00.026 Message relatif à l'initiative populaire «pour un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé (Initiative sur les médicaments)» du 1er mars 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message relatif à l'initiative populaire «pour un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé (Initiative sur les médicaments)» et vous proposons de la soumettre sans contre-projet au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Le projet d'arrêté fédéral est joint au présent message.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er mars 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

1964

1999-6228

Condensé L'initiative populaire «pour un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé (Initiative sur les médicaments)», qui a été déposée à la Chancellerie fédérale le 21 avril 1999 prévoit d'ajouter un nouvel alinéa 1bis à l'art.

69bis, al. 1bis, aCst. (correspondant à l'art. 118, al. 3, nCst.), selon lequel la Confédération devrait régler les modalités de la commercialisation des médicaments, notamment la vente par correspondance, et leur dispensation individuelle. Elle demande également que la dispensation des médicaments soit le fait de professionnels de la santé habilités à cet effet (médecins, pharmaciens, droguistes). Elle voudrait en outre astreindre la Confédération à prévenir et à interdire toute incitation à une consommation inappropriée, excessive ou abusive de médicaments. A cet égard, le comité d'initiative considère que, pour des considérations de politique de la santé, la concurrence sur le marché des médicaments doit impérativement être soumise à certaines restrictions et que la protection de la santé publique est plus importante que le libre jeu de la concurrence.

S'il reconnaît le bien-fondé des buts de l'initiative tels qu'ils sont présentés dans le texte, le Conseil fédéral la rejette néanmoins, sans contre-projet, pour les raisons suivantes: L'initiative doit être considérée à la lumière de la situation juridique existant avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale le 1er janvier 2000. Sous l'ancien droit, le Conseil fédéral était seulement habilité à édicter des prescriptions concernant l'utilisation des produits thérapeutiques en vue de protéger la santé (art. 31bis, al. 2, art. 69 et 69bis), une compétence dont il n'a fait usage que ponctuellement. L'initiative voudrait astreindre la Confédération à édicter des prescriptions sur les produits thérapeutiques, raison pour laquelle le mandat législatif qu'elle propose est rédigé de manière plus concrète. Depuis le 1er janvier 2000, la situation s'est modifiée. Dans le nouvel article constitutionnel, le mandat de la Confédération est fixé clairement: elle doit édicter des prescriptions concernant l'utilisation des produits thérapeutiques (médicaments et dispositifs médicaux) en vue de protéger la santé (art. 118, al. 2, let. a). La Confédération est donc tenue de légiférer en
matière d'utilisation des médicaments, de sorte que les revendications de l'initiative sont déjà réalisées.

Il n'existe pas encore de législation fédérale en matière de médicaments, mais un projet de loi sur les médicaments et les dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques ; LPT) est actuellement devant le Parlement. Si celui-ci adopte le projet du Conseil fédéral, le mandat fixé par l'art. 118, al. 2, let. a, nCst. sera rempli.

Le Conseil fédéral est lui aussi d'avis que les médicaments doivent faire l'objet d'une législation particulière. Il estime cependant qu'il y a lieu de faire une distinction claire entre les dispositions indispensable à la protection de la santé et celles qui visent uniquement à préserver les acquis des acteurs du marché des médicaments. Dans son message relatif à la loi sur les produits thérapeutiques, le Conseil fédéral a expliqué comment il était possible de concilier protection de la santé et libéralisation du marché.

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La compétence ou le mandat de légiférer en matière de commercialisation des médicaments n'implique pas l'obligation de contrôler le marché, voire d'instituer un monopole. Elle consiste uniquement à édicter des mesures destinées à régir l'exercice des activités économiques lucratives privées. En d'autres termes, le texte de l'initiative vise à protéger les consommateurs d'atteintes à la santé. En ce sens, il rejoint, en substance, l'art. 118 nCst.

La Constitution actuelle donne déjà à la Confédération la compétence de déterminer les personnes habilitées à remettre des médicaments, une attribution qui s'inscrit dans la compétence générale de légiférer en matière de commerce des médicaments. L'usage veut cependant que ce soient les cantons qui fixent le cercle des personnes habilitées à remettre des médicaments. Pour l'essentiel, la nouvelle loi sur les produits thérapeutiques maintiendra ce principe. Enfin, l'approvisionnement de la population en médicaments est d'une qualité élevée et ne nécessite pas une réglementation centralisée .

S'il est adopté par le Parlement, le projet de loi sur les produits thérapeutiques répondra aux revendications du comité d'initiative en ce sens qu'il pose le principe de l'interdiction de la vente par correspondance (art. 27 LPT), interdiction motivée par le fait que les médicaments ne sont pas des marchandises ordinaires. Des exceptions sont toutefois autorisées sous certaines conditions. L'interdiction de toute incitation à la consommation abusive de médicaments n'implique pas nécessairement celle de formes commerciales telles que la vente par correspondance ou la propharmacie, car il n'est pas prouvé que ces formes de remise aient nécessairement pour corollaire une consommation abusive de médicaments.

L'objectif consistant à prévenir ou à interdire «toute incitation à une consommation inappropriée, excessive ou abusive de médicaments» existe lui aussi déjà, en substance, dans la Constitution fédérale en vigueur. Si elle était acceptée, l'initiative n'attribuerait pas de compétence supplémentaire à la Confédération, car elle ne fait qu'énoncer la compétence générale de celle-ci, définie à l'art. 118 nCst., de manière plus concrète et sous la forme d'un mandat de légiférer. Là encore, il y a lieu de peser les intérêts en jeu entre la protection de la santé et la
liberté économique, ce que fait précisément le projet de loi sur les produits thérapeutiques en instituant des prescriptions nuancées en matière de publicité (art. 31 à 33 du projet de loi).

Le Conseil fédéral recommande de rejeter cette initiative sans lui opposer de contre-projet, étant donné que la Confédération a déjà la compétence de légiférer au sens de l'initiative, qu'une distinction nuancée doit être faite entre le maintien des acquis et la protection de la santé, que la compétence de légiférer en matière de commercialisation des médicaments n'implique pas l'obligation d'instituer un monopole, et que les revendications de l'initiative seront réalisées pour l'essentiel avec la mise en vigueur de la loi sur les produits thérapeutiques.

1966

Message 1

Partie générale

1.1

Considérations formelles

Lancée le 15 septembre 1998, l'initiative populaire fédérale «pour un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé (Initiative sur les médicaments)» a été remise à la Chancellerie fédérale le 21 avril 1999. L'initiative revêt la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.

1.1.1

Libellé de l'initiative

L'initiative a la teneur suivante: La constitution fédérale est complétée comme suit: Art. 69bis, al. 1 bis (nouveau) 1bis La Confédération règle, dans l'intérêt de la santé publique, les modalités de la commercialisation des médicaments ainsi que leur dispensation individuelle par des professionnels de la santé habilités à le faire; elle prévient et interdit en particulier toute incitation à une consommation inappropriée, excessive ou abusive de médicaments.

1.1.2

Aboutissement de l'initiative

Par décision du 27 mai 1999, la Chancellerie fédérale a constaté l'aboutissement formel de l'initiative populaire intitulée «pour un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé (Initiative sur les médicaments)», qui lui a été remise le 21 avril 1999, munie de 265 804 signatures valables (FF 1999 4014).

1.1.3

Délai de traitement

Conformément à l'art. 29, al. 1, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), le message du Conseil fédéral sur l'initiative doit être soumis à l'Assemblée fédérale au plus tard dans les douze mois qui suivent le dépôt de l'initiative.

Le message doit donc être présenté d'ici au 20 avril 2000.

L'Assemblée fédérale devra ensuite décider dans un délai maximum de 30 mois, soit d'ici au 20 octobre 2001, si elle approuve ou non l'initiative dans la forme présentée. Si l'un des conseils au moins se prononce en faveur d'un contre-projet, direct ou indirect, l'Assemblée fédérale pourra prolonger le délai de traitement d'une année.

1967

1.1.4

Conséquences de la nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 1999

Du fait de l'acceptation de la nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 1999, la disposition constitutionelle demandée par l'initiative populaire «pour un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé (Initiative sur les médicaments)» ne pourra plus porter la numérotation proposée (art. 69bis, al. 1bis).

La numérotation sera adaptée à celle de la nouvelle Constitution fédérale (art. 118, al. 3). Le texte de l'initiative populaire ne nécessite pour sa part aucune adaptation rédactionnelle.

1.2

Validité de l'initiative

1.2.1

Unité de la forme et de la matière

Le principe de l'unité de la forme inscrit à l'art. 139, al. 3, nCst. prévoit qu'une initiative populaire peut revêtir soit la forme d'une proposition conçue en termes généraux, soit celle d'un projet rédigé de toutes pièces, les formes mixtes n'étant pas recevables (art. 75, al. 3, de la loi fédérale sur les droits politiques, LDP; RS 161.1).

L'unité de la forme est en l'occurrence respectée en ce sens que l'initiative revêt la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.

Le principe de l'unité de la matière (art. 139, al. 3, nCst.) a pour but d'éviter qu'une initiative propose en votation des éléments non liés entre eux, l'hétérogénéité étant préjudiciable à une bonne information et ne permettant pas aux électeurs de se faire une opinion juste sur une question, en toute liberté et selon des principes démocratiques. L'unité de la matière est respectée lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties d'une initiative (art. 75, al. 2, LDP). Sur le fond, l'«initiative sur les médicaments» se borne à demander des dispositions régissant la commercialisation et la remise des médicaments. Le lien intrinsèque entre les éléments est suffisant. Par conséquent, l'unité de la matière est respectée.

L'art. 139, al. 3, nCst. dit expressément qu'une initiative populaire doit respecter les règles impératives du droit international (ius cogens). En l'occurrence, l'initiative ne viole aucune règle de ce type.

1.2.2

Applicabilité

Aucun problème majeur de mise en oeuvre qui justifierait une déclaration de nullité n'a été constaté. L'initiative a pour objet d'astreindre la Confédération à régler la commercialisation des médicaments et, dans ce contexte, à prévenir leur consommation abusive. Même si l'abus ne pourra jamais être totalement empêché, une législation visant ce but est parfaitement envisageable. Elle est d'ailleurs prévue dans le projet de loi sur les médicaments et les dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques, LPT, projet du 1er mars 1999), projet qui est actuellement devant les Chambres (message loi sur les produits thérapeutiques; FF 1999 3151).

1968

2

Partie spéciale

2.1

But de l'initiative

L'initiative populaire fédérale «pour un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé (Initiative sur les médicaments)» demande, sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, de compléter la constitution fédérale (art.

69bis, al. 1bis, aCst. ou art. 118, al. 3, nCst.) et d'astreindre la Confédération à régler les modalités de la commercialisation des médicaments ainsi que leur dispensation individuelle. Dans le souci de garantir une sécurité suffisante dans ce domaine, les médicaments doivent être remis par des professionnels de la santé habilités à le faire (médecins, pharmaciens et droguistes). En édictant les prescriptions à ce sujet, la Confédération devra veiller à prévenir et à interdire toute incitation à une consommation inappropriée, excessive ou abusive de médicaments. Le comité d'initiative est d'avis qu'une véritable politique de la santé implique nécessairement de restreindre la concurrence sur le marché des médicaments. Selon lui toujours, l'intérêt de la protection de la santé publique doit l'emporter sur celui de la libre concurrence. En outre, il y a lieu d'encourager davantage, par des mesures ciblées, la promotion de la santé et la prévention des maladies.

2.2

Teneur de l'initiative

2.2.1

Considérations générales

Selon la doctrine et la jurisprudence actuelles, la Constitution doit être interprétée en utilisant les éléments qui président à l'interprétation des lois. Il y a donc lieu de s'interroger sur le sens des mots (interprétation grammaticale), le contexte dans lequel le texte a été élaboré (interprétation historique), le contexte systématique (interprétation systématique) ainsi que sur le sens et le but (explication téléologique) de l'article constitutionnel proposé. Un texte d'initiative doit lui aussi être interprété à la lumière des éléments d'interprétation courants. Il y a lieu de partir du libellé du texte de l'initiative et non de la volonté subjective de ses auteurs. Le cas échéant, un exposé des motifs de l'initiative et l'avis du comité d'initiative peuvent être pris en compte. De même, les circonstances à l'origine d'une initiative peuvent jouer un rôle dans l'interprétation. Dans ce sens, la volonté des auteurs de l'initiative constitue un élément qui relève de l'interprétation historique.

En l'occurrence, ces considérations revêtent une certaine importance, car le texte de l'initiative est rédigé de manière très générale et ouverte. Des revendications concrètes apparaissent uniquement dans certains documents élaborés par le comité d'initiative. Le texte de l'initiative ne permettant pas véritablement de saisir quels sont les buts visés par le comité d'initiative, il sera également question, dans ce qui suit, de certains arguments figurant dans ces documents.

2.2.2

Réglementation fédérale

L'initiative, qui a été déposée encore sous le régime de l'ancienne Constitution fédérale, entend astreindre la Confédération à régler les modalités de la commercialisation des médicaments. De l'avis des auteurs de l'initiative, le devoir incombant à la Confédération de légiférer en matière de médicaments n'était pas exprimé de 1969

manière suffisamment explicite dans l'ancienne Constitution. En effet, en vertu des art. 31bis, al. 2, 69 et 69bis aCst., la Confédération était seulement habilitée à légiférer en matière de commerce des articles de ménage et des objets usuels dans la mesure où ils pouvaient présenter un danger pour la vie ou la santé, les cantons étant compétents pour exécuter ces dispositions. Les notions de produits thérapeutiques ou de médicaments n'étaient ni mentionnées ni définies. En outre, l'ancienne Constitution était interprétée en ce sens que la Confédération possédait des attributions assez étendues en matière de législation et d'exécution en ce qui concerne l'utilisation des produits thérapeutiques (cf. FF 1999 3282).

La nouvelle Constitution, en vigueur depuis le 1er janvier 2000, prévoit quant à elle clairement, à son art. 118, al. 2, let. a, que la Confédération légifère sur l'utilisation des agents thérapeutiques, ce terme incluant les médicaments et les dispositifs médicaux. Le but de cette disposition est la protection de la santé, le même que celui de l'initiative. Selon l'art. 95, al. 1, nCst., la Confédération peut édicter des prescriptions sur l'exercice des activités économiques lucratives privées. Par conséquent, avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, il n'est plus nécessaire d'astreindre la Confédération à édicter des prescriptions sur les produits thérapeutiques puisque cette obligation est prévue par l'art. 118, al. 2, nCst.

Il n'existe pas encore de loi fédérale sur les médicaments, mais un projet de loi sur les médicaments et les dispositifs médicaux (message relatif à la loi sur les produits thérapeutiques, LPT, du 1er mars 1999; FF 1999 3151) est actuellement devant les Chambres. Si la loi qui entrera en vigueur correspond au projet du Conseil fédéral, la Confédération assumera des tâches supplémentaires importantes en matière de politique de la santé qui relèvent actuellement de la compétence des cantons. Ces tâches sont assumées par l'Office intercantonal de contrôle des médicaments 1 (OICM) et par les cantons. Le projet du Conseil fédéral prévoit que la Confédération aura la compétence de fixer les exigences auxquelles doivent satisfaire les produits thérapeutiques. Il règle également le cercle des personnes habilitées à remettre des médicaments, quelques
compétences étant laissées aux cantons. Ceux-ci continueront par exemple à régler de manière autonome les exigences auxquelles doit satisfaire l'exploitation des points de vente.

2.2.3

Modalités de la commercialisation des médicaments

2.2.3.1

Définitions

Par modalités de la commercialisation, il faut entendre les compétences en matière de remise des médicaments et les formes de vente, les documents du comité d'initiative1 faisant plus particulièrement référence à la vente par correspondance et par Internet, et à la propharmacie. La notion de vente par correspondance renvoie aux produits proposés sur catalogue, par la publicité ou par petites annonces et qui sont adressés aux clients, généralement par la poste. D'autres modalités de commercialisation, notamment la remise et la publicité, sont présentées aux ch. 2.2.4 et 2.2.5.

La notion de produits thérapeutiques est une notion générique qui englobe les médicaments et les dispositifs médicaux. L'art. 118, al. 2, nCst. parle d'agents théra1

Documents du comité d'initiative «commentaire résumé», 1 page, texte allemand non daté, texte français du 23.10.98; «Santé publique et commerce en concurrence!», 4 pages, texte allemand non daté, texte français du 23.10.98.

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peutiques. Pour sa part, l'initiative limite son champ d'application aux médicaments.

D'après la terminologie utilisée dans le projet de loi mentionné plus haut, le terme de médicament englobe le sang et les produits sanguins. La définition du médicament se fonde sur le concept tel qu'il est actuellement utilisé dans la loi sur la pharmacopée (RS 812.21) et le règlement CIM2 les médicaments y sont définis comme étant des substances d'origine chimique ou biologique dont l'emploi est destiné à exercer un effet médical sur l'organisme humain ou animal. On peut donc supposer que, dans l'initiative, le terme de médicament fait référence à la fois aux médicaments destinés aux humains et aux médicaments vétérinaires, ces derniers ayant très certainement une importance secondaire.

2.2.3.2

Considérations générales

Dans leurs documents «commentaire résumé» et «trois bonnes raisons pour soutenir l'initiative sur les médicaments», les auteurs de l'initiative demandent que les médicaments ne soient considérés ni comme un bien de consommation courante ni comme une marchandise commerciale, mais qu'ils soient assimilés à un «bien social»3 . En d'autres termes, les intérêts et la protection des patients doivent primer sur la liberté économique. Pour cette raison, les mécanismes du marché et leurs incidences ne sauraient, selon eux, avoir cours dans le domaine des médicaments.

Les auteurs de l'initiative rappellent que l'offre et la demande sont généralement régies par les lois du marché. A terme, disent-ils, il en résulte une pression à produire et à consommer davantage et le risque de voir les prix augmenter, ceux-ci étant fonction de la demande dans un système libéralisé. Ils relèvent notamment qu'une libéralisation du prix des médicaments pourrait avoir pour conséquence une augmentation des prix dans les zones rurales, le potentiel du marché étant ici moins élevé que dans les zones urbaines4. Les auteurs de l'initiative ajoutent que les lois et les réglementations en vigueur ont réussi à faire baisser les prix des médicaments à plusieurs reprises, ce qui a permis d'économiser plusieurs millions de francs.

Le Conseil fédéral est lui aussi d'avis que les médicaments doivent faire l'objet d'une réglementation particulière. Il estime cependant qu'il y a lieu de faire une distinction claire entre les dispositions indispensable à la protection de la santé et celles qui visent à préserver les acquis des différents acteurs du marché des médicaments. Dans son message relatif à la loi sur les produits thérapeutiques, le Conseil fédéral explique comment il est possible de concilier protection de la santé et libéralisation du marché.

La compétence de légiférer en matière de commercialisation des médicaments n'implique aucunement l'obligation de contrôler le marché, voire d'instituer un monopole. En l'occurrence, il s'agit uniquement de réglementer l'exercice des activités économiques lucratives privées (art. 31bis, al. 2, aCst.; art. 95, al. 1, nCst. cf.

Message relatif à la LPT, FF 1999 3282). Autrement dit, l'initiative vise à préserver

2 3

4

Règlement d'exécution de la convention intercantonale sur le contrôle des médicaments du 25 mai 1972 (110.1) Documents du comité d'initiative: «Commentaire résumé», 1 page, texte allemand non daté, texte français du 23.10.98; «Trois bonnes raisons pour soutenir l'initiative sur les médicaments», 1 page, texte allemand non daté Documents du comité d'initiative:«Argumentarium für Information und Motivation des Teams», 29 pages, texte allemand non daté.

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les consommateurs d'atteintes à la santé et n'a pas pour objectif une orientation structurelle du marché des produits thérapeutiques. Elle correspond donc en substance à l'art. 118 nCst. (cf. message relatif à une nouvelle Constitution fédérale; FF 1997 I 338 concernant l'art. 109 du projet). Il ne ressort pas du texte de l'initiative que la Confédération serait tenue d'instaurer des mesures d'intervention plus étendues. Tout comme le droit constitutionnel en vigueur, l'initiative se limite à prévenir les dangers pour la santé.

2.2.3.3

Vente par correspondance

Différents aspects de la vente par correspondance par Internet et la vente dite directe, une forme particulière de vente par correspondance qui est pratiquée par une caisse d'assurance-maladie, sont controversés. Les adversaires de la vente par correspondance doutent que cette pratique permette de garantir la sécurité du transport et un stockage correct des médicaments (altération de la qualité due à des variations de température). Ils évoquent des risques tels que l'altération des produits, les mélanges, les retards, le vol et la perte des produits transportés, les déficiences dans l'approvisionnement en cas de situations aiguës, etc. En ce qui concerne la commercialisation des médicaments par Internet, les opposants dénoncent en outre le risque d'une diffusion incontrôlée d'informations erronées sur les médicaments, l'envoi, sans autre formalité, de substances pourtant soumises à ordonnance et la mise sur le marché de médicaments non autorisés. En cas de problème, il serait difficile de faire valoir d'éventuelles prétentions en responsabilité étant donné que l'expéditeur demeure souvent inconnu et qu'il est pratiquement toujours établi à l'étranger. De l'avis du comité d'initiative, la vente de médicaments sans conseils personnalisés, et surtout sans possibilité d'obtenir de tels conseils, est incompatible avec un esprit de santé publique 5.

Le comité d'initiative évoque également le fait que le regroupement de caissesmaladie et de pharmacies de vente par correspondance mettrait en péril l'indépendance des professionnels de la santé. Il relève en outre que la vente directe de médicaments par des assureurs-maladie n'est pas sans poser de problèmes de protection de la personnalité liés au traitement de données personnelles en général et à l'utilisation de ces données à des fins de marketing. Dans le souci d'éviter d'éventuels abus, il demande que la prescription, la remise et le paiement des médicaments soient clairement le fait de personnes distinctes (principe de séparation des pouvoirs).

Si le projet de loi sur les produits thérapeutiques, actuellement devant les Chambres, est adopté tel qu'il a été proposé par le Conseil fédéral, il répondra aux revendications du comité d'initiative, en ce sens qu'il pose le principe de l'interdiction de la vente par correspondance (art. 27 LPT). Cette
interdiction de principe est fondée sur l'idée que les médicaments ne sont pas des biens de consommation ordinaires. En revanche, les préparations en vente libre pourraient être vendues par correspondance. Des dérogations à l'interdiction de la vente par correspondance seraient possibles sous certaines conditions dans le but de garantir la protection de la santé.

La condition la plus importante permettant une dérogation serait l'existence d'une ordonnance médicale, aussi pour les médicaments qui ne seraient en principe pas 5

Documents du comité d'initiative «Santé publique et commerce en concurrence!», 4 pages, texte allemand non daté, texte français du 23.10.98.

1972

soumis à ordonnance. En outre, les risques supplémentaires liés à la vente par correspondance devraient ­ comme lors de la remise personnelle ­ être couverts par des mesures de sécurité tels que des conseils par un professionnel et une surveillance des effets du médicament. Cette réglementation n'empêchera pas les nouveaux modèles d'approvisionnement qu'appliquent déjà ou envisagent d'appliquer quelques assureurs-maladie. Les conditions générales nécessaires pour garantir la sécurité lors de la remise des médicaments seraient créées.

Comme déjà mentionné, le texte de l'initiative ne comporte pas d'allusion explicite à l'interdiction de la vente par correspondance. Par ailleurs, l'interdiction générale de toute incitation à la consommation abusive de médicaments n'implique pas nécessairement celle de formes de commercialisation telles que la vente par correspondance. Il n'est en effet pas prouvé que la consommation abusive de médicaments soit obligatoirement le corollaire de la vente par correspondance.

2.2.4

Remise des médicaments par des professionnels de la santé

Un non-professionnel n'est guère à même d'évaluer les risques liés à une association de plusieurs médicaments, à l'absorption d'un médicament inapproprié, au choix d'un mauvais dosage, au choix d'un moment inapproprié pour l'absorption ou d'un mode d'absorption inapproprié, à une durée de traitement inadéquate, à des contreindications et à un usage excessif. Les médicaments n'offrent de sécurité que s'ils sont administrés de manière rigoureuse et correcte, en tenant dûment compte de l'état général du consommateur. La sécurité suppose que l'on puisse bénéficier des conseils d'un spécialiste. C'est pourquoi l'initiative demande que la Confédération règle la «dispensation individuelle» des médicaments par des professionnels de la santé habilités à le faire (médecins, pharmaciens, droguistes) au bénéfice d'une autorisation de pratiquer reconnue par la Confédération.

Que ce soit par le dense réseau de cabinets médicaux, de pharmacies et de drogueries qui existe en Suisse, par les services d'urgence régionaux ou par les conseils qu'ils prodiguent, les professionnels de la santé contribuent dans une large mesure à préserver la santé publique et à assurer un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé. Si l'on part du principe qu'une utilisation inadéquate de médicaments peut avoir des effets dommageables pour la santé et, par conséquent, augmenter les coûts sociaux liés aux traitements et aux soins, il apparaît évident que, par leurs prestations, les professionnels de la santé contribuent indirectement à la rationalisation des coûts dans le domaine de la santé. Grâce aux moyens informatiques modernes dont ils disposent, les pharmaciens peuvent, pour leurs clients réguliers, qui constituent généralement une part importante de la clientèle6 avoir une vue d'ensemble des médicaments prescrits par les différents médecins consultés et sont ainsi en mesure d'attirer l'attention du consommateur sur les éventuelles incompatibilités et les dangers encourus en cas d'automédication, par exemple. En cas de doute, le pharmacien peut conseiller au client de se renseigner auprès de son médecin. Une véritable politique de la santé justifie que l'on réglemente la remise de médicaments et que celle-ci soit le fait de professionnels de la santé.

6

Etude Infosuisse, IMR AG, Zurich 1991, publiée dans «Dosis», no 4, mars 1997

1973

Le comité d'initiative part visiblement du principe qu'en cas d'acceptation de l'initiative, la Confédération sera astreinte à légiférer en matière d'autorisation de remettre des médicaments, alors que le texte de l'initiative lui en accorde seulement la compétence. Or, même si elle n'en fait pas pleinement usage, la Confédération peut actuellement déjà se prévaloir de cette compétence, celle-ci relevant de la compétence générale qui lui est attribuée de légiférer en matière d'utilisation des médicaments. Traditionnellement, ce sont les cantons qui déterminent le cercle des personnes habilitées à remettre des médicaments. Pour l'essentiel, il en ira de même sous le régime de la nouvelle loi sur les produits thérapeutiques si le projet du Conseil fédéral est adopté. Selon l'art. 24 de ce projet, les pharmaciens et d'autres professionnels de la santé habilités par les dispositions cantonales régissant la propharmacie, seront autorisés à remettre des médicaments. En outre, la remise de médicaments par des pharmacies, des drogueries et d'autres commerces de détail sera subordonnée à une autorisation cantonale.

Dans le projet de loi, on a renoncé à régler la propharmacie au niveau fédéral, le Parlement ayant exprimé, lors des délibérations relatives à la loi du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal), la volonté que la Confédération n'intervienne pas dans les structures cantonales. L'approvisionnement de la population en médicaments présente, on le sait, une qualité élevée et ne nécessite dès lors pas de réglementation centralisée. La loi sur l'assurance-maladie impose toutefois aux cantons, dans le cadre de la réglementation régissant la propharmacie (art. 37 LAMal; RS 832.10), l'obligation de tenir compte de la possibilité qu'ont les patients d'avoir accès à une pharmacie. En outre, comme il ne ressort pas du texte de l'initiative que les médecins ne sont pas assimilés à des professionnels de la santé, on ne peut pas dire que le comité d'initiative ait l'intention de leur interdire de remettre des médicaments.

Avec la réglementation prévue par la loi sur les produits thérapeutiques, on aura donc également la possibilité de garantir que les médicaments seront vendus au public uniquement par des professionnels de la santé et non pas par des supermarchés et autres commerces, par exemple. Cette
règle ne s'appliquerait pas aux médicaments en vente libre (p. ex. certains bonbons contre la toux et des infusions) qui pourraient être vendus dans n'importe quel commerce. L'initiative n'apporte aucun élément nouveau à ce sujet.

2.2.5

Incitation à une consommation inappropriée, excessive ou abusive de médicaments

L'initiative entend astreindre la Confédération à prévenir et à interdire «toute incitation à une consommation inappropriée, excessive ou abusive de médicaments».

L'incitation à une telle consommation peut consister en cadeaux en nature, en avantages et rabais sur la quantité, en actions, en ventes de liquidation, en prix d'appel, en publicité par voie écrite ou électronique ou en promotion de grands emballages.

Dans ses documents, le comité d'initiative souhaite en outre que soit menée une politique nationale de santé publique axée sur la prévention et sur la promotion de la

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santé7 .Or, cet objectif, qui figurait déjà à l'art. 69bis aCst., est repris à l'art. 118, nCst. selon lequel la Confédération prend des mesures afin de protéger la santé des consommateurs lors de l'utilisation des médicaments. Par conséquent, l'initiative n'apporte pas de compétences supplémentaires à la Confédération. Elle formule seulement de manière plus concrète, sous la forme d'une compétence législative, cette compétence générale.

Ici également, il y a lieu de peser les intérêts de la protection de la santé et ceux de la liberté économique. Ce souci est pris en compte dans le projet de loi sur les produits thérapeutiques, dont les art. 31 à 33 prévoient des dispositions nuancées en matière de publicité. Si le projet du Conseil fédéral est accepté, la publicité ne sera autorisée que pour les produits non soumis à ordonnance. En l'occurrence, le Conseil fédéral possède déjà la compétence de légiférer par voie d'ordonnance en vue d'assurer la protection de la santé. Par contre, la publicité en faveur de médicaments soumis à ordonnance serait interdite, notamment toute publicité susceptible d'inciter à une consommation excessive, abusive et inappropriée de médicaments, même celle destinée aux professionnels. Afin de ne pas inciter les personnes habilitées à prescrire et à remettre des médicaments à favoriser, à des fins d'intérêts personnels, une consommation inappropriée, excessive ou abusive de médicaments, l'art. 33 du projet interdit également la promesse, la sollicitation et l'acceptation d'avantages matériels.

Le texte de l'initiative ne permet pas de déduire qu'en matière de publicité, les auteurs souhaitent une réglementation plus stricte que celle présentée dans le message relatif à la nouvelle loi sur les produits thérapeutiques.

L'interdiction générale de toute incitation à une consommation abusive de médicaments n'implique pas celle de la propharmacie. Rien en effet ne permet d'affirmer que la remise de médicaments par les médecins a nécessairement pour corollaire une consommation abusive de médicaments.

2.3

Appréciation de l'initiative

Le Conseil fédéral reconnaît le bien-fondé des buts de l'initiative tels qu'ils sont définis dans le texte qui, par ailleurs, ne présente pas de divergences notables par rapport aux dispositions constitutionnelles en vigueur. L'initiative a été conçue sous le régime de l'ancienne Constitution, selon laquelle la Confédération était seulement autorisée à légiférer en matière de commerce des objets usuels et des biens de consommation, dans la mesure où ils pouvaient présenter un danger pour la vie et la santé, les cantons étant chargés de l'exécution. Les termes de produits thérapeutiques et de médicaments n'y étaient ni mentionnés, ni définis. La situation a changé depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, qui attribue explicitement à la Confédération la compétence de légiférer en matière de produits thérapeutiques en vue de protéger la santé (art. 118, al. 1 et 2, Cst.). Il n'existe pas de loi fédérale sur les médicaments, mais un projet de loi sur les médicaments et les dispositifs médicaux (loi du 1er mars 1999 sur les produits thérapeutiques; FF 1999 3151) est actuellement devant les Chambres. Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle constitu7

Documents du comité d'initiative: «Commentaire résumé», 1 page, texte allemand non daté, texte français du 23.10.98.

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tion, les revendications de l'initiative sont pour l'essentiel remplies et concrétisées dans le projet de loi sur les médicaments et les dispositifs médicaux.

Pour les motifs évoqués plus haut, l'initiative, si elle était acceptée, exigerait tout au plus une modification d'ordre rédactionnel de la Constitution. Le mandat législatif attribué à la Confédération en matière de médicaments devrait être simplement formulé de manière plus concrète. Etant donné que l'une des préoccupations primordiales qui a présidé à la révision de la Constitution fédérale était de la rendre plus lisible, l'initiative ne se justifie pas du point de la systématique législative.

2.4

Eventualité d'un contre-projet indirect

La loi sur les produits thérapeutiques pourrait éventuellement servir de contre-projet indirect à l'initiative. L'avantage qui en résulterait est toutefois discutable. Le projet de loi sur les produits thérapeutiques est actuellement devant le Parlement et devrait probablement être traité par le Conseil national (premier conseil) lors de la session de printemps de l'année 2000. Ce projet ne pourrait toutefois faire office de contreprojet que si le Parlement ne le modifie pas sur les points essentiels, ou qu'il le modifie dans le sens de l'initiative. Le cas échéant, cela signifierait notamment que la réglementation concernant les professionnels de la santé habilités à remettre des médicaments devrait relever de la compétence de la Confédération (et non pas en partie de celle des cantons) et que les conditions régissant la vente par correspondance et la publicité devraient être plutôt restreintes qu'assouplies. Des dispositions plus restrictives en matière de publicité pourraient cependant se répercuter négativement sur la compatibilité avec les normes communautaires.

Dans son message relatif à la loi sur les produits thérapeutiques, le Conseil fédéral a indiqué une voie parfaitement compatible avec la modification constitutionnelle proposée par l'initiative. Du fait qu'il appartient au Parlement de décider si le projet de loi doit être modifié, le cas échéant dans quelle direction, c'est à lui également, et non au Conseil fédéral, de décider si la loi sur les produits thérapeutiques peut être opposée comme contre-projet à l'initiative.

3

Répercussions de l'initiative

3.1

Répercussions sur le projet de loi sur les produits thérapeutiques du 1er mars 1999

Si l'initiative est acceptée, il faudra impérativement élaborer une loi fédérale qui fixe les modalités de la commercialisation des médicaments ainsi que leur remise individuelle par des professionnels de la santé habilités à le faire. Il n'existe aucune loi fédérale sur les médicaments, mais un projet (loi du 1er mars 1999 sur les produits thérapeutiques; FF 1999 3151) est devant les Chambres. Si la loi qu'adopteront les Chambres correspond au projet du Conseil fédéral en ce qui concerne les dispositions en matière de publicité (chap. 2, section 5), les modalités de la commercialisation (chap. 2, section 4) et la remise de médicaments par des professionnels habilités à le faire (chap. 2, section 4), les revendications de l'initiative seront réalisées.

1976

Si le projet du Conseil fédéral devait être modifié de manière substantielle sur les points cités, il y aurait lieu de vérifier si les modifications apportées sont compatibles avec l'initiative. Une modification dans le sens d'une commercialisation accrue des médicaments (y compris un assouplissement de l'interdiction de la publicité) irait à l'encontre des revendications de l'initiative. Dans ce cas, la loi devrait être modifiée si l'initiative était acceptée. Si, au contraire, le Parlement décidait de fixer des modalités plus restrictives en matière de commercialisation et de publicité, il irait dans tous les cas dans le sens de l'initiative.

3.2

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

3.2.1

Conséquences pour la Confédération et les cantons

Si elle est acceptée, l'initiative n'aura, pour la Confédération et les cantons, d'autres répercussions en matière financière et de personnel que celles énoncées dans le message relatif à la loi sur les produits thérapeutiques.

3.3

Conséquences dans le domaine de l'informatique

Il n'y a aucune répercussion à attendre dans le domaine de l'informatique.

3.4

Conséquences sur l'économie nationale

L'acceptation de l'initiative n'aurait pas de répercussions sur l'économie nationale.

3.5

Rapport avec le droit européen et les accords internationaux

3.5.1

Rapport avec le droit de l'Union européenne

L'initiative demande que la Confédération règle les modalités de la commercialisation des médicaments ainsi que leur «dispensation individuelle» en Suisse. Les prescriptions de cette nature, qui sont motivées par des intérêts essentiellement d'ordre public du fait qu'elles visent à protéger la vie et la santé, ne constituent pas des entraves techniques au commerce si elles sont conformes aux principes de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce, notamment en ce qui concerne l'adaptation des prescriptions techniques à celles de la CE.

Le droit communautaire permet d'instituer des restrictions aux importations, aux exportations et au transit ou de les interdire pour des motifs liés à la protection de la santé, et la Communauté européenne fixe des règles uniformes en matière de politique commerciale et complète la politique des Etats membres dans le domaine de la santé publique en ce sens qu'elle tient notamment compte des exigences de la protection des consommateurs. Si l'initiative était acceptée, les mesures concrètes à

1977

prendre pour réaliser l'approvisionnement en médicaments exigé par les auteurs de l'initiative devraient être examinées sous l'angle de leur compatibilité avec les prescription de la CE.

L'initiative est donc compatible avec le droit communautaire.

3.5.2

Rapport avec les accords internationaux

L'initiative n'est contraire à aucun accord international.

4

Conclusions

Il ressort de ce qui précède que l'initiative populaire «pour un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé (Initiative sur les médicaments)» est recevable du point de vue de l'unité de la forme et de la matière. L'initiative, si elle était acceptée, n'aurait de répercussions ni pour la Confédération ni pour les cantons.

Les revendications de l'initiative sont compatibles avec le droit communautaire et ne sont contraires à aucun accord international.

La situation sur le plan constitutionnel a changé depuis le dépôt de l'initiative.

Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution le 1er janvier 2000, le texte de l'initiative ne présente plus de divergences notables par rapport à celle-ci. Il correspond en substance à l'art. 118, al. 1 et 2, Cst.. L'initiative nécessiterait tout au plus une modification d'ordre rédactionnel de la nouvelle Constitution. La compétence existante de la Confédération devrait être rédigée sous forme d'un mandat législatif plus concret, de sorte que, en cas d'acceptation de l'initiative, on en resterait à une compétence de la Confédération de régler le commerce des médicaments en tenant compte de la protection de la santé.

Le Conseil fédéral a soumis au Parlement, le 1er mars 1999, le message concernant une loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux. Si la loi qui entrera en vigueur est conforme au projet du Conseil fédéral, le mandat législatif défini à l'art. 118, al. 2, nCst. et les revendications de l'initiative seront réalisés quant au fond.

Le Conseil fédéral est lui aussi d'avis que les médicaments doivent faire l'objet d'une législation particulière. Rien dans le texte de l'initiative n'indique que celle-ci exige des mesures allant au-delà de la protection des consommateurs contre les atteintes à la santé. Le texte est donc en substance conforme à l'art. 118 nCst. Il y a lieu de faire une distinction claire entre les prescriptions indispensables à la protection de la santé et celles qui visent à préserver les acquis des différents acteurs du marché des médicaments. Dans son message relatif à la loi sur les produits thérapeutiques, le Conseil fédéral a expliqué comment il était possible de concilier protection de la santé et libéralisation du marché.

Le Conseil fédéral reconnaît également les risques que
présentent différentes formes de commercialisation telles que la vente par correspondance par Internet ou la vente directe, car les médicaments ne sont pas des marchandises ordinaires. C'est pourquoi le projet du Conseil fédéral institue l'interdiction de principe de la vente par

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correspondance avec des dérogations possibles sous certaines conditions. L'interdiction générale de toute incitation à la consommation abusive de médicaments ne permet pas de conclure à la nécessité d'interdire ces formes de commerce.

Les professionnels de la santé apportent une contribution importante au maintien de la santé publique et à un approvisionnement sûr en médicaments, de sorte qu'il existe un intérêt de santé publique à régler la remise de médicaments par des professionnels de la santé. Or l'initiative se contente d'attribuer à la Confédération la compétence à cet égard. Le Parlement ayant exprimé, lors des débats sur la loi sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994, la volonté de ne pas intervenir sur les structures cantonales existantes, et comme l'approvisionnement de la population en matière de médicaments est de très bonne qualité, rien ne justifie que la Confédération règle cette question.

La politique axée sur la prévention et sur la promotion de la santé que demande l'initiative est le but visé par la Constitution en vigueur. Le projet de loi sur les produits thérapeutiques contient en outre des dispositions nuancées en matière de publicité. Il ne ressort pas du texte de l'initiative que des prescriptions plus restrictives devraient être prises à cet égard.

En cas d'acceptation de l'initiative, il faudrait impérativement élaborer une loi fédérale qui règle les modalités de la commercialisation des médicaments ainsi que leur remise individuelle par des professionnels de la santé habilités à le faire. Si la loi sur les produits thérapeutiques qui entrera en vigueur est conforme au projet du Conseil fédéral, l'initiative sera réalisée quant au fond.

Pour les motifs évoqués, le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire «pour un approvisionnement en médicaments sûr et axé sur la promotion de la santé (Initiative sur les médicaments)» et propose de ne pas lui opposer un contre-projet.

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