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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblèe fédérale à l'appui d'an arrêté fédéral concernant l'office fédéral de conciliation chargé d'aplanir des conflits collectifs du travail (Du 25 juin 1948)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre ci-joint le projet d'un arrêté fédéral concernant l'office fédéral de conciliation chargé d'aplanir des conflits collectifs du travail, et, à ce propos, de vous exposer ce qui suit: I. ÉVOLUTION ET ORGANISATION DES OFFICES PUBLICS DE CONCILIATION 1. Dans notre message du 6 mai 1910 *) concernant la revision de la loi sur le travail dans les fabriques, nous vous avons proposé de prescrire la création d'offices de conciliation appelés à connaître des conflits collectifs surgissant dans les fabriques et relatifs au contrat de travail. Il en résulta l'introduction dans ladite loi, d'un article 30 qui oblige les cantons à instituer des offices de conciliation, en vue de régler à l'amiable les litiges collectifs qui, opposant des fabricants à des ouvriers, portent sur les conditions de travail. Les cantons se conformèrent à cette disposition et, qui plus est, donnèrent presque tous à leurs offices de conciliation le pouvoir de vider les différends qui, nés dans des établissements non assujettis à la loi sur les fabriques, pourraient entraîner des dommages économiques considérables ; ils évitèrent ainsi que les offices en question, faute de compétence, laissent suivre leur cours aux conflits hors fabriques. Nous avons vu cette évolution d'un bon oeil et l'avons encouragée durant les deux guerres mondiales, grâce à nos pouvoirsextraordinaires),¨, en permettant *) FF 1910, IV, 113.

**) ACF du 1er février 1918, RO 34, 189 et ACF du 5 avril 1943, RO 69, 275.

752 aux gouvernements cantonaux d'englober dans le ressort de leurs offices de conciliation, en vertu des articles 30 et suivants de la loi sur les fabriques, les différends affectant des établissements non soumis à cette loi. En outre, le département de l'économie publique fut autorisé à inviter les cantons -- mais il n'eut pas lieu de le faire -- à prendre des mesures à cet effet, en tant que les circonstances l'exigeraient. Aujourd'hui, les offices de conciliation cantonaux peuvent se saisir, à de rares exceptions près, de tous les conflits collectifs affectant les groupements économiques et ne débordant pas les frontières d'un canton.

Les chiffres ci-dessous donnent un aperçu de l'activité déployée, au cours des deux dernières décennies, par les offices de conciliation cantonaux, II en ressort que les cas traités par ceux-ci ont fortement augmenté en nombre, depuis quelques années, et qu'ils aboutirent, à raison de 80 pour cent, à des arrangements.

Activité des offices de conciliation cantonaux de 1937 à 1947 *****

_

, ...

CM traiWs

Aiiangements (en Dour-ccnt des cas traités)

1927 125 72 1930 176 73 1935 120 75 1940 130 88 1941 175 89 1942 230 86 1943 .

240 90 1944 217 89 1945 354 88 1946 385 88 1947 360 81 Durant la période considérée, ces offices ont été saisis de 4025 cas. Comme le démontre le tableau suivant, leur activité a touché, dans des proportions à peu près égales, à des branches économiques de caractère industriel et à des branches économiques dont les établissements ne sont point soumis à la loi sur les fabriques, ou n'y sont assujettis qu'en très petit nombre (industrie du bois, industrie du bâtiment, commerce).

Nombre de cas traités par les offices de conciliation cantonaux de 1927 à 1947 (classement par branche économique) Industrie du coton Industrie de la soie et de la rayonne Industrie de la laine

· · · A reporter

92 70 _§ 170

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Report 170 Industrie du lin.

3 Industrie de la broderie 14 Autres industries textiles 116 Fabrication de vêtements et d'objets d'équipement 217 Produits alimentaires et articles de consommation 277 Industrie chimique 75 Usines de production et de distribution d'eau, de gaz et d'électricité 27 Industrie du papier, du cuir et du caoutchouc 138 Arts graphiques 40 Industrie du bois 516 Production et mise en oeuvre de métaux 228 Fabrication de machines, appareils et instruments 274 Horlogerie et bijouterie 66 Industrie des terres et des pierres 256 Industrie du bâtiment 985 Commerce, transport et communications 327 Auttes groupements économiques 296 Total 4025 2. Les offices de conciliation ne sont pas organisés, sur le plan fédéral, de la même manière que dans les cantons. La commission d'experts chargée de préparer la revision de la loi de 1914 sur les fabriques a considéré qu'il incombe naturellement à la Confédération de régler les conflits collectifs du travail débordant les limites d'un canton. Cet avis est exprimé par l'article 32 de la loi actuelle, qui dit : En cas de conflit s'étendant au delà des limites d'un canton, le Conseil fédéral nomme l'office de conciliation. Il peut aussi charger un office cantonal de la conciliation.

Cet article, accepté sans opposition par les chambres et souvent appliqué depuis le 1er avril 1918, jour où il entra en vigueur, n'a donné lieu à aucune critique.

On s'est abstenu, jusqu'à présent, de régler la procédure devant l'office fédéral de conciliation appelé à statuer sur les conflits collectifs survenant dans les fabriques. L'absence d'une réglementation n'a toutefois guère provoqué d'inconvénients dignes d'être mentionnés, parce que la maj orité des litiges furent déférés à des offices cantonaux qui, érigés en organes intercantonaux, usèrent de la procédure cantonale. L'institution d'un office intercantonal de conciliation fut requise trente et une fois depuis 1920 et, à vingt-six reprises, le pouvoir de s'entremettre fut délégué à un office cantonal ou à un organe neutre (société fiduciaire de la broderie).

Nous avons déjà signalé que, sur le terrain cantonal, les conflits hors fabriques se révélèrent aussi fréquents que dans l'industrie. Il en fut à peu

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près de même sur le plan fédéral. Aussi le département de l'économie publique se vit-il souvent obligé, par suite des requêtes d'intéressés, de créer des organes de conciliation spéciaux. Il n'existait cependant aucune base légale permettant d'instituer des offices fédéraux ad hoc appelés à connaître des conflits hors fabriques, et leur procédure n'était pas réglée davantage que celle des autres offices de conciliation.

La deuxième guerre mondiale ayant éclaté, l'équilibre des prix et des salaires se rompit. Vu la tension de la politique internationale, il était indispensable de veiller de près à résoudre paisiblement les fluctuations de salaire suscitées par renchérissement. C'est alors que se révéla, comme une lacune particulièrement regrettable, l'absence de pouvoirs permettant aux autorités fédérales de s'entremettre dans les conflits collectifs du travail qui débordaient les limites d'un canton et affectaient d'autres branches que l'industrie. Cette circonstance explique pourquoi nous avons, en vertu de nos pouvoirs extraordinaires, pris l'arrêté du 24 mai 1940 concernant l'aplanissement des conflits collectifs du travail*). Cet arrêté, encore en vigueur, autorise le département de l'économie publique à faire appel, à la demande d'intéressés, a un office fédéral de conciliation chargé d'aplanir les conflits collectifs concernant les salaires et autres conditions du travail.

H constitue une base à la faveur de laquelle furent traités dix cas, dont sept aboutirent à un arrangement.

II. NÉCESSITÉ D'INTRODUIRE UN ARRÊTÉ FÉDÉRAL INSTITUANT UN OFFICE FÉDÉRAL DE CONCILIATION Voici les raisons principales qui -nous incitent à vous soumettre le projet d'un arrêté fédéral donnant à la Confédération la compétence d'intervenir dans les conflits collectifs qui débordent les limites d'un canton et affectent d'autres établissements que les fabriques: 1. La réglementation actuelle repose, nous l'avons dit, sur un arrêté, pris en vertu des pouvoirs extraordinaires. Ce dernier pourrait être abrogé, ce qui réduirait, conformément au voeu général, le nombre des dispositions de cette sorte. Cet arrêté, d'ailleurs tout à fait rudimentairo, ne règle les principes ni de l'organisation, ni de la procédure de l'office fédéral de conciliation, si bien qu'il serait inopportun de le maintenir. C'est par la voie de la
législation ordinaire que la Confédération doit être investie du pouvoir de s'entremettre dans les conflits collectifs hors fabriques et débordant les frontières d'un canton. L'article 34
(*) RO 56, 551.

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2. Rappelons qu'entre les deux guerres, puis postérieurement à l'adoption de notre arrêté du 24 mai 1940, la Confédération fut sollicitée maintes fois de s'entremettre dans des conflits hors fabriques. Cela prouve le besoin de remanier nos dispositions en matière de conciliation. Si nous étions formalistes, nous aurions repoussé les requêtes auxquelles nous venons de parler, faute d'une base légale permettant de les accueillir. Mais si les intéressés, ni la population n'auraient compris un tel refus, et ils ne l'admettraient pas davantage à l'avenir.

Reprenons ici les propos, toujours actuels, qu'a tenus en 1907 la souscommission chargée de discuter la revision de la loi sur les fabriques*): Ils (les conflits sooiaux) causent aux intéressés des deux parties des dommages économiques et moraux très graves et lèsent profondément les intérêts publics. . - . L'Etat ne saurait donc s'en désintéresser; il est forcé d'agir, il ne peut négliger aucune mesure capable de concilier les intérêts opposés et de calmer les esprits. Même si les résultats bienfaisants de telles mesures ne se faisaient pas immédiatement sentir, ils ne se produiraient pas moins avec le temps. La loi sera un appui inestimable pour ceux qui comprendront que l'entente est préférable à la lutte.

Au cours des trois dernières décennies, les offices de conciliation, tant contractuels que publics, ont subi une évolution qui témoigne de la pertinence de ces considérations.

3. Les offices contractuels de conciliation se sont développés de façon extraordinaires, surtout depuis quelques années. L'augmentation considérable, en nombre et importance, des contrats collectifs de travail --on en compte environ 1300, qui lient à peu près la moitié des salariés --, leur tendance marquée à établir des commissions paritaires, ainsi que des offices de conciliation et d'arbitrage, ont sans doute contribué largement à sauvegarder la paix sociale. Aussi peut-on se demander s'il ne serait pas superflu de réformer les dispositions fédérales en matière de conciliation. Il va de soi que l'activité des organes contractuels, qui ne fut limitée, ni entravée par celle des offices cantonaux, ne doit pas l'être non plus par celle de l'office fédéral. Ce dernier ne présentera qu'un caractère purement subsidiaire.

Nous concevons que sa tâche principale sera de préparer et d'encourager la collaboration des employeurs et des travailleurs et celle de leurs associations. Si, avec le temps, il se révèle superflu, c'est qu'il aura joué son rôle d'une manière absolument satisfaisante.

La réforme proposée apparaît surtout nécessaire pour les motifs suivants. Bien des entreprises artisanales et des établissements commerciaux ne disposent pas encore d'un organe privé capable d'intervenir spontanément à titre de médiateur ou de conciliateur. Au surplus, les offices contractuels ne fonctionnent que si le contrat qui leur a donné naissance est encore en vigueur. Or, les conflits qui opposent des groupements professionnels ayant passé un contrat collectif surgissent fréquemment au sujet du (*) FF 1910 IV, 155.

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renouvellement de ce contrat, c'est-à-dire à son échéance ou lors de sa résiliation. Il s'ensuit assez souvent que les offices en question ne peuvent plus s'entremettre au moment précis où ils seraient le plus utiles. Au demeurant, leur compétence ne porte généralement que sur l'application et l'interprétation d'un contrat collectif.

4. Une autre circonstance parle en faveur de l'élargissement du ressort de l'office fédéral de conciliation, de manière qu'il englobe les conflits hors fabriques : c'est la tendance persistante à conclure des contrats collectifs de travail embrassant des territoires toujours plus considérables, une tendance à passer des contrats régionaux ou nationaux, plutôt que locaux ou cantonaux. Les contrats collectifs dont le champ d'application s'étendait sur plus d'un canton étaient : En

Au nombre de

1929 17 1938 22 1944 49 1945 87 1946 .

118 1947 136 L'évolution que dénotent ces chiffres a été particulièrement sensible dans l'artisanat. Par conséquent, les conflits qui affectent celui-ci et débordent les limites d'un canton sont aussi redoutables, pour le moins, que dans l'industrie, où, depuis longtemps, la loi permet à l'office fédéral de conciliation d'intervenir.

5. S'il est nécessaire d'élargir les attributions de l'office fédéral de conciliation, il est urgent, d'autre part, de poser quelques principes relatifs à sa composition et à sa procédure. La loi sur les fabriques ne dit rien quant à l'organisation de cet office; elle prévoit simplement la gratuité de la procédure et, pour les personnes citées, l'obligation de comparaître, de prendre part aux débats et de renseigner (art. 31). Alors que tous les cantons ont réglé l'organisation et la procédure de leurs offices de conciliation dans des lois et des arrêtés détaillés, la Confédération a omis d'en faire autant pour le sien. Il s'agit en l'occurrence d'introduire non seulement des dispositions d'exécution, mais du droit matériel. Partant, il se justifie d'edicter un arrêté fédéral, plutôt que de compléter l'ordonnance d'exécution de la loi sur les fabriques.

6. L'état de choses que nous avons a provoqué le règlement de la médiation et de la conciliation relatives aux conflits collectifs dans un chapitre du projet de loi sur le travail dans l'industrie, l'artisanat, le commerce, les transports et les branches économiques apparentées (loi sur le travail).

Il s'écoulera nécessairement quelques années avant que vous soyez appelés à statuer sur ce projet. L'avenir économique et politique étant incertain,

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et la fluctuation dos prix et des salaires imprévisibles, il serait imprudent de ne point introduire l'arrêté que nous vous proposons. Celui-ci ne constitue d'ailleurs qu'une mesure préventive et peu onéreuse. Il fait figure de solution transitoire, si bien qu'il y aura lieu de l'abroger dès que la loi sur le travail entrera en vigueur.

III. PRINCIPES DU PROJET D'ARRÊTÉ Le projet ci-joint ne règle la conciliation que sur le plan fédéral. Il ne crée pas un organe permanent, n'augmente donc point le personnel fédéra], mais donne simplement au département de l'économie publique le pouvoir d'instituer un office de conciliation, quand le besoin s'en fait sentir, qu'il s'agisse de vider un conflit dans l'industrie ou hors fabriquée.

L'institution de l'office de conciliation ne doit et ne peut intervenir qu'à la requête d'intéressés. Eu égard au voeu des associations patronales et à des considérations pratiques, nous avons renoncé à prévoir que cet organe pourrait s'entremettre d'office ou à la demande de cantons intéressés. En revanche, nous avons estimé ne pas devoir donner suite à un autre désir de ces mêmes associations, qui voudraient faire dépendre l'institution de l'office d'une demande des deux parties adverses. Une telle condition pourrait empêcher celui-ci de fonctionner, fût-ce en dépit de l'intérêt majeur qu'y auraient une partie et la communauté; d'autre part, elle mettrait l'office fédéral dans une situation analogue à celle d'un office contractuel, ce qui serait anormal. En effet, l'office fédéral est précisément destiné à combler les lacunes dues à l'inexistence d'organes contractuels.

L'application de l'arrêté que nous vous proposons réclamera que l'office de conciliation n'entre pas en activité avant que toutes les possibilités d'arrangement direct aient été épuisées. Ceci a pour but d'empêcher que l'esprit d'entente et le sentiment de responsabilité des parties ne soient atténués, et que l'intervention de la Confédération ne soit requise à la légère. Il sera bon, sans doute, que l'on n'accepte qu'avec une certaine retenue d'instituer l'office de conciliation, afin d'encourager l'inclination qu'ont des parties à s'entendre directement.

Notre projet d'arrêté ne s'immisce point dans les affaires conventionnelles ou cantonales de conciliation. Les offices de conciliation contractuels
conserveront la préséance à l'égard de tous les autres, et ceux des cantons la maintiendront par rapport à celui de la Confédération. Les autorités cantonales ont fait observer, à bon droit, que les conflits portés sans succès devant leurs offices ne doivent pas être déférés à l'office fédéral. Elles estiment inopportun de créer une voie hiérarchique en matière de conciliation.

Ce système compliquerait beaucoup l'activité des offices de première instance; peut-être même la rendrait-elle inopérante. L'expérience démontre que l'esprit d'entente s'émousse dès que les parties espèrent pouvoir recourir contre la décision attendue.

758 Nous nous sommes constamment inspirés de l'idée qu'il faut laisser, aux associations centrales et aux parties, la faculté de jouer leur rôle, non seulement lorsqu'il s'agit d'instituer l'office de conciliation (art, 1er), mais encore pour le constituer (art. 2) et quant au maintien de la paix sociale (art. 6). Ces associations étant à même d'influencer la composition de l'office de conciliation dans la mesure où le prévoit l'article 2 du projet, il y a lieu de présumer que les parties auront confiance en cet office. Or, cela est déterminant pour le succès de l'intervention de celui-ci.

L'inobservation de l'article 6, qui prescrit la paix sociale absolue, ne doit pas entraîner la prononciation d'une sanction pénale (dont l'application serait malaisée, au demeurant). Bien au contraire, il sied que les parties conviennent mutuellement d'assurer la paix, et, à cet effet, qu'elles fixent une peine conventionnelle.

IV. OBSERVATIONS PAR ARTICLES Article premier -- Institution Nous avons signalé qu'il serait judicieux de se montrer circonspect, au moment d'instituer l'office de conciliation. Précisons simplement qu'une requête d'intéressés ne devrait être prise en considération que si ces derniers représentent un nombre assez grand de travailleurs ou d'employeurs.

Il ne saurait être question d'ouvrir la procédure de conciliation à la demande d'un petit groupement professionnel, dénué d'importance, contre la volonté d'une grosse majorité ouvrière ou patronale. L'office ne sera pas institué, en règle générale, avant que toutes les associations intéressées aient eu l'occasion de donner leur avis.

Vu la pratique observée jusqu'ici quant à l'application de l'article 32 de la loi sur les fabriques, nous pensons que dans la plupart des cas un office cantonal sera chargé d'intervenir, en vertu de l'article 2. H faudra user de cette possibilité toutes les fois que faire se pourra.

Art. 2 -- Composition Une certaine souplesse devra présider à la composition de l'office, pour que les particularités régionales et professionnelles soient toujours sauvegardées dans une juste mesure. Pour agir en toute liberté, il conviendrait d'attendre le moment d'instituer l'office et, alors seulement, d'en nommer les membres. Mais cette procédure ne serait pas adéquate au but visé, parce qu'elle retarderait la composition
de l'office. Or, celui-ci devra généralement prévenir les mesures de lutte.

En conséquence, l'article 2, 2e alinéa, prévoit que nous désignerons cinq personnes neutres parmi lesquelles le département de l'économie publique nommera, pour chaque cas, un président. Ce dernier pourra donc

759 être un Romand ou un Alémanique, par exemple, selon que le centre du conflit à vider se trouvera en Suisse occidentale ou orientale. Pour ce qui est des assesseurs ordinaires, les associations centrales des patrons et celles des ouvriers seront investies du droit d'en proposer deux listes. Le choix de ces membres-là devra se faire avec pondération. Ils devront considérer l'intérêt général, plutôt que celui d'une des parties seulement. Sinon, toute la responsabilité de l'office pèserait sur le président neutre. Nous pensons que des juges de carrière, par exemple, ou des personnes revêtant des fonctions publiques pourraient assumer le rôle d'assesseurs ordinaires.

Ils seraient assistés de deux assesseurs experts que proposeraient les parties.

Ces derniers devraient être versés dans les problèmes économiques et sociaux propres aux groupements professionnels en cause.

Ainsi, l'office comprendrait un président neutre, deux assesseurs ordinaires et deux assesseurs experts. Le département de l'économie publique aurait toutefois la faculté d'en réduire le nombre à trois, en s'abstenant de lui adjoindre des assesseurs experts, avec le consentement des parties et s'il s'agissait d'un conflit relativement peu important.

Art. 3 -- Devoirs des personnes citées Bien entendu, l'office de conciliation ne saurait travailler avec succès que s'il dispose des pièces nécessaires pour établir l'état des faits. Il ne pourra pas toujours s'en remettre, sur ce point, aux déclarations des parties, fussent-elles concordantes. Au contraire, il devra enquêter, faire ou ordonner des constatations. Les documents dont il requerra la production seront notamment des conventions, des pièces de correspondance relatives aux conditions de travail, des listes de salaire et des contrôles des heures de travail.

Constater un état de fait est une des tâches les plus importantes, sinon la plus importante d'un office; le succès de la conciliation en dépend fréquemment. C'est pourquoi l'alinéa 2 prévoit l'audition de témoins et l'établissement d'expertises. Mais le droit public de la Confédération ne contient aucune disposition conférant aux autorités administratives le pouvoir de recueillir des témoignages, ni, par conséquent, de prescriptions sur l'obligation, sur le refus de témoigner et sur la manière d'entendre les témoins.
Aussi est-il indispensable de se référer à la législation civile, c'est-à-dire à la loi fédérale du 4 décembre 1947 sur la procédure à suivre devant le Tribunal fédéral en matière civile, dont les articles 42 à 49 et 57 à 61 règlent l'audition des témoins et les expertises.

Art. 4 -- Principes de procédure L'office de conciliation tentera, en premier lieu, d'amener une entente directe entre les parties (art. 1er). K s'abstiendra de proposer une transac-

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tion s'il lui semble qu'elles pourraient se mettre d'accord grâce à des pourparlers.

L'alinéa 2 dispose que la procédure sera, si possible, orale. Cela sousentend que les conclusions de l'une des parties devront être formulées par écrit, puis que la procédure se poursuivra oralement.

Afin que les décisions portant condamnation à une amende ou à des frais soient pourvues d'une base juridique, elles seront assimilées, pour leur exécution, à des décisions judiciaires. Les seules amendes entrant en considération sont les amendes d'ordre prévues à l'article 3.

En cas d'échec de la conciliation, il n'est pas indiqué d'obliger l'office à renseigner le public sur l'instance (al. 3). Il décidera lui-même, dans chaque cas d'espèce, ce qu'il sied de faire.

Art. 5 -- Procédure d'arbitrage

II faut que l'office soit en situation de rendre une sentence arbitrale obligatoire, quand les parties le lui demandent (al, 1), Les offices cantonaux de conciliation ont prouvé que cette manière de faire est bonne. Il ne s'agit nullement, en l'espèce, d'établir par contrainte une juridiction obligatoire.

La procédure d'arbitrage doit pouvoir suivre la procédure de conciliation ou lui être substituée. Quand l'office a mené une procédure de conciliation et, le cas échéant, proposé un arrangement aux parties, il lui est souvent difficile, voire impossible de fonctionner comme office arbitral dans la même affaire et de rendre une sentence qui diffère de sa proposition d'arrangement. D'ailleurs, les parties qui ont repoussé cette proposition de l'office de conciliation ne sont généralement pas disposées à donner, aux personnes qui le composent, la compétence de rendre une sentence arbitrale obligatoire. C'est pourquoi il est prévu, à l'alinéa 2, que le département de l'économie publique pourra, à la demande des parties, instituer un office arbitral spécial. Cette ressource ne devrait être utilisée, cependant, qu'à l'issue d'une procédure de conciliation devant l'office fédéral. Si les parties ne veulent pas de la procédure de conciliation, mais désirent passer immédiatement à l'arbitrage, l'office pourra, grâce à l'alinéa 1, satisfaire à leur voeu.

L'office d'arbitrage spécial institué en vertu de l'alinéa 2 devra, cela va sans dire, être composé entièrement d'autres membres que l'office de conciliation précédemment saisi. Il est bien entendu aussi que les personnes prévues pour faire partie de l'office de conciliation, mais qui n'y ont pas fonctionné, pourront être appelées à former l'office d'arbitrage spécial. La formation de ce dernier devra, autant que possible, être calquée sur celle de l'office de conciliation. Si notre projet ne trace aucune règle sur ce point, c'est pour que le département ait toute latitude d'agir, fût-ce d'après les voeux des parties.

761 La procédure d'arbitrage sera la même que s'il s'agissait d'un procès devant un tribunal arbitral. L'office arbitral fonctionnera donc en qualité de tribunal, et ses sentences sur le fond seront assimilées, si besoin est, à des décisions judiciaires (al. 3). Cela suppose que cet office, comme n'importe quel tribunal, sera muni des attributions nécessaires pour accomplir sa mission judiciaire, et qu'il appliquera une procédure conforme aux principes élémentaires qui la régissent. Vu ce qui précède, nous nous référons à ce que nous avons déjà dit au sujet de l'application de la loi fédérale du 4 décembre 1947 (al. 4). Réserve est faite quant aux règles particulières à observer dans la procédure d'arbitrage.

Art. 6 -- Paix sociale La paix doit être rigoureusement observée, en principe, durant toute la procédure de conciliation. Cependant, les associations ouvrières ont seulement admis l'obligation de s'y conformer pour un temps déterminé, car elles craignent que la procédure ne traîne parfois en longueur. Pour donner suite à leur demande, le devoir de respecter la paix a été limité à trente jours, dans l'idée que la procédure serait menée à chef au cours de ce délai.

Ladite obligation sera caduque, si la procédure s'achève avant le terme prévu ; elle pourra être prorogée, au cas contraire, par une décision unanime de l'office de conciliation ou d'arbitrage.

Aucune sanction pénale ne menace ceux qui troubleront la paix. Une procédure pénale dirigée contre chaque employeur et chaque travailleur coupable serait d'ailleurs pratiquement inopérante. Notre projet se borne donc à prévoir qu'on pourra en appeler à l'opinion publique, en divulguant l'état de la cause (al. 3); pour ce qui est de maintenir la paix durant la procédure, il fait crédit aux conventions que les parties signeront à cet effet (al. 2). Est-il besoin d'ajouter que ces conventions peuvent stipuler des peines (amendes dont le paiement sera garanti, le cas échéant, par une caution), ce qui nous paraît désirable et dont nous avons parlé sous chiffre III.

Art. 7 -- Dispositions finales Une fois accepté, le projet ci-joint rendra superflu et permettra d'abroger l'article 32 de la loi sur les fabriques, qui prévoit l'institution d'un office de conciliation chargé d'aplanir les conflits collectifs débordant les limites d'un canton. En
revanche, il se justifiera de maintenir les articles 30 et suivants de cette loi, qui prescrivent la création d'offices cantonaux de conciliation, car notre projet traite uniquement de l'office fédéral de conciliation.

Dès qu'entrera en vigueur l'arrêté que nous vous proposons, nous abolirons l'arrêté que nous avons pris le 24 mai 1940 en vertu de nos pouvoirs extraordinaires.

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Précisons que l'arrêté est de durée illimitée; il est sujet au referendum.

*

*

Vu ce qui précède, nous vous recommandons d'accepter le projet d'arrêté ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 25 juin 1948.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, CELIO 7142

Le chancelier de la Confédération, LEIMGRUBER

763 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant

l'office fédéral de conciliation chargé d'aplanir des conflits collectifs du travail

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse,

vu l'article Siter, 1er alinéa, lettre b, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 25 juin 1948 arrête:

I. INSTITUTION ET ORGANISATION Article premier 1

Le département de l'économie publique (appelé ci-après « département ») est autorisé à instituer, dans des cag d'espèce, un office fédéral de conciliation (appelé ci-après « office de conciliation ») qui connaîtra des conflits collectifs du travail débordant les limites d'un canton.

8 Le département, après avoir consulté les cantons intéressés, chargera un office cantonal de conciliation de s'entremettre dans les conflits débordant les limites d'un canton, mais n'ayant qu'une importance régionale.

3 L'office de conciliation ne sera institué qu'à la requête d'intéressés, et après qu'auront été épuisées toutes les possibilités de conciliation par des pourparlers ou devant des offices contractuels de conciliation.

Art. 2 1 Le département composera l'office de conciliation, pour chaque affaire, d'un président, de deux assesseurs ordinaires et de deux assesseurs experts. Il pourra toutefois s'abstenir, avec le consentement des parties, de lui adjoindre ces deux derniers.

institution

composition

764 2

Le département nommera les membres de l'office de conciliation, savoir: a. Le président, parmi cinq personnes neutres dont le Conseil fédéral aura établi la liste; b. Les deux assesseurs ordinaires, parmi deux groupes de six personnes dont le Conseil fédéral aura établi les listes, l'une sur la proposition des associations patronales centrales, et l'autre sur la proposition des associations ouvrières centrales; c. Les deux assesseurs exports, sur la proposition de chacune des parties.

3 Le Conseil fédéral établira lesdites listes pour chaque législature du Conseil national.

IL PROCÉDURE DE CONCILIATION Devoirs des

personnes citées

Principe de la procédure

Art. 3 i Les personnes que cite l'office de conciliation sont tenues de com, . .

- i n j - i i * - i * j j paraître, de participer aux débats, de fournir des renseignements et de produire les documents requis. Celui qui enfreindra ces prescriptions pourra être puni, par l'office de conciliation, d'une amende d'ordre de cinq cents francs au plus.

s A la demande motivée de l'une des parties, le président seul prendra connaissance des pièces que celle-ci aura produites; il fera ensuite les communications nécessaires aux autres membres de l'office de conciliation.

3 L'office de conciliation pourra, en tout état de la procédure, entendre des témoins et requérir des expertises. II appliquera, par analogie, les dispositions voulues de la loi du 4 décembre 1947 sur la procédure à suivre par devant le Tribunal fédéral en matière civile (*).

Art. 4 * L'office de conciliation s'efforcera d'obtenir que les parties s'entendent directement. S'il n'y parvient pas, il leur proposera un arrangement en les invitant à se prononcer par une acceptation ou un refus. Une acceptation partielle vaudra refus. Il pourra s'abstenir de leur faire une proposition d'arrangement, s'il apparaît d'emblée qu'elle serait vaine.

2 La procédure sera rapide et, si possible, orale et gratuite. Toutefois, les frais pourront en être mis, totalement ou partiellement, à la charge de la partie qui l'aura provoquée témérairement ou entravée, (*) EO 64, 403.

765

Les décisions portant condamnation à une amende ou à des frais seront assimilées, pour leur exécution, à des décisions judiciaires.

3 Si la conciliation échoue et si les parties ne sont pas disposées à accepter un arbitrage, l'office de conciliation renseignera généralement le public sur l'état de l'affaire, de la manière qui lui paraîtra indiquée.

III. PROCÉDURE D'ARBITRAGE

Art. 5 A la requête des parties, l'office de conciliation rendra une sentence arbitrale obligatoire, dans les limites de la compétence que lui fixe l'article 1&. La procédure d'arbitrage pourra être ouverte à l'issue de la procédure de conciliation ou remplacer celle-ci.

2 Si la procédure de conciliation échoue, le département pourra, à la demande des parties, constituer un office arbitral spécial et lui déférer l'affaire.

3 L'office arbitral statuera définitivement. Ses sentences seront assimilées, pour leur exécution, à des décisions judiciaires.

4 Pour le reste, la procédure d'arbitrage est réglée par les dispositions du présent arrêté sur la procédure de conciliation (art. 3 et 4) et, analogiquement, par celles de la loi sur la procédure devant le Tribunal fédéral en matière civile.

1

IV. MAINTIEN DE LA PAIX

Art. 6 Durant la procédure de conciliation ou d'arbitrage, les employeurs et les ouvriers ou employés intéressés, ainsi que leurs associations, s'abstiendront de toute mesure de lutte. L'obligation d'observer la paix naîtra au moment où l'institution de l'office de conciliation ou de l'office d'arbitrage sera notifiée aux parties, et elle durera trente jours. L'office de conciliation ou l'office d'arbitrage pourra, par une décision unanime, proroger ce délai.

a L'office de conciliation ou d'arbitrage exhortera les parties, en vue de faire observer le 1er alinéa, à passer une convention spéciale assurant la paix sociale pour la durée de la procédure de conciliation ou d'arbitrage.

3 L'office de conciliation ou d'arbitrage constatera les atteintes portées à la paix et pourra les divulguer, si la partie en faute ne renonce pas à son comportement. Sont réservées les peines conventionnelles prévues pour le cas de rupture de la paix.

1

Feuille fédérale. 100e année. Vol. II.

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V. DISPOSITIONS FINALES

Art, 7 1

L'article 32 de la loi du 18 juin 1914/27 juin 1919 sur le travail dans les fabriques est abrogé.

2

Le Conseil fédéral publiera le présent arrêté conformément à la loi du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux.

3

II en fixera l'entrée en vigueur et prendra les dispositions d'exécution nécessaires.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un arrêté fédéral concernant l'office fédéral de conciliation chargé d'aplanir des conflits collectifs du travail (Du 25 juin 1948)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1948

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

26

Cahier Numero Geschäftsnummer

5486

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

01.07.1948

Date Data Seite

751-766

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