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5530 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant le traité de commerce, l'accord sur l'échange des marchandises et le règlement des paiements et l'accord sur les nationalisations conclus entre la Suisse et la Yougoslavie (Du 29 octobre 1948)

Monsieur le Président et Messieurs, Des négociations économiques ont eu lieu à Bsrne du 10 juillet au 27 septembre 1948 avec une délégation du gouvernement yougoslave en vue de régler pour une longue durée les relations économiques entre la Suisse et la Yougoslavie et pour trouver aux questions demeurées ouvertes jusqu'à présent une solution conforme aux intérêts des deux parties. Ces négociations ont abouti le 27 septembre 1948 à la signature des trois textes suivants: un traité de commerce, un accord concernant l'échange des marchandises et le règlement des paiements, un accord concernant l'indemnisation des intérêts suisses en Yougoslavie frappés par des mesures de nationalisation, d'expropriation et de restriction.

Ces accords ont été signés sous réserve de ratification et nous avons l'honneur de les soumettre à votre approbation avec les commentaires que voici : I

LE DÉVELOPPEMENT DE NOS RELATIONS ÉCONOMIQUES AVEC LA YOUGOSLAVIE 1. Le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, qui réunissait après la première guerre mondiale les populations slaves du sud, constituait un Etat qui, peu industrialisé et produisant en excédent des produits agricoles, du bois et des matières premières d'origine minérale, offrait à l'industrie suisse d'exportation un débouché intéressant.

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Les perspectives de développement économique du nouvel Etat furent jugées favorables, de sorte que, dans les premières années d'après-guerre, d'importants capitaux suisses furent engagés en Yougoslavie, soit par des souscriptions aux emprunts de l'Etat yougoslave, soit par le financement de nouvelles entreprises industrielles, spécialement de celles qui étaient destinées à la production de l'énergie électrique.

L'industrie suisse ne put utiliser entièrement la capacité d'absorption du marché yougoslave. Après avoir atteint une valeur de 18,4 millions de francs en 1919, l'exportation suisse en Yougoslavie tomba, au cours des années suivantes, bien au-dessous de 10 millions, pour remonter lentement à 11 millions de francs environ en 1931. A ce moment la crise économique mondiale provoqua une nouvelle diminution. Durant l'ensemble de la période de 1919 à 1939, l'exportation suisse en Yougoslavie atteignit la moyenne annuelle de 9 millions de francs à peine. La modicité des livraisons suisses est d'autant plus frappante que la valeur de l'importation suisse de produits yougoslaves s'éleva, dans les années 1920, à une moyenne annuelle de 21 millions de francs et de 12,5 millions aux environs de 1930.

Cette situation est imputable non seulement aux difficultés rencontrées dans le règlement réciproque des paiements, mais sans doute également au fait que l'industrie suisse d'exportation n'a pas réussi, à tous les égards, à tenir tête à une concurrence étrangère très active. Au commencement, l'influence économique de la France et de la Grande-Bretagne fut dominante en Yougoslavie, ces deux pays ayant accordé au nouveau royaume un important appui économique, pour des raisons auxquelles la politique n'était pas étrangère. Aux environs de 1930 l'Allemagne réussit à conquérir la première place sur le marché yougoslave grâce à ses méthodes bien connues de pénétration économique. On reconnut également, parfois trop tard, que l'industrie suisse ne pouvait continuer à travailler avec succès sur le marché yougoslave par l'intermédiaire des organisations d'avant-guerre via Vienne ou Budapest. En outre, de nombreux exportateurs suisses se laissèrent peut-être trop vite décourager par les pertes qu'ils essuyèrent, d'autant plus qu'après 1920 l'exportation suisse disposait d'autres marchés, où il était plus facile
de travailler.

Le fait qu'aucun accord n'a été conclu en vue de régler les relations économiques est une conséquence indirecte de l'intérêt limité que l'industrie suisse d'exportation portait au marché yougoslave dans les années 1920.

Le traité de commerce de 1907 avec le royaume de Serbie fut déclaré applicable au royaume de Yougoslavie par un échange de notes de 1921, en même temps que les parties renonçaient aux consolidations douanières en vigueur jusqu'alors. Mais les dispositions de ce traité ne furent pas adaptées aux circonstances nouvelles et surtout aucune nouvelle discussion n'eut lieu sur les questions douanières. C'est en 1932 seulement, lorsque la Yougoslavie, elle aussi, fut obligée de restreindre le service des paiements avec

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l'étranger, que des négociations furent ouvertes, qui aboutirent, le 27 avril 1932, à la signature d'un accord de clearing. Cet accord, un des premiers que la Suisse ait conclu, réglait uniquement le service de paiement des marchandises. Il fut complété par des arrangements additionnels le 2 novembre 1932 et le 29 août 1933 et dénoncé par la Suisse le 31 décembre 1936 à la suite de la dévaluation du franc. Les négociations, qui eurent alors lieu en vue de la conclusion d'un nouvel accord de clearing, demeurèrent sans résultat. Le 3 juillet 1937, un nouvel accord fut mis sur pied, qui fut remplacé par un protocole du 27 juin 1938, lequel, avec ses avenants, resta matériellement en vigueur jusqu'à l'entrée de la Yougoslavie dans la deuxième guerre mondiale.

2. Pendant la deuxième guerre mondiale, nos relations économiques avec la Yougoslavie ont été en majeure partie interrompues. A vrai dire, des échanges limités de marchandises purent tout de même avoir lieu un certain temps avec l'Etat indépendant de Croatie ; il est cependant superflu d'entrer dans le détail de ce sujet.

3. Après la fin des hostilités, lorsqu'il s'agit de renouer avec la Yougoslavie les relations économiques rompues, les négociateurs suisses se trouvèrent devant la situation suivante: L'ancien royaume de Yougoslavie, devenu une république federative populaire, commençait à reconstruire son économie nationale, qui avait beaucoup souffert de la guerre. Pour la Suisse, il convenait tout d'abord de ranimer les échanges de marchandises. La liquidation des questions anciennes, en tant qu'il s'agissait du trafic commercial, fut relativement simple, car il n'existait aucun solde de clearing non couvert. Dans le domaine financier, en revanche, se posa le problème, difficile à résoudre, de la reprise du transfert des revenus des capitaux suisses engagés en Yougoslavie.

La république federative populaire de Yougoslavie se résolut à adopter une organisation nouvelle et révolutionnaire de son économie. En 1945 déjà, une série de mesures législatives et administratives furent prises dans ce sens. Les biens privés que leurs propriétaires avaient abandonnés ou que les autorités allemandes d'occupation s'étaient appropriés pendant la guerre furent placés sous administration de l'Etat par une loi du 24 mai 1945. La propriété foncière fut
démembrée par une loi du 28 août 1945 relative à la réforme agraire, sans que la question de l'indemnisation fût résolue d'une façon satisfaisante. La loi du 24 mai 1945 concernant la confiscation des bénéfices de guerre permit aux autorités yougoslaves de prélever des impôts si élevés que les entreprises frappées furent menacées dans leur existence. Si l'impôt n'était pas payé, il pouvait être converti en une participation de l'Etat dans l'entreprise. Une série d'entreprises, qui étaient totalement ou partiellement la propriété de maisons ou de particuliers suisses, furent confisquées par suite des procès de collaboration, conformé-

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ment à une loi du 25 août 1945 concernant les actes commis contre le peuple et l'Etat.

Afin de protéger les intérêts suisses, la légation de Suisse à Belgrade entreprit de nombreuses démarches auprès du ministère yougoslave des affaires étrangères. Le gouvernement yougoslave proposa finalement la création d'une commission mixte suisse-yougoslave, qui aurait eu pour tâche d'élucider les faits et de soumettre des propositions communes à l'approbation des gouvernements suisse et yougoslave. Après leur approbation par les deux gouvernements, ces propositions auraient été exécutées par les autorités yougoslaves. Par arrêté du 4 avril 1946, le Conseil fédéral a accepté cette offre sous certaines conditions.

Cependant, par la suite, la loi de nationalisation du 5 décembre 1946 modifia profondément la situation en Yougoslavie. Cette loi affecta également les entreprises contre lesquelles l'Etat n'avait pris jusqu'alors aucune mesure. La loi prévoit une indemnité qui est payable également aux propriétaires suisses lésés. De ce fait, la commission mixte n'aurait plus eu à rechercher une solution de la question de l'indemnité. En outre, le gouvernement yougoslave donna l'assurance qu'il était également prêt à résoudre les autres problèmes en rapport avec la nationalisation dans le sens d'un règlement global et déclara qu'il ne jugeait plus la création de la commission mixte comme nécessaire.

4. Les négociations économiques de l'été 1946, qui se terminèrent le 21 septembre par la signature d'un accord sur l'échange des marchandises et le règlement des paiements, permirent d'établir un programme d'échanges pour une première année contractuelle et de régler le paiement des marchandises de telle façon que toutes les transactions se fassent en francs suisses sur un compte que la banque nationale suisse devait ouvrir à la banque nationale yougoslave. Le règlement des arriérés ne fut pas encore possible à cette époque, le gouvernement yougoslave s'étant engagé uniquement à rouvrir les négociations au plus tard le 1er avril 1948 au sujet de la reprise des transferts financiers.

A l'occasion de ces premières négociations d'après-guerre, le gouvernement yougoslave exprima déjà le voeu de conclure avec la Suisse un accord sur une collaboration économique de longue durée, de telle sorte que l'indus. trie suisse,
moyennant l'octroi de certains crédits, se serait chargée de participer dans une mesure importante à la reconstruction de l'économie yougoslave par ses livraisons dites d'investissement. Répondant à cette proposition, la Suisse exprima son intérêt pour une collaboration restant dans les limites de la capacité de production de son industrie d'exportation et fit en même temps entrevoir la possibilité de prendre des dispositions permettant aux milieux financiers suisses d'accorder des facilités à la Yougoslavie pour payer les commandes qu'elle envisageait de passer à l'industrie suisse. De l'avis du gouvernement suisse, la conclusion d'un

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tel accord devait cependant dépendre d'une entente sur l'indemnité de nationalisation et les transferts financiers. Une prise de contact, qui eut lieu avec une délégation yougoslave au printemps 1947, à l'occasion du renouvellement du programme des échanges pour l'année économique 1947--1948, permit de faire un premier pas vers la préparation d'un accord à longue échéance; le gouvernement yougoslave s'engagea à ouvrir des négociations 'avec le gouvernement suisse avant la fin de 1947 pour le règlement des problèmes financiers en suspens. Ce délai ayant été prolongé, les négociations commencèrent à Belgrade le 4 mars 1948; il s'agissait tout d'abord, au cours d'une procédure dite de légitimation, de déterminer les personnes et maisons suisses habilitées à obtenir une indemnité de nationalisation. A l'issue de cette procédure, le gouvernement yougoslave fit dépendre la suite des pourparlers sur l'indemnité de nationalisation de la discussion simultanée d'un accord relatif à la collaboration économique à long terme. Dans ces conditions, le Conseil fédéral envoya à Belgrade, le 19 mai 1948, son délégué aux accords commerciaux, M. Max Troendle, avec la mission de préparer la solution générale de toutes les questions économiques pendantes entre la Suisse et la Yougoslavie. Cette prise de contact avec le gouvernement yougoslave aboutit le 27 mai 1948 à la signature d'un protocole, par lequel on s'entendit sur le principe que voici en vue des négociations économiques qui devaient suivre: Les livraisons de marchandises yougoslaves à la Suisse devaient être élevées de façon que leur contre-valeur constitue une base suffisante pour régler les commandes à long terme à passer en Suisse par la Yougoslavie en vue de la reconstruction et les exportations suisses courantes à destination de la Yougoslavie, ainsi que les autres paiements de nature non commerciale, en particulier l'indemnité de nationalisation.

II

LE TRAITÉ DE COMMERCE Le traité de commerce entre la Confédération suisse et le royaume de Serbie, du 28 février 1907, qui, du point de vue de la forme, était encore en vigueur au moment de l'ouverture des négociations, contenait plusieurs dispositions qui étaient dépassées et ne pouvaient plus être respectées ni par l'une ni par l'autre des parties contractantes. Bien que les consolidations douanières du traité avec le royaume de Serbie eussent été abrogées au moment où l'application de ce traité a été étendue au nouveau royaume de Yougoslavie et que par conséquent il n'y eût aucune raison de modifier le traité du point de vue de la politique douanière, il apparut indiqué de profiter des négociations économiques générales pour remplacer l'ancien texte par un nouveau, qui soit adapté à la situation actuelle. On pouvait prendre comme exemple le traité de commerce conclu le 17 mars 1948 avec

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l'Union des républiques soviétiques socialistes et ratifié le 11 août 1948 après son approbation par les deux chambres. En Yougoslavie, le commerce extérieur est un monopole de l'Etat. Celui-ci dirige non seulement l'importation et l'exportation, mais également l'achat et la vente des marchandises.

Les douanes, de même que les restrictions d'importation et d'exportation n'ont pas dans ce pays la même signification que dans le système suisse de l'économie privée. Le contenu essentiel du nouveau traité de commerce consiste en ce que les parties contractantes s'assurent réciproquement un traitement bienveillant pour toutes les questions de nature économique et s'engagent mutuellement à pratiquer une politique d'importation et d'exportation n'impliquant aucune différenciation au détriment de l'autre partie.

A quelques exceptions près, de peu d'importance et de caractère rédactionnel, les différentes dispositions du traité sont identiques à celles du traité de commerce entre la Suisse et l'Union des républiques soviétiques socialistes.

En reprenant les explications contenues dans notre message du 14 mai 1948 concernant l'approbation du traité de commerce avec l'Union des républiques soviétiques socialistes, nous pouvons formuler en résumé les observations suivantes : L'article premier institue le principe d'un traitement bienveillant pour toutes les questions relatives au commerce entre les deux pays. Au surplus il oblige ceux-ci à prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter les échanges mutuels de marchandises et de services.

Aux articles 2 à 5 le traitement de la nation la plus favorisée est prévu dans les affaires purement douanières, ce qui est conforme aux prescriptions suisses en matière de douane.

L'article 6 excepte de la clause de la nation la plus favorisée les arrangements conclus avec des Etats limitrophes au sujet des relations frontalières.

L'article 7- institue la franchise de douane et de taxes pour l'importation et l'exportation de certaines marchandises, sans que cette disposition apporte une modification quelconque à la pratique douanière existant en Suisse.

L'article 8 prévoit la possibilité de décréter des mesures de restriction quantitative de l'importation et de l'exportation, les parties contractantes s'engageant toutefois, en pratiquant leur politique de
contingentement, à ne pas se traiter, toutes conditions étant égales, d'une façon moins favorable que n'importe quel pays tiers. Cette formule sauvegarde la liberté d'action des autorités fédérales en matière de politique d'importation et d'exportation.

A propos des communications entre les deux pays, l'article 9 prescrit que les parties contractantes prendront, dans le cadre de leur législation, les mesures appropriées pour faciliter le trafic ferroviaire, maritime et Feuille fédérale. 100e année. Vol. III.

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aérien, ainsi que les communications postales, téléphoniques et télégraphiques.

La clause de la nation la plus favorisée a été convenue pour l'admission des marchandises au transport intérieur et au transport en transit. Cette clause ne s'étend toutefois pas aux tarifs.

Les navires marchands battant pavillon suisse bénéficient, lors de l'entrée, de la sortie et du séjour dans les ports maritimes yougoslaves, du même traitement que ceux de la nation la plus favorisée.

L'article 10 a trait à la reconnaissance des personnes morales et des sociétés commerciales. Il assure, en outre, aux ressortissants, aux personnes morales et aux sociétés commerciales de l'une des parties contractantes le libre accès aux tribunaux de l'autre partie.

L'article 11 règle l'exécution des sentences arbitrales prononcées à la suite de litiges de nature commerciale; il détermine en particulier sous quelles conditions de forme l'exécution de telles sentences est garantie et dans quels cas elle peut être refusée. L'exécution des sentences doit se faire conformément aux lois du pays dans lequel elle est requise. La clause d'exécution ne se rapporte pas seulement aux sentences des tribunaux arbitraux, mais aussi aux transactions passées devant de tels tribunaux.

L'article 12 étend l'application du traité de commerce au territoire de la principauté de Liechtenstein.

L'article 13 règle l'entrée en vigueur, la durée de validité du traité et les possibilités de le dénoncer.

III

L'ACCORD SUR LES ÉCHANGES DE MARCHANDISES ET LE RÈGLEMENT DES PAIEMENTS Depuis la fin de la guerre, l'échange des marchandises avec la république federative populaire de Yougoslavie s'est développé lentement mais constamment, de sorte que le volume d'avant-guerre se trouve maintenant déjà dépassé.

Aux environs de 1930, nous importions de Yougoslavie des marchandises pour une valeur annuelle moyenne d'environ 12,5 millions de francs, en particulier des oeufs, de la volaille, du bois et des fourrages. Au même moment, l'exportation atteignait en moyenne 9 millions de francs, dont 2 millions pour les machines, 2 millions pour les textiles, 1,5 million pour les colorants et les produits pharmaceutiques, 0,5 million pour les montres et autant pour les instruments. La statistique suisse du commerce extérieur indique pour 1946 une importation en provenance de Yougoslavie de 6,1 millions de francs et une exportation de 3,1 millions, ce qui devait être

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considéré à l'époque comme un modeste début de la reprise des relations économiques. En 1947, le bois avec 12 millions de francs, les porcs pour 2,2 millions, le chanvre pour 2 millions, et le plomb pour 1,3 million, constituèrent avec les autres marchandises une importation totale de 23 millions de francs. L'exportation totale en 1947 s'éleva à 14,6 millions de francs, dont 5 millions pour les machines, 2,7 millions pour les instruments et appareils, 2,9 millions pour les colorants, 0,7 million pour les produits pharmaceutiques, etc. De janvier à septembre 1948 l'importation de Yougoslavie atteignit 24,6 millions de francs, dont 11,3 millions de bois, 4,7 millions d'alcool et 2 millions de plomb. Dans le même temps, l'exportation s'est élevée à 28 millions de francs, dont 13 millions pour les machines et les outils, 3 millions pour les instruments et les appareils, 2 millions pour les textiles, 2,7 millions pour les produits pharmaceutiques, 2 millions pour les colorants, .1,1 million pour les montres et 0,8 million pour le bétail.

Conformément au protocole de Belgrade du 27 mai 1948, il convenait, au cours des négociations économiques de Berne, de rechercher une solution permettant d'élever les livraisons yougoslaves futures à un niveau tel que leur contre-valeur suffise à assurer le transfert des paiements non commerciaux et à créer les disponibilités nécessaires pour le règlement des exportations suisses courantes et pour l'exécution d'un programme quinquennal spécial prévoyant des livraisons suisses dites d'investissement. Cette situation rendait indispensable la conclusion d'un nouvel accord sur l'échange des marchandises et le règlement des paiements.

Les articles 7er à 3 de cet accord contiennent les principes régissant les échanges de marchandises, qui doivent s'effectuer dans le cadre de listes de contingents. Cependant ces contingents n'entraînent pour la Suisse aucune obligation de livrer ou d'accepter des marchandises.

En principe, les listes de marchandises pour les livraisons réciproques courantes doivent être établies d'année en annéee, conformément à la capacité de livraison et aux besoins des deux pays. Mais pour les commandes à long terme, nécessaires à la reconstruction de la Yougoslavie, on s'est entendu sur une liste qui fixe les livraisons suisses pour une durée de cinq
ans. Le renouvellement · annuel des listes de marchandises sauvegarde la liberté de décision de la Suisse, en particulier en matière de politique d'importation. La Suisse n'a aucune obligation d'accorder des autorisations d'importation en dehors des contingents convenus. En revanche, nous devrons en principe pendant la durée de validité de cet accord mettre la Yougoslavie en mesure d'écouler en Suisse autant de marchandises qu'il sera nécessaire pour créer les moyens permettant à ce pays de remplir ses obligations à notre égard. Si l'on admet que les commandes à long terme atteindront 200 millions de francs et si l'on estime la valeur de nos exportations courantes à 50 millions de francs par année environ, il sera indispensable, eu égard aux

680 moyens nécessaires au transfert de l'indemnité de nationalisation, d'importer annuellement de Yougoslavie pour une centaine de millions de francs de marchandises. Ce chiffre est très élevé, si l'on considère le volume actuel de nos échanges. Le gouvernement yougoslave devra faire de grands efforts pour arriver à ce résultat. S'il n'y parvient pas, les livraisons suisses devront être adaptées au volume des livraisons yougoslaves.

Les livraisons suisses courantes, prévues pour une première année contractuelle, dans un protocole séparé qui n'est pas destiné à être publié, de même que le programme des commandes yougoslaves à long tei me, assurent d'intéressantes possibilités de vente à notre industrie d'exportation en général et en particulier aux branches qui ont aujourd'hui déjà des raisons de se préoccuper de l'avenir. Notre agriculture elle-même n'a pas été négligée, puisqu'elle dispose notamment d'un contingent d'exportation de bétail d'élevage. Si l'évolution de la situation politique le peimet, notre commerce extérieur avec la Yougoslavie pourra se développer dans le cadre décrit ci-dessus, d'autant plus que les conditions de concurrence sur ce marché sont aujourd'hui plus favorables qu'avant la guerre. Cependant le volume de notre exportation sera limité par notre capacité d'absorber des marchandises yougoslaves. Outre des matières premières intéressantes, telles certains minéraux et métaux non ferreux, la Yougoslavie nous livrera principalement des produits de son agriculture et de sa sylviculture, comme le bois, les fourrages, le sucre, la volaille, les oeufs, le bétail de boucherie et le tabac.

Les dispositions sur le règlement réciproque des paiements sont contenues aux articles 4 à 10.

L'article 4 contient une liste qui éiiumère les catégories de paiement soumises aux dispositions de l'accord.

L'article, 5 prescrit l'obligation de payer à la banque nationale suisse la contre-valeur de toutes les marchandises yougoslaves importées en Suisse, ainsi que des prestations de service yougoslaves. Après le paiement, la banque nationale suisse donne l'ordre à la banque nationale yougoslave d'opérer le versement correspondant aux créanciers yougoslaves. Les débiteurs yougoslaves remplissent leurs obligations en Suisse en achetant des francs suisses auprès de la banque nationale yougoslave.

Grâce à ce système, la banque nationale suisse ne se voit pas obligée d'entretenir des avoirs en monnaie yougoslave. C'est pourquoi l'accord ne prévoit aucun crédit monétaire. En compensation de ce que la Yougoslavie a prêté la main à une solution satisfaisante et loyale des questions économiques demeurées en suspens, la Confédération consent cependant au gouvernement yougoslave des facilités précieuses par le moyen de la garantie contre les risques d'exportation, dont le principe est consacrédepuis longtemps dans une loi fédérale, garantie accordée pour les livraisons suisses à la Yougoslavie, également par le moyen d'une « garantie de bonne fin » donnée par

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la Confédération tant pour le financement de certaines livraisons yougoslaves par un consortium de banques suisses que pour un crédit de manoeuvre partiellement couvert et également accordé par nos banques.

L'article 6 fixe le cours entre le franc suisse et le dinar; précisons que les compensations entre la Suisse et la Yougoslavie s'opèrent en francs suisses.

L'article 7 règle l'utilisation des disponibilités de la banque nationale yougoslave auprès de la banque nationale suisse. Après déduction des sommes prévues pour le transfert de l'indemnité de nationalisation, les montants disponibles sont répartis sur deux comptes, dont l'un, alimenté par une quote-part de 40 pour cent, sert au règlement des commandes yougoslaves à long terme, et l'autre (60%) sert au paiement des livraisons suisses courantes. Le taux de répartition entre les exportations suisses courantes et les livraisons dites d'investissement peut être modifié au cours de la durée de validité de l'accord, si le besoin s'en fait sentir.

L'article 8 prévoit l'ouverture d'un sous-compte spécial pour faciliter le paiement des prestations de service, ainsi que le règlement des paiements de nature non commerciale.

L'article 9 dispose que les paiements anticipés sont admis.

L'article 10 autorise l'office suisse de compensation et la banque nationale yougoslave à s'entendre sur les modalités techniques d'exécution de l'accord de paiement.

Q L'article 11, qui avec les articles 12 et 13 constitue le troisième chapitre de l'accord (dispositions générales), institue une commission gouvernementale mixte, qui a pour tâche d'établir les listes annuelles de marchandises et est autorisée à modifier la clé de répartition des moyens de paiement destinés au règlement des livraisons suisses courantes et des livraisons à long terme.

L'accord est applicable à la principauté de Liechtenstein, comme il est dit à l'article 12.

L'article 13 abroge les précédents accords et règle l'entrée en vigueur, la durée de validité et les possibilités de dénonciation du nouvel accord.

IV L'ACCORD SUR L'INDEMNISATION DES INTÉRÊTS SUISSES EN YOUGOSLAVIE FRAPPÉS PAR DES MESURES DE NATIONALISATION, D'EXPROPRIATION ET DE RESTRICTION

1. Le principe de l'indemnité globale, proposé par le gouvernement yougoslave à la suite de la promulgation de la loi de nationalisation, apparut dès l'abord, du point de vue suisse également, comme la meilleure voie pouvant conduire à une entente.

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A l'occasion d'une séance d'information qui eut lieu à Berne, le 26 novembre 1947, au sujet du problème des nationalisations en Yougoslavie, les personnes intéressées eurent l'occasion de déclarer si elles approuvaient le principe d'une indemnité globale. Etant donné qu'il était difficile de trouver sur un autre terrain une solution acceptable pour les personnes lésées, la grande majorité des participants fut d'avis qu'il y avait lieu d'entrer en négociations avec le gouvernement yougoslave pour fixer une indemnité globale dans le cadre d'un accord économique. Une nouvelle séance d'information eut lieu le 29 juin 1948 à Berne, au cours de laquelle les représentants des autorités fédérales renseignèrent plus particulièrement l'auditoire sur l'aspect juridique de la question. A cette réunion également, il se révéla que les personnes suisses intéressées approuvaient le principe d'un règlement global.

2. Selon un principe généralement reconnu du droit international, les droits légitimement acquis par des étrangers ne peuvent être expropriés sans indemnité. L'expropriation en elle-même n'est pas contraire au droit.

Elle ne l'est que si aucune indemnité appropriée n'est payée pour les biens passés dans les mains de l'Etat. La théorie et la pratique internationales ont reconnu ce principe qui, de plus, a été confirmé dans de nombreux jugements des cours arbitrales internationales. Bornons-nous à mentionner à titre d'exemple la cour permanente de justice internationale à La Haye, qui dans son jugement n° 7 concernant certains intérêts allemands en Silésie polonaise, parle du « principio of respect for vested rights, a principle which, as thé Court has already had occasion to observe, forms part of generally accepted international law». (Publications, série A, n° 7, page 42). Le fait que certains Etats ont ignoré ce principe à la suite de bouleversements révolutionnaires ne change rien à sa validité. La Yougoslavie elle-même, en édictant sa loi de nationalisation, a déclaré que la propriété nationalisée serait indemnisée.

3. On peut envisager trois méthodes pour fixer et payer les indemnités dues par suite de la nationalisation de biens appartenant à des étrangers: a. L'Etat qui opère la nationalisation se met directement en rapport avec les différentes personnes intéressées et s'entend avec elles sur
les montants à payer. Cette procédure a été par exemple prévue dans plusieurs arrangements signés entre la Suisse et la Tchécoslovaquie.

b. L'Etat qui opère la nationalisation paie au pays d'origine des étrangers lésés une indemnité qui est calculée d'après la valeur réelle des droits et biens expropriés.

c. L'Etat qui opère la nationalisation paie au pays d'origine des étrangers lésés une somme globale à titre d'indemnité appropriée. On renonce à calculer exactement la valeur des droits nationalisés dans chaque cas particulier, et c'est l'Etat encaissant l'indemnité qui se charge de la répartition de la somme globale.

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Laquelle de ces procédures convient-il d'adopter ? C'est une question d'opportunité politique et économique. Il y a lieu de faire remarquer à ce sujet que la Suisse, lorsqu'elle entreprend de sauvegarder les intérêts .de ses ressortissants à l'étranger, fait valoir un droit qui lui appartient en propre et n'agit pas sur mandat des citoyens intéressés. La Confédération fait valoir son droit à ce que ses ressortissants soient traités par un Etat étranger conformément aux règles du droit des gens. Lorsqu'un Etat étranger ne traite pas un citoyen suisse conformément aux principes du droit international, la Confédération possède le droit propre d'exiger la réparation du dommage causé, sans égard aux prétentions que la personne lésée pourrait le cas échéant faire valoir individuellement et qui ne peuvent trouver leur fondement que dans le droit national. La mesure du dommage causé à un ressortissant sert de base pour l'estimation de l'indemnité que réclamera la Confédération en son propre nom. Il appartient à la Confédération seule de décider si elle entend faire valoir ses droits, de quelle manière et dans quelle mesure. Pour résoudre cette question la Confédération doit apprécier des intérêts généraux et particuliers; si l'intérêt général est en opposition avec l'intérêt particulier, il passe en premier. L'article 102, chiffre 8, de la constitution fédérale impose au Conseil fédéral le devoir de veiller aux intérêts de la Confédération au dehors. Si, dans de nombreux cas, l'intérêt particulier coïncide avec celui du pays et si, par conséquent, la Confédération accepte d'accorder la protection diplomatique à un ressortissant suisse à l'étranger, il peut aussi se présenter des cas où la situation est toute différente. Les intérêts du pays doivent alors avoir le pas sur les intérêts particuliers ; ni la constitution, ni la législation fédérales n'accordent au citoyen le droit d'exiger que la Confédération protège ses intérêts à l'étranger. Plus d'une fois le Tribunal fédéral a reconnu ce principe. Dans son jugement de l'affaire Gschwind du 14 octobre 1932, il a par exemple déclaré ce qui suit: Das Gesuch eines Schweizerbürgers, womit er den Bundesrat angeht, wegen einer vom Gesuchsteller erlittenen angeblich völkerrechtswidrigen Schädigung bei dem fremden Staate vorstellig zu werden, und deren Wiedergutmachung
zu betreiben, kann deshalb nur die Bedeutung haben, die Bundesbehörde auf den Tatbestand aufmerksam zu machen und sie zu dessen Prüfung zu veranlassen.

Was weiter zu geschehen hat, richtet sich nicht nach dem Begehren des Gesuchstellers, sondern nach dem objektiven Recht, das die Amtspflichten der Behörde in solchen Angelegenheiten bestimmt. Ein subjektives Recht darauf, dass der Bund sich seiner im verlangten Sinne annehme, erwächst dem Bürger aus der vorgekommenen Rechtsverletzung nicht. Es kann schon deshalb nicht in Frage kommen, weil das zuständige Organ der auswärtigen Verwaltung sich bei seinen Entschlüssen nicht bloss von den au sich berechtigten Interessen eines einzelnen Geschädigten leiten lassen kann, sondern daneben und ihnen vorangehend auch das allgemeine Staatsinteresse, die möglichen Rückwirkungen der verlangten Schritte auf die politischen oder sonstigen Beziehungen zu dem fremden Staate ins Auge fassen muss. (ATF 58, II, page 476; voir aussi ATF 52, II, page 259).

En conséquence la Confédération, désireuse d'obtenir une indemnité en raison des mesures yougoslaves de nationalisation, avait à choisir la procé-

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dure qui lui paraissait la plus opportune. Cette procédure était celle de l'indemnité globale. Ainsi qu'on l'a déjà dit, les personnes intéressées ont approuvé dans leur grande majorité cette manière de faire.

4. La fixation d'une indemnité globale présente cet inconvénient que toutes les prétentions tendant à obtenir une indemnité ne peuvent peutêtre pas être prises en considération a 100 pour cent. Mais cette procédure présente le grand avantage de rendre inutiles des enquêtes qui prennent beaucoup de temps et sont souvent pratiquement impossibles. Ces enquêtes devraient servir à déterminer le montant exact de l'indemnité. Dans beaucoup de cas, par suite de la perte des documents, il n'est pas possible de déterminer la valeur exacte des biens nationalisés. Il faudrait procéder sur place à des expertises longues et coûteuses. La fixation d'une indemnité globale permet un règlement rapide de toute la question. Il est certainement plus avantageux d'obtenir une indemnité déterminée dans un temps relativement court que de chercher à recevoir une somme qui peut-être serait plus élevée, mais dont la fixation pourrait traîner pendant des dizaines d'années. Si, au moment de la répartition de l'indemnité globale, des recherches précises se révélaient nécessaires dans certains cas, nos rapports de droit international avec la Yougoslavie et la validité de l'accord n'en seraient aucunement affectés; la question envers la Yougoslavie -- cela est déterminant -- est définitivement réglée.

5. Les gouvernements suisse et yougoslave se sont mis d'accord sur un montant de 75 millions de francs. Il s'y ajoute 3 millions de francs sous forme de livraisons de bois, qui doivent être l'objet d'un arrangement spécial avec la maison intéressée. Eu égard aux circonstances, cette somme apparaît comme acceptable. La commission pour les indemnités de nationalisation, instituée par arrêté du Conseil fédéral du 13 juillet 1948, a donné l'occasion aux créanciers intéressés d'exprimer leur avis et a examiné les principales créances. La conclusion en a été que le montant de 75 millions de francs doit être considéré, dans les conditions actuelles, comme une indemnité supportable et qu'il ne sera pas nécessaire d'imposer aux personnes intéressées un trop grand sacrifice sur leurs prétentions légitimes.

Le 19 juillet 1948, les
Etats-Unis d'Amérique ont conclu avec la Yougoslavie un arrangement au sujet des prétentions que des citoyens américains faisaient valoir par suite des mesures yougoslaves de nationalisation. Cet arrangement, comme l'accord avec la Suisse, prévoit le paiement d'une indemnité globale. Pour l'essentiel, l'arrangement américano-yougoslave est conforme à l'accord que nous avons signé. L'indemnité globale fut fixée à 17 millions de dollars. Il n'est pas possible de déterminer dans quelle mesure cette somme couvre les créances américaines, car nous ne connaissons pas l'importance des intérêts américains en Yougoslavie qui ont été frappés par les mesures de nationalisation.

685 6. Les diverses dispositions de l'accord sur les nationalisations donnent lieu aux remarques suivantes: L'article premier pose le principe de l'indemnité globale et fixe cette dernière à 75 millions de francs. Le montant supplémentaire de 3 millions de francs, payable sous forme de livraisons de bois, sera l'objet d'un arrangement entre le gouvernement yougoslave et la société suisse intéressée.

L'article 2 détermine les modalités de paiement. L'indemnité globale doit être entièrement payée en dix ans au plus. Si les échanges de marchandises avec la Yougoslavie se développent de la manière qu'on a prévue, il y a lieu de s'attendre à un règlement plus rapide. Les moyens nécessaires au transfert de l'indemnité seront constitués par des prélèvements, fixés en pour-cent, faits sur tous les paiements effectués en Suisse en règlement des marchandises vendues par la Yougoslavie et des frais accessoires.

Ainsi que le prévoit l'article 3, le gouvernement suisse, après paiement intégral de l'indemnité globale, considérera comme définitivement réglées toutes les demandes d'indemnité des intéressés suisses. Aussi le Conseil fédéral, après paiement de l'indemnité, n'entreprendra-t-il plus aucune autre démarche diplomatique en cette matière. Que la Confédération ait donné à la Yougoslavie une telle assurance, cela découle de la nature même des choses. Cependant, le gouvernement yougoslave a insisté pour que les divers intéressés soient également mis dans l'impossibilité de faire valoir individuellement leurs prétentions et de recourir à des moyens juridiques. En premier lieu, il faut éviter le séquestre des avoirs yougoslaves en Suisse. Ces voeux, exprimés par la Yougoslavie, apparaissent comme pleinement justifiés, du fait qu'elle s'est déclarée prête à régler définitivement les prétentions suisses en payant une indemnité globale à la Confédération, indemnité que celle-ci devra répartir entre les ressortissants suisses intéressés. C'est la raison pour laquelle, selon l'article 3, les intéressés, dès le moment de l'entrée en vigueur de l'accord, ne peuvent plus faire valoir individuellement leurs prétentions par quelque moyen que ce soit; après paiement intégral de l'indemnité globale, toutes leurs prétentions seront caduques.

L'article 4 définit les biens, droits et intérêts suisses qui doivent être
considérés comme réglés par l'indemnité globale. Rentrent dans cette catégorie non seulement les demandes d'indemnité pour les biens nationalisés et expropriés et pour d'autres droits réels, mais aussi les créances contre les débiteurs qui ont été l'objet de mesures de nationalisation et d'expropriation; en effet, il a paru indiqué d'inclure également ces créances dans l'indemnité globale. Lorsqu'on parle, à l'article 4, des prétentions suisses en dommages-intérêts résultant de mesures législatives, administratives ou judiciaires yougoslaves, il y a lieu de comprendre qu'il s'agit avant tout des indemnités payables à un petit nombre de ressortissants suisses qui avaient été mis en état d'arrestation par les autorités yougoslaves.

L'article 5 indique ce qui doit être considéré comme biens, participations ou créances suisses. Cette question ne présente aucune difficulté quand les biens appartiennent à des personnes physiques; dans ce cas, on se fonde sur la nationalité du propriétaire ou du créancier. En ce qui concerne les personnes morales et les sociétés commerciales, on n'a pas seulement tenu compte du siège qui doit être en Suisse, mais on s'est encore demandé s'il existait, dans la personne morale ou la société, un intérêt suisse prépondérant (substantial interest). Dans la plupart des cas, l'intérêt suisse prépondérant sera démontré lorsque la majorité effective du capital se trouve en mains suisses. S'il n'y a pas de majorité, il y a lieu de s'en tenir à la minorité qui exerce une influence décisive sur la société ; ce fait est particulièrement facile à constater lorsqu'une minorité compacte se trouve en présence d'une majorité dispersée. La composition du conseil d'administration et de la direction peut aussi être déterminante lorsque c'est à eux qu'il appartient de former la volonté de la personne morale et de décider pour elle. Enfin, dans certains cas, on ne doit pas négliger non plus les créanciers, car eux aussi peuvent exercer une certaine influence sur l'entreprise. Mais il faut toujours considérer les circonstances réelles et ne pas se fier à des constructions purement juridiques, qui peuvent avoir uniquement pour but de dissimuler les faits véritables.

La nationalité suisse des personnes physiques ou le caractère suisse des personnes morales et des sociétés commerciales doivent avoir existé aussi bien au moment de l'expropriation qu'à la date de l'entrée en vigueur de l'accord, ainsi qu'il est dit à l'alinéa 2 de l'article 5. Cette règle est conforme aux principes généraux du droit international sur la réparation des dommages.

L'indemnité globale sera payée non aux divers intéressés suisses, mais au gouvernement de la Confédération. Il en résulte qu'il incombe aux autorités fédérales de répartir l'indemnité globale aux divers créanciers selon une clé de répartition qui doit encore être établie. L'article 6 prévoit expressément ce principe. Le mode de répartition n'a pas encore été fixé.

Ce sera la tâche de la commission pour les indemnités de nationalisation, déjà mentionnée plus haut, de préparer un plan
de répartition, qui devrait être soumis à l'approbation du Conseil fédéral. A cette occasion, les intéressés auraient une fois encore la possibilité de défendre leurs prétentions et d'exprimer leur avis sur la quote-part de l'indemnité globale qui leur serait dévolue. Si une entente n'était pas possible entre la commission et les intéressés, le Conseil fédéral aurait à examiner le cas et à se prononcer.

Bien qu'une indemnité globale ait été fixée pour dédommager les intéressés suisses et que les autorités fédérales doivent en établir le plan de répartition, ni la Confédération ni la Yougoslavie n'engagent leur responsabilité à l'égard des intéressés dont les prétentions ne pourraient être entièrement prises en considération. Une telle responsabilité n'est reconnue

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ni par le droit des gens, ni par le droit public suisse. A toutes fins utiles, on t'a exclue expressément à l'article 6.

L'article 7 libère les anciens propriétaires suisses d'entreprises ou de biens-fonds expropriés en Yougoslavie de toute obligation résultant de l'activité de ces entreprises et contractée envers des créanciers non suisses avant les mesures d'expropriation ou garantie par des hypothèques sur les biens-fonds en question. Il aurait été inéquitable que les anciens propriétaires suisses continuent à supporter le passif de leurs entreprises en Yougoslavie après que l'actif leur a été enlevé. Si cette disposition a été limitée aux dettes contractées envers des créanciers non suisses, c'est parce que les créanciers suisses dont les débiteurs en Yougoslavie ont été l'objet de.

mesures de nationalisation et d'expropriation sont dédommagés par le moyen de l'indemnité globale, de sorte qu'une garantie supplémentaire dans ce cas était superflue.

L'article 8 assure la protection des marques suisses de fabrique et de commerce, qu'elles soient reconnues sur le plan international ou enregistrées en Yougoslavie seulement; il tend aussi à la protection des raisons sociales.

L'utilisation de ces marques et raisons sociales n'est possible qu'avec l'assentiment des propriétaires suisses.

Les patentes sont réglées par l'indemnité globale; elles n'ont joué qu'un rôle secondaire dans le cas de la Yougoslavie.

L'article 9 prévoit que le gouvernement yougoslave doit prêter son appui aux autorités suisses, si cela est nécessaire pour élucider des faits sur lesquels se fondent les intéressés suisses pour justifier leur prétention à recevoir une part de l'indemnité globale.

Les prétentions qui pourraient résulter de mesures yougoslaves de nationalisation ou d'expropriation, décrétées après l'entrée en vigueur de l'accord, ne sont pas réglées par celui-ci. L'article 10 contient une réserve à ce sujet.

D'après l'article 11 l'accord est également valable pour la principauté de Liechtenstein, ce qui est conforme à l'article 7 du traité d'union douanière du 29 mars 1923. A vrai dire, il ne s'agit pas en l'occurrence d'un accord commercial ou douanier stricto sensu. Cependant, l'accord de nationalisation vise les relations économiques entre la Suisse et un Etat étranger; il est par conséquent conforme au
sens d'une union douanière que l'accord sur les nationalisations soit également appliqué à la principauté de Liechtenstein.

L'article 12 règle l'entrée en vigueur de l'accord. Celui-ci a le caractère d'un arrangement de droit commercial, de sorte qu'il ne contient aucune clause de dénonciation. Il cessera d'exister aussitôt que la Yougoslavie aura rempli toutes ses obligations.

688 V

ENTRÉE EN VIGUEUR ET DURÉE DE L'ACCORD Les trois accords mentionnés en tête du présent message entreront en vigueur le jour de l'échange des instruments de ratification. Le traité de commerce et l'accord sur l'échange des marchandises et le règlement des paiements sont valables jusqu'au 30 septembre 1953. Il était nécessaire de prévoir pour ces textes une durée de validité de cinq ans, car, d'une part, ils servent de base à l'exécution des livraisons suisses à long terme et, d'autre part, doivent assurer le transfert de l'indemnité de nationalisation.

Comme on l'a déjà relevé, cette durée de validité, qui n'est pas usuelle dans nos accords avec l'étranger, ne comporte aucun inconvénient en ce qui concerne notre liberté d'action dans le domaine de la politique de l'importation et de l'exportation, étant donné que les listes de marchandises doivent être renouvelées d'année en année à l'exception de la liste des livraisons à long terme. Vu la longue durée de validité prévue, il nous a cependant paru indiqué de ne signer ces accords que sous réserve de ratification. Pour ce qui est du traité de commerce, cette manière d'agir correspond à la pratique observée jusqu'à présent. Quant à l'accord sur les nationalisations, nous tenons à obtenir votre approbation pour la solution adoptée dans le cas de la Yougoslavie, d'autant plus que des accords semblables pourront sans doute être conclus avec d'autres pays.

Si nous soumettons également l'accord sur l'échange des marchandises et le règlement des paiements à l'approbation des chambres fédérales, c'est pour vous permettre d'avoir une vue d'ensemble sur tous les arrangements conclus avec la Yougoslavie. En réalité, conformément à l'arrêté fédéral sur les mesures de défense économique envers l'étranger, du 14 octobre 1933/22 juin 1939, nous aurions été fondés à signer l'accord avec la Yougoslavie sans réserver la ratification. Cet accord aurait alors été soumis à votre approbation, comme dans les autres cas, en même temps que le prochain rapport du Conseil fédéral relatif aux mesures de défense économique envers l'étranger.

Dans un échange de notes, le chef de la délégation suisse et le chef de la délégation yougoslave sont · convenus de mettre provisoirement en vigueur les trois accords précités le 1er octobre 1948. Cette mesure était indispensable pour
permettre le fonctionnement immédiat du trafic des marchandises et des paiements et pour pouvoir commencer sans délai le prélèvement des montants nécessaires au paiement de l'indemnité de nationalisation. Cependant, ni du point de vue pratique, ni du point de vue juridique, le Conseil fédéral n'a préjugé la décision des chambres fédérales.

Si la ratification ne pouvait intervenir faute de l'approbation de l'Assemblée fédérale, il conviendrait simplement de conclure avec la Yougoslavie un

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arrangement prévoyant la liquidation des prestations contractuelles déjà exécutées.

VI

CONSIDÉRATIONS FINALES II y a lieu de considérer que la tentative faite par les autorités fédérales en vue d'arriver avec la République federative populaire de Yougoslavie à une entente définitive sur toutes les questions de nature économique a réussi. Avec compréhension la Yougoslavie a prêté la main à la conclusion d'arrangements qui assurent aux deux parties un règlement durable et profitable des relations économiques. La longue durée de validité des accords a été imposée par la nature même des problèmes à résoudre. Elle répond aussi à la conception yougoslave de planification de l'économie par l'Etat. Cette conception peut être en contradiction avec le système suisse de l'économie privée; elle n'exclut pas cependant un développement fructueux des relations économiques réciproques. S'il est vrai que la planification du commerce extérieur yougoslave peut, dans certains cas, poser des limites aux possibilités de vente de l'industrie suisse d'exportation, elle n'en garantit pas moins à la longue une certaine sécurité qui peut exercer une influence favorable sur l'exportation suisse.

Il y a lieu de relever qu'il a été pour la première fois possible d'arriver avec l'un de nos partenaires de l'Europe orientale à régler d'une façon satisfaisante l'ensemble des relations économiques. Sur un point, il est vrai, on n'a pas réussi à trouver une solution ; il s'agit de la reprise du service de la dette publique yougoslave. Le gouvernement yougoslave a reconnu toutes les dettes de l'Etat, y compris les engagements de l'ancienne monarchie austro-hongroise assumés par la Yougoslavie. Néanmoins il n'a pas pu se déclarer en mesure d'assurer le service des intérêts de ces emprunts. Si cette situation n'est nullement satisfaisante pour les créanciers financiers suisses, il eut été cependant impossible de prendre la responsabilité de faire échouer les négociations à cause de ce point; les Etats-Unis d'Amérique eux-mêmes ont renoncé à une reprise immédiate du service de la dette, bien qu'ils aient eu en mains un gage efficace grâce au séquestre de l'or de la banque nationale yougoslave. Dans un protocole des négociations, la délégation yougoslave a garanti aux porteurs suisses de titres de l'Etat yougoslave le même traitement qu'à ceux de la nation la plus favorisée.

Nous fondant sur les commentaires qui précèdent,
nous avons l'honneur de vous proposer d'approuver les trois accords mentionnés en tête de ce message. Conformément à leur nature, ces accords devraient être approuvés ou rejetés en bloc. En cas d'approbation, il y aurait lieu d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

690 Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 29 octobre 1948.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, CELIO 7322

Le chancelier de la Confédération, LEIMGBUBER

(Projet) '

ARRÊTÉ FÉDÉRAL approuvant

un traité de commerce, un accord concernant l'échange des marchandises et le règlement des paiements, ainsi qu'un accord concernant les nationalisations, conclus entre la Suisse et la Yougoslavie

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 29 octobre 1948, arrête : Article premier Sont approuvés le traité de commerce, l'accord concernant l'échange des marchandises et le règlement des paiements, ainsi que l'accord concernant l'indemnisation des intérêts suisses en Yougoslavie frappés par des mesures de nationalisation, d'expropriation et de restriction, conclus le 27 septembre 1948 entre la Confédération suisse et la république federative populaire de Yougoslavie.

Art. 2 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté.

7322

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant le traité de commerce, l'accord sur l'échange des marchandises et le règlement des paiements et l'accord sur les nationalisations conclus entre la Suisse et la Yougoslavie (Du 29 octobre 19...

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44

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04.11.1948

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