 7 1 Dans les cas douteux, l'administration du fonds de solidarité prononce sur l'obligation de payer les cotisations, sur le droit aux Indemnités et, notamment aussi, sur l'affiliation obligatoire d'une entreprise.

Cas douteux.

Recoure.

2 Les décisions rendues, au sens de l'article 7, I« alinéa, par l'administration du fonds de solidarité peuvent être déférées dans les trente jours à l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail, qui statue en dernier ressort.

3 Les dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 sont applicables à la procédure à suivre en matière de recours.

Art. 8 Les décisions rendues par l'administration du fonds de solidarité sur l'obll- Force exécutoire, galion de payer des cotisations au sens de l'article 5 et ayant acquis force exécutoire sont assimilées aux jugements exécutoires (art. 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite).

Art. 9 1

Celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou par des moyens Dispositions semblables, aura obtenu du fonds de solidarité, pour lui-même ou pour autrui, une pénales.

allocation qui ne lui revient pas, sera puni des arrêts ou d'une amende de dix mille francs au plus. Sont réservées les dispositions du code pénal suisse sur l'escroquerie (art. 148).

2 Celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, se sera soustrait en tout ou en partie à l'obligation de payer les cotisations sera puni d'une amende de dix mille francs au plus.

652 3 Celui qui, sans Intention de s'enrichir, aura fourni des renseignements faux, ou aura refusé de fournir un renseignement, ou se sera opposé au contrôle prescrit par les autorités compétentes, ou aura empêché, de quelque autre manière, l'exercice de ce contrôle, sera puni d'une amende de cinq cents francs au plus.

Art. 10 Infraction commise dir» la gestion d'une société.

Si l'infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale ou d'une société en nom collectif ou en commandite, les dispositions pénales s'appliquent aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom. Toutefois, la personne morale ou la société est tenue solidairement de l'amende et des frais.

Art. 11

Poursuite et jugement.

La poursuite et le jugement des infractions incombent aux cantons.

Publication, entrée en vigueur et exécution.

1

Art. 12

Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier le présent arrêté et de fixer la date de son entrée en vigueur, 1 Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter le présent arrêté. Il édictera, d'entente avec les cantons et associations intéressés, ainsi qu'avec l'administration du fonds de solidarité, les prescriptions d'exécution nécessaires à cet effet, en particulier touchant la fixation des cotisations à percevoir des preneurs et bailleurs d'ouvrage et des indemnités à verser par le fonds, les conditions requises pour avoir droit aux indemnités, les subventions de la Confédération au sens de l'article 4, 2e alinéa, ainsi que la dissolution éventuelle du fonds.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'organisation du fonds de solidarité de la broderie suisse au métier à navette. (Du 22 janvier 1948.)

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Foglio federale

Jahr

1948

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

04

Cahier Numero Geschäftsnummer

5350

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

29.01.1948

Date Data Seite

641-652

Page Pagina Ref. No

10 091 029

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