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FEUILLE FÉDÉRALE 100e année

Berne, le 26 août 1948

Volume II

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 28 francs par an; 15 traites pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: SO centimes la ligne ou son espace; doivent être adresses franco à l'imprimerie des hoirs K,-J. Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la ratification de la convention de coopération économique européenne, signée à Paris le 16 avril 1943 (Du 20 août 1948) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous proposer de nous autoriser à ratifier la convention de coopération économique européenne signée à Paris, le 16 avril 1948, par les représentants de l'Autriche, de la Belgique, du Danemark, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Grèce, de l'Irlande, de l'Islande, de l'Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Norvège, du Portugal, de la Suède, de la Suisse, de la Turquie, ainsi que par les commandants en chef des zones américaine, britannique et française d'occupation en Allemagne.

I. GENÈSE DU PLAN MARSHALL ET DE LA CONVENTION DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE A. Lorsque les hostilités cessèrent en Europe, le 8 mai 1945, les peuples européens s'attendaient que les vainqueurs procéderaient au rétablissement de la paix par la conclusion de traités avec les vaincus. On prévoyait un effort de collaboration des Alliés en vue d'assurer à l'Europe épuisée une paix juste et durable. Les accords de Yalta et de Potsdam entre les grands Alliés, et les déclarations de San Francisco qui jetaient les bases d'une nouvelle institution mondiale, l'Organisation des Nations Unies, donnaient aux peuples l'espoir qu'ils pourraient se consacrer rapidement et entièrement à la lourde tâche de reconstruire leurs pays. Mais on se rendit bientôt compte qu'il existait entre les Alliés des divergences de vues fondamentales sur la politique à suivre en Europe et d'une manière générale dans le monde. Les tensions ne tardèrent pas à s'accentuer et peu à peu, mais inexorablement, se créa la situation actuelle.

Feuille fédérale. 100e année. Vol. II.

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1114 Détournée de ses buts primitifs et détruite en grande partie par la guerre, la production européenne se trouvait, à la fin des hostilités, devant le problème quasi insoluble de reprendre son activité du temps de paix.

La plupart des conditions nécessaires au développement d'initiatives publiques ou privées fécondes faisaient défaut: la stabilité politique manquait, trop de papier monnaie circulait sans qu'on pût se rendre compte de sa valeur réelle, la spirale des prix et des salaires montait, les luttes sociales apparaissaient inévitables. Pendant la guerre et l'occupation, les pays belligérants d'Europe avaient épuisé leurs richesses et leurs réserves ; aucun gouvernement national ne pouvait, faute des fonds suffisants, subventionner la reprise de la production. La lutte contre la hausse constante des prix absorbait leurs ressources. Le besoin de remettre en état l'appareil industriel et de lui assurer les matières premières nécessaires à son activité posa tout le problème des paiements internationaux. L'épuisement des réserves en or et en devises étrangères, et le rapatriement, pendant la guerre ou l'occupation, des investissements financiers à l'étranger, ne laissaient d'autre moyen qu'une politique d'emprunts. Ce moyen se révéla rapidement inefficace -- les besoins étant trop élevés par rapport aux revenus nationaux en devises -- et il aurait inévitablement conduit à la faillite.

Une aide extérieure à .fonds perdu s'imposait donc.

Cet épuisement des économies nationales de l'Europe amena l'appauvrissement général des populations avec les suites que l'on sait: hausse constante des prix et des salaires et conflits sociaux. Peut-être serait-on parvenu avec le temps à un certain degré de stabilité économique et à une solution des difficultés sur le plan national, si les divisions idéologiques n'étaient pas venues compromettre bientôt tout effort d'assainissement social et économique à l'intérieur des pays.

L'Europe en effet tendait à se diviser, idéologiquement et politiquement.

Les Etats de l'Europe de l'est se constituèrent peu à peu en un bloc opposé aux Etats qui restaient attachés à une démocratie fondée sur le respect des libertés individuelles et la responsabilité personnelle des citoyens. L'économie des pays de l'est subit une évolution rapide et tendit à devenir purement étatique,
l'industrie, le commerce et l'agriculture devant être nationalisés.

Ainsi les Etats de l'Europe, au lieu d'unir leurs efforts en vue de leur relèvement commun, continuèrent à s'affaiblir, montrant qu'ils étaient incapables de rétablir par leurs seules propres forces leur économie durement atteinte par la guerre. C'est dans ces conditions que le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères des Etats-Unis, M.Marshall, prononça un important discours à l'université de Harvard, le 5 juin 1947, Dans ce discours, le secrétaire d'Etat constate que le relèvement de l'Europe exigera une période beaucoup plus longue et un effort beaucoup plus grand qu'on ne le prévoyait. Pour les trois ou quatre années à venir,

1115 les besoins du continent en denrées et produits essentiels provenant de l'étranger, principalement d'Amérique, sont considérablement plus élevés que sa capacité de paiement, de sorte que l'Europe, pour ne pas être exposée à une désintégration économique, sociale et politique très grave, doit recevoir une aide substantielle. Les Etats-Unis doivent faire ce qu'ils peuvent pour aider le monde à retrouver sa santé économique, sans laquelle il n'y aura ni stabilité politique, ni paix assurée. « Notre politique », a déclaré M. Marshall, « n'est dirigée contre aucun pays ni aucune doctrine, mais contre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos. Son but doit être de reconstruire une économie qui fonctionne dans le monde, afin de faire naître des conditions politiques et sociales permettant l'existence de libres institutions ». Le secrétaire d'Etat américain relevait encore, d'une part, que l'aide des Etats-Unis ne devrait pas être un simple palliatif mais assurer la guérison, et, d'autre part, que cette aide ne pourrait se déployer que lorsque les pays d'Europe se seraient entendus pour fixer le volume de leurs besoins et déterminer la part qu'ils prendraient eux-mêmes à leur relèvement. Le rôle des Etats-Unis devait se borner à aider à l'élaboration et à la réalisation de ce programme européen commun, programme qui devait être accepté par un certain nombre si ce n'est par toutes les nations du continent.

Le discours de M. Marshall ne contenait aucun plan précis ; il n'était qu'une suggestion fondée sur la constatation d'un état de fait évident.

Il révèle cependant, à l'analyse, des mobiles différents, d'ordre économique, politique et humanitaire. En effet, si l'élément économique domine -- il va de soi que la reconstruction de l'Europe n'est pas seulement dans l'intérêt de ce continent, mais aussi dans celui des Etats-Unis eux-mêmes et du monde en général --, il y a lieu de relever que l'offre américaine s'adressait à l'ensemble des pays d'Europe et constituait un geste de collaboration internationale et d'aide humanitaire qu'il serait injuste de sousestimer. Le parti communiste n'a voulu voir dans la proposition américaine qu'une manifestation de l'impérialisme des Etats-Unis, et il a prêté au plan d'aide américaine un caractère exclusivement politique. Toutefois, aucune des conditions
auxquelles le gouvernement américain a subordonné une aide, qui est indispensable au relèvement économique de l'Europe, n'a un caractère politique et ne peut être considérée comme impliquant de sa part une volonté d'hégémonie politique ou économique. En revanche, on peut évidemment soutenir que le plan d'aide américaine aurait un caractère politique en ce sens qu'en contribuant à atténuer et à supprimer la misère en Europe, d'une part il fait, dans les différents Etats européens, échec à la politique du parti communiste qui cherche à utiliser les difficultés actuelles pour étendre son influence, et, d'autre part, il raffermit la position des régimes démocratiques. Mais le plan d'aide américaine, s'il peut être considéré à certains égards comme une mesure de défense, n'a aucun caractère agressif contre quelque nation, ni quelque gouvernement que

1116 ce soit. Son caractère est purement économique et financier et il n'est lié à la participation d'aucun des pays intéressés à une alliance politique ou militaire.

B. A la suite du discours de Harvard, la Grande-Bretagne et la France cherchèrent à donner aux sentiments généreusement exprimés par M. Marshall une forme concrète et elles prirent l'initiative de convoquer à Paris une conférence à trois, à laquelle l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes fut invitée, pour discuter les perspectives qu'ouvrait l'offre américaine. Cette conférence s'est tenue à Paris du 27 juin au 3 juillet 1947; les trois délégations française, britannique et soviétique étaient présidées par le ministre des affaires étrangères de chacun dea trois pays.

Le 2 juillet, la délégation soviétique quittait la conférence, en donnant comme raison de son départ qu'on ne connaissait ni l'ampleur des crédits américains, ni les conditions auxquelles ces crédits seraient subordonnés, et que l'on ignorait si le Congrès des Etats-Unis les approuverait. De plus, l'offre américaine constituerait du point de vue soviétique une immixtion des Etats-Unis dans les affaires intérieures des Etats européens et une tentative de leur faire perdre leur indépendance économique au profit du Nouveau Monde. La Grande-Bretagne et la France décidèrent néanmoins d'inviter tous les pays d'Europe, à l'exception de l'Espagne, à participer à une conférence qui s'ouvrirait le 12 juillet dans la capitale française.

Pendant la conférence à trois, le Conseil fédéral fit connaître son avis sur ce qu'on appelait déjà, d'ailleurs improprement, le plan Marshall, dans un communiqué publié le 27 juin et dont voici le texte : Le Conseil fédéral a entendu un rapport du chef du département politique sur le plan Marshall et les réactions qu'il a suscitées dana les différents pays d'Europe. Il estime que la Suisse ne peut que souhaiter ardemment la réalisation d'un plan de relèvement économique auquel tous les Etats européens pourraient être associés, en dehors de toute contingence politique. Notre pays, s'il en est sollicité, doit être prêt à collaborer, sur un pied d'égalité avec les autres Etats, à l'établissement de ce plan, qui permettrait à l'Europe de réaffirmer, dans le domaine économique, une solidarité rompue ensuite de la dernière guerre.

Le 4 juillet, par l'entremise de l'ambassade de France et de la légation de Grande-Bretagne à Berne, le Conseil fédéral fut invité à participer à la conférence du 12 juillet.

Le 6 juillet, le ministre de l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes à Berne exposait verbalement au chef du département politique le point de vue de son gouvernement sur la conférence de Paris, qui venait de se terminer. En substance, le gouvernement soviétique n'a, dès le début, pas éprouvé une grande confiance à l'égard du plan Marshall, d'une part, parce qu'avant l'ouverture de la conférence, les Anglais et les Français se seraient entendus avec les Etats-Unis à l'insu de l'Union soviétique et, d'autre part, parce que, dans la déclaration du secrétaire d'Etat américain, il n'était question ni des conditions ni de l'importance des crédits offerts. Le gouvernement soviétique n'en a pas moins envoyé une délé-

1117 gation à Paris pour éclaircir les circonstances dans lesquelles les crédits seraient accordés et prendre ensuite position. Le travail effectué par la conférence démontra que les Etats-Unis d'Amérique ne donnaient aucun renseignement à cet égard, qu'au surplus on ignorait si le Congrès américain approuverait l'octroi d'un crédit, et qu'on ne savait pas davantage à. quelles conditions éventuelles il le subordonnerait. Enfin, les Etats-Unis exigeaient la constitution d'un conseil exécutif chargé d'établir un plan économique pour les pays européens et de déterminer les ressources que chacun de ces pays pourrait affecter à l'exécution du programme conjointement avec les ressources mises à, disposition par l'Amérique. La délégation soviétique avait considéré que ces prétentions étaient l'expression du désir des EtatsUnis de s'immiscer dans les affaires intérieures des Etats européens, de leur imposer leur programme, de rendre plus difficile l'écoulement de l'excédent de leur production là où ils l'entendent, et de mettre ainsi l'économie des pays intéressés dans la dépendance des Etats-Unis. La délégation soviétique n'avait pu approuver ce mode de faire. Elle considérait qu'il importait avant tout dé savoir quels crédits seraient accordés et à quelles conditions, de s'enquérir ensuite auprès des Etats européens des fonds qui leur étaient nécessaires, et, enfin, d'établir le programme général de leurs besoins, que l'on aurait cherché à satisfaire suivant les possibilités, grâce aux crédits américains. De cette manière, les Etats européens pourraient rester maîtres de leur économie et disposer librement de leurs ressources et de leurs excédents. La sérieuse divergence qui s'était élevée entre la position anglo-française et la position soviétique avait rendu tout accord impossible.

Au cours du même entretien et après avoir remercié le ministre de l'Union soviétique de sa communication, le chef du département politique lui déclara que la Suisse ne pouvait se désintéresser de la nouvelle conférence du 12 juillet à laquelle la France et la Grande-Bretagne l'avaient invitée; il insista sur le fait que la Confédération n'entendait pas modifier sa politique traditionnelle ni aliéner son indépendance en se Kant à un bloc politique.

Le 9 juillet, le Conseil fédéral accepta l'invitation franco-britannique
par une lettre du chef du département politique remise à l'ambassadeur de France et au ministre de Grande-Bretagne et dont voici le texte: Monsieur l'Ambassadeur, Le Conseil fédéral a prie connaissance de la lettre et du projet d'organisation que Votre Excellence m'a remis le 4 juillet. Il m'a chargé de vous communiquer, à l'intention de votre gouvernement, sa réponse comme suit: Les difficultés dans lesquelles se trouvent actuellement la plupart des Etats de l'Europe et qui ont engagé le général Marshall, secrétaire d'Etat des EtatsUnis d'Amérique, à faire les suggestions énoncées dans son discours du 5 juin 1947, rendent désirable une action commune des Etats européens en vue de chercher à restaurer l'économie gravement atteinte de ces pays. Le Conseil fédéral

1118 regrette que tous les Etats européens ne participent pas à cette action. Il a examiné s'il pouvait néanmoins donner suite à l'invitation qui lui était adressée.

La Suisse a toujours considéré que son statut d'Etat perpétuellement neutre n'est pas un obstacle à l'accomplissement des devoirs pacifiques que lui impose la solidarité internationale, ni à sa collaboration avec les autres nations, pour chercher à établir, en faveur de tous les peuples, un régime de paix et de sécurité qui suppose certaines conditions d'ordre économique et social faisant aujourd'hui défaut en Europe. Mais cette collaboration ne peut en aucun cas être en contradiction avec les relations d'amitié que la Suisse entretient et entend maintenir avec chaque pays individuellement.

Dès la fin des hostilités en 1945, la Suisse a contribué à la reconstruction de l'Europe, dans la mesure de ses possibilités, en concluant des accords commerciaux avec dix-huit Etats.

Aujourd'hui, sans renoncer pour autant à poursuivre sa politique économique actuelle, qu'elle considère comme un élément positif en faveur de cette reconstruction, la Suisse est prête à s'associer, par esprit de solidarité européenne, aux travaux de la conférence qui doit se réunir le 12 juillet à Paris. Animé de l'espoir qu'aucune raison d'ordre politique ne fera obstacle à l'établissement, puis à la réalisation du plan de relèvement projeté, le Conseil fédéral accepte l'invitation qui lui a été faite par les gouvernements français et britannique, mais, pour prévenir toute équivoque, il entend d'ores et déjà préciser les points suivants: 1. Il va de soi que la Suisse ne prendra aucun engagement qui serait incompatible avec son statut traditionnel de neutralité.

2. Les résolutions de la conférence, qui affecteraient l'économie suisse, ne pourront devenu1 obligatoires à l'égard de la Confédération que d'entente avec elle.

3. La Suisse se réserve la liberté de maintenir les accords commerciaux qu'elle a conclus avec les Etats européens qui ne participeront pas aux travaux de la conférence, et d'en conclure de nouveaux.

Aucune de ces considérations n'est en contradiction avec les termes de votre lettre du 4 juillet, ni du projet d'organisation.

Veuillez agréer,. ..

(signé) Max PETITPIERBE

C. La conférence de Paris s'ouvrit le 12 juillet. La Suisse y fut représentée par une délégation présidée par M. le ministre Cari Burckhardt, assisté de MM. Max Troendle, délégué aux accords commerciaux, Philippe Zutter, conseiller de légation au département politique, et Gérard Bauer, conseiller de légation, chargé des affaires économiques à la légation de Suisse à Paris.

La conférence ne tarda pas à créer un comité -- dit de coopération économique européenne -- chargé d'établir un rapport général à l'intention du gouvernement américain. Cette procédure permit d'emblée de placer les travaux sur un plan purement technique.

La tâche première de ce comité de coopération, qu'assistaient un comité exécutif et plusieurs comités techniques, était de dresser pour un certain nombre de produits essentiels, un bilan des ressources et des besoins des seize Etats représentés. Le travail fut ardu et des divergences de vues se manifestèrent. Cependant, lors de la rédaction du rapport de la conférence, l'unanimité fut constamment réalisée. Le but de la conférence et l'objet du rapport -- adopté lors de la réunion de clôture du 22 septembre --

1119 étaient de formuler un programme de relèvement tendant à rétablir l'économie européenne pour la fin de 1951. Ce programme s'appuyait sur quatre points essentiels: 1. Un vigoureux effort de production de la part de chacun des pays participants ; 2. La réalisation de la stabilité financière intérieure; 3. Une coopération aussi complète que possible entre les pays participants; 4. La solution du problème posé par le déficit de la balance commerciale des pays participants à l'égard du continent américain, en particulier dans le domaine des exportations.

Une action collective était prévue pour résoudre certains problèmes spéciaux, dont deux intéressent plus directement la Suisse: la mise en valeur de nouvelles ressources d'énergie électrique et l'utilisation rationnelle des wagons de marchandises.

L'aide du continent américain et en particulier celle des Etats-Unis fut considérée comme indispensable à la réalisation de ce programme, surtout en raison de l'absence des approvisionnements autrefois disponibles dans les pays de l'Europe orientale, dans le sud-est de l'Asie et dans d'autres pays extra-européens. Le déficit des échanges avec le continent américain a été évalué, pour 1948, à 8,4 milliards de dollars. Il doit décroître pendant les années suivantes, pour n'être plus que de 3,4 milliards en 1951. Pour la période de 1948 à 1951, il a été estimé à 22,44 milliards de dollars, dont une partie, soit 3,13 milliards, pourrait être financée par la banque internationale de reconstruction et de développement économique. Le rapport souligne que les évaluations faites correspondent uniquement à des importations nécessaires, c'est-à-dire sans lesquelles l'économie européenne ne serait pas capable de se relever.

Au cours de la conférence, différentes propositions furent faites, dont les unes ont été retenues et les autres écartées. C'est ainsi que la création d'un groupe d'étude pour une union douanière fit l'objet d'une résolution votée par la majorité des Etats représentés à la conférence. La Suisse, la Suède et la Norvège ne souscrivirent pas à cette résolution. En ce qui nous concerne, cela ne voulait pas dire que nous fussions opposés au groupe d'étude, ou à une participation à ses travaux. Nous étions de l'avis que les difficultés actuelles ne sont pas dues aux tarifs douaniers, qui jouent
aujourd'hui un rôle très secondaire, mais à une production insuffisante en Europe de biens de consommation essentiels comme le blé et le charbon, ainsi qu'à la pénurie de dollars, c'est-à-dire à l'impossibilité financière où sont la plupart des pays de se procurer ce qui leur manque à l'étranger, notamment aux Etats-Unis. Vouloir faire de l'Europe une unité économique sous la forme d'une union douanière ne contribuerait en rien selon nous à sa recons-

1120 traction. Ce ne serait qu'une centralisation, dont les inconvénients se révéleraient sans doute rapidement plus grands que les bienfaits.

Avec la rédaction du rapport général, le comité de coopération économique avait terminé sa tâche. Le rapport fut envoyé à Washington, où il fit l'objet d'un examen approfondi de la part de l'administration américaine. Une délégation européenne fut invitée à se rendre aux Etats-Unis pour faciliter les travaux préparatoires de celle-ci. Le délégué britannique, Sir Oliver Franks, prit la tête de cette délégation, qui comprenait en outre quelques spécialistes britanniques et français ayant participé aux travaux du comité de Paris. Les autres pays furent invités à se faire représenter par un membre qualifié de leur mission diplomatique à Washington. Les consultations commencées au début d'octobre durèrent un peu plus d'un mois. Sir Oliver Franks a donné à tous les pays intéressés le compte rendu de ces consultations.

; D. A la fin de l'année 1947 fut élaboré à Washington le projet de loi américaine devant permettre au président de -réaliser le plan d'aide à l'Europe. Ce projet fut discuté au Sénat dès le 1er mars 194$ et à la Chambre des représentants à partir du 23 mars.

Dans son message au congrès, le président Truman a fixé en sept points les conditions de l'aide américaine comme suit: 1. Intensification de la production industrielle et agricole; 2. Etablissement de dispositions d'ordre financier et monétaire propres à créer une monnaie digne de confiance; 3. Coopération des Etats acceptant l'aide; abaissement des barrières commerciales; augmentation des échanges de biens et de services; 4. Emploi rationnel des ressources nationales et de celles qui seront mises à disposition par les Etats-Unis; 5. Accélération de la production de certaines matières premières; octroi de facilités dans l'acquisition du matériel nécessaire; 6. Dépôt dans un fonds créé à cet effet, de la contre-valeur de l'aide américaine en monnaie nationale. Ces dépôts seront utilisés uniquement à des fins convenues par les deux gouvernements intéressés; 7. Obligation de rendre compte aux peuples participants et au gouvernement des Etats-Unis de l'utilisation de l'aide et des progrès réalisés grâce aux conventions passées entre d'autres Etats participants et les Etats-Unis.

Chacune des
seize nations participant à l'aide est invitée à conclure avec les Etats-Unis un accord bilatéral en vertu duquel elle s'engage à remplir les conditions énumérées ci-dessus.

La loi définitive appelée dorénavant « Foreign Assistance Act » fut finalement votée à une forte majorité par le congrès américain et promulguée par le président en date du 3 avril 1948. Elle comprend quatre

1121 titres dont seul le premier concerne l'aide à l'Europe. Sous la dénomination de « Economie Coopération Act of 1948 » (loi de 1948 sur la coopération économique) il fixe les buts à atteindre, les formes de l'aide et les conditions auxquelles elle sera accordée, ainsi que les moyens mis à cet effet à la disposition du gouvernement des Etats-Unis. H constate que la situation actuelle de l'Europe met en danger l'avènement durable de la paix et proclame que le rétablissement et le maintien, dans les pays européens, des principes de liberté individuelle, de libres institutions et d'une véritable indépendance reposent en grande partie sur l'établissement de conditions économiques saines, et sur l'instauration, par les pays européens, d'une économie prospère, indépendante de toute aide extérieure de caractère exceptionnel. D'où la nécessité d'un plan et d'efforts communs de relèvement. Le congrès déclare que la politique des Etats-Unis est de renforcer lesdits principes en accordant son aide aux pays d'Europe qui participent à un tel programme commun de relèvement, fondé sur leurs propres efforts et la coopération mutuelle. La continuation de l'aide fournie par les Etats-Unis est subordonnée à la poursuite de la coopération entre les pays participants au programme. Cette politique doit être réalisée par la fourniture de matériel et par une aide financière aux pays participants de façon à leur permettre de retrouver leur indépendance économique dans le délai de quatre ans.

L'aide dont l'octroi est prévu à partir du 1er avril 1948 jusqu'au 30 juin 1952 sera accordée à titre de subventions gratuites ou moyennant paiement, au comptant ou à crédit, ou à d'autres conditions telles que la livraison aux Etats-Unis, dans la mesure des possibilités de l'Etat intéressé, de matières premières qui leur sont nécessaires en raison d'une insuffisance de leurs propres ressources. L'ouverture des crédits nécessaires à la réalisation de l'aide sera autorisée périodiquement jusqu'au 30 juin 1952. La loi prévoit l'allocation d'une somme de 4 milliards 300 millions de dollars pour la première année à partir du 1er avril 1948. Pour assurer aux pays participants le plus de marchandises possible, la loi dispose que le gouvernement ne donnera pas, le cas échéant, l'autorisation d'exporter des marchandises en provenance des
Etats-Unis à destination de tout pays européen non-participant, dans le cas de produits dont l'approvisionnement est insuffisant ou deviendrait insuffisant si l'exportation en était autorisée. Les Etats-Unis se réservent, en outre, le droit de refuser la livraison aux pays participants de toutes marchandises entrant dans la fabrication d'un produit destiné à un pays européen non-participant, si les licences d'exportation de ces produits à destination de ce pays ne pouvaient être accordées par les Etats-Unis pour des raisons de sécurité nationale.

L'exécution du plan d'aide à l'Europe est confiée à un organisme dont le siège est aux Etats-Unis: l'administration de coopération économique, à la tête de laquelle est placé un administrateur, nommé par le président

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avec l'approbation du sénat et muni de pouvoirs très étendus. Les relations, en Europe, avec les pays participants et leur organisation sont assurées par un représentant spécial des Etats-Unis, qui a rang d'ambassadeur et qui représente également l'administrateur. Ce représentant est, en outre, chargé de coordonner les activités des missions dont la loi prévoit l'envoi dans les pays participants pour appliquer les dispositions de la loi, les mesures prises en vertu de celle-ci et les accords bilatéraux.

Dans le projet d'accord bilatéral préparé par le département d'Etat, il est prévu que l'Etat européen intéressé s'engagera à établir un contrôle des mesures prises et des opérations faites en application de l'accord et à fournir à la mission américaine les informations qu'elle pourrait demander.

Une étude attentive de la loi américaine sur l'aide à l'Europe permet de conclure qu'en définitive, deux seules dispositions intéressent directement la Suisse: celle qui fait entrer dans le cadre de l'aide américaine le droit de participer à la répartition de produits rares, et la seconde, celle qui réserve le droit pour les Etats-Unis de refuser la livraison de marchandises entrant dans la fabrication d'un produit destiné à un pays européen non-participant, si les licences d'exportation de ces produits à destination de ce pays ne pouvaient être accordées par le gouvernement américain pour des raisons de sécurité nationale. Ce dernier droit, les Etats-Unis l'auraient indépendamment de la loi du 3 avril 1948. Quant à la possibilité pour notre pays de participer à la répartition de produits rares, elle constitue un avantage, bien que la livraison de ces produits à la Suisse doive avoir lieu selon des principes strictement commerciaux, c'est-à-dire contre paiement de leur prix en dollars. Jusqu'à présent tous les pays membres de l'organisation européenne de coopération économique ont signé un accord bilatéral avec les Etats-Unis à l'exception de trois d'entre eux, dont la Suisse.

E. Jusqu'à la fin de l'année 1947, aucune initiative nouvelle ne fut prise sur le plan européen. Par notes du 19 janvier 1948, l'ambassade de France et la légation de Grande-Bretagne informèrent le département politique de l'intention de leurs gouvernements respectifs, en leur qualité de puissances invitantes de la conférence de
Paris, de réunir à nouveau le comité de coopération économique européenne en vue de procéder à de nouvelles consultations entre les pays participants. Les deux gouvernements renoncèrent ensuite à cette intention, mais nommèrent une délégation, composée de deux délégués français et de deux délégués britanniques, qui reçut la mission de procéder dans les capitales des pays participants à un échange de vues. Cette « délégation itinérante » arriva à Berne le 27 janvier 1948 et repartit le lendemain. Les échanges de vues portèrent sur les points suivants : 1. Publication d'un rapport national indiquant les progrès économiques réalisés par chacun des pays depuis la conférence de Paris;

1123 2. Préparation d'un rapport commun sur les progrès réalisés dans la coopération économique européenne; 3. Constitution d'un groupe de travail pour élaborer le statut de l'organisme commun prévu à l'article 113 du rapport général; 4. Convocation des comités techniques.

A la suite du rapport de la délégation itinérante, les gouvernements français et britannique invitèrent les pays participants à se réunir en une seconde session le 15 mars 1948 à Paris. Le Conseil fédéral accepta de s'y faire représenter. Quatorze des seize pays participants déléguèrent leur ministre des affaires étrangères, accompagné de délégués et d'experts: la Suisse y était représentée par son ministre en France, M. Cari Burckhardt, auquel furent adjoints MM. Philippe Zutter et Gérard Bauer. Après que tous les ministres des affaires étrangères eurent relevé le grand intérêt que leurs pays portaient au succès de la coopération économique européenne, M. le ministre Burckhardt précisa le point de vue suisse dans la brève déclaration que voici: La délégation suisse souhaite la réussite aussi complète que possible de la coopération économique inaugurée par une généreuse initiative des Etats-Unis et espère que la présente conférence portera rapidement des fruits. La Suisse tient à affirmer sa foi dans la coopération. Notre peuple a jugé spontanément de son devoir de participer à la reconstruction de l'Europe. Dès la fin des hostilités, il s'est, dans la mesure de ses moyens, engagé dans cette voie.

L'organisation federative de mon pays témoigne, à sa modeste mesure, qu'il est possible de coopérer utilement au bénéfice d'une communauté diverse et de maintenir en même temps avec l'extérieur des rapports fondés sur l'universalité.

Le comité ne siégea que deux jours. Il accepta que la bizone angloaméricaine et la zone française d'occupation en Allemagne participassent à ses travaux, et nomma un groupe de travail chargé de préparer un accord multilatéral sur la coopération économique européenne en relation avec l'aide extérieure.

Le groupe de travail se réunit le lendemain de la clôture de la session du comité. La Suisse y était représentée par M. Gérard Bauer. Après un dur labeur de quatre-semaines, le groupe présenta, le 14 avril, les projets suivants : 1. Une convention de coopération économique européenne; 2. Un acte final de la deuxième session du comité de coopération; 3. Un protocole n° 1 sur la capacité juridique, les privilèges et les immunités de l'organisation européenne; 4. Un protocole n° 2 sur le régime financier de l'organisation; 5. Une résolution sur les tâches de l'organisation; 6. Une résolution sur les relations entre l'organisation et le représentant spécial des Etats-Unis en Europe;

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Une résolution sur le financement du budget initial de l'organisation ; Une résolution sur le règlement intérieur de l'organisation; Une résolution sur le financement intérimaire de l'organisation; Une résolution sur le statut du personnel de l'organisation ; Une résolution sur le lieu de la première réunion du conseil dfe l'organisation.

En une séance solennelle, à laquelle la plupart des pays intéressés étaient représentés par leur ministre des affaires étrangères, le comité de coopération économique européenne adopta à l'unanimité, le 16 avril, les textes préparés par le groupe de travail. Les délégués des seize gouvernements participants et les commandants en chef des zones d'occupation en Allemagne de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis d'Amérique signèrent l'acte final, la convention, les protocoles additionnels n03 l et 2, et adoptèrent en séance du conseil de l'organisation les sept résolutions mentionnées plus haut. Il nous a paru indiqué et nécessaire qu'à l'occasion de la signature de la convention, notre premier délégué, M. le ministre Cari Burckhardt, précisât encore une fois la situation particulière de la Suisse au sein de la communauté des seize pays européens. Voici le texte de son discours: En juillet 1947, lorsque la Suisse accepta l'invitation des gouvernements britannique et français de prendre part à la première réunion de Paris qui avait en vue le redressement de l'Europe par ses propres moyens sur la base de l'aide généreusement offerte par les Etats-Unis, mon gouvernement indiqua les limites dans lesquelles la situation spéciale de la Suisse lui permettrait de collaborer à la reconstruction économique de l'Europe.

La présente convention est conforme aux limites que je viens d'évoquer puisque la Suisse sera appelée à se prononcer ou à se déclarer non intéressée, en vertu de l'article 14, dans chaque décision d'espèce que l'organisation sera amenée à prendre.

Cette convention impose à tous les paya, ayant signé l'accord, les mêmes obligations. Or, mon gouvernement constate qu'il y a deux catégories d'Etats : ceux qui sont directement intéressés à l'aide américaine et ceux qui n'en bénéficieront que d'une manière indirecte et générale. La Suisse appartient à cette seconde catégorie de pays. Elle n'a pas l'intention de recourir à cette aide. Le gouvernement des
Etats-Unis, de son côté, a relevé que la Suisse n'y participerait pas. La Suisse ne compte recevoir que des livraisons de marchandises dans le cadre normal des relations commerciales, notamment des marchandises du continent américain.

Les travaux de la conférence se sont déroulés dans une atmosphère de grande compréhension. La bonne volonté générale a joué un rôle essentiel et cet état d'esprit a grandement facilité la rédaction de la convention dont nous approuvons les termes. A ce propos, je tiens à remercier vivement les autres délégations du soin avec lequel elles ont toujours bien voulu étudier les propositions de la délégation suisse.

Nous sommes heureux de pouvoir apposer notre signature à cet acte de la coopération économique européenne sous réserve de la ratification constitutionnelle. Nous souhaitons que notre coopération s'étende à des pays toujours plus nombreux; ainsi, par des actes concrets, nous nous rapprocherons de cette notion de communauté internationale, idéal dont notre oeuvre s'inspire.

1125 C'est cette convention de coopération économique européenne, signée le 16 avril 1948 à Paris, qui fait l'objet du présent message et que nous analysons dans le chapitre suivant.

II. ANALYSE DE LA CONVENTION DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE La convention de coopération économique européenne est en quelque sorte une charte économique internationale, comptant 28 articles et ne contenant que des notions essentielles, toutes les questions de détail étant réglées dans les protocoles 1 et 2 et dans les résolutions mentionnées aux pages 12 et 13.

Pour éviter de donner à ce message un trop long développement, nous nous bornerons à l'examen de la convention. Elle est subdivisée en quatre parties, à savoir un préambule suivi de trois titres: Titre I: Obligations générales; Titre II: Organisation; Titre lu: Dispositions finales. Des dispositions complémentaires, relatives aux fonctions du secrétaire général, y sont annexées.

Comme c'est le cas de la plupart des traités et pactes internationaux, le préambule de ce document énonce en termes solennels les buts de la convention et les moyens par lesquels ceux-ci devront être atteints.

La convention vise à établir et à maintenir en Europe les conditions propres à réaliser une économie saine. Une étroite coopération entre les Etats intéressés permettra d'atteindre ce but. Cette coopération s'exprimera par des engagements que les parties contractantes prendront les unes envers les autres. Sou instrument sera l'organisation prévue sous le titre II.

Le titre I définit les engagements pris par les parties contractantes pour réaliser la coopération économique européenne dans les formes qui avaient été projetées dans le rapport général de la conférence de Paris du 12 juillet 1947. Il doit être interprété comme une déclaration générale des buts proposés. Il ne comporte aucun engagement particulier de la part des Etats signataires, mais il exprime leur volonté d'accomplir des efforts dans certaines directions. Ainsi il est prévu, soit que le contenu pratique de ces engagements généraux sera déterminé par l'organisation lorsqu'ils auront trait à une action concertée, soit qu'une marge suffisante d'appréciation sera laissée à chaque pays lorsque ces engagements impliqueront des efforts individuels. C'est là, on le voit, un système extrêmement souple.

L'article
premier constate l'engagement pris par les Etats signataires de réaliser une étroite coopération dans leurs relations économiques mutuelles.

Leur tâche immédiate est d'établir et d'exécuter un programme commun de relèvement qui devra leur permettre de se passer dans un délai aussi bref que possible de toute aide extérieure de caractère exceptionnel. Dans

1126 l'établissement de ce. programme, ils devront tenir compte de la nécessité de développer leurs exportations à destination des pays non-participants dans toute la mesure possible. L'aide américaine n'a donc pas pour effet de mettre les Etats qui en bénéficieront dans la dépendance économique exclusive des Etats-Unis, ni de créer entre les Etats signataires un système économique autarcique. Au contraire, ceux-ci devront chercher à se libérer de toute aide extérieure de caractère exceptionnel et à développer leurs relations commerciales avec les Etats non-signataires.

Les articles 2 à 9 indiquent les domaines dans lesquels la coopération doit se manifester.

L'article 2 énonce cette constatation évidente que la prospérité de l'économie européenne dépend avant tout du développement de la production.

L'article 3 vise à dresser des programmes généraux de production et d'échanges de biens et de services. Il s'agit en somme de déterminer par la confrontation des programmes nationaux, ou des prévisions faites par chaque Etat dans quelle mesure ceux-ci renferment des contradictions et font double emploi, et d'examiner si des ajustements sont possibles.

La signification de l'article 4, qui prévoit le développement des échanges réciproques de biens et de services, ne peut être saisie que si l'on rapproche cette disposition de l'article 3. Car le développement des échanges entre les parties contractantes n'est pas seulement souhaitable en soi, mais il peut être l'un des éléments essentiels des ajustements dont il a été question ci-dessus. Il est clair que si l'on parvenait à réduire les obstacles qui entravent actuellement les échanges et les paiements en Europe, on reviendrait ipso facto à une situation plus normale dont tout le monde bénéficierait. Sans doute, l'un des meilleurs moyens de réaliser cet objet -- dont la mention dans l'article 1 souligne l'importance capitale -- consiste à permettre aux parties contractantes de parvenir aussitôt que possible, et de se maintenir, à un niveau d'activité économique satisfaisant, sans aide extérieure de caractère exceptionnel. Toutefois, on a admis qu'il serait vain d'augmenter les échanges entre les parties contractantes si ce devait être au prix de déséquilibres excessifs dans leurs relations économiques et financières, tant entre elles qu'à l'égard des
pays non-participants. Cette préoccupation explique le second alinéa de l'article 4.

Si l'article 4, quand il fait mention d'un régime de paiements multilatéraux, déclare que les parties contractantes poursuivront les efforts entrepris dans ce sens, l'article 5, de son côté, dispose que les parties contractantes poursuivront les études en cours sur les unions douanières ou les régimes analogues, tels que les zones de libre-échange.

L'article 5 ne se borne cependant pas à une allusion aux travaux accomplis par les Etats qui s'intéressent à l'idée des unions douanières; il a été complété par la déclaration générale suivante, qui permet d'envisager d'autres éventualités : « Les parties contractantes s'engagent à

1127 resserrer leurs liens économiques par tous les moyens qu'elles estimeront propres à réaliser les objectifs de la présente convention. » L'article 6 exprime le désir des parties contractantes de réduire les obstacles à l'expansion des échanges, non seulement entre elles, comme le prévoit déjà l'article 4, mais aussi dans leurs relations avec les autres pays.

En se référant à ce propos aux principes de la charte de La Havane, la convention rend hommage aux travaux de la conférence mondiale du commerce et de l'emploi, mais elle tient compte du fait que certaines parties contractantes n'ont pas adhéré jusqu'ici à ladite charte. Ici encore se manifeste la volonté de développer les relations économiques avec les Etats qui ne participent pas au plan d'aide américaine.

L'article 7 est particulièrement intéressant parce qu'il est le type de ces engagements que des efforts individuels sont propres à faire fructifier pour le bien de tous. C'est d'ailleurs le seul article du titre I qui commence par les mots : « Chaque partie contractante », alors que tous les autres débutent par les termes « les parties contractantes ». L'obligation consiste pour chaque partie contractante à prendre telles dispositions en son pouvoir afin d'instaurer ou de maintenir la stabilité de sa monnaie et l'équilibre de ses finances, ainsi qu'un taux de change approprié et, d'une manière générale, la confiance dans son système monétaire. La convention réaffirme le vieux principe selon lequel la confiance dans les monnaies, si nécessaire à la vie économique internationale, est la conséquence de la sincérité des budgets nationaux et de l'équilibre monétaire et financier.

L'article 8 traite de la main-d'oeuvre. Il faut en retenir essentiellement que dans la mesure où certaines parties contractantes auront recours à la main-d'oeuvre disponible dans le territoire d'autres parties contractantes, elles prendront d'un commun accord les mesures nécessaires pour faciliter le mouvement et assurer le séjour des travailleurs dans des conditions satisfaisantes du point de vue économique et social. On y exprime aussi la préoccupation d'assurer le plein emploi de la main-d'oeuvre nationale et de réduire progressivement les obstacles au libre mouvement des personnes. Cette dernière formule est censée inclure également le mouvement des touristes.
L'article 9 mentionne seulement que les parties contractantes fourniront à l'organisation toutes les informations que celle-ci pourrait leur demander en vue de faciliter l'accomplissement de ses tâches.

On voit donc qu'on a réussi dans ce titre I « Obligations générales » à. concilier d'une part le désir de laisser aux différents pays et à l'organisation une liberté d'action suffisante et, d'autre part, celui d'indiquer d'une façon assez nette, notamment pour éclairer l'opinion publique, les tendances que l'on entend donner à la coopération économique européenne.

L'étude du titre II : « Organisation » permet de saisir mieux encore la nature et la portée des engagements contenus dans le titre I.

1128 Aux termes de l'article 10, les membres de l'organisation sont les parties à la convention. L'organisation est ouverte à tout pays européen nonsignataire qui peut adhérer à la convention avec l'accord du conseil.

La partie contractante qui désire renoncer à la qualité de membre peut, en ce qui la concerne, mettre fin à l'application de la convention, en donnant un préavis d'un an à cet effet au gouvernement de la République française, auprès duquel les instruments de ratification seront déposés (art. 27).

L'organisation comprend un conseil, un comité exécutif, un certain nombre de comités techniques et d'organismes subsidiaires ainsi qu'un secrétariat général.

Le conseil (art. 15), composé de tous les membres, est l'organe, suprême duquel émanent toutes les décisions. Les autres organes lui sont subordonnés et sont responsables devant lui.

Le conseil désigne chaque année, parmi ses membres, un président et deux vice-présidents. Les membres étant des Etats, ce sont à des Etats et non à des personnes physiques que ces fonctions sont confiées. Il nomme chaque année les membres du comité exécutif, parmi lesquels il désigne un président et un vice-président. Ces désignations ont lieu par votes distincts qui n'excluent cependant pas, par exemple, que le président du conseil soit aussi nommé président du comité exécutif.

Le cornue exécutif (art. 16), composé de sept membres, agit selon les « instructions et directives » du conseil, qu'il assiste et auquel il rend compte de son activité.

Ce comité doit être composé de manière que tous les membres puissent accorder pleine confiance aux travaux de l'organisation. Ce but sera atteint si tous les groupes de pays et tous les degrés de développement économique sont représentés. Le nombre de sept membres a été arrêté parce qu'il donnait la possibilité d'assurer une telle représentation et qu'il permettait, dans un cadre sensiblement plus restreint que le conseil, de travailler plus rapidement et avec plus d'efficacité. Pour la première année, les pays suivants sont membres du comité exécutif: Grande-Bretagne (président); Suède (vice-président); France, Italie, Pays-Bas, Suisse, Turquie.

Le secrétaire général (art. 17) est un haut fonctionnaire placé sous l'autorité du conseil, qui le nomme. Ses fonctions consistent à assurer la bonne marche de
l'organisation; il dispose à cet effet d'un secrétariat général.

Il a voix consultative aux séances du conseil, du comité exécutif et des comités techniques et autres organismes. Il prépare les délibérations du conseil et du comité exécutif et assure l'exécution de leurs décisions conformément à leurs instructions et directives. Le secrétaire général ne peut pas prendre de décision de son propre chef, mais il peut soumettre des propositions au conseil et au comité exécutif.

1129 La convention donne aux membres des droits qui les mettent en état de suivre attentivement l'activité de l'organisation et de faire connaître leur manière de voir. Ainsi, le conseil et le comité exécutif peuvent être réunis à la demande d'un seul de leurs membres. Tout membre du conseil qui n'est pas représenté au comité exécutif peut prendre part à toutes les discussions et décisions de ce comité affectant en particulier ses intérêts.

Les ordres du jour et les procès-verbaux des séances des deux organes prénommés doivent être adressés, en temps utile, à tous les membres. En outre, tout membre de l'organisation a le droit de faire inscrire une question à. l'ordre du jour du ou des organes dans lesquels il est représenté. Le règlement intérieur de l'organisation prévoit même la possibilité, pour une partie contractante qui n'est pas membre d'un comité donné, de faire inscrire avec l'assentiment du président intéressé, une question à l'ordre du jour dudit comité.

L'efficacité d'une organisation internationale dépend pour beaucoup de la manière dont les décisions sont prises. L'article 14 a donc une importance particulière. Il dispose: « A moins que l'organisation n'en décide autrement pour des cas spéciaux, les décisions sont prises par accord mutuel de tous les membres.

Dès lors qu'un membre déclare ne pas être intéressé à une question, son abstention ne fait pas obstacle aux décisions, qui sont obligatoires pour les autres membres. » En principe donc les « décisions sont prises par accord mutuel de tous les membres », ce qui signifie que l'unanimité doit être obtenue sur toute question débattue pour qu'une décision puisse intervenir.

La règle de l'unanimité a été adoptée parce qu'elle a fait ses preuves dans les travaux du comité de coopération économique européenne, qui se sont déroulés dans une atmosphère de bonne volonté et dans un esprit de conciliation. La coopération implique une volonté commune à tous les membres d'aboutir à un résultat positif au prix de concessions mutuelles.

Comme la convention repose sur le principe de la coopération, l'adoption de cette règle se recommandait pleinement.

Cependant, les termes « à moins que l'organisation n'en décide autrement pour des cas spéciaux » paraissent affaiblir la règle de l'unanimité. Le rapprochement que l'on fait naturellement
entre ces deux propositions pourrait conduire à une telle interprétation. Mais pour mettre les choses au point et prévenir toute équivoque, le groupe de travail n'a pas manqué de donner l'interprétation suivante, consignée au procès-verbal: « Au cours des discussions du comité de travail, il est apparu que dans certains cas la règle de l'unanimité ne constituerait pas toujours la procédure la plus pratique. Aussi, est-on convenu qu'il appartiendrait au conseil de préciser les cas spéciaux auxquels il est fait allusion dans la première phrase de l'article 14 et de prévoir leur solution. » Feuille fédérale. 100e année. Vol. II.

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Parmi les cas spéciaux on a pensé notamment à l'absence d'un membre aux délibérations de l'un ou l'autre des organes, et aux répercussions que cette absence pourrait avoir lorsqu'il s'agirait de prendre une décision.

La seconde phrase de l'article 14 fait une exception à la règle de l'unanimité, en prévoyant que, dans certains cas, l'un des membres pourra déclarer que la question discutée ne l'intéresse pas et s'abstenir de se prononcer sur elle. Ce membre ne serait pas lié par la décision, qui serait en revanche obligatoire pour les autres. Cette exception a été prévue pour ne pas trop rétrécir le champ d'activité de l'organisation. En effet, si la règle de l'unanimité était demeurée absolue, un membre non intéressé à une question se serait trouvé dans l'obligation de se prononcer et, pour ne pas être lié, il aurait sans doute été amené à exprimer un vote négatif, empêchant ainsi la décision d'intervenir.

Le groupe de travail a précisé comme suit le sens et la portée de cette phrase : « La seconde phrase de l'article 14 doit s'entendre en ce sens que le pays qui se déclare non intéressé, d'une part, n'empêche par son abstention ni la formation ni l'exécution des décisions pour les autres membres, et, d'autre part, se réserve la possibilité d'adhérer ultérieurement, s'il le désire, à ces décisions, ce qui entraîne pour lui l'obligation de les exécuter, » Pour atteindre son objectif, la convention charge l'organisation de remplir un certain nombre de fonctions, qui sont définies à l'article 12. Les alinéas a, c, d s'expliquent d'eux-mêmes; en revanche, l'alinéa 6 contient l'expression «pourvoir à l'établissement de mécanismes de surveillance et de contrôle ... » qui pourrait donner à penser que l'organisation elle-même devrait établir les mécanismes dont il s'agit. Pour prévenir une telle interprétation, le groupe de travail a rédigé la note explicative suivante : « La convention ne porte pas atteinte à la souveraineté des Etats qui coopèrent entre eux. H est évident qu'aucun Etat ne peut s'engager au delà des limites de ses pouvoirs constitutionnels. Il s'ensuit que dans chaque cas le mécanisme de surveillance et de contrôle sera créé par une décision des membres auxquels il doit s'appliquer. La décision devra évidemment être conforme aux exigences constitutionnelles du membre en question. » Les
développements pratiques des fonctions mentionnées dans cet article sont énumérés dans la résolution du comité de coopération économique sur les tâches de l'organisation. Il convient de relever que cette résolution n'est qu'une recommandation faite à l'organisation et que celle-ci n'est invitée à assumer certaines tâches déterminées que « dans toute la mesure possible ». Les tâches qui s'y trouvent définies couvrent les engagements contenus dans le titre premier « Obligations générales » afin de permettre à l'organisation d'atteindre l'objectif que les parties contractantes se sont assigné.

1131 Aux termes de l'article 13, alinéa a, l'organisation peut prendre des décisions que ses membres exécuteront. Cette disposition doit être examinée à la lumière de l'article 14 qui dispose, comme on l'a vu ci-dessus, que les décisions sont prises par accord mutuel de tous les membres. Cette construction rend manifeste que l'organisation ne peut prendre aucune initiative si l'un quelconque de ses membres ne donne pas son consentement. Autrement dit, l'organisation n'a pas une volonté indépendante de celle des membres, qui la composent.

Les alinéas 6 et c de cet article ne sont que des déductions de l'alinéa a, Ce point a été fixé dans un procès-verbal de séance du groupe de travail précisant que la négociation et la conclusion des accords prévus à l'alinéa 6 impliquent une décision de l'organisation. H en est de même pour les recommandations mentionnées à l'alinéa c.

La réglementation relative à la capacité juridique, aux privilèges et aux immunités (art. 22) de l'organisation fait l'objet du protocole additionnel numéro 1. La convention se borne à relever que l'organisation jouit sur le territoire de chacun de ses membres de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour exercer ses fonctions et pour atteindre ses buts. Ce protocole détermine l'étendue de cette capacité. Le protocole additionnel numéro 2 définit en détail le régime financier de l'organisation. La convention se borne à déclarer que le secrétaire général établit un budget annuel (art, 23) qui est soumis à l'approbation du conseil et que les dépenses de l'organisation sont supportées par ses membres.

L'organisation venant d'être créée, on ne peut encore se prononcer sur l'importance du secrétariat général et, par conséquent, sur le montant des dépenses qu'il nécessitera. Le barème des contributions des membres doit être élaboré par le conseil.

lies dispositions finales qui font l'objet du titre III ont trait à la ratification et à l'entrée en vigueur de la convention, à l'adhésion, à l'inexécution des obligations et aux communications des ratifications, adhésions et retraits. Le contenu de ces dispositions est très explicite et nous ne nous arrêterons que sur l'entrée en vigueur provisoire, l'inexécution des obligations et la durée de la convention.

L'application immédiate de la convention (art. 24), dès sa signature,
et à titre provisoire, s'imposait en raison de la nécessité dans laquelle se trouvaient les parties contractantes de se mettre sans délai à la première tâche qu'elles s'étaient assignée, à savoir: établir le programme commun de relèvement de l'Europe. La création de l'administration américaine de coopération économique prévue par la loi américaine sur l'aide à l'étranger du 3 avril 1948 ne fut pas non plus étrangère à cette mesure.

Les dispositions relatives à l'inexécution de ses obligations (art. 26) par un membre de l'organisation ont pour but de sauvegarder l'efficacité de celle-ci. En cas de défaillance de l'un des membres, les autres auront le

1132 droit de décider de poursuivre sans lui leur coopération, à la condition toutefois que le membre défaillant ne se soit pas conformé, dans un délai à convenir, à l'invitation de se soumettre aux dispositions de la convention.

H s'agit là d'un moyen de défense qui n'est pas dirigé contre le membre défaillant, mais qui vise à prévenir l'organisation contre une paralysie résultant de l'inobservation par l'une des parties contractantes des obligations découlant de la convention. Il va sans dire que la carence du membre défaillant devra engager celui-ci à donner tôt ou tard sa démission.

Pour clore cette analyse du contenu de la convention, nous jugeons utile d'en dégager les principes fondamentaux: Principe de la porte ouverte. La faculté d'adhérer à la convention (art. 25) est ouverte à tous les pays européens non-signataires. La seule réserve réside dans le fait que le conseil de l'organisation doit donner son accord à toute nouvelle adhésion. Cette réserve paraît absolument normale, puisque la convention comporte non seulement un accord multilatéral, qui émunère des engagements en quelque sorte cristallisés, mais également le principe d'une organisation qui est appelée à vivre et à évoluer ; il est logique, par conséquent, que ses membres puissent se prononcer sur l'admission d'un nouveau pays.

Caractère européen de l'organisation. Pour dissiper tout malentendu quant au caractère européen de l'activité qui sera déployée en vertu de la convention, on a souligné que le programme de relèvement grâce à l'aide extérieure, dont la paternité revient incontestablement au secrétaire d'Etat américain, n'est qu'une tâche immédiate de l'oiganisation. Bien plus, pour que ce programme ne soit pas considéré comme un prolongement de l'initiative américaine, mais qu'au contraire celle-ci apparaisse comme l'instrument premier de la réalisation du programme d'aide à l'Europe, on déclare tant dans le préambule que dans l'article 1 que l'objet du programme est précisément de permettre à l'édifice économique européen de se passer de l'échafaudage américain qui aura servi à sa construction.

Comme, pour limiter la coopération au plan strictement européen (art. 27), il était indispensable de la prévoir à longue échéance, on a jugé normal d'autoriser chaque pays à se retirer de l'entreprise commune, s'il le désirait,
par décision unilatérale, en donnant un préavis d'une année.

Coopération et souveraineté nationale. L'idée de coopération qui domine la convention ne porte atteinte en aucune manière au principe de la souveraineté nationale, l'organisation n'est qu'un cadre dans lequel l'unanimité se forme plus facilement. Elle ne jouit d'aucune autorité sui generis à l'égard de ses membres. Ce respect de la souveraineté nationale permet aux Etats signataires de s'engager non seulement à apporter leur contribution à une oeuvre commune, mais aussi, comme cela est prévu dans la convention, à accomplir spontanément certains efforts sur le plan national.

1133 On pouvait néanmoins se demander si, tout en ne renonçant à aucune parcelle de leur souveraineté, en faveur de l'organisation, les Etats membres ne la limitaient pas en fait d'avance par les engagements pris dans la convention. Il est vrai que les dispositions de celle-ci ont été adoptées à l'unanimité, mais les termes assez vagues dans lesquels elles sont rédigées pouvaient faire craindre que des différends s'élevassent ultérieurement entre les membres quant à la force obligatoire et à l'étendue des engagements souscrits. C'est pourquoi, il n'a pas été inutile d'insérer dans chacun des articles du titre premier une formule qui donnât à entendre que, tout en ayant manifesté leur volonté de s'orienter dans une direction générale donnée, les Etats membres comptaient bien que leur consentement mutuel serait nécessaire dès que ces obligations auraient pris une forme concrète.

Caractère démocratique. Le corollaire de cette règle du respect de la souveraineté nationale est le caractère démocratique de l'organisation.

C'est pourquoi on ne saurait se méprendre sur la nature du comité exécutif: il n'est qu'un organe propre à rendre plus expéditif le travail de l'organisation; de même cette dernière n'est qu'une institution favorisant la formation du consentement mutuel.

A plus forte raison, les autres organes, tels que le secrétariat général et les comités techniques, sont absolument subordonnés à l'autorité du conseil.

Souci d'éviter les conflits de compétence. Respectueuse de la souveraineté nationale des Etats membres, la convention l'est également des attributions des autres organisations internationales, avec lesquelles il ne doit pas y avoir de double emploi (art. 20).

III. POSITION DE LA SUISSE A L'ÉGARD DE LA RECONSTRUCTION ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE Quelle est la situation de la Suisse au sein de la communauté des seize pays européens ayant signé la convention? C'est une question que nous nous sommes posée avant de donner notre signature. Il fallait, pour y répondre, examiner nos relations avec les Etats-Unis d'Amérique par rapport à l'aide à l'Europe. Ainsi que nous l'avons relevé, l'organisation créée à Paris poursuit en effet un double but : d'une part, assurer la collaboration économique des pays européens -- but principal mais à long terme --, d'autre part, coordonner l'aide reçue de l'extérieur, but accessoire mais immédiat.

L'économie et les finances suisses sont saines, malgré le montant élevé de la dette publique. La monnaie est stable. Aucune restriction en matière de devises n'empêche l'importateur suisse de se procurer des marchandises à l'étranger contre paiement en francs suisses ou en une autre monnaie

1134 convertible. Les moyens de paiement que l'étranger accepte sans réserve peuvent être obtenus auprès de nos banques en quantité suffisante, sans restrictions, ceci en dépit du fait que la balance commerciale suisse a été passive de 1552 millions de francs en 1947 et de plus de 1219 millions de francs pour les six premiers mois de 1948. La réserve-or de la banque nationale suisse n'a pas fléchi et l'on peut même relever un afflux constant de dollars en relation avec le déblocage progressif des avoirs suisses aux Etats-Unis. Le déficit très élevé de la balance commerciale a donc été couvert par nos propres moyens et la balance des paiements paraît avoir été, et être encore, équilibrée, ce qui est dû, il faut le reconnaître, à un mouvement occasionnel de capitaux.

La Suisse n'a donc pas besoin d'une aide financière. Au contraire, elle a de sa propre initiative et dès la fin des hostilités cherché à contribuer, dans la mesure de ses moyens, à la reconstruction de l'Europe. Elle a conclu avec la plupart des Etats européens des accords relatifs aux échanges commerciaux et au règlement des paiements. Ces accords ont permis à ces pays de trouver en Suisse une partie appréciable de ce qui était nécessaire à la restauration de leur économie et, en leur permettant d'exporter leurs produits en Suisse, de se procurer des devises, dont ils avaient besoin.

La Suisse a, par ailleurs, accordé des facilités financières à plusieurs pays de l'Europe sous forme de crédits bancaires ou de crédits monétaires.

Enfin, elle a contribué à fonds perdus aux oeuvres de secours en faveur des populations civiles atteintes par la guerre. Ces prestations atteignent un montant total d'environ 2% milliards de francs suisses, ce qui représente une prestation de 532 francs par tête de population. C'est là un effort dont il faut reconnaître l'ampleur pour un pays aux ressources limitées.

Il nous paraît évident que cette importante contribution de la Suisse ne devra pas être perdue de vue lorsqu'il s'agira d'examiner sous quelle forme la Suisse pourra être amenée à collaborer à un assainissement du trafic des paiements ultra-européens. Il est en effet de l'intérêt des pays signataires de la convention de coopération économique européenne que la Suisse reste à l'avenir l'artisan, modeste mais actif, des échanges économiques
européens. Notre pays ne pourra cependant continuer à jouer ce rôle que s'il lui est possible de conserver une monnaie saine. Ceci dépend de deux facteurs avant tout: appréciation exacte des possibilités de contribution de la Suisse à l'effort de relèvement économique européen; travail assidu du peuple suisse tout entier.

L'« Economie Coopération Act 1948 » ne se borne cependant pas à une aide financière. Il prévoit des livraisons de marchandises provenant de l'hémisphère occidental, soit à titre gratuit, soit à titre de prêt, soit contre paiement en dollars. En vue d'exercer un contrôle général sur la destination des exportations des Etats-Unis vers l'Europe et en particulier afin de réserver aux pays européens participant à la convention

1135 de coopération économique européenne un certain nombre de marchandises, actuellement rares ou pouvant le devenir par suite de l'application du plan d'aide américaine, le gouvernement des Etats-Unis a remis en vigueur, le 1er mars 1948, une disposition légale l'autorisant à subordonner l'exportation de marchandises à la licence d'exportation. Ce régime s'étend en principe à toutes les catégories de marchandises. Toutefois certaines catégories ont été mises au bénéfice de licences générales d'exportation. En ce qui concerne les produits dont il y a encore pénurie sur le marché international -- les céréales, les huiles et graisses, les métaux ferreux et nonferreux intéressent plus spécialement la Suisse --, ils sont soumis à un contrôle particulièrement rigoureux.

Nous avons appris que le gouvernement américain considérait, à première vue, toute livraison de produits rares comme une aide aux pays membres de l'organisation de coopération économique européenne qui voudraient les importer. Nous contestons cette thèse sous cette forme générale.

Elle se justifie peut-être pour les pays qui désirent procéder sur le continent américain à des achats massifs de ces produits et moyennant des dollars empruntés ; mais on ne saurait l'appliquer à la Suisse, qui n'entend poursuivre ses achats que sur une base strictement commerciale, conformément au traité de commerce en vigueur. Soucieux de tirer au clair ce problème assez complexe, nous avons, d'entente avec le gouvernement américain, ouvert des négociations à Washington afin de déterminer la situation de la Suisse dans le cadre de l'aide américaine à l'Europe. Nous espérons régler cette question par un accord dans lequel il sera tenu compte de la position de notre pays au sein de la" communauté européenne.

Si, bien que la Suisse n'ait pas un intérêt direct et immédiat à l'aide apportée par les Etats-Unis à l'Europe, nous estimons devoir continuer à collaborer sur le plan économique européen dans le cadre de l'organisation créée à Paris, c'est en particulier pour les raisons suivantes: Situé au centre de l'Europe, notre pays ne saurait s'isoler économiquement ni se désintéresser des événements qui se déroulent à ses frontières.

Dans les limites de ses forces, qui sont modestes, il doit s'associer aux efforts qui s'accomplissent pour chercher à reconstruire
le continent et à créer, par cette reconstruction, un régime de compréhension réciproque, de stabilité et de paix. Notre statut de neutralité s'oppose à ce que nous participions à une alliance politique ouverte ou déguisée, mais il n'empêche pas -- et la solidarité, qui est le complément naturel de cette neutralité, nous le commande au contraire -- de prendre part au relèvement économique de l'Europe, Comme on l'a remarqué justement: «la Suisse semble avoir été comme destinée par sa situation géographique, et préparée par son passé, à remplir les devoirs internationaux qui sont de plus en plus liés à l'idée même de neutralité et la dépouillent du caractère de privilège égoïste dont elle paraît généralement entachée aux yeux des belligérants ».

1136 Nous avons déjà rappelé les réserves faites par la Suisse au moment où elle a accepté de participer à la conférence de Paris du 12 juillet 1947, à savoir : 1° Que sa collaboration ne soit pas incompatible avec son statut de neutralité ; 2° Que notre pays ne soit pas lié par des décisions affectant son économie qui n'auraient pas été prises d'entente avec lui; 3° Qu'il puisse maintenir les accords commerciaux qu'il a passés avec des Etats européens ne faisant pas partie de l'organisation créée à Paris et en conclure de nouveaux.

La collaboration économique européenne telle qu'elle est instituée par la convention que nous soumettons à votre approbation est-elle compatible avec ces réserves, qui restent entièrement valables ?

Le principe consacré par l'article 14 de la convention, selon lequel les décisions de l'organisation doivent être prises à l'unanimité (cf. page 1129 ci-dessus), satisfait à la deuxième réserve.

La convention ne contient aucune clause interdisant aux Etats membres de l'organisation de continuer ou d'engager des relations économiques avec des Etats non-membres. Au contraire, elle encourage l'établissement de relations économiques avec ces derniers, (cf. page 1127 ci-dessus). Il est ainsi satisfait à la troisième réserve.

Quant à la neutralité, les Etats européens qui ont décliné l'invitation à collaborer au relèvement économique du continent et se sont ainsi exclus de la coopération qui leur était proposée gardent, en vertu d'une disposition expresse de la convention, la possibilité de solliciter leur admission.

Certains des adversaires du plan d'aide américaine et de la coopération économique européenne soutiennent que le fait même de collaborer dans un cadre plus restreint que celui de l'universalité impliquerait le rattachement à un bloc politique. On veut opposer un bloc des pays de l'Europe occidentale à celui formé par les pays de l'Europe orientale. Or, une collaboration économique ayant un caractère régional est admise par la charte des Nations Unies elle-même. Elle est sans aucune relation avec la formation d'un bloc politique dirigé contre un Etat ou un ensemble d'Etats tiers.

Elle ne saurait même être assimilée à une alliance de caractère défensif.

En l'espèce, les termes parfaitement clairs de la convention, les débats, qui se sont déroulés ouvertement à
Paris et à Washington, permettent d'affirmer que, ni la convention elle-même, ni les rapports existant entre la coopération économique européenne et l'aide américaine n'ont créé des relations de caractère politique, soit entre les Etats européens intéressés, soit entre ceux-ci et les Etats-Unis. Si la Suisse ne peut que regretter que la coopération économique n'ait pu s'instaurer d'une manière plus large avec

1137 la participation de tous les Etats de l'Europe, l'attitude négative de certains de ces Etats ne saurait cependant avoir comme conséquence nécessaire une abstention de sa part, qui serait contraire à ses propres intérêts et qui, au surplus, l'empêcherait de collaborer à l'instauration d'une solidarité européenne sur le plan économique.

La coopération économique européenne a par ailleurs indiscutablement un aspect humanitaire. Dans certaines régions d'Europe dévastées par la guerre, nombre de personnes vivent encore dans des conditions tragiques et déprimantes, habitent dans des ruines et n'ont pas une nourriture suffisante pour leur permettre de travailler normalement. Il n'est pas douteux que, si les buts que propose la convention de coopération éconrmique européenne peuvent être atteints, les conditions d'existence des peuples européens, surtout de ceux qui ont souffert de la guerre, seront améliorées, et la paix sociale se raffermira à l'intérieur des pays. Ce sont là des résultats auxquels la Suisse, qui a le désir ardent de voir renaître la paix et la sécurité, ne saurait être indifférente. Si, par sa collaboration, elle peut contribuer à améliorer une situation qui ne saurait se prolonger sans exposer le monde à de nouveaux troubles, sa présence au sein de l'organisation de coopération économique européenne se justifierait déjà pleinement.

On doit relever encore que la solution du problème de l'incorporation de l'Allemagne dans l'économie européenne, qui n'a pas encore été trouvée, a des chances d'être facilitée par la création d'un organisme, au sein duquel les questions techniques seront discutées, sans que la question de l'avenir politique de l'Allemagne soit abordée. Le rétablissement de relations économiques normales avec ce pays est désirable non seulement dans l'intérêt de la Suisse, en tant qu'Etat limitrophe, mais aussi de l'Europe entière.

Il est difficile de prévoir aujourd'hui quels résultats la coopération économique européenne permettra d'atteindre. Les conséquences néfastes de l'autarcie économique sont connues: réduction des échanges internationaux, chômage, difficultés de transfert, arrêt du mouvement touristique.

Après les expériences faites pendant les années 1930 à 1939, il est naturel qu'on ait le désir d'éviter qu'elles se répètent. La Suiäse, qui vit du commerce
international, et dont la prospérité dépend de l'intensité de ses échanges économiques avec les autres pays, est directement intéressée à la solution des problèmes qui se posent actuellement. Ce n'est pas la première fois qu'on cherche à les résoudre sur le plan international -- il suffit de rappeler les différentes conférences économiques qui ont eu lieu sous les auspices de la Société des Nations et de l'Organisation des Nations Unies -- et la Suisse a toujours accepté d'étudier, avec les autres pays, les moyens propres à supprimer ou à atténuer les entraves apportées au commerce international. Ce n'est pas la première fois non plus qu'on essaie, sur un plan régional, de trouver les solutions de nature à faciliter les échanges de

1138

marchandises, de services et de touristes entre les pays intéressés. Tout en étant consciente des forces modestes dont elle dispose, et sans vouloir exagérer les possibilités pratiques d'apporter rapidement un remède à un état de choses indépendant de sa volonté, la Suisse est nécessairement intéressée à toute initiative visant au retour de méthodes moins rigides et restrictives. Quels que soient les résultats auxquels la coopération économique européenne aboutira en fin de compte, la politique de présence de la Suisse s'impose.

IV.

Nous vous proposons de nous autoriser à ratifier la convention de coopération économique européenne par l'adoption du projet d'arrêté ci-joint.

La convention pouvant être dénoncée en tout temps sur préavis d'une année, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 89, 4e alinéa, de la constitution concernant les traités internationaux soumis au referendum.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 20 août 1948.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Pour h préaident de la Confédération, Ed. de STEIGER Le vice-chancelier, Ch. OSER

1139 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant la convention de coopération économique européenne

L'Assemblée, fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 20 août 1948, arrête :

Article unique Le Conseil fédéral est autorisé à ratifier la convention de coopération économique européenne, signée à Paris le 16 avril 1948.

1140

ACTE FINAL de la Seconde Session du Comité de Coopération Economique Européenne

En vue de déterminer les formes de la coopération économique européenne projetée dans le Rapport général adopté le 22 septembre 1947 par le Comité de Coopération Economique Européenne, et notamment afin d'instituer l'Organisation envisagée au paragraphe 113 dudit Rapport, les Gouvernements de l'Autriche, de la Belgique, du Danemark, de la France, de la Grèce, de l'Irlande, de l'Islande, de l'Italie, du Luxembourg, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal, du Royaume-Uni, de la Suède, de la Suisse et de la Turquie, qui ont invité les Commandants-en-chef des Zones d'occupation en Allemagne de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis d'Amérique à participer à ces travaux; Ont entrepris le 15 mars 1948, à Paris, par l'entremise de leurs représentants, les travaux nécessaires à cet effet.

Ces travaux ont pris fin le 16 avril 1948 et ont abouti à l'élaboration des instruments suivants: 1. Convention de Coopération Economique Européenne; 2. Protocole additionnel n° I sur la capacité juridique, les privilèges et les immunités de l'Organisation Européenne de Coopération Economique; 3. Protocole additionnel n° II sur le régime financier de l'Organisation.

Les résolutions suivantes ont été également adoptées: 1. Résolution sur les tâches de l'Organisation; 2. Résolution sur les relations entre l'Organisation et le représentant spécial des Etats-Unis en Europe ; 3. Résolution sur le règlement intérieur de l'Organisation; 4. Résolution sur le financement du budget initial de l'Organisation; 5. Résolution sur le financement intérimaire de l'Organisation; 6. Résolution sur le statut du personnel de l'Organisation; 7. Résolution sur le lieu de la première réunion du Conseil de l'Organisation.

Tous les Gouvernements et Autorités mentionnés ci-dessus auront le droit de participer immédiatement aux travaux initiaux de l'Organisation dès la mise en application provisoire de la Convention prévue à l'article 246.

1141 Les signataires du présent Acte Final qui auront signé la Convention seront réputés Membres originaires de l'Organisation dès le dépôt de leur instrument de ratification.

En foi de quoi les Représentants des Gouvernements et Autorités susmentionnés ont signé le présent Acte.

Fait à Paris, le seize avril mil neuf cent quarante-huit, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui restera déposé aux Archives du Gouvernement de la République Française, qui en communiquera copie certifiée conforme à tous les autres signataires.

CONVENTION de Coopération Economique Européenne Les Gouvernements de l'Autriche, de la Belgique, du Danemark, de la France, de la Grèce, de l'Irlande, de l'Islande, de l'Italie, du Luxembourg, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal, du Royaume-Uni, de la Suède, de la puisse, do la Turquie et les Commandants en chef des Zones d'occupation en Allemagne de la Franco, du Royaume-Uni et des Etats-Unis d'Amérique : Considérant qu'une économie européenne forte et prospère est essentielle pour atteindre les buts des Nations Unies, sauvegarder les libertés individuelles, accroître le bien-être général et qu'elle contribuera au maintien de la paix; Reconnaissant que leurs économies sont interdépendantes et que la prospérité de chacune d'elles dépend de la prospérité de toutes; Estimant que seule une coopération étroite et durable des Parties Contractantes permet de restaurer et de maintenir la prospérité de l'Europe et de relever les ruines de la guerre ; Résolus à mettre en oeuvre les principes du rapport général du Comité de Coopération Economique Européenne et à atteindre les objectifs qu'il définit, notamment à établir rapidement des conditions économiques saines qui permettront aux Parties Contractantes de parvenir aussitôt que possible et de se maintenir à un niveau d'activité satisfaisant sans aide extérieure d'un caractère exceptionnel, ainsi que d'apporter leur pleine contribution à la stabilité économique du monde;

1142 Déterminés à conjuguer à ces fins leurs forces économiques, à s'entendre sur l'utilisation la plus complète de leurs capacités et de leurs possibilités particulières, à augmenter leur production, développer et moderniser leur équipement industriel et agricole, accroître leurs échanges, réduire progressivement les entraves à leur commerce mutuel, favoriser le plein emploi de la main-d'oeuvre, restaurer ou maintenir la stabilite de leurs économies ainsi que la confiance dans leurs devises nationales; Prenant acte, de la volonté généreuse du Peuple américain exprimée par les mesures prises pour apporter l'aide sans laquelle les objectifs assignés ne pourraient pleinement être atteints ; Décidés à créer les conditions et à établir les institutions nécessaires au succès de la coopération économique européenne et à l'usage efficace de l'aide américaine et à conclure une Convention à cette fin; Ont désigné les Plénipotentiaires soussignés, lesquels, après présentation de leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des dispositions suivantes: Article 1 Les Parties Contractantes conviennent de pratiquer une étroite coopération dans leurs relations économiques mutuelles.

Elles s'assignent comme tâche immédiate l'établissement et l'exécution d'un programme commun de relèvement. Ce programme aura pour objet de permettre aux Parties Contractantes de parvenir aussitôt que possible et de se maintenir à un niveau d'activité économique satisfaisant sans aide extérieure de caractère exceptionnel. A cet effet, le programme devra notamment tenir compte de leur besoin de développer dans toute la mesure du possible leurs exportations vers les pays non participants.

A ces fins, les Parties Contractantes s'engagent à remplir, par leurs efforts individuels et dans un esprit d'entr'aide, les obligations générales ci-après et instituent une Organisation Européenne de Coopération Economique, dénommée ci-dessous l'Organisation.

TITEE I OBLIGATIONS GÉNÉRALES Article 2 Les Parties Contractantes s'engagent à promouvoir avec énergie tant individuellement que collectivement le développement de la production, par l'utilisation des ressources dont elles disposent dans la Métropole comme dans les territoires d'Outre-mer et par la modernisation progressive

1143 de leur équipement et de leurs techniques, dans les conditions les mieux appropriées à la réalisation du programme commun de relèvement.

Article 3 Les Parties Contractantes établiront dans le cadre de l'Organisation, aussi souvent et pour autant que nécessaire, des programmes généraux de production et d'échanges de biens et de services, en prenant en considération les prévisions ou programmes de chacune d'elles et les conditions générales de l'économie mondiale.

Chaque Partie Contractante fera tous ses efforts pour assurer la réalisation de ces programmes généraux.

Article 4 Les Parties Contractantes développeront dans la plus large mesure possible et de façon concertée leurs échanges réciproques de biens et de services. Elles poursuivront à cet effet les efforts entrepris pour parvenir aussitôt que possible entre elles à un régime de payements multilatéraux et coopéreront pour atténuer les restrictions à leurs échanges et à leurs payements réciproques, en vue d'abolir dès que possible celles qui les entravent actuellement.

Dans l'application du présent article, les Parties Contractantes tiendront dûment compte de la nécessité, pour l'ensemble et pour chacune d'entre elles, de réduire ou d'éviter des déséquilibres excessifs dans leurs relations économiques et financières, tant entre elles que vis-à-vis des pays non participants.

Article 5 Les Parties Contractantes s'engagent à resserrer leurs liens économiques par tous les moyens qu'elles estimeront propres à réaliser les objectifs de la présente Convention. Elles poursuivront leurs études en cours sur les Unions douanières ou les régimes analogues tels que les zones de libreéchange, dont l'institution pourrait constituer un des moyens d'atteindre ces objectifs. Celles des Parties Contractantes qui ont déjà admis entre elles le principe d'une Union douanière en assureront l'établissement aussi rapidement que possible.

Article 6 Les Parties Contractantes coopéreront entre elles et avec les autres pays animés des mêmes intentions pour réduire les tarifs et autres obstacles à l'expansion des échanges, en vue de réaliser un régime multilatéral d'échanges viable et équilibré, conformément aux principes de la Charte de La Havane.

1144 Article 7 Chaque Partie Contractante, en tenant compte de la nécessité de maintenir ou d'atteindre un niveau élevé et stable dans le volume des échanges et de l'emploi et de prévenir ou combattre les dangers de l'inflation, prendra telles dispositions en son pouvoir afin d'instaurer ou de maintenir la stabilité de sa monnaie et l'équilibre de ses finances, ainsi qu'un taux de change approprié et, d'une manière générale, la confiance dans son système monétaire.

Article 8 Les Parties Contractantes utiliseront de la façon la plus complète et la plus rationnelle la main-d'oeuvre disponible.

Elles s'efforceront de réaliser le plein emploi de leur main-d'oeuvre nationale et pourront avoir recours à la main-d'oeuvre disponible dans le territoire de toute autre Partie Contractante. Pour ce dernier cas, elles prendront d'un commun accord les mesures nécessaires pour faciliter le mouvement et assurer l'établissement des travailleurs dans des conditions satisfaisantes au point de vue économique et social.

D'une manière générale, les Parties Contractantes coopéreront en vue de réduire progressivement les obstacles au libre mouvement des personnes.

Article 9 Les Parties Contractantes fourniront à l'Organisation toutes les informations que celle-ci pourrait leur demander en vue de faciliter l'accomplissement de ses tâches, TITRE II ORGANISATION Article 10 Membres Sont Membres de l'Organisation les Parties à la présente Convention.

Article 11 Objectif L'objectif de l'Organisation est la réalisation d'une économie européenne saine par la voie de la coopération économique de ses Membres. L'une des tâches immédiates de l'Organisation est d'assurer le succès du programme de relèvement européen, conformément aux engagements figurant au Titre I de la présente Convention.

1145 Article 12 Fonctions L'Organisation est chargée de remplir les fonctions suivantes dans les limites des pouvoirs qui lui sont ou pourraient lui être reconnus: a. élaborer et mettre en oeuvre, dans le domaine de l'action collective des Parties intéressées, les mesures nécessaires pour assurer la réalisation de l'objectif visé à l'Article 11 ; faciliter, susciter et coordonner l'action individuelle des Membres; b. faciliter et surveiller l'exécution de la présente Convention; prendre les mesures propres à assurer cette exécution: à cette fin, pourvoir à l'établissement de mécanismes de surveillance et de contrôle susceptibles d'assurer la meilleure utilisation, tant de l'aide extérieure que des ressources nationales ; c. fournir au Gouvernement des Etats-Unie l'aide et les informations à convenir, relatives à l'exécution du programme de relèvement européen, et lui adresser des recommandations; d. sur la demande des Parties intéressées, prêter son concours à la négociation des conventions internationales qui pourraient être nécessaires à la meilleure exécution du programme de relèvement européen.

L'Organisation pourra également assumer toute autre fonction dont il sera convenu.

Article 13 Pouvoirs En vue d'atteindre son objectif tel qu'il est défini à l'article 11, l'Organisation peut : a. prendre des décisions que les Membres exécuteront; b. conclure des accords avec ses Membres ou des pays non membres, avec le gouvernement des Etats-Unis et avec les organisations internationales; c. faire des recommandations au gouvernement des Etats-Unis, à d'autres gouvernements et aux organisations internationales.

Article 14 Décisions A moins que l'Organisation n'en décide autrement pour des cas spéciaux, les décisions sont prises par accord mutuel de tous les Membres.

Dès lors qu'un Membre déclare ne pas être intéressé à une question, son abstention ne fait pas obstacle aux décisions, qui sont obligatoires pour les autres Membres.

Feuille fédérale. 100e année. Vol. II.

77

1146 Article 15 Conseil a. Un Conseil composé de tous les Membres est l'organe duquel émanent toutes les décisions.

b. Le Conseil désigne chaque année parmi ses Membres un Président' et deux Vice-Présidents.

c. Le Conseil est assisté d'un Comité exécutif et d'un Secrétaire général.

Il peut créer tout Comité technique ou autre Organisme nécessaire à l'exercice des fonctions de l'Organisation. Tous ces organes sont responsables devant le Conseil.

Article 16 Comité exécutif a. Le Comité exécutif se compose de sept Membres désignés chaque année par le Conseil. H poursuit ses travaux conformément aux instructions et directives du Conseil, et il lui en rend compte.

6. Le Conseil désigne chaque année parmi les Membres du Comité exécutif, un Président et un Vice-Président. Il peut également désigner chaque année un Rapporteur général dont il précisera les fonctions.

c. Tout Membre de l'Organisation qui n'est pas représenté au Comité exécutif peut prendre part à toutes les discussions et décisions de ce Comité qui affectent en particulier les intérêts dudit Membre.

Les Membres de l'Organisation seront tenus informés des délibérations du Comité exécutif par la communication en temps utile des ordres du jour et des comptes rendus sommaires.

Article 17 Secrétaire général a. Le Secrétaire général est assisté d'un premier et d'un second Secrétaire général adjoint.

b. Le Secrétaire général et les Secrétaires généraux adj oints sont nommés par le Conseil. Le Secrétaire général est placé sous l'autorité du Conseil.

c. Le Secrétaire général assiste avec voix consultative aux séances du Conseil, du Comité exécutif, et, s'il y a lieu, aux séances des Comités techniques et des autres Organismes. Il peut s'y faire représenter. Il prépare les délibérations du Conseil et du Comité exécutif et assure l'exécution de leurs décisions conformément à leurs instructions et directives.

Les fonctions du Secrétaire général font l'objet de dispositions complémentaires figurant en Annexe à la présente Convention.

1147

Article 18 Secrétariat a. Le Secrétaire général nomme le personnel utile au fonctionnement de l'Organisation. La nomination du personnel de direction se fait sur avis conforme du Conseil. Le statut du personnel est soumis à l'approbation du Conseil; b. Etant donné le caractère international de l'Organisation, le Secrétaire général et le personnel ne solliciteront ni recevront de directives d'aucun des Membres de l'Organisation ni d'aucun gouvernement ou autorité extérieurs à l'Organisation.

Article 19 Comités Techniques et autres Organismes Les Comités techniques et les autres Organismes prévus à l'article 15 c, sont placés sous l'autorité du Conseil. Us sont composés des Membres les plus intéressés et organisent leur travail de telle sorte que les autres Membres intéressés puissent y participer s'il est nécessaire.

Article 20 Relations avec les autres Organisations Internationales a. L'Organisation établit avec les Nations Unies, leurs organes principaux, leurs organes subsidiaires et avec les institutions spécialisées toutes relations propres à assurer une collaboration conforme à leurs fins respectives.

Ò. L'Organisation peut également entretenir des relations avec d'autres organismes internationaux.

Article 21 Siège Le siège de l'Organisation sera fixé par le Conseil à sa première session.

Le Conseil, les différents Comités ou les autres Organismes peuvent se réunir en un lieu autre que le siège de l'Organisation, s'ils en décident ainsi.

Article 22 Capacité Juridique, Privilèges et Immunités a. L'Organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres, de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour exercer ses fonctions et pour atteindre ses buts, dans les conditions prévues par le Protocole additionnel n° I à la présente Convention.

1148

6. L'Organisation, ses fonctionnaires ainsi que les représentants de ses Membres bénéficient des privilèges et immunités définis dans le Protocole additionnel précité.

«·

Article 23 Régime Financier a. Le Secrétaire général soumet à l'approbation du Conseil un budget annuel et des comptes, établis conformément aux règles financières fixées par le Protocole additionnel n° II à la présente Convention.

b. L'année financière de l'Organisation commence le 1er juillet.

c. Les dépenses de l'Organisation sont supportées par les Membres et réparties conformément aux dispositions du Protocole additionnel précité.

TITEE

III

DISPOSITIONS FINALES Article 24 Ratification et entrée en vigueur a. La présente Convention sera ratifiée. Les instruments de ratification seront déposés près le Gouvernement de la République Française. La Convention entrera en vigueur dès que six au moins des signataires auront déposé leurs instruments de ratification. Pour tout signataire qui la ratifiera ultérieurement, la Convention entrera en vigueur dès le dépôt de l'instrument de ratification.

6. Toutefois, en attendant l'entrée en vigueur de la Convention dans les conditions prévues au paragraphe précédent, les signataires conviennent, afin d'éviter tout délai dans son exécution, de la mettre en application dès sa signature, à titre provisoire, et conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Article 25 Adhésion Dès le dépôt de dix instruments de ratification au moins, tout pays d'Europe non signataire pourra adhérer à la Convention par notification adressée au Gouvernement de la République Française, et avec l'accord du Conseil de l'Organisation. L'adbésion prendra effet à la date de cet accord.

1149 Article 26 Inexécution des Obligations Si l'un des Membres de l'Organisation cesse de remplir les obligations qui découlent de la présente Convention, il sera invité à se conformer aux dispositions de la Convention. Si ledit Membre ne se conformait pas à cette invitation dans le délai qui lui serait imparti, les autres Membres pourraient, par accord mutuel, décider de poursuivre sans lui leur coopération au sein de l'Organisation.

Article 27 Retrait Toute Partie Contractante pourra mettre fin, en ce qui la concerne, à l'application de la présente Convention, en donnant un préavis d'un an à cet effet au Gouvernement de la République Française.

Article 28 Communication des Ratifications, Adhésions et Retraits Dès la réception des instruments de ratification, d'adhésion ou de préavis de retrait, le Gouvernement de la République Française en donnera communication à toutes les Parties Contractantes et au Secrétaire général de l'Organisation.

ANNEXE DISPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES RELATIVES AUX PONCTIONS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL Les fonctions du Secrétaire général définies à l'article 17 font l'objet des dispositions complémentaires ci-dessous: 1. Il peut soumettre des propositions au Conseil et au Comité exécutif.

2. En accord avec les Présidents des Comités techniques, il prend toutes dispositions pour réunir ces Comités chaque fois que cela est nécessaire et pour en assurer le Secrétariat. Il leur communique, en tant que de besoin, les instructions du Conseil et du Comité exécutif.

3. Il suit les travaux des autres Organismes mentionnés à l'article 15 c et leur transmet, en tant que de besoin, les instructions du Conseil et du Comité exécutif.

4. Il prend, eu égard aux dispositions de l'article 20 et en accord avec les instructions du Conseil et du Comité exécutif, les mesures nécessaires pour assurer la liaison avec les autres organisations internationales.

uso 5. Il assume toutes les autres fonctions utiles à la bonne marche de l'Organisation, qui lui sont confiées par le Conseil ou par le Comité exécutif.

En foi de quoi les Plénipotentiaires soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention et y ont apposé leurs sceaux.

Fait à Paris, le 16 avril 1948, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui restera déposé aux Archives du Gouvernement de la République Française, qui en communiquera copie certifiée conforme à tous les autres signataires.

Protocole additionnel n° I à la Convention de Coopération Economique Européenne sur la Capacité Juridique, les Privilèges et les Immunités de l'Organisation Les Gouvernements et Autorités signataires de la Convention de Coopération Economique Européenne; Considérant qu'aux termes de l'Article 22 de la Convention, l'Organisation Européenne de Coopération Economique jouit sur le territoire de chacun de ses Membres de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour exercer ses fonctions et pour atteindre ses buts et que l'Organisation, ses fonctionnaires ainsi que les représentants de ses Membres bénéficient des privilèges et immunités définis dans un Protocole additionnel; Sont convenus de ce qui suit: TITRE I PERSONNALITÉ, CAPACITÉ Article 1 L'Organisation possède la personnalité juridique. Elle a la capacité de contracter, d'acquérir et aliéner des biens immobiliers et mobiliers et d'ester en justice.

TITRE II BIENS, FONDS ET AVOIRS Article 2 L'Organisation, ses biens et avoirs, quels que soient leur siège et leur détenteur, jouissent de l'immunité de juridiction, sauf dans la mesure où

USI

l'Organisation y a expressément renoncé dans un cas particulier. Il est toutefois entendu que la renonciation ne peut s'étendre à des mesures d'exécution.

Article 3 Les locaux de l'Organisation sont inviolables. Ses biens et avoirs, où qu'ils se trouvent et quel que soit leur détenteur, sont exempts de perquisition, réquisition, confiscation, expropriation ou de toute autre forme de contrainte executive, administrative, judiciaire ou législative.

Article 4 Les archives de l'Organisation et, d'une manière générale, tous les documents lui appartenant ou détenus par elle, sont inviolables où qu'ils se trouvent.

Article 5 Sans être astreinte à aucun contrôle, réglementation ou moratoire financiers : a. l'Organisation peut détenir des devises quelconques et avoir des comptes en n'importe quelle monnaie; b. l'Organisation peut transférer librement ses fonds, d'un pays dans un autre ou à l'intérieur d'un pays quelconque et convertir toutes devises détenues par elle en toute autre monnaie.

Article 6 L'Organisation, ses avoirs, revenus et autres biens sont: a. exonérés de tout impôt direct. Toutefois, l'Organisation ne demandera pas l'exonération d'impôts qui ne constituent que la simple rémunération de services d'utilité publique; b. exonérés de tous droits de douane et prohibitions et restrictions d'importation ou d'exportation pour son usage officiel. Il est entendu, toutefois, que les articles ainsi importés en franchise ne seront pas vendus sur le territoire du pays dans lequel ils auront été introduits, à moins que ce ne soit à des conditions agréées par le Gouvernement de ce pays; c. exonérés de tout droit de douane et de toutes prohibitions et restrictions d'importation et d'exportation à l'égard de ses publications.

Article 7 Bien que l'Organisation ne revendique pas, en principe, l'exonération des droits d'accise et des taxes à la vente entrant dans le prix des biens mobiliers ou immobiliers, cependant, quand elle effectue pour son usage officiel des achats importants dont le prix comprend des droits et taxes de cette nature, les Membres prendront, chaque fois qu'il leur sera possible,

1152 les dispositions administratives appropriées en vue de la remise ou du remboursement du montant de ces droits et taxes.

TITRE III FACILITÉS DE COMMUNICATIONS Article 8 L'Organisation bénéficiera sur le territoire de chaque Membre, pour ses communications officielles, d'un traitement au moins aussi favorable que le traitement accordé par lui à tout autre gouvernement, y compris sa mission diplomatique, en ce qui concerne les priorités, tarifs et taxes sur le courrier, les eâblogrammes, télégrammes, radio-télégrammes, téléphotos, communications téléphoniques et autres communications, ainsi que sur les tarifs de presse pour les informations à la presse et à la radio. La correspondance officielle et lés autres communications officielles de l'Organisation ne pourront être censurées.

TITRE IV REPRÉSENTATIONS DES MEMBRES Article 9 Les représentants des Membres auprès des organes principaux et subsidiaires de l'Organisation jouissent, durant l'exercice de leurs fonctions et au cours des voyages à destination ou en provenance du lieu de la réunion, des privilèges, immunités et facilités dont jouissent les agents diplomatiques de rang comparable.

Article 10 Ces privilèges, immunités et facilités sont accordés aux représentants des Membres, non à leur avantage personnel, mais dans le but d'assurer en toute indépendance l'exercice de leurs fonctions en rapport avec l'Organisation. Par conséquent, un Membre a non seulement le droit, mais le devoir de lever l'immunité de son représentant dans tous les cas où, à son avis, l'immunité empêcherait que justice soit faite et où elle peut être levée sans nuire au but pour lequel l'immunité est accordée.

Article 11 Les dispositions de l'article 9 ne sont pas applicables dans le cas d'un, représentant vis-à-vis des autorités de l'Etat dont il est ressortissant ou dont il est ou a été le représentant.

1153 Article 12 Au sens du présent titre, le terme « représentant » est considéré comme comprenant tous les délégués, suppléants, conseillers, experts techniques et secrétaires de délégation, TITRE V FONCTIONNAIRES Article 13 Le Secrétaire général déterminera les catégories de fonctionnaires auxquels s'appliquent les dispositions du présent titre, il en soumettra la liste au Conseil et en donnera ensuite communication à tous les Membres. Les noms des fonctionnaires compris dans ces catégories seront communiqués périodiquement aux Membres.

Article 14 Les fonctionnaires de l'Organisation: a. jouiront de l'immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux en leur qualité officielle ; ils continueront à bénéficier de cette immunité après la cessation de leurs fonctions; 6. jouiront, en ce qui concerne les traitements et émoluments versés par l'Organisation, des mêmes exonérations d'impôts que celles dont bénéficient les fonctionnaires des principales Organisations internationales et dans les mêmes conditions ; c. ne seront pas soumis, non plus que leurs conjoints et les membres de leur famille vivant à leur charge, aux dispositions limitant l'immigration et aux formalités d'enregistrement des étrangers; d. jouiront en ce qui concerne les facilités de change, des mêmes privilèges que les fonctionnaires d'un rang comparable appartenant aux missions diplomatiques auprès du Gouvernement; e. jouiront, ainsi que leurs conjoints et les membres de leur famille vivant à leur charge, des mêmes facilités de rapatriement que les membres des missions diplomatiques en période de crise internationale ; /. jouiront du droit d'importer en franchise leur mobilier et leurs effets à l'occasion de leur première prise de fonction dans le pays intéressé.

Article 15 Outre, les privilèges, immunités, exemptions et facilités prévus à l'article 14, le Secrétaire Général, tant en ce qui le concerne qu'en ce qui concerne son conjoint et ses enfants mineurs, jouira des privilèges, immunités, exemptions et facilités accordés, conformément au droit international, aux chefs de missions diplomatiques.

1154 Les Secrétaires Généraux adjoints jouiront des privilèges, immunités, exemptions et facilités accordés aux représentants diplomatiques de rang comparable.

Article 16 Les privilèges, immunités et facilités sont accordés aux fonctionnaires dans l'intérêt de l'Organisation et non à leur avantage personnel. Le Secrétaire Général pourra et devra lever l'immunité accordée à un fonctionnaire dans tous les cas où, à son avis, cette immunité empêcherait que justice soit faite et pourra être levée sans porter préjudice aux intérêts de l'Organisation. A l'égard du Secrétaire Général et des Secrétaires Généraux adjoints, le Conseil a qualité pour prononcer la levée des immunités.

Article 17 L'Organisation collaborera, en tout temps, avec les autorités compétentes des Membres en vue de faciliter la bonne administration de la justice, d'assurer l'observation des règlements de police et d'éviter tout abus auquel pourraient donner lieu les privilèges, immunités, exemptions et facilités énumérés dans le présent titre.

TITRE VI EXPERTS EN MISSION POUR L'ORGANISATION Article 18 Les experts (autre que les fonctionnaires visés au titre V), lorsqu'ils accomplissent des missions pour l'Organisation, jouissent, pendant la durée de cette mission, y compris le temps du voyage, des privilèges, immunités et facilités nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute indépendance, notamment de: a. l'immunité d'arrestation personnelle ou de détention et de saisie de leurs bagages; b. l'immunité de juridiction en ce qui concerne les actes accomplis par eux au cours de leurs missions; c. l'inviolabilité de tous papiers et documents.

Article 19 Les privilèges, immunités et facilités sont accordés aux experts dans l'intérêt de l'Organisation et non à leur avantage personnel. Le Secrétaire Général pourra et devra lever l'immunité accordée à un expert, dans tous les cas où, à son avis, cette immunité empêcherait que justice soit faite et où elle pourrait être levée sans porter préjudice aux intérêts de l'Organisation.

1155

TITRE

VII

ACCORDS COMPLÉMENTAIRES

Article 20 L'Organisation pourra conclure avec un ou plusieurs Membres des accords complémentaires, aménageant en ce qui concerne ce Membre ou ces Membres les dispositions du présent protocole.

En foi de quoi les Plénipotentiaires soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé le présent protocole.

Fait à Paris, ce 16 avril 1948, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui restera déposé aux Archives du Gouvernement de la République Française, qui en communiquera copie certifiée conforme à tous les autres signataires.

Protocole additionnel n° n à la Convention de Coopération Economique Européenne sur le Régime Financier de l'Organisation Les Gouvernements et les Autorités signataires de la Convention de Coopération Economique Européenne: Considérant que l'Article 23 de la Convention prévoit l'établissement d'un Protocole additionnel sur le régime financier de l'Organisation Européenne de Coopération Economique; Sont convenus de ce qui suit : Article 1 Budget Le Secrétaire général soumet au Conseil, pour examen et approbation, au plus tard le 1« mai de chaque armée, des prévisions détaillées de dépenses pour l'exercice budgétaire suivant.

Les prévisions de dépenses sont groupées par chapitres. Les virements de chapitre à chapitre sont interdits, sauf autorisation du Comité exécutif.

La forme précise du projet de budget est déterminée dans son détail par le Secrétaire général.

Les frais de voyage et les indemnités de séjour des représentants des Membres incombent normalement aux Membres. Le Conseil peut autoriser, dans certains cas, le remboursement des frais qu'aura entraînés, pour cer-

1156 tains représentants, l'accomplissement de missions spéciales dont ils auront été chargés par l'Organisation.

Article 2 Budget additionnel Si les circonstances l'exigent, le Conseil peut demander au Secrétaire général de présenter un budget additionnel. Le Secrétaire général soumet au Conseil une évaluation des dépenses qu'impliqué l'exécution de chacune des résolutions présentées au Conseil. Une résolution dont l'exécution entraîne des dépenses supplémentaires n'est considérée comme approuvée par le Conseil que lorsque celui-ci a également approuvé les prévisions de dépenses supplémentaires correspondantes.

Article 3 Commission du Budget Une Commission du Budget composée de représentants de Membres de l'Organisation sera créée par le Conseil. Avant de présenter le budget au Conseil, le Secrétaire général le soumet à cette Commission en vue d'un examen préalable.

Article 4 Base de calcul des Contributions Les dépenses budgétaires approuvées sont couvertes par les contributions des Membres de l'Organisation, conformément à un barème arrêté par le Conseil.

Le Secrétaire général informe les Membres du montant de leurs contributions et les invite a verser ces contributions à une date qu'il détermine.

Article 5 Monnaie adoptée pour le Payement des Contributions Le budget de l'Organisation est établi dans la monnaie du pays où l'Organisation a son siège; les contributions des Membres sont payables en cette monnaie.

Le Conseil peut toutefois inviter les Membres à payer une partie de leurs contributions en toute monnaie dont l'Organisation aura besoin pour accomplir ses tâches.

Article 6 Fonds de Roulement Jusqu'à la fixation et au versement des Contributions, le Conseil invitera les Membres à faire, chaque fois que cela sera nécessaire, des avances de

1157 fonds de roulement dans la monnaie ou les monnaies prévues pour le payement des contributions. Ces avances seront remboursées, au cours du même exercice budgétaire, par imputation sur les contributions de sommes correspondantes. Le montant des avances sera fixé d'après le critère employé pour le calcul des contributions elles-mêmes.

Article 7 Comptes et Vérifications Le Secrétaire général fait établir un compte exact de toutes les recettes et dépenses de l'Organisation.

Le Conseil désigne des commissaires aux comptes, dont le premier mandat est de trois ans et peut être renouvelé. Ces commissaires sont chargés d'examiner les comptes de l'Organisation, notamment en vue de certifier que les dépenses ont été conformes aux prévisions budgétaires.

Le Secrétaire général fournit aux commissaires aux comptes toutes les facilités dont ils peuvent avoir besoin dans l'accomplissement de leur tâche.

Article 8 Règlement Financier Le Secrétaire général soumet au Conseil, pour approbation, dans un délai aussi bref que possible après la création de l'Organisation, un règlement financier détaillé établi conformément aux principes énoncés au présent protocole et conçu de manière à assurer à l'Organisation une gestion financière saine et économique.

Article 9 Budget initial A titre exceptionnel, le Secrétaire général soumettra au Conseil, deux mois au plus tard après l'entrée en vigueur de la Convention, un budget initial couvrant la période allant de la date d'entrée en vigueur jusqu'au 30 juin 1949, ainsi que des propositions relatives au montant des avances de fonds de roulement.

En foi de quoi les Plénipotentiaires soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé le présent protocole.

Fait à Paris, le 16 avril 1948, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui restera déposé aux Archives du Gouvernement de la République Française, qui en communiquera copie certifiée conforme à tous les autres signataires.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la ratification de la convention de coopération économique européenne, signée à Paris le 16 avril 1943 (Du 20 août 1948)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1948

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

34

Cahier Numero Geschäftsnummer

5475

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

26.08.1948

Date Data Seite

1113-1157

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