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XLVIIme année ?ol, IL

N° 22,

Mercredi 15 mai 1895

Abonnement par année (franco dans toute la Suisse) : 5 francs.

Prix d'insertion 15 centimes la ligne ou sou espace. Les insertions doivent être .transmises franco à l'expédition. --Imprimerie et expédition de C.-J. Wyss, à Berne.

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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant

la révision des articles de la constitution fédérale relatifs aux affaires militaires.

(Da 2 mai 1895.)

Monsieur le président et messieurs, Le 10 décembre 1894, vous avez décidé de ne pas entrer en matière sur une révision partielle de l'organisation militaire, mais de nous charger de vous présenter un rapport et des propositions sur la question de savoir s'il est nécessaire de réviser les articles militaires de la constitution fédérale et de quelle manière cette révision doit se faire.

Pour donner suite à cette invitation, nous avons l'honneur de vous faire remarquer tout d'abord que la question de la révision de ces articles a déjà fait l'objet, le 4 avril 1889, d'un débat approfondi au sein du conseil national. Il s'agissait de la motion de MM. les conseillers nationaux Müller, Bühlmann, Gallati, Häni, Künzli, Meister, Riniker, Schobinger et Vigier, ainsi conçue.

« Le conseil fédéral est invité à examiner la question de savoir si, et dans quelle mesure, les plaintes que l'on a élevées contre notre organisation militaire, notamment dans les délibérations de la société suisse des officiers, sont fondées, et à présenter un rapport et des propositions sur les voies et moyens de remédier aux défauts que l'on aurait constatés. » Feuille fédérale suisse. Année XL VIL Vol. IL 71

1078 Les délibérations ont porté, en même temps, sur une autre motion connexe présentée par MM. Python et Hochstrasser et ainsi formulée.

« Le conseil fédéral est invité, s'il juge opportun de provoquer une révision de notre organisation militaire, à étudier la question de savoir s'il ne serait pas avantageux de confier aux corps de troupes eux-mêmes la nomination de leurs officiers, qui serait faite parmi les porteurs d'un certificat de capacité. » A.U cours des débats, les modifications suivantes ont été proposées.

De M. le conseiller national Geilingcr. « Le conseil fédéral est invité à présenter, après examen, un rapport sur la question de savoir s'il y a lieu de modifier ou de compléter dans le sens de l'unification les dispositions de la constitution fédérale en rnatièr& militaire, et les lois et ordonnances qui en dépendent. » De M. le conseiller national Thélin. « Le conseil fédéral est invité à présenter un rapport sur la question de savoir s'il y a lieu de modifier et de compléter l'organisation militaire, les lois et les ordonnances qui en dépendent, dans les limites fixées par la constitution de 1874. » Pour motiver sa motion, M. Müller, colonel divisionnaire, expose les raisons ci-après.

« La motion a pour but de tranquilliser et apaiser chacun non seulement dans les chambres, mais aussi dans le pays, et d'indiquer de quelle manière on pourrait procéder pour mener de front a la fois les intérêts de notre défense nationale et les appréhensions d'un excès de centralisation fondées. Ce moyen est fourni par l'examen que ferait le conseil fédéral, lequel a connaissance des plaintes et critiques qui ont surgi en la matière, et se trouve qualifié, comme partie neutre, pour soumettre un projet accepté par toutes parties, apte à écarter tous les abus qu'on a signalés, tout en fortifiant notre armée et nos institutions militaires dont l'étranger aurait de plus en plus de respect.» M. le conseiller national Biniker, colonel, l'appuie « en signalant que, parmi les choses anormales que l'on pourrait relever dans une critique de notre organisation militaire, il y aurait à nommer le défaut d'instruction des officiers du landsturm et de la troupe de laudsturm qui devrait, au moins une fois par an, être appelée à un service d'un jour, servant d'inspection et d'exercice, qu'on fixerait de préférence
à l'époque des grandes manoeuvres. De plus, on devrait étudier avant tout la formation de corps d'armée, attendu que les corps de troupes des armes spéciales attribuées a chaque-

1079 division sont trop faibles en effectif pour pouvoir faire d'importantes prestations et produire de grands eifets. » MM. Python et Hochstrasser, de leur côté, croient « à la vérité que le système suivi actuellement et d'après lequel, sur le vu du certificat de capacité, les cantons ont à nommer les officiers de troupe, est encore le meilleur ; mais si l'on cherche à enlever ce droit de nomination aux cantons, il faut alors laisser aux troupes le soin de la nomination de leurs officiers. » C'est aussi pourquoi on ne doit considérer leur motion que comme éventualité. Toutefois, il y a lieu de faire remarquer « que de haut lieu les exigences déjà énormes en temps et en argent adressées aux citoyens augmentent, ce qui amène dans le corps des officiers surtout des citadins; lors de l'avancement, ceux-ci sont pris en première ligne en considération, aussi les campagnards sont mis au rancart, ce que la motion permettrait de rectifier. » « M. le chef du département militaire Hauser, agissant au nom du conseil fédéral, déclare qu'au vu de la rédaction conciliante et ne préjugeant rien, que présente la motion Müller, il l'accepte.

Même les plus décidés adversaires de la centralisation doivent reconnaître qu'en dépit des progrès qu'a faits notre armée depuis 15 années, il y a encore à marcher en avant dans le progrès. Quant aux moyens de remédier aux côtés faibles de nos institutions, on peut être d'avis différents ; ils consistent surtout dans le mode suivant lequel les corps de troupes sont formés, et dont les officiers sont nommés et répartis, où les étroites limites des cantons arrivent comme un gênant obstacle créant toutes sortes de difficultés nuisibles ; néanmoins, il ne sera pas impossible de s'entendre pour le mode d'y remédier. En revanche, le conseil fédéral repousse la motion Python, non seulement en raison des difficultés énormes qu'en présenterait la mise à exécution, mais encore parce qu'à priori, au premier coup d'oeil, elle paraît inconciliable avec les notions de la hiérarchie militaire et de la discipline. » Quant à la votation qui a suivi ces débats au sein du conseil national et que nous avons reproduit ci-dessus textuellement d'après les procès-verbaux français de cette chambre, on peut lire ce qui suit dans ces mêmes procès-verbaux.

« La motion Python disparait avant le vote.
« Celle de M. Müller, en sa première teneur, est acceptée éventuellement contre l'amendement de M. Geilinger par 56 voix contre 47.

« En 2me vote éventuel, elle est maintenue par 63 voix contre 35 ralliées à la rédaction Thélin.

« Au vote définitif, elle est déclarée prise en considération par 72 voix contre 26. »

1080 Depuis lors, nous n'avons pas perdu de vue cette décision du conseil national.

Dans le courant des années 1889 et 1890, il s'agissait de l'introduction d'un nouveau fusil pour l'infanterie et de la poudre à faible fumée. Ces mesures ont donné un travail considérable à notre département militaire. En m&me temps, on a créé un dépôt central de remonte ponr la cavalerie et agrandi l'établissement de la régie en vue d'augmenter l'effectif des chevaux dressés pour officiers.

Enfin, par la suite, nous n'avons pas pu abandonner l'idée qu'en vue de la possibilité de conflits européens sérieux, il fallait, avant tout, que notre armée soit prête à soutenir une campagne et lui donner les organisations qui semblaient nécessaires pour pouvoir défendre la patrie avec succès.

C'est ainsi que vous avez adopté la loi fédérale sur la création de corps d'armée, dont le but est de mettre une armée forte et homogène entre les mains du général commandant en chef et de lui permettre de se servir avec fruit des armes spéciales. C'est aussi dans le même ordre d'idée qne, par arrêté du 30 octobre 1891, nous avons institué une commission permanente de défense nationale. Une loi fédérale a créé les corps de vélocipédistes.

Le 29 janvier 1892, vous avez adopté un arrêté concernant des crédits pour l'armement, le matériel et les approvisionnements de notre armée, arrêté qui avait essentiellement pour objet d'augmenter considérablement les effectifs de munition et de créer des réserves de produits alimentaires, d'objets d'habillement et de chaussures. En môme temps, nous avons procédé à l'installation de magasins pour l'approvisionnement de l'armée. La garde des frontières a été organisée militairement, et l'on a introduit la munition de réserve. La dislocation du matériel de guerre a été complètement révisée dans l'intérêt d'une mobilisation plus rapide; nous avons installé un dépôt de projectiles bruts et un laboratoire à Altorf; le service territorial et des étappes a été réorganisé, le landsturm a été armé et équipé, et l'instruction de celui-ci a été fixée par voie législative. Les détachements spéciaux du landsturm non armé ont été également organisés par notre ordonnance du 13 février 1894. Notre système de fortification du Gothard a été complété par la construction d'ouvrages dans le Bas-Valais, et, entre temps,
nous avons procédé à l'organisation de l'administration et de la défense de toutes les forteresses. La cavalerie a été armée d'un nouveau mousqueton petit calibre ; le recrutement a été augmenté, et, pour donner plus de force à cette arme, nous vous avons nanti d'une proposition tendant à la doter de fusils sur affûts. L'équipement de la cavalerie a été sensiblement simplifié et

1081 allégé. L'infanterie et la cavalerie ont reçu do nouveaux règlements en harmonie avec les exigences actuelles. Le corps d'instruction des différentes armes a été augmenté convenablement, et la situation économique des instructeurs a été quelque peu améliorée.

Les mesures nécessaires ont été prises pour obtenir une chaussure rationnelle pour les troupes, en ce sens qu'on a introduit un nouveau modèle répondant à toutes les exigences, et la chaussure est cédée au soldat à des prix notablement réduits. La loi sur les pensions militaires a été complétée par l'assurance des troupes contre les accidents. Par ordonnance du 28 décembre 1894, les corps de troupe combinés des armes spéciales ont été nouvellement organisés, et ils ont été incorporés aux divisions et aux corps d'armée.

Enfin, on a élaboré, sur la base de cette organisation, une nouvelle ordonnance sur la mobilisation.

Toutes ces mesures et une quantité d'autres non moins importantes, poursuivant toutes le môme but, savoir préparer l'armée à entrer fructueusement en campagne, tendaient, avant tout, à satisfaire les besoins les plus urgents en cas de guerre.

Le moment nous a semblé venu de passer à la révision de l'organisation militaire. Ici aussi, nous avons voulu liquider d'abord le plus pressant ; c'est pourquoi nous vous avons soumis, en premier lieu, un projet d'une nouvelle organisation des troupes.

Vous n'avez pas partagé notre manière de voir à ce sujet, et vous nous avez chargés d'étudier une révision totale de l'organisation militaire et d'examiner, à cette occasion, la question de savoir si et de quelle manière il y avait lieu de réviser les articles de la constitution relatifs aux affaires militaires.

L'examen approfondi de cette question, non seulement au point de vue théorique, mais en prenant pour base les résultats pratiques obtenus par l'application des prescriptions actuelles pour la défense du pays, nous a convaincus de la nécessité de réviser les articles militaires de la constitution fédérale. L'organisation de 1874 constitue un progrès immense pour notre armée. Il est probable qu'aucune nouvelle organisation future ne pourra rivaliser avec elle quant à la profondeur et à l'étendue des nouvelles idées.

La plus grande partie des institutions qu'elle a créées se. sont maintenues pleinement pendant ces vingt ans
d'expérience. Les sages dispositions de la loi ont permis de développer notre défense nationale d'une manière fructueuse à tous égards, et nous devons exclure d'emblée une révision qui serait tentée sur d'autres bases que celles sur lesquelles elle est établie. Il n'y a qu'un point où une modification complète semble être indiquée par l'expérience : c'est le transfert à la Confédération de tout ce qui concerne l'administration de l'armée. A ce point de vue, les dispositions de

1082 la constitution fédérale étaient une barrière infranchissable pour la loi organique de 1874.

En jetant un regard rétrospectif sur le développement de notre armée depuis les temps les plus reculés jusqu'à ce jour, on constate que l'idée du transfert, à la Confédération, de toute l'administration militaire n'est pas du tout nouvelle.

En effet, depuis l'acte connu sous le nom de Sempaclierbrief (1393). qui, en 1499, reçut une adjonction disant que « les troupes devaient également obéissance aux capitaines d'autres états confédérés », jusqu'à la constitution de 1874, nous voyons cette idée allant toujours en progressant. Dès l'origine, le droit suprême de la Confédération de légiférer en la matière était incontestable.

Jamais, depuis le Sempaeherbrief, l'armée fédérale ne s'est rangée sous les drapeaux sans qu'elle ait eu des prescriptions communes.

Quoique le Sempaeherbrief, avec ses adjonctions et en dehors de l'obligation sacrée de se prêter mutuellement secours, ne contienne guère que des prescriptions disciplinaires, l'acte dit recès de Wyl (1647) déterminait déjà les contingents de troupes à fournir par chaque état confédéré et organisait la composition de l'armée.

La defensionale de la Confédération du 18 mars 1668 va plus loin encore, en fixant non seulement les contingents des états mais aussi la force des unités tactiques, ainsi que la subsistance et la solde des troupes. Dans cet acte organique de l'armée, nous trouvons également l'organisation de la justice militaire.

Sous le régime de la République helvétique, la Confédération était divisée en un certain nombre de départements militaires, à la tête desquels était placé un inspecteur général, qui commandait les troupes de MU département. A l'inspecteur général était subordonné un quartier-maître pour l'instruction, qui lui-même avait sous ses ordres les commis d'exercice des communes. L'administration était, d'après la constitution, du ressort du gouvernement central.

Sous l'empire de l'acte de médiation, l'idée d'unification fit de nouveau un pas en arrière. Le règlement militaire général pour la Fédération siàsse (schweizerischer Bundesverein), du 22 juin 1804, ne put être mis en vigueur que le 5 juin 1807, parce qu'à l'origine les députés de l'état de Vaud contestaient à la diète la compétence d'élaborer des édits semblables. La
disposition suivante de cette organisation militaire est très-caractéristique.

i Le contingent fédéral sera formé de manière que les inconvénients, résultats ordinaires des systèmes militaires fédératifs, soient évités autant que possible ; ainsi tout ce qui a rapport à l'orga-

1083 îiisation, au commandement, à l'exercice, à la discipline, en un mot au service des contingents respectifs des cantons, devra être réglé sur un mode uniforme ».

Un conseil de guerre constituait l'autorité militaire centrale supérieure, à laquelle étaient subordonnés un état-major général d'inspection, un grand-juge, une trésorerie centrale et le commissariat central des guerres.

Non seulement les sept légions qui formaient le corps des contingents (l'armée) étaient composées de troupes de différents cantons, mais môme les bataillons étaient formés de compagnies prises dans plusieurs cantons.

Le « règlement militaire général » du 20 août 1817 constitue une organisation militaire entrant dans les plus petits détails. Cette loi prévoit également la formation de plusieurs bataillons comprenant des contingents de troupes de différents cantons.

La constitution fédérale de 1848 conférait à la Confédération l'instruction des troupes du génie, de l'artillerie et de la cavalerie, la formation d'instructeurs pour les autres armes, l'instruction militaire supérieure pour toutes les armes, à quel effet elle devait notamment instituer des écoles militaires et organiser des rassemblements de troupes, et enfin la fourniture d'une partie du matériel de guerre. La centralisation de l'instruction militaire devait au besoin être développée davantage au moyen de lois fédérales à ·édicter. En outre, la Confédération était chargée de la surveillance de l'instruction de l'infanterie et des carabiniers, comme aussi de l'acquisition, de la construction et de l'entretien du matériel de .guerre que les cantons devaient fournir à l'armée fédérale. La commission de révision de la diète, sur la base du projet de ses membres Kern et Druey, avait proposé la centralisation de l'ensemble de l'instruction. Son rapport sur le chapitre concernant le militaire ·commençait comme suit.

« L'indépendance de la Suisse et sa sûreté étant le but capital ·de la Confédération, une plus grande centralisation des institutions .militaires découlait tout naturellement d'une réforme opérée pour resserrer les liens fédéraux. Il ne pouvait cependant être question d'une centralisation absolue, parce que, dans l'organisation militaire comme dans les institutions politiques dont elle est inséparable, devait se retrouver la pensée dominante du
projet, la participation de la nation et des cantons aux grands actes de la vie fédérale ».

La députation du canton de Berne a présenté à la diète la motion suivante.

« Le système militaire de toute la Confédération doit être complètement centralisé tant pour l'instruction que pour l'administration.

L

1084 Le matériel de guerre des cantons, pour autant que ceux-ci étaient tenus de l'avoir, est remis en propre à la Confédération.

« La Confédération a le droit de prendre à elle les bâtiments militaires des cantons moyennant indemnité ».

A la votation, cette motion ne réunit que la voix de la députation de l'état de Berne.

Lors des luttes constitutionnelles des années 1870 à 1874,.

l'idée d'une centralisation se fit jour de nouveau. Dans son message du 17 juin 1870, le conseil fédéral mentionnait principalement les inconvénients que suscitait le système précédent des contingents cantonaux. D'après l'article 19 de la constitution fédérale de 1848, les contingents des cantons s'élevaient à 4 '/j °/0 de la population. Déjà au cours des délibérations de la commission de révision de la diète, on avait fait observer « qu'on commettait une contradiction en disant que l'armée fédérale était composée de tant et tant d'hommes,, tandis qu'en même temps on déclarait que chaque Suisse était tenu au service militaire. » Le conseil fédéral signalait, comme inconvénient principal du système des contingents, la formation d'unités tactiques isolées, qui en était la conséquence ; en effet, l'armée fédérale ne comptait alors pas moins de 22 demi-bataillons et 24 compagnies d'infanterie isolées, qui n'avaient été formées que pour compléter les contingents des cantons et qui, avec une organisation rationnelle, auraient pu former des corps de troupes complets. C'est pourquoi le conseil fédéral, dans le but d'appliquer le principe de l'obligation générale de servir et de l'organisation de l'armée fédérale sur la base de la population apte au service, avait inséré, dans son projet, une disposition disant que les contingents des cantons comprenaient l'ensemble des hommes aptes au service à teneur des lois fédérales. D'après les propositions de la majorité du conseil fédéral, les lois militaires, à l'exception des prescriptions relatives à l'instruction, devaient être appliquées par les cantons sous la surveillance de la Confédération.

En opposition à cela, une motion fut présentée aux chambres fédérales par plusieurs députés, tendant à ce que la question de participation des cantons à l'administration militaire soit réglée par la législation fédérale, et finalement les deux conseils adoptèrent la disposition suivante.
« L'exécution de la loi militaire dans les cantons a lieu par les autorités cantonales dans les limites déterminées par la législation fédérale ».

La Confédération était chargée des « frais de l'instruction, de l'habillement, de l'armement et de l'équipement de l'armée fédérale». En revanche, «le matériel de guerre des cantons, dans l'état

1085 où il doit se trouver d'après les prescriptions des lois existantes, passe à la Confédération ».

Après le rejet par le peuple et les états du projet du 5 mars 1872, le conseil fédéral inséra, dans son nouveau projet du 4 juillet 1873, les principes essentiels suivants.

Tout Suisse est tenu au service militaire.

L'armée fédérale se compose de tous les Suisses astreints au service militaire.

Les lois sur l'organisation de l'armée émanent de la Confédération, qui veille à leur exécution.

La Confédération pourvoit à tout ce qui concerne l'instruction militaire.

Elle supporte les frais de l'instruction et de l'armement.

Elle prend également à sa charge les autres dépenses militaires, à moins que la législation n'en mette une partie à la charge des cantons.

La participation des cantons à l'administration des corps de troupe de leur territoire est réglée par la législation fédérale.

A cet égard, le conseil fédéral est parti du point de vue que, pour les questions militaires, « l'autorité militaire de la Confédération est au-dessus de celle des cantons et que la souveraineté de .ces derniers ne peut entrer en ligne de compte que lorsqu'elle n'est pas un obstacle au but ». Dans ce sens et sous cette réserve, on garantissait aux cantons : « 1. la création de corps de troupe cantonaux, dans ce sens que les unités tactiques ne seraient pas, dans la règle, formées de troupes de divers cantons ; « 2. la formation de ces corps de troupe cantonaux et le soin de veiller au maintien de leur effectif, d'après les prescriptions fédérales ; « 3. le droit de disposer dos forces militaires de leur territoire en tant que la Confédération elle-même n'en disposerait pas.

Par contre, le projet attribuait à la Confédération : « 1. la législation sur l'organisation de l'armée ; « 2. l'instruction militaire de toutes les armes ; « 3. l'achat de l'armement dans son ensemble ; « 4. le droit de se servir des places d'armes et des bâtiments existants ».

Le conseil fédéral n'a pas reproduit la disposition contenue dans le projet antérieur, d'après laquelle le matéiàel de guerre des

1086 cantons devenait la propriété de la Confédération. Quoique celle-ci ait déjà eu, sur la principale partie de ce matériel et notamment snr l'armement, un droit de copropriété, qui, calculé dans la proportion des subventions aux frais, était supérieur à celui des cantons, le conseil fédéral était d'avis que la question de droit privé concernant la propriété pouvait être, au cas particulier, entièrement mise de côté, attendu que la Confédération, en vertu de son droit incontestable de pouvoir disposer du matériel de guerre, était propriétaire de tout ce qui lui semblait nécessaire, au point de vue de son pouvoir suprême sur le militaire.

Lors de l'adoption définitive des articles militaires par les chambres fédérales, les propositions du conseil fédéral subirent les modifications suivantes.

1. Quant à la composition de l'armée fédérale, le principe de la formation des corps de troupe cantonaux a été expressément inscrit dans la constitution. Par contre, on y ajoutait que l'armée fédérale, en dehors des corps de troupe cantonaux, se composait de tous les Suisses qui, n'appartenant pas à ces corps de troupe, étaient néanmoins astreints au service militaire.

2. L'exécution des lois militaires a été expressément attribuée aux autorités cantonales, il est vrai seulement dans les limites à fixer par la législation fédérale et sous la surveillance de la Confédération.

3. La fourniture de l'habillement et de l'équipement restait dans la compétence cantonale, et la Confédération n'était tenue qu'à bonifier les frais en résultant.

En comparant, au point de vue de la centralisation militaire, les dispositions de la constitution de 1874 avec celles de la constitution de 1848, on constate dans la première les progrès suivants sur la seconde.

1. L'application uniforme du principe de l'obligation générale de servir et l'organisation de l'armée fédérale sur la base de la population apte au service (abrogation du système de l'échelle des contingents).

2. L'ensemble de l'instruction militaire a été abandonnée à la Confédération.

3. L'ensemble de l'armement a été attribué à la Confédération.

4. La Confédération a été chargée des dépenses pour l'habillement et l'équipement.

1087 5. La surveillance des administrations militaires cantonales a été confiée à la Confédération.

6. La gratuité du premier équipement, du premier habillement et du premier armement des militaires a été accordée.

7. Des secours ont été admis pour les militaires et les familles de militaires qui, par suite du service militaire de la Confédération, perdent la vie ou dont la santé est altérée d'une manière permanente.

Il résulte de ce court exposé historique ,, que, pendant des siècles, le développement de l'armée suisse et le développement de l'idée d'unification de la défense nationale ont marché de pair. Sous ce rapport, on a procédé d'étape en étape, avec prudence et en ayant toujours égard aux principes fédératifs de la Confédération. Nous croyons pouvoir admettre que le moment est actuellement venu de faire le dernier pas. En examinant, sans parti pris, les différentes questions, on arrivera à reconnaître que la centralisation absolue de notre armée n'exclura pas du tout la coopération des cantons, mais qu'au contraire celle-ci sera désirable et même indiquée sous plusieurs rapports.

Aussi peu qu'il s'agit d'exclure la coopération des cantons, il ne peut pas non plus être question, en cas de centralisation de notre armée, d'une centralisation de l'administration, qui sei-ait en opposition à nos traditions. Il nous sera plus facile de prouver que notre organisation actuelle est essentiellement centralisatrice et qu'elle souffre de tous les inconvénients inhérents à tout système d'administration bureaucratique centralisée, tandis que le transfert de l'administration à la Confédération pourra seul permettre une saine décentralisation.

Loin de nous la pensée de reprocher en général aux administrations militaires des cantons une négligence dans l'accomplissement de leur tâche ! Nous sommes, an contraire, dans l'agréable situation de pouvoir affirmer que les autorités militaires cantonales cherchent à exécuter les lois conformément à leurs devoirs et à donner suite aux dispositions constitutionnelles édictées par la Confédération. Sous ce rapport, les efforts de plusieurs d'entre elles ont produit d'excellents fruits. Les défectuosités de l'organisation actuelle n'ont pas pour cause la mauvaise volonté ou l'incapacité administrative des fonctionnaires militaires cantonaux, mais elles sont dues
à l'essence même de cette organisation, qui se trouve en contradiction avec les besoins d'une administration rationnelle de l'armée répondant à son principal but.

Toute organisation d'armée qui mérite ce nom a pour principal devoir de veiller, en temps de paix, à ce que, en cas de guerre,

1088 le commandant en chef soit d'abord à même de disposer des moyens de défense en hommes et en matériel dans les proportions prescrites et ensuite que ces moyens de défense puissent être complétés au cours de la campagne. Ces principes tout naturels sont aujourd'hui déjà reconnus et inscrits expressément dans la législation.

L'article 241 de l'organisation militaire prescrit au conseil fédéral de mettre les forces nécessaires à la disposition du commandant en chef et d'après l'article 243, le conseil fédéral a l'obligation de tenir ces forces au complet, tant en hommes qu'en matériel.

Qu'en est-il maintenant des moyens que la loi met à la disposition du conseil fédéral pour satisfaire à ces obligations ?

!. Personne!.

a. Recrutement. Le droit de recrutement de la Confédération est limité à la formation des unités de troupe fédérales (article 20 de l'organisation militaire). L'examen et la décision sur l'aptitude individuelle au service est du ressort de la Confédération, mais seulement avec le concours des autorités cantonales (article 14).

&. Maintien de l'effectif des unités de troupe. Cette obligation est attribuée aux cantons pour ce qui concerne les unités de troupe cantonales, et, pour les autres unités, elle est dévolue à la Confédération (articles 21 et 22). Les contrôles aussi bien sur le recrutement que sur l'effectif et le complément des corps de troupe sont tenus par les cantons (article 24) ; la Confédération n'a qu'à établir les formulaires et à en surveiller la stricte exécution (article 24).

Le contrôle des cantons s'étend également sur les unités de troupe de la Confédération. Dans l'organisation des bataillons formés d'hommes de plusieurs cantons et des bataillons de carabiniers, la Confédération et les cantons agissent simultanément (articles 32 et 83).

il. Matériel.

a. Habillement, armement et équipement personnel. Les cantons sont chargés de l'habillement et de l'équipement personnel de la troupe à teneur des lois et prescriptions fédérales (article 144).

Cette règle s'applique aussi aux unités des troupes fédérales et cantonales (article 145). Les cantons sont tenus de maintenir en bon état l'habillement et l'équipement des troupes et de remplacer les effets hors d'usage (article 152). Les cantons sont chargés de la garde et de l'entretien des armes retirées à la troupe. La Confédération en a la surveillance (article 156).

1089 b. Equipement de corps. L'équipement de corps, sur lequel la Confédération exerce la surveillance de concert avec les cantons ·(articles 142 et!62), reste à la garde de ceux-ci qui sont tenus de le conserver et de l'entretenir convenablement (article 165). Le matériel de guerre des unités supérieures de troupe est placé directement à la disposition et sous l'adtninistration de la Confédération (article 166) : il est formé du propre matériel de la Confédération et de celui des cantons (article 167). En ce qui concerne les approvisionnements légaux en munition, les cantons ont à recevoir la partie qui constitue l'approvisionnement personnel des unités de troupe en campagne, ainsi que celle qui est nécessaire à l'équipement des voitures des corps (article 173).

c. Fourniture des chevaux. La Confédération et les cantons fournissent les chevaux qui sont nécessaires aux unités de troupe (article 181) ; la Confédération est chargée de la fourniture de tous les chevaux, excepté ceux qui appartiennent aux unités de troupe des cantons et les chevaux d'officiers (article 184). Les chevaux reconnus aptes lors d'une mise de piquet sont requis par l'entremise des autorités cantonales (article 188).

Après avoir indiqué les prescriptions légales relatives aux obligations et aux compétences de la Confédération et des cantons, il faut prendre sérieusement en considération le fait que ces prescriptions font règle aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre.

S'il est incontestable d'après les expériences qui ont été faites que, avec l'administration actuelle si fortement dispersée, il est déjà difficile de maintenir, eu temps de paix, l'armée à l'effectif légal, personne ne pourra contester qu'en temps de guerre, quand notre armée se trouvera en présence de l'ennemi, il sera, absolument impossible au conseil fédéral de maintenir les unités de troupe à leur effectif de guerre et de compléter le personnel et le matériel de la manière prescite par la loi, c'est-à-dire avec le concours des 25 cantons. Ou bien serait-il vraiment possible que, dans ce cas, chaque corps de troupe séparé reçoive, directement de son canton ou par l'entremise du conseil fédéral, tout ce qui lui manque pour combler ses lacunes tant en hommes qu'en habillement et en équipement ? Le conseil fédéral doit-il se mettre en relation avec
les cantons qui ne veulent pas ou ne peuvent pas remplir leurs obligations, et éventuellement doit-il introduire une procédure d'exécution contre eux ? Faut-il agir de même lorsqu'on doit disposer du matériel qui est laissé légalement à la garde et aux soins des cantons?

1090

II n'est pas nécessaire de multiplier le nombre de ces questions ; elles portent toutes leur réponse en elles-mêmes ; les poser c'est les résoudre. On ne peut absolument pas admettre que ce soit un système rationnel d'administration de l'année que de voir le conseil fédéral se trouver, en temps de guerre, dans l'obligation de correspondre avec quatre cantons pour un seul bataillon.

La conclusion incontestable est celle-ci : l'administration militaire actuelle de la Confédération est déjà trop compliquée en temps de paix et par conséquent défectueuse ; il n'est donc pas possible de s'en servir en cas de guerre, par le seul fait déjà que la Confédération ne possède pas le moyen de satisfaire aux obligations qui lui incombent, de mettre à la disposition du commandant en chef les effectifs nécessaires en hommes et en matériel prévus par la loi et de compléter ces effectifs au cours de la campagne.

Tandis que notre armée a fait, depuis 1848, des progrès considérables sous bien des rapports, son administration est cependant encore complètement basée sur le système des contingents tel que l'entendait le règlement militaire de 1817. Chaque canton administre luimême son armée en temps de guerre et en temps de paix.

Il est donc de toute nécessité de changer cet état de choses, si les autorités ne veulent pas assumer la lourde responsabilité de voir retarder, jusqu'à ce que la guerre éclate, le moment d'organiser une bonne administration militaire, qui, surtout alors, devrait se trouver déjà en pleine activité.

Nous passons maintenant à une courte description des modifications que nous avons l'honneur de vous proposer relativement aux articles militaires de la constitution fédérale.

Tout d'abord, nous vous ferons remarquer que nous considé.rons comme surannées la plupart des prescriptions des articles 15 et 16 de la constitution actuelle, mais que nous ne croyons cependant pas devoir vour proposer de les supprimer. Par contre, nous proposons de donner la teneur suivante à l'article 13.

« Ni la Confédération, ni les cantons n'ont le droit d'entretenir des troupes permanentes. Sont réservés les officiers, les sous-officiers et les hommes nécessaires, en temps de paix, à la garde et à l'administration des ouvrages fortifiés de la Confédération, les gardefrontière de l'administration des douanes et les
corps de gendarmerie des cantons. » Cette rédaction répond aux circonstances réelles dans lesquelles se trouvent actuellement la Confédération et les cantons, et elle met un terme aux craintes qui se sont déjà souvent fait jour au sein des chambres fédérales au sujet de la constitntionnalité d'une garde de sûreté militaire permanente pour les fortifications. ·

1091 Dans un nouvel article 17 lis, nous insérons la disposition que «l'armée est du ressort de la Confédération». Cette phrase résume l'idée de la présente révision, et il convient dès lors de la faire figurer en tête des nouveaux articles.

L'article 18 de la constitution actuelle dit que «les militaires qui, par le .fait du service fédéral, perdent la vie ou voient leur santé altérée d'une manière permanente, ont droit à des secours de la Confédération, pour eux ou pour leur famille, s'ils sont dans le besoin ». Nous ajoutons à cette prescription la disposition suivante. « La Confédération, avec le concours des cantons, assiste les familles des militaires indigents qui, ensuite de l'absence de leur soutien naturel, se trouvent dans le besoin sans qu'il y ait de leur faute. Ce secours n'a pas le caractère d'assistance publique. » Cette obligation était jusqu'ici exclusivement à la charge des cantons (article 234 de l'organisation militaire). Puisque l'administration militaire doit devenir un attribut de la Confédération, il va de soi que cette dernière soit tenue, pour le moins, d'alléger les cantons d'une partie de cette charge et de contribuer avec ceux-ci à secourir les familles des militaires dans le besoin. Nous considérons cette conséquence comme tellement compréhensible que les résultats financiers qui résulteront pour la Confédération de l'application de cette nouvelle disposition ne peuvent pas, à notre avis, entrer en ligne de compte. En admettant même que la plupart des cantons n'aient pas du tout exécuté les obligations qui leur étaient imposées par la loi fédérale sur l'organisation militaire, il nous semble, toutefois, inadmissible que le soldat doive perdre, sous la souveraineté militaire de la Confédération, un droit juste et équitable qu'il pouvait exiger légalement sous l'empire de la suprématie cantonale. Si nous ne tirons pas de cette disposition son entière conséquence, en mettant l'obligation des secours exclusivement à la charge de la Confédération, c'est principalement parce que celleci ne pourrait pas exercer elle-même, dans chaque cas particulier, un contrôle efficace sur le droit aux secours et qu'il y aurait dès lors un danger imminent de voir surgir une quantité d'abus dans l'exercice de ce droit. La seconde partie de cette disposition, disant que ces secours ne
peuvent nullement porter atteinte aux droits civiques des militaires en cause, ne nous paraît pas exiger de plus amples explications. En effet, il ne peut évidemment pas être question de priver de ces droits un citoyen auquel on a prêté assistance pour le seul motif qu'il a rempli ses devoirs militaires. Nous discuterons la question des, dépenses à la fin de cet exposé.

Le texte proposé pour l'article 19, à savoir « que l'armée fédérale se compose de tous les citoyens suisses aptes à porter les

1092 armes », doit faire disparaître la notion des corps de troupe des cantons. Dès le moment où l'ensemble de l'armée est centralisée en mains de la Confédération et où les corps de troupe sont exclusivement formés et entretenus par elle, il n'y a plus de raison de conserver cette institution. En revanche et en quelque sorte comme contre-poids, nous maintenons la disposition à teneur de laquelle les unités doivent être formées de troupes d'un même canton, à moins que des considérations militaires ne s'y opposent. Cette exigence va de soi. Elle se justifie par notre histoire et par les idées de notre peuple ; elle est également insérée dans les organisations militaires des autres pays européens. Elle n'est pas sujette à critique au point de vue militaire. On devra faire une exception -- comme précédemment du reste -- au sujet de la formation de certaines unités d'armes spéciales, pour lesquelles il faut prendre les recrues où on les trouve.

En ce qui concerne le droit de la Confédération de disposer des troupes, nous vous proposons simplement de maintenir le texte actuel. Quant à l'exercice de ce droit par les cantons, la constitution de 1874 dit que ces derniers disposent des forces militaires de leur territoire, pour autant que ce droit n'est pas limité par la constitution ou les lois fédérales. D'après notre projet, il ne peut plus, à l'avenir, être question, pour les cantons, que de lever les troupes de leur territoire lorsque cela semble nécessaire pour le maintien de l'ordre public ; nous estimons, dès lors, qu'il convient de limiter expressément à ce cas le droit de disposition accordé aux cantons, et nous vous proposons donc d'admettre la rédaction suivante.

« Les cantons disposent, pour maintenir l'ordre public, des forces militaires de leur territoire, aussi longtemps qu'il n'y a pas intervention fédérale. » Outre l'instruction, l'armement, l'habillement et l'équipement de l'armée, l'article 20 du projet prévoit également, pour la Confédération, l'obligation d'administrer l'armée. A cet égard, nous nous bornons à renvoyer à nos exposés faits en tête de ce rapport, en nous dispensant d'entrer dans des détails sur les difficultés, les complications et les inconvénients nombreux qne rencontre une double administration de l'armée par la Confédération et par les cantons.

Le dernier alinéa
de l'article 20 dispose que les cantons continueront à percevoir la moitié du produit de la taxe d'exemption du service militaire. Cette proposition nous est dictée parce qu'à notre avis la Confédération gagnerait peu en s'attribuant la totalité de ce revenu, sans abandonner leur part aux cantons, qu'elle

1093 doit cependant appeler à coopérer pour le recouvrement de cette taxe. Une considération supérieure réside encore dans le fait que les cantons verraient avec raison, dans cette suppression de revenu, une atteinte perturbatrice dans leurs administrations financières.

L'article 21 du projet traite du choix des aspirants-officiers, ainsi que de la nomination et de la promotion des officiers des unités de troupe composées des hommes d'un seul et même canton. Lors de la nomination d'officiers, deux choses sont à observer : la capacité au point de vue militaire et la capacité au point de vue civil. Le jugement sur la première incombe tout naturellement aux supérieurs militaires, tandis que ce sont les autorités civiles qui sont le plus à même de se prononcer sur la seconde. C'est pourquoi nous vous proposons d'admettre un système mixte pour le choix des aspirants-officiers, pour la nomination et la promotion des officiers des unités de troupe composées d'hommes d'un seul et même canton. Par analogie aux dispositions qui sont actuellement en vigueur au sujet de la nomination de certaines catégories de commandants de corps supérieurs (article 60 de l'organisation militaire), nous vous proposons, à cet effet, de créer des commissions composées des supérieurs militaires, des représentants de l'arme et d'un représentant du gouvernement cantonal ; ces commissions ont pour attribution de désigner les aspirants-officiers et de faire, au sujet de la nomination et de la promotion d'officiers, leurs propositions au conseil fédéral par l'entremise de son département militaire. En procédant ainsi, nous y voyons une plus grande garantie que, lors de la nomination des officiers, ce ne seront pas seulement tes aptitudes militaires ou les capacités civiles qui décideront, mais que toutes les deux seront également prises en considération.

Point n'est besoin de démontrer plus amplement que ce système, au point de vue militaire, est, de fait, préférable au précédent, attendu que, pour chaque cas particulier, il permet l'échange des opinions personnelles. Pour les cantons, nous le croyons aussi meilleur; en effet, le droit de nomination des cantons, sur la base des lois actuelles, n'a, au fond, guère plus d'importance qu'une simple formalité et, dans les cas où ce droit dépasse cette importance, il n'arrive pas peu
souvent qu'il donne lieu à des conflits et à des retards regrettables. Il est évident cependant qu'une participation des cantons sur cette base est, pour la forme et pour le fond, préférable à un droit quelconque de proposition ou de veto.

Quant à la manière dont un tel système de nomination pourrait être appliqué pratiquement, nous renvoyons à l'article 78 de l'avant-projet ci-joint d'une nouvelle organisation militaire.

Feuille fédérale suisse. Année XLV1I. Vol IL 72

1094 Art. 22. Administration de l'armée. Nous croyons avoir démontré, dans la partie générale de ce rapport, que l'administration de l'armée devrait être unifiée et remise entièrement en mains de la Confédération et, en outre, que cette unification de l'administration militaire ne constituerait pas une centralisation, mais qu'elle formerait la base d'une décentralisation rationnelle et durable. L'article dont il s'agit donne, en termes généraux, un aperçu de la formation de l'administration militaire telle qu'elle devrait être faite à notre avis.

Ici, nous nous sommes, avant tout, posé la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux nous borner, dans l'article 20, à attribuer l'administration à la Confédération et abandonner tout le reste à la loi. Cette manière de faire offrirait l'avantage fort appréciable de laisser la voie libre à la législation, tandis que, si l'organisation prévue à notre article 22 ne devait pas se soutenir dans la pratique, elle ne pourrait être modifiée que par une révision de la constitution. Une organisation par voie législative n'empiéterait pas sur les droits du peuple, attendu que le referendum pourrait être demandé à son égard.

Si cous nous sommes néanmoins décidé à insérer les traits principaux de l'administration dans la constitution, c'est parce que nous avons pensé que cette dernière doit offrir une clarté absolue sous ce rapport. L'idée de la centralisation de l'administration militaire a donné, de tout temps, lieu à une quantité d'interprétations erronées, qui n'ont pas peu contribué à provoquer les considérations multiples qui, aujourd'hui encore, font obstacle à l'unification militaire. Nous croyons qu'en fixant, dans notre article 22, le caractère général de l'administration, on arrivera à faire disparaître une partie de ces scrupules.

Cette administration décentralisée doit-elle être transférée aux corps d'armée ou aux divisions ? C'est là une question d'opportunité. Des raisons importantes parlent en faveur des deux systèmes.

Si, en temps de paix, nous ne donnons aux corps d'armée aucune part à l'impulsion de tout l'organisme de l'armée, ils n'auront pas, en temps de guerre, l'importance qui leur appartient. Le transfert de l'administration dans les arrondissements des corps d'armée mettrait les commandants de corps d'armée en relations plus directes
avec l'administration que ce ne serait le cas par l'organisation de l'administration par arrondissements"de division- Du reste, l'idéal en fait d'administration d'armée bien vitale serait de remettre graduellement toute l'administration aux commandants des troupes depuis le bas jusqu'en haut. Mais on ne peut y songer avec une armée de milices, et notre organisation devra se borner à faire participer, autant que possible, les commandants de troupe à

1095 l'administration et à l'instruction, sans en faire des fonctionnaires permanents.

Nous donnons la préférence au transfert des administrations dans les arrondissements de division, non seulement parce qu'il répond mieux à l'idée d'une décentralisation qu'une administration par corps d'armée et qu'il apparaît de fait comme plus conforme au but qu'on se propose, mais aussi parce que les arrondissements de division sont en connexion plus intime avec le peuple et qu'ils en connaissent mieux les vues que les arrondissements de corps d'armée. Nous nous réservons, à ce sujet, d'établir, par voie législative, l'organisation de telle façon qu'elle exigera la coopération active de tous les commandants de troupe.

Les arrondissements de division seraient, dans la règle, subdivisés en quatre arrondissements de régiment d'infanterie et cenx-ci en un nombre suffisant de sections. Le territoire d'un canton serait, autant que possible, attribué à un seul arrondissement de division.

A la tête d'une administration d'arrondissement serait placé un directeur d'arrondissement, auquel seraient subordonnés un commissaire des guerres d'arrondissement et un intendant d'arsenal d'arrondissement. Comme fonctionnaires subalternes, nous prévoyons un nombre de commandants d'arrondissement et de chefs de section correspondant à l'organisation.

La nomination des directeurs, des commissaires des guerres et et des intendants d'arsenaux des arrondissements militaires serait attribuée au conseil fédéral, tandis que les cantons auraient à nommer les commandants d'arrondissement et les chefs de section.

Inutile d'insister sur le fait que les cantons sont mieux placés que le conseil fédéral ou ses organes pour trouver les personnes les plus aptes à occuper les emplois inférieurs. En outre, on peut se tranquiliser par le fait que les fonctionnaires militaires, avec lesquels le citoyen est en rapport direct, sont nommés par des autorités sur lesquelles le citoyen peut personnellement exercer une influence plus immédiate que cela ne pourrait être le cas vis-à-vis des autorités centrales fédérales.

Une appréhension non moins répandue est celle que, avec le transfert à la Confédération de toute l'administration militaire, on ne tienne pas équitablement compte de l'industrie des divers cantons lors de l'acquisition d'objets d'habillement
et d'équipement. Jusqu'ici, les administrations cantonales ne se sont, du reste, pas du tout laissées'guider, sans exception, par des considérations de ce genre. La fourniture des draps militaires aux cantons se concentre, d'après les expériences acquises, sur un nombre proportionnellement minime de fournisseurs principaux, et il n'en est pas autrement de

1096 l'achat, par les cantons, des objets d'équipement. Sous ce rapport, l'administration militaire fédérale a donné le bon exemple. A l'occasion des commandes des nouvelles chaussures d'ordonnance fédérale qui se sont faites dans le cours des trois dernières années, notre administration militaire a donné l'occasion, au grand comme au petit industriel, de participer, selon ses forces, à l'entreprise, et cette occasion a été utilisée dans les plus larges mesures par nombre d'hommes du métier. Cette manière de procéder de l'administration militaire fédérale devrait, à elle seule déjà, tranquilliser les esprits pour l'avenir ; en effet, il va de soi que, même sous une nouvelle organisation, l'administration se laissera guider par les mômes principes d'équité en faveur de nos industriels.

Néanmoins, nous trouvons à propos d'insérer, dans la constitution, le principe que l'habillement et l'équipement des recrues doivent être achetés ou, tout au moins, confectionnés dans l'arrondissement sous le contrôle de l'administration centrale avec une coopération rationnelle des cantons. Nous pensons que celle-ci pourra se faire en instituant à cet effet, pour chaque arrondissement, une commission, dans laquelle les gouvernements cantonaux seraient représentés. Nous estimons que ce concours des cantons dans l'administration militaire est tout en faveur d'une administration bien réglée et économe.

Dans le dernier alinéa de l'article 22, on recherche encore un autre concours des cantons, en ce que ceux-ci seraient les intermédiaires dans les relations entre les autorités militaires de la Confédération et les communes. Il s'agit ici tout spécialement des fonctions importantes incombant aux communes pour la mobilisation de l'armée et pour sa préparation.

Article 23 (places d'armes, casernes et arsenaux). La constitution actuelle (article 22) confère déjà à la Confédération le droit, moyennant indemnité équitable, de se servir ou de devenir propriétaire des places d'armes et des bâtiments ayant une destination militaire qui existent dans les cantons, ainsi que de leurs accessoires, et elle ajoute expressément que les conditions de l'indemnité seront réglées par la législation fédérale. Le transfert de l'administration militaire à la Confédération crée, pour les cantons, un intérêt de lui céder leurs places d'armes,
leurs casernes et leurs arsenaux. Il est naturel que la Confédération devra les indemniser convenablement pour cela.

Dans le chapitre suivant traitant du côté financier de nos propositions de révision, nous discuterons les conséquences financières, certainement importantes, de cette disposition.

1097 Nous considérons l'avant-projet d'organisation militaire, établi sur les bases de nos propositions, comme une simple annexe à notre rapport. Notre département militaire a élaboré cet avant-projet sur le désir qui en a été exprimé par plusieurs membres de votre haute autorité. Il va de soi que ce projet, auquel les bases constitutionnelles font encore défaut, n'a pu être soumis à une discussion article par article.

Conséquences financières de la révision de la constitution.

Les points de la révision qui touchent aux finances de la Confédération sont les suivants.

1. Le transfert de l'administration à la Confédération.

2. Les secours à allouer aux familles des hommes appelés sous les drapeaux qui tomberaient dans le besoin.

3. Le transfert des places d'armes et des arsenaux à la Confédération.

Le transfert de l'administration à la Confédération ne constituera pas, sous tous les rapports, un excédent de dépenses pour elle. La création de huit administrations d'arrondissement et l'administration des arsenaux qui, jusqu'ici, était du ressort des cantons, causeront évidemment un accroissement de dépenses. En revanche, l'acquisition de l'habillement et de l'équipement par la Confédération n'augmentera pas les charges des finances fédérales, mais, au contraire, elle sera sans doute une source d'économies annuelles importantes.

Les administrations d'arrondissement exigeront le personnel suivant, pour lequel nous admettons un traitement moyen pris sur la base de la nouvelle loi sur les traitements des fonctionnaires militaires.

Personnel d'un arrondissement de division.

Un directeur d'arrondissement militaire (maximum 7500 francs) .

.

.

U n secrétaire .

.

.

.

.

Trois commis à 2800 francs .

.

Un commissaire des guerres d'arrondissement militaire .

.

.

.

.

U n comptable .

.

.

.

.

U n commis .

.

.

.

.

A reporter

fr.

.

»

7,000 4,500 8,400

.

.

.

5.000 4,000 2,800

fr. 31,700

1098 Eeport Un intendant d'arsenal d'arrondissement militaire .

.

.

.

.

.

U n commis .

.

.

.

.

Un médecin supérieur d'arrondissement (non permanent) .

.

.

.

.

Frais de bureau, imprimés, indemnités d e voyage .

.

.

.

.

.

fr. 31,700 .

.

5,000 2,800

.

2,000

.

3,000

fr. 44,500 44,500 X 8 = fr. 356,000 L'article 22 du projet de notre département militaire prévoit, pour chaque arrondissement de recrutement de régiment d'infanterie, un commandant d'arrondissement et exceptionnellement, dans les pays montagneux, un commandant d'arrondissement par bataillon. Nous calculons en chiffre rond 40 commandants d'arrondissement avec un traitement annuel moyen de 4000 francs, ce qui fait fr. 160,000 plus un commis par commandant d'arrondissement, à 2,500 francs.

.

.

.

» 100,000 200 chefs de section par arrondissement de division, donc en tout 1600 chefs de section, avec un traitement de 200 francs en moyenne, soit » 320,000 » 580,000 fr. 936,000 En ce qui concerne les dépenses des administrations des dépôts d'habillements et des casernes, qui, jusqu'ici, étaient gérés par les cantons, nos calculs se basent sur les données des comptes d'état des cantons pour l'année 1893, à l'exception de ceux des cantons d'Unterwalden-le-bas, de Zoug, de Schaffhouse et du Tessin, qui font défaut. Pour le service des arsenaux, les comptes portent en dépenses une somme totale de .

.

.

.

. fr. 795,804 et en recettes » 379,760 Excédent d e dépenses .

.

.

.

.

. f r . 416,044 Par contre, les comptes des dépôts d'habillements accusent un excédent de recettes de .

.

.

. » 224,529 de telle sorte que l'excédent de dépenses des deux administrations réunies atteint la somme de .

.

. fr. 191,515

1099 Ce chiffre sera cependant insuffisant, pour la seule raison déjà que les traitements des fonctionnaires des arsenaux cantonaux, qui sont en partie très-parcimonieusement payés, devront être augmentés dans une mesure convenable. Nous comptons donc, après déduction des dépenses faites jusqu'ici par la Confédération, à 250,000 francs le poste des dépenses pour l'administration des dépôts d'habillements et des arsenaux.

En récapitulant l'accroissement de dépenses qui, d'après les calculs qui précèdent, résulteront à l'avenir, pour la Confédération, de la création des administrations d'arrondissements militaires et de l'administration des dépôts d'habillements et des arsenaux, nous arrivons aux résultats suivants.

Personnel des arrondissements de division . fr. 536,000 Administration des dépôts d'habillements et des casernes dans les arrondissements » 250,000 fr. 1,186,000 Le montant des secours à allouer aux familles des hommes appelés sous les drapeaux qui tombent dans le besoin ne peut naturellement pas être calculé avec n'importe quelle sûreté mathématique. Nous avons cependant fait notre possible à ce sujet. Sur le désir de notre département militaire, le bureau fédéral de statistique s'est également occupé de ce travail, en se mettant, par l'intermédiaire des commandants d'arrondissement, en relations avec les chefs de section des Ire, Illme et VI[ me divisions. Ces fonctionnaires sont en effet à môme de fournir des renseignements sur les conséquences économiques résultant du service militaire pour les familles des homoies appelés sous les drapeaux ; ils se sont appliqués à répondre aussi bien que possible aux questions qui leur étaient posées par le bureau de statistique. Il n'y a eu que le commandant d'un arrondissement valaisan qui, malgré les recharges qui lui ont été adressées, n'a pas cru devoir répondre à l'invitation qui lui avait été faite et, comme notre département militaire n'a pas, sous l'organisation actuelle, de compétences pénales contre les commandants d'arrondissement cantonaux, il a dû renoncer à faire d'autres démarches.

Notre calcul repose sur les conditions qu'on rencontre dans les troupes d'élite; comme il n'existe pas de raisons pour admettre que le pour cent des nécessiteux soit plus élevé ou plus bas dans la landwehr que dans l'élite, nous étendons, sur la landwehr,
le résultat acquis pour l'élite. Ce résultat est le suivant. Sur 47,590 militaires des trois divisions précitées, dont les chefs de Section ont fourni les données demandées, ceux-ci ont indiqué 4082 hommes

1100 comme ayant besoin de secours pendant le service militaire, soit 8,6 °/0. En calculant, pour ces cas, une moyenne de secours journalier de la part 6e la Confédération de 1 franc à fr. 1. 50 et en admettant annuellement un chiffre moyen de 3 millions de journées de service, on arrive à une dépense annuelle, pour l'élite et la landwehr, de 250,000 à 375,000 francs.

Les casernes, les places d'armes et les arsenaux peuvent passer entre les mains de la Confédération par le fait que cette dernière en deviendrait propriétaire moyennant uu prix à fixer par une commission d'experts. Cela nécessiterait, toutefois, un déplacement de capitaux de plusieurs millions, abstraction faite des difficultés qu'il y aurait à surmonter pour arriver à un prix .de vente acceptable pour les deux parties. Ou bien alors la Confédération se déciderait à remettre aux cantons des titres de rente, dont le montant devrait, de nouveau, être fixé par une commission d'experts sur la base d'une combinaison entre la valeur du terrain des propriétés et leur revenu moyen. Ce dernier système nous paraît être le plus juste.

Pour les casernes et les places d'armes, nous n'avons pas à notre disposition des données assez certaines pour estimer leur prix d'achat. Par contre, nous avons fait établir, par le commissariat central des guerres, un état des indemnités que la Confédération a payées aux cantons pendant les années 1890 à 1894 inclusivement pour la jouissance de ces propriétés. Cet état accuse une indemnité annuelle moyenne de 310,(jOO francs. Il faudrait encore tenir compte ici des recettes que les cantons ont faites pour les loyers des cantines et d'autres localités et pour les récoltes en herbes faites sur les places d'exercice ; ces recettes peuvent être calculées en totalité à environ 60,000 francs par an, de sorte que les recettes brutes actuelles des cantons pour les casernes et les places d'armes sont d'environ 370,000 francs par an.

D'après les estimations qui ont été du reste tout à fait approximativement faites par la section administrative de l'intendance du matériel de guerre, la valeur d'achat des arsenaux et des magasins de munition des cantons serait, en chiffre rond, de 6,500,000 francs.

Le loyer annuel moyen payé aux cantons par la Confédération pendant ces dernières années pour la jouissance d'une partie de
ces localités s'est élevé à un chiffre rond de 50,000 francs, qui ne peut pas être pris essentiellement en considération, attendu qu'à l'avenir la Confédération n'utilisera pas seulement une partie des arsenaux et des magasins de munition des cantons, mais qu'elle les utilisera ou les acquerra tous.

Au surplus, il ne nous parait pas opportun, dans l'état actuel de la question, de faire, dès maintenant, des propositions précises

noi en vue de la fixation de normes pour les indemnités à allouer aux cantons, parce que notre projet de révision, à l'instar des dispositions de la constitution actuelle, abandonne expressément à la législation fédérale la fixation des conditions de l'indemnité.

Telles .sont les provisions sur l'accroissement des dépenses qu'occasionnera la révision des articles militaires de la constitution fédérale. Quant à savoir combien la transformation de l'organisation qui s'en suivra occasionnera de surcroît de dépenses pour l'armée, cette question dépendra, avant tout, de la manière dont vous résoudrez la question de l'instruction et celle de la révision de l'organisation des troupes.

Nous terminons notre rapport, en vous proposant d'accepter le projet d'arrêté fédéral ci-après concernant la révision des articles 13 et 18 à 22 de la constitution fédérale.

Veuillez agréer, monsieur le président et messieurs, l'assurance renouvelée de notre haute considération.

Berne, le 2 mai 1895.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération : Z E M P.

Le chancelier de la Confédération : BlNGDäB.

1102

Constitution de 1874.

Art. 13.

La Confédération n'a pas le droit d'entretenir des troupes permanentes.

Nul canton ou demi-canton ne peut avoir plus de 300 hommes de troupes permanentes, sans l'autorisation du pouvoir fédéral ; la gendarmerie n'est pas comprise dans ce nombre.

Art. 17.

Dans les cas mentionnés aux articles 15 et 16, chaque canton est tenu d'accorder libre passage aux troupes. Celles-ci sont immédiatement placées sous le commandement fédéral.

1103

Projet du conseil fédérai (du 2 mai 1895).

Arrêté fédérai concernant

les modifications des articles relatifs aux affaires militaires de la constitution fédérale.

L'ASSEMBLÉE FEDERALE de la C O N F É D É R A T I O N SUISSE, après avoir pris connaissance d'un message du conseil fédéral du 2 mai 1895, arrête : I. Les articles 13 et 18 à 22 de la constitution fédérale du 29 mai 1874 reçoivent la teneur suivante.

Art. 13.

Ni la Confédération ni les cantons n'ont le droit d'entretenir des troupes permanentes. Sont réservés les officiers, les sous-officiers et les hommes nécessaires, en temps de paix, à la garde et à l'administration des ouvrages fortifiés de la Confédération, les garde-frontière de l'administration des douanes et les corps de gendarmerie des cantons.

Art. 17.

(Sans changement.)

1104

Constitution de 1874.

Art. 18.

Tout Suisse est tenu au service militaire.

Les militaires qui, par le fait du service fédéral, perdent la vie ou voient leur santé altérée d'une manière permanente ont droit à des secours de la Confédération, pour eux ou pour leur famille, s'ils sont dans le besoin.

Chaque soldat reçoit gratuitement ses premiers effets d'armement, d'équipement et d'habillement. L'arme reste en mains du soldat aux conditions qui seront fixées par la législation fédérale.

La Confédération édictera des prescriptions uniformes sur la taxe d'exemption du service militaire.

1105 Projet du conseil fédéral.

Art. 17bis.

L'armée est du ressort de la Confédération.

Art. 18.

Tout Suisse est tenu au service militaire.

Tout Suisse en âge de servir qui ne fait pas personnellement de service militaire est soumis au paiement d'une taxe d'exemption.

La Confédération édictera des prescriptions uniformes sur la taxe d'exemption du service militaire. La moitié du produit brut de cette taxe revient à la Confédération.

Art. 18bis.

Les militaires qui, par le fait du service fédéral, perdent la vie ou voient leur santé altérée d'une manière permanente ont droit à des secours de la Confédération, pour eux ou pour leur famille, s'ils sont dans le besoin.

La Confédération, avec le concours des cantons, assiste les familles des militaires indigents qui, ensuite de l'absence de leur soutien naturel, se trouvent dans le besoin sans qu'il y ait de leur faute. Ce secours n'a pas le caractère d'assistance publique.

Art. 18ter.

Tout militaire reçoit gratuitement ses effets d'armement, d'équipement et d'habillement. Ceux-ci restent en mains du soldat, aux conditions qui seront fixées par la législation fédérale.

1106

Constitution de 1874.

Art. 19.

L'armée fédérale est composée : a. des corps de troupes des cantons ; fe. de tous les Suisses qui, n'appartenant pas à ces corps, sont néanmoins astreints au service militaire.

Le droit de disposer de l'armée, ainsi que du matériel de guerre prévu par la loi, appartient à la Confédération.

En cas de danger, la Confédération a aussi le droit de disposer exclusivement et directement des hommes non incorporés dans l'armée fédérale et de toutes les autres ressources militaires des cantons.

Les cantons disposent des forces militaires de leur territoire, pour autant que ce droit n'est pas limité par la constitution ou les lois fédérales.

Art. 20.

Les lois sur l'organisation de l'armée émanent de la Confédération. L'exécution des lois militaires dans les cantons a lieu par les autorités cantonales, dans les limites qui seront fixées par la législation fédérale et sous la surveillance de la Confédération.

L'instruction militaire dans son ensemble appartient à la Confédération ; il en est de même de l'armement.

La fourniture et l'entretien de l'habillement et de l'équipement restent dans la compétence cantonale ; toutefois, les dépenses qui en résultent sont bonifiées aux cantons par la Confédération, d'après une règle à établir par la législation fédérale.

1107 Projet du conseil fédéral.

Art. 19.

L'armée fédérale se compose de tous les citoyens suisses aptes à porter les armes. A moins que des considérations militaires ne s'y opposent, les unités de troupe doivent être formées de troupes d'un même canton.

Les alinéas 2 et 3 de l'article 19 actuel restent sans changement.

Les cantons disposent, pour maintenir l'ordre public, des forces militaires de leur territoire, aussi longtemps qu'il n'y a pas intervention fédérale.

Art. 20.

La Confédération édicté les lois concernant l'armée et les fait exécuter. L'administration, l'instruction, l'armement, l'habillement et l'équipement de l'armée lui appartiennent.

1108

Constitution de 1874.

Art. 21.

A moins que des considérations militaires ne s'y opposent, les corps doivent être formés de troupes d'un même canton.

La composition de ces corps de troupes, le soin du maintien de leur effectif, la nomination et la promotion des officiers de ces corps appartiennent aux cantons sous réserve des prescriptions générales qui leur seront transmises par la Confédération.

1109 Projet du conseil fédéral.

Art. 21.

La Confédération, avec le concours des cantons, désigne les sous-officiers aptes à être instruits comme officiers et procède à la nomination et à la promotion des officiers des unités de troupe composées exclusivement d'hommes d'un même canton.

Art. 22.

L'administration de l'armée se compose de l'administration centrale et de l'administration dans les arrondissements de division. Autant que faire se peut, le territoire d'un canton ne doit ótre attribué qu'à un seul arrondissement de division.

Le choix des fonctionnaires subalternes des arrondissements est du ressort des cantons. Le conseil fédéral a le droit de demander des cantons que ces fonctionnaires soient suspendus de leurs fonctions et révoqués, dans le cas où ils ne rempliraient pas leur devoir. Les fonctionnaires révoqués ne sont pas rééligibles.

Si la sphère d'activité d'un fonctionnaire militaire subalterne s'étend sur le territoire ou des parties de territoire de plus d'un canton, c'est le conseil fédéral qui le nomme, après avoir entendu les propositions des cantons intéressés.

Les intendances d'arrondissement sont, avec le concours des cantons, chargées de procurer l'habillement et l'équipement des recrues.

Les cantons servent d'intermédiaire entre les autorités militaires de la Confédération et les communes.

Feuille fédérale suisse. Année XLVIL

Vol. IL

73

1110 Constitution de 1874.

Art. 22.

Moyennant une indemnité équitable, la Confédération a le droit de se servir ou de devenir propriétaire des places d'armes et des bâtiments ayant une destination militaire qui existent dans les cantons, ainsi que de leurs accessoires.

Les conditions de l'indemnité seront réglées ' par la, législation fédérale.

lili Projet du conseil fédéral.

Art. 23.

Moyennant une indemnité équitable, la Confédération devient propriétaire des places d'armes, des bâtiments militaires cantonaux actuels et de leurs accessoires.

Les conditions du rachat de ces immeubles, par la Confédération et de l'indemnité à payer seront réglées par la législation fédérale.

II. Ces modifications à apporter à la constitution fédérale doivent être soumises à la votation du peuple et des cantons.

ITI. Le conseil fédéral est chargé d'exécuter le présent arrêté.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant la révision des articles de la constitution fédérale relatifs aux affaires militaires. (Du 2 mai 1895.)

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1895

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22

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15.05.1895

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