Rapport du Conseil fédéral sur la politique de maîtrise des armements et de désarmement de la Suisse 2000 (en réponse au postulat Haering Binder 98.3611 du 17 décembre 1998) du 30 août 2000

5068

2000-1903

Rapport 1

La situation générale à l'aube du XXI e siècle

1.1

Le changement global et régional après la disparition de la bipolarité géostratégique

La situation générale dans laquelle s'inscrit la politique de maîtrise des armements et de désarmement (PMAD) de la Suisse a changé du tout au tout, au plan global comme régional, au cours de la dernière décennie. La disparition de la bipolarité géostratégique entre les deux superpuissances d'antan (l'ex-Union soviétique et les Etats-Unis d'Amérique) a déclenché dans le monde de véritables bouleversements qui, conjugués avec les considérables progrès de la technologie, ont fait apparaître des configurations entièrement nouvelles en ce qui concerne la maîtrise des armements et le désarmement. La guerre froide a laissé derrière elle de grosses quantités de matériel d'armement et, au plan institutionnel, tout un réseau d'accords internationaux, ce qui se reflète dans l'évolution politique du monde et continuera d'influencer la PMAD dans l'avenir. En ce qui concerne la vérification de l'application des accords de désarmement et de maîtrise des armements, un progrès qualitatif décisif a été atteint: tout au long de la guerre froide, l'Union soviétique avait refusé catégoriquement toute mesure radicale de vérification et d'inspection; depuis que s'est terminée la confrontation entre l'Est et l'Ouest, en revanche, il est devenu possible de conclure des accords prévoyant des inspections sur place. Cela a imprimé un nouvel élan à la PMAD dans le monde.

Les Etats-Unis avec leurs alliés et la Russie ont commencé à se défaire de leurs surplus d'armement après la dissolution du pacte de Varsovie. En 1990, l'accord sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) a instauré un régime stable de plafonds nationaux, qui s'est traduit par la destruction de 64 000 systèmes d'armes d'importance majeure au cours de la dernière décennie. Dans la même période, un minimum de 10 000 têtes nucléaires ont été démontées du côté russe comme américain. On est frappé de constater que plus aucun Etat ou presque n'atteint les plafonds fixés à son arsenal nucléaire comme conventionnel. Les deux rivaux d'hier dans la course aux armements s'accordent sur le fait qu'il convient de poursuivre le désarmement nucléaire et l'élimination des armes chimiques. Cela suppose que l'on y consacre des sommes colossales et un très gros travail technique ­ ce qui explique que ces opérations stagnent depuis quelques années. A l'heure actuelle,
il doit rester encore en Russie, pour ne citer qu'elle, quelque 15 000 ogives nucléaires stratégiques et tactiques ainsi que 40 000 t de substances chimiques de combat.

La vision d'un conflit global unique entre deux superpuissances s'est transformée avec la fin de la guerre froide en un champ de forces multipolaire, dans lequel les Etats-Unis représentent le facteur dominant. Les choses ont évolué diversement suivant les régions. Bien des endroits dans lesquels les superpuissances ne ménageaient guère les moyens mis en oeuvre dans leur lutte d'influence il y a 15 ans ont perdu aujourd'hui le gros de leur intérêt géostratégique. En revanche, on a vu surgir de nouvelles puissances régionales qui cherchent à exercer une influence croissante dans le jeu politique mondial. Pour cela, outre les composantes fondamentales de la puissance comme le potentiel économique, les armes de destruction massive qu'elles possèdent ou pourraient acquérir jouent un rôle décisif. On discerne particulièrement

5069

en Asie de l'Est et du Sud ainsi qu'au Proche-Orient des tendances inquiétantes à l'armement nucléaire et conventionnel, qui vont à contresens de l'évolution européenne.

1.2

Evolution dynamique des structures de coopération en Europe

La détente générale intervenue entre l'Est et l'Ouest a transformé en quelques années l'Europe ­ naguère encore point chaud d'un conflit politique d'envergure mondiale où s'accumulaient les armes ­ en une zone caractérisée par des structures stables de coopération. Parallèlement au désarmement conventionnel et nucléaire et au recul général des dépenses d'armement, les instruments diplomatiques de garantie de la paix et de désarmement s'y sont rapidement développés. Après la dissolution du pacte de Varsovie, les autres organisations régionales se sont dynamiquement converties à de nouvelles tâches. L'alliance du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) est devenue le pilier central de l'architecture de sécurité générale de l'Europe. Ce rôle s'est renforcé en raison de l'effet stabilisant de son intervention dans la crise des Balkans et à la suite d'un premier élargissement vers l'Est. Avec le «partenariat pour la paix» (PPP), l'OTAN a intégré la plupart des pays eurasiens ­ parmi lesquels d'anciens adversaires ­ dans un réseau de coopérations graduelles, sur le mode du partenariat.

Si l'OTAN s'efforce surtout de garantir la paix par la coopération et la consultation militaires, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) poursuit le même objectif en recourant à toute une panoplie de moyens «doux» : alerte précoce, prévention des conflits, gestion des crises, réhabilitation d'après conflit.

L'OSCE a joué un rôle notable dans l'issue pacifique de la guerre froide; elle est devenue au cours de la dernière décennie la seule plate-forme réunissant tous les pays d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Asie centrale autour d'un même projet de sécurité. L'Union européenne (UE) a aussi posé les bases d'une ample politique extérieure et de sécurité commune (PESC), dans le sillage de son cheminement vers l'union monétaire. A l'heure actuelle, elle promeut encore la stabilité surtout par des moyens économiques ­ conformément à ses fondements historiques. Le constat d'impuissance auquel l'a forcée le conflit des Balkans la pousse maintenant à se doter d'une politique de sécurité qui lui permette de déclencher ­ éventuellement en faisant appel aux moyens de l'OTAN ­ des opérations humanitaires, de maintien ou même d'imposition de la paix (missions de Petersberg).

Le Pacte de stabilité pour l'Europe
du Sud-Est du 10 juin 1999 concrétise bien ce dense réseau d'organisations de coopération multilatérale qu'emprunte maintenant la politique de sécurité européenne. Le Pacte, né d'une initiative de l'UE, coordonne sous les auspices de l'OSCE un ample train de mesures de stabilisation de la région des Balkans, en conférant explicitement un rôle spécifique à huit organisations internationales. La «Table de travail sur les questions de sécurité» a notamment pour tâche de soutenir la mise en oeuvre des conventions sur le contrôle sous-régional des armements prévus dans les accords de Dayton et de développer en temps utile d'autres initiatives de maîtrise des armements et de désarmement pour la région.

5070

1.3

Transformation des conflits armés et révolution dans la conduite de la guerre

Si la tendance à la mise en place de structures de coopération s'est accélérée en Europe il y a dix ans, puis imposée, de nouvelles formes d'anarchie sont apparues dans d'autres régions du monde, avec les conflits dont elles s'accompagnent.

L'effondrement de la Yougoslavie dans la violence peut paraître atypique dans l'hémisphère Nord, mais il est à bien des égards représentatif de la nouvelle forme de la guerre. Dans l'hémisphère Sud, la guerre par pays interposé a beau être terminée entre l'Est et l'Ouest, elle a trop souvent été remplacée par d'autres conflits qu'avait gelés la guerre froide. Il s'agit bien souvent de conflits internes impliquant des acteurs non étatiques forts; l'abondance des armements conventionnels accumulés au temps de la guerre froide et leur large diffusion dans la société intensifient encore la spirale de la violence. Le commerce des armes légères a pris un essor considérable et aggrave les problèmes dont souffre une partie de l'hémisphère Sud.

La campagne visant à l'interdiction des mines antipersonnel a montré de façon exemplaire à l'opinion publique mondiale que dans certains domaines les efforts de désarmement constituent aussi un impératif humanitaire aujourd'hui. La nette chute des budgets de défense dans le monde entre 1990 et 1999 (à part quelques exceptions notables en Asie) n'a valu au Sud aucun véritable «dividende de la paix».

Ce contraste entre le renforcement des structures coopératives au Nord et la tendance à une nouvelle course aux armements ou à l'effondrement des structures étatiques au Sud reflète un fossé technologique qui se creuse encore. Il a été suscité par l'avènement des technologies de l'information, qui ont envahi l'armement et la manière de faire la guerre au même titre que tous les autres domaines de la vie dans les sociétés industrielles modernes. Si la guerre toute récente entre l'Ethiopie et l'Erythrée rappelle de près les modes de combat de la Deuxième Guerre mondiale, les techniques de guerre des puissances industrielles occidentales ont connu un bouleversement au cours de ces vingt dernières années. Tout d'abord, on est passé d'armées de masse à des forces plus réduites mais mieux formées, plus chères et équipées d'armes de précision. Cette évolution qualitative durable des technologies militaires se fonde principalement sur les
récents progrès enregistrés dans le domaine de l'informatique, des satellites et des capteurs, qui ont débouché sur l'apparition de systèmes de visée très précis, l'automatisation du traitement de l'information et ainsi un accroissement général considérable d'efficacité des moyens de combat conventionnels, en particulier aériens. Les Etats-Unis envisagent actuellement de réunir toutes ces technologies dans un système général intégré.

Ce renouvellement des possibilités techniques et des missions de la politique de sécurité s'est aussi accompagné d'une refonte complète des doctrines militaires occidentales. L'interopérabilité des forces dans les opérations multilatérales, le combat à distance recourant à des armes de précision ainsi que la constitution de forces terrestres plus petites, plus mobiles et plus souples possédant une capacité d'action supérieure ont pris une place centrale. Il semble aujourd'hui primordial, dans la guerre, de bien maîtriser les systèmes de commandement, de contrôle, de communication, d'ordinateurs, de renseignements, de surveillance et de reconnaissance («C4-ISR»). Les flux d'informations vont à longue échéance l'emporter sur les flux de matériel. La maîtrise de l'information, de l'air et de l'espace extraatmosphérique ne sera sans doute plus dans le futur un élément parmi d'autres de la puissance militaire conventionnelle, mais tout simplement sa base technique.

5071

En Europe, certaines politiques d'armement sont en train de se décider en ce qui concerne l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins tactiques conventionnelles. La guerre du Kosovo, en 1999, a montré que l'abandon des armes de destruction massive s'accompagne aux Etats-Unis d'un effort qualitatif d'armement conventionnel qu'aucune autre puissance n'est actuellement en mesure d'égaler. Les pays d'Europe s'emploient à mieux coordonner leurs politiques d'armement et de défense, et prévoient un réseau commun indépendant de satellites. Le coût élevé de l'armement moderne, qui permet de minimiser les pertes humaines tant redoutées et les «dégâts collatéraux» en cas de guerre conventionnelle, réduit le «dividende de la paix» dont pourraient bénéficier les pays industrialisés. La coopération internationale et la compatibilité des armées nationales et de leurs armements acquièrent donc une importance d'autant plus grande.

1.4

Nouvelles menaces des armes de destruction massive

Les pays industrialisés d'Occident envisagent de moins en moins un recours à l'arme nucléaire, et considèrent les armes biologiques et chimiques comme complètement désuètes. Cela tient à la fin de la confrontation Est-Ouest ainsi qu'à la nouvelle efficacité de la façon de faire la guerre, révolutionnée par les progrès des technologies de l'information. Parallèlement, des accords internationaux ont renforcé l'interdiction et la limitation des divers moyens de destruction massive. L'OTAN continue toutefois pour l'instant de considérer l'arme atomique comme une garantie contre les menaces nucléaires résiduelles et le moyen de parer à toute éventualité.

Le statut des armes nucléaires a changé dans l'ensemble du monde, mais différemment d'une région à l'autre. Divers pays nouvellement industrialisés (d'Amérique latine, par exemple) ont abandonné leurs programmes d'armes nucléaires. La Russie, en revanche, accorde à son arsenal nucléaire tactique un rôle plus important qu'auparavant, compte tenu de l'affaiblissement de ses forces conventionnelles et du fait qu'elle ne saurait rattraper l'avantage qualitatif pris par l'Occident dans la guerre aérienne. Selon sa nouvelle doctrine, la Russie envisagerait de recourir à l'arme nucléaire en premier ou dans des conflits ne menaçant pas le pays dans son existence même. En Asie, l'arme nucléaire devient de plus en plus un instrument de pouvoir et de dissuasion au plan régional. On risque d'assister à une course aux armements nucléaires et conventionnels impliquant la Chine, l'Inde et le Pakistan, mais aussi d'autres pays. Au Proche-Orient et au Moyen-Orient se sont formées des constellations politiques comparables, qui accroissent le pouvoir d'attraction des armes nucléaires.

Les armes biologiques et chimiques représentent des technologies relativement anciennes, plus aisément maîtrisables que les armes nucléaires ou les moyens conventionnels complexes de la dernière génération. En même temps, elles offrent à des Etats pauvres, voire à des acteurs non étatiques, la possibilité d'une réponse asymétrique efficace à la supériorité conventionnelle de certains pays. La possession de l'arme atomique par l'adversaire peut aussi légitimer l'existence d'armes biologiques et chimiques; inversement, les Etats-Unis considèrent les arsenaux chimiques et biologiques comme
d'éventuels objectifs de frappes nucléaires. Si les armes chimiques sont pratiquement limitées au terrain des combats, le potentiel destructeur stratégique des armes biologiques peut être équivalent à celui des armes nucléaires.

L'épandage d'une charge d'un agent traditionnel (spores du charbon, par exemple)

5072

depuis un seul avion peut, si les conditions météorologiques sont favorables, quasiment dépeupler une ville d'un million d'habitants. Les progrès réalisés en biotechnologie vont accroître le potentiel des armes biologiques fondé soit sur des agents pathogènes vivants, soit sur des toxines (poisons produits par des organismes).

Les vecteurs constituent l'un des grands paramètres techniques de la menace de destruction massive, quelle que soit l'arme. Outre les avions, il y a d'abord les missiles balistiques propulsés au décollage et en phase initiale du vol, qui poursuivent leur course sur une trajectoire calculée jusqu'à l'objectif. Divers pays d'Asie ont tout récemment montré qu'ils sont eux aussi capables de produire des missiles d'une portée égale ou supérieure à 1500 kilomètres. On peut également recourir à des missiles de croisière ou à des drones (engins sans pilote volant à basse altitude et à vitesse relativement faible jusqu'à leur objectif). Grâce à la disponibilité générale des systèmes de navigation par satellite (GPS), un simple avion peut être converti à un coût modeste en un vecteur précis, mais d'une portée limitée et mal protégé contre les mesures de défense électronique.

Le progrès technologique général et la globalisation du commerce réduisent les obstacles pratiques à l'obtention du matériel nécessaire à la fabrication d'armes de destruction massive et de vecteurs précis. Il existe en outre toujours le risque de voir du matériel de guerre sensible datant du conflit Est-Ouest tomber dans des mains non autorisées. Ce sont des moyens politiques et juridiques d'un côté, et des dispositifs de haute technologie militaire spatiale de l'autre, qui fournissent les stratégies actuelles et à venir de lutte contre la menace des moyens de destruction massive. Les mesures politiques, juridiques et économiques servent à empêcher les armes de destruction massive et leurs vecteurs de se répandre. La notion de non-prolifération englobe tous les efforts non militaires déployés dans ce but. Il faut toutefois opérer une distinction entre les mesures portant sur l'offre et celles qui agissent sur la demande. Du côté de l'offre, on s'efforce d'agir sur l'accès aux informations, aux matières et aux produits entrant dans la fabrication des armes interdites. Presque tous ces produits et ces procédés
peuvent également être utilisés à des fins civiles (ils sont dits «à double usage»). Si leur exportation ne fait donc pas le plus souvent l'objet d'une interdiction générale, les Etats doivent contrôler au cas par cas leur utilisation sur place. Ces contrôles d'exportations reposent sur des mesures nationales, des conventions internationales et les informations recueillies par les services de renseignements. Leur efficacité est toutefois constamment remise en question par les rapides progrès industriels et technologiques, ainsi que par la multiplication des fournisseurs sur l'ensemble du globe. Il est donc nécessaire mais pas suffisant de mettre en place d'amples contrôles des exportations pour limiter la prolifération, qu'ils entravent, renchérissent et ralentissent sans toutefois y faire complètement échec. Car sa principale cause réside dans la demande de moyens de destruction massive, issue la plupart du temps d'un calcul stratégique rationnel et souvent aussi d'un besoin de sécurité. La limitation de l'offre doit donc être soutenue par une action sur la demande. C'est ce à quoi tendent par exemple les garanties de sécurité militaire, les mesures de confiance de toutes sortes favorisant la détente régionale ainsi que les accords de maîtrise des armements et de désarmement. Il faut en outre s'assurer que le régime du contrôle des exportations entrave aussi peu que possible le développement économique et technologique. D'où, par exemple, le soutien apporté aux pays en développement dans l'exploitation pacifique de technologies sensibles.

5073

1.5

Espace extra-atmosphérique

Parmi les progrès scientifiques et technologiques atteints depuis la Deuxième Guerre mondiale, ce sont le nucléaire et l'accès à l'espace qui ont eu la principale influence directe sur la situation politique générale, au niveau mondial. Bien des signes semblent indiquer que ce n'est que maintenant, après l'intense processus de maturation technologique qui s'est déroulé dans la seconde moitié du XXe siècle, que les retombées des techniques spatiales vont prendre leur pleine mesure dans le monde.

Les missiles et les satellites se prêtent à toutes sortes d'utilisations civiles, mais possèdent aussi de très nombreux avantages militaires et de sécurité, allant à présent des missiles intercontinentaux stratégiques jusqu'au recours direct à une instrumentation fondée sur les technologies spatiales dans le combat. Parallèlement, les technologies spatiales offrent de nouvelles possibilités de surveillance, de vérification et par conséquent d'instauration de la confiance dans le domaine de la PMAD.

L'activité humaine dans l'espace et son contrôle représentent une nouvelle dimension stratégique, actuellement en plein essor et dont on ne sait trop sur quoi elle va déboucher. Seuls quelques pays possédant la capacité d'exploiter et de contrôler l'espace extra-atmosphérique de façon autonome, cette évolution suscite de nouveaux rapports de dépendance. D'un point de vue technologique, la conquête de l'espace a toujours allié des buts militaires et civils, depuis les débuts, c'est-à-dire le lancement des premiers satellites à l'aide de lanceurs stratégiques intercontinentaux.

Le Traité de 1967 sur l'exploitation et l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique interdit le stationnement d'armes de destruction massive dans l'espace. Mais il ne couvre pas les missiles balistiques lancés depuis le sol et dont la trajectoire sort de l'atmosphère.

Les télécommunications, la surveillance et la navigation ­ auxiliaires incontournables de la guerre moderne ­ ont aujourd'hui tous trois leur base principale dans l'espace. Or cette forme d'utilisation de l'espace n'est que très peu réglementée par le Traité de 1967. La prévention de la course aux armements dans l'espace (PAROS) couvrant l'exploitation militaire de l'espace au sens large figure depuis 1982 à l'ordre du jour de la Conférence du désarmement de Genève. A
l'heure actuelle, il n'existe un cadre fixe d'accords internationaux que pour les missiles balistiques et les dispositifs antimissiles correspondants. Ceux-ci sont liés d'une part au rapport géostratégique entre puissances nucléaires et d'autre part à la non-prolifération des missiles et de leurs technologies.

Le traité américano-soviétique ABM de 1972 vise à interdire les systèmes antimissiles capables de protéger l'ensemble du territoire national de l'une des parties (art. 1).

Presque toutes les contraintes techniques prévues concourent à ce but. L'interdiction porte également ­ mais pas uniquement ­ sur les systèmes basés dans l'espace. Cet équilibre de « destruction réciproque garantie » (MAD) visait à bloquer l'escalade des systèmes défensifs et offensifs dans la course aux armements. Même après la disparition de la bipolarité géostratégique, il est demeuré un fondement de la stabilité globale. L'objectif de pouvoir infliger à un ennemi nucléaire potentiel des pertes inacceptables est toujours un point central des stratégies des puissances nucléaires.

Depuis le lancement de l'initiative de défense stratégique (SDI) de 1983, les EtatsUnis s'emploient à développer des boucliers spatiaux d'une grande complexité, capables d'intercepter et de détruire des missiles dans l'atmosphère ou l'espace extra-atmosphérique. Les systèmes antimissiles que les protocoles additionnels du traité ABM autorisent d'implanter sur les «théâtres des opérations» devraient être 5074

opérationnels dans les dix ans. De plus, les Etats-Unis étudient à l'heure actuelle un projet de création d'un système antimissile national (NMD); sa réalisation devrait faire l'objet d'une décision politique formelle d'ici la fin de l'année. Le calendrier actuel prévoit que le NMD deviendrait opérationnel d'ici 2005, dans une version légère comportant 20 missiles intercepteurs. Le projet NMD américain nécessiterait la révision du traité ABM. Officiellement, il vise à contrecarrer d'éventuelles attaques de pays isolés dont le comportement paraît préoccupant, mais pas de l'ancien rival russe. L'invulnérabilité de l'ensemble du territoire des Etats-Unis aux missiles intercontinentaux russes semble à long terme un objectif irréalisable, pour des raisons d'ordre technique. A moyen terme, le NMD pourrait relativiser le potentiel offensif intercontinental de la Chine, pour autant que ce dernier reste relativement limité. La réalisation du NMD pourrait ralentir la poursuite du désarmement nucléaire stratégique américano-russe et relancer la course aux armements en Asie. On s'efforce actuellement de trouver des solutions fondées sur le consensus. En Europe, le débat sur les conséquences sécuritaires du NMD vient de démarrer.

La non-prolifération des missiles et des technologies correspondantes est actuellement à un tournant. Il n'existe aucune norme internationale interdisant la possession, la fabrication ou l'utilisation de missiles balistiques ou de missiles de croisière. Les technologies des missiles balistiques peuvent être mises en oeuvre à des fins aussi bien militaires que civiles, et elles sont parfaitement admissibles en droit international pour ce qui est de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique. L'accord de 1987 sur le contrôle des technologies nécessaires à la fabrication de missiles (MTCR) réunit actuellement dans un groupe informel 32 Etats qui s'efforcent de prévenir la prolifération des vecteurs sans pilote de moyens de destruction massive en coordonnant leurs politiques nationales de contrôle des exportations. Les récents succès de plusieurs pays asiatiques dans la construction de missiles et le renforcement des efforts américains de mise en place du NMD ont bien souligné les limites de ce régime de contrôle des exportations. A l'automne 2000, le groupe MTCR devrait discuter de
son propre avenir. Le problème fondamental sera le conflit d'objectifs entre la non-prolifération des technologies nécessaires à la construction des missiles et le droit à l'exploitation civile de l'espace extra-atmosphérique.

2

Objectifs et instruments de la politique suisse de maîtrise des armements et de désarmement

2.1

Bases et évolution des positions suisses

La Suisse possède un intérêt vital à voir se stabiliser et s'étendre les zones de coopération internationale créées dans le courant de la décennie précédente à la suite de l'intensification de la coopération internationale. Cela se reflète dans l'évolution de la conception suisse de la sécurité, telle que l'a présentée le Conseil fédéral dans son rapport sur la sécurité 2000. Parmi les moyens fondamentaux de la politique de sécurité suisse figurent aujourd'hui la prévention active des conflits et le partenariat en matière de sécurité. Dans ce cadre, la PMAD vise à la sécurité et à la stabilité nationales et internationales au niveau d'armement le plus bas possible, sur la base de l'évolution des situations nationales et des intérêts de sécurité nationaux qui en découlent. La transparence et la prévisibilité des activités, des structures et des potentiels militaires ainsi que le renforcement des réseaux de coopération en matière

5075

de sécurité consolident la confiance mutuelle entre les pays. En fin de compte, la PMAD doit en grande partie s'appuyer sur cette confiance et, à son tour, la développer.

La Suisse souhaite la mise en place de régimes non discriminatoires et vérifiables de maîtrise des armements et de désarmement. Les accords de droit international à caractère impératif et universel l'emportent sur les ententes fondées sur des engagements purement politiques et les mesures unilatérales. En ce qui concerne les armes de destruction massive, la Suisse s'efforce d'obtenir leur élimination complète. C'est un objectif à long terme pour ce qui est des armes nucléaires, car la stabilité géostratégique passe avant. Jusque-là, priorité sera donnée à la prévention de la prolifération.

La marge de manoeuvre de la politique extérieure de la Suisse s'est élargie au cours de la dernière décennie, et la PMAD a ainsi acquis un nouveau statut. On peut distinguer deux phases dans cette évolution. Pendant la première, qui se termine en 1996, la Suisse s'est dotée d'une PMAD globalement plus active. Au cours de cette période, de notables succès ont été obtenus dans le domaine classique des forces conventionnelles et des armes de destruction massive par les instances internationales où se négociait la PMAD, et dont les bases institutionnelles étaient issues de la guerre froide. Nombre de ces progrès s'inscrivaient dans la détente entre l'OTAN et le pacte de Varsovie; comme les autres Etats neutres et non alignés, la Suisse n'a pas participé à ces négociations. On peut par exemple citer ici l'accord de 1990 sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) et les traités américano-russes sur la réduction des armes nucléaires stratégiques START I (1991) et START II (1993). En revanche, la Suisse a pris une part active à la conclusion de la Convention de 1993 sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), à l'entente sur les mesures de confiance et de sécurité (MDCS) dans le cadre de l'OSCE (documents de Vienne de 1990, 1992, 1994 et 1999) et à la réalisation du Traité de 1996 d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Abstraction faite du cas particulier de l'accord FCE, la Suisse a maintenant ratifié tous les accords multilatéraux de maîtrise des armements et de désarmement qui lui étaient ouverts. De plus, elle s'associe à
tous les mécanismes multilatéraux informels servant directement la cause de la nonprolifération.

Au début des années 90, les forums diplomatiques existants et les régimes de maîtrise des armements ont pris un essor considérable. Un bon exemple en serait la Conférence du désarmement de Genève (CD). Ce forum permanent de négociation des questions de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération existe depuis 1984 sous sa forme actuelle. La fin de la bipolarité géostratégique lui a soudain conféré une capacité décisionnelle. La Suisse en est devenue membre à part entière en 1996; elle y joue depuis un rôle actif et en a assuré la présidence en 1998.

La conclusion du traité TICE, en 1996, a toutefois été son dernier succès en date.

Depuis, la Conférence est en grande partie paralysée, et le besoin de réforme se fait sentir aussi dans les autres mécanismes traditionnels de la PMAD: le processus de démantèlement des arsenaux nucléaires des Etats-Unis et de la Russie s'est considérablement ralenti dans la seconde moitié des années 90. De plus, les positions politiques de départ et les grands principes des différents Etats se sont de nouveau écartés de plus en plus dans l'ensemble du domaine de la PMAD. Les perspectives d'entente sur de nouveaux instruments globaux s'amenuisent donc dans l'ancien cadre institutionnel: priorité est actuellement donnée à la mise en oeuvre efficace des accords existants.

5076

Une réunion gouvernementale sur la question des mines antipersonnel et la création du groupe d'experts des Nations unies (ONU) sur la question du commerce des armes légères ont ouvert en 1996 un nouveau domaine d'action à la PMAD. Il s'est développé avec un dynamisme inattendu, parallèlement aux anciens mécanismes.

Simultanément, la PMAD de la Suisse est entrée dans une nouvelle phase, la seconde, au cours des années 90 ­ moins du fait de l'adhésion à part entière du pays à la Conférence du désarmement de Genève qu'en raison du rôle notable qu'il a été appelé à jouer dans le cadre de ces initiatives d'un genre nouveau.

Ces nouveaux éléments de la PMAD se distinguent nettement des mécanismes traditionnels, par leurs objectifs comme leurs structures. Tout d'abord, avec les mines antipersonnel et les armes légères ont été définies des catégories d'armes dont la possession et le commerce n'étaient guère couverts par les instruments internationaux traditionnels. D'autre part, la PMAD n'est plus animée par la seule sécurité des Etats, mais par un nouveau courant humanitaire: les armes légères comme les mines antipersonnel font en effet des victimes quotidiennes. Cela a fait apparaître des recoupements entre le droit international humanitaire et celui de la maîtrise des armements et du désarmement. La sécurité des personnes (dite «sécurité humaine») devient une dimension primordiale. Enfin, le contexte global a changé avec la révolution des télécommunications et offre aux «petits» de la politique mondiale, aux Etats dépourvus du statut de grande puissance et aux organisations non gouvernementales (ONG), leur propre champ d'action dans la politique de désarmement. Une coalition planétaire d'Etats partageant les mêmes principes (dont la Suisse appartient au noyau dur) ainsi que le CICR et des ONG sont à l'origine de la Convention sur l'interdiction complète des mines antipersonnel de 1997; ils se sont largement appuyés pour cela sur des réseaux de contacts multilatéraux informels extérieurs aux structures établies. Depuis, 137 Etats ont signé l'accord, qui est entré en vigueur en 1999. Lors de la remise du prix Nobel de la paix à la campagne contre les mines antipersonnel, en 1997, le comité Nobel a déclaré que la campagne servirait de « modèle aux efforts internationaux de désarmement à venir». A la
suite du succès remporté dans la lutte contre les mines a été créé un «réseau sécurité humaine» regroupant actuellement 13 pays; il s'attaque notamment à la problématique complexe des armes légères et de petit calibre, ainsi qu'à celle des acteurs non étatiques des guerres. Une seconde réunion ministérielle de ce groupe a eu lieu en mai 2000 à Lucerne.

La Suisse a systématiquement mis à profit la marge de manoeuvre supplémentaire que lui a ouverte la fin de la guerre froide et renforcé sa mobilisation dans le domaine de la PMAD. Elle a simultanément ajusté sa législation en fonction de l'évolution de la situation internationale, par exemple en modifiant sa loi fédérale sur le matériel de guerre et en créant sa nouvelle loi sur le contrôle des biens. La PMAD suisse regroupe actuellement toute une palette d'activités qui soutiennent l'objectif de politique étrangère de garantie et de promotion de la sécurité et de la paix au sens le plus large tel que le définissent le rapport du Conseil fédéral sur la politique extérieure de 1993. Mais elles vont aussi au-delà. L'élimination des mines antipersonnel favorise par exemple la réconciliation après un conflit; mais elle contribue en fin de compte aussi à promouvoir la cohésion sociale dans la mesure où les mines privent les personnes qu'elles blessent de leurs moyens d'existence autant que de leur intégrité physique. Autre exemple: le soutien à la destruction des armes chimiques, qu'il faut aussi considérer comme une contribution à la préservation du milieu naturel.

5077

En politique extérieure, la PMAD couvre des champs d'action ­ en particulier le nouveau domaine de la sécurité humaine ­ qui offrent de gros potentiels de développement à la tradition humanitaire et de promotion de la paix de la Suisse. Possédant une riche expérience et une solide compétence technique dans le domaine des technologies de pointe, la Suisse est en outre en mesure d'apporter une précieuse aide technique, comme le montre par exemple le travail intense que consacre le Laboratoire AC de Spiez (ACLS) à la coopération internationale. Mais la mise à profit de ces possibilités exige un appoint de ressources financières et humaines.

L'adhésion à l'ONU, qui constitue au plan organisationnel l'institution faîtière pour la plupart des efforts multilatéraux de maîtrise des armements et de désarmement, renforcerait encore les moyens dont dispose la Suisse pour déployer une politique efficace. Nous allons passer en revue dans les pages qui suivent les divers instruments de la PMAD actuelle de la Suisse, en les replaçant à chaque fois dans leur contexte international.

2.2

Armes nucléaires

Le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), entré en vigueur en 1970 et ratifié depuis par tous les Etats du monde à quelques importantes exceptions près (Inde, Israël, Pakistan, voire Cuba) constitue la clé de voûte des efforts internationaux en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaire. La Suisse y a adhéré en 1977. Ce texte reflète le consensus atteint entre les pays dotés de l'arme nucléaire et ceux qui ne le sont pas sur le fait que la sécurité internationale impose de ne pas accroître le nombre des pays disposant de l'arme nucléaire au-delà de l'effectif de 1967. Les pays qui ne possèdent pas l'arme nucléaire déclarent dans le Traité renoncer à son acquisition, et ceux qui la possèdent renoncer à la transmettre à d'autres. Dans ce but, les Etats non nucléaires se soumettent à un système de contrôle de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) et les Etats nucléaires s'engagent à transférer leurs technologies nucléaires pacifiques et à négocier leur désarmement nucléaire complet. La Suisse s'emploie à renforcer le rôle de l'AIEA dans la surveillance de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire et dans le contrôle des matériaux fissiles provenant du désarmement nucléaire. Elle a signé le 21 mars 2000 un protocole additionnel à l'accord entre la Suisse et l'AIEA élargissant le régime des inspections. Des positions communes sur les contrôles d'exportations nucléaires sont convenues dans le cadre du Comité Zangger (du nom de son premier président, le Suisse C. Zangger) et du Groupe des pays fournisseurs nucléaires (NSG). La Suisse cherche à obtenir l'harmonisation des pratiques internationales au sein de ces deux instances.

Le TNP a fait ses preuves. Parmi les 187 Etats signataires, aucun transfert d'armes nucléaires n'a été mené à terme en trente ans et globalement, le nombre des puissances nucléaires est resté inférieur à dix. Et cela bien que de nombreux pays ­ dont la Suisse ­ aient encore envisagé sérieusement dans les années 60 de se doter de l'arme nucléaire. De par sa crédibilité, le système de vérification a conduit de nombreux pays à la conviction que des ennemis potentiels ne possèdent ou n'acquièrent l'arme atomique. On s'accorde à reconnaître que la possession de cette arme n'est pas indispensable et qu'elle ne vaut pas le coût considérable à lui consacrer. En outre, le Traité a établit une norme politique, comme l'a montré la condamnation résolue des

5078

essais nucléaires indiens et pakistanais en 1998 par la communauté internationale.

Cette dernière réagirait très vivement si un Etat se retirait du TNP ou si un membre venait à le violer, ce qui représente une barrière sérieuse.

La proscription politique des armes nucléaires ne reflète pas telle quelle le droit international. La Cour internationale de justice a rappelé, dans son avis consultatif du 8 juillet 1996, le caractère dévastateur de l'emploi des armes nucléaires et constaté que les conditions de proportionnalité et de nécessité imposées à l'emploi de toute arme doivent être fixées dans ce cas de façon particulièrement stricte. Du droit international humanitaire, qui impose d'éviter les maux superflus et de distinguer entre civils et militaires, la Cour (divisée sur ce point) conclut que «la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait généralement contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés, et spécialement aux principes et règles du droit humanitaire; (. . .) la Cour ne peut cependant conclure de façon définitive que la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d'un Etat serait en cause.» La Suisse recherche à long terme l'élimination complète et vérifiable de toutes les armes nucléaires dans le monde. Elle estime que leur utilisation n'est guère compatible avec le respect du droit international humanitaire des conflits armés.

Les succès du TNP ne doivent évidemment pas cacher la lente érosion qui le menace. Il associe le désarmement nucléaire, la non-prolifération et la coopération dans le domaine de l'utilisation pacifique de l'énergie atomique en un ensemble dont les composantes sont liées les unes aux autres. Le fait que les cinq puissances nucléaires signataires du TNP n'ont jusqu'à présent qu'en partie rempli leurs obligations en ce qui concerne l'ouverture de négociations sérieuses sur le désarmement complet et général entretient un sentiment de malaise chez les Etats non dotés de l'arme nucléaire et sert de prétexte aux pays possédant l'arme nucléaire mais non signataires pour ne pas adhérer au TNP. La Suisse entend préserver et renforcer les effets du TNP. A la 6e conférence d'examen (2000), elle a soumis un plan d'action assorti de mesures
de confiance qui doit relancer la réduction des arsenaux nucléaires existants. La sécurité des Etats non dotés de l'arme nucléaire va conditionner de façon décisive le consensus global sur le maintien du système discriminatoire de nonprolifération. La Suisse est en outre favorable à la création de nouvelles zones dénucléarisées partout où les conditions sont remplies ­ ce qui est actuellement le cas en Asie centrale. Dans le cadre de la Conférence du désarmement de Genève, la Suisse s'efforce d'obtenir l'ouverture immédiate de négociations sur l'interdiction de la fabrication d'uranium hautement enrichi et de plutonium à usage militaire (cut-off).

Depuis 1996, le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) constitue un nouvel instrument de non-prolifération nucléaire ouvert à la signature. Il vise à empêcher les explosions nucléaires sur les territoires contrôlés par les Etats membres. Il n'interdit pas explicitement les simulations ni les essais dits subcritiques. La Suisse estime que ces derniers vont en tout cas à l'encontre de l'esprit du texte. Le Traité ne pourra entrer en vigueur que lorsqu'il aura été signé et ratifié par les 44 Etats énumérés comme exploitant des réacteurs nucléaires. L'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord sont les seuls, dans ce nombre, à n'avoir même pas signé le TICE.

La Suisse l'a ratifié en 1999. Le Sénat américain a provisoirement refusé la même année de le ratifier, ce qui retardera son entrée en vigueur. La Suisse invite ces Etats à adhérer au TICE et souhaite la prompte mise en place de l'Organisation de vérification (OTICE) à Vienne. La création rapide d'un réseau de surveillance permettrait 5079

de contrôler le respect des moratoires, même si le Traité n'est pas lui-même en vigueur. La Suisse fournira une station sismique au réseau international de surveillance.

2.3

Armes chimiques

La Convention internationale d'interdiction des armes chimiques (CIAC) de 1993 occupe une place importante dans la politique de sécurité: pour la première fois, un traité est venu interdire de façon générale, vérifiable et sans discrimination toute une catégorie d'armes de destruction massive. Son système complexe de surveillance de la production prévoit des mesures de vérification graduelles mises en oeuvre en fonction des possibilités d'utilisation militaire de chaque substance et selon l'importance de son utilisation pacifique. Ces mécanismes sont complétés par des règles d'exportation et d'importation (transferts) des substances figurant sur la liste. Des accords sur les contrôles d'exportations ont aussi lieu dans le cadre du groupe informel d'Australie.

La CIAC montre que les instruments classiques de la PMAD, couronnés de succès au cours de la première moitié des années 90, ont également permis d'obtenir des effets durables. Dans le court laps de temps qui s'est écoulé depuis son entrée en vigueur, en 1997, la Convention s'est rapprochée de l'universalité auquel elle aspire: 136 pays l'ont déjà ratifiée, dont notamment l'Inde et le Pakistan. Il est devenu réaliste d'espérer un monde exempt d'armes chimiques. Il s'agit maintenant d'obtenir que le traité soit mis en oeuvre de façon convenable et dans les délais prévus, ce qui représente un défi considérable.

La Suisse exige l'application effective et totale de la Convention. Elle invite les Etats qui ne l'ont pas encore fait à y adhérer. Elle s'est déjà vigoureusement mobilisée dans la préparation du texte de la Convention et dans la création de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). La Suisse souhaite une OIAC indépendante, compétente et efficace, qui garantisse convenablement la mise en oeuvre de la Convention. Possédant une compétence internationalement reconnue dans le domaine chimique et une excellente réputation d'indépendance et de crédibilité, elle peut aussi jouer un rôle important dans le processus de mise en oeuvre.

Dans ce contexte, la coopération entre le DFAE, le DDPS et le DFEP a fait ses preuves. Membre du Conseil exécutif de l'OIAC de 1998 à 2000, la Suisse est déjà arrivée à résoudre un certain nombre de questions relatives à cette mise en oeuvre dans le domaine de l'industrie chimique. Elle participe
intensément à la concrétisation de la Convention en fournissant du matériel de protection, des services et des formations spécialisées; les instructeurs de l'armée et le Laboratoire AC de Spiez (ACLS), avec ses multiples activités mondiales, jouent à ce niveau un rôle notable.

Le centre de recherche du Groupement de l'armement de Spiez s'était déjà fait un nom en participant, avec des représentants de l'Etat-major général et des Forces aériennes, aux enquêtes sur l'utilisation des armes chimiques pendant la première guerre du Golfe et au cours des mesures de vérification réalisées par l'UNSCOM après la seconde guerre du Golfe, en Irak. La Suisse n'étant pas membre de l'ONU, elle n'avait aucune influence sur ces mandats. L'ACLS figure aujourd'hui parmi les douze laboratoires de référence désignés dans le monde par l'OPCW et, en cette qualité, participe notablement à la mise en oeuvre de la Convention au plan technique. De nombreux inspecteurs de l'OPCW ont aussi reçu une partie de leur formation à Bâle, à Spiez et à Visp, avec le soutien de l'industrie chimique. En Russie, 5080

l'ACLS encadre deux projets que finance le DFAE; ils sont consacrés à la destruction d'armes chimiques et à la reconversion professionnelle de scientifiques travaillant dans l'industrie de l'armement.

2.4

Armes biologiques

La Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction (CIAB) est en vigueur depuis 1975. Contrairement au TNP et à la CIAC, celle-ci ne contient pratiquement aucune disposition de vérification, ce qui constitue une lacune majeure. Il existe une coordination des contrôles d'exportations dans le cadre du groupe informel d'Australie.

La découverte de l'ample programme irakien de fabrication d'armes biologiques, en 1995, a rappelé au monde que la menace des armes de destruction massive de ce type était aussi réelle que celle des armes nucléaires. Depuis cette date, les parties à la Convention sur les armes biologiques (144 pays actuellement) négocient à Genève un protocole additionnel créant un système de vérification effectif, à valeur juridiquement contraignante. Ces négociations se fondent à présent sur un projet de texte concret.

Avec d'autres pays occidentaux, la Suisse s'emploie à ce que des déclarations obligatoires viennent remplacer les informations échangées jusqu'à présent au titre des mesures de confiance. Ces déclarations doivent être réunies et analysées par une nouvelle organisation internationale. Cette dernière doit pouvoir vérifier l'exactitude des déclarations par des visites des sites déclarés et procéder à des enquêtes en cas de soupçon fondé de violation de la Convention. La Suisse soutiendra vigoureusement la mise en place d'une organisation indépendante efficace, qu'elle offre officiellement d'installer à Genève. De plus, elle a proposé de former les futurs inspecteurs d'armes biologiques, en s'appuyant sur sa compétence technique en la matière.

L'amélioration de la transparence des activités sensibles (à double usage) dans le domaine biotechnologique permettra à la communauté internationale de percevoir précocement les indices de programmes d'armement biologique afin de pouvoir réagir de façon appropriée. La Suisse invite tous les pays à signer la Convention sur les armes biologiques et son protocole. Ce dernier ne doit pas se limiter à des engagements pris par les Etats parties, mais créer d'autres possibilités de coopération technique. La Suisse est prête à accorder aux Etats parties certains avantages dans le domaine de la coopération technique.

2.5

Espace extra-atmosphérique et vecteurs

Même dix ans après la fin de la guerre froide, on ne saurait exclure toute menace d'armes de destruction massive lancées par des fusées balistiques. Les mesures de défense actives possibles sont la menace de représailles et la défense antimissile. Les Etats-Unis veulent compléter à long terme leur dispositif de défense par un bouclier antimissile (NMD, voir section 1.5 ci-dessus). La Suisse a tout intérêt à ce que la stabilité stratégique globale soit préservée. Elle estime que le NMD ne doit être réalisé qu'à condition qu'il ne remette pas en cause la poursuite du désarmement

5081

nucléaire et ne déclenche pas une nouvelle course à l'armement nucléaire. Elle n'a toutefois guère d'influence sur cet aspect des choses.

L'importance stratégique et tactique croissante de l'espace extra-atmosphérique ainsi que les dangers de la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs minent les possibilités qui s'offrent à chaque pays d'assurer sa défense de façon autonome. Comme l'a déjà constaté le Conseil fédéral dans son rapport sur sa politique de la sécurité 2000, la Suisse ne peut développer de manière autonome que des mesures de protection passives contre ce type de menace. Pour se protéger par des mesures actives (menaces de représailles ou défense antimissile par exemple), elle devrait s'intégrer dans des coopérations ou demander de l'aide, en raison de ses contraintes géographiques, financières et technologiques. Les progrès technologiques enregistrés dans l'exploitation militaire et de sécurité de l'espace extraatmosphérique suscitent de nouveaux rapports de dépendance, dont il faudra observer les conséquences. Si son intérêt en matière de sécurité voulait qu'elle s'associe à une coopération internationale de défense antimissile, la Suisse devrait très sérieusement envisager cette possibilité.

A l'heure actuelle, l'action de la Suisse se limite à la non-prolifération des vecteurs.

En ce qui concerne les armes de destruction massive, ses efforts reposent intégralement sur le fait que la communauté internationale admet le principe que la possession de ces armes est soit interdite, soit ­ dans le cas de l'arme nucléaire ­ provisoirement autorisée uniquement pour un petit nombre de pays. En revanche, les tentatives effectuées pour créer un régime international de non-prolifération des lanceurs restent politiquement et juridiquement fragiles. Le MTCR est le seul accord multilatéral poursuivant cet objectif; il repose essentiellement sur l'engagement contracté par les Etats membres de ne pas exporter de lanceurs ou de missiles de croisière d'une portée supérieure à 300 kilomètres et d'une charge utile dépassant 500 kg, ni leurs principaux composants. Il existe également des contrôles d'exportations pour toute une série de biens et de technologies à double usage. Comme dans le nucléaire, le spectre des technologies nécessaires à la production des missiles est
relativement limité et connu. La loi de 1996 sur le contrôle des biens constitue aujourd'hui la base de la coopération de la Suisse au MTCR; ce texte a maintenant fait ses preuves.

La Suisse soutient les efforts déployés pour créer en droit international des normes contraignantes et non discriminatoires visant à la non-prolifération des engins balistiques à usage militaire. Il faut toutefois préserver le droit à l'utilisation pacifique de ces technologies pour la navigation spatiale.

2.6

Armes conventionnelles

Cette catégorie recouvre les instruments traditionnels très développés de la PMAD classique, mais aussi les nouveaux instruments de la «sécurité humaine» dans laquelle la Suisse, comme on l'a vu, s'engage particulièrement. L'OSCE est la seule organisation de sécurité établie dont la Suisse soit membre à part entière. Comme dans la mise en oeuvre de la stratégie de sécurité générale «La sécurité par la coopération» du Conseil fédéral, elle occupe une place particulièrement importante dans sa PMAD. Depuis les débuts du processus de l'OSCE, en 1972 (alors CSCE), la Suisse a activement mis à profit les possibilités qui s'offraient à elle dans ce cadre pour promouvoir la transparence des forces de l'Atlantique à l'Oural et, au-delà,

5082

développer encore la prévisibilité de l'action militaire et réduire ainsi les risques d'activités militaires imprévues.

Dans le cadre de l'OSCE, la Suisse concentre sa PMAD sur les mesures de confiance et de sécurité (MDCS). Ces dix dernières années, l'Organisation a considérablement étoffé les compétences qu'elle avait acquises dans ce domaine en 1975 et étendu leur portée. Par le document de Vienne de 1990, les Etats parties se sont engagés à observer une longue liste de MDCS où figurent notamment l'échange annuel d'informations militaires (dont des informations sur les plans de défense), la déclaration préalable et l'observation d'activités militaires, des visites mutuelles, des mécanismes de vérification, des règles de coopération en cas de crise et la mise en place d'un réseau d'information électronique couvrant toute la zone OSCE. Le document de Vienne a été actualisé et complété en plusieurs étapes (1992, 1994 et 1999), notamment dans le cadre du Forum de coopération en matière de sécurité (FCS), créé en 1992 au sommet d'Helsinki. Les négociations qui s'y déroulent, et dans lesquelles la Suisse s'est particulièrement engagée dès les débuts, ont débouché sur des ensembles de mesures importantes en matière militaire, comme les principes de réglementation du transfert des armes conventionnelles, les mesures de stabilisation des crises localement circonscrites et le code de conduite concernant les aspects politiques et militaires. Les conflits au Kosovo et en Tchétchénie ont montré qu'il convient de poser de nouvelles règles pour les situations de crise. En ce qui concerne la PMAD conventionnelle, la Suisse prône surtout la transparence et la prévisibilité des activités, des structures et des effectifs militaires, ainsi que des plans d'armement. Elle s'emploie à ce que tous les accords et conventions soient convenablement et intégralement appliqués, de façon à renforcer la confiance. Elle fournit des experts pour les missions de vérification des accords de maîtrise des armements et de désarmement chapeautées par l'OSCE, comme par exemple dans le cas de la mise en oeuvre de l'accord de Dayton dans l'ancienne Yougoslavie.

L'Accord de 1990 sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) a été actualisé ces dernières années, compte tenu de l'évolution de la situation; le nouveau texte a été signé
au sommet de l'OSCE d'Istanbul en 1999. Il doit renforcer encore la coopération, la stabilité et la transparence en Europe, notamment par un nouveau système de plafonds nationaux et territoriaux en matière d'armes conventionnelles ainsi que par la multiplication des échanges d'informations et des vérifications. La Suisse considère l'adoption du nouvel Accord FCE comme un important progrès en matière de sécurité pour la zone comprise entre l'Atlantique et l'Oural. Nouveauté importante: l'Accord prévoit la possibilité d'adhésion d'autres pays européens. La Suisse envisage d'y adhérer et étudie actuellement cette option à la lumière de ses intérêts et de ses objectifs de sécurité; elle doit en particulier encore tirer au clair les répercussions de son adhésion sur les effectifs, les structures et les moyens de son armée dans le cadre du projet Armée XXI.

L'Assemblée générale de l'ONU a décidé en 1992 de créer un registre des armements conventionnels contenant des indications accessibles à tous sur les effectifs, les productions, les importations et les exportations de sept catégories de systèmes d'armement lourd conventionnel. La Suisse a été favorable à la création de ce registre et transmet annuellement depuis 1993 toutes les informations correspondantes; elle souhaite que le registre soit étendu et devienne universel. En 1993, les pays membres de l'OSCE ont défini des principes régissant les transferts d'armes classiques, qui imposent la transparence et la modération dans les exportations de matériel de guerre. Des échanges d'informations ont lieu annuellement depuis 1994, et la 5083

Suisse y prend part. Elle constate que tous les membres de l'OSCE ne fournissent pas encore dans les délais prévus des informations d'une qualité satisfaisante, et a donc proposé des améliorations. Depuis 1996, l'Arrangement de Wassenaar réunit 33 pays luttant contre la prolifération des armes conventionnelles et les transferts de biens polyvalents, dans le but de prévenir les accumulations déstabilisantes de matériel de guerre. Au sein de ce groupe, la Suisse s'emploie en particulier à améliorer la transparence des transferts d'armes conventionnelles. Elle n'acceptera pas de nouvelles mesures touchant les biens à double usage tant que certains Etats ne publieront pas davantage d'informations sur leurs fournitures d'armes à proprement parler.

Dans le domaine de la PMAD conventionnelle, la nouvelle tendance ne s'est jusqu'à présent manifestée que sur la question des mines antipersonnel ­ un cas particulier parmi les biens d'armement. L'aboutissement magnifique et étonnamment rapide de la Convention de 1997 sur l'interdiction des mines antipersonnel a toutefois montré le bien-fondé des efforts déployés dans le domaine de la sécurité humaine. La Suisse entend donc exploiter dans un engagement durable sur ce terrain l'expérience gagnée au fil des efforts qui ont conduit à la Convention. Après la conférence de Lucerne mentionnée ci-dessus, elle s'associera activement à la préparation de la conférence des Etats-Unis sur le commerce illicite des armes légères, prévue pour 2001.

Son but général est de lutter contre la prolifération et l'abus des armes légères. Pour l'instant, on ne voit guère quel texte international viendrait limiter le commerce de ces armes. La Suisse participe aux efforts déployés dans ce sens dans le cadre de l'OSCE et du partenariat pour la paix (PPP); elle soutient aussi des projets nationaux et internationaux dans ce domaine. A Vienne, elle participe aux négociations sur la création d'un protocole sur les armes à feu s'inscrivant dans le cadre de la Convention internationale contre la criminalité transnationale organisée.

En ce qui concerne les mines antipersonnel, la Suisse souhaite leur interdiction totale et universelle. Elle invite donc les Etats qui ne l'ont pas fait à adhérer à la Convention d'interdiction des mines antipersonnel de 1997. La Convention des Nations unies de
1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques vise globalement à interdire les armes inhumaines. C'est dans ce cadre qu'ont été interdites en 1996 les armes à laser aveuglantes ­ ce qui constitue un exemple notable de maîtrise préventive des armements ­ et qu'ont aussi été mises en place de nouvelles restrictions sur l'utilisation des mines antipersonnel. Un trop grand nombre d'exceptions avaient été admises pour quelques pays en ce qui concerne les délais d'activité et les possibilités de localisation des mines antipersonnel; cela a suscité le mouvement d'interdiction complète, qui a débouché sur la Convention de 1997. La Suisse considère le Protocole II additionnel à la Convention des Nations unies de 1980 comme un instrument complémentaire de la Convention d'interdiction des mines, qu'il convient d'étoffer encore. Il faut introduire des prescriptions plus strictes en matière de production et d'utilisation de toutes les sortes de mines terrestres, et accélérer le déminage ainsi que la destruction des millions de mines antipersonnel déjà posées. Cette année, la Suisse soutient surtout de grands projets de déminage au Mozambique et en Europe du Sud-Est. A Genève, elle a créé le Centre international de déminage humanitaire où se réunissent deux fois par an les comités d'experts de la Convention d'interdiction des mines. De plus, la prochaine conférence annuelle des Etats parties aura lieu en septembre 2000 à Genève. Le DDPS a décidé en 1999 de renforcer le déminage humanitaire en puisant dans ses propres ressources humaines et en matériel, ainsi que de créer un pool de 40 experts prêts à partir en missions internationales.

5084

2.7

Perspectives opérationnelles

La PMAD suisse a rapidement et souplement réagi aux bouleversements globaux intervenus au cours des années 90. La Suisse a ainsi développé son engagement traditionnel dans la maîtrise des armements et le désarmement. Les ressources humaines, institutionnelles et financières du DFAE, du DFJP, du DDPS et du DFEP ont été réunies dans une ample PMAD poursuivant d'une façon cohérente les objectifs de la politique extérieure de la Suisse, la coordination étant assurée par le DFAE.

La PMAD constitue une priorité de la politique extérieure et de la politique de sécurité de la Suisse, et le Conseil fédéral entend qu'il en reste ainsi. La réalisation de cet objectif a été obtenue en majeure partie par la réallocation interne de ressources. La Suisse poursuivant simultanément plusieurs priorités en politique extérieure, il ne serait guère aisé de concentrer davantage encore les ressources déjà affectées.

Le DFAE est pleinement occupé par ses activités courantes régulières, comme la participation à des conférences internationales et l'observation de l'évolution générale dans les principaux domaines relevant de la PMAD. Le DDPS, et en particulier l'état-major général, prend lui-même en charge une part importante de la PMAD suisse. Il soutient entre autres le DFAE dans les négociations internationales et s'occupe du respect des engagements contractés au plan militaire pour ce qui est de la maîtrise des armements et du désarmement. Le potentiel de développement d'une PMAD suisse active à l'échelon international n'est toutefois pas encore épuisé, comme en témoignent par exemple les possibilités du Laboratoire AC de Spiez. La Suisse pourrait contribuer à l'élimination des armes excédentaires (mines ou armes légères par exemple) en multipliant ses opérations concrètes d'aide sur place au désarmement. Autre exemple: le projet de participation aussi large que possible aux efforts internationaux de non-prolifération des armes légères ­ objectif qui ne pourra guère être atteint avec les moyens existants.

Les pays proches de nous et d'une taille comparable ne possèdent souvent pas beaucoup plus de spécialistes en désarmement que nous, mais bénéficient bien davantage des réseaux de l'Union européenne et de l'OTAN. Ils en obtiennent rapidement les informations nécessaires. Le fait que nous ne soyons pas membres des
Nations unies constitue le plus gros déficit institutionnel entravant la poursuite d'une PMAD suisse dynamique. De nombreux aspects majeurs de la maîtrise des armements et du désarmement font aujourd'hui l'objet de résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies. La Suisse ne pouvant ni soumettre de propositions, ni signer, ni voter, elle souffre d'un handicap fondamental.

30 août 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

5085

Annexe 1 Tableau synoptique de la politique de maîtrise des armements et de désarmement (PMAD) de la Suisse Domaine

Catégorie

Armes de Armes nudestruction cléaires massive

Armes chimiques

Objectifs à long terme

Objectifs intermédiaires

Elimination complète et vérifiable dans l'ensemble du monde

Exécution de tous les engagements pris jusqu'à présent par les puissances nucléaires.

Nouvelles mesures concrètes de désarmement garantissant à chaque stade un haut degré de sécurité et de stabilité.

Préservation et renforcement du TNP.

Ouverture de négociations sur l'interdiction de la production d'uranium hautement enrichi et de plut onium dans le cadre de la Conférence du désarmement de Genève.

Rapide entrée en vigueur du TICE et création immédiate de l'OTICE. Respect des moratoires proclamés par toutes les puissances nucléaires jusqu'à l'entrée en vigueur du TICE.

Renforcement des vérifications de l'AIEA, qui contrôlera les matériaux fissiles libérés par le désarmement nucléaire.

Harmonisation et renforcement des contrôles d'exportation dans le cadre du NSG et du comité Zangger.

Création de nouvelles zones exemptes d'armes nucléaires dans les régions où les conditions requises sont remplies.

Interdiction Adhésion de tous les pays à la CIAC.

universelle Mise en oeuvre complète et effective de la CIAC par et vérifiable l'OIAC.

Elimination des stocks actuels dans des délais fixés et démantèlement ou conversion des unités de production.

Armes biolo- Interdiction Adhésion de tous les pays à la CIAB.

giques universelle Adoption rapide d'un protocole additionnel préet vérifiable voyant des mesures de vérification efficaces.

Aide à la création d'une nouvelle organisation de mise en oeuvre du protocole additionnel (la Suisse offrant d'installer son siège à Genève et de former ses inspecteurs).

Espace Systèmes extraantimissiles atmosphérique

Préservation de la stabilité stratégique Gain de sécurité

5086

Ne pas compromettre la poursuite du désarmement nucléaire.

Ne pas déclencher une nouvelle course à l'armement nucléaire.

Rechercher des solutions en coopération.

Analyser les répercussions des nouveaux rapports de dépendance.

Domaine

Catégorie

Objectifs à long terme

Prolifération Nondes missiles prolifération des missiles militaires

Armes Toutes conventionnelles

Mines

Objectifs intermédiaires

Soutenir les efforts de création de normes de droit international à valeur contraignante et non discriminatoire visant à la non-prolifération des missiles militaires.

Préserver le droit d'exploiter les technologies des missiles dans des buts pacifiques.

Harmoniser et renforcer les contrôles d'exportation dans le cadre du régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR).

Sécurité et stabilité au niveau minimum d'armement

Développer et affiner les MDCS.

Envisager l'adhésion au Traité FCE révisé.

Ajouter de nouvelles catégories d'armes au registre de l'ONU.

Accroître la transparence des transferts d'armes dans le cadre de l'Arrangement de Wassenaar.

Exécution de l'interdiction des mines antipersonnel

Adhésion de tous les pays à la Convention d'interdiction des mines antipersonnel de 1997.

Aide en moyens humains et financiers au déminage humanitaire.

Promouvoir l'universalisation du Protocole II additionnel à la Convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques, en complément à l'interdiction des mines antipersonnel.

Armes légè- Non-prolifé- Participation à tous les efforts internationaux visant à res ration atteindre les objectifs à long terme, dans le cadre de Lutte contre l'ONU, de l'OSCE et du PPP comme dans le nouveau cadre du réseau «sécurité humaine».

les abus Participation aux travaux préparatoires de la Conférence 2001 des Nations unies sur le trafic illégal des armes légères.

Armes inhu- Interdiction Application de la Convention de 1980 aux conflits maines d'utilisation internes.

Création de mécanismes de vérification.

Universalisation de la Convention de 1980.

Nouveau protocole modernisant l'interdiction des balles dum-dum.

Autres protocoles additionnels à la Convention de 1980 visant à limiter les effets des armes entraînant des maux excessifs ou à effets indifférenciés.

5087

Annexe 2

Messages au Parlement concernant la PMAD Message concernant l'initiative populaire «pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre» Message concernant l'initiative populaire «pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre» et la révision de la loi fédérale sur le matériel de guerre du 15 février 1995 (FF 1995 II 988) (RS 514.51).

Botschaft zur Volksinitiative «für ein Verbot zur Kriegsmaterialausfuhr» und zur Revision des Bundesgesetzes über das Kriegsmaterial vom 15. Februar 1995 (BBl 1995 II 1027) (SR 514.51).

Loi sur le contrôle des biens Message concernant la Loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires et des biens militaires spécifiques (Loi sur le contrôle des biens, LCB) (FF 1995 II 1251) (RS 946.202).

Botschaft betreffend das Bundesgesetz vom 13. Dezember 1996 über die Kontrolle zivil und militärisch verwendbarer Güter sowie besonderer militärischer Güter (Güterkontrollgesetz, GKG) (BBl 1995 1301) (SR 946.202).

Protocole II révisé et protocole sur les armes aveuglantes à laser Message concernant le Protocole II révisé et le Protocole IV joints à la Convention de 1980 sur les armes conventionelles (FF 1997 IV 1).

Botschaft betreffend das revidierte Protokoll II und das Protokoll IV zum Übereinkommen von 1980 über konventionelle Waffen vom 14. Mai 1997 (BBl 1997 IV 1).

Convention d'interdiction des mines antipersonnel Message concernant la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (FF 1998 636).

Übereinkommen über das Verbot des Einsatzes, der Lagerung, der Herstellung und der Weitergabe von Anti-Personenminen und über deren Vernichtung (BBl 1998 675).

Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) Message concernant le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (FF 1999 607).

Botschaft zum Vertrag über das umfassende Verbot von Nuklearversuchen (BBl 1999 653).

5088

Annnexe 3

Liste des abréviations ABM ACLS AIEA C4-ISR

CD CIAB CIAC CICR FCE FCS GPS MAD MDCS MTCR NMD NSG OIAC ONG ONU OSCE OTAN OTICE PESC PMAD PPP

Traité sur la limitation des systèmes antimissiles balistiques (Anti-Ballistic Missile Treaty) AC-Laboratorium Spiez Agence internationale de l'énergie atomique Systèmes de commandement, de contrôle, de communication, d'ordinateurs, de renseignements, de surveillance et de reconnaissance (Command, Control, Communications, Computers, Intelligence, Surveillance, Reconnaissance) Conférence du désarmement de Genève Convention sur l'interdiction des armes biologiques (Biological and Toxin Weapons Convention, BTWC) Convention sur l'interdiction des armes chimiques (Chemical Weapons Convention, CWC) Comité international de la Croix-Rouge Traité sur la réduction des forces conventionnelles en Europe Forum de coopération en matière de sécurité de l'OSCE Systèmes de navigation par satellite (Global Positioning System) Destruction réciproque garantie (Mutually Assured Destruction) Mesures de confiance et de sécurité Régime de contrôle de la technologie des missiles (Missile Technology Control Regime) Bouclier antimissile (National Missile Defense) Groupe des pays fournisseurs nucléaires (Nuclear Suppliers Group) Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (Organisation for the Prohibition of Chemical Weapons) Organisations non gouvernementales Organisation des Nations unies Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (initialement CSCE) Organisation du Traité de l'Atlantique Nord Organisation du TICE Politique étrangère et de sécurité commune de l'UE Politique de maîtrise des armements et de désarmement Partenariat pour la paix

5089

SDI START I, II, III

TICE TNP UE UEO UNSCOM

5090

Initiative de défense stratégique (Strategic Defense Initiative) Traités sur la réduction des vecteurs d'armes nucléaires stratégiques (Treaties on the Reduction and Limitation of Strategic Offensive Arms) Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Comprehensive Nuclear Test-Ban Treaty, CTBT) Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (Non-Proliferation Treaty, NPT) Union européenne Union de l'Europe occidentale Commission spéciale de l'ONU chargée de la destruction des armes de destruction massive irakiennes (UN Special Commission on Iraq)