00.060 Message sur le frein à l'endettement du 5 juillet 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous avons l'honneur de vous soumettre, en vous proposant de les adopter, l'arrêté fédéral sur le frein à l'endettement et la loi fédérale sur les finances de la Confédération.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

5 juillet 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-1318

4295

Condensé Le frein à l'endettement est un mécanisme institutionnel destiné à gérer les finances fédérales et à contenir l'évolution de la dette. Il est censé prévenir les déséquilibres structurels des finances et empêcher ainsi que les dettes de la Confédération ne croissent comme par le passé. Au niveau constitutionnel, ce nouvel instrument remplacera la disposition transitoire sur l'objectif budgétaire 2001. Alors que cette dernière avait pour objet d'assainir les finances fédérales, donc d'éliminer le déficit structurel, le frein à l'endettement doit empêcher que le budget fédéral ne s'emballe derechef et qu'un nouveau déficit structurel ne puisse se former.

En analysant les expériences faites avec de tels instruments en Suisse et également à l'étranger, il est possible de dégager divers facteurs essentiels, qui ont une importance décisive quant au succès d'un frein institutionnel à l'endettement. Il s'agit avant tout de trouver l'instrument idoine pour gérer les finances fédérales et d'édicter ensuite des règles aussi simples et transparentes que possible. Il est également essentiel que des sanctions interviennent en cas de non-respect des règles.

L'expérience a en effet montré que fixer simplement des cibles est insuffisant. En outre, il faut s'assurer que le mécanisme choisi tienne évidemment compte des exigences de la politique conjoncturelle.

Le frein à l'endettement soumis par le présent message propose une règle concrète pour l'évolution admissible des dépenses dans le compte financier. Il confirme ainsi le fait qu'au niveau fédéral, le compte financier reste l'instrument principal de gestion. La règle proposée admet les oscillations du solde en fonction de la conjoncture, tout en assurant l'équilibre des finances sur la durée moyenne d'un cycle conjoncturel.

La règle des dépenses proposée par le Conseil fédéral peut être résumée en une simple formule: le plafond des dépenses est lié au montant des recettes, corrigé d'un facteur qui tient compte de la situation conjoncturelle. Pour l'évaluation des recettes, la cohérence avec la budgétisation et la planification financière impose de recourir aux estimations du moment. Le facteur conjoncturel est représenté par le quotient de la valeur tendancielle du produit intérieur brut et de la valeur effective du produit intérieur brut réel
estimé. Ainsi, selon la situation économique, soit on exige des excédents, soit on admet des déficits, ce qui est le principe même d'une politique budgétaire anticyclique, dans le cadre de laquelle les stabilisateurs automatiques peuvent produire pleinement leurs effets. La formule choisie a une portée générale. Elle s'applique aussi bien lors de relèvements d'impôts destinés à financer par exemple les coûts supplémentaires des assurances sociales liés à l'évolution démographique, que lors d'allégements fiscaux ayant pour but de réduire la quotepart de l'État.

Pour ne pas modifier indûment les voies institutionnelles d'élaboration du budget, ni les compétences correspondantes, une règle fondamentale est adoptée, qui lie en principe le Conseil fédéral et les Chambres. Cette contrainte doit permettre d'atteindre l'objectif fixé. La souveraineté du Parlement en matière de budget est

4296

intégralement garantie dans le cadre du plafond de dépenses défini par la règle proposée. Les règles du frein à l'endettement concernent le budget et les suppléments au budget.

Comme il n'est pas possible de prévoir à l'avance des directives adéquates concernant les dépenses résultant de toutes les éventualités imprévisibles ­ récessions graves, conflits, catastrophes naturelles ou autres événements particuliers (dans le domaine de l'asile p. ex.) ­, le Conseil fédéral propose de réserver une exception autorisant le dépassement du plafond des dépenses. Mais pour que la règle fondamentale du frein à l'endettement ne puisse être violée en sous-main, cette exception nécessitera la majorité qualifiée des deux Chambres. Matériellement, les exceptions doivent aussi couvrir les adaptations du modèle comptable ainsi que les modifications des modalités de paiement des subventions qui entraînent soit des surcharges élevées durables, soit des concentrations de paiements occasionnelles. Le Conseil fédéral demande en outre que le caractère extraordinaire de certaines dépenses ne soit pas seulement limité matériellement, mais soit aussi justifié par un volume minimum au sein du budget fédéral.

Même dans le cas où le budget adopté serait conforme à la règle et qu'une forte retenue est exercée en matière de compléments, il n'est pas exclu que les dépenses effectives du compte d'État, qui sont conformes au frein à l'endettement, dépassent le budget approuvé par les Chambres fédérales. De telles dérogations à la règle doivent être portées à la charge d'un compte de compensation tenu hors du compte d'État. Ce compte de compensation doit aussi permettre de prendre en considération, sous forme de charges ou de bonifications, les erreurs d'estimation des recettes lorsque de telles erreurs ont conduit à fixer des plafonds de dépenses soit trop élevés soit trop bas. Les excédents et découverts figurant dans ce compte ne seront pas immédiatement éliminés, mais réduits dans les années suivantes. Une grande marge de manoeuvre est ainsi sciemment accordée au Parlement dans le cadre de l'établissement du budget.

Les simulations pour analyser les effets du frein à l'endettement montrent qu'un tel instrument permet d'atteindre l'objectif fixé. Malgré une règle fixant un plafond pour les dépenses, le système laisse suffisamment
de marge pour une croissance durable de celles-ci. De plus, l'instrument du frein à l'endettement permet de conserver l'équilibre à long terme des finances fédérales, ce qui évite l'accroissement de la dette résultant des déficits. Le frein à l'endettement améliore aussi la fiabilité de la politique budgétaire et consolide durablement ce domaine essentiel de la politique économique, ce qui correspond également à l'effet recherché. Le recours au nouvel instrument devrait avoir aussi des effets favorables sur la croissance économique à moyen terme de la Suisse.

4297

Message 1

Partie générale

1.1

Introduction

Le frein à l'endettement est un mécanisme institutionnel destiné à gérer les finances et à contenir l'évolution de la dette. Il est censé prévenir les déséquilibres structurels des finances fédérales et empêcher ainsi que la dette de la Confédération ne croisse excessivement. Au niveau constitutionnel, ce nouvel instrument remplacera la disposition transitoire sur l'objectif budgétaire 20011. Alors que ce dernier avait pour objet d'assainir les finances fédérales, donc d'éliminer le déficit structurel, le frein à l'endettement doit empêcher que le budget fédéral ne s'emballe derechef et qu'un nouveau déficit structurel 2 ne réapparaisse.

En 1995/96, deux propositions concrètes de frein à l'endettement avaient été soumises à la consultation. Après le dépouillement des réponses, la priorité fut accordée à l'adoption de l'objectif budgétaire 2001 plutôt qu'à la mise en oeuvre rapide du projet. Les résultats de la procédure de consultation sont résumés sous ch. 1.7.

Le frein à l'endettement est en accord avec les Lignes directrices des finances fédérales (LDFF) du Conseil fédéral, charte qui établit la nécessité d'une disposition constitutionnelle susceptible de stabiliser durablement les finances fédérales, tout en tenant compte de la situation conjoncturelle.

1.2

Aperçu historique des finances fédérales

L'ampleur de l'endettement actuel de la Confédération n'est pas un phénomène nouveau. Il y a cinquante ans déjà, les finances fédérales étaient également confrontées à une dette menaçante, dont les raisons étaient avant tout les conséquences des deux guerres mondiales. Ainsi, à la fin de la Deuxième guerre, la dette de la Confédération s'élevait à 9,0 milliards, soit quelque 50 % du produit intérieur brut (PIB).

Dix ans plus tard, le Conseil fédéral jugeait toujours l'endettement intolérable. C'est pourquoi, dans son message du 1er février 1957 (FF 1957 I 505), il soumettait aux Chambres un nouvel article constitutionnel 42bis: «La Confédération doit amortir le découvert de son bilan. Elle procède à cet amortissement en tenant compte de la situation économique.» Le Conseil fédéral suivait alors déjà le principe selon lequel l'excédent des comptes devait servir à éponger la dette.

Au cours des années 1960, l'endettement de la Confédération a disparu de l'ordre du jour. Bien qu'entre 1960 et 1970, les dépenses aient augmenté en moyenne de 11,4 % par an, la Confédération a connu régulièrement des excédents de recettes (sauf en 1967) atteignant jusqu'à 1,9 % du PIB. Cette évolution heureuse était tou-

1

2

L'art. 196, ch. 12, al. 10, de la disposition transitoire relative à l'art. 126 (gestion des finances) nCst. stipule: «La présente disposition transitoire reste en vigueur jusqu'à ce qu'elle soit remplacée par des mesures de droit constitutionnel visant à limiter le déficit et l'endettement.» Le déficit structurel désigne généralement un déficit survenant dans une situation conjoncturelle normale, ce qui suppose une surcharge structurelle du budget

4298

tefois due moins à l'art. 42bis de la Constitution (Cst.) entrée en vigueur le 1er janvier 1959, qu'à la croissance économique exceptionnellement forte de cette période.

L'évolution des trente dernières années se subdivise en quatre phases (cf. fig. 1).

Dans la première phase (1970­1973), le taux d'endettement est redescendu plus ou moins progressivement à 10,9 %. La cause n'en était cependant pas le ralentissement de la croissance élevée des dépenses des années 1960 ­ entre 1970 et 1973, celles-ci ont augmenté même encore plus fortement que pendant les années 1960 ­, mais la persistance de l'évolution économique favorable, qui n'a subi un arrêt brutal qu'avec la grave récession de 1975. Il faut aussi tenir compte du fait que les taux d'inflation élevés, notamment au début des années 1970, ont également contribué à réduire le taux d'endettement. Alors qu'une dette nominale existante reste constante en période de renchérissement, le PIB nominal augmente du fait du renchérissement, ce qui aboutit à la baisse du taux d'endettement. Cette constatation ne change naturellement rien au fait que l'inflation est indésirable et doit être combattue énergiquement. Un taux d'inflation élevé a notamment pour effet de compromettre le potentiel de croissance de notre économie et de provoquer des effets néfastes de redistribution.

La deuxième phase, dans la seconde moitié des années 1970, a été caractérisée par une faible croissance de l'économie, une inflation minime et une forte augmentation du taux d'endettement. En 1980, cet indicateur budgétaire s'élevait à 18,6 %; la dette brute dépassait alors pour la première fois le seuil des 30 milliards.

Durant la troisième phase, soit au cours des années 1980, le taux d'endettement est retombé; en 1990, il n'était plus que de 12,1 %. Pourtant, ce recul n'a pas résulté de l'amortissement des dettes. La croissance économique nominale moyenne de 6,3 % par an (2,1 % en termes réels) a permis de compenser amplement l'augmentation de la dette brute. Entre 1980 et 1990, les dépenses ont augmenté en moyenne de quelque 6 % par an.

4299

Figure 1 Solde du compte financier et taux d'endettement de la Confédération 1970­1999 1

25 0 20 -1 15 -2 10

5

solde du compte financier en % du PIB

taux d'endettement de la Confédération (dette en % du PIB)

30

-3 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 taux d'endettement solde du compte financier

Entre 1990 et 1999, soit pendant la quatrième phase, le taux d'endettement est remonté de façon explosive. Au cours des seules années 1992 et 1993, la réduction du taux d'endettement obtenue pendant la décennie précédente a été annulée. À la fin de l'année 1999, la dette brute de la Confédération dépassait les 100 milliards, soit quelque 26 % du PIB. En neuf ans, elle a donc presque triplé. Cette hausse spectaculaire ne peut être imputée qu'en partie à la mauvaise conjoncture des années 1990. Une part notable des déficits annuels a été de nature structurelle, ce qui signifie que les problèmes des déficits et de la dette ne disparaîtront pas tout seul, avec l'accélération de la croissance économique. Entre 1990 et 1999, le taux de croissance des dépenses s'est élevé à 4,2 %, ce qui représente à peu près le double de la croissance moyenne du PIB nominal.

Entre 1970 et 1999, l'art. 42bis de l'ancienne constitution fédérale (aCst.) n'a donc pas pu empêcher que la dette de la Confédération ne passe de 11,3 à plus de 100 milliards, soit presque au décuple. À fin 1999, le découvert du bilan qui devait être amorti en vertu de cet article s'élevait à plus de 70 milliards3. La figure 1 montre en outre que l'article n'a pas non plus permis de stabiliser le taux d'endettement.

Cette situation insatisfaisante provient entre autres du fait qu'il manquait jusqu'ici des règles contraignantes au niveau des lois pour mettre en oeuvre le mandat constitutionnel.

3

Refinancement des CFF inclus.

4300

1.3

Mécanismes institutionnels d'assainissement des finances durant les cinquante dernières années

Par le passé, l'introduction de mécanismes institutionnels destinés à assainir les finances fédérales a fait l'objet de discussions répétées. Ces mécanismes doivent être considérés comme des procédures institutionnalisées, censées améliorer à long terme la situation financière de la Confédération. Ces cinquante dernières années, les propositions concrètes n'ont pas manqué, tant de la part du Conseil fédéral que des Chambres. Quelques votations populaires ont même eu lieu à ce sujet. On se penchera ici brièvement sur les projets les plus importants. Les divers programmes d'économies traditionnels, basés sur des réductions ciblées ou linéaires des dépenses, ne sont pas l'objet de ce chapitre, ces trains de mesures ne constituant pas des instruments institutionnalisés durables, mais des corrections délibérées et ciblées de la politique budgétaire.

Dans son message du 20 janvier 1953 concernant un nouveau régime financier, le Conseil fédéral avait déjà demandé un frein aux dépenses exigeant la majorité qualifiée pour les dépenses excédentaires et pour les nouvelles dépenses. Le 25 septembre 1953, les Chambres fédérales approuvaient le principe du projet, qui fut cependant rejeté par le peuple et les cantons lors du scrutin du 6 décembre 1953. Peu après, le Conseil fédéral soumit une nouvelle version du frein aux dépenses en guise de contre-projet à une initiative. Il proposait par exemple que les dépenses excédentaires soient adoptées à la majorité absolue des Chambres fédérales et mettait sur le tapis la question du référendum financier, en demandant le référendum facultatif pour les dépenses uniques de plus de 5 millions et pour les dépenses récurrentes de plus d'un million. Le référendum aurait été obligatoire pour les dépenses uniques de plus de 100 millions et pour les dépenses récurrentes de plus de 20 millions. Mais en 1956, ces propositions ne trouvèrent pas non plus grâce aux yeux du souverain.

L'idée du frein aux dépenses et du référendum financier au niveau fédéral fut alors enterrée pour longtemps.

Dans le cadre des discussions sur un nouveau régime financier, l'art. 42bis Cst. fut approuvé en votation populaire le 11 mai 1958. Le principe du désendettement fut ainsi inscrit dans la constitution. Comme il a été observé, le mandat constitutionnel obligeant à amortir le découvert du bilan
tout en tenant compte de la situation économique ne put empêcher l'augmentation de la dette fédérale.

Au vu des déficits qui s'accumulèrent dans les années 1970, diverses mesures furent proposées et le frein aux dépenses remis en discussion comme mécanisme institutionnel. Selon un projet, l'adoption d'un budget présentant de nouvelles dépenses, des augmentations des dépenses ou des dépenses supplémentaires par rapport à l'exercice précédent aurait nécessité la majorité de tous les membres des Chambres si la commission compétente, l'une des commissions des finances ou un quart des membres d'une des Chambres en faisait la demande. Lors du scrutin du 8 décembre 1974, ce frein aux dépenses fut accepté par le peuple et les cantons, mais comme il était lié à des mesures fiscales soumises simultanément au vote et rejetées, il ne put entrer en vigueur. Une nouvelle mouture du frein aux dépenses, limitée à 1979, fut approuvée par le peuple et les cantons le 8 juin 1975.

Le 12 mars 1995, le système actuel de frein aux dépenses fut accepté par le peuple et les cantons. Il prévoit que les subventions ainsi que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses qui entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de

4301

20 millions, ou de nouvelles dépenses récurrentes de plus de 2 millions, nécessitent le suffrage de la majorité des membres des deux Chambres.

Enfin, l'objectif budgétaire 2001, approuvé par le peuple et les cantons le 7 juin 1998, contient une disposition institutionnelle en ce sens que l'échec des mesures préconisées déclenche un mécanisme correctif.

Même sans ces mesures anciennes, la Suisse reste de toute façon un Sonderfall en matière de politique budgétaire, vu que le peuple et les cantons y jouissent de prérogatives exceptionnelles. Dans les cas les plus importants, l'adoption de nouveaux impôts et la modification d'impôts existants y sont en effet soumises au référendum obligatoire, ou tout au moins au scrutin populaire facultatif. Cette répartition des compétences fiscales est sans doute l'une des raisons du taux d'imposition et de la quote-part de l'État relativement favorables de la Suisse.

Avec le recul, il est permis de conclure que, par le passé, les mesures institutionnelles citées ont certes joué un rôle, mais plutôt secondaire, dans l'assainissement des finances. Les périodes déficitaires ont été surmontées avant tout par des programmes d'économies traditionnels et des recettes supplémentaires dues à l'amélioration conjoncturelle.

L'expérience des déficits structurels tenaces des années 1990, qui remontaient surtout à de nouvelles tâches et à l'intensification de celles-ci, montre bien, qu'après une période saturée de programmes d'économies classiques, on souhaite désormais des mesures préventives institutionnelles. L'importance de ces mesures institutionnelles ne saurait être assez soulignée quand on songe aux charges futures qui vont grever les assurances sociales. Pour éviter la rechute dans une période déficitaire, il convient dès lors de se doter d'outils institutionnels efficaces.

1.4

Interventions parlementaires

1.4.1

Motion du 17 juin 1994 du Groupe AdI/PEP (94.3282)

La motion du Groupe AdI/PEP exigeant une «Gestion équilibrée des fonds publics» a été transmise par les Chambres fédérales sous forme de postulat et classée dans le contexte de l'objectif budgétaire 2001. Le texte de la motion est le suivant: Le Conseil fédéral est chargé de soumettre aux Chambres fédérales, dans les deux ans suivant la transmission de la présente motion, un projet alignant la croissance des dépenses de la Confédération sur la croissance du produit intérieur brut.

Les principes sur lesquels se fondera le projet sont les suivants: 1.

La progression des dépenses de la Confédération sera limitée, en pourcentage, à la croissance moyenne du produit intérieur brut des quatre années précédentes.

2.

Si les dépenses prévues au budget dépassent la limite fixée au point 1, celles-ci seront ramenées à cette limite, sous réserve du point 4, afin que le volume des dépenses fixé ne soit pas dépassé.

3.

Le Conseil fédéral adaptera les dispositions fixant le montant de certaines dépenses afin de ne pas dépasser les prévisions budgétaires.

4.

Ne seront pas réduits, dans le cas prévu au point 2:

4302

a.

b.

c.

d.

les engagements impératifs de la Confédération (intérêts, etc.)

les contributions aux assurances sociales (AVS/AI, assurance-chômage, assurance-maladie sociale), s'il doit en résulter une diminution des fonds de réserve ou une augmentation des cotisations la part des cantons aux recettes de la Confédération les frais de personnel, s'ils n'excèdent pas les dépenses du budget précédent

5.

Si, à la clôture du compte, les dépenses effectives excèdent la limite fixée au point 1, sera compensé l'excès de dépenses en déduisant un montant équivalent lors du calcul du volume maximal des dépenses des années suivantes; on le répartira toutefois sur quatre ans.

6.

Si la Confédération est amenée à remplir de nouvelles tâches, elle pourra décider par un arrêté fédéral de portée générale, pourvu qu'elle perçoive au même moment de nouvelles recettes, d'autoriser ponctuellement une plus grande croissance des dépenses.

Le but de l'intervention était de maîtriser la progression des dépenses pour éviter des déficits budgétaires constants. Dans sa réponse, le Conseil fédéral constate qu'il partage l'objectif envisagé, soit de mettre fin aux déficits et à l'endettement, mais qu'il juge inappropriées les mesures proposées par les auteurs de la motion. Il relève entre autres que, dans certaines circonstances, la motion contrevient aux principes d'une politique budgétaire anticyclique. Dans les cycles conjoncturels longs, notamment, la politique budgétaire exigée par les auteurs de la motion risque de soutenir la haute conjoncture ou d'accélérer le déclin économique. En outre, le Conseil fédéral ne considère pas comme judicieuse l'exception concernant une réduction des cotisations aux assurances sociales. Étant donné l'importance financière de ces dépenses de transfert, cela pourrait revenir à exiger des économies supérieures dans d'autres domaines de tâches, ce qui est peu réaliste. La réserve concernant les dépenses de personnel n'est pas non plus une mesure appropriée, surtout si le taux de renchérissement varie fortement. Enfin, la limitation des dépenses au sens de la motion ne garantit pas du même coup la fin des déficits et de l'endettement. Tant que la quote-part de l'État dépassera durablement la quote-part des recettes, il y aura des excédents de dépenses. Pour tenir compte de cet argument, l'initiative populaire lancée par la suite ne visait plus le contrôle des dépenses, mais celui du solde ou du résultat (cf. ch. 1.5.1).

1.4.2

Initiative parlementaire Gerold Bührer du 5 octobre 1994 (94.422)

L'initiative parlementaire du conseiller national Gerold Bührer exigeait une indexation de la croissance des dépenses sur la croissance du PIB à moyen terme. Pour atteindre cet objectif, il proposait de compléter l'art. 42bis aCst. comme suit:

4303

Art. 42bis droit en vigueur

1 La Confédération doit amortir le découvert de son bilan. Elle procède à cet amortissement en tenant compte de la situation économique.

nouveau

2 La croissance des dépenses ne doit pas dépasser la croissance à moyen terme du produit intérieur brut. Le Conseil fédéral propose, le cas échéant, les mesures d'économie nécessaires à l'Assemblée fédérale.

nouveau

3 En

cas de recul du produit intérieur brut en termes réels, des dérogations à l'al. 2 peuvent être autorisées.

Dispositions transitoires de la Constitution fédérale nouvelle

Au cours des dix ans suivant l'acceptation par le peuple et les cantons de la présente disposition transitoire, il convient de réduire progressivement les dépenses de la Confédération de telle sorte qu'elles ne dépassent pas un dixième du produit intérieur brut.

Dans son développement, l'auteur de l'initiative précise que son intervention n'exige pas seulement la limitation de la croissance des dépenses, mais également une limitation des déficits et de l'endettement. Il se réfère notamment aux «effets négatifs, clairement démontrés de manière empirique, des déficits structurels sur l'économie» et souligne le fait que les déficits sont contraires à la constitution, sauf en période de récession.

Le but de l'initiative parlementaire Bührer correspond en grande partie aux conceptions gouvernementales du frein à l'endettement. En indexant la progression des dépenses sur la croissance économique à moyen terme, l'initiative propose un élément essentiel du projet du Conseil fédéral, à savoir la réalisation, à moyen terme, de l'équilibre entre les recettes et les dépenses. La différence réside éventuellement dans la longueur de la période envisagée pour l'indexation de la politique budgétaire. L'initiative parlementaire Bührer parle d'une indexation à moyen terme, alors que le frein à l'endettement envisage une période d'un cycle conjoncturel complet.

Parmi les mécanismes institutionnels censés assurer l'équilibre des finances à long terme, le frein à l'endettement est nettement plus concret et efficace que l'initiative parlementaire Bührer.

Se référant aux travaux gouvernementaux en cours sur le frein à l'endettement, le Conseil national a décidé en automne 1995 de ne pas donner suite à l'initiative. La procédure de consultation sur le frein à l'endettement ayant été lancée puis ses résultats dépouillés, le Conseil national a décidé finalement le 10 mars 1997 de classer l'initiative.

4304

1.4.3

Motion du 11 avril 1995 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (95.3194)

Intitulée «Croissance des dépenses. Limitation», la motion de la Commission de l'économie et des redevances (CER) du Conseil national a été approuvée dans le cadre des débats sur l'initiative parlementaire Bührer, évoquée sous ch. 1.4.2, et transmise le 24 septembre 1996 sous forme de postulat. L'intervention fut finalement classée dans le contexte de l'objectif budgétaire 2001. En voici le texte: Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement un projet de loi, voire un projet de modification constitutionnelle, visant à assurer durablement l'équilibre du compte financier de la Confédération. Concrètement, ce projet devra: a.

lier à long terme la croissance des dépenses moyennes à l'évolution du PIB ou à d'autres valeurs de référence appropriées et clairement définies;

b.

prévoir des mesures appropriées permettant de poursuivre l'objectif précité;

c.

permettre par là une réduction effective de l'endettement.

La solution qui sera proposée ne devra pas porter atteinte aux moyens dont disposent les autorités pour mener une politique financière anticyclique.

Cette intervention s'inscrit également dans la ligne du système de frein à l'endettement proposé par le Conseil fédéral. En indexant à long terme les dépenses sur le PIB ou sur un autre paramètre, elle répond même mieux aux conceptions gouvernementales que l'initiative parlementaire Bührer. Le texte de la motion de la CER du Conseil national est libellé de façon très ouverte; cette motion demande simplement des mesures appropriées pour atteindre l'objectif. Le frein à l'endettement proposé est la traduction concrète de cette idée.

1.5

Exemples suisses et étrangers d'instruments préventifs institutionnels

1.5.1

Initiative populaire «Halte à l'endettement de l'État!»

La récolte de signatures pour l'initiative de l'Alliance des indépendants (AdI) a débuté le 31 janvier 1995. Elle n'a toutefois pas abouti dans les délais prescrits.

Comme le texte de l'initiative comprend une proposition précise de limitation de l'endettement au niveau constitutionnel, il sera quand même commenté brièvement.

Voici le texte de cette initiative populaire: I La Constitution fédérale est complétée comme suit: Art. 42bis, al. 2 à 4 (nouveaux) 2 Les

dépenses de la Confédération ne doivent pas excéder ses recettes, par périodes de quatre ans.

4305

3 La

loi détermine comment les dépenses doivent être réduites lorsque le principe de l'al. 2 n'est pas respecté.

4 Ne

peuvent être réduites en vertu de l'al. 3:

a.

les parts des recettes fédérales versées aux cantons;

b.

les contributions de la Confédération aux assurances sociales (AVS/AI, assurance-chômage, assurance-maladie sociale).

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont complétées comme suit: Art. 23 (nouveau) 1 Le

budget de la Confédération devra satisfaire à l'art. 42bis, al. 2, au plus tard pour la période de quatre ans qui suit la première année consécutive à l'approbation de la présente disposition transitoire par le peuple et les cantons.

2 Si,

au terme de la deuxième année civile suivant l'approbation de la présente disposition transitoire par le peuple et les cantons, aucune loi fédérale n'a été adoptée conformément à l'art. 42bis, al. 3, le Conseil fédéral fixera des restrictions budgétaires par voie d'ordonnance.

L'initiative demandait que l'art. 42bis aCst. soit complété. Elle exigeait que les dépenses de la Confédération ne dépassent pas ses recettes sur une période de quatre ans. En cas de violation de l'al. 2, les dépenses doivent être réduites selon une clé de répartition fixée dans une loi fédérale; des exceptions étaient prévues. L'initiative comportait aussi une disposition transitoire permettant d'agir par voie d'ordonnance, si la loi correspondante n'avait pas été édictée au plus tard à la fin de la seconde année civile suivant l'acceptation de l'initiative par le peuple et les cantons.

L'initiative de l'AdI visait à stabiliser l'endettement nominal de la Confédération.

Comme l'équilibre des dépenses et des recettes devait être atteint sur une période relativement courte de quatre ans, le risque aurait été de favoriser les effets procycliques de la politique financière, ce qui constitue le défaut majeur de l'initiative. Les exceptions prévues posent également des problèmes. La part des cantons et les cotisations aux assurances sociales forment ensemble quelque 30 % des dépenses totales de la Confédération. La marge de manoeuvre disponible pour réduire les dépenses serait donc très étroite. En cas de récession imprévue accompagnée d'une baisse des recettes, on serait contraint, pour respecter la règle de l'équilibre budgétaire, de procéder à des coupes draconiennes dans d'autres domaines de tâches.

1.5.2

Mesures prises par certains cantons pour limiter les déficits et l'endettement

1.5.2.1

Canton de Saint-Gall

Le frein à l'endettement et aux déficits existe dans le canton de Saint-Gall depuis 1929; il s'agit là principalement d'une disposition légale prescrivant impérativement l'équilibre des comptes à long terme. L'art. 61 de la loi cantonale du 16 juin 1994 sur l'administration stipule: «Le taux de l'impôt cantonal sera fixé de telle manière 4306

que l'excédent des dépenses inscrites au budget du compte d'État en cours ne dépasse pas le produit escompté de l'impôt simple de 3 %.» Cette clause n'est évidemment efficace que si la violation entraîne des sanctions. L'art. 64 de ladite loi précise: «Pour autant qu'il ne soit pas couvert pas des capitaux propres, l'excédent de dépenses du compte d'État de l'exercice zéro sera imputé au budget de l'exercice t+2.» Cela signifie concrètement que les dépenses doivent être réduites et/ou les recettes augmentées, soit par une ponction sur les réserves, soit par une hausse du taux d'imposition, si dans le budget incriminé, l'équilibre ne peut être atteint au taux d'imposition en vigueur.

Lorsque les conditions suivantes sont remplies, le modèle saint-gallois peut fonctionner: ­

Les clauses légales sont contraignantes pour le Grand Conseil. Ce dernier a également la compétence finale de décider quelles mesures seront prises, tant du côté des dépenses que de celui des recettes.

­

Autre facteur essentiel, l'équilibre prescrit se réfère certes d'abord au budget, mais la réalisation en est mesurée dans le compte d'État. C'est là le seul moyen d'empêcher que le budget ne soit établi en fonction de prévisions par trop optimistes.

­

Il est également très important que l'excédent des dépenses de l'exercice zéro soit corrigé impérativement à la première occasion, c'est-à-dire dans le budget de l'exercice +2.

­

Dans certaines conditions, le canton de Saint-Gall autorise l'endettement. Le financement par l'emprunt est notamment justifié quand des investissements très élevés doivent être répartis sur plusieurs années. L'art. 61 de la loi sur l'administration cantonale ne prescrit en effet que l'équilibre du compte ordinaire. Un endettement de plusieurs années est donc possible dans le compte des investissements. Contrairement à d'autres cantons, le Grand Conseil saint-gallois n'a cependant pas la possibilité de moduler les remboursements à sa guise. Le plan d'amortissement est en effet inscrit dans les arrêtés concernant les projets correspondants. Le budget permet toutefois de prévoir des remboursements supplémentaires.

­

Si le compte d'État présente un excédent de recettes, le canton de Saint-Gall a la possibilité non seulement d'opérer des remboursements supplémentaires, mais aussi de constituer des réserves de capitaux propres. Au cas où des excédents de dépenses apparaîtraient dans le compte ordinaire, ces réserves peuvent être utilisées pour les couvrir, ce qui évite de surcharger les budgets ultérieurs. La constitution et la dissolution des réserves contribuent à limiter les fluctuations du taux d'imposition vers le haut et vers le bas.

Le modèle saint-gallois de frein à l'endettement a enregistré de grands succès par le passé. Il a complètement empêché que les dépenses ordinaires ne soient financées par l'emprunt et a maintenu la dette totale à un bas niveau. En 1997, Saint-Gall était au cinquième rang des cantons (en partant du bas) pour l'endettement par habitant, et la charge nette de l'intérêt (proportion des intérêts passifs diminués du rendement des biens par rapport aux recettes fiscales) représentait 0,3 % seulement.

Le frein à l'endettement du Conseil fédéral reprend certains éléments essentiels du modèle saint-gallois, comme l'astreinte faite aux Chambres de se fixer un objectif budgétaire et l'obligation de corriger l'orientation des dépenses en cas de non4307

atteinte des objectifs dans le compte financier. Le Conseil fédéral n'entend cependant pas reprendre complètement ce modèle à son compte, car il ne tient pas à gérer les finances en fonction du résultat des comptes, préférant à ce système la règle dite des dépenses. L'exposé des motifs figure sous ch. 1.6.1. La comparaison est d'ailleurs rendue plus difficile par le fait que les modèles comptables du canton de Saint-Gall et de la Confédération divergent quant au rôle et au statut des investissements.

1.5.2.2

Canton de Fribourg

Le canton de Fribourg connaît lui aussi une réglementation analogue à celle du canton de Saint-Gall pour limiter les déficits et l'endettement. Le 25 novembre 1994, le Grand Conseil a en effet adopté une nouvelle loi sur les finances de l'État (LFE), qui remplace l'ancienne loi financière du 15 novembre 1960. Dans son message concernant la nouvelle LFE, le Conseil d'État justifie le maintien des réglementations visant à limiter les déficits et l'endettement par le fait que ces réglementations permettent de gérer les finances cantonales de façon économique et de contrecarrer une trop forte augmentation de l'endettement.

Comme l'art. 2 de la loi sur les finances du canton de Saint-Gall, l'art. 5 de la LFE fribourgeoise stipule ce qui suit: «Le budget de fonctionnement doit être équilibré.» Toujours comme dans le canton de Saint-Gall, le respect de cette prescription est garanti à l'aide d'une norme répressive sévère, inscrite dans les trois premiers alinéas de l'art. 41 LFE. L'art. 41 LFE contient en outre des réglementations de soutien, consistant par exemple à transférer des compétences du Grand Conseil au Conseil d'État (le gouvernement).

Voici la teneur de l'art. 41: 1 Le

coefficient annuel de l'impôt sur le revenu et la fortune des personnes physiques, sur le bénéfice et le capital des personnes morales et de l'impôt minimal est fixé chaque année par le Grand Conseil en fonction du résultat du budget.

2 Le

Grand Conseil peut majorer ou réduire de 20 % au plus le coefficient annuel des impôts énumérés à l'al. 1.

3 Lorsque

le déficit du budget de fonctionnement atteint 3 % du total des revenus avant imputations internes, une augmentation du coefficient annuel des impôts est obligatoire. Cette augmentation ne s'applique ni à l'impôt communal ni à l'impôt paroissial4.

4 Le Grand Conseil ne peut dépasser le chiffre de dépenses proposé par le Conseil d'État sans prévoir simultanément une réduction de dépenses équivalente.

5 Toute

proposition parlementaire de réduire une recette est soumise à un examen préalable du Conseil d'État et de la Commission d'économie publique. Si le Conseil d'État et la Commission d'économie publique s'opposent à la réduction de la recette, la proposition est caduque.

4

Version selon loi du 18.11.1998 (art. 2).

4308

6 Le

Grand Conseil peut décider d'assurer la couverture financière de dépenses très importantes et exceptionnelles par la perception temporaire de centimes additionnels à l'impôt cantonal. Cette décision n'affecte ni l'impôt communal ni l'impôt paroissial5.

Considérée dans son ensemble, la réglementation du canton de Fribourg est sans doute moins stricte que celle de Saint-Gall. Elle fixe certes une règle du solde ainsi qu'un mécanisme institutionnel pour atteindre les objectifs budgétaires. Cependant, contrairement au modèle saint-gallois, l'inobservation de la règle budgétaire n'entraîne pas de correction impérative du budget suivant. Il semble en outre que les corrections du côté des recettes se voient attribuer plus d'importance que les réductions des dépenses.

1.5.2.3

Canton de Bâle-Ville

Le département des finances du canton de Bâle-Ville a présenté le 2 mai 1995 un projet de loi concernant les finances publiques (loi des finances), dont l'élément central est une prescription visant à maintenir l'équilibre à moyen terme des finances par des règles contraignantes. Le législateur est guidé ici par le principe selon lequel «l'un des objectifs prioritaires d'un État doit être la santé des finances publiques, grâce à laquelle on peut éviter une aggravation disproportionnée de l'endettement public». «Il est donc urgent de prescrire au niveau de la loi les principes en vertu desquels tous les organes publics seront contraints d'atteindre les objectifs fixés»6. Il est vrai que l'endettement de Bâle-Ville avait pris des proportions inquiétantes. En 1997, la dette par habitant n'était dépassée que par celle du canton de Genève, tandis que la charge nette d'intérêt correspondait à 11,8 % des recettes fiscales. Le projet du gouvernement fut cependant fortement rogné lors du débat parlementaire; on en resta pour l'essentiel à l'objectif de l'équilibre à moyen terme des finances7.

Comme l'art. 4 du projet gouvernemental de loi sur les finances comportait certains éléments d'un frein institutionnel à l'endettement, il sera présenté ici, bien qu'il ait été rejeté. En voici le libellé: 1 L'équilibre

des finances publiques doit être maintenu à moyen terme. Les dettes doivent être amorties.

2 Si le budget du compte financier prévoit un excédent de dépenses représentant plus de 2 % des recettes globales, le Grand Conseil arrête, lors de l'examen du budget et sur proposition du Conseil d'État ou de la Commission des finances, un relèvement du barème des impôts sur le revenu des personnes physiques et des impôts sur le rendement des personnes morales dus pendant l'exercice budgétaire concerné conformément à la loi sur les

5 6 7

Version selon loi du 18.11.1998 (art. 2).

Délibération et projet de loi concernant la gestion des finances cantonales (loi sur les finances); rapport relatif à une motion et huit propositions du 2.5.1995, p. 11.

L'art. 4 de la loi du 16.4.1997 sur les finances cantonales (loi sur les finances) stipule: «1 L'équilibre des finances publiques doit être maintenu à moyen terme. Les dettes doivent être amorties.

2 Le Conseil d'Etat veille à ce que, dans l'ensemble, le résultat du compte administratif ne soit pas inférieur au budget.»

4309

impôts directs, de façon à ramener l'excédent de dépenses à un niveau représentant au plus 2 % des recettes globales prévues.

3 L'augmentation

du coefficient annuel de l'impôt ne peut excéder 10 %.

4 Si

l'augmentation des impôts stipulée à l'al. 2 a été arrêtée et que le compte financier de l'exercice concerné dégage un excédent de recettes ou un excédent de dépenses inférieur à 2 % des recettes globales, des réserves doivent être constituées au débit du compte financier pour un montant équivalant au maximum à un excédent de dépenses de 2 % des recettes globales et aux recettes résultant de la hausse des impôts. Ces réserves sont exclusivement utilisées pour éviter que les budgets des années ultérieures n'enregistrent des excédents de dépenses supérieurs au taux fixé à l'al. 2.

Le projet du Conseil d'État de Bâle-Ville est moins efficace que le modèle fribourgeois, même si l'objectif en matière de déficit est plus ambitieux. Cela tient avant tout à la faiblesse relative du mécanisme de sanction. Selon le projet, un arrêté du Grand Conseil relevant le coefficient de l'impôt aurait été soumis au référendum facultatif. Il aurait donc été moins facile d'atteindre l'objectif que si le Grand Conseil avait eu la compétence de trancher en dernière instance.

1.5.3

États-Unis: Balanced Budget Constitutional Amendment

L'amendement que les Républicains entendaient apporter à la constitution concernant l'équilibre du budget (Balanced Budget Constitutional Amendment) prévoyait qu'à partir de 2002 ou deux ans après la ratification par les États, les dépenses publiques annuelles ne pourraient plus dépasser les recettes. On n'aurait pu déroger à cette règle qu'à condition que les trois cinquièmes des membres des deux chambres du Congrès y consentissent. Le relèvement du plafond des dettes aurait lui aussi nécessité l'approbation de 60 % des députés des deux chambres. Enfin, les hausses des impôts n'auraient pu être arrêtées qu'à la majorité des députés. Cette même majorité aurait également été nécessaire pour suspendre l'amendement en période de guerre ou de crise.

Le 26 janvier 1995, la Chambre des représentants approuvait l'amendement constitutionnel par 300 voix contre 132; le 2 mars de la même année, le Sénat se prononçait lui aussi en sa faveur par 65 voix contre 35. On manqua par conséquent de très peu la majorité des deux tiers nécessaire à toute modification de la constitution. En 1982, 1990, 1992 et 1994, des propositions analogues d'amendement constitutionnel visant à limiter l'endettement avaient déjà manqué la majorité nécessaire des deux tiers, à quelques voix près.

Le Balanced Budget Constitutional Amendment aurait été indubitablement une mesure décisive de limitation des déficits et de l'endettement. Tout comme les modèles cantonaux décrits plus haut, l'amendement constitutionnel rejeté postulait lui aussi le principe de l'équilibre annuel des dépenses et des recettes, qui aurait permis

4310

de geler l'endettement nominal de l'État. Ce principe avait d'ailleurs rencontré un écho largement favorable, même parmi les opposants au projet8.

Si le Balanced Budget Constitutional Amendment a échoué, ce n'est pas en raison de l'idée de limitation de l'endettement sur laquelle il se fondait; à part des considérations d'ordre juridique, les principaux reproches qui lui étaient adressés sont les suivants: ­

Dans les discussions portant sur l'amendement à la constitution, il fut beaucoup question des assurances sociales. La majorité républicaine estimait que les excédents des assurances sociales devaient être inclus dans le budget, alors qu'une grande partie des Démocrates pensait que les assurances sociales devaient être exclues du budget, estimant que c'était là la seule façon de garantir le versement des retraites à la génération issue du «baby boom», au cours du siècle prochain.

­

On soulignait en outre le fait que l'amendement à la constitution négligeait d'une façon bien trop dangereuse les exigences en matière de politique conjoncturelle. Le Balanced Budget Constitutional Amendment risquait ainsi d'enclencher un véritable cercle vicieux, puisque les efforts en vue d'équilibrer le budget dans des périodes de récession auraient pu influencer négativement la conjoncture; les recettes seraient alors restées à la traîne et il aurait fallu par conséquent mettre en place une politique financière encore plus restrictive, qui se serait répercutée à nouveau négativement sur la croissance économique.

­

On objectait enfin que le Balanced Budget Constitutional Amendment n'ouvrait pas la voie à l'équilibre budgétaire. Une forte majorité des Démocrates reprochait aux Républicains de reculer devant les mesures concrètes qu'il aurait fallu prendre pour réduire le déficit.

1.5.4

Une politique budgétaire axée sur la croissance tendancielle: l'exemple néerlandais

Même si la politique budgétaire axée sur la croissance tendancielle, telle que la pratiquent les Pays-Bas, n'est pas un frein institutionnel à l'endettement au sens strict, mais plutôt un programme de législature affiché par le gouvernement majoritaire pour les quatre prochaines années, sa conception fondamentale ne manque pas d'intérêt dans la perspective du frein à l'endettement présenté ici.

L'accord conclu par la coalition gouvernementale des Pays-Bas, en été 1998, comporte entre autres les principes de la politique budgétaire. Ces derniers ont été mis en oeuvre dans le Budget Memorandum de 19999 qui comporte des directives contraignantes en matière de dépenses pour les années 1999 à 2002.

L'idée fondamentale du gouvernement néerlandais est que la politique budgétaire doit être axée sur la tendance à moyen terme de la croissance économique. En faisant abstraction des écarts brusques de la conjoncture, la politique budgétaire gagne 8

9

Voir House of Representatives, 104th Congress, 1st Session, report 104-3: Balanced Budget Constitutional Amendment, Report together with dissenting and additional views, January 18, 1995.

1999 Budget Memorandum, Ministry of Finance, The Hague, 15 September 1998.

4311

en constance, donc en fiabilité. Cette idée trouve son application concrète dans le plafonnement annuel des dépenses, en termes réels, pour la période 1999­2002.

L'augmentation réelle des dépenses est ainsi fixée à 1,5 % par an, en moyenne. Les montants concrets se répartissent entre les trois domaines principaux du budget, soient le budget d'État proprement dit, celui de la prévoyance sociale et celui de la santé.

Les plafonds des dépenses réelles sont indexés sur une estimation prudente de la croissance économique réelle de 2,25 % par an. Jugeant que la croissance économique serait très probablement supérieure, le gouvernement a surtout réfléchi à ce qu'il ferait des allégements escomptés pour cause de conjoncture favorable. Du moment qu'il continuera à se produire des excédents de dépenses, de l'avis du gouvernement, la réduction des déficits est au coeur de la réflexion sur l'emploi des ressources. Voici les règles qui ont été adoptées: ­

Si le déficit dépasse 0,75 % du PIB selon les critères de Maastricht, 3/4 des allégements iront à la réduction du déficit, le quart restant étant utilisé pour abaisser les impôts;

­

si le déficit reste en dessous de 0,75 % du PIB selon les critères de Maastricht, la moitié des allégements sera utilisée pour réduire le déficit, l'autre pour alléger les impôts.

Toute baisse éventuelle du service de la dette résultant de la réduction du déficit doit être mise en réserve pour amortir d'éventuelles surcharges futures d'ordre conjoncturel.

Le gouvernement néerlandais souligne ainsi en premier lieu que les périodes de bonne conjoncture ne doivent pas servir à financer de nouvelles dépenses. Tant en Suisse qu'à l'étranger, l'histoire récente a montré que, du côté des dépenses, la surcharge structurelle avait souvent commencé dans les périodes fastes.

Le système du gouvernement néerlandais présenté ici a un élément commun important avec le frein à l'endettement proposé par le Conseil fédéral, à savoir la notion de subordination des dépenses à la croissance économique tendancielle. Les différences résident surtout dans la durée des périodes envisagées et dans la sévérité des conditions. Alors que le gouvernement néerlandais considère une période de quatre ans et que les déficits sont possibles pendant cette période, le Conseil fédéral entend réaliser l'équilibre du budget sur un cycle conjoncturel complet, pouvant dépasser une durée de quatre ans.

4312

1.6

Problèmes fondamentaux et facteurs de succès des mécanismes institutionnels de limitation de l'endettement

Le présent chapitre expose les rouages essentiels d'un mécanisme institutionnel de limitation de l'endettement et les motifs du choix retenu. Sur la base des expériences faites en Suisse et à l'étranger, les questions principales sont celles ­

de l'instrument de gestion approprié,

­

du genre du mécanisme,

­

de la prise en compte de la conjoncture,

­

du rôle des investissements.

1.6.1

Quel instrument de gestion retenir?

En vertu de l'art. 126 Cst., la Confédération doit amortir le découvert de son bilan en tenant compte de la situation économique. Le législateur estimait à l'époque qu'il fallait affecter les excédents dégagés par le compte financier au remboursement de la dette, instituant ainsi un lien étroit entre l'amortissement du découvert du bilan et le résultat du compte financier.

La loi sur les finances de la Confédération (LFC) institue elle aussi un rapport étroit entre l'amortissement du découvert du bilan et le compte financier. L'art. 2, al. 2, LFC stipule que l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral et l'administration s'emploient à amortir le découvert du bilan et à assurer à long terme l'équilibre des recettes et des dépenses.

Le fait que le compte financier soit le principal instrument de mesure des finances fédérales est un argument en sa faveur comme paramètre de référence. Le compte financier est la base idéale pour fixer les priorités politiques parce qu'il regroupe en un seul compte toutes les activités prévues. Le solde du compte financier est en outre un excellent indicateur de l'évolution des finances à moyen terme. Enfin, telles qu'elles sont inscrites au compte financier, les recettes et dépenses de la Confédération servent également de base à l'évaluation des répercussions des finances fédérales sur le circuit économique.

On pourrait, en principe, appliquer le frein à l'endettement au compte de résultats.

Cette solution serait judicieuse si, à l'instar de ceux des cantons et surtout des communes, les investissements de la Confédération étaient sujets à d'importantes fluctuations annuelles. Mais tel n'est pas le cas. En effet, les dépenses d'investissement de la Confédération restent très stables. C'est pour cette raison, mais aussi à cause de la structure particulière des dépenses (transferts), que le compte d'État n'est pas divisé en compte de fonctionnement et compte des investissements, comme l'est le modèle comptable adopté par les cantons. Les dépenses d'investissement peuvent cependant être distinguées clairement des dépenses de consommation sur une base statistique.

D'autres raisons justifient encore de ne pas axer le frein à l'endettement sur le compte de résultats. Le fait de différer la couverture de dépenses d'investissement crée par exemple des contraintes supplémentaires,
qui limitent encore davantage la marge de manoeuvre en matière de politique budgétaire en augmentant la proportion des charges liées. L'inscription des investissements à l'actif et leur amortissement 4313

ultérieur retardent à tel point la couverture des dépenses d'investissement que, dans la plupart des cas, cette couverture ne se répercute pleinement sur le compte de résultats qu'au-delà de la période de planification.

Si l'on choisit le compte financier comme instrument de gestion, il se pose une question décisive: la réglementation sera-t-elle axée sur le solde du compte financier ou sur les dépenses? La seconde solution présente notamment l'avantage suivant: malgré leurs différentes affectations, les dépenses sont plus faciles à infléchir que les recettes. Les dépenses sont en effet proposées dans le budget par le Conseil fédéral et approuvées par les Chambres fédérales. Elles peuvent donc être pilotées par la politique, en principe ­ du moins à moyen et à long terme10. En revanche, les recettes sont pour l'essentiel fixées par le peuple (inscription des taux maximaux et d'autres dispositions capitales dans la constitution). Aux taux d'imposition donnés, les recettes dépendent en outre largement du produit intérieur brut et de sa croissance, et doivent être estimées. Aussi sont-elles soumises à des fluctuations de nature cyclique.

La consultation lancée à propos du frein à l'endettement proposait la règle du solde aussi bien que celle des dépenses. Les réponses accordant une large préférence à la règle des dépenses (cf. ch. 1.7), le Conseil fédéral a maintenu uniquement cette dernière dans le présent projet.

1.6.2

Mécanisme simple ou complexe?

Si l'on adopte un mécanisme axé sur le résultat, il faut choisir une règle explicite qui prescrive le résultat à atteindre. On distingue deux sortes de mécanismes : les systèmes simples, qui ne font que définir un objectif, et les systèmes complexes, qui fixent la valeur de l'objectif en fonction d'autres variables (notamment le produit intérieur brut, mesure la plus largement définie de la conjoncture).

La règle la plus simple pour limiter le déficit est de ne point en admettre, donc d'exiger un budget équilibré chaque année. Les États-Unis ont essayé sans succès d'adopter une telle règle, avec une clause d'exception (cf. ch. 1.5.3). Malgré sa simplicité et sa clarté, cette règle souffre de graves inconvénients. Une politique budgétaire optimale neutralise les fluctuations passagères des recettes et des dépenses. Un budget équilibré chaque année s'y oppose, soit qu'il entraîne des fluctuations trop fortes des dépenses, soit qu'il exige des adaptations des taux d'imposition. Par rapport à une politique budgétaire stable, ces deux mesures provoquent des coûts macroéconomiques supplémentaires pour l'économie dans son ensemble.

Il n'est pas non plus possible de tenir compte de la conjoncture; au contraire, les écarts conjoncturels s'en trouvent même renforcés, ce qui est contraire à l'art. 100 Cst. sur la politique conjoncturelle. Les programmes de dépenses à plus long terme en souffriraient aussi, ce qui obligerait à y renoncer ou à les retrancher du budget général, ou encore à les financer au détriment d'autres domaines de tâches. Pour toutes ces raisons, l'équilibre annuel du budget n'est pas un mécanisme praticable pour limiter les déficits et l'endettement.

Une autre manière simple de limiter le déficit ou l'endettement consiste à fixer des plafonds. C'est là d'ailleurs une méthode largement utilisée dans les dispositifs 10

Dans le cadre de l'élaboration du budget, les dépenses ne sont modulables que de façon restreinte, vu leurs affectations légales et contractuelles.

4314

étrangers qui poursuivent le même but. La plus connue est certainement celle des critères dits de Maastricht, qui, pour les pays de l'UE, plafonnent le déficit à 3,0 % et l'endettement à 60 % du PIB. Aux États-Unis, le Gramm-Rudman-Hollings Act (1985/1987) fixait aussi un plafond nominal à l'endettement. L'Allemagne ne fixe pas de limite chiffrée supérieure, mais admet un endettement à hauteur des investissements, encore qu'il soit censé rester «modéré». La disposition transitoire de l'art. 196, ch. 12, ad art. 126 Cst. (objectif budgétaire 2001) constitue également une limitation unilatérale du solde du compte financier à partir de 2001, puisqu'elle limite l'excédent maximal des dépenses à 2 % des recettes.

Le plafonnement de l'endettement ne présente pas certains inconvénients de l'équilibrage annuel du budget. Il permet par exemple de tenir compte de la conjoncture, du moins jusqu'à concurrence du plafond fixé. L'asymétrie inhérente du système a toutefois un grave défaut : si les déficits sont limités pendant la mauvaise conjoncture, les excédents ne sont pas garantis en période faste. Les erreurs de gestion ne sont sanctionnées que tardivement, étant donné que des déficits structurels peuvent s'accumuler pendant les périodes favorables, mais ne toucheront les plafonds qu'en période défavorable. Les sanctions n'interviennent donc qu'au moment où les problèmes sont de toute façon considérables. Dans le cas de la disposition transitoire ad art. 126 Cst., il s'y ajoute le problème que, telle qu'elle est aménagée, l'indexation du déficit sur les recettes a une tendance procyclique. Plus le PIB est à un faible niveau et plus les recettes diminuent, plus le plafond du déficit autorisé s'abaisse.

Le mécanisme idéal devrait donc non seulement limiter les déficits, mais aussi permettre d'identifier les périodes où il est nécessaire de dégager des excédents. C'est là la seule manière d'atteindre un budget équilibré à moyen terme, voire d'abaisser l'endettement. L'étude du passé permet même de constater que la règle représente l'arme décisive dans la lutte contre le déficit : elle empêche que l'on se charge de trop de nouvelles obligations11 lorsque le compte d'État est excédentaire. On accumule en effet de la sorte un déficit structurel dont les effets complets n'apparaîtront dans le compte d'État qu'à
la récession suivante. Et à ce moment, ce déficit structurel ne pourra être résorbé qu'au prix de programmes d'assainissement douloureux.

La seule manière d'éviter ce biais fâcheux est de fixer non seulement des plafonds à l'endettement, mais aussi des conditions obligeant à dégager des excédents.

Dans cette perspective, maintenir la disposition transitoire de l'art. 196, ch. 12, ad art. 126 Cst., n'est pas une solution durable. Elle limite certes les déficits maximaux admissibles, mais ne garantit à aucun moment la création d'excédents, donc l'équilibre à long terme des finances. En outre, le plafond de 2 % des recettes fixé au déficit n'est pas approprié en cas de nette dégradation de la conjoncture. Il suffit en effet que les recettes baissent lors d'une récession pour que les déficits croissent, même si les dépenses restent au même niveau12.

11

12

D'autres pays ont fait la même expérience: «As other countries have found, surpluses have a magical way of disappearing as soon as the politicians get to know about them» (Economist, 17.7.99, p. 13).

Dans le cas où l'élasticité des recettes par rapport au PIB est égale à 1, l'effet stabilisateur automatique des recettes entraîne un déficit (en % des recettes) équivalant à l'output gap négatif. Or, depuis la dernière guerre, l'output gap négatif de 2 % du PIB a été dépassé à plusieurs reprises.

4315

1.6.3

Comment prendre en compte la situation conjoncturelle?

1.6.3.1

Généralités

Étant donné que le frein à l'endettement n'est pas seulement censé autoriser les déficits à certaines périodes, mais doit aussi rendre obligatoires des excédents quand la conjoncture le permet, il paraît logique de le lier à l'évolution de cette dernière, d'autant plus qu'à côté de ses objectifs d'allocation et de redistribution des ressources, la politique budgétaire recherche aussi la stabilité. La stabilisation consiste d'une part à tempérer, si possible, les fluctuations de la conjoncture et de la croissance, et à exploiter, d'autre part, le potentiel de production de l'économie13. À cet effet, l'État gérera ses dépenses et ses recettes de façon à chercher à amortir les soubresauts de l'évolution économique.

Les objectifs de la politique de stabilisation (ou politique conjoncturelle) sont inscrits à l'art. 100 Cst. Les directives constitutionnelles sont également mises en oeuvre dans l'art. 2, al. 3, LFC. La LFC exige une politique budgétaire qui réponde aux exigences de la politique conjoncturelle. On peut en déduire l'exigence que le frein à l'endettement ne saurait s'opposer à l'aménagement anticyclique du budget fédéral.

Un frein au déficit et à l'endettement, qui tient compte de la conjoncture, autorisera des dépenses supplémentaires en période de récession. Il devra toutefois garantir simultanément que ces déficits seront compensés par des excédents de recettes en période de prospérité. Pour tenir compte de la conjoncture, il convient donc de viser l'équilibre des finances sur l'ensemble d'un cycle conjoncturel et non sur un seul exercice budgétaire. Le frein à l'endettement axé sur un cycle conjoncturel permet d'une part d'éviter largement les inconvénients bien connus de la politique budgétaire discrétionnaire, et d'exploiter d'autre part les avantages des effets stabilisateurs de la politique budgétaire, qui devraient assurer une évolution plus constante de l'économie.

Il y a cependant un risque que les arguments de la politique conjoncturelle soient dévoyés et finissent par réduire l'efficacité du frein à l'endettement. On s'opposera à ces tentatives en fixant une réglementation claire, assortie de certaines clauses d'exception (cf. ch. 1.9.5.2).

1.6.3.2

Jusqu'où la situation conjoncturelle doit-elle être prise en compte?

Même si l'on décide de prendre la conjoncture en compte, il reste à savoir dans quelle mesure le faire : s'agit-il de tenir compte du cycle conjoncturel en pratiquant simplement une politique budgétaire optimale (flexibilité passive), ou faut-il pratiquer une politique active de stabilisation, assortie de modifications discrétionnaires des recettes et dépenses en fonction de l'évolution de la conjoncture (flexibilité active)?

Dans la politique de stabilisation active, on stimule l'économie en période de récession en prenant des mesures de politique budgétaire qui renforcent les stabilisateurs 13

À quoi s'ajoute la stabilisation des prix, qui est l'objectif spécifique de la politique monétaire.

4316

automatiques, par exemple sous forme de programmes d'encouragement. En période de haute conjoncture, on actionne au contraire délibérément les freins. Par rapport au seul effet des stabilisateurs automatiques, la récession produit alors des déficits plus élevés, qui sont compensés par des excédents plus hauts en période de boom économique.

La mise en oeuvre d'une politique de stabilisation active se heurte cependant à des difficultés théoriques. Une économie de petite taille, soumise à des taux de change flexibles, est très sensible aux influences extérieures. Dans les cas extrêmes décrits par le modèle de Mundell-Fleming14, la politique budgétaire ne parvient pas à déployer le moindre effet conjoncturel (stabilisant). Alors que, dans une économie fermée, l'expansion fiscale fait monter les taux d'intérêt et les revenus, elle laisse ces derniers inchangés dans une petite économie ouverte, à taux de change flexibles. La raison de cette différence provient du fait que, dans une économie ouverte, le recul de l'épargne globale dû à l'expansion fiscale provoque la contraction des investissements nets de l'étranger (c'est-à-dire des importations nettes de capitaux) et la réévaluation de la monnaie nationale. Cette réévaluation entraîne à son tour le recul des exportations nettes, lequel compense précisément l'effet expansif sur la demande en biens et services. À part ces objections d'ordre théorique, il se pose aussi des problèmes pratiques de mise en oeuvre. Les droits populaires directs et l'organisation fédéraliste de l'État s'opposent en effet à une politique conjoncturelle active.

L'histoire montre que ni la science, ni la politique, ne sont en mesure de créer les prémisses nécessaires pour qu'une politique active de stabilisation puisse réussir. Vu les défauts d'une telle politique par le passé, il paraît plus indiqué de se borner à appliquer une politique passive de stabilisation, c'est-à-dire de laisser agir les stabilisateurs automatiques. Ceux-ci sont nommés de la sorte en raison du fait que leur effet stabilisant se déploie automatiquement, sans l'aide de quelque politique économique que ce soit. Les principaux exemples de ces adaptations automatiques sont les recettes fiscales et les dépenses de l'assurance-chômage.

L'avantage des stabilisateurs automatiques réside notamment dans le fait
qu'ils sont foncièrement incontestés et sont recommandés même par les non-keynésiens. On sait que la théorie néoclassique nie la possibilité d'une stabilisation obtenue par des mesures discrétionnaires de politique budgétaire. Dans sa doctrine, elle postule qu'il n'existe pas de déséquilibre durable des marchés, si bien que la nécessité d'interventions correctrices de l'État disparaît. Inversement, les déficits et excédents temporaires résultant de fluctuations conjoncturelles sont bienvenus. Dans un tel contexte, les déficits et excédents budgétaires fonctionnent comme des «amortisseurs».

Malgré les réserves émises contre de la politique de stabilisation active, il faut maintenir la souplesse nécessaire afin de pouvoir faire face aux graves événements imprévus qui compromettent sérieusement l'évolution économique. Le Conseil fédéral tient compte de ce principe par l'aménagement judicieux d'un régime particulier (cf. ch. 1.9.5.2).

14

Cf. à ce sujet Mankiw Gregory N., Macroéconomie, 1996, chap. 13.

4317

1.6.4

Comment traiter les investissements?

Le traitement des dépenses d'investissement était l'un des points les plus contestés de la consultation sur le frein à l'endettement du milieu des années 1990. Une forte minorité défendait le point de vue selon lequel les dépenses d'investissement pour l'avenir pouvaient être financées par l'emprunt. Le frein à l'endettement aurait donc dû se limiter aux dépenses ordinaires de la Confédération. Il convenait en outre de s'opposer au principe selon lequel il est plus simple, en politique, de repousser ou de restreindre les projets d'investissement en période d'économies, que de réduire les dépenses de consommation. Compte tenu de leurs aspects techniques spécifiques, ces deux questions ont dû être abordées séparément.

1.6.4.1

Pas de financement des investissements par l'emprunt

Divers systèmes de limitation des déficits et de l'endettement traitent les dépenses d'investissement autrement que les dépenses ordinaires. En Grande-Bretagne, la «golden rule» (règle d'or) autorise à financer les investissements par l'emprunt, pourvu qu'il soit modéré. En Allemagne, les dépenses d'investissement bénéficient également d'un statut spécial: l'art. 115 de la loi fondamentale stipule que les emprunts nets ne peuvent excéder la somme des investissements inscrits au budget.

Certaines réglementations cantonales admettent aussi l'endettement en faveur des investissements. Pour différentes raisons, le frein à l'endettement proposé ici renonce à traiter différemment les dépenses d'investissement.

Du point de vue de l'économie d'entreprise, le financement des dépenses par l'emprunt est foncièrement admissible, pour autant que la valeur matérielle correspondante soit compensée à l'actif (principe du maintien de la valeur intrinsèque). Du point de vue de l'économie publique, les dépenses pour des biens ainsi que pour la formation et la recherche ont un caractère d'investissement si elles servent à produire d'autres biens et services, donc à accroître la productivité de l'économie dans son ensemble. Dans la plupart des cas, les investissements publics ne produisent des rentrées fiscales supérieures qu'indirectement, par le biais de leur incidence sur la croissance économique. Du point de vue de la politique de croissance, on pourrait admettre un endettement modéré en faveur de tels investissements, pour autant qu'il soit compatible avec une politique de stabilité monétaire et conjoncturelle, et que la rentabilité des investissements en question soit supérieure à celle des investissements privés. Or la rentabilité des dépenses d'investissement publiques ne se traduit qu'exceptionnellement par un rendement direct, au sens du «return on investment».

Pour le financement extérieur des dépenses d'investissement, on invoque souvent le principe du «pay as you use», qui prévoit de répartir équitablement les coûts d'investissement entre les générations. Cela signifierait qu'on impute à chaque génération les coûts en fonction du bénéfice qu'elle en retire. Or, ce principe ne s'applique qu'aux investissements uniques ou à des pics d'investissement, mais non aux flux d'investissement réguliers. Il s'ensuit
que, de ce point de vue, le financement des investissements en général très stables de la Confédération ne nécessite ni ne justifie qu'elle s'endette (cf. aussi l'encadré 1).

4318

Encadré 1: investissement unique ou flux constant d'investissements L'argument selon lequel il serait admissible de s'endetter pour investir provient de la théorie de la gestion d'entreprise. Tel projet d'investissement unique est financé par l'emprunt, puis les rentrées ultérieures permettent de rembourser peu à peu les dettes (voir fig. 2). S'il s'agit d'un projet rentable, il finira par être amorti au cours du temps, c'est-à-dire que la dette sera finalement tout au plus de zéro (à moins qu'il n'y ait même bénéfice).

Pour ce qui est de l'État, il est en revanche rare que ses investissements soient suivis de profits pécuniaires. Il est toutefois possible de transposer l'argument en stipulant que le financement par l'impôt s'effectuera au moment même où le profit du projet échoit, et pour le même montant (principe du «pay as you use»).

Figure 2

Profit (= rendement) 6

4

4 Unités monétaires

Unités monétaires

Investissements 6

2

0

2

0

-2

-2 1

2

3

4

5

6

1

2

3

4

5

6

ans

ans

Endettement total 6

4

4

Unités monétaires

Unités monétaires

Accroissement (net) de la dette 6

2

0

2

0

-2

-2 1

2

3

4

5

6

1 ans

2

3

4

5

6 ans

Cet argument ne vaut cependant que pour les projets uniques. Si, dans une entreprise, on considère un flux constant de projets d'investissements (de même volume), les nouveaux projets pourront être financés par le produit des investissements anté-

4319

rieurs15 (voir la fig. 3). L'accroissement de la dette ralentit et l'endettement total se stabilise16. Transposé à l'État, cela signifie qu'en présence d'un flux constant d'investissements de même volume, le profit que la génération actuelle retire des investissements antérieurs compense exactement les coûts des nouveaux investissements. Le produit de l'impôt ne devrait donc pas financer uniquement les dépenses ordinaires, mais aussi les investissements.

Figure 3 Profit (=rendement)

Investissements 15

Unités monétaires

Unités monétaires

15

10

5

0

10

5

0 1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

ans

Accroissement (net) de la dette

Endettement total 15

Unités monétaires

15

Unités monétaires

11 ans

10

5

0

10

5

0 1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

ans

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 ans

Il y a aussi des raisons pratiques pour ne pas accorder de statut spécial aux dépenses d'investissement. Les finances fédérales consistent avant tout en opérations de transfert. Une grande partie des dépenses d'investissement de la Confédération, qui se sont développées de façon très stable par le passé, prend la forme de contributions fédérales aux investissements de tiers. En outre, il faut tenir compte du fait qu'avec 11 %, la part des dépenses d'investissement aux dépenses totales de la Confédération est relativement faible. Mais pour une autre raison, la distinction entre dépenses ordinaires et dépenses d'investissement dans les finances fédérales n'a qu'une portée très limitée. Premièrement, cette distinction relève d'une conception des investisse15

16

Le financement par l'emprunt ne serait justifié que pour la part des nouveaux investissements qui dépasse les amortissements des investissements antérieurs (pics d'investissements).

En d'autres termes, le capital reste constant, puisque les amortissements et les nouveaux investissements s'équilibrent.

4320

ments due à la science économique. En pratique, il n'est pas possible de trancher clairement entre les types de dépenses et il reste toujours une marge importante d'interprétation. Deuxièmement, et c'est là l'argument principal contre le financement extérieur des dépenses d'investissement au niveau fédéral, il convient de respecter la prérogative de la politique de fixer les priorités; ce privilège doit pouvoir s'exercer sans restriction dans les décisions d'ordre budgétaire et ne pas être faussé par des traitements spéciaux, quels qu'ils soient. De ce point de vue, les dépenses ordinaires en faveur de la recherche et de la formation peuvent être considérées comme aussi importantes, voire plus, que les investissements dans le domaine des routes. Pour fixer les priorités au niveau fédéral, il est donc plus précieux de pouvoir différencier les dépenses en fonction des objectifs politiques que de pratiquer la distinction peu utile entre dépenses ordinaires et dépenses d'investissement.

Le secteur privé et le secteur public ne sont pas non plus comparables sur le plan des mécanismes de financement. Dans le secteur privé, l'inscription des investissements à l'actif puis l'amortissement ultérieur en fonction de la dépréciation des valeurs sont inhérents au système, parce qu'il est nécessaire de répercuter périodiquement les frais financiers sur les produits. Les investissements réussis se refinancent directement grâce au produit des ventes. C'est le succès remporté sur le marché qui décide de la justesse de l'action entrepreneuriale. Les dépenses publiques d'investissement, en revanche, ne disposent pas du marché pour leur servir de régulateur. Au niveau de la Confédération, les activités d'investissement et l'évolution des recettes n'ont que des rapports très lointains. Les investissements publics procurent certes souvent un profit à l'économie nationale, mais il est rare que l'on enregistre des recettes supplémentaires résultant directement de ces investissements et il est également impossible de vendre librement les biens d'investissement, puisqu'ils sont liés à l'accomplissement de tâches publiques et représentent un patrimoine administratif.

Aussi les finances publiques ne remplissent-elles pas les conditions nécessaires à un traitement comptable particulier des investissements au sens du secteur
privé.

Ces derniers arguments qui s'opposent à l'octroi d'un statut spécial aux dépenses d'investissement relèvent également d'une analyse de politique économique. Pareil traitement spécial exempterait les dépenses d'investissement de l'obligation d'économiser. On ne pourrait éviter alors qu'elles ne se mettent à croître de façon disproportionnée et contraire à l'intérêt de l'économie du pays.

Les investissements dans le domaine des infrastructures considérées comme prioritaires par le Conseil fédéral et le Parlement ne sont pas remis en cause par le frein à l'endettement. Celui-ci n'affecte pas la fixation des priorités sur le plan politique, ce qui serait le cas si les investissements bénéficiaient d'un traitement spécial. En recourant aux crédits d'engagement et aux plafonds de dépenses, il sera toujours possible d'assurer à long terme un financement supportable des grands projets. En d'autres termes, le frein à l'endettement ne compromet pas la planification des grands projets.

1.6.4.2

Éviter les obligations excessives d'économiser sur les investissements

Comme on l'a vu sous ch. 1.6.4.1, il n'y a pas d'argument objectif justifiant que la Confédération finance ses investissements par l'emprunt, raison pour laquelle les dépenses d'investissement ne méritent pas de statut spécial dans le cadre d'un frein à 4321

l'endettement. Mais la question se pose tout de même de savoir quel effet ce frein exerce sur les investissements. Il s'agit notamment d'examiner si l'incorporation des dépenses d'investissement dans le frein à l'endettement peut avoir des incidences négatives sur les investissements en Suisse.

On peut à cette fin envisager l'évolution des dépenses d'investissement en fonction de deux chiffres clés. La question primordiale étant de savoir si, à long terme, on décèle une tendance à économiser particulièrement sur les investissements. L'effet des mesures de stabilisation de 1992, 1993 et 1994, ainsi que celui du programme de stabilisation 1998 sur les dépenses d'investissement de la Confédération seront également analysés.

Figure 4

0.94

0.20

0.92

0.18

0.90

0.16

0.88

0.14

0.86

0.12

0.84

0.10

0.82

0.08

0.80

Investissements en % du total

Dépenses ordinaires en % du total

Part des investissements (sans les prêts et participations) et des dépenses ordinaires, dans les dépenses totales de la Confédération

0.06 76

78

80

82

84

86

88

90

92

94

96

98

Dépenses ordinaires Dépenses d'investissement

La figure 4 met en évidence l'évolution à long terme des dépenses d'investissement17 et des dépenses ordinaires, dans le total des dépenses de la Confédération entre 1975 et 1999. On constatera qu'entre 1975 et 1985, les investissements de la Confédération ont diminué d'importance dans le budget fédéral. Cela provient notamment du fait que, pendant cette période, les dépenses ordinaires ont augmenté de 7 % par an en moyenne, alors que les dépenses d'investissement ont baissé légèrement ­ ce recul a été dû avant tout à la baisse des investissements des cantons pour 17

Les dépenses d'investissement de la fig. 4 ne comprennent pas les dépenses pour les prêts de la Confédération à l'assurance-chômage. Il est connu que cette catégorie de dépenses est soumise à des fluctuations d'ordre conjoncturel qui peuvent fausser fortement l'impression d'ensemble.

4322

lesquels la Confédération a participé. Entre 1985 et 1999, en revanche, on peut noter que les parts des dépenses d'investissement et des dépenses de consommation se sont à peine modifiées dans le budget global. Il en découle que, durant ces dix dernières années, on ne constate pas de pression défavorable sur l'évolution des dépenses totales d'investissement.

La figure 5 ci-après met en évidence l'évolution des dépenses d'investissement de la Confédération (sans prêts ni participations) par rapport au produit intérieur brut. On constatera que là aussi, le taux d'investissement n'a pas subi de fluctuation majeure entre 1980 et 1999. Ces vingt dernières années, il a oscillé entre 0,9 et 1,2 % du produit intérieur brut, ce qui indique une forte stabilité, malgré diverses mesures d'économies.

Figure 5 Part des investissements de la Confédération (sans les prêts et participations) au produit intérieur brut

en pour-cent du PIB nominal

2.0

1.5

1.0

0.5

0.0 80

82

84

86

88

90

92

94

96

98

quote-part d'investissements

Pour évaluer plus précisément l'impact des programmes d'économies sur l'évolution des dépenses d'investissement, nous nous sommes également penché sur les diverses mesures prises dans le passé. L'analyse sommaire des effets des mesures d'assainissement 1992, 1993 et 1994 ainsi que du programme de stabilisation 1998 montre que, tendanciellement, les dépenses d'investissement ont été affectées d'une façon supérieure à la moyenne par les coupes budgétaires (cf. tableau 1). Ce fait explique sans doute partiellement la baisse de l'importance relative des dépenses d'investissement dans le budget fédéral et dans l'ensemble des activités économiques de la première moitié des années 1990. Les coupes supérieures à la moyenne dans les dépenses d'investissement résultent de ce que les investissements sont en 4323

général moins tributaires d'affectations obligatoires que les dépenses de consommation. Ainsi, il faut tenir compte du fait qu'une partie considérable des dépenses de consommation de la Confédération ne peut être ni augmentée ni diminuée, comme les parts des recettes fédérales attribuées aux cantons et les intérêts passifs, qui représentent ensemble quelque 18 % des dépenses totales. D'une manière générale, les coupes dans les dépenses d'investissement peuvent être mises en oeuvre plus rapidement que la correction des dépenses ordinaires liées relevant des opérations de transfert. En outre, il convient de tenir compte du fait que la forte augmentation des dépenses dans le domaine social et dans d'autres domaines de tâches ­ dépenses qui relèvent essentiellement de la consommation ­ a joué un rôle dans cette évolution.

Tableau 1 Répartition des mesures d'assainissement 1992, 1993 et 1994 et du programme de stabilisation 1998 entre la consommation et l'investissement18 Train de mesures

Mesures d'assainissement 1992 Mesures d'assainissement 1993 Mesures d'assainissement 1994 Mesures d'assainissement 1998

Part des coupes dans les dépenses de consommation

Part des coupes dans les dépenses d'investissement

3/4 2/3 3/4 3/4

1/ 4 1/ 3 1/ 4 1/ 4

Part des dépenses d'investissement dans les dépenses totales19

11,0 % 16,3 % 13,3 % 12,7 %

Même si l'expérience montre que les coupes indispensables ont tendance à affecter davantage les dépenses d'investissement que celles de consommation, cela ne signifie absolument pas qu'à long terme, la part des dépenses d'investissement dans le budget fédéral ou dans le produit intérieur brut diminue d'une façon sensible. Dans ses lignes directrices concernant les finances fédérales, le Conseil fédéral a d'ailleurs réaffirmé que, dans les programmes d'économies, les investissements dans les ressources humaines et le capital réel ne seraient pas réduits davantage que les autres dépenses.

1.7

Dépouillement des réponses à la procédure de consultation

Le 18 octobre 1995, le Conseil fédéral autorisait le Département fédéral des finances à envoyer en consultation deux méthodes de frein à l'endettement aux cantons, aux 18

19

Ce tableau présente des estimations approximatives quant à la répartition des allégements que le Conseil fédéral a consentis dans sa propre sphère de compétence et des réductions que les Chambres fédérales ont décidées dans le cadre des trains d'économies mentionnés.

Les parts citées dans le tableau se réfèrent aux exercices 1992, 1993, 1994 et 1998, soit aux années non affectées par les nouvelles mesures d'économie. Les fluctuations proviennent essentiellement des prêts à l'assurance-chômage.

4324

partis et aux milieux intéressés. La procédure de consultation courait jusqu'au 29 février 1996. 48 des 68 destinataires ont répondu; trois autres organisations se sont exprimées sans y avoir été invitées.

La plupart des réponses ont un caractère général. Seules quelques-unes discutent en détail les dispositions constitutionnelles et légales proposées.

L'objet de la consultation était constitué de deux méthodes de limitation de l'accroissement de la dette: d'une part la règle du solde, qui lie le résultat du compte financier à la croissance économique; de l'autre, la règle des dépenses, qui lie les dépenses autorisées à l'évolution de l'économie. Les deux solutions ne se distinguent pas seulement par leur cible (solde du compte financier ou croissance des dépenses), mais aussi par la hiérarchie des objectifs: dans la règle du solde, la priorité va à la stabilisation de l'endettement, mais la méthode choisie pour y arriver doit tenir suffisamment compte des exigences de la politique conjoncturelle et de celle de la croissance. Limiter la quote-part de l'État n'est qu'un but accessoire.

Dans la règle des dépenses, en revanche, les aspects de politique conjoncturelle des finances et la limitation de la quote-part de l'État ont la même importance que la stabilisation de l'endettement. Dans la règle des dépenses, la limitation de l'endettement n'est donc pas un but recherché avec la même priorité que dans celle du solde.

Les auteurs des réponses approuvent foncièrement que l'on institutionnalise des mesures de limitation des déficits et de l'endettement qui aient pour objectif des finances fédérales équilibrées, une fois les déficits structurels éliminés. Suivant en cela l'opinion du Conseil fédéral, ils relèvent souvent que la priorité va à l'élimination du déficit structurel. Seule une petite minorité estime que l'état de la dette fédérale ne doit pas être dramatisé.

Ce sont surtout les cantons qui demandent que le frein à l'endettement soit intégré dans une conception globale de la politique budgétaire. Il est permis de considérer aujourd'hui que cette exigence est remplie. Le frein à l'endettement est en effet censé remplacer l'objectif budgétaire 2001 et garantir que les finances fédérales resteront équilibrées. Il fait aussi partie des lignes directrices des finances fédérales.

Le but visé
par le frein à l'endettement, soit empêcher un nouvel accroissement de la dette en garantissant un équilibre entre les excédents et les déficits du budget sur la durée d'un cycle conjoncturel, est approuvé par la majorité des réponses. Une forte minorité estime pourtant que c'est aller trop loin que de limiter l'endettement nominal et que cela pourrait avoir des effets néfastes sur l'économie. Il vaudrait mieux fixer un objectif moins ambitieux, la stabilisation du taux d'endettement, par exemple. Une petite minorité souhaite au contraire qu'on envisage même d'éliminer l'endettement nominal.

Pour beaucoup de réponses, stabiliser l'endettement absolu n'est pas le problème le plus urgent de la politique budgétaire. Il serait bien plus opportun de réduire et de stabiliser la quote-part de l'État. Aux yeux d'une forte minorité, il s'agirait au moins de poursuivre simultanément les deux objectifs de la limitation de la progression des dépenses et de celle du taux d'endettement. Une petite minorité met en revanche en garde contre le fait d'attribuer trop d'importance à la quote-part de l'État.

Des réponses isolées mettent en doute l'idée qui sous-tend le frein à l'endettement, à savoir un PIB fluctuant autour d'une tendance. Plutôt que d'indexer le frein à l'endettement sur le PIB ou sur le taux de variation de ce dernier, on préférerait 4325

l'axer sur le taux d'utilisation des facteurs de production. Le choix du compte financier comme critère pour fixer les cibles du frein à l'endettement est également contesté. Mais, compte tenu de la nouvelle présentation des comptes, seules quelques réponses isolées exigent que le frein à l'endettement soit axé sur le compte de résultats.

Un point fait l'unanimité: le frein à l'endettement doit non seulement limiter la dette, mais aussi satisfaire aux exigences de la politique conjoncturelle. Les réponses divergent toutefois considérablement quant à la manière de mettre ce principe en oeuvre. Pour certains, les aspects conjoncturels sont secondaires; pour d'autres, il suffit de laisser simplement fonctionner les stabilisateurs automatiques. D'aucuns soulignent en revanche l'importance de la politique conjoncturelle et lui accordent un rang au moins égal à l'objectif de la limitation de l'endettement.

L'un des points les plus contestés du projet soumis à consultation a été le statut des dépenses d'investissement. Le frein à l'endettement proposé renonçait en effet à leur accorder un traitement spécial. Une forte minorité défend ­ parfois vigoureusement ­ le principe que les dépenses d'investissement pour l'avenir doivent pouvoir être financées par l'emprunt. Le frein à l'endettement se limiterait donc aux dépenses ordinaires de la Confédération. Les dépenses d'investissement mériteraient un statut spécial par rapport à celles de consommation, et cela pour d'autres raisons encore que la seule économie nationale. Il s'agit par exemple de contrecarrer la tendance selon laquelle, en période d'économies, il serait politiquement plus facile de différer ou de redimensionner des projets d'investissement que de faire des coupes dans les dépenses de consommation.

Les deux méthodes de frein à l'endettement envoyées en consultation autorisaient le Conseil fédéral à réduire les aides financières et les indemnisations de 30 % au plus, ainsi qu'à couper dans son domaine propre au cas où l'objectif ne serait pas respecté. Dans leurs réponses, plusieurs cantons précisent que cette règle ne saurait être acceptée que s'il y a symétrie des sacrifices entre le domaine propre et celui des transferts, et à condition qu'en procédant à des coupes dans le domaine des transferts, la Confédération réduise en même temps son
influence, ses prescriptions et ses astreintes vis-à-vis des bénéficiaires. Il serait intolérable que les règles de conduite et les prestations exigées des bénéficiaires soient maintenues alors que le financement de leurs projets subirait des atteintes sensibles. Une petite minorité des réponses demande en outre que les prestations de la Confédération en faveur des assurances sociales soient exemptées des coupes prévues dans le cadre des règles de compensation. La même minorité ­ ou presque ­ est aussi d'avis que les règles de compensation s'appliquent trop unilatéralement aux dépenses. Pour rattraper l'objectif manqué, il faudrait aussi recourir aux recettes supplémentaires, du moins partiellement. Certaines réponses trouvent que la clause prévoyant de tenir compte des intérêts légitimes des bénéficiaires en cas de coupe budgétaire va trop loin. Cela reviendrait à ouvrir tout grand la porte aux dérogations. Enfin, diverses voix proposent que les mesures de compensation des échecs entrent en jeu plus rapidement.

Toujours dans le cadre des mesures de compensation, l'idée de déléguer des compétences au Conseil fédéral soulève la controverse. Une majorité estime que, pour des raisons d'ordre constitutionnel, les Chambres devraient être impliquées davantage dans les mesures compensatoires. En revanche, une forte minorité est d'avis qu'il est indispensable de déléguer cette compétence au Conseil fédéral pour parvenir à limiter efficacement l'endettement.

4326

Pratiquement tous les auteurs des réponses jugent que les deux solutions présentées de frein à l'endettement ­ c'est-à-dire la règle du solde et celle des dépenses ­ doivent être améliorées. Cela ressort du fait que plusieurs réponses mettent en doute l'efficacité et la faisabilité des deux méthodes de frein à l'endettement.

La majorité des réponses se prononce en faveur du frein à l'endettement selon la règle des dépenses, donc en faveur d'une limitation indirecte de l'endettement par le biais de l'évolution contrôlée des dépenses. Si la règle des dépenses trouve un appui plus large, c'est qu'elle établit un contrôle direct de la progression des dépenses.

Étant donné que la situation précaire des finances fédérales découle d'un accroissement excessif des dépenses, toute règle destinée à limiter l'endettement doit veiller à ce qu'à l'avenir, la progression des dépenses soit contenue dans certaines limites.

On s'assure du même coup que la quote-part de l'État reste maîtrisée. Parmi les inconvénients de la règle des dépenses, certains relèvent notamment la marge de manoeuvre que la conjoncture pourrait ménager à des dépenses supplémentaires.

L'efficacité de la règle des dépenses en souffre, par rapport non seulement à la limitation de l'endettement, mais aussi à celle de la quote-part de l'État.

Une minorité préférerait en revanche la règle du solde, donc la limitation directe de l'endettement, compte tenu de l'évolution des recettes et des dépenses. Plusieurs avis reconnaissent que la règle du solde garantit mieux l'objectif de limiter l'endettement nominal que celle des dépenses. Mais nombreux sont ceux qui concèdent qu'à cet avantage s'oppose le fait que la règle du solde autoriserait plus facilement des recettes supplémentaires, étant donné que la compensation obligatoire y est formulée de manière ouverte. La règle du solde ne garantit donc pas la limitation de la quote-part de l'État. Parmi les autres inconvénients de cette règle, on relève çà et là que le volume des dépenses y est déterminé par les recettes, elles-mêmes très fluctuantes. Les taux admissibles des dépenses seraient donc soumis eux aussi à de fortes variations néfastes.

Quelques voix demandent expressément que le frein à l'endettement serve simultanément à limiter l'endettement nominal et à contrôler la progression des dépenses.

Il s'agirait donc de cumuler la limitation de l'endettement et celle de la quote-part de l'État.

1.8

Frein à l'endettement: historique

La disposition transitoire de l'art. 196, ch. 12, ad art. 126 Cst. est aujourd'hui déjà un véritable frein à l'endettement, puisque les al. 2 et 9 stipulent qu'à partir de 2001, l'excédent de dépenses ne devra pas dépasser 2 % des recettes. Comme on l'a vu sous ch. 1.6.2 et malgré les possibilités qu'il offre en période de mauvaise conjoncture, ce système n'est cependant pas un mécanisme judicieux à long terme, vu qu'il agit de façon trop unilatérale (puisqu'il n'exige pas la compensation de déficits éventuels), et qu'il est trop restrictif à d'autres égards.

4327

1.9

Système proposé de frein à l'endettement

1.9.1

Objet et cible du frein à l'endettement

Le frein à l'endettement proposé établit des règles pour l'évolution admissible des dépenses dans le compte financier. On tient compte ainsi du fait qu'au niveau fédéral, le compte financier reste l'instrument principal de gestion. La règle fondamentale du frein à l'endettement a pour objet d'équilibrer approximativement les excédents et les déficits du compte financier sur la durée d'un cycle conjoncturel.

Comme il existe un lien étroit ­ non seulement de fait mais aussi empiriquement vérifié ­ entre les clôtures du compte financier et l'évolution de la dette, l'objectif du frein à l'endettement est d'empêcher désormais, dans toute la mesure du possible, l'augmentation de la dette fédérale nominale, et cela à l'aide d'une règle des dépenses.

Malgré le frein à l'endettement, une augmentation de la dette ne peut être exclue d'emblée, notamment dans le cas d'opérations concernant uniquement le compte d'encaisse ou encore si les Chambres fédérales décident à la majorité qualifiée20 de déroger audit frein.

Le frein à l'endettement ne vise pas à éponger les dettes fédérales ni, donc, à amortir le découvert du bilan. Le but primordial est de les stabiliser. Le nouvel instrument permet cependant de réduire progressivement le rapport entre la dette fédérale et le produit intérieur brut, soit le taux d'endettement. Le niveau de la dette restera stable à long terme, tandis que le PIB continuera de croître.

1.9.2

Système proposé

Le système proposé est une règle qui autorise les fluctuations du solde du compte financier en fonction de la conjoncture, tout en garantissant l'équilibre du solde sur la durée d'un cycle conjoncturel. Les fluctuations des clôtures de compte se situent dans la fourchette des stabilisateurs automatiques (cf. à ce propos le ch. 1.6.3). Les recettes fiscales ainsi que les dépenses fédérales en faveur de l'assurance-chômage sont considérées comme les principaux stabilisateurs automatiques des finances fédérales21.

La politique budgétaire fondée sur la notion de frein à l'endettement est schématisée à la figure 6. Sur l'ensemble d'un cycle conjoncturel, le niveau des dépenses est limité par celui des recettes. Pour certaines années, on exige des excédents ou on admet des déficits, cela en fonction de la situation conjoncturelle. Cette indexation de la politique budgétaire sur la conjoncture est obtenue en comparant le produit intérieur brut réel tendanciel (PIB tendanciel), et le produit intérieur brut réel courant ou attendu (PIB effectif). Tant que le PIB effectif est supérieur au PIB tendanciel, l'exercice en cours doit dégager des excédents. Lorsque, au contraire, le PIB effectif se situe en dessous du PIB tendanciel, les déficits sont autorisés. Ce méca20 21

Cf. à ce propos le ch. 1.9.5.2.

Le 1.1.2003, il est prévu de séparer du compte financier les fluctuations financières de l'assurance-chômage qui sont d'origine conjoncturelle. Etant donné que vraisemblablement, le frein à l'endettement ne pourra entrer en vigueur au plus tôt que pour le budget 2003, il ne devra donc plus tenir compte des fluctuations cycliques des finances de l'assurance-chômage, telles qu'elles se sont manifestées dans le passé.

4328

nisme fondamental permet d'assurer l'équilibre des finances sur la durée moyenne d'un cycle conjoncturel, comme le montre schématiquement la figure 6 ci-après.

L'évolution du PIB attendu et du PIB tendanciel n'est en réalité pas si régulière que celle qui est schématisée sur le graphique. Le PIB tendanciel en particulier peut être sujet à certaines fluctuations.

Figure 6 Modèle de budget équilibré sur un cycle conjoncturel (présentation schématique)

340

Unités monétaires

330 Déficits

320 Excédents

310

300

290 1

2

3

4

5

6

7

8

9

10 11 12 13

PIB tendanciel (ou dépenses) PIB courant (ou recettes)

ans

La règle des dépenses proposée s'accroche donc aux dépenses et en prescrit le niveau maximal, ce qui est judicieux vu qu'en politique, malgré les différentes affectations obligatoires, les dépenses restent plus faciles à moduler que les recettes.

Étant donné des barèmes fixes de redevances, les recettes dépendent en effet essentiellement du produit intérieur brut et de sa croissance, ainsi que de facteurs spéciaux. Il faut cependant escompter que les barèmes des redevances changent aussi.

Ainsi, les droits de douane sont supprimés peu à peu, tandis qu'on introduit des taxes incitatives. Une règle des dépenses destinée à durer doit donc tenir compte aussi des changements du côté des recettes (cf. à ce sujet le ch. 1.9.3.2).

Le frein à l'endettement aboutira à l'équilibre des finances sur la durée d'un cycle conjoncturel uniquement si, à l'introduction de la règle des dépenses, le budget n'est plus grevé par un déficit structurel. Or l'élimination des déficits structurels devrait être accomplie par la mise en vigueur de l'objectif budgétaire 2001.

4329

1.9.3

Aspect concret de la règle des dépenses

Le frein à l'endettement sera aménagé sous la forme d'une règle institutionnelle concrète destinée à limiter les dépenses. À cet effet, le Conseil fédéral soumet aux Chambres les modifications nécessaires aux niveaux constitutionnel et légal. Les principes fondamentaux du frein à l'endettement seront établis par les nouveaux al.

2 à 5 de l'art. 126 Cst.22, ainsi que par des adaptations de l'art. 159 Cst. Les dispositions d'exécution prendront la forme d'une révision de la loi fédérale sur les finances de la Confédération23.

L'idée fondamentale de la règle des dépenses consiste à lier les dépenses au niveau des recettes. De son côté, le montant des recettes dépend des barèmes des redevances et de l'évolution économique. La règle des dépenses peut s'exprimer par la formule suivante: Plafond des dépenses = recettes estimées * [PIB réel tendanciel/PIB réel effectif] ou recettes estimées * [facteur conjoncturel]

Le plafond des dépenses équivaut donc au produit des recettes estimées et du quotient du PIB réel tendanciel et du PIB réel effectif. Le quotient cité joue donc le rôle d'un facteur conjoncturel. Il découle par exemple de la formule que si le PIB réel tendanciel et le PIB réel effectif sont égaux, les dépenses doivent être égales aux recettes attendues. Cette constellation correspond à une situation conjoncturelle équilibrée ou de plein emploi relatif. En pareille situation, le budget doit également être équilibré. Si le PIB effectif est inférieur au PIB tendanciel et que le facteur conjoncturel est donc supérieur à 1, ce qui est un indice de faible conjoncture, les dépenses peuvent dépasser les recettes. Le déficit consécutif soutient ainsi l'évolution conjoncturelle. Si le PIB effectif en vient à dépasser le PIB tendanciel et que le facteur conjoncturel descend donc en dessous de 1, les dépenses doivent être proportionnellement inférieures aux recettes. Dans ce cas aussi, le résultat des comptes a un effet stabilisateur sur la conjoncture. Les fluctuations des soldes dans la fourchette des stabilisateurs automatiques sont donc la traduction de la politique budgétaire anticyclique recherchée. Les principales considérations sur le calcul des éléments isolés de la formule suivent sous ch. 1.9.3.1 et 1.9.3.2.

22

23

Les al. 1 et 2 stipulent: 1 La Confédération équilibre à terme ses dépenses et ses recettes.

2 Elle amortit d'éventuels découverts; ce faisant, elle prend en considération la situation économique.

Les actes législatifs proposés figurent dans les dernières pages du message et font l'objet d'un commentaire dans la Partie spéciale, sous ch. 2.

4330

1.9.3.1

Calcul du facteur conjoncturel

Comme énoncé, le facteur conjoncturel résulte de la division du PIB réel tendanciel par le PIB réel effectif. Le fait que ces deux grandeurs soient exprimées en termes réels a pour but de souligner que le facteur n'est censé tenir compte que des fluctuations conjoncturelles de l'économie réelle. Il est d'ailleurs conforme à la théorie et à la pratique économique courante de recourir au produit intérieur brut réel pour évaluer la situation conjoncturelle du moment. Comparer au contraire des grandeurs nominales aurait pour résultat que les fluctuations cycliques du déflateur de PIB affecteraient aussi le facteur conjoncturel. Or les mouvements cycliques du déflateur de PIB ne sont pas congruents avec ceux du PIB réel. Cela signifie que le recours à des chiffres nominaux pour calculer le facteur conjoncturel pourrait donner une image déformée de la situation économique réelle. L'emploi de valeurs nominales a en outre le défaut de provoquer d'éventuelles erreurs supplémentaires dans l'estimation de l'évolution future des prix.

L'évaluation du PIB réel tendanciel et du PIB réel effectif est entachée d'incertitudes, dont la cause relève de l'état fragmentaire des informations disponibles.

Dans l'idéal, il faudrait posséder à la fois des indications précises sur la situation conjoncturelle courante et des estimations fiables quant à l'évolution future. Dans la pratique, ces deux conditions ne sont pas réunies, ce qui complique et rend imprécis le calcul du facteur conjoncturel.

Pour ce qui est de la situation conjoncturelle momentanée, on dépend des estimations du produit intérieur brut réel, qui reposent elles-mêmes sur les estimations trimestrielles du PIB et sur d'autres indicateurs économiques disponibles en cours d'année. Les indications exactes ou les estimations définitives du produit intérieur brut de la Suisse ne sont disponibles qu'avec un retard de deux ans. En fait, ce n'est que très rétrospectivement qu'il est possible d'identifier avec plus d'exactitude dans quelle phase du cycle conjoncturel la Suisse se trouve à un moment donné. Comme l'a montré la récession des années 1990, la distinction entre fluctuations d'ordre conjoncturel et changements de la croissance tendancielle n'est possible qu'avec un grand recul. Dans ces conditions, il est naturel qu'il soit encore plus difficile d'estimer
le cours ultérieur de la conjoncture. Cette difficulté affecte la qualité des résultats proposés par le frein à l'endettement.

Malgré ces problèmes, le lissage des données anciennes et prévisionnelles du PIB a fait ses preuves comme méthode de calcul du PIB tendanciel, tant sur le plan scientifique que dans la pratique. La méthode actuellement préférée est celle mise au point par Hodrick et Prescott. Dans un rapport de la KOF/EPF, rédigé pour l'Administration fédérale des finances, cette méthode a également été désignée comme la plus appropriée pour calculer les déficits structurels de la Confédération 24.

24

Cf. à ce propos le rapport du Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ, intitulé «Analyse verschiedener Methoden zur Bestimmung eines Referenz-BIP» (analyse de diverses méthodes visant à définir un PIB de référence), Zurich, 1995. Pour plus de détails concernant le calcul du PIB tendanciel utilisé dans le cadre de ce message, veuillez vous référer à la note technique figurant dans les dernières pages du message.

4331

Figure 7 Produit intérieur brut de la Suisse et estimation récursive du PIB tendanciel (procédure d'estimation d'Hodrick et Prescott) 340000 320000 300000 280000 260000 240000 220000 200000 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 PIB observé PIB tendanciel La tendance du PIB a été estimée de manière récursive, à l'aide des prévisions disponibles pour chaque année (estimation ex ante)

La figure 7 montre que les estimations récursives du PIB tendanciel résultant de la méthode Hodrick-Prescott auraient donné une image relativement bonne de la tendance de l'économie telle qu'elle a été constatée après coup, même en ce qui concerne les ruptures de tendance de 1975 et 1991 25.

Du point de vue de la politique budgétaire, l'élément décisif est que le PIB réel tendanciel ne se fonde pas sur une production fictive, due au plein emploi, et qui résulterait de l'utilisation intégrale de tous les facteurs de production. Cette hypothèse doit être écartée, car la politique budgétaire doit se fonder sur l'utilisation moyenne, et non intégrale, des capacités, si elle entend réaliser l'équilibre des finances à moyen terme.

1.9.3.2

Calcul des recettes

Pour calculer le montant des recettes, il faut tenir compte avant tout de deux facteurs. D'une part, les barèmes des redevances ne sont pas immuables. D'autre part, il est connu que les recettes fédérales dépendent entre autres de l'évolution de la con-

25

Cf. aussi les résultats des calculs de simulation sous ch. 1.9.7.1.

4332

joncture. Lors de l'évaluation des recettes, il faut tenir compte de ces deux aspects pour garantir le succès du frein à l'endettement.

Ainsi, la baisse des redevances provoquerait des déficits si les dépenses n'étaient pas adaptées à la diminution des recettes. Inversement, la hausse des redevances produirait des excédents si l'on n'en tenait pas compte dans le calcul des dépenses autorisées. Comme des adaptations des barèmes des redevances sont déjà prévisibles (p.

ex. poursuite de la suppression des droits de douane, relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée, introduction de nouveaux impôts comme la redevance sur l'énergie), la règle des dépenses doit en tenir compte. Cela signifie que, pour chaque nouveau budget, les incidences des modifications des barèmes des redevances doivent être prises en compte dans le calcul des recettes. L'élasticité des recettes peut également avoir une influence sur l'évolution des recettes fédérales. Si l'élasticité des recettes par rapport au PIB est inférieure à 1, ces dernières évoluent moins rapidement que le produit intérieur brut nominal. Si elle est supérieure à 1, en revanche, les recettes croissent plus vite que le produit intérieur brut. Il convient donc de tenir compte de ces deux effets dans l'estimation des recettes de chaque exercice budgétaire.

La formule choisie a une portée générale. Elle n'est pas liée à des taux d'imposition particuliers. Elle peut s'appliquer aussi bien en cas de relèvements d'impôts destinés à financer les coûts supplémentaires des assurances sociales inhérents à l'évolution démographique, qu'à d'éventuels allégements fiscaux ayant pour but de réduire la quote-part de l'État.

En recourant à l'estimation momentanée des recettes pour la période du plan financier, estimation qui doit être faite de toute façon chaque année, lors de l'élaboration du budget et du plan financier, on s'assure que tant les adaptations des barèmes des redevances que les changements de l'élasticité des recettes sont prises en compte. En effet, pour prévoir l'évolution des recettes, chaque rubrique est évaluée séparément sur la base des facteurs particuliers. La fiabilité du total obtenu est encore vérifiée selon des critères de vraisemblance: on s'assurera notamment que l'élasticité par rapport au PIB semble vraisemblable par rapport à l'évolution
conjoncturelle attendue.

En règle générale, rien ne s'oppose à la budgétisation des recettes ordinaires provenant du domaine non fiscal. Cette catégorie de recettes a en effet évolué jusqu'ici de manière relativement stable26. Il en va différemment des recettes d'investissement exceptionnelles découlant de ventes de participations ­ vente d'actions Swisscom en 1998, par exemple ­ ou des recettes exceptionnelles provenant de patentes et de concessions27. Il est quasi impossible de budgétiser ce type de recettes en raison du nombre d'inconnues auxquelles on fait face. Même s'il était possible de budgétiser plus ou moins exactement de telles recettes («windfall profits»), des raisons objectives s'y opposent généralement. Budgétiser de façon précise ces recettes reviendrait en effet à donner des signaux indésirables aux marchés financiers, puisque la Confédération publierait à l'avance les résultats escomptés. En outre, il ne serait pas justifié, dans la perspective du frein à l'endettement, d'adapter les dépenses vers le haut

26

27

Cela n'a cependant pas été le cas des remboursements de prêts de la Confédération à l'assurance-chômage. De telles variations cycliques doivent toutefois être éliminées du compte financier dès le 1.1.2003 (cf. à ce propos la note 21).

On peut ici songer aux concessions de l'Office fédéral de la communication (OFCOM) dans le domaine de la télécommunication.

4333

sous prétexte de pics isolés de recettes28. Aussi convient-il d'exclure de la règle des dépenses des recettes exceptionnelles d'ordre non fiscal, dès lors que celles-ci faussent le montant maximal à consacrer aux dépenses29.

Il serait aussi concevable de recourir à une moyenne mobile des valeurs des recettes anciennes, ou de combiner les valeurs anciennes et les estimations de l'évolution future. Mais, mis à part le fait que cette méthode serait plus compliquée et moins transparente, il n'est pas vérifié que de telles extrapolations peuvent fournir de meilleures prévisions des recettes que l'évaluation ordinaire, dans le cadre de l'élaboration du budget et du plan financier. En outre, pour des raisons de cohérence en matière de politique budgétaire, le Conseil fédéral juge indispensable d'employer les estimations effectuées lors de l'élaboration du budget et du plan financier dans la formule du frein à l'endettement.

1.9.4

Fiabilité de la méthode d'estimation proposée

Dans la pratique, la méthode d'estimation des recettes proposée peut conduire à une sous-estimation ou à une surestimation du plafond des dépenses, qui ne sera constatée qu'après coup. Les recettes des années 1988 à 1999 ont ainsi été sous-estimées dans le budget, l'écart par rapport aux entrées réelles correspondant à un montant de quelque trois milliards de francs au total, soit en moyenne à 250 millions de francs par an30. Cela signifie que les plafonds des dépenses se seraient révélés trop limités si l'on avait appliqué strictement le frein à l'endettement, sans recourir à aucune clause d'exception. Même si la différence entre le budget et le compte peut atteindre plusieurs milliards certaines années, la formule proposée conduit à long terme à des écarts cumulés relativement mineurs. On voit donc que la règle des dépenses proposée présente une grande fiabilité sur une période de plusieurs années.

1.9.5

Mise en oeuvre/régime particulier/sanctions

Comme l'a montré l'art. 126 Cst.31 en vigueur, les dispositions qui ne sont pas assorties de sanctions correspondantes ne déploient qu'un effet limité, voire nul, en cas de violation. Il ne suffit donc pas d'inscrire un objectif de limitation de l'endettement dans la constitution ou dans la loi. L'expérience des finances fédérales et cantonales a prouvé que c'était là une incitation insuffisante pour réduire la dette.

À l'étranger aussi, il s'est avéré que la réalisation des objectifs fixés était le problème majeur des mécanismes institutionnels. Ainsi, aux États-Unis, les plafonds d'endettement fixés par le Gramm-Rudman-Hollings Act n'ont pas été toujours 28

29 30

31

Dans le cas des excédents de recettes de la Caisse fédérale de pensions, qui ont totalisé plus d'un milliard depuis le budget 1991 et qui proviennent d'un nouveau mode de comptabilisation des contributions fédérales à ladite caisse, le frein à l'endettement aurait permis une latitude plus grande du côté des dépenses. Mais cette dernière a été compensée simultanément par la nouvelle inscription au compte financier des contributions de la Confédération à la Caisse de pensions.

Cf. à ce propos les art. 24a, al. 2, et 24c, al. 2, du projet de nouvelle LFC, ainsi que les commentaires détaillés figurant sous ch. 2.2.

Ces chiffres ne comprennent pas les recettes exceptionnelles dues en 1998 au produit de la vente des actions Swisscom, ces recettes de l'ordre de trois milliards de francs n'étant pas inscrites au budget.

Voir note 22.

4334

respectés. La cause des échecs réside souvent dans la nature des sanctions et dans la crédibilité de celles-ci. On présentera donc ci-dessous un mécanisme permettant d'assurer la mise en oeuvre pratique du frein à l'endettement, tout en sauvegardant la liberté d'action du Parlement et la souplesse requise pour faire face aux événements exceptionnels (pour la représentation du processus, voir le schéma Mise en oeuvre du frein à l'endettement à la fin du ch. 1.9.5).

Le frein à l'endettement proposé par le Conseil fédéral envisage un mécanisme qui à la fois joue un rôle préventif et corrige à moyen terme les violations constatées après coup. Pour éviter avec le plus haut degré de probabilité possible une surcharge structurelle des finances fédérales, il est en effet indispensable d'appliquer des mesures a priori et de procéder à des contrôles a posteriori, suivis de corrections. Dans le cadre de la fixation des objectifs du frein à l'endettement, il convient par ailleurs que le Parlement continue de disposer d'une marge de manoeuvre aussi large que possible.

1.9.5.1

Mise en oeuvre du frein à l'endettement

Il s'agit de toucher le moins possible à la procédure d'élaboration du budget et aux compétences à cet égard. Une règle de base liant le Conseil fédéral et les Chambres est proposée. Cette mesure s'impose pour garantir que l'objectif d'équilibrer le budget soit maintenu durant tout le cycle conjoncturel. La règle garantit au Parlement son entière souveraineté en matière de budget, dans les limites du plafond des dépenses.

Le succès du frein à l'endettement dépendra largement de son action sur les principaux instruments de la gestion des finances. Les objets des dispositions du frein à l'endettement seront donc expressément ­

le budget et

­

les suppléments au budget.

Pour ce qui est du budget, la règle des dépenses s'applique directement et littéralement sur les montants. Le respect de la règle est simple à comprendre: les dépenses ne doivent pas dépasser les recettes estimées, pondérées par le facteur conjoncturel.

Ce principe s'applique aussi aux suppléments au budget, quoique avec des restrictions. Cette relativisation s'explique par le fait que les crédits supplémentaires et les dépassements de crédit ne doivent pas forcément relever le plafond des dépenses inscrites au budget, en fin d'année, étant donné qu'il peut y avoir des soldes de crédit. Pour les crédits supplémentaires, il convient donc d'envisager une procédure qui permette d'empêcher les dépassements probables du plafond de dépenses fixé par la règle. Soucieux de trouver une solution simple et pragmatique, le Conseil fédéral propose de ne laisser en général le frein à l'endettement déployer ses effets qu'au second tour des suppléments au budget, soit à la session d'automne. À cette époque, il est en effet nettement plus simple qu'au printemps d'évaluer s'il se dessine un dépassement du plafond des dépenses, compte tenu des crédits supplémentaires et des dépassements de crédit éventuels, ainsi que des soldes de crédit. Si tel est le cas, le Conseil fédéral doit renoncer à certains suppléments ou demander aux Chambres de faire bénéficier ceux-ci d'un régime particulier, à la majorité qualifiée (cf. ch. 1.9.5.2).

4335

Le plan financier doit bien entendu respecter lui aussi les conditions que le frein à l'endettement fixe en matière de politique des dépenses. Pour les autres projets à incidences financières, tels que la promulgation de nouvelles lois, de modifications de lois et d'arrêtés financiers hors budget et suppléments, le mécanisme institutionnel du frein à l'endettement ne fonctionnera qu'indirectement, dans la mesure où il faudra tenir compte des plafonds de dépenses autorisés par la règle des dépenses pour prendre des décisions.

1.9.5.2

Régime particulier

La proposition qui suit respecte le principe selon lequel il convient de conserver autant que possible la répartition actuelle des compétences en matière budgétaire.

Dans son domaine de compétence, le Conseil fédéral est tenu de procéder aux coupes requises pour respecter la règle des dépenses. Quant aux coupes qui relèvent des Chambres, il ne peut les demander qu'à ces dernières. Les Chambres fédérales peuvent fixer la structure du budget, comme elles l'ont d'ailleurs fait jusqu'ici. Elles doivent cependant respecter le plafond des dépenses déterminé par la règle des dépenses.

Face à une réglementation très stricte, la création d'un régime particulier est évidemment une des possibilités d'accroître la marge de manoeuvre du Conseil fédéral et des Chambres en matière de budget. Mais pour que ce régime ne mine pas en sous-main le principe fondamental du frein à l'endettement, ce dernier doit être assorti d'exigences spéciales en matière de relèvement du plafond des dépenses.

C'est pourquoi le Conseil fédéral propose que les Chambres ne puissent relever le plafond des dépenses inscrites au budget ­ montant fixé par le Conseil fédéral dans le strict respect de la règle ­ que si une majorité qualifiée le demande. Le Conseil fédéral peut naturellement demander lui-même aussi l'application du régime particulier. Plus la majorité exigée est élevée, plus le frein à l'endettement gagne en autorité. Sur ce point, le Conseil fédéral pense que la majorité absolue des membres de chaque conseil selon l'art. 159, al. 3, Cst. constitue une barrière suffisamment élevée, sans qu'elle exclue pourtant d'emblée les dérogations justifiées. Si le budget modifié par les Chambres n'obtient pas la majorité qualifiée, c'est le budget respectant le plafond des dépenses autorisé par l'application stricte de la règle des dépenses, sans exception, qui entre en vigueur. Pour assurer la plus grande transparence possible dans la discussion du budget, les Chambres devraient désigner ­ le cas échéant, sur proposition du Conseil fédéral ­ les rubriques de dépenses bénéficiant du régime particulier. En bonne logique, le régime particulier s'appliquera aussi à la procédure des crédits supplémentaires.

Le régime particulier est nécessaire parce qu'il n'est pas possible de fixer d'avance des directives appropriées concernant les dépenses
pour les éventualités non maîtrisables, tels les récessions graves, les catastrophes naturelles, les faits de guerre et autres développements imprévisibles (dans le domaine de l'asile, p. ex.). Si pareil événement grave se produisait, il devrait effectivement être possible de trouver une majorité qualifiée aux Chambres pour obtenir le relèvement du plafond des dépenses. Ces dernières années, les adaptations du modèle comptable et des modalités de paiement des subventions ont également provoqué des surcharges élevées durables ou des concentrations de paiements isolées. Dès 1997, l'inscription au compte financier de prêts de la Confédération aux CFF a provoqué par exemple une hausse

4336

des dépenses de 1 milliard par an. En outre, le passage des paiements a posteriori aux paiements courants, pour les subventions aux caisses-maladie (1996) et pour les contributions versées aux CFF (1998), a causé des concentrations de paiements sensibles mais uniques32. Dans de tels cas, la question se pose de savoir si ces brusques écarts des dépenses doivent être compensés ailleurs dans le budget pour respecter la règle, ou s'ils doivent être considérés comme des exceptions. Ces décisions sont de nature foncièrement politique et doivent donc être prises par les Chambres fédérales.

Le Conseil fédéral demande en outre que le caractère exceptionnel des dépenses ne soit pas limité seulement matériellement, mais soit justifié aussi par un volume déterminé dans le budget fédéral33. Les charges budgétaires additionnelles de l'ordre de quelques centaines de millions devraient en effet pouvoir être absorbées lors de la discussion du budget. Aussi le Conseil fédéral est-il d'avis que les dépenses supplémentaires ne devraient bénéficier du régime particulier qu'à condition de provoquer une hausse de plus de 0,5 % des dépenses par rapport au budget régulier ­ ce qui équivaut actuellement à un volume de dépenses d'environ 250 millions.

1.9.5.3

Sanction en cas de non-atteinte de l'objectif dans le compte d'État

Même si le budget adopté est conforme à la règle et que l'on ait fait preuve de la plus grande retenue en matière de suppléments, il n'est pas exclu que les dépenses effectives du compte d'État dépassent les chiffres budgétaires conformes au frein à l'endettement, tels qu'ils ont été votés par les Chambres fédérales. Ajoutées aux suppléments votés, une surestimation des soldes de crédit ou une sous-estimation des dépassements peuvent aboutir à une violation de la règle.

Un mécanisme de sanction est prévu pour de tels cas. Conçu de manière souple, ce mécanisme exige une compensation qui a lieu a posteriori. Les manquements à l'objectif doivent être portés au compte de compensation tenu hors du compte d'État (voir à cet égard ch. 1.9.5.4). Cette compensation doit contribuer à l'obten-tion de comptes équilibrés sur la durée d'un cycle conjoncturel. La sanction a en outre un effet préventif particulièrement souhaitable. On peut s'attendre à ce que les éventuels dépassements du budget soient en général de l'ordre de quelques centaines de millions de francs seulement.

1.9.5.4

Compte de compensation et mesures d'économies

Comme tout mécanisme fondé sur des prévisions, la règle des dépenses proposée par le Conseil fédéral ne saurait exclure des erreurs d'estimation. Celles-ci sont en particulier imputables à une surestimation ou à une sous-estimation des recettes dans les budgets. L'expérience montre que les écarts entre le budget et le compte d'État peuvent aisément atteindre plusieurs milliards de francs par an. Dans le cadre du frein à l'endettement, de telles erreurs d'estimation peuvent conduire à fixer trop

32 33

Cf. à ce propos le tableau 3 sous ch. 1.9.7.1.

Cf. à ce propos la proposition de nouvel art. 24b LFC.

4337

haut ou trop bas le plafond des dépenses. Un compte de compensation doit permettre de corriger a posteriori ces erreurs.

Comme mentionné plus haut, on ne peut en outre exclure que les dépenses dépassent le montant maximal approuvé par le Parlement, ce qui - dans le cadre du frein à l'endettement - équivaut à ne pas atteindre l'objectif fixé. Cette situation peut se présenter lorsque les soldes de crédit ne compensent pas entièrement les crédits supplémentaires et les dépassements de crédits. La création d'un compte de compensation doit permettre de prendre également en considération de tels manquements.

En ce qui concerne ce compte de compensation, le Conseil fédéral propose d'appliquer les principes suivants: ­

34

Si le compte d'État présente un surcroît de dépenses par rapport au montant maximal approuvé par le Parlement, il convient également de porter ce manquement à l'objectif au compte de compensation (voir sous ch. 1.9.5.3).

En revanche, si les dépenses effectives n'atteignent pas le montant approuvé dans le budget, on ne tiendra pas compte de cette différence par rapport aux prévisions. Il convient en effet de s'en tenir au principe selon lequel les crédits accordés sont échus s'ils n'ont pas été utilisés.

­

Après l'approbation du compte d'État, il convient de corriger le plafond des dépenses dans la mesure où le budget présente une erreur d'estimation des recettes. Si le plafond des dépenses établi après coup d'après les recettes effectives est inférieur au montant prévu initialement, la différence figurera dans le compte de compensation au titre de charge. Elle s'inscrira à titre de bonification dans le cas d'une sous-estimation de ce plafond. Les corrections au titre de bonification excluent les recettes d'investissement exceptionnelles et les recettes exceptionnelles découlant de patentes ou de concessions34.

Les charges et bonifications modifient à chaque fois l'état du compte de compensation. Celui-ci indique s'il y a excédent ou découvert par rapport au plafond des dépenses établi après coup, et par conséquent correct à terme.

­

Les excédents ou les découverts figurant au compte de compensation doivent être éliminés dans les prochains budgets, lorsque l'on fixe le plafond des dépenses. Il convient cependant de renoncer à définir exactement les montants à éliminer et les périodes durant lesquelles cette élimination doit avoir lieu. À cet égard, le Conseil fédéral et le Parlement devraient disposer d'une grande marge de manoeuvre, cela pour plusieurs raisons. Outre le montant des excédents ou des découverts, divers aspects jouent en effet un rôle lorsqu'il s'agit d'équilibrer ce compte. S'il faut élimer des excédents, l'évolution conjoncturelle et l'obligation de mener une politique des dépenses judicieuse sont déterminantes. Dans le cas de découverts par contre, il importe en particulier de prendre en considération les perspectives conjoncturelles et l'ampleur des mesures d'économies nécessaires.

­

Pour les cas de très grands découverts, il convient de prévoir une garantie évitant une remise en cause du frein à l'endettement. Aussi le Conseil fédéral propose-t-il que les découverts du compte de compensation dépassant 6,0 % de l'ensemble des dépenses opérées dans l'année comptable précédente soient obligatoirement ramenés à cette limite dans les trois prochaines Cf. sous ch. 2.2 du présent message, la proposition de nouvel art. 24a, al. 2, LFC, ainsi que les commentaires à cet égard.

4338

années. Un tel cas se serait fort probablement présenté en 1993. Le compte de cette année-là affichait des recettes de 3,9 milliards inférieures à ce qui avait été prévu au budget, un écart correspondant à lui seul à quelque 10 % des dépenses de 199335. Pour l'ensemble des budgets de 1988 à 1999, les recettes ont néanmoins été sous-estimées de quelque 3 milliards36. Ces erreurs d'estimation, d'une moyenne de 250 millions par an, auraient ainsi permis de relever les plafonds de dépenses37.

­

En tant qu'instrument de gestion spécial, le compte de compensation doit être tenu hors du compte d'État. Les commentaires appropriés, assortis d'un tableau, figureront dans les messages accompagnant le budget et le compte d'État.

Le compte de compensation doit permettre aux budgets futurs de prendre en considération les erreurs d'estimation en matière de recettes et les manquements à l'objectif survenus dans les dépenses, cela de manière souple et sans qu'il soit possible d'éluder systématiquement l'objectif du frein à l'endettement. Cet instrument élargit la marge de manoeuvre en matière de politique budgétaire, tant dans le cadre de la budgétisation que dans celui de la planification financière.

Le Conseil fédéral et le Parlement doivent être tenus d'éliminer tous découverts apparaissant dans le compte de compensation et d'appliquer à cet effet des mesures d'économies durant les années suivantes. Comme on l'a vu, cette compensation exige une marge de manoeuvre relativement large. Une limitation de cette dernière ne devrait intervenir qu'à partir du moment où les découverts atteignent un certain montant. On comprendra dès lors que la ligne de conduite à long terme en matière de dépenses telle qu'elle a été fixée par le frein à l'endettement sera le critère déterminant pour définir d'éventuelles mesures d'économies.

Pour respecter le frein à l'endettement, le Conseil fédéral arrêtera en premier lieu des mesures d'économies dans son propre domaine de compétence. Si cela ne suffit pas, il sera contraint de demander à l'Assemblée fédérale des économies supplémentaires et les modifications de loi concomitantes. Par analogie avec l'objectif budgétaire 2001, ces opérations devraient être arrêtées pendant la même session et mises en vigueur par la procédure d'urgence. Si les découverts du compte de compensation dépassent la limite de 6 %, les Chambres sont tenues de respecter le montant des économies proposées par le Conseil fédéral. Le Parlement pourrait toutefois modifier la composition du train de mesures.

Le schéma 1 ci-après offre une vue d'ensemble de la mise en oeuvre du frein à l'endettement. Les schémas 2a et 2b montrent quant à eux le mécanisme du compte de compensation et la marge de manoeuvre en matière de politique budgétaire lors de la réduction des montants figurant dans ce compte.

35

36 37

Cet exemple ne tient pas compte de l'état antérieur du compte de compensation, sur lequel influent non seulement les erreurs d'estimation mais aussi d'éventuels manquements à l'objectif fixé.

Ce chiffre exclut les recettes supplémentaires de quelque 3 milliards découlant de la vente des actions Swisscom, ces recettes-ci ne figuraient pas au budget.

Si le frein à l'endettement avait été appliqué entre 1988 et 1999, les erreurs d'estimation en matière de recettes auraient permis de ne réduire les dépenses que de 29 milliards, et non de 32 milliards (cf. le tableau 2, sous ch. 1.9.7.1). La moyenne des coupes annuelles aurait ainsi été de 2,4 milliards au lieu de 2,7 milliards.

4339

Schéma 1

4340

Mise en oeuvre du frein à l'endettement

Schéma 2a:

Fonctionnement du compte de compensation

Fonctionnement du compte de compensation

Art. 24c alinéa 2 LFC au crédit du compte sous-estimation des recettes fiscales (les recettes effectives sont plus élevées que celles budgétisées) Art. 24d LFC au crédit du compte amortissement d'un solde négatif par des dépenses plus faibles que prévu

excédent compte de compensation = 0 (compte soldé) déficit

Art. 24d LFC au débit du compte amortissement d'un solde positif par des dépenses plus élevées que prévu

Art. 24c alinéa 2 LFC au débit du compte surestimation des recettes fiscales (les recettes effectives sont moins élevées que celles budgétisées)

Art. 24c alinéa 1 LFC au débit du compte l'objectif des dépenses est dépassé (les dépenses effectives sont plus élevées que celles budgétisées)

4341

Schema 2b: Marge de manoeuvre de la politique financière lors de l'amortissement du compte de compensation (trois scénarios) évolution passée

Excédent Découvert en % des dépenses

annéé courante

+6%

?

Scénario 1: possibilités d'amortissement des excédents du compte de compensation

Jahre Années

0

­6%

Scénario 2: possibilités d'amortissement du découvert du compte de compensation inférieur à 6% des dépenses

+6%

Années

0

?

­6%

Scénario 3: amortissement obli­ gatoire du découvert du compte de compensation supérieur à 6% des dépenses en trois ans

+6%

0

­6%

Années

?

Possibilité d'amortissement Amortissement obligatoire

4342

1.9.6

Frein à l'endettement et souveraineté du Parlement en matière de budget

Le frein à l'endettement porte indubitablement une certaine atteinte à la souveraineté du Parlement en matière de budget. Les Chambres fédérales sont en effet tenues de respecter les montants maximaux déterminés par la règle des dépenses. Cette limitation de la liberté d'action dans le contexte de la budgétisation vise à assurer que l'objectif consistant à équilibrer le budget sur le long terme puisse être atteint. Seule une telle règle permet d'empêcher de façon impérative un retour à la spirale de l'endettement.

Dans les limites du plafond de dépenses fixé par la règle, le Parlement conserve son entière souveraineté. Les Chambres fédérales peuvent ainsi pleinement exprimer leurs priorités lors de l'établissement du budget. Tel est par exemple le cas lorsque l'augmentation des dépenses diffère dans les divers domaines de tâches. D'éventuelles priorités peuvent également être définies entre dépenses de consommation et dépenses d'investissement. La possibilité de recourir à un régime particulier garantit en outre aux Chambres le droit de relever le plafond des dépenses lorsque se dessine une évolution exceptionnelle et inévitable des dépenses. Ce régime particulier maintient intacte la capacité d'action en matière de politique budgétaire. Il convient toutefois de ne recourir à ce régime que sur obtention d'une majorité qualifiée.

Le compte de compensation proposé garantit de plus que des erreurs d'estimation des recettes ne puissent en aucune façon échapper à la souveraineté du Parlement en matière de budget. Les budgets futurs devront tenir compte de telles erreurs d'estimation. Le Conseil fédéral accorde une importance majeure à cet aspect de la question. Si par le passé l'ampleur des programmes d'économies dépendait en grande partie des prévisions des recettes, le mécanisme de compensation devrait assurer en quelque sorte un dimensionnement approprié des efforts d'économies.

L'articulation même du compte de compensation offre par ailleurs aux Chambres fédérales une marge de manoeuvre aussi large que possible. Les manquements à l'objectif ne doivent pas obligatoirement être corrigés dans le prochain budget. Il en va de même des surestimations ou sous-estimations des recettes, qui impliquent des corrections du plafond des dépenses, mais non une compensation immédiate. Ces erreurs d'estimation
seront portées au compte de compensation, en tant que charges ou bonifications. Ce faisant, il faudra veiller à éliminer de manière générale les découverts et les excédents. Pour ce qui est de la rapidité avec laquelle il convient de réduire ces montants, une grande liberté d'action s'impose. Un calendrier contraignant, visant à supprimer un déséquilibre, n'est prévu que pour les cas de découverts importants. Cette mesure intervient uniquement lors de découverts dépassant de 6 % le montant des dépenses. Elle est nécessaire pour empêcher toute violation de la règle des dépenses par le biais du compte de compensation.

Enfin, les Chambres fédérales pourront également influer sur le montant des dépenses en décidant de l'environnement fiscal ainsi que des taux et barèmes d'impôt.

Pour conclure, on peut considérer que le frein à l'endettement limite certes la souveraineté du Parlement en matière de budget. Cette limitation ne porte cependant que sur l'objectif de l'équilibre budgétaire à long terme, tel qu'il figure aujourd'hui déjà dans la Constitution fédérale. Dans ces limites, le Parlement conserve la plus grande marge de manoeuvre possible.

4343

1.9.7

Implications du frein à l'endettement

1.9.7.1

Résultats des calculs de simulation

Les effets chiffrés du frein à l'endettement ont été démontrés à l'aide de simulations portant sur les années 1988 à 2003, ce qui correspond à douze exercices et trois périodes financières de quatre ans. Si la prise en compte de cette période permet de montrer les effets par le passé et les perspectives d'avenir, elle a en outre l'avantage qu'en 1988, d'après nos calculs, l'économie suisse se trouvait approximativement sur le chemin de la croissance tendancielle. Grâce à l'excédent effectif des recettes (1,2 milliard, soit 0,5 % du PIB), les finances fédérales se trouvaient alors à peu près en situation d'équilibre structurel, si bien que les conditions auraient été réunies pour l'introduction du frein à l'endettement.

Pour interpréter correctement les chiffres ci-dessous (tableau 2), il importe de remarquer ce qui suit:

38

­

Les résultats présentés sont issus d'une simulation récursive ex ante, c'est-àdire que seules les informations relatives à l'évolution des recettes et au facteur conjoncturel qui étaient disponibles chaque année ont été utilisées (sans disposer d'informations sur l'évolution future). Les chiffres du tableau 2 montrent donc une comparaison annuelle entre l'évolution effective des finances fédérales et celle, supposée, résultant de l'application stricte du frein à l'endettement38.

­

Les coupes requises chaque année ne peuvent être interprétées automatiquement comme une obligation à opérer les réductions correspondantes des dépenses lors de l'élaboration annuelle du budget. Le trou de financement cumulé mesuré en milliards n'est au fond rien d'autre que le reflet des déficits structurels qui ont été constamment enregistrés par le passé. Il est bien connu que cette surcharge structurelle des finances fédérales a son origine dans la planification des biens et services des années antérieures. Le frein à l'endettement devrait au contraire empêcher préventivement les déficits structurels résultant de nouvelles tâches et d'une extension des tâches non financées. Si, contre toute attente, la planification des biens et services devait poser des problèmes financiers, la règle des dépenses imposerait une correction à hauteur du découvert.

­

De plus, il faut tenir compte du fait que la solution de rechange au frein à l'endettement supposerait le maintien des règles de l'objectif budgétaire 2001 inscrit dans la Constitution fédérale. Appliquées par le passé aux simulations ex ante, ces dispositions auraient impliqué de limiter les déficits à 2 % des recettes au maximum. Une comparaison hypothétique entre les coupes requises par le frein à l'endettement et celles qui résultent de l'objectif

Les chiffres du tableau 2 ne prennent pas en compte les incidences d'éventuels arrêtés exceptionnels des Chambres. Les considérations sur les cas possibles et leurs incidences chiffrées figurent cependant sous ce même chiffre, notamment dans le tableau 3.

N'ont pas non plus été pris en considération les effets du mécanisme souple que représente le compte de compensation décrit sous ch. 1.9.5.4.

4344

budgétaire 200139 montre que pour la période déficitaire 1991­1997, les deux réglementations auraient offert une marge de manoeuvre plus ou moins égale.

­

La prudence est aussi de mise en ce qui concerne l'interprétation des chiffres du budget 2000 et du plan financier de la législature 2001­2003. Pour le plan financier 2003, le frein à l'endettement laisserait certes une marge de manoeuvre élargie d'environ un milliard du côté des dépenses. Il s'agit pourtant d'une marge hypothétique. Il faut en effet noter que pour les années 2000 à 2002, la règle des dépenses prescrirait des plafonds de dépenses inférieurs à ceux qui sont inscrits dans le plan financier. Selon la règle des dépenses, le budget 2000 et les plans financiers 2001 et 2002 présenteraient des coupes cumulées de quelque 3,1 milliards. En lieu et place d'une augmentation des dépenses, on peut en outre envisager une baisse d'impôts, comme celle dont le Conseil fédéral a déjà défini les principes. À noter enfin qu'il ne faut pas nécessairement éliminer une marge de manoeuvre obtenue une fois grâce à des excédents en matière de politique budgétaire.

Tableau 2

Simulation des incidences de la règle des dépenses 1988­2003 40 Année

Dépenses au Taux de budget41/plan variation, financier, en en % millions

1988

26 000

1989

27 555

1990 1991

Dépenses Taux de selon règle variation, des dépenses, en % en millions

26 653

Modifications requises, en millions ­ = diminution + = augmentation

Clôture effective/ prévue, en millions

Clôture selon règle des dépenses, en millions42

653

1248

1228

1,3

­551

885

1330

29 325

8,6

­282

1058

1841

34 246

16,8

417

­2011

­756

9,7

37 242

8,8

125

­2864

­2289

7,1

38 491

3,4

­1247

­7818

­5709

6,0

27 004

29 607

7,4

33 829

14,3

1992

37 117

1993

39 738

1994

42 583

7,2

36 947

­4,0

­5636

­5102

­708

1995

42 399

­0,4

37 249

0,8

­5150

­3263

17

39

40

41 42

Une comparaison quantitative entre les coupes requises par le frein à l'endettement et celles qui résultent de l'objectif budgétaire 2001 n'est pas possible. Le frein à l'endettement constitue en effet une réglementation applicable à l'ensemble d'un cycle conjoncturel, tandis que l'objectif budgétaire formule des objectifs applicables à une période déficitaire donnée, tout en offrant la possibilité d'un report dans le temps si la conjoncture l'exige. En outre, le frein à l'endettement comporte une règle des dépenses, l'objectif budgétaire étant, lui, assorti d'une règle du solde.

Les répercussions éventuelles des réserves ou des coupes (au sens du frein à l'endettement) sur la croissance économique et le service de la dette ne sont pas prises en compte. Il en va de même des effets du régime particulier évoqué au ch. 1.9.5.2 et du compte de compensation décrit au ch. 1.9.5.4.

Selon l'arrêté fédéral sur le budget (sans les crédits supplémentaires).

Cette colonne montre la clôture potentielle, compte tenu des dépenses prévues selon la règle et des recettes effectivement récoltées

4345

Année

Dépenses au Taux de budget41/plan variation, financier, en en % millions

Dépenses Taux de selon règle variation, des dépenses, en % en millions

Modifications requises, en millions ­ = diminution + = augmentation

Clôture effective/ prévue, en millions

Clôture selon règle des dépenses, en millions42

1996

43 972

41 286

10,8

­2686

­4363

­1809

3,7

1997

44 242

0,6

38 726

­6,2

­5516

­5270

1998

47 590

7,6

39 702

2,5

­7888

484

126 7372 43

1999

46 297

­2,7

42 218

6,3

­4079

­2640

2000

47 424

2,4

45 559

7,9

­1865

­1840

798 25

2001

48 315

1,9

47 245

3,7

­1070

­935

135

2002

49 576

2,6

49 418

4,6

­158

95

253

2003

53 006

6,9

54 293

9,9

1287

1691

404

Le tableau 2 montre l'évolution des finances fédérales en cas d'observation stricte de la règle du frein à l'endettement. On peut en déduire que, vu l'évolution effective des dépenses, il aurait fallu opérer pendant la période de 1988 à 1999 des coupes de l'ordre de 32 milliards ou, en moyenne, de 2,7 milliards par an. Ces coupes se réduisent toutefois à quelque 28 milliards, soit à 2,3 milliards par an, si l'on tient compte des allégements que les économies auraient permis d'obtenir sur le plan des intérêts passifs. En raison des erreurs d'estimation en matière de recettes, il aurait de plus été possible de corriger tendanciellement les dépenses annuelles vers le haut. À noter enfin qu'aucune différence notable ne serait apparue entre les coupes liées au frein à l'endettement et celles qu'auraient été impliquées par une hypothétique application de l'objectif budgétaire durant la période déficitaire s'étendant de 1991 à 1997.

Dans le budget 2000 ainsi que dans le plan financier de la législature 2001­2003, les coupes requises s'élèveraient à 1,8 milliard, soit 0,45 milliard par an.

43

Si l'on retranche le facteur spécial «Swisscom», qui n'était pas budgétisé, l'excédent de recettes diminue de quelque 3 milliards.

4346

Figure 8 Dépenses budgétisées et plafond selon la règle (FE) 55000

en millions de francs

50000 45000 40000 35000 30000 25000 88

90

92

94

96

98

00

02

Dépenses budgétisées Plafond des dépenses selon FE

Figure 9 Dette brute avec et sans frein à l'endettement (FE) 120000

en millions de francs

100000

80000

60000

40000

20000 88

89

90

91

92

93

94

95

96

97

98

99

Dette brute avec FE Dette brute sans FE

4347

Les chiffres du tableau 2 montrent nettement que l'objectif de l'équilibre à long terme des finances aurait pu être atteint en appliquant strictement le frein à l'endettement. Selon la règle, les résultats cumulés auraient été un excédent d'un peu plus d'un milliard entre 1988 et 1999. Même l'erreur à corriger sur le plan des recettes, qui aurait tendanciellement impliqué des plafonds de dépenses plus élevés, ne modifierait que peu le tableau. Malgré le frein à l'endettement, la dette se serait accrue, comme le montre la figure 9. Deux raisons qui n'apparaissent pas dans le compte financier sont à l'origine de cette croissance de la dette: d'une part l'augmentation des engagements de la Confédération, en particulier le contexte du refinancement des CFF et d'autre part l'accroissement du patrimoine financier.

Il ressort également des chiffres que, de 1988 à 1999, le taux moyen de croissance des dépenses se situait autour de 5,4 % par an, dans les budgets votés, alors qu'il n'aurait été que de 4,3 % par an si l'on avait respecté les montants maximaux en appliquant strictement la règle des dépenses, ce qui est d'ailleurs supérieur d'un point à la croissance moyenne du PIB nominal. L'explication de ce résultat, invraisemblable et indésirable à première vue, et qui implique une quote-part de l'État en hausse, tient à diverses augmentations de barèmes de redevances. Ce constat souligne la nécessité de ne pas mettre en vigueur le frein à l'endettement pendant une phase de stabilisation, mais seulement après. D'ailleurs, les fluctuations relativement larges des taux annuels de variation des dépenses calculées selon la règle des dépenses (en 1991, 1996, 1997, 2000 et 2003) doivent être attribuées à différents facteurs spéciaux44.

Les figures 10 et 11 montrent par ailleurs l'évolution de la quote-part de l'État et de la quote-part d'endettement, avec et sans application du frein à l'endettement, cela durant la période de 1988 à 1999.

44

À partir du budget 1991, les dépenses et les recettes ont augmenté pour des raisons de technique comptable (présentation améliorée des comptes VEREDA). En 1996, l'introduction de la taxe sur la valeur ajoutée a eu tout son impact. En 1997, l'excédent de recettes de la Caisse fédérale de pensions a été retranché une nouvelle fois du compte financier. En 2000 et 2003, ce sont surtout les relèvements de la TVA qui jouent un rôle.

4348

Figure 10 Quote-part de la Confédération (dépenses totales de la Confédération en % du PIB) avec et sans frein institutionnel à l'endettement (FE)

Quote-part de la Confédération en % du PIB

13

12

11

10

9 88

89

90

91

92

93

94

95

96

97

98

99

Quote-part Conf. avec FE Quote-part Conf. sans FE

Figure 11 Quote-part d'endettement brut de la Confédération avec et sans frein institutionnel à l'endettement (FE)

Quote-part d'endettement en % du PIB

30

25

20

15

10 88

89

90

91

92

93

94

95

96

97

98

99

Quote-part d'endettement avec FE Quote-part d'endettement sans FE

4349

Les simulations montrent aussi clairement que la règle des dépenses proposée est compatible avec l'évolution de la conjoncture. D'une part, elle aurait autorisé des déficits de l'ordre de plusieurs milliards durant les périodes de faiblesse conjoncturelle, telles les années 1991 à 1993. D'autre part, il aurait dû être possible d'atteindre de substantiels excédents de 1988 à 1990, soit dans les années de haute conjoncture.

La figure 12 illustre cet aspect45.

Figure 12

5

8000

4

6000 4000

3

2000 2 0 1

-2000

0

-4000

-1

Soldes du compte financier en millions de francs

variations du PIB réel en pour-cent

Compatibilité du frein à l'endettement (FE) avec l'évolution de la conjoncture

-6000 88

89

90

91

92

93

94

95

96

97

98

99

Croissance du PIB réel Solde du compte financier avec application du FE

Étant donné que la question du régime particulier a une grande portée politique, la possibilité de dérogations qui auraient pu être envisagées doit être considérée pour en montrer les conséquences sur les finances fédérales. Pour ce faire, nous nous concentrerons sur la période 1991­1999.

Les catégories de dépenses suivantes, en vertu des actes administratifs soumis, auraient pu mériter un régime particulier:

45

La partie supérieure du graphique présente des taux de croissance réelle du PIB de plus de 1,5 %; une croissance de 1,5 % devrait correspondre à peu près au potentiel de croissance économique réelle. De telles situations économiques devraient permettre de réaliser des excédents. Durant les périodes où la conjoncture est plutôt faible (partie inférieure du graphique), on pourrait par contre s'accommoder de déficits. Les soldes potentiels résultant de l'application du frein à l'endettement suivent le modèle présenté, comme le montre la fig. 12.

4350

Tableau 3 Cas susceptibles de régime particulier entre 1991 et 1999 Cas susceptibles de régime particulier entre 1991 et 1999 46

Montant en milliards

Dépenses pour l'assurance-chômage 1993­99 47

4,8

Concentrations de paiements pour les caisses-maladie 1996 Intégration des prêts de la Confédération aux CFF à partir de

1,0 1997 48

0,9

Concentrations de paiements pour les CFF 1998

1,9

Asile (crise du Kosovo)

0,4

Le volume des dérogations potentielles se situe autour de neuf milliards. Si tous les cas évoqués avaient obtenu la majorité qualifiée, il se serait donc formé, entre 1991 et 1999, des déficits cumulés de cet ordre de grandeur. Il faut cependant tenir compte du fait que, pour les dépenses en faveur de l'assurance-chômage attestées au tableau 3, il ne s'agit pour le compte financier que de charges passagères, d'ordre conjoncturel. Si les structures des prestations et du financement restent inchangées les prochaines années, on peut escompter des remboursements de prêts plus importants. D'après les chiffres du plan financier 2001­03, les dettes de l'assurancechômage auront été amorties jusqu'au début de 200349. Après déduction des dépenses en faveur de l'assurance-chômage, le volume des déficits structurels à long terme que l'on aurait sciemment cumulés se serait monté, selon le tableau 3, à environ quatre milliards entre 1991 et 1999 .

1.9.7.2

Appréciation

Les calculs de simulation montrent que le frein à l'endettement atteint approximativement le but de comptes équilibrés sur la durée d'un cycle conjoncturel et que, malgré les conditions fixées, il reste suffisamment de marge de manoeuvre pour une croissance durable des dépenses. En outre, il a pu être démontré que le frein à l'endettement assure une politique anticyclique, en ce sens qu'il laisse les stabilisateurs automatiques pleinement jouer leur rôle.

46

47 48 49

Les contributions patronales à la CFA et le service des intérêts des placements de la CFA auprès de la Confédération ont certes été nouvellement imputés au compte financier à partir de 1991, ce qui équivalait à des dépenses supplémentaires de 1,3 milliard.

Mais comme l'excédent de recettes de la CFA croissait simultanément dans des proportions identiques, il n'aurait pas été nécessaire de recourir au régime particulier.

Ce chiffre comprend toutes les dépenses en faveur de l'assurance-chômage, soit 8,4 milliards, moins 3,6 milliards de prêts remboursés.

En partant de l'hypothèse que le régime particulier ne s'appliquerait qu'à la première année du changement de modèle comptable.

Le 1er janvier 2003, il est prévu de séparer du compte financier les fluctuations financières de l'assurance-chômage dues à la conjoncture. Etant donné que l'entrée en vigueur du frein à l'endettement ne pourra avoir lieu au plus tôt qu'au budget 2003, le frein à l'endettement ne devra plus tenir compte des fluctuations d'ordre cyclique du financement de l'assurance-chômage, telles qu'elles se sont manifestées par le passé.

4351

En appliquant strictement le frein à l'endettement, on parvient ainsi à équilibrer à terme les finances fédérales. On évitera ainsi à l'avenir une croissance de la dette imputable à des déficits. Même si l'on admet sciemment certains déficits en recourant au régime particulier pour des raisons politiques, il est peu probable que l'objectif consistant à éviter la surcharge structurelle des finances fédérales soit remis foncièrement en question.

Le frein à l'endettement améliore indubitablement la fiabilité de la politique budgétaire et aboutit à consolider durablement cette composante importante de la politique économique. On peut donc en attendre des retombées positives sur la croissance économique à long terme de la Suisse.

1.9.8

Comparaison avec l'initiative «moratoire fiscal»

L'initiative populaire, pour laquelle se déroule actuellement la récolte de signatures, a la teneur suivante: Les dispositions transitoires de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 sont complétées comme suit: Art. 197, ch. 1 (nouveau) 1. Disposition transitoire ad art. 59, al. 3, art. 85, art. 86, art. 106, art. 112, art. 114, art. 116, art. 130 à 132 et art. 196, ch. 2, 3, 8 et 14 à 16 (impôts, taxes, redevances et contributions sociales) 1 Pendant sept ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente disposition, des impôts, des taxes, des redevances ou des contributions sociales relevant du droit fédéral ne peuvent être introduits ou majorés que s'il y a réduction équivalente des impôts, des taxes, des redevances ou des contributions sociales existants qui relèvent du droit fédéral.

2 Si, après l'entrée en vigueur de la présente disposition, la part du produit intérieur brut représentant la somme des impôts, taxes, redevances et contributions sociales perçus sur le plan fédéral dépasse la part obtenue en faisant la moyenne des années 2001 et 2002, le mécanisme suivant est appliqué la deuxième année qui suit: la moitié des recettes excédentaires est utilisée pour réduire du même pourcentage l'impôt fédéral direct dû par chaque contribuable, l'autre moitié pour augmenter la contribution de la Confédération à l'assurance-vieillesse et survivants. Le Conseil fédéral arrête les montants et les pourcentages correspondants.

3 Les al. 1 et 2 ne s'appliquent ni aux taxes d'incitation entièrement redistribuées, ni aux augmentations d'impôts, de taxes, de redevances ou de contributions sociales relevant du droit fédéral qui sont indispensables pour compenser les dépenses supplémentaires de l'assurance-vieillesse et survivants dues à des facteurs démographiques.

4 La

présente disposition entre en vigueur dès son acceptation par le peuple et les cantons.

4352

L'initiative «moratoire fiscal» vise en premier lieu à limiter à un certain niveau le poids des redevances en Suisse. D'après le texte de l'initiative, le taux de la fiscalité ne pourrait en principe pas dépasser le taux moyen des années 2001 et 2002. Les seules dérogations prévues concernent le financement des charges d'origine démographique de l'AVS et les taxes d'incitation dont le produit serait entièrement redistribué. Si d'autres dépenses étaient tout de même majorées ou que les recettes devaient croître de façon exceptionnelle en raison d'une croissance économique soutenue, le nouvel article constitutionnel imposerait alors que la moitié des recettes supplémentaires serve à compenser les autres redevances. La seconde moitié servirait à ajuster vers le haut les contributions fédérales à l'AVS.

Cette initiative du PRD finirait certes, à terme, par limiter le poids des redevances, ce qui correspond pleinement à son objectif principal. Mais elle ne suffit pas pour atteindre à terme l'équilibre des finances fédérales. Elle ne peut en effet empêcher que les dépenses de la Confédération ne dépassent à la longue ses recettes, ce qui est justement l'objectif du frein à l'endettement. On peut certes escompter que la limitation des sources principales de recettes de la Confédération et des assurances sociales induira indirectement une pression sur l'évolution des dépenses. L'initiative «moratoire fiscal» ne comporte cependant pas de frein institutionnel automatique contre l'augmentation future de la dette fédérale. Elle ne saurait donc remplacer le frein à l'endettement.

Grâce au frein à l'endettement, en revanche, il est possible de maîtriser à la longue l'évolution des dépenses de telle façon qu'il ne se produise pratiquement plus de déficits structurels. Le passé a bien montré, en effet, que c'est surtout du côté des dépenses qu'un frein efficace fait défaut. Le Conseil fédéral entend donc corriger le tir. En outre, la limitation des dépenses est suffisante, à terme, pour que les redevances ne doivent pas être majorées à cause d'une évolution incontrôlable. Grâce au frein à l'endettement, en effet, les dépenses ne peuvent dépasser le niveau autorisé à terme par les recettes fédérales. Contrairement à l'initiative «moratoire fiscal», il n'exclut pas d'emblée une modification du taux de la fiscalité
fédérale qui dépasse les dérogations citées. Les lignes directrices (LDFF) du Conseil fédéral ne prévoient cependant pas de relèvement du taux de fiscalité, sinon pour financer les charges supplémentaires de l'AVS, d'origine démographique ou celles résultant d'une adhésion éventuelle à l'Union européenne.

L'initiative «moratoire fiscal» et le frein à l'endettement du Conseil fédéral présentent certes des approches différentes mais ne se contredisent pas.

2

Partie spéciale

2.1

Commentaire des dispositions constitutionnelles et légales (projet A)

Au niveau constitutionnel, l'introduction du frein à l'endettement exige la modification de la nouvelle Constitution fédérale (nCst.), aux art. 126 et 159.

4353

Art. 126 Al. 1 L'ancien al. 1, selon lequel la Confédération équilibre à terme ses recettes et ses dépenses, est repris.

Al. 2 Il est proposé de renoncer à l'al. 2 actuel, qui stipule l'amortissement du découvert du bilan, et ce pour deux raisons: d'une part, l'évolution passée des finances fédérales a bien montré que cet objectif ne pouvait être atteint (cf. à ce propos le ch. 1.2); d'autre part, l'objectif du frein à l'endettement n'est pas de réduire les dettes et le découvert du bilan, mais seulement d'en empêcher désormais la croissance. Il est donc logique de renoncer à cet ancien mandat constitutionnel.

L'al. 2 révisé établit en revanche fermement le principe selon lequel un plafond est fixé dans le budget pour les dépenses totales que l'Assemblée fédérale doit voter. Le terme «dépenses totales» précise que l'objectif visé est censé être atteint premièrement par le biais du compte financier et deuxièmement par le pilotage des dépenses (et non du solde). Il convient en outre de signaler que le terme de «budget» ne précise pas la période couverte, si bien qu'un budget biennal serait possible si le législateur devait envisager cette éventualité. En ce qui concerne la fixation du montant maximal, deux principes essentiels sont mentionnés au niveau constitutionnel déjà.

D'une part, il s'agit de tenir compte de la situation économique de façon à répondre aux exigences d'une politique budgétaire anticyclique et donc compatible avec l'évolution conjoncturelle. D'autre part, il convient, à terme, de déterminer les dépenses en fonction des recettes. Cette précision s'impose pour que le frein à l'endettement puisse atteindre son objectif.

Al. 3 Le plafond des dépenses totales fixé aux termes de l'al. 2 est en principe contraignant pour le Conseil fédéral et le Parlement. Des dérogations sont toutefois prévues en cas de besoins financiers exceptionnels. La notion de caractère exceptionnel précise qu'il faut une évolution particulière des dépenses, qui sorte de l'ordinaire, pour pouvoir invoquer le régime particulier. Par conséquent, le dépassement du plafond exige également une majorité qualifiée conformément à l'art. 159, al. 3, Cst.

La procédure spéciale de vote est en quelque sorte le test du caractère exceptionnel des dépenses votées.

Al. 4 Étant donné que les dépenses opérées pendant une
période financière déterminée peuvent dépasser le plafond budgétaire voté par les Chambres, l'al. 4 stipule que ces dérogations doivent être compensées autant que possible durant les années suivantes.

Art. 159 Al. 3 En règle générale, les décisions sont prises à la majorité des votants, que les conseils siègent séparément ou en conseils réunis (art. 159, al. 2, Cst.). Les déclarations d'urgence des lois fédérales de même que les affaires soumises au frein aux dépenses requièrent toutefois la majorité absolue (adoption à la majorité des membres de 4354

chaque conseil) conformément à l'art. 159, al. 3, Cst. A l'avenir, la même majorité qualifiée sera également requise pour relever le plafond des dépenses totales en vue de couvrir des besoins financiers exceptionnels selon l'art. 126, al. 3, Cst. En conséquence, il y a lieu de compléter l'art. 159, al. 3, Cst. par une nouvelle let. c.

Al. 4 L'adaptation est de nature rédactionnelle.

2.2

Commentaire des dispositions de la loi fédérale sur les finances (projet B)

Au niveau des lois, la mise en oeuvre des dispositions constitutionnelles sur le frein à l'endettement se fera par la révision de la LFC50, qui comprend les dispositions concrètes régissant la gestion des finances. La LFC actuelle a pour principe l'annualité des comptes et du budget. L'éventuelle introduction d'un budget biennal exigerait donc une révision complète de la loi, indépendamment du frein à l'endettement. C'est pourquoi la révision proposée ici se base sur l'annualité des comptes et du budget.

Art. 18a

Crédits non épuisés (nouveau)

Cette disposition garantit concrètement le respect du plafond des dépenses voté par l'Assemblée fédérale au budget, dans la mesure où les suppléments ne devraient pas dépasser, si possible, le montant des crédits budgétisés non épuisés. Selon l'art. 18, al. 2, LFC, le terme «suppléments» comprend également les suppléments soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale avec le compte d'État. L'expression «dans la mesure du possible» manifeste que la compensation des suppléments par des soldes de crédit ne peut être garantie. Cela tient au fait que le montant exact des soldes de crédit n'est connu qu'à la parution du compte d'État et que cette valeur doit donc être estimée pour calculer les suppléments.

Art. 24a

Plafond des dépenses totales (nouveau)

La disposition établit la méthode de calcul du plafond des dépenses totales. L'al. 1 limite les dépenses au produit de deux valeurs, soit les recettes estimées pour l'exercice budgétaire et un facteur conjoncturel.

Pour évaluer les recettes aux termes de l'al. 2, il convient, pour des raison pratiques, de choisir un procédé compatible avec l'établissement du budget. Cela signifie que les calculs utilisent les recettes du budget en cours. Il s'agit toutefois d'exclure les pics de recettes imputables à des recettes d'investissement exceptionnelles et à des recettes exceptionnelles découlant de patentes et de concessions51. Ces recettes ne doivent en effet pas conduire à une augmentation du volume des dépenses. À titre d'exemple de telles recettes, on relèvera notamment le produit de la vente des actions Swisscom ou des concessions de l'Office fédéral de la communication (OFCOM).

50 51

RS 611.0 Ces deux termes correspondent à la terminologie utilisée dans le compte d'Etat pour la classification des dépenses selon les groupes par nature.

4355

Pour calculer le PIB réel tendanciel, qui, divisé par le PIB réel attendu, donne le facteur conjoncturel au sens de l'al. 3, entrent en ligne de compte toutes les méthodes scientifiques reconnues, pourvu qu'elles soient applicables de manière transparente dans la pratique. Comme la science économique et l'économétrie sont en perpétuelle évolution, le choix concret de la méthode ne sera pas fixé au niveau de la loi (cf. aussi à ce propos le ch. 1.9.3.1).

L'al. 4 stipule que le plafond des dépenses doit être pris en compte lors du traitement de tous les projets à incidences financières. En vertu de cet alinéa, tant le Conseil fédéral que l'Assemblée fédérale sont tenus d'observer les principes du frein à l'endettement, surtout lors de nouvelles lois ou révisions de lois, ainsi que lors de l'approbation de crédits d'engagement et de plafonds de dépenses.

Art. 24b

Relèvement (nouveau)

Cet article fixe essentiellement les conditions objectives et chiffrées requises pour invoquer la dérogation prévue au nouvel art. 126, al. 3, Cst.

L'élément décisif est certainement le caractère exceptionnel de l'évolution des dépenses. L'ajustement vers le haut des dépenses dans le cadre du «courant normal» est donc rendu expressément impossible. Les relèvements du plafond des dépenses sont limités à deux cas: d'une part les événements exceptionnels échappant au contrôle de la Confédération, et d'autre part les adaptations du modèle comptable ainsi que les concentrations de paiements d'origine technique.

L'expression «échappant au contrôle» se réfère aux évolutions dictées par l'extérieur, qui ne peuvent donc être prévues par la politique, et qui exigent une réaction impliquant des dépenses supplémentaires. Il en découle que le financement de nouvelles tâches durables ou l'extension de tâches existantes ne peuvent justifier une telle dérogation. Le second motif autorisant à invoquer la dérogation est représenté par les adaptations techniques du modèle comptable ou du système de comptabilisation, sans modification matérielle des tâches accomplies. Le seuil chiffré pour invoquer la dérogation est le relèvement du plafond des dépenses de 0,5 %, ce qui équivaut, à l'heure actuelle, à environ 250 millions. Si plus d'un événement exceptionnel demande le relèvement du plafond, le total des dérogations est déterminant pour le calcul du seuil de 0,5 %. Le ch. 1.9.7.1 expose d'ailleurs des considérations sur les dérogations qui auraient été possibles par le passé.

Art. 24c

Compte de compensation (nouveau)

Cette disposition définit la manière dont est alimenté le compte de compensation tenu hors du compte d'État. Sous ch. 1.9.5.4 figurent des explications détaillées quant à l'objectif et à l'articulation du mécanisme de compensation proposé.

L'al. 1 précise qu'un dépassement, dans le compte d'État, du plafond des dépenses fixé au budget se traduit par une charge portée au compte de compensation.

L'al. 2 stipule qu'après approbation du compte d'État, le plafond des dépenses sera rectifié en fonction des recettes effectives. L'estimation des recettes au termes de l'art. 24a, al. 2, doit servir d'élément de référence lors de cette rectification. Seront ainsi exclues de cette rectification les recettes exceptionnelles ne figurant pas au budget (recettes d'investissement exceptionnelles et recettes exceptionnelles découlant de patentes et de concessions) dès lors qu'elles entraînent des pics de recettes dans le compte d'État. Cela vaut également pour le cas où de telles recettes auraient 4356

été inscrites au budget. La correction du plafond des dépenses s'inscrira dans le compte de compensation, à titre de bonification s'il s'agit d'une correction vers le haut, ou à titre de charge dans le cas contraire.

Art. 24d

Découverts et excédents (nouveau)

L'al. 1 stipule qu'un découvert du compte de compensation doit être compensé par des coupes dans les dépenses, les excédents de ce même compte devant quant à eux conduire à un relèvement des plafonds de dépenses. Il précise en outre que la compensation ne doit pas s'effectuer immédiatement, mais s'étendre sur plusieurs années. Une large marge de manoeuvre est ainsi délibérément accordée au Conseil fédéral et au Parlement. Des considérations sur les critères applicables à la définition du rythme de la compensation sont présentées sous ch. 1.9.5.4.

L'al. 2 spécifie que les découverts dépassant 6 % du total des dépenses opérées durant l'année comptable précédente impliquent obligatoirement la compensation de ce dépassement durant les trois prochaines années comptables. Si, en 2006 par exemple, l'on devait constater que la limite des 6 % a été dépassée en 2005, la correction devrait s'effectuer dans les années 2007 à 2009. La limite en question doit permettre d'assurer que les découverts au compte de compensation se situent dans une certaine fourchette.

Art. 24e

Mesures d'économies (nouveau)

Cet article règle la mise en oeuvre des mesures d'économies permettant de respecter le plafond des dépenses. La mise en oeuvre des coupes est réglée aux al. 1, 2 et 3, par analogie avec la réglementation de l'objectif budgétaire 2001 (art. 196, ch. 12, Cst., disposition transitoire de l'art. 126 Cst.). Le Conseil fédéral décide donc des mesures concernant son propre domaine de compétence et propose à l'Assemblée fédérale les modifications nécessaires au niveau légal. Conformément à l'al. 2, il a la compétence de fixer un blocage des crédits. En ce qui concerne les mesures d'économies, l'Assemblée fédérale est tenue de respecter le montant total des économies proposées si le découvert du compte de compensation a été dépassé. Les mesures seront arrêtées selon la procédure d'urgence.

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières

3.1.1

Au niveau de la Confédération

Le frein à l'endettement a intentionnellement des conséquences directes sur l'évolution des finances fédérales. Ce nouvel instrument a en effet pour but d'équilibrer les déficits et excédents de recettes sur la durée d'un cycle conjoncturel.

Cela signifie que les dettes fédérales ne pourront plus augmenter, à terme, qu'à la suite d'opérations de trésorerie, de charges gérées en dehors du compte financier ou de recours délibéré au régime particulier.

4357

3.1.2

Au niveau des cantons et des communes

Le projet n'a certes pas d'incidences directes sur les finances cantonales et communales. Cependant, la consolidation de la politique budgétaire de la Confédération permettra aux relations financières entre la Confédération et les cantons de se développer à la longue à l'avantage de l'ensemble des finances publiques. En cas d'échec, certaines conséquences sur les autres budgets publics ne sont pas exclues.

Ainsi, pour les opérations de transfert de la Confédération vers les cantons et les communes, qui représentent environ un tiers des dépenses totales, il est inévitable que les coupes prescrites par le mécanisme de sanction du frein à l'endettement affecteront aussi cette catégorie de dépenses. On peut cependant tabler sur le fait que l'instrument déploiera un effet préventif marqué et qu'en conséquence les mesures de correction proprement dites resteront l'exception ou ne s'avéreront nécessaires que dans une faible mesure.

3.2

Effets sur l'état du personnel au niveau de la Confédération, des cantons et des communes

Le frein à l'endettement n'entraîne pas de conséquences sur l'état du personnel fédéral, cantonal ou communal.

3.3

Effets sur l'économie

La partie générale du message présente d'amples considérations quant aux effets du frein à l'endettement sur l'économie. Ce chapitre en résume l'essentiel, tout en précisant certains points.

3.3.1

Nécessité et possibilité d'une intervention de l'État

La Constitution prescrit que la Confédération doit prendre des mesures afin d'assurer une évolution régulière de la conjoncture (art. 100, al.1 et 4). Nombre de composantes du budget fédéral exercent un effet de lissage sur le cycle économique et se comportent donc comme des «stabilisateurs automatiques». Le frein à l'endettement est conçu de telle façon que ces stabilisateurs puissent agir pleinement et surtout d'une façon symétrique au cours d'un cycle conjoncturel. La règle des dépenses proposée offre en outre la possibilité de relever le plafond des dépenses en cas de grave récession. Le cas échéant, il serait donc possible de se conformer ­ dans le cadre même du frein à l'endettement ­ au mandat constitutionnel évoqué.

De manière symétrique, en période de surchauffe, la règle proposée permet de mettre fin à la tentation de dépenser les gains de recettes cycliques. De plus, grâce à la politique de stabilité qui serait poursuivie, la Confédération ne serait plus contrainte de devoir mettre en oeuvre des mesures d'assainissement en période de récession prolongée.

Au-delà du mandat constitutionnel, la stabilisation de la conjoncture est l'une des trois fonctions économiques de l'État (en plus de l'efficacité et l'équité). Le frein à

4358

l'endettement permet d'éviter que certaines erreurs commises par le passé puissent se répéter.

3.3.2

Impact du projet sur les différents groupes de la société

Les principaux bénéficiaires du frein à l'endettement sont les générations futures.

Sans un instrument institutionnel visant l'équilibre des comptes à moyen terme, ces mêmes générations risqueraient alors de devoir supporter le coût d'un endettement non maîtrisé. Le frein à l'endettement permet d'éviter une croissance explosive de l'endettement.

Si le frein à l'endettement devait défavoriser les investissements publics, cela pourrait avoir des répercussions nuisibles sur la croissance économique. Mais le projet actuel, en ne faisant pas de cas particulier des investissements, laisse la liberté au Parlement de privilégier certains types de dépenses dans le cadre du plafond proposé. Le fait qu'à terme, la règle implique un endettement maîtrisé, voire en diminution en termes relatifs, peut également être considéré comme un facteur favorable pour les investissements privés et publics. Une pression sur les taux d'intérêt n'est donc pas à craindre.

Pour la génération actuelle, les effets sur les différents groupes de la société dépendront en définitive des priorités budgétaires. Celles-ci ne sont pas affectées par la règle et restent définies par le Parlement (notamment le poids relatif des dépenses de consommation, d'investissement, de transfert ou de personnel n'est pas fixés dans le cadre de la règle).

3.3.3

Implications pour l'économie dans son ensemble

Comme décrit plus haut, le frein à l'endettement permet d'assurer le rôle anticyclique de la politique budgétaire et contribue ainsi à la stabilisation conjoncturelle, ce qui représente un avantage pour l'économie dans son ensemble (diminution des coûts liés aux faillites, des coûts sociaux du chômage, etc.). Le frein à l'endettement contribue à atténuer les fortes fluctuations conjoncturelles susceptibles d'avoir également des répercussions défavorables sur le potentiel de croissance à long terme de l'économie.

Toute mesure visant à stabiliser la dette publique sera accueillie favorablement par les marchés financiers et devrait se répercuter positivement sur le niveau des taux d'intérêt réels par le biais d'une réduction de la prime de risque. De plus, une éventuelle diminution de la prime de risque de la Confédération a pour effet direct une baisse de la charge d'intérêts payés par la Confédération. Cela libère également une marge de manoeuvre pour d'autres dépenses, et pour une baisse des intérêts payés par les entreprises (dans la mesure où la différence entre taux d'intérêt des obligations fédérales et taux d'intérêt pour les entreprises reste constante). Ce dernier effet peut jouer également un rôle favorable pour la compétitivité de nos entreprises et en définitive pour l'emploi.

La diminution des incertitudes concernant le cours de la politique budgétaire future favorisera également la prise des décisions d'investissement par les entreprises et augmentera l'attrait de la place économique suisse. Ainsi, l'activité économique 4359

dans son ensemble devrait bénéficier de la volonté de maintenir à terme l'équilibre des finances fédérales. En outre, en plus du montant de la dette, des facteurs locaux telle qu'une charge fiscale modérée par rapport à celle d'autres pays jouent également un rôle essentiel.

S'agissant de la fiscalité, l'instrument proposé n'a en lui-même pas d'effet direct sur le niveau de la quote-part fiscale. Il peut s'adapter à n'importe quel niveau de recettes. Il implique toutefois que les allégements fiscaux soient compensés par des coupes simultanées dans les dépenses de manière à préserver l'équilibre budgétaire.

3.3.4

Autres réglementations entrant en ligne de compte

La Constitution (art. 126) prescrit que la Confédération doit équilibrer à terme ses dépenses et recettes. Durant la dernière décennie, les finances fédérales n'en ont pas moins été largement déficitaires et l'endettement a crû fortement. Afin d'éviter une nouvelle progression de l'endettement, il est nécessaire de concrétiser la prescription constitutionnelle par une règle applicable et contraignante.

3.3.5

Aspects pratiques de l'exécution

La règle proposée limite la marge de manoeuvre budgétaire du Parlement, en ce sens que les dépenses fédérales seront plafonnées à un niveau prédéterminé. Un traitement spécifique des investissements n'est pas expressément prévu.

Les estimations des recettes et de la croissance du PIB sur une période prolongée joueront un rôle crucial pour l'application de la règle. Lors de l'établissement des prévisions, on fera appel à toute l'information disponible. Les estimations se feront dans le cadre de la budgétisation, comme jusqu'ici. Il convient en outre de rappeler que le compte de compensation décrit sous ch. 1.9.5.4 implique que les budgets futurs tiennent compte des erreurs d'estimation les plus importantes, soit celles qui concernent les recettes.

3.4

Effets dans le domaine de l'informatique

Le projet n'entraîne pas de conséquences dans le domaine de l'informatique.

4

Programme de la législature

En tant qu'objet des Grandes lignes de la politique Gouvernementale, le projet de frein à l'endettement figure dans le rapport du 1er mars 2000 sur le programme de la législature 1999­2003 (FF 2000 2168).

5

Relation avec le droit international

La politique budgétaire relève en principe uniquement du droit national et n'est pas limitée par le droit international. Néanmoins, si la Suisse devait adhérer un jour à 4360

l'Union européenne, elle devrait également se soumettre à des règles touchant la politique budgétaire. Un Pacte de stabilité et de croissance est déjà en vigueur dans l'UE («critères de Maastricht»), par lequel les pays de l'Union européenne s'engagent à respecter certaines limites d'endettement public et de déficit.

Le frein à l'endettement proposé ne pose assurément pas de problème en ce qui concerne le plafond de l'endettement public défini par les traités de Maastricht. En Suisse, en effet, les dettes du secteur public sont en dessous du plafond de 60 % du PIB. En stabilisant l'endettement, le frein à l'endettement contribue même à faire baisser tendanciellement ce taux. Le plafond des déficits (3 % au plus du PIB) pourrait en revanche n'être pas respecté au niveau fédéral, entre autres à cause de la règle des dépenses. Ce serait par exemple le cas si le PIB attendu de la Suisse tombait très en dessous du PIB tendanciel. Une telle situation provoquerait des déficits élevés au niveau fédéral, cantonal et communal, ainsi que dans les assurances sociales. Si une récession grave se produisait, une telle situation serait quand même admissible, selon le Pacte de stabilité (art. 104), pour autant que «la valeur de référence ne soit dépassée qu'exceptionnellement et momentanément, et que le taux reste proche de cette valeur de référence».

On peut en déduire que le frein à l'endettement est une réglementation plus restrictive de la politique budgétaire que celle qui découle des critères de Maastricht. Il faut noter cependant que lesdits critères ne sont que des plafonds à ne pas dépasser, mais qu'il n'est pas obligatoire d'atteindre.

Par sa conception, qui canalise le rôle de la politique conjoncturelle sur les stabilisateurs automatiques et qui concentre les efforts éventuels de stabilisation sur les dépenses, le mécanisme présenté ici répond d'ailleurs aux recommandations d'organisations internationales comme le FMI et l'OCDE.

6

Bases juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet B demande la modification de la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur les finances de la Confédération (loi sur les finances, LFC)52. La LFC avait elle-même été édictée sur la base de l'art. 85, ch. 1, 2 et 10, de la constitution du 29 mai 1874, entre-temps caduque. Ces dispositions figurent désormais aux art. 164, al. 1, let. g et 167 de la nouvelle Constitution du 18 avril 199953. La modification proposée de la loi s'appuie également sur la nouvelle base constitutionnelle.

6.2

Forme et entrée en vigueur

Les art. 126 et 159 Cst. sont modifiés par l'arrêté fédéral sur le frein à l'endettement (projet A). Cet arrêté fédéral est donc soumis obligatoirement au vote du peuple et des cantons.

Quant à l'arrêté sur la modification de la LFC (projet B), il prendra la forme d'une loi fédérale; il est donc sujet au référendum facultatif. En vertu de la disposition 52 53

RS 611.0 RO 1999 2556

4361

finale (ch. II, al. 2), la modification de la loi (projet B) ne pourra être publiée dans la Feuille fédérale qu'après acceptation - par le peuple et les cantons - de l'arrêté fédéral sur le frein à l'endettement (projet A). Il est ainsi garanti que le délai référendaire concernant la modification de la loi ne courra que dès l'instant où la base constitutionnelle sera entrée en vigueur.

4362

Annexe

Note technique: cyclique du PIB

Estimation de la tendance et de la composante

Les décideurs de la politique monétaire et budgétaire ont un intérêt à connaître la position cyclique de l'économie. Plusieurs méthodes sont à disposition pour obtenir cette information. Dans le cadre du frein institutionnel à l'endettement, le calcul du facteur conjoncturel est basé sur l'estimation d'une composante de tendance de moyen/long terme du produit intérieur brut de la Suisse, séparée des fluctuations conjoncturelles. Nous exposons ici les techniques utilisées pour parvenir à l'estimation de ces composantes inobservées. D'une manière très simplifiée, les techniques présentées ci-dessous consistent en un certain «lissage» de la série d'observations, pour en dégager une tendance, que l'on peut alors séparer des fluctuations conjoncturelles.

Le filtre Hodrick-Prescott (par la suite le filtre HP) (1980, 1997) peut servir à décomposer une série temporelle en deux sous-composantes inobservées, à savoir une composante de croissance à long terme, une tendance que nous nommons gt (t représente un indice du temps discret, t = 1, 2, 3, . . . n) et une composante de fluctuations stationnaires à moyen terme, retraçant la conjoncture, que nous nommons ct. Plus formellement, nous avons pour une série temporelle observée, yt la décomposition suivante:

y t = g t + ct

(1)

En utilisant les développements de Gomez (1996), de Guay et St-Amant (1996) ou de Woitek (1997), nous pouvons considérer le filtre HP comme un cas particulier d'une classe plus générale de décomposition appelée lissage par les moindres carrés pénalisants. En utilisant l'opérateur de retard temporel conventionnel noté B, avec pour fonction Bn = yt-n, nous définissons le polynôme en l'opérateur de retard B suivant: (2)
( B ) = 1 + B + B + ... + B d
1

2

d

Ce polynôme possède toutes ses racines sur le cercle unité et peut rendre gt stationnaire. En d'autres termes, nous avons :

( B ) g t = ut

(3)

où ut est stationnaire, pour t = d+1,d+2,..., N. Si nous exprimons ut sous forme vectorielle, nous obtenons dès lors u = (ud+1, ud+2,..., N)', avec Var (u) = . Nous notons également Var (ct ) = xx (rappelons que ct est stationnaire par définition).

Dans ce contexte, nous sommes en mesure de représenter de la manière suivante la classe de lissage par les moindres carrés pénalisants: N

min ( yt - g t ) 2 + xx u ' -1 u { gt }

(4)

t =1

4363

Le filtre HP n'est alors plus qu'un particulier de (4), avec une valeur de xx (facteur de lissage ou facteur de pénalisation) particulière et fixée a priori, une valeur de = I, et (B)= 2 , où = (1 ­ B). Ce dernier point signifie, entre autres, que le filtre HP est adapté idéalement pour des séries temporelles intégrées d'ordre 2.

Gomez, ainsi que King et Rebelo (1993) ont montré que le filtre HP peut être représenté d'une manière simplifiée, en utilisant notamment l'opérateur d'avance F, avec pour fonction Fn = yt+n. Selon ces derniers auteurs, le filtre HP peut être représenté comme le résultat de l'application de deux filtres linéaires: un filtre pour la composante de tendance (évolution à long terme), noté GgHP (B,F), et un filtre pour la composante conjoncturelle, soit GcHP (B,F). Après divers calculs et simplifications, nous obtenons respectivement pour la composante tendance et conjoncture : G

g HP

(B, F ) =

(1 +

hp

1 (1 - B ) 2 (1 - F ) 2 )

(5) et c G HP (B, F ) =

hp ( 1 - B ) 2 ( 1 - F ) 2
1 + hp ( 1 - B ) 2 ( 1 - F ) 2

(6)

où HP représente le facteur de lissage retenu pour l'application du filtre HP (Hodrick et Prescott recommandent la valeur de 100 pour des données annuelles, de 1600 pour des données trimestrielles et de 14400 pour des données mensuelles).

Afin de visualiser graphiquement l'impact du filtre HP, nous devons exprimer ce filtre dans le domaine spectral. Pour cela, nous procédons à une transformation des opérateurs de retard et d'avance B et F à l'aide de la transformée de Fourier. Pour les deux composantes que nous cherchons à distinguer, nous obtenons respectivement dans le domaine spectral les expressions suivantes, après divers calculs et simplifications (nous nous inspirons des développements de Prietley, 1996): ~ G

g HP

(B , F ) =

1 (2

HP

cos

2 - 8

HP

cos

+ 1 + 6

HP

)

(7) et


- cos 2 + 4 cos - 3 ~c G HP ( B , F ) = 2 HP

- 2 HP cos 2 + 8 HP cos - 1 - 6 HP

(8)

où la lettre représente ici les fréquences exprimées en radians (de 0 à ).

Le graphique A1 présente la fonction gain au carré du filtre (8), soit le filtre associé à l'estimation de la composante conjoncture qui est retenue par ce filtre (donc distinguée et séparée de l'élément de tendance retenu par le filtre (7). Comme on peut le constater, le filtre HP associé à la composante conjoncturelle retient les cycles conjoncturels à partir de la fréquence 0.06, soit des cycles ayant au maximum des durées de huit ans (en l'occurrence de 2/0.06 = 33 trimestres, soit approximativement huit années). Étant donné que la décomposition (1) est additive, le filtre HP associé à l'élément de tendance ne retient en conséquence que les fréquences res-

4364

tantes, à savoir les fluctuations à plus long terme, dépassant les cycles de huit années.

raphique A1

Fonction gain au carré du filtre HP (filtre "conjoncture")

1.4 1.2 fonction gain d'un filtre "idéal"

1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0

l

0.03

l

0.06

l

0.09

l

l

l

l

...

l

l

l

0.3 ( fractions de pi )

Dans le cadre du frein institutionnel à l'endettement, le facteur conjoncturel est issu de la division du PIB tendanciel estimé à l'aide du filtre HP avec le PIB effectif prévu par les instituts de conjoncture (moyenne arithmétique des prévisions) pour l'année budgétaire considérée (notons que la même prévision du PIB effectif est également utilisée pour le calcul du PIB tendanciel). Un facteur de lissage de 100 (le «HP») est utilisé pour le calcul du PIB tendanciel. Pour les valeurs du PIB connues, nous utilisons la série officielle du PIB aux prix constants de 1990 de l'Office fédéral de la statistique. Les résultats des estimations trimestrielles du seco sont également pris en considération pour l'estimation de l'évolution annuelle du PIB pour l'année en cours.

Le filtre HP a fait l'objet de plusieurs critiques qui lui reprochent notamment de dégager des composantes cycliques dans des séries de marche aléatoire (ne comportant pas de composante cyclique) et surtout de n'être pas approprié pour des estimations en fin d'échantillon. Dans le cadre du frein institutionnel à l'endettement et du calcul du facteur conjoncturel, une autre méthode est également utilisée afin de contrôler des résultats obtenus par le filtre HP. Il s'agit de l'application de modèles structurels pour les séries temporelles, modélisant selon une autre approche les composantes inobservées des séries (des «modèles» sont estimés pour la composante tendance et pour la composante conjoncture). Ensuite une estimation à l'aide du filtre de Kalman est effectuée. Cette deuxième méthode est notamment décrite dans le manuel d'utilisation du logiciel STAMP 5.0 (1995). À notre connaissance, les deux méthodes donnent approximativement les mêmes résultats lorsqu'on les applique à la série du PIB annuel de la Suisse. Compte tenu également des arrondis qui

4365

seront retenus pour la fixation du facteur conjoncturel et pour celle du plafond des dépenses, le choix de la méthode de décomposition ne devrait pas influencer grandement les résultats obtenus.

La méthode visant la décomposition du PIB entre un élément de tendance à long terme et une composante cyclique stationnaire ne sera pas fixée dans la loi, étant donné qu'au fur et à mesure des progrès de la recherche en économétrie et en statistique, de nouvelles méthodes pourront être analysées et retenues. Un accent particulier sera mis sur la communication, ainsi que sur la transparence du traitement des données, lors de l'estimation du facteur conjoncturel.

[1] Gomez, V., 1996, Different Filtering Methods for Finite Nonstationary Time Series, Mimeo, Ministero de Economia y Hacienda, Madrid, Spain.

[2] Guay A, et P. St-Amant, 1996, Do Mechanical Filters Provide a Good Approximation of Business Cycles, Banque du Canada, document disponible sur le site: http://www.bank-banque-canada.ca/french/res/tr78-f.htm.

[3] Hodrick, R.J. et E.C. Prescott, 1980, Postwar U.S. Business Cycles; An Empirical Investigation, Working Paper (Carnegie-Mellon University, Pittburgh USA, PA.

[4] Hodrick, R.J. et E.C. Prescott, 1997, Postwar U.S. Business Cycles; An Empirical Investigation, Journal of Money, Credit and Banking, 29, 1­16.

[5] King, R. G. et S. T. Rebelo, 1993, Low Frequency Filtering and Real Business Cycles, Journal of Economic Dynamics and Control 17, 207­231.

[6] Koopman, S.j, C.A. Harvey, J.A. Doornik et N. Shepard, 1995, STAMP 5.0, Structural Time Series Analyser, Modeller and Predictor. London, Chapman & Hall.

4366

Table des matières Condensé

4296

1 Partie générale 1.1 Introduction 1.2 Aperçu historique des finances fédérales 1.3 Mécanismes institutionnels d'assainissement des finances durant les cinquante dernières années 1.4 Interventions parlementaires 1.4.1 Motion du 17 juin 1994 du Groupe AdI/PEP (94.3282) 1.4.2 Initiative parlementaire Gerold Bührer du 5 octobre 1994 (94.422) 1.4.3 Motion du 11 avril 1995 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (95.3194) 1.5 Exemples suisses et étrangers d'instruments préventifs institutionnels 1.5.1 Initiative populaire «Halte à l'endettement de l'État!» 1.5.2 Mesures prises par certains cantons pour limiter les déficits et l'endettement 1.5.2.1 Canton de Saint-Gall 1.5.2.2 Canton de Fribourg 1.5.2.3 Canton de Bâle-Ville 1.5.3 États-Unis: Balanced Budget Constitutional Amendment 1.5.4 Une politique budgétaire axée sur la croissance tendancielle: l'exemple néerlandais 1.6 Problèmes fondamentaux et facteurs de succès des mécanismes institutionnels de limitation de l'endettement 1.6.1 Quel instrument de gestion retenir?

1.6.2 Mécanisme simple ou complexe?

1.6.3 Comment prendre en compte la situation conjoncturelle?

1.6.3.1 Généralités 1.6.3.2 Jusqu'où la situation conjoncturelle doit-elle être prise en compte?

1.6.4 Comment traiter les investissements?

1.6.4.1 Pas de financement des investissements par l'emprunt 1.6.4.2 Éviter les obligations excessives d'économiser sur les investissements 1.7 Dépouillement des réponses à la procédure de consultation 1.8 Frein à l'endettement: historique 1.9 Système proposé de frein à l'endettement 1.9.1 Objet et cible du frein à l'endettement 1.9.2 Système proposé 1.9.3 Aspect concret de la règle des dépenses 1.9.3.1 Calcul du facteur conjoncturel 1.9.3.2 Calcul des recettes 1.9.4 Fiabilité de la méthode d'estimation proposée 1.9.5 Mise en oeuvre/régime particulier/sanctions

4298 4298 4298 4301 4302 4302 4303 4305 4305 4305 4306 4306 4308 4309 4310 4311 4313 4313 4314 4316 4316 4316 4318 4318 4321 4324 4327 4328 4328 4328 4330 4331 4332 4334 4334

4367

1.9.5.1 Mise en oeuvre du frein à l'endettement 1.9.5.2 Régime particulier 1.9.5.3 Sanction en cas de non-atteinte de l'objectif dans le compte d'État 1.9.5.4 Compte de compensation et mesures d'économies 1.9.6 1.9.6 Frein à l'endettement et souveraineté du Parlement en matière de budget 1.9.7 1.9.7 Implications du frein à l'endettement 1.9.7.1 1.9.7.1 Résultats des calculs de simulation 1.9.7.2 Appréciation 1.9.8 Comparaison avec l'initiative «moratoire fiscal»

4335 4336 4337 4337 4343 4344 4344 4351 4352

2 Partie spéciale 4353 2.1 Commentaire des dispositions constitutionnelles et légales (projet A) 4353 2.2 Commentaire des dispositions de la loi fédérale sur les finances (projet B) 4355 3 Conséquences 4357 3.1 Conséquences financières 4357 3.1.1 Au niveau de la Confédération 4357 3.1.2 Au niveau des cantons et des communes 4358 3.2 Effets sur l'état du personnel au niveau de la Confédération, des cantons et des communes 4358 3.3 Effets sur l'économie 4358 3.3.1 Nécessité et possibilité d'une intervention de l'État 4358 3.3.2 Impact du projet sur les différents groupes de la société 4359 3.3.3 Implications pour l'économie dans son ensemble 4359 3.3.4 Autres réglementations entrant en ligne de compte 4360 3.3.5 Aspects pratiques de l'exécution 4360 3.4 Effets dans le domaine de l'informatique 4360 4 Programme de la législature

4360

5 Relation avec le droit international

4360

6 Bases juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.2 Forme et entrée en vigueur

4361 4361 4361

Annexe

4363

Note technique

Arrêté fédéral concernant un frein à l'endettement (projet)

4369

Loi fédérale sur les finances de la Confédération (projet)

4371

4368