# S T #

N °

4 5

7 0 9

FEUILLE FÉDÉRALE 100e année

# S T #

5522

Berne, le 11 novembre 1948

Volume III

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de l'article 39 de la constitution relatif à la banque nationale suisse (Du 5 novembre , 1948) Monsieur le Président et Messieurs, L'arrêté fédéral urgent du 21 décembre 1945 qui proroge une seconde fois le régime financier de 1939 à 1941 (régime financier de 1946 à 1949) a maintenu en vigueur jusqu'au 31 décembre 1949 le droit de nécessité, institué en matière financière. C'est par conséquent à la fin de 1949 que l'arrêté du Conseil fédéral du 27 septembre 1936 instituant des mesures monétaires (arrêté fondé sur le droit de nécessité) cessera ses effets. Le régime monétaire actuel de la Suisse sera alors privé de sa base légale.

Il faut donc qu'un nouveau fondement juridique de notre système monétaire soit créé jusqu'à cette époque, sous la forme de dispositions de la législation ordinaire.

L'arrêté du Conseil fédéral à remplacer règle trois choses différentes.

L'article 1er décrète le cours légal des billets de banque de la banque nationale suisse, en disposant que tout paiement fait au moyen de ces billets a force libératoire dans le pays. L'article 2 prévoit le cours forcé des billets en dispensant la banque nationale de l'obligation de rembourser ses billets ; mais il lui prescrit en même temps de maintenir leur couverture légale.

Enfin l'article 3 modifie la loi sur la monnaie en fixant une nouvelle, parité, qui est une parité mobile entre deux limites, puisqu'il oblige la banque nationale de maintenir le franc à une valeur-or comprise entre 190 et 215 milligrammes d'or fin, ce qui correspond à une dévaluation moyenne du franc de 30 pour cent.

Le cours forcé des billets et la nouvelle parité peuvent être maintenus par voie législative. En revanche, le maintien du cours légal des billets nécessite une revision de l'article 39 de la constitution. Aux termes du 6e alinéa de cet article, la Confédération ne peut en effet ordonner l'accepFeuille fédérale. 100e année. Vol. III.

47

710

tation obligatoire des billets de banque et de toute autre monnaie fiduciaire qu'en cas de nécessité en temps de guerre. Comme l'abolition du cours légal des billets de banque paraît impossible pour des raisons que nous développerons dans la suite, il faut tout d'abord modifier la disposition constitutionnelle susmentionnée.

Nous avons donc l'honneur de vous soumettre ci-joint un projet d'arrêté fédéral revisant l'article 39 de la constitution.

On peut se rendre compte de la nature des propositions que nous vous soumettons en comparant l'ancien et le nouveau texte de l'article 39 de la constitution: Ancien texte

Nouveau texte

Art. 39 Le droit d'émettre des billets de banque et toute autre monnaie fiduciaire appartient exclusivement à la Confédération.

La Confédération peut exercer le monopole des billets de banque au moyen d'une banque d'Etat placée sous une administration spéciale ou en concéder l'exercice, sous réserve du droit de rachat, à une banque centrale par actions à créer, qui serait administrée avec le concours et sous le contrôle de la Confédération.

La banque investie du monopole aura pour tâche principale de servir, en Suisse, de régulateur du marché de l'argent et de faciliter les opérations de paiement.

Le bénéfice net de la banque, déduction faite d'un intérêt ou d'un dividende équitable à servir au capital de dotation ou au capitalactions et après prélèvement des versements à opérer au fonds de réserve, revient au moins pour les deux tiers aux cantons.

La banque et ses succursales seront exemptes de tout impôt dans les cantons.

Art. 39 Le droit d'émettre des billets de banque et toute autre monnaie fiduciaire appartient exclusivement à la Confédération.

La Confédération peut exercer le monopole des billets de banque au moyen d'une banque d'Etat placée sous une administration spéciale ou en concéder l'exercice, sous réserve du droit de rachat, à une banque centrale par actions, administrée avec le concours et sous le contrôle de la Confédération.

La banque investie du monopole aura pour tâche principale de servir, en Suisse, de régulateur du marché de l'argent et de faciliter les opérations de paiement.

Le bénéfice de la banque, déduction faite d'un intérêt ou d'un dividende équitable à servir au capital de dotation ou au capital-actions et après prélèvement des versements à opérer au fonds de réserve, revient au moins pour les deux tiers aux cantons.

La banque et ses succursales seront exemptes de tout impôt dans les cantons.

71Ï

L'acceptation obligatoire des billets de banque et de toute autre monnaie fiduciaire ne pourra être décrétée par la Confédération qu'en cas de nécessité en temps de guerre, La législation fédérale édictera les dispositions relatives au siège de la banque, à ses bases, à son organisation et à l'exécution de cet article en général.

La Confédération peut décréter le cours légal des billets de banque et de toute autre monnaie fiduciaire.

Elle prescrit le maintien d'une couverture suffisante.

La législation fédérale édictera les dispositions relatives à l'exécution de cet article,

Les différentes dispositions du projet appellent les remarques suivantes:

1. LE MONOPOLE DES BILLETS DE LA CONFÉDÉRATION L'article 39 de la constitution, adopté en votation populaire le 18 octobre 1891, confère à la Confédération, qui n'avait jusqu'alors qu'un droit de surveillance sur l'émission des billets dans les cantons, le droit exclusif d'émettre des billets de banque et toute autre monnaie fiduciaire. Il a créé ainsi la base constitutionnelle .qui a permis de centraliser l'émission des billets et de substituer ce nouveau régime à l'émission de billets par plusieurs banques. Il est inutile de revenir sur les raisons qui justifient le monopole d'émission établi en dépit de vives résistances et qui a donné pleine satisfaction depuis plus de quarante ans. On ne saurait imaginer comment il eût été possible de s'acquitter des tâches d'ordre monétaire qui se sont posées depuis la première guerre mondiale si la politique en matière de monnaie et de crédit n'avait pas été soumise à une direction unique sur le terrain fédéral.

Le premier alinéa de l'article 39 peut donc demeurer inchangé.

2. LA BANQUE INVESTIE DU MONOPOLE D'ÉMISSION DES BILLETS Le 2e alinéa de l'article 39 confère à la Confédération le droit exclusif, d'émettre des billets de banque et d'exercer ce monopole au moyen d'une banque d'Etat placée sous une administration spéciale, ou d'en concéder l'exercice, sous réserve du droit de rachat, à une banque centrale par actions à créer, administrée avec son concours et placée sous sa surveillance. C'est au législateur fédéral qu'il appartient de choisir entre ces deux possibilités.

Un premier projet de créer une banque d'émission sous la forme d'une banque d'Etat pure ayant été rejeté en votation populaire après avoir fait l'objet d'une demande de referendum, la Confédération a fondé la banque nationale en lui donnant la forme d'une banque privée par actions.

Elle se réserva pourtant un droit de surveillance et d'intervention et

712

notamment des attributions concernant la nomination des organes d'administration et du personnel, ce qui imprime à la banque le caractère d'un établissement mixte, soumis dans une large mesure aux règles du droit public.

L'influence de l'Etat se fait sentir à plus d'un égard: les opérations, l'organisation et l'administration de la banque ne sont pas réglées par des statuts adoptés par les actionnaires; elles font l'objet d'une loi fédérale que le législateur peut modifier en tout temps. C'est le Conseil fédéral qui nomme la majorité des membres du conseil de banque et la direction de la banque. Un grand nombre d'actes administratifs doivent être soumis à son approbation (rapport et comptes annuels, règlements, etc.). Les billets de banque sont imprimés, livrés, retirés etdétruits sous le contrôle du département fédéral des finances et des douanes. En outre, la nécessité de régler l'activité de la banque nationale, comme la politique économique de l'Etat, sur les intérêts généraux de l'économie nationale assure un contact étroit et permanent entre la Confédération et les autorités de la banque d'émission.

La loi limite fortement l'influence des actionnaires. Hormis l'adoption du rapport et des comptes annuels et la décision réglant l'emploi du bénéfice net dans les limites des prescriptions de la loi sur la banque nationale, les attributions de l'assemblée générale des actionnaires se bornent à l'élection de 15 des 40 membres que compte le conseil de banque, à la nomination de la commission de contrôle, à la fixation, sous réserve d'approbation par les chambres fédérales, du montant du capital social, à la présentation aux autorités fédérales de propositions tendant à modifier la loi sur la banque nationale et, au plus tard une année avant l'expiration du privilège, à la résolution concernant le maintien ou la dissolution de la société. Ajoutons que la plus grande partie du capital-actions de la banque, exactement 54 pour cent, appartient aux cantons et aux banques cantonales. Les cantons et les banques cantonales sont privilégiés en matière de droit de vote, puisqu'ils peuvent jeter dans la balance autant de suffrages qu'ils détiennent d'actions, tandis qu'un actionnaire particulier ne peut jamais disposer de plus de cent voix pour ses propres actions et celles qu'il représente. Etant données
cette organisation du droit de vote et cette répartition des actions, l'influence des actionnaires dans les assemblées générales est fort réduite.

Les faits que nous venons d'énumérer montrent que l'organisation et le caractère de la banque nationale sont déterminés en premier lieu par les règles du droit public; les dispositions du droit privé n'ont qu'une signification secondaire. La forme juridique actuelle permet à la banque nationale de coopérer plus facilement avec l'économie privée; en outre, elle lui assure une indépendance et une autonomie qui peuvent lui être utiles dans son rôle de conseillère du Conseil fédéral. On est donc en droit de considérer cette forme juridique comme celle qui permet le mieux à notre banque d'émission d'accomplir les tâches qui lui sont assignées.

7L3

Cela étant, nous renonçons à proposer une modification de la forme juridique actuelle de la banque nationale. Et il y a encore moins de raisons de vouloir restreindre les possibilités que le 2e alinéa ouvre au législateur fédéral. En revanche, nous estimons qu'il importerait de mettre aupoint le texte de cet alinéa en tenant compte du fait que la banque centrale par actions existe déjà et qu'elle n'est donc plus à créer.

3. LES TÂCHES PRINCIPALES DE LA BANQUE CENTRALE D'ÉMISSION Aux termes du 3e alinéa de l'article constitutionnel, la banque d'émission a pour tâche principale de servir de régulateur du marché de l'argent et de faciliter les opérations de paiement. Le législateur prescrit les moyens dont la banque doit user à cet effet, en fixant son champ d'opérations.

Il était entendu, dès le début, que l'activité de la banque d'émission ne se bornerait pas uniquement à approvisionner le pays en moyens de paiement.

On attendait aussi qu'en pratiquant une politique appropriée, elle exerçât une influence sur le marché de l'argent; cette attente est plus clairement exprimée dans le texte français (servir, en Suisse, de régulateur du marché de l'argent); on comptait en outre qu'elle faciliterait les opérations des paiements non seulement dans le pays, mais aussi dans les transactions avec l'étranger.

Les tâches de la banque centrale ont augmenté avec les années. La politique monétaire notamment est devenue pour elle une tâche qui dépasse de beaucoup en importance les opérations classiques de l'institut d'émission: l'escompte et les avances contre nantissement. On eût donc pu se demander à juste titre s'il n'aurait pas fallu mentionner cette importante fonction dans la disposition constitutionnelle. Mais l'article 39 définit la tâche principale de la banque d'émission en termes si généraux qu'il est possible d'y inclure les mesures monétaires (à l'exception des modifications concernant la parité de la monnaie) lorsqu'on n'interprète pas trop étroitement ni trop littéralement cette disposition.

La manière dont la disposition constitutionnelle définit la tâche essentielle de la banque d'émission a l'avantage de ne pas gêner le législateur dans la délimitation du champ d'activité de la banque et de lui laisser la liberté nécessaire pour l'adapter aux circonstances nouvelles. Nous estimons donc inutile
de modifier l'alinéa 3 de l'article constitutionnel.

4. LA RÉPARTITION DU BÉNÉFICE NET OBTENU PAR LA BANQUE CENTRALE D'ÉMISSION Dans notre message du 22 janvier 1948 concernant la réforme constitutionnelle des finances de la Confédération (FF 1948,1,553), nous envisageons un nouveau mode de répartition du bénéfice net obtenu par la banque investie du monopole des billets; nous proposons qu'après déduction d'un

714

intérêt ou d'un dividende équitable à servir au capital-actions et après versement légal au fonds de réserves, ce bénéfice revienne entièrement à la Confédération et ne soit pas versé en partie aux cantons. Nous renonçons à revenir ici sur cette question, qui sera réglée lors de la réforme des finances de la Confédération.

5. L'IMPOSITION DE LA BANQUE CENTRALE D'ÉMISSION PAR LES CANTONS Les raisons invoquées autrefois pour exempter la banque d'émission de tout impôt cantonal sont demeurées valables. Il n'est donc pas nécessaire de modifier le 5e alinéa de l'article constitutionnel.

6. LE COURS LÉGAL DES BILLETS DE BANQUE C'est surtout la teneur du 6e alinéa de l'article 39 qui nous a engagés à proposer la revision de l'article constitutionnel. Suivant cet alinéa, l'acceptation obligatoire des billets de banque, en d'autres termes le cours légal des billets de banque, ne peut être décrété en temps normal. C'est seulement en cas de nécessité, en temps de guerre, que la Confédération a le droit de déroger à ce principe constitutionnel et d'imposer l'acceptation des billets de banque. Selon la disposition constitutionnelle en vigueur, le billet de banque n'a donc pas cours légal. Personne n'est tenu de l'accepter en paiement en temps normal. Du fait qu'il ne doit être obligatoirement reçu que par la banque nationale et par les caisses publiques, le billet a uniquement un « cours de caisse ». Il n'a pas la qualité de monnaie légale et n'est qu'un simple succédané de la monnaie.

C'est au début de la première guerre mondiale, en édictant l'arrêté du 30 juillet 1914, que le Conseil fédéral a usé pour la première fois du pouvoir de décréter le cours légal. Les billets ont conservé leur force libératoire illimitée jusqu'au 28 mars 1930. C'est à cette date seulement que le cours légal a été aboli par un arrêté du Conseil fédéral. Mais le Conseil fédéral dut le réintroduire six ans après, lors de la dévaluation de la monnaie, en édictant l'arrêté du 27 septembre 1936 instituant des mesures monétaires, arrêté qui est encore en vigueur.

A la fin de 1949, lorsque l'arrêté de dévaluation deviendra caduc, le billet de banque perdra sa qualité de moyen légal de paiement. Il s'agit donc de se demander si l'on peut renoncer ou non au cours légal des billets.

Si l'on entend le conserver, il sera nécessaire de
modifier la disposition de l'article 39 de la constitution ; le maintien du cours légal ne saurait en effet être fondé sur la constitution actuelle, car on ne peut plus parler aujourd'hui d'un cas de nécessité en temps de guerre.

Depuis la dévaluation de septembre 1936, les billets de banque de la banque nationale sont les seuls moyens de paiement légaux qui ont force

715

libératoire illimitée dans notre pays. La modification de la parité-or a pratiquement enlevé aux pièces d'or suisses leur caractère de monnaie.

Elles sont devenues une simple marchandise. C'est pourquoi l'abolition du cours légal priverait notre pays de tout moyen de paiement doté d'un pouvoir libératoire illimité. Il est vrai qu'on peut se demander si l'Etat ne devrait pas tarifer les monnaies d'or actuelles en prenant pour base la nouvelle valeur-or du franc ou bien en frapper et en émettre de nouvelles correspondant à la valeur-or du franc actuel. Mais, comme les conditions nécessaires à cet effet n'existent pas actuellement et continueront à faire défaut dans un proche avenir, il convient de maintenir le cours légal.

Il faut en outre considérer qu'en 1936, lors de la proclamation du cours légal, la banque nationale a été dispensée, comme ce fut déjà le cas en 1914, de l'obligation de rembourser ses billets; en d'autres termes, le cours forcé des billets a été décrété. Mais le cours forcé suppose l'existence du cours légal, sinon l'emploi du billet dans les opérations de paiement serait fortement restreint. Ainsi donc, il faut maintenir le cours légal tant que le cours forcé demeure en vigueur. Ce fait soulève la question de savoir si, après que l'arrêté de dévaluation aura cessé ses effets, il sera possible de renoncer au cours forcé, c'est-à-dire de rétablir le remboursement des billets, soit sous la forme d'avant 1936, soit d'une autre façon. Avant la dévaluation, la banque nationale était tenue de rembourser ses billets à sa convenance en monnaies d'or, en barres d'or ou en devises-or. Comme il n'y a plus aucun pays qui délivre de l'or aux particuliers et qu'il n'y a donc plus en fait une devise-or répondant à la définition donnée par la loi sur la banque nationale, cet établissement serait forcé de rembourser en tout temps ses billets en or après que l'arrêté de dévaluation aura cessé ses effets.

La réserve d'or considérable dont elle dispose actuellement permettrait à la banque nationale, au point de vue purement technique, de rembourser ses billets en or; elle pourrait d'autant plus facilement le faire qu'elle aurait la faculté de ne remettre que des barres d'or en échange de billets et d'imposer ainsi certaines limites aux demandes de remboursement. Mais une question beaucoup plus
importante demeure à résoudre: celle de savoir si les considérations de politique monétaire permettent d'envisager la cession d'or.

Dans les circonstances présentes, il ne saurait être question, notamment pour les deux raisons suivantes, de remettre l'or en circulation et de rembourser les billets en or. Le rôle effectif et naturel des pièces d'or est, de même que celui des billets de banque et des monnaies divisionnaires, de servir de moyen de paiement. Les expériences faites au cours de ces dernières années ont démontré qu'aujourd'hui on acquiert de l'or exclusivement en vue de le thésauriser ou de faire des gains illicites. Pratiquement, les monnaies d'or ne pourraient remplir leurs fonctions, car elles disparaîtraient immédiatement de la circulation. Tant que cet état de choses résultera d'une

716

répartition inégale des réserves mondiales d'or, il serait d'autant moins recommandable de mettre des pièces d'or en circulation ou de les échanger contre des billets de banque que la majeure partie de ces pièces passeraient à l'étranger. La deuxième raison principale pour laquelle une émission de monnaies d'or ne peut intervenir prochainement consiste dans le fait que la balance des paiements, qui a accusé un solde en notre faveur pendant la guerre, pourrait devenir tôt ou tard déficitaire. Cela obligerait la banque nationale à mettre une partie de ses réserves à contribution. Le maintien de nos disponibilités sur le plan international exige qu'on ne procède à aucune émission de pièces d'or, qui n'est du reste ni nécessaire ou désirable du point de vue économique.

La Suisse ne pourra donc revenir au régime de la libre circulation de l'or, ni reprendre le remboursement des billets tant que les conditions propres à ce régime n'auront pas été créées pour les autres monnaies maîtresses. Dans les circonstances actuelles, il ne saurait être question d'abroger le cours forcé. Il ne reste donc, comme nous" l'avons expliqué, qu'à maintenir également le cours légal des billets.

S'il est démontré que le billet ne saurait avoir cours forcé sans avoir simultanément cours légal, il n'est pourtant pas impossible que, remboursable ou non, il ait cours légal. Le fait que le billet de banque n'a normalement pas eu cours légal chez nous jusqu'à maintenant résulte de la signification et du caractère que ce moyen de paiement avait à l'époque où la disposition constitutionnelle en question a été élaborée. Les moyens de paiement alors les plus employés étaient les monnaies. Le billet n'était qu'un succédané de la monnaie, un simple signe monétaire. C'étaient les espèces métalliques et notamment les pièces d'or qui étaient considérées comme monnaies proprement dites. Avec l'écu de cinq francs elles avaient pouvoir libératoire illimité et, selon les idées de l'époque, elles devaient ce pouvoir moins à la loi qu'à l'équivalence entre Jeur valeur nominale et leur valeur-or. En revanche, le billet de banque n'a pas, comme le métal, une valeur intrinsèque; sa valeur ne résulte que du fait qu'il peut être échangé en tout temps contre de l'or et de la rigueur des prescriptions régissant sa couverture.

Depuis 1914, année où
le cours légal a été décrété pour la première fois, un changement décisif s'est produit aussi bien dans l'emploi du billet de banque que dans les idées que le public se fait de ce moyen de paiement.

Cette transformation a commencé au cours de la première guerre mondiale ; l'or ayant disparu de la circulation, le public s'est familiarisé plus facilement avec l'emploi du billet. -Mais cette évolution a surtout été favorisée par les besoins financiers toujours plus grands de l'économie et de l'Etat et par les changements survenus dans les méthodes de règlement. Le billet est aujourd'hui l'instrument de paiement le plus employé. De succédané de la monnaie qu'il était à l'origine il est devenu d'abord en fait, et en droit depuis 1930,

717

après la suspension dans tous les pays de l'obligation de le rembourser, un moyen de paiement reconnu par l'Etat.

Indépendamment de la question de savoir si le remboursement des billets doit subsister, il est donc nécessaire de modifier la constitution de manière que le cours légal puisse être décrété en tout temps, et non seulement en cas de nécessité en temps de guerre. Cette réforme serait la reconnaissance logique de l'évolution que nous venons de retracer et la consécration d'un état de choses qui existe aujourd'hui dans tous les pays. Elle réaliserait aussi une idée que le Conseil fédéral avait déjà émise lors de la revision partielle de la loi sur la banque nationale en faisant observer, dans son message du 8 octobre 1929, « qu'en principe notre billet de banque devrait lui aussi avoir cours légal ». Si l'on a renoncé à cette époque-là à prévoir le cours légal des billets dans le droit constitutionnel, c'est pour éviter le retard qu'une modification de la constitution eût apporté à la revision partielle de la loi sur la banque nationale.

En 1936, comme en 1914, le Conseil fédéral, en décrétant le cours légal et le cours forcé des billets de banque, a obligé la banque à maintenir la couverture légale des billets. S'il convient donc d'édicter une disposition constitutionnelle qui investisse la Confédération du droit de décréter en tout temps l'acceptation obligatoire des billets de banque, il importe que la constitution oblige simultanément le législateur à prescrire le maintien d'une couverture légale suffisante. Cette prescription serait valable non seulement pour les billets de banque, mais aussi pour toutes les autres monnaies fiduciaires analogues émises directement par l'Etat, telles que celles qu'il a créées pendant la première guerre mondiale (bons de caisse de la Confédération et bons de la caisse fédérale de prêts). Donner cette garantie aux porteurs de billets renforcerait la solidité du système monétaire.

La réglementation des autres questions en rapport avec l'émission des billets de banque (genre et étendue de la couverture, remboursement ou non-remboursement et retrait des billets) doit être réservée, comme jusqu'ici, à la législation fédérale.

Nous fondant sur l'exposé ci-dessus, nous vous proposons de modifier comme suit le 6e alinéa de l'article 39 de la constitution: La Confédération peut décréter le cours légal des billets de banque et de toute autre monnaie fiduciaire. Elle prescrit le maintien d'une couverture suffisante.

7. EXÉCUTION DE LA DISPOSITION CONSTITUTIONNELLE Aux termes du 7e alinéa de l'article 39 de la constitution, la législation fédérale édictera les dispositions relatives au siège de la banque, à ses bases, à son organisation et à l'exécution de cet article en général. Nous estimons

718

que, sans porter aucunement atteinte à la teneur de cette prescription, on pourrait l'abréger en ne conservant que la phrase: la législation édicté les dispositions relatives à l'exécution de cet article.

Nous fondant sur ce qui précède, nous avons l'honneur de vous recommander d'approuver le projet d'arrêté fédéral revisant l'article 39 de la constitution fédérale et vous prions d'agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 5 novembre 1948.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le. président de la Confédération, CELIO 7291

Le chancelier de la Confédération, LEIMGBUBEB

719 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL revisant l'article 39 de la constitution relatif à la banque nationale suisse

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 85, chiffre 14, 118 et 121, 1er alinéa, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 5 novembre 1948, arrête : Article premier L'article 39 de la constitution'fédérale est abrogé et remplacé par la disposition suivante: Art. 39. * Le droit d'émettre des billets de banque et toute autre monnaie fiduciaire appartient exclusivement à la Confédération.

2 La Confédération peut exercer le monopole des billets de banque au moyen d'une banque d'Etat placée sous une administration spéciale, ou en concéder l'exercice, sous réserve du droit de rachat, à une banque centrale par actions administrée avec le concours et sous le contrôle de la Confédération.

3

La banque investie du monopole aura pour tâche principale de servir, en Suisse, de régulateur du marché de l'argent et de faciliter les opérations de paiement.

* Le bénéfice net de la banque, déduction faite d'un intérêt ou d'un dividende équitable à servir au capital de dotation ou au capitalactions et après prélèvement des versements à opérer au fonds de réserve, revient au moins pour les deux tiers aux cantons.

5 La banque et ses succursales sont exemptes de tout impôt dans les cantons.

720 8

La Confédération peut décréter le cours légal des billets de banque et de toute autre monnaie fiduciaire. Elle prescrit le maintien d'une couverture suffisante.

7 La législation fédérale édicté les dispositions relatives à l'exécution de cet article.

Art. 2 Le présent arrêté sera soumis à la votation du peuple et des cantons.

Le Conseil fédéral est chargé d'en assurer l'exécution.

7291

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de l'article 39 de la constitution relatif à la banque nationale suisse (Du 5 novembre 1948)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1948

Année Anno Band

3

Volume Volume Heft

45

Cahier Numero Geschäftsnummer

5522

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

11.11.1948

Date Data Seite

709-720

Page Pagina Ref. No

10 091 327

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.