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FEUILLE FÉDÉRALE 100e année

Berne, le 10 juin 1948

Volume II

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 23 francs par an; là francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs K.-J. Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral restreignant le droit de résilier un contrat de travail en cas de service militaire (Du 4 juin 1948)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un message et une proposition relatifs à un arrêté fédéral destiné à créer une base légale permettant de maintenir l'emploi civil des travailleurs accomplissant un service militaire.

I. HISTORIQUE 1. Restreindre par la loi la faculté de résilier un contrat de travail compte parmi les mesures les plus importantes de l'Etat pour protéger la situation matérielle des militaires appelés à servir. Les efforts entrepris à cette fin datent de 1904. Le message du Conseil fédéral du 6 mai 1910, concernant la revision de la loi du 23 mars 1877 sur le travail dans les fabriques, proposait d'introduire la disposition suivante : « La résiliation du contrat ne peut pas être prononcée pour cause d'exercice d'un droit constitutionnel, ou pour cause de service militaire suisse obligatoire, ou pendant une incapacité de travail ne dépassant pas quatre semaines, en tant qu'elle n'est pas imputable à l'ouvrier et provient d'accident ou de maladie. » Cette disposition ayant été désapprouvée par la commission du Conseil national, le Conseil fédéral retira sa proposition. Elle fut reprise au Conseil Feuille fédérale. 100e année. Vol. II.

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national, mais n'obtint pas l'agrément de la majorité. Toutefois, l'idée dont elle participait resta vivace et aboutit à faire introduire les prescriptions suivantes dans la loi du 18 juin 1914 sur le travail dans les fabriques (art. 23) : Le fabricant ne peut pas résilier le contrat de travail: a. Pendant une incapacité de travail provenant d'accident ou de maladie, si l'incapacité n'est pas imputable à l'ouvrier et aussi longtemps qu'elle n'a pas dépassé quatre semaines; 6. Pour cause de service militaire obligatoire à teneur de la législation fédérale.

A l'égard de l'ouvrier appelé à un tel service, le délai de congé est suspendu pendant la durée du service.

La revision du code des obligations de 1911 n'est pas allé aussi loin puisqu'elle n'a pas restreint le droit de résiliation proprement dit en cas de service militaire. L'article 352, 3e alinéa, de ce code prévoit seulement que le juge ne peut considérer, comme juste motif de résiliation anticipée, un service militaire obligatoire à teneur de la législation fédérale.

2. Lorsqu'éclata la première guerre mondiale et que l'armée suisse fut mobilisée, les ouvriers soumis à la loi sur le travail dans les fabriques étaient donc seuls à bénéficier d'un délai de congé normal ; les autres ouvriers mobilisés ne jouissaient point, en revanche, d'une telle protection. Il y avait bien, dans les unités militaires, des officiers des oeuvres sociales qui intervinrent en faveur de soldats congédiés. Mais il se révéla bien vite que, si la plupart des employeurs tenaient compte spontanément du service militaire, on n'obtenait pas grand'chose de ceux qui en faisaient abstraction car, faute d'une base légale, on invoquait simplement des principes moraux. Un service central des oeuvres sociales créé à l'état-major de l'armée ne put satisfaire entièrement à sa mission, bien qu'il eût ouvert en 1916 un bureau de placement très actif, car la situation économique des militaires exigeait une aide toujours plus vaste et réglée uniformément. Ce bureau fut incorporé à l'office fédéral du chômage quand la guerre eut pris fin.

Le conseiller national Hermann Obrecht, futur conseiller fédéral, déposa le 4 avril 1919 une motion tendant à l'établissement d'un bureau permanent, des oeuvres sociales de l'armée. Il écrivit notamment, dans un exposé détaillé : « Le soldat qui perd son emploi civil parce qu'il fait du service militaire doit recevoir aide et protection des oeuvres sociales de l'armée. » Sur quoi nous avons décidé (le 17 novembre 1920) de créer le bureau central des oeuvres sociales de l'armée, qui fut attribué, comme section, au service de l'état-major général du département militaire, 3. La deuxième guerre mondiale provoqua une innovation d'une importance politique énorme: le régime des allocations pour perte de salaire et de gain, que nous avons institué en vertu de nos pouvoirs extraordinaires (arrêtés du 20 décembre 1939 et du 14 juin 1940). Ce régime substituait

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un droit nouveau, et bien défini, à celui qui, auparavant, se fondait sur l'article 335 du code des obligations (en tant que cet article se rapporte au service militaire). La protection des travailleurs astreints au service militaire a d'ailleurs été l'objet de plusieurs postulats déposés au Conseil national peu avant le début de la dernière guerre et postérieurement à la mobilisation de l'armée (cf. FF 1940, 1275).

Le régime des allocations pour perte de salaire n'assurait toutefois pas au travailleur qu'il conserverait son emploi. H nous fallut donc prendre, le 5 juillet 1940, un arrêté tendant à faciliter le rengagement des travailleurs sortant du service militaire. Cette disposition devait remédier à l'encombrement soudain du marché du travail et au chômage accru survenus par suite du licenciement, en juillet 1940, de la majeure partie des troupes remobilisées au mois de mai précédent. Cet arrêté fut complété par celui du 13 août 1940 en vertu duquel les travailleurs sortant du service militaire actif pouvaient obtenir des indemnités de chômage ou des allocations de crise pendant les deux semaines suivant leur licenciement; le même avantage était accordé aux militaires ayant obtenu un congé pour chercher du travail.

Dans 1'entre-temps, une réglementation générale avait été préparée par le département de l'économie publique, qui avait consulté, à cet effet, les associations patronales et les associations ouvrières, ainsi que les gouvernements cantonaux. Considérant les travaux préparatoires accomplis et nous fondant sur nos pouvoirs extraordinaires, nous avons pris, le 13 septembre 1940, un arrêté protégeant les travailleurs astreints au service militaire (RO 66, 1555). Il est entré en vigueur le 20 du même mois et il a suspendu dans leurs effets l'article 23, lettre b, de la loi sur le travail dans les fabriques et, d'une manière générale, toutes les dispositions des lois, ordonnances et arrêtés en opposition avec lui ; il a maintenu, en revanche, l'applicabilité des articles 352 à 355 du code des obligations. H a, d'autre part, abrogé nos arrêtés des 5 juillet et 13 août 1940.

4. Nous avions envisagé de maintenir notre arrêté du 13 septembre 1940 en vigueur durant toute la mobilisation. Il est d'ailleurs resté inchangé jusqu'au 22 décembre 1944, où fut. abrogé son article 9, relatif à
l'assurancechômage et à l'aide extraordinaire de crise. Ses parties les plus importantes se sont trouvées dépourvues de leur base légale par suite- de l'abolition pr l'état de service actif. L'article 5 de notre arrêté du 3 août 1945 supdeimant cet état énumère les genres de service qui différaient des cours d instructions proprement dits, imposaient à l'armée des tâches connexes à la cessation des hostilités et qui, étant du service obligatoire spécial, permettaient de protéger la situation civile de ceux qui l'accomplissaient.

C'est en raison de ce changement que nous avons remanié, dans notre arrêté du 14 août 1945 (RO 61, 603), quelques dispositions de celui du

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13 septembre 1940. Les modifications intervenues, prises à la faveur de nos pouvoirs extraordinaires, sont encore en vigueur.

II. NÉCESSITÉ D'UNE RÉGLEMENTATION DE DROIT FÉDÉRAL Pareille nécessité ressort des considérations suivantes: -- En temps ordinaire et, a fortiori, en temps extraordinaire, des raisons sociales, politiques et militaires font qu'il est indispensable de protéger juridiquement un travailleur contre les réductions de salaire et le congédiement injustifié survenant à cause du service militaire.

-- La protection contre le congédiement de travailleurs astreints au service militaire, telle que le code des obligations la prévoit (art. 335 et 352, 3e al.), est insuffisante. La réglementation fondée sur nos pouvoirs extraordinaires s'est révélée bonne, en pratique et en général. II est vrai que son champ d'application s'est trop restreint depuis le 20 août 1945. Abstraction faite de cela, il y aurait lieu de l'introduire dans la législation ordinaire.

--' Seules quelques catégories de travailleurs sont visées par l'article 14, lettre c, de l'avant-projet d'une loi fédérale sur le travail dans le commerce et les arts et métiers et par l'article 23, lettre b, de la loi sur le travail dans les fabriques.

-- Il faut rechercher, par la voie législative, une solution durable qui garantisse d'un congédiement injustifié tout travailleur accomplissant dans l'armée suisse un service donnant droit à la solde, quel qu'il soit.

·--· Un moyen adéquat pour donner la protection envisagée serait de reviser les articles déjà cités du code des obligations, relatifs au contrat de travail. Mais une revision du droit qui régit le contrat de travail ne pourrait être limitée de la sorte, si bien qu'il faudrait probablement un temps considérable pour arriver à chef. Voilà pourquoi il est désirable d'arriver à une solution intermédiaire qui se substituerait à l'actuelle et qui, si l'expérience la révèle judicieuse, pourrait être reprise ultérieurement dans la législation ordinaire sur le contrat de travail.

Ces considérations démontrent clairement que seul un arrêté fédéral est susceptible de régler la question --· ne fût-ce qu'en raison des matières à ordonner. Pour agir avec certitude en l'occurrence, nous avons dressé, le 19 mars 1947, un projet d'arrêté fédéral provisoire et de portée générale,
c'est-à-dire soumis au referendum, destiné à servir de solution transitoire.

Après avoir requis, à ce sujet, l'appréciation des cantons et des associations centrales patronales et ouvrières intéressées, nous pouvons dire que nous n'avons rencontré aucune opposition de principe. Quelques

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réserves, il est vrai, ont été formulées: il serait superflu de protéger les travailleurs en question, eu égard à la conjoncture actuelle, à la pénurie chronique de main-d'oeuvre et à la réduction des obligations militaires.

Admettons que la situation économique actuelle fasse rarement naître un motif de congédiement; il n'en reste pas moins, en dépit de l'objection rapportée plus haut, que les contingences ne sont pas identiques en tous lieux et, surtout, qu'un état de choses dont la persistance est éminemment incertaine ne doit pas jouer un rôle déterminant pour une réglementation d'une assez longue durée.

L'étendue des obligations militaires a fortement diminué, comparativement à ce qu'elle fut pendant l'état de service actif. Néanmoins, on accomplit aujourd'hui des périodes de service militaire d'une longueur parfois considérable; en outre, le soldat qui perd son emploi au cours ou en raison d'un service de brève durée subit un gros préjudice.

III. LIGNES DIRECTIVES GÉNÉRALES DU PROJET 1. Il nous est toujours clairement apparu qu'il ne saurait être question de transporter simplement, dans la législation ordinaire, le texte de notre arrêté du 13 septembre 1940 protégeant les travailleurs astreints au service militaire. Cet arrêté contenait quelques dispositions qui étaient nécessaires pendant la guerre mais doivent être éliminées d'une réglementation permanente. Mentionnons en particulier celles qui, empiétant largement sur les attributions des cantons et des communes, avaient trait aux contestations par les corporations de droit civil et à la commande de travaux et de fournitures par lés corporations de droit public (articles 7 et 8). Notre projet revêt purement un caractère de droit civil; le droit public ne s'y mêle point, alors qu'il intervenait dans notre arrêté du 13 septembre 1940. Ce projet repose d'ailleurs exclusivement BUT l'article 64 de la constitution fédérale. Relevons à ce propos que certains cantons désirent précisément voir insérer dans le futur arrêté fédéral d,es dispositions assurant une procédure accélérée et peu coûteuse.

Le projet que nous vous soumettons ne reprend pas l'article 3 de notre arrêté, d'après lequel un travailleur engagé pour remplacer un militaire mobilisé pouvait être congédié à bref délai lorsque le militaire reprenait son emploi immédiatement après
avoir été démobilisé. H convient de laisser à l'employeur le soin de convenir avec des remplaçants, lors de leur engagement, d'un bref délai de congé, ce que d'ailleurs la loi permet sans plus.

L'article précité était adapté aux circonstances particulières du service actif, dont la durée des relèves était souvent inconnue d'avance.

2. Abstraction faite de ces quelques points, le projet ci-joint s'inspire de notre arrêté qui, dans ses grandes lignes et en général, s'est révélé bon.

Mais ce projet va plus loin que cet arrêté, et il l'améliore.

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Notons à ce propos qu'il n'est plus possible de subordonner la protection de l'emploi à la condition que le travailleur accomplisse du service actif ou un autre service militaire dérivant de celui-ci. Il a fallu trouver un autre motif justifiant cette protection; or, ce ne peut être que n'importe quel service militaire donnant droit à la solde, y compris le service complémentaire et celui de protection antiaérienne. Il ne serait pas juste que la protection accordée dépendît de l'accomplissement d'un genre déterminé de service militaire. Nous considérons que l'année est le peuple en armes: partant, il faut que tout citoyen accomplissant du service militaire donnant droit à la solde soit protégé dans son emploi civil.

Notre projet a pour fin, en outre, d'étendre la protection de l'emploi civil à l'employeur ou chef d'entreprise, aux conditions prévues à l'article 7.

Autrement dit, l'employeur ou chef d'entreprise appelé à faire du service militaire doit pouvoir invoquer, à l'égard de l'employé ou de l'ouvrier indispensable pour le remplacer durant ce service, les articles 2 et 4 du futur arrêté fédéral qui restreignent le droit de donner congé. Une tellx réglementation innove, mais sa pertinence devrait sauter aux yeux. La protection très limitée envisagée ici en. faveur de l'entreprise répond aue voeux de toute une série de cantons et d'employeurs. Elle n'outrepasse point le but de notre projet; bien au contraire, elle est conforme aux intérêts connexes des employeurs et des travailleurs. On ne saurait d'ailleurs prétendre qu'elle entrave à l'excès, à l'égard du salarié, la liberté du travail.

Il est un autre point où notre projet va plus loin que notre arrêté. Son article 2 pose en effet le principe que l'employeur ne saurait congédier son employé ou son ouvrier en raison du service militaire de ce dernier et que, s'il le fait, le congé sera nul. Sans doute ne faut-il pas s'attendre à une efficacité pratique absolue de l'interdiction faite à l'employeur de congédier un salarié pour cause de service militaire ; on sait du reste que le congédiement n'a pas besoin d'être motivé pour être valable. Mais le principe qui établit la nullité du congé signifié en raison d'un service militaire renforce comme il se doit la sécurité que donnent les dispositions prévoyant le maintien de l'emploi civil en cas
de servie militaire. On peut au surplus concevoir et même espérer que la jurisprudence déclarera également nuls les congés non motivés ou prétendument motivés par autre chose que le service militaire, lorsque des indices majeurs feront apparaître que ce service en est précisément la cause. Il est encore un autre nouveau principe, énoncé au 2e alinéa de l'article 4, en vertu duquel l'entrée d'un travailleur au service militaire suspend, pour la durée de ce service, le délai de congé notifié antérieurement; ce délai reprend son cours le lendemain du licenciement et il s'étend jusqu'au terme légal ou contractuel.

Cette innovation a pour but de permettre que le travailleur se rengage et que l'employeur le remplace à l'occasion d'un terme usuel.

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3. Nous avons déjà dit que notre projet relève exclusivement du droit privé. Ofj comme ses dispositions sont destinées à fournir une protection, les parties peuvent s'y soustraire, à des conditions déterminées, par une convention. Il s'ensuit que ce projet n'introduirait pas une réglementation rigoureuse, bien qu'il offre un caractère de protection. En le mettant sur pied, nous avons voué une attention particulière à son article 5, qui énumère les exceptions où le droit de congédier n'est pas restreint.

La limitation du droit de donner congé ne doit pas dépendre des prestations contractuelles ou bénévoles de l'employeur envers ses ouvriers ou employés durant leur service militaire. Ce principe est maintenu. Les dispositions prévues ont uniquement pour fin de conserver son emploi civil au travailleur, et non pas d'imposer des prestations à l'employeur en raison du service militaire que son personnel accomplit. Nous avons tenu à faire en sorte que, dans son ensemble, le futur arrêté fédéral ne pèse pas d'une manière insupportable sur" le patronat, et, partant, sur notre économie. Il ne faut pas que le travailleur accomplissant du service militaire soit injustement privilégié, de ce chef, dans sa situation civile. Mais les dispositions précitées n'imposent que des obligations supportables et, de plus, conformes aux besoins sociaux.

4. L'arrêté fédéral projeté devrait, nous l'avons vu, jouer un rôle transitoire: remplacer notre arrêté pris en vertu des pouvoirs extraordinaires et durer jusqu'à ce que les articles du code des obligations sur le contrat de travail soient revisés, mais en tout cas jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi sur le travail dans le commerce et les arts et métiers. Voilà pourquoi nous vous le proposons de préférence à une loi. C'est également la raison pour laquelle notre projet, se limitant à la réglementation qu'ébauchait notre propre arrêté, n'aborde pas et ne préjuge point le vaste problème que pose la réforme du droit de congédier.

Il était question de limiter la durée de validité du futur arrêté fédéral.

On est revenu de cette opinion après avoir considéré l'absence de tout élément précis qui permettrait de supputer cette durée.

Il va de soi que l'acceptation de notre projet augmenterait le nombre des prescriptions spéciales portant sur divers points d'une même matière.
Mais le futur arrêté fédéral, unique solution à envisager pour le moment, présente un caractère provisoire et sera bientôt remplacé, nous l'espérons, par une réglementation définitive.

IV. OBSERVATIONS Titre. Le futur arrêté fédéral a pour premier objet de protéger les conditions d'engagement du travailleur accomplissant du service militaire; mais il tend également à protéger, dans une certaine mesure, l'employeur

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astreint au service militaire. Comme le titre de notre propre arrêté n'exprime pas complètement ces intentions, il est indiqué de mentionner dans le titre du futur arrêté fédéral qu'il s'agit de restrictions apportées au droit de résilier un contrat de travail en cas de service militaire.

Ad article Jer. Le futur arrêté fédéral relève entièrement du droit civil.

Son champ d'application doit donc être délimité en conséquence, c'està-dire n'embrasser que des rapports de service fondés sur ce droit, à l'exclusion de ceux que régit le droit public (cf. art. 362, 1er al., CO). Il est toutefois possible et même probable que les administrations et les entreprises publiques appliqueront par analogie, à l'égard de leur personnel engagé autrement qu'à titre civil, les principes établis dans notre projet, dont le 1er alinéa figurait déjà, d'ailleurs, dans notre arrêté.

La spécification du service militaire, qu'on trouve à l'alinéa 2, est aussi large que possible. Il faut qu'il s'agisse en l'occurrence du service militaire pour lequel le travailleur peut être mis sur pied en vertu d'une disposition légale spéciale; il en est ainsi, par exemple, des écoles de recrues et de cadres, du service accompli en vue d'une promotion, des cours de répétition et des cours d'instruction. On ne fera en principe aucune distinction d'après le genre du service. Nous nous sommes abstenus d'employer l'expression « service militaire obligatoire », trop peu précise et de nature à induire en erreur.

Protéger l'emploi le plus largement et le mieux possible est un but qui répond à l'essence même de notre armée de milices et au fait que servir est une obligation constitutionnelle. On pourrait ajouter que la définition choisie est celle qui offrira le moins de difficulté dans l'application de l'arrêté.

Ad article 2. Nous nous référons à l'exposé qui précède.

Ad article 3. Cette disposition, contre laquelle aucune objection de principe n'a été formulée, s'inspire de l'article 1er, 2e alinéa, de notre arrêté.

Toutefois, l'employeur est expressément désigné comme le cocontractant soumis à une restriction dans l'exercice de ses droits ; ceci a pour corollaire que l'article 7 restreint, à l'égard de certains travailleurs, le droit de résilier.

Ad article 4. La règle énoncée au 1er alinéa est également reprise de notre arrêté, où nous
l'avions mise en évidence. L'alinéa 2, en revanche, est nouveau. Nous nous y sommes déjà référés.

Ad article 5. Les exceptions au droit de congédier sont les mêmes, en général, que celles de notre arrêté; mais quelques-unes ont été complétées.

Elles prévoient, par exemple, que les dispositions sur la protection de l'emploi ne s'appliquent pas lorsqu'il s'agit d'occupations saisonnières ou que

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l'engagement est intervenu pour l'exécution d'un travail déterminé (lettre a), ni quand cette protection a donné lieu à des abus manifestes, ni quand le contrat de travail a été résilié pour de justes motifs (lettres c et d). Ces dispositions donnent la garantie nécessaire pour que la protection de l'emploi ne soit accordée que là où elle se justifie.

L'article 1er, lettre b, de l'ancien arrêté du Conseil fédéral a été changé.

C'est ainsi que l'article 5, lettre 6, restreint expressément le droit de résiliation pour celui qui reprend un établissement.

Ad article 6. Il s'agit, ici encore, d'une règle qui figurait déjà dans notre arrêté. L'article 6 tend à empêcher que les interruptions de travail survenues en raison du service militaire ne soient déduites de la durée de l'engagement lorsque certains avantages, tels que des augmentations de salaire, des vacances ou des prestations d'institutions sociales dépendent de cette durée. De prime abord, cette disposition paraît aller très loin, si l'on songe au grand nombre de jours de service qui peuvent être accomplis en une année (école de recrues et service en vue d'une promotion). Mais, en revanche, un travailleur qui satisfait à ses obligations militaires, qui sert son pays, ne doit subir aucun préjudice, de ce chef, à l'égard d'un collègue qui ne fait pas de même.

Ad article 7. Cette disposition restreint la faculté de résilier pour le cas où l'employeur ou le gérant d'une entreprise fait du service militaire, alors que tous les autres articles ont pour base l'accomplissement de ce service par un employé ou un ouvrier. Il ne faut pas qu'un travailleur appelé à remplacer son chef pendant que ce dernier est au service militaire puisse donner congé de manière à paralyser l'entreprise qui l'occupe ou de façon à la mettre en difficultés. La restriction du droit de résilier étendue à ce cas (elle n'existait pas dans notre arrêté) ne doit cependant jouer que si le chef d'entreprise (ou bien le gérant d'une société ou d'une personne morale) est personnellement tenu d'accomplir du service militaire; elle s'apprécie d'après les articles 2 et 4. Le travailleur en question, appelé à remplacer son chef ou le gérant, n'a donc pas le droit de résilier son contrat de travail pendant le service militaire ni même au cours de la semaine qui suit le licenciement de
son chef ou du gérant ; le congé qu'il donnerait alors serait nul; l'entrée de l'employeur ou du gérant au service militaire suspend le délai de congé du travailleur appelé à le remplacer. Mais il va de soi, en revanche, que l'employeur accomplissant son service conserve la faculté de congédier son personnel. -- En ce cas, d'ailleurs, les exceptions de l'article 5 sont également réservées.

Ad article 8. Notre arrêté prévoyait que les parties pouvaient librement se soustraire aux restrictions du droit de résilier, moyennant qu'elles passent une convention pour fixer la fin de leurs rapports de service. Pareille faculté devrait être maintenue. Il se peut en effet, abstraction faite de l'article 5,

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qu'il soit justifié après coup d'atténuer ou de supprimer la protection spéciale relative à l'emploi. Ce pourrait être désirable, notamment, quant aux restrictions prévues en faveur de l'employeur. Voilà pourquoi cette possibilité est l'objet d'une disposition spéciale qui figure au 2e alinéa.

Nous nous permettons de vous recommander d'accepter le projet d'arrêté ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 4 juin 1948.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le, président de la Confédération, CELIO Le chancelier de la Confédération, LEIMGRUBER

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ARRÊTÉ FÉDÉRAL restreignant

le droit de résilier un contrat de travail en cas de service militaire

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 64 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 4 juin 1948, arrête :

Article premier 1

Les dispositions suivantes s'appliquent aux contrats de travail régis par le code des obligations ou par la loi sur le travail dans les fabriques (*).

* Est considéré comme service militaire, au sens du présent arrêté, tout service militaire suisse donnant droit à la solde, y compris le service complémentaire et le service dans la protection antiaérienne.

Art. 2 II est interdit à l'employeur de congédier un travailleur en raison du service que celui-ci doit accomplir. Le congé donné de ce chef est nul.

Art, 3 II est interdit à l'employeur de résilier le contrat de travail pendant que le travailleur est au service et durant les sept jours qui suivent son licenciement. Le congé donné en dépit de cette interdiction est nul.

Art. 4 1 Le délai de congé est suspendu par l'entrée du travailleur au service et pour la durée de ce service ; il reprend son cours le lendemain du licenciement.

(*) Ro 80, 539.

Champ d'application

Restrictions générales du droit de donner congé a. Pour cause de service b. Fendant le service

Suspension du délai de congé

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Exceptions

Imputation de la durée du service

Restrictions, en faveur de l'employeur, du droit de résiliation

Conventions entre parties

2 S'il y a lieu d'observer un terme de congé légal ou contractuel, tel que la fin d'un mois, ne coïncidant pas avec l'échéance du délai qui a été suspendu, ce délai se prolongera jusqu'au plus prochain terme de congé.

Art. 5 Les dispositions restreignant le droit de donner congé sont inapplicables : a. Quand l'échéance d'un contrat de travail ressort du but de celui-ci, notamment s'il s'agit d'un emploi saisonnier ou d'un engagement intervenu pour l'exécution d'un travail déterminé; b. Quand l'employeur se retire de son établissement ou doit en interrompre l'exploitation totalement ou partiellement. La restriction du droit de congédier lie cependant le tiers qui reprend l'établissement ; c. En cas d'abus manifeste de la protection de l'emploi; d. Si le contrat de travail peut être résilié prématurément pour de justes motifs (art. 352 et suivants du code des obligations).

Art. 6 La durée du service accompli par le travailleur s'ajoutera à celle de l'engagement si certains avantages dépendent de cette dernière.

Art. 7 Dans les entreprises appartenant à des personnes physiques, à une société simple, une société en nom collectif ou en commandite, le chef d'entreprise appelé à faire du service peut également invoquer les restrictions générales du droit de résilier, mais seulement à l'égard de l'ouvrier ou de l'employé chargé d'assumer ses fonctions pour la durée du service.

a S'il est appelé à faire du service, le chef d'une société en nom collectif, d'une société en commandite ou d'une personne morale peut invoquer ces restrictions, mais seulement à l'égard de l'employé ou de l'ouvrier chargé d'assumer ses fonctions pour la durée du service.

3 Les exceptions aux restrictions du droit de résilier s'appliquent également, cependant, en faveur du travailleur.

1

Art. 8 Les deux parties contractantes peuvent résilier prématurément le contrat de travail, en tout temps, par une convention.

1

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Elles peuvent également, par une convention et en tout temps, supprimer les restrictions du droit de résilier établies en faveur de l'employeur.

Art. 9 1 Le Conseil fédéral publiera le présent arrêté conformément à la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux.

a

II fixera l'entrée en vigueur du présent arrêté.

* L'article 23, lettre b, de la loi du 18 juin 1914/27 juin 1919 sur le travail dans les fabriques sera abrogé dès que le présent arrêté entrera en vigueur.

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Dispositions finales

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