00.087 Message sur l'initiative populaire «pour un impôt sur les gains en capital» du 25 octobre 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message sur l'initiative populaire «pour un impôt sur les gains en capital» et vous proposons de soumettre cette initiative au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

En annexe, vous trouverez le projet d'arrêté fédéral correspondant.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

25 octobre 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-1111

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Condensé L'initiative populaire «pour un impôt sur les gains en capital» conçue sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces a été déposée le 5 novembre 1999. Elle demande d'ajouter les nouveaux al. 1ter et 5bis à l'art. 41ter de l'ancienne Constitution (aCst.), dispositions qui correspondent à l'art. 128a, al. 1 et 2 de la Constitution (Cst.). D'après l'art. 41ter aCst., la Confédération perçoit «un impôt spécial sur les gains en capital qui sont réalisés sur la fortune mobilière et qui sont exonérés de l'impôt fédéral direct» (al. 1ter). Les let. a à c de l'al. 5bis précisent les conditions de la perception de cet impôt: les gains en capital seraient imposés à un taux unique d'au moins 20 % (let. a); les pertes en capital pourraient être compensées pendant l'année fiscale et au plus pendant les deux années suivantes avec les gains en capital (let. b); la législation exonérerait les gains minimes (let. c). En outre, la législation pourrait prévoir que les cantons percevraient l'impôt aux frais de la Confédération (let. c). Enfin, la législation pourrait prévoir un impôt à la source pour garantir l'encaissement de l'impôt (let. c).

L'initiative demande également d'ajouter un nouvel art. 8quater aux dispositions transitoires de l'ancienne Constitution (art. 197, ch. 1 Cst.). Cet article habiliterait le Conseil fédéral à édicter les dispositions nécessaires par voie d'ordonnance au cas où la loi d'application ne serait pas édictée dans les trois ans suivant l'adoption des nouvelles dispositions constitutionnelles (art. 8 quater, al. 1 à 4 aCst).

L'initiative populaire est valable et doit être soumise au vote du peuple et des cantons. Le Conseil fédéral propose à l'Assemblée fédérale de rejeter l'initiative populaire sans contre-projet.

Du point de vue du droit constitutionnel, la Confédération possède déjà la compétence d'imposer les gains sur la fortune mobilière (et immobilière) en plus du revenu de l'activité lucrative et du rendement de la fortune. Il est donc inutile de mentionner expressément les gains en capital sur la fortune mobilière comme les auteurs de l'initiative le préconisent. La situation juridique actuelle, d'après laquelle les gains en capital privés sont exemptés de l'impôt fédéral direct et des impôts cantonaux et communaux, répond aux exigences de l'harmonisation fiscale.
Dans la mesure où ils sont réalisés par une personne morale ou font partie de la fortune commerciale d'une personne physique, les gains en capital sont déjà imposables. Seuls les gains en capital sur la fortune mobilière privée sont exemptés de l'impôt fédéral direct et des impôts directs des cantons et des communes. Les auteurs de l'initiative veulent changer cet état de fait. Au regard des principes de l'équité de l'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, l'imposition ne doit pas se limiter au revenu du travail et au rendement de la fortune, mais frapper également les gains en capital effectivement réalisés.

Les auteurs de l'initiative justifient l'introduction d'un impôt sur les gains en capital en invoquant le fait que la Suisse serait pratiquement le seul pays industrialisé sans impôt sur les gains en capital. La comparaison avec l'étranger pour un seul impôt n'est pas très parlante aussi longtemps qu'elle ne s'inscrit pas dans une appréciation globale du système fiscal. En l'occurrence, on relèvera que, contrairement à beaucoup d'autres Etats, la Suisse applique le système de la double impo-

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sition économique et on rappellera que nombre de pays étrangers ne connaissent pas d'impôt sur la fortune des personnes privées. En revanche, tous les cantons, mais pas la Confédération, prélèvent un impôt général sur la fortune. Cette charge fiscale est comprise en moyenne entre 3 à 5 de la fortune nette. On tient compte ainsi de l'augmentation de la fortune qui provient notamment de la hausse de la capitalisation boursière. En 1997, le produit de l'imposition de la fortune s'est élevé à plus de 3 milliards de francs pour l'ensemble des cantons suisses.

Pour ce qui est des personnes qui possèdent des fortunes de plusieurs millions et ne paient pas d'impôt sur le revenu, il ne s'agit pas de la règle, mais de phénomènes qui se produisent parfois et sont en relation avec la déduction des pertes, des intérêts passifs et des frais d'entretien des immeubles. En outre, il ne faudrait pas oublier que l'impôt sur les gains immobiliers est dû même si le revenu net est égal à zéro. Enfin, il est établi que près des deux tiers du produit de l'impôt fédéral direct des personnes physiques provient de 11 % seulement de l'ensemble des contribuables. Il n'est donc pas vrai que les grands revenus et les grandes fortunes échappent à l'impôt en Suisse.

En dépit de certaines critiques, l'impôt sur le revenu frappe déjà une série de transactions liées à l'aliénation de valeurs patrimoniales (commerce professionnel, manteau d'actions, transposition, liquidation partielle directe et indirecte, vente d'actions pendant le délai de blocage suivant la transformation en société anonyme d'une raison individuelle ou d'une société de personnes).

Le Conseil fédéral rejette l'impôt sur les gains en capital préconisé par l'initiative sans contre-projet. Les principaux défauts de cette initiative consistent dans son impraticabilité pour les contribuables et pour les autorités fiscales, dans les expériences négatives que les cantons ont de cet impôt, et dans la productivité modeste d'un impôt sur les gains en capital tel qu'il est proposé par les auteurs de l'initiative. Un impôt sur les gains en capital n'entrerait pas seulement en concurrence avec l'impôt sur la fortune, mais surtout il ne rapporterait pas beaucoup et exigerait un lourd travail administratif. En outre, l'adoption de l'initiative ne permettrait pas de distinguer
plus aisément entre la fortune commerciale et la fortune privée, ainsi qu'entre les gains en capital et les rendements de la fortune.

Le Conseil fédéral veut apporter des corrections à l'exemption des gains en capital privés dans le cadre d'une réforme de l'imposition des sociétés, en tenant compte de l'évolution historique du système fiscal suisse. Le 13 mars 2000, il a notamment décidé d'examiner d'une manière approfondie l'introduction d'un impôt sur les participations complétée par un allégement de la double imposition économique.

Cet examen ne sera pas terminé au moment de la publication du présent message.

C'est pourquoi l'impôt sur les participations ne fait pas partie du présent message et ne peut servir de contre-projet indirect à l'initiative.

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Message 1

Partie générale

1.1

Situation

Le 5 novembre 1999, l'Union syndicale suisse (USS) a déposé l'initiative populaire «pour un impôt sur les gains en capital» sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.

1.1.1

Texte de l'initiative

Le texte de l'initiative est le suivant: I La constitution fédérale est complétée comme suit: Art. 41ter, al. 1ter (nouveau) et al. 5 bis (nouveau) 1ter La

Confédération perçoit un impôt spécial sur les gains en capital qui sont réalisés sur la fortune mobilière et qui sont exonérés de l'impôt fédéral direct.

5bis L'impôt

sur les gains en capital selon l'al. 1ter sera établi selon les règles suivan-

tes: a.

les gains en capital sont taxés à un taux unique et proportionnel d'au moins 20 %;

b.

les pertes en capital peuvent être déduites des gains en capital lors de l'année fiscale et au maximum durant les deux années qui suivent;

c.

la législation exonère de l'impôt les gains minimes. Elle peut prévoir que l'impôt soit perçu par les cantons aux frais de la Confédération. Elle peut prévoir un impôt à la source pour garantir l'encaissement de l'impôt.

II Les dispositions transitoires de la constitution fédérale sont complétées comme suit: Art. 8quater (nouveau) 1

Si aucune loi d'application n'est entrée en vigueur dans les trois ans qui suivent l'acceptation de l'article constitutionnel sur l'impôt sur les gains en capital (art.

41ter, al. 1ter et 5bis), le Conseil fédéral édicte les dispositions d'exécution nécessaires par voie d'ordonnance.

2

Les principes suivants seront applicables: a.

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sont soumis à l'impôt les gains en capital notamment les gains réalisés sur les devises, sur les papiers-valeurs et sur les participations, y compris les

gains sur les options, les contrats à terme et sur les autres instruments de placement dérivés ainsi que sur les parts de fonds de placement; b.

est assujetti à l'impôt quiconque, au regard du droit fiscal, a son domicile en Suisse ou y séjourne. Quiconque, en vertu de l'art. 56 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct, est exonéré de l'impôt fédéral direct, l'est également de l'impôt sur les gains en capital;

c.

le taux de l'impôt est de 25 %;

d.

une franchise de 5000 francs est accordée chaque année à chaque contribuable sur les gains en capital;

e.

le Conseil fédéral peut, dans les limites du possible, percevoir l'impôt sur les gains en capital à la source pour garantir l'encaissement de l'impôt.

3 Afin d'assurer la succession familiale dans les petites et les moyennes entreprises, le Conseil fédéral peut prévoir des délais de paiement de plusieurs années.

4

Le Conseil fédéral édicte par ailleurs les dispositions nécessaires pour percevoir l'impôt notamment celles qui règlent la responsabilité, la procédure, l'entraide administrative et judiciaire, les voies de droit, l'échéance, la prescription ainsi que les normes pénales. Il peut prévoir une amende allant jusqu'au quintuple du montant de l'impôt dû et une peine d'emprisonnement allant jusqu'à trois ans. Sont passibles des mêmes peines les négociants en papiers-valeurs exerçant leur activité à titre professionnel qui ne remplissent pas l'obligation de garantir l'encaissement de l'impôt.

1.1.2

Aboutissement

Par décision du 9 décembre 1999, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative déposée le 5 novembre 1999 avait formellement abouti avec 104 407 signatures valables (FF 1999 9111).

1.1.3

Délai de traitement

Conformément à l'art. 29, al. 1, de la loi sur la procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que sur la forme, la publication et l'entrée en vigueur des actes législatifs (LREC; RS 171.11), le Conseil fédéral doit présenter son message sur l'initiative dans les 12 mois suivant son dépôt, c'est-à-dire d'ici au 4 novembre prochain.

L'Assemblée fédérale doit décider si elle approuve ou rejette l'initiative dans les 30 mois, c'est-à-dire jusqu'au 4 mai 2002 au plus tard. Si l'une des Chambres décide d'opposer un contre-projet direct ou indirect à l'initiative, l'Assemblée fédérale peut prolonger ce délai d'une année.

Le 13 mars dernier, le Conseil fédéral a décidé de proposer aux Chambres fédérales de rejeter l'initiative populaire sans contre-projet ni acte législatif qui lui serait étroitement lié.

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1.1.4

Conséquences de l'adoption de la nouvelle constitution

Après l'adoption de la nouvelle Constitution du 18 avril 1999, les nouvelles dispositions constitutionnelles demandées par l'initiative populaire ne peuvent plus porter les numéros de l'ancienne Constitution (art. 41ter, al. 1ter et 5bis; art. 8quater disp.

trans., aCst.), mais doivent porter ceux de la nouvelle Constitution (art. 128a, al. 1 et 2, et 197, ch. 1, Cst.). A part ce renvoi à la nouvelle numérotation, le texte de l'initiative n'a pas besoin d'autres modifications rédactionnelles.

1.1.5

Collaboration des cantons

L'initiative entend soumettre les gains en capital réalisés sur la fortune mobilière à un «impôt spécial» prévoyant une imposition proportionnelle à un taux unique d'au moins 20 %. Outre son introduction, la particularité de cet impôt direct est de ne pas ajouter les gains en question au reste du revenu et de ne pas les soumettre à un barème progressif. On remarquera en outre que l'initiative ne prévoit pas l'exclusion de l'imposition cantonale et communale comme le prévoit l'art. 134 Cst. (art. 41bis, al. 2 et 41ter, al. 2, aCst.) pour la taxe sur la valeur ajoutée, les impôts de consommation spéciaux, les droits de timbre et l'impôt anticipé. Dans ces conditions, on peut se demander si les auteurs de l'initiative ont admis qu'il s'agissait effectivement d'une compétence exclusive de la Confédération. Le taux d'imposition élevé (20 % au moins) par rapport au taux maximum de l'impôt fédéral direct (11,5 %) le laisse supposer. En effet, avec les impôts cantonaux sur les gains en capital (25 % en moyenne), la charge fiscale équivaudrait alors à près de la moitié des gains en capital. L'interprétation des dispositions transitoires d'après lesquelles le Conseil fédéral édicte, par voie d'ordonnance, non pas une norme harmonisée pour les cantons, mais des dispositions d'exécution de cet impôt fédéral conduit à la même conclusion.

En revanche, conformément à une interprétation systématique de la constitution relative au mandat d'harmonisation fiscale (art. 129 Cst.; art. 42quinquies aCst.) imposant une harmonisation formelle verticale et horizontale, il faudrait modifier à la fois la loi du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD) et la loi du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID). Il faut relever ensuite que l'initiative charge les cantons de percevoir l'impôt. Or, l'art. 45 de la Constitution accorde aux cantons le droit de participer au processus de décision sur le plan fédéral: il convenait donc de donner l'occasion aux cantons de se prononcer sur l'initiative populaire. Pour des raisons de délais, la participation des cantons s'est limitée à la consultation, ce printemps, de la Conférence des directeurs cantonaux des finances (CDCF) et de la Conférence des fonctionnaires fiscaux d'Etat. Elles ont exprimé l'avis suivant: La CDCF a fait
savoir que le projet de message allait dans le sens qu'elle avait déjà indiqué, à savoir qu'il fallait rejeter un impôt général sur les gains en capital en raison de la disproportion entre les dépenses et les recettes (en raison du manque d'efficacité de la perception). Pour ce qui est de l'introduction d'un impôt sur les participations, la CDCF ne pourra se prononcer qu'après avoir pris connaissance des propositions de la commission d'experts «Imposition des sociétés indépendante de leur forme juridique».

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Le comité de la Conférence des fonctionnaires fiscaux d'Etat approuve lui aussi la soumission de l'initiative au peuple et aux cantons avec la recommandation de la rejeter. Il estime que le projet de message contient une description complète de tous les problèmes qui se posent. Il estime en particulier que le message indique de justes et de bonnes raisons pour exonérer les gains en capital sur la fortune mobilière privée.

1.2

Validité

1.2.1

Unité de la forme et de la matière

Le principe de l'unité de la forme inscrit à l'art. 139, al. 3, Cst. exige qu'une initiative populaire revête soit la forme d'une proposition générale, soit celle d'un projet rédigé de toutes pièces; des formes mixtes ne sont pas admises (art. 75, al. 3, de la loi du 17 décembre 1976 sur les droits politiques, LDP; RS 161.1) La présente initiative populaire respecte le critère de l'unité de la forme puisqu'il s'agit d'un projet rédigé de toutes pièces.

Le principe de l'unité de la matière (art. 139, al. 3, Cst.) doit empêcher que la consultation populaire porte sur plusieurs questions qui ne sont pas objectivement liées interdisant de ce fait une manifestation claire et sans ambiguïté de la volonté populaire. L'unité de la matière est respectée lorsqu'il existe un lien objectif entre les divers éléments d'une initiative (art. 75, al. 2, LDP). La présente initiative porte uniquement sur des prescriptions concernant l'assujettissement à l'impôt, l'objet de l'impôt, le barème de l'impôt et la procédure de perception de cet impôt. Il existe donc un lien matériel suffisant entre ces différentes règles, si bien que l'initiative respecte le principe de l'unité de la matière.

1.2.2

Practicabilité

L'exécution peut être extrêmement difficile et par conséquent, extrêmement lourde, pour les contribuables et autorités fiscales, comme on le verra au ch. 3.1. Toutefois, ces difficultés de mise en oeuvre ne justifient pas, selon la doctrine (cf. Pierre Tschannen, Stimmrecht und politische Verständigung, Berne 1995, p. 79 s. et citations) et une pratique constante, une invalidation de l'initiative. Seules peuvent être invalidées les initiatives populaires qui sont manifestement impossibles à exécuter.

2

Partie spéciale

2.1

Objectif de l'initiative

Au moyen de leur initiative populaire pour un impôt sur les gains en capital, les auteurs de l'initiative proches de l'USS veulent exercer une pression politique et améliorer l'équité fiscale. Ils objectent principalement à l'exemption des bénéfices sur les biens de la fortune mobilière en Suisse qu'elle serait injuste et pratiquement unique dans les pays industrialisés. D'après eux, les arguments suivants plaident en faveur de leur initiative:

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-

le produit de l'impôt sur les gains en capital serait compris entre 400 et 1000 millions de francs par an en admettant que seul un quart des capitaux privés concernés appartiennent à des résidents suisses;

-

la loi pourrait prévoir une imposition à la source qui serait une forme de perception ne remettant pas en cause le secret bancaire;

-

à part la Suisse, seule la Grèce ne prélèverait pas d'impôt sur les gains en capital au sein de l'OCDE;

-

la perception d'un impôt sur les gains en capital serait plus facile aujourd'hui grâce à l'informatique; la Bourse électronique enregistre en effet chaque transaction portant sur des titres avec son prix ce qui permet de calculer en tout temps le gain en capital réalisé.

2.2

Motifs du lancement de l'initiative

D'après l'USS, le lancement de son initiative se fonde notamment sur le fait que, depuis la fin de 1990 jusqu'à la fin de 1997, la valeur des actions suisses cotées en Bourse (capitalisation boursière) avait augmenté de plus de 600 milliards, dont 300 milliards rien qu'en 1997. Les gains en capital réalisés en cas de vente sont restés francs d'impôt pour les particuliers (brochure de l'USS «Impôt sur les gains en capital», mai 1998, p. 4 et 5). En l'occurrence, les auteurs de l'initiative relèvent que la fortune des 250 personnes les plus riches de Suisse a augmenté de 60 milliards de francs en 1997. Et qu'à défaut d'impôt sur les gains en capital, ces 60 milliards étaient francs d'impôt. Les auteurs de l'initiative affirment: «Certes, ces gains n'ont pas été réalisés ou seulement pour une faible part (en cas de vente des actions). Ils n'en représentent pas moins un accroissement de fortune, donc un revenu.» (Brochure de l'USS «Impôt sur les gains en capital», mai 1998, p. 10 et 11). En d'autres endroits, les auteurs de l'initiative reconnaissent que les gains en capital sont des augmentations de valeurs pour les propriétaires privés provenant de la vente d'actions, d'opérations de change, d'options, d'opérations spéculatives à terme et de participation dans des fonds de placement. Ils concèdent également que les gains boursiers sont en grande partie des bénéfices comptables qui peuvent également se volatiliser lors d'une baisse de la valeur des actions. Par conséquent, il ne faudrait imposer les gains en capital que lorsqu'ils sont réalisés, c'est-à-dire lorsque la vente procure effectivement un bénéfice (brochure de l'USS «Impôt sur les gains en capital», mai 1998, p. 5, 11 et 15).

Une autre raison du lancement de cette initiative concerne le phénomène des personnes fortunées (millionnaires) qui ne paient pas d'impôt sur le revenu. Les citoyens seraient amers et déçus par ces lacunes fiscales et ces possibilités légales d'échapper à l'impôt. La cohésion nationale serait compromise si les citoyens avaient l'impression que la justice fiscale n'était pas la même pour tout le monde.

En résumé, les auteurs de l'initiative demandent l'introduction d'un impôt de 20 à 25 % sur les gains en capital privés. Ils justifient principalement leur demande par le fait que les gains en capital privés devraient
être traités comme les bénéfices immobiliers ou le salaire. L'introduction d'un impôt sur les gains en capital serait un acte de justice fiscale (brochure de l'USS «Impôt sur les gains en capital», mai 1998, p. 11).

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2.3

Droit en vigueur

2.3.1

Dispositions constitutionnelles

Les principes constitutionnels régissant l'imposition se trouvent aux art. 8, al. 1, 9 et 127 Cst. (art. 4, al. 1, aCst.). D'après ces principes, l'aménagement des impôts, en particulier la définition des contribuables, de l'objet de l'impôt et de son calcul, doivent figurer dans une loi, c'est-à-dire dans un acte législatif soumis à référendum (principe de la légalité, art. 164, al. 1, let. d, Cst.). En l'occurrence, il faut respecter non seulement l'interdiction de l'arbitraire, mais encore les principes de la généralité et de l'égalité ainsi que le principe de l'imposition selon la capacité contributive. Un autre principe important est celui de la praticabilité qui est étroitement lié avec le principe de la proportionnalité. Enfin, le législateur doit également garantir la propriété, en particulier les principaux droits découlant de la propriété, à savoir les droits de disposition et de jouissance (art. 26 Cst.).

L'art. 128 Cst. (art. 41ter, al. 1, let. c, et art. 5 aCst.) donne à la Confédération la compétence de prélever un impôt direct sur le revenu des personnes physiques. La Constitution ne définit pas la notion de revenu. Cette notion signifie toutefois qu'il faut entendre le revenu dans sa globalité. En d'autres termes, tous les éléments qui augmentent la capacité contributive peuvent être imposés, notamment les revenus du travail, le rendement de la fortune et les gains sur la fortune (principe de l'augmentation de la fortune nette).

Par conséquent, la Confédération possède déjà la compétence d'imposer non seulement le revenu provenant d'une activité lucrative et le rendement de la fortune, mais aussi les gains sur la fortune mobilière (et immobilière). Il n'est donc pas nécessaire de citer expressément les gains en capital sur la fortune mobilière dans la Constitution.

D'après l'art. 129 Cst. (art. 42quinquies aCst.), la Confédération fixe les principes de l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes; elle prend en considération les efforts des cantons en matière d'harmonisation (al. 1). L'harmonisation s'étend à l'assujettissement, à l'objet et à la période de calcul de l'impôt, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale. En revanche, elle ne s'étend pas aux barèmes, aux taux d'imposition et aux franchises (al. 2).

L'harmonisation a
pour but de rapprocher les régimes fiscaux de la Confédération et des cantons. Elle doit améliorer par ses effets de rationalisation la clarté du droit fiscal suisse et simplifier la procédure de taxation, tant pour les contribuables que pour les autorités fiscales. Le mandat d'harmonisation de l'art. 129 Cst. (art.

42quinquies aCst.) comprend donc les impôts directs de la Confédération et des cantons: la Confédération doit harmoniser les régimes fiscaux des cantons entre eux (harmonisation horizontale) et les régimes fiscaux de la Confédération et des cantons entre eux (harmonisation verticale). L'art. 129 Cst. (42quinquies aCst.) n'accorde toutefois pas à la Confédération une compétence (supplémentaire) de lever des impôts.

La compétence de la Confédération d'harmoniser les impôts comprend les impôts directs (à l'exclusion des barèmes qui restent une compétence réservée des cantons) et s'étend donc à tous les apports de biens qui font partie du revenu. Les gains en capital sur la fortune mobilière privée en font partie. Du point de vue de l'harmonisation, la situation juridique actuelle, d'après laquelle les gains en capital privés sont exemptés de l'impôt fédéral direct (art. 16, al. 3, LIFD) et des impôts

5581

directs des cantons et des communes (art. 7, al. 4, let. b, LHID), est conforme à l'harmonisation.

2.3.2

Réglementation légale

2.3.2.1

Généralités

La législation suisse régissant l'imposition du revenu se base sur le principe de l'augmentation de la fortune nette: d'après ce principe, toutes les augmentations de fortune en espèces ou en nature font partie du revenu imposable à moins que la loi ne les exonère expressément (p. ex. donations et successions qui sont généralement exclues de l'imposition du revenu). En Suisse, toutes les augmentations de la fortune commerciale sont imposables, indépendamment de la forme juridique (raison individuelle, sociétés de personnes, sociétés de capitaux ou sociétés coopératives). C'est pourquoi les gains en capital sont déjà imposables actuellement s'ils sont obtenus par une personne morale ou versés dans la fortune commerciale d'une personne physique. Il est important de le préciser, parce qu'il y a souvent des malentendus sur ce point, malentendus auxquels les auteurs de l'initiative n'échappent pas non plus (cf. ch. 2.2).

Pour la fortune mobilière privée, les gains en capital sont exonérés de l'impôt fédéral direct (art. 16, al. 3, LIFD) et des impôts directs des cantons et des communes (art. 7, al. 4, LHID) et ne sont donc pas imposables du tout. Les auteurs de l'initiative veulent changer cet état de fait. Au regard des principes de l'équité de l'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, l'imposition ne doit pas se limiter au revenu du travail et au rendement de la fortune, mais frapper également les gains en capital effectivement réalisés. Il existe une large unanimité sur ce point, y compris dans la doctrine. Il convient donc d'effectuer une correction, non pas par l'introduction d'un impôt général sur les gains en capital, comme les auteurs de l'initiative le proposent, mais par une réforme fiscale tenant dûment compte des exigences de l'équité fiscale, de la productivité et de la praticabilité (cf. ch. 5).

Pour ce qui est de l'impôt sur les bénéfices immobiliers, la Confédération a toujours renoncé, en dépit de sa compétence constitutionnelle, à édicter une base légale pour percevoir un tel impôt. En revanche, les cantons sont tenus de percevoir cet impôt (art. 2, al. 1, let d, LHID); en l'occurrence, l'art. 12, al. 4, LHID leur laisse le choix entre frapper tous les bénéfices immobiliers d'un impôt particulier sur le revenu (système moniste) ou imposer les bénéfices immobiliers
de la fortune commerciale d'un impôt ordinaire sur le revenu ou sur le bénéfice, d'une part, et les bénéfices immobiliers privés d'un impôt particulier sur le revenu (système dualiste) d'autre part.

Il en résulte pour la Confédération et les cantons une inégalité de traitement des gains en capital sur la fortune privée et sur la fortune commerciale et pour les cantons une inégalité supplémentaire sur la fortune mobilière et sur la fortune immobilière. Le traitement inégal de la fortune privée mobilière et immobilière peut se justifier en partie par le fait que l'augmentation de valeur du sol est due également au zonage et à l'équipement par les communes.

On peut déduire de ce qui précède que la distinction entre la fortune commerciale et la fortune privée ainsi que la distinction entre gains en capital et rendements de fortune n'ont une importance capitale que parce que le législateur (fédéral et canto5582

nal) prévoit des conséquences diamétralement opposées selon qu'il s'agit de gains (exonérés d'impôt) ou de rendements (imposables). Pour ce qui concerne leur attribution à la fortune commerciale ou à la fortune privée, elle est effectuée selon la méthode de la prépondérance. D'après cette méthode, tous les éléments de fortune doivent être considérés comme faisant partie du type de fortune à laquelle ils participent entièrement ou de manière prépondérante (art. 18, al. 2, LIFD; art. 8, al. 2, LHID). Pour distinguer entre les gains en capital et les rendements de fortune, la doctrine prévoit différents critères (perte de substance, principe de la continuité, principe de la cession de l'usage ou de la jouissance, définition objective ou subjective du rendement, combinés au principe de la valeur nominale ou au principe de la valeur comptable). Souvent, mais pas toujours, on qualifie de rendements les versements acquittés par le bénéficiaire du capital, alors que les gains en capital proviennent en fait de versements effectués par un tiers.

2.3.2.2

Imposition du revenu en cas d'aliénation

Du point de vue du principe de la capacité contributive, il faut interpréter restrictivement la notion de gain en capital exonéré d'impôt; en revanche, il faut interpréter extensivement la notion de rendement de la fortune, étant donné que l'exemption fiscale des gains en capital privés constitue une exception contraire au principe de l'imposition du revenu net. Un certain nombre de faits sont présentés plus précisément ci-dessous pour lesquels les revenus sont, d'après le droit en vigueur, soumis à l'impôt sur le revenu, alors qu'ils devraient être considérés comme des gains de fortune.

Commerce professionnel d'immeubles ou de titres A l'art. 16, al. 1, LIFD, comme précédemment à l'art. 21, al. 1, de l'arrêté du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct (AIFD), le législateur a institué le principe de l'imposition de l'ensemble du revenu net. Les principaux revenus imposables sont définis plus précisément aux art. 17 à 23 LIFD.

Pour ce qui est des revenus d'une activité indépendante au sens de l'art. 18 LIFD, le Tribunal fédéral a notamment statué, dans un arrêt du 8 janvier 1999 (Archives 67, p. 644 s.) que la notion d'activité lucrative indépendante était plus large que celle d'entreprise commerciale, artisanale ou industrielle qui nécessite une unité organisée entre le travail et le capital. D'après l'art. 18, al. 1, LIFD, tous les revenus «provenant de toute autre activité lucrative indépendante» sont imposables comme le sont les revenus de l'exploitation d'une entreprise ou de l'exercice d'une profession libérale. Il ne ressort pas des travaux préparatoires de la LIFD que le législateur voulait restreindre l'imposition des revenus du commerce d'immeubles ou de titres par rapport au droit précédent. Le législateur a au contraire admis que les bénéfices provenant d'une activité qui dépasse la simple administration de sa fortune constituent des revenus imposables d'une activité lucrative indépendante. Dans le cadre des débats sur la loi fédérale du 19 mars 1999 sur le programme de stabilisation, les Chambres fédérales, se référant à l'arrêt précité, ont renoncé à régler spécialement le commerce d'immeubles et de titres.

5583

Manteau d'actions Le changement de main de la majorité des droits de participation à une société anonyme, à une société en commandite par actions, à une société à responsabilité limitée ou à une société coopérative résident de Suisse qui est liquidée ou apportée sous forme de liquidités est assimilée fiscalement à la liquidation de la société (ou de la coopérative) avec création d'une nouvelle société. L'excédent de la liquidation de fait constitue un rendement imposable de la fortune mobilière conformément à l'art. 4, al. 1, let. b, de la loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA) en relation avec l'art. 20 de l'ordonnance d'exécution de la LIA (OIA) et l'art. 20, al. 1, let c, LIFD. Le transfert d'un manteau d'action ne donne donc pas lieu à un gain en capital exempté d'impôt, mais à un rendement en capital soumis à l'impôt anticipé et à l'impôt sur le revenu.

Transposition Il s'agit des cas où une personne physique transfère des actions à un prix supérieur à leur valeur nominale de sa fortune privée à une société qu'elle domine de telle manière qu'elle apporte les actions soit contre l'émission de nouvelles actions à une valeur nominale supérieure à celles des actions apportées et/ou les aliène à un prix supérieur (payé en espèces ou contre inscription d'un prêt). L'actionnaire vendeur qui continue de disposer des actions (mais indirectement par l'intermédiaire de la société qu'il domine) obtient par ce procédé la transformation de dividendes latents imposables (réserves latentes et apparentes) en capital-actions remboursable non soumis à l'impôt ou en créance en paiement du prix d'achat. Le critère de la domination porte sur la société à laquelle les actions sont apportées. En cas de transfert d'actions à une société dominée par la personne qui apporte les actions, il s'agit d'après la pratique du Tribunal fédéral et d'un point de vue économique d'une simple restructuration du patrimoine (vente à soi-même) et non pas d'une aliénation des droits de participation. C'est pourquoi l'actionnaire vendeur ne réalise pas un gain en capital exonéré, mais un revenu imposable, dans la mesure où la valeur nominale des nouvelles actions et, le cas échéant, le prix d'achat sont supérieurs à la valeur nominale des actions apportées.

Liquidation partielle directe L'achat de ses propres actions
est également considéré comme une liquidation partielle directe. Si la société réduit son capital après avoir racheté ses actions ou ne les revend pas dans le délai fixé à l'art. 4a, al. 2, LIA, la différence entre le produit de la vente et la valeur nominale des actions est soumise à l'impôt anticipé et à l'impôt sur le revenu. L'excédent de liquidation imposable est considéré réalisé au cours de l'année où l'impôt anticipé est dû (art. 20, al. 1, let. c, LIFD).

Liquidation partielle indirecte Il s'agit des cas où le vendeur qui détient des droits de participations dans sa fortune privée vend ces droits à un tiers qui les transfère dans sa fortune commerciale, la vente ayant lieu à un prix supérieur à la valeur nominale des droits. En l'occurrence, le vendeur prélève lui-même sur les biens de la société le capital nécessaire à l'achat.

Pour qu'il y ait liquidation partielle indirecte, il suffit que le vendeur sache ou ait dû savoir que le capital servant à l'achat des droits ne reviendrait plus à la société. Les caractéristiques d'une liquidation partielle indirecte sont les suivantes: 5584

­

contrairement au vendeur, l'acquéreur est soumis au principe de la valeur comptable;

­

la société dont les actions sont aliénées s'appauvrit (par la distribution d'un dividende en substance, par une distribution dissimulée de bénéfice ou par le fait qu'elle est dissoute);

­

le vendeur participe activement ou passivement à l'appauvrissement de la société dont les droits de participation sont vendus.

Vente d'actions après transformation d'une entreprise de personnes (raison individuelle ou société de personnes) en société anonyme La transformation d'une raison individuelle (ou d'une société de personnes) en société anonyme par apport de l'ensemble des actifs et passifs contre l'émission d'actions conduit en principe à la réalisation des réserves latentes. D'après la jurisprudence à l'art. 19, al. 1, let a, LIFD, les réserves latentes ne sont pas imposées si les conditions suivantes sont remplies: ­

maintien du but de la société (maintien de l'identité économique de la société);

­

en principe, maintien des rapports de participation;

­

transfert de la société dans son ensemble à la valeur comptable;

­

respect d'un délai de blocage de cinq ans.

En cas de vente des droits de participation pendant le délai de blocage de 5 ans prévu par la pratique, l'imposition du gain de liquidation n'a pas lieu en raison d'une évasion fiscale, mais en raison de l'égalité de l'imposition de faits économiques comparables (arrêt du Tribunal fédéral du 28 décembre 1988; Archives 68, p.

71 s.).

Obligations à intérêt unique prépondérant L'art. 20, al. 1, let. b, LIFD assujettit à l'impôt en tant que revenus imposables les revenus provenant de l'aliénation ou du remboursement d'obligations à intérêt unique prédominant. Il y a intérêt unique prédominant lorsque le montant des intérêts périodiques versés sur le prix d'émission est inférieur à la moitié du rendement global.

En dépit de toutes les critiques visant l'imposition dans ces cas, il faut relever en résumé qu'une bonne partie de ces cas d'aliénation sont déjà soumis actuellement à l'impôt sur le revenu.

3

Motifs de l'exonération des gains sur la fortune mobilière privée

3.1

Impraticabilité pour les contribuables et les autorités fiscales

L'exonération des gains sur la fortune mobilière privée est en général justifiée aux motifs suivants: elle éviterait une perception trop lourde à mettre en place, les possibilités de contrôle seraient trop restreintes et le produit de l'impôt serait en fait 5585

insignifiant. Ce sont ces mêmes motifs qui ont été avancés par les cantons pour justifier l'abolition de l'impôt sur les gains en capital; fin 1996, le canton des Grisons était le dernier à supprimer l'impôt sur les gains en capital sur la fortune mobilière. L'exonération prescrite par la LHID n'était pas seule à présider à cette décision: la compétition intercantonale a également joué un grand rôle, le canton craignant que les «bons» contribuables choisissent de s'installer dans un canton voisin n'appliquant plus cet impôt. Toutefois, les arguments avancés par les cantons (impraticabilité, manque de possibilités de contrôle et improductivité de l'impôt) ne peuvent pas être balayés aussi aisément. Il faut effectivement reconnaître que les contribuables comme les autorités fiscales auraient beaucoup de difficultés à fixer la valeur d'acquisition, nécessaire pour déterminer le montant du gain en capital privé, que ce soit en cas de changement de la structure du capital suite à des versements, en cas d'exercice ou d'aliénation du droit de souscription, en cas d'attribution d'actions gratuites ou encore en cas de transfert ou de partage d'action, etc.

L'introduction d'un impôt sur les gains en capital obligerait le contribuable à déclarer toutes les valeurs d'acquisition ou d'aliénation concernant un élément de fortune.

Cette obligation ne porte pas seulement sur la valeur d'acquisition des éléments de fortune existants à la fin de l'année; elle englobe également les valeurs d'acquisition et d'aliénation des investissements en capital qui auront été acquis et revendus au cours de la période de calcul. De plus, le contribuable devrait établir un décompte à l'intention des autorités fiscales indiquant l'ensemble des modifications de sa fortune ainsi que les gains et pertes effectués au moment de la réalisation, y compris les éventuels remboursements à la valeur nominale de la société. Enfin, il faudrait également veiller à ce que le contribuable puisse obtenir les documents nécessaires de sa banque ou d'un autre gestionnaire de fortune pour justifier toutes les transactions effectuées et pour fournir tous les renseignements nécessaires.

De plus, ce nouvel impôt aurait des implications au niveau de la procédure: les autorités fiscales devraient non seulement se fonder sur la déclaration, mais elles
devraient également procéder à des contrôles plus approfondis dans certains cas ou lorsqu'elles viendraient à soupçonner une éventuelle soustraction d'impôt. Ces contrôles devraient porter sur toutes les transactions du contribuable, soit sur les modifications de sa fortune d'une période de calcul à l'autre et sur les achats ou ventes effectués durant la période de calcul. Procéder à de tels contrôles demande beaucoup de temps et représente une lourde charge de travail. En outre, déterminer le montant d'un gain demande de connaître la transaction effectuée, le prix d'acquisition et le produit de la vente. Sans oublier les difficultés déjà évoquées que pose la détermination d'un gain en cas de changement de la structure du capital à la suite de versements, en cas d'exercice ou d'aliénation du droit de souscription, en cas d'attribution d'actions gratuites ou encore de transfert ou de partage d'action, etc. La charge de la preuve revient au contribuable pour ce qui est des coûts d'acquisition, car ils entraînent une baisse de son imposition. Un autre problème se pose quand on ne connaît pas le moment de l'acquisition du bien par le contribuable ou par ses précédents détenteurs. Enfin, il faut également considérer les problèmes posés par la prise en compte des gains en capital réalisés en cas d'achat échelonné de titres à des valeurs différentes et de revente également échelonnée de ces titres. Il faudrait établir une méthode de référence destinée à la «comptabilité des gains en capital» du contribuable pour déterminer les frais d'acquisition (p. ex. first in, first out).

5586

3.2

Abolition de l'impôt sur les gains en capital dans les cantons

On a déjà relevé (cf. ch 1.1.5) que l'initiative ne prévoit pas expressément d'accorder à la Confédération la compétence exclusive d'imposer les gains en capital privés. Une telle solution serait contraire au mandat constitutionnel d'harmonisation verticale. L'art. 129 Cst. (art. 42quinquies aCst.) exigeant une harmonisation des impôts sur le plan horizontal (harmonisation intercantonale et intercommunale) comme sur le plan vertical (entre la Confédération et les cantons), il apparaît qu'en cas d'acceptation de l'initiative, le législateur devra intégrer l'impôt sur les gains en capital sur la fortune mobilière privée dans le processus d'harmonisation et modifier la LHID en conséquence. Et ce d'autant plus que l'actuel art. 7, al. 4, let. b, LHID exonère expressément ces gains en capital.

Il faut cependant rappeler qu'en 1984, sept cantons seulement (BE, BL, BS, GR, SO, TG, JU) soumettaient les gains sur la fortune mobilière privée à un impôt général, alors que les cantons de Saint-Gall et du Valais appliquaient, quant à eux, un impôt sur les gains de participation. De son côté, la Confédération n'a jamais prélevé d'impôt sur les gains en capital sur la fortune mobilière privée (cf. Zuppinger, Böckli, Locher, Reich, Steuerharmonisierung, Berne 1984, p. 98 s. ). Il est également important de souligner que tous les cantons qui connaissaient l'impôt sur les gains en capital ou l'impôt sur les gains de participation les ont entre-temps supprimés, le dernier étant le canton des Grisons en 1996. Suite à un recours de droit public, le Tribunal fédéral s'est lui aussi prononcé sur cette question: dans son arrêt du 8 décembre 1988, il a conclu que l'abolition de l'impôt sur les gains en capital décidée par le canton de Bâle-Campagne en 1986 était parfaitement conforme à la Constitution (ATF 114 Ia 221 s.; Archives 60, p. 71 s.). Le gouvernement du canton avait justifié cette abolition en s'appuyant essentiellement sur la nécessité de promouvoir l'accès à la propriété et sur le fait qu'aucun autre canton ne prélevait un tel impôt. Il avait également souligné les difficultés d'application disproportionnées de l'impôt par rapport aux recettes effectivement encaissées du fait de la complexité de la taxation. Le Tribunal fédéral avait alors considéré que les motifs avancés par le canton étaient, dans leur
ensemble, pertinents et c'est pourquoi il a jugé que ces arguments étaient défendables et qu'ils n'allaient pas à l'encontre de la Constitution.

Il est difficile de voir en quoi les difficultés d'application avancées pour justifier l'abolition de l'impôt sur les gains en capital seraient moindres aujourd'hui. Contrairement à ce qu'en disent les auteurs de l'initiative, on ne peut pas affirmer que certains problèmes, comme celui de la détermination de la valeur d'acquisition en cas de modification du droit de participation due à une augmentation du capital, à des versements en capitaux, à un partage d'actions, à une attribution d'actions gratuites ou à une transformation d'actions, seraient réglés du fait que l'on «peut en standardiser la perception et la simplifier grâce à l'informatique» (brochure de l'USS «Impôt sur les gains en capital», mai 1998, p. 22).

3.3

Productivité d'un impôt sur les gains en capital

Force est de constater qu'il n'existe pas de données fiables sur le potentiel de recettes que peut rapporter un impôt sur les gains en capital. C'est du moins ce qui ressort des déclarations divergeantes des représentants du domaine économique et du domaine politique. Les estimations vont de 100 millions à 1 milliard de francs. On 5587

peut en revanche affirmer que le potentiel d'un impôt sur les gains en capital dépendrait non seulement de sa composition mais également de l'évolution de la Bourse.

Il faudrait également tenir compte de l'épargne placée en actions ou dans des fonds, qui s'est développée ces dernières années; une évolution confortée au cours de cette décennie par la «pensée actionnaire», prédominante au sein des entreprises, et par la bonne santé des opérations boursières.

Les auteurs de l'initiative pensent que le produit de l'impôt sur les gains en capital variera fortement d'une année à l'autre. En outre, ils partent de l'hypothèse que seul un quart des capitaux qui seraient imposables appartiennent à des particuliers résidant en Suisse. Par ailleurs, ils admettent que la valeur des actions augmentera de 5 à 10 % par an. Dans ces conditions, les auteurs de l'initiative estiment que le produit de l'impôt sera compris entre 400 à 1000 millions de francs par an (brochure de l'USS «Impôt sur les gains en capital», mai 1998, p. 20).

En juin 1997, une question ordinaire du Conseil national a chargé le Conseil fédéral de quantifier le rendement que générerait un impôt sur les gains en capital privés. La question prévoyait une imposition séparée des gains en capital, les pertes pouvant être déduites sur une période fiscale de 2 ans, un taux d'imposition de 20 % et un montant exonéré d'impôt de 10 000 fr. par an (soit 20 000 fr. par période fiscale).

Dans sa réponse de novembre 1997, le Conseil fédéral a souligné les difficultés posées par les estimations; il a en particulier fait remarquer qu'il n'existe pas de statistique des gains en capital privés réalisés en Suisse et qu'on ignore leur montant total ainsi que leur répartition entre les contribuables. Pour ce qui est de la productivité de l'impôt sur les gains en capital, il a remarqué: «Pour se faire une idée du rendement d'un impôt sur les gains en capital, on peut se référer au produit de cet impôt à l'étranger. En admettant qu'un impôt sur les gains en capital présente en Suisse le même potentiel qu'en Grande-Bretagne ou en France, savoir 0,4 % des recettes fiscales, la Confédération pourrait compter sur des recettes annuelles d'environ 300 millions de francs. On remarquera que le taux de l'impôt est de 20 % en France et peut atteindre 40 % en Grande-Bretagne. Aux
Etats-Unis, la part de l'impôt sur les gains en capital des personnes physiques représente 2,8 % des recettes fiscales. L'impôt sur les gains immobiliers est compris dans ce pourcentage et sa part n'est pas précisée dans les statistiques. En outre, le taux d'imposition va jusqu'à 28 %. En Suisse, l'impôt immobilier prélevé par les cantons représente environ 1,5 % du total des recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes. Si on se réfère à la situation américaine, avec une part de l'impôt sur les gains en capital d'un peu plus de un pour cent et un taux d'imposition moyen de 15 % pour tenir compte de la franchise de 20 000 francs proposée dans la question, on arrive à un rendement potentiel d'environ 400 millions de francs par an.

Si on se risque à estimer le rendement potentiel d'un impôt sur les gains en capital en extrapolant le produit de l'impôt sur les gains en capital prélevé précédemment dans certains cantons, le rendement de cet impôt ne serait que de 100 à 200 millions de francs.

Sur la base des comparaisons avec l'étranger et de l'extrapolation des anciens résultats cantonaux, on peut donc estimer que le potentiel d'un impôt national sur les gains en capital comme l'imagine l'auteur de la question est compris entre 100 et 400 millions de francs au maximum quand la Bourse se

5588

porte bien. On relèvera en outre qu'une partie de ce montant devra revenir aux cantons dont la collaboration serait nécessaire en tant qu'autorité de taxation.» Le Conseil fédéral s'en tient à ces considérations sur la productivité d'un impôt sur les gains en capital. Les tableaux établis par l'Administration fédérale des contributions concernant le produit de cet impôt dans certains pays de l'OCDE et par rapport au produit des impôts de la Confédération, des cantons et des communes ont pour but de concrétiser sa productivité sur la base des exemples étrangers et des extrapolations des résultats cantonaux (cf. annexe).

Une estimation publiée par des représentants de l'Université de Bâle en 1998 et partant d'autres prémisses arrive aux mêmes conclusions (cf. Tobias Studer / Roger M. Kunz, Zur Besteuerung privater Kapitalgewinne in der Schweiz, dans L'expertcomptable suisse, 1998, p. 207 s.); en s'appuyant sur l'ensemble de la fortune mobilière gérée en Suisse, les auteurs estiment à 700 milliards la fortune en capital détenue par des personnes privées suisses. La plus grande partie de ces 700 milliards proviendrait de placements à taux fixes; 20 % de la fortune des personnes privées en Suisse serait constituée en actions ou en parts à des fonds de placement dont on peut s'attendre à ce que leur cours moyen augmente à long terme. La valeur maximale estimée pour les actions privées atteindrait 140 milliards de francs. Pour la période allant de 1926 à 1997, le rendement global moyen des actions suisses (en données corrigées pour cette période) est égal à 7,5 %. Compte tenu de l'imposition d'un dividende moyen de 3 %, le rendement total ne serait que de 4,5 % pour les gains en capitaux qui n'ont pas été imposés ou de 2 % seulement après déduction du taux d'inflation moyen. Théoriquement, la fortune (ou substance fiscale) sur laquelle un gain en capital pourrait être réalisé serait donc comprise entre 3 et 6 milliards de francs, en admettant que toutes les valeurs de la fortune sont effectivement déclarées et réalisées. Comme cela ne serait certainement pas le cas, il faut partir de l'hypothèse que seuls deux tiers de tous les gains pourront être imposés, ce qui ramène la substance fiscale à environ 4 milliards de francs sans tenir compte de l'inflation et à 2 milliards en la prenant en considération. Avec
un barème de 20 à 25 %, le produit de l'impôt atteindrait 400 à 600 millions de francs; ces montants pourraient toutefois être divisés par deux selon la composition de l'impôt et le comportement des contribuables. Une estimation plus réaliste fixe le produit de l'impôt entre 200 et 300 millions de francs. Les scientifiques doutent du bien-fondé des résultats d'une estimation qui se fonde sur l'augmentation de la capitalisation boursière des sociétés suisses sur une certaine période pour en tirer une valeur annuelle moyenne, multiplie cette moyenne par la valeur des actions qui appartiennent à des personnes résidant en Suisse et finit par multiplier le résultat obtenu par le taux d'imposition. Ce procédé ignore deux faits importants: premièrement, la substance fiscale ne comprend pas que des actions suisses et deuxièmement, les familles qui gardent leurs actions pendant des générations sont nombreuses en Suisse: ces familles ne réalisent donc jamais de gain sur leurs actions.

Augmenter les impôts ou encore instaurer de nouveaux impôts risque d'entraîner un durcissement de la résistance à l'impôt, l'affaiblissement de l'attrait d'un meilleur revenu, et par là même une réduction globale des recettes fiscales. De plus, un impôt sur les gains en capital, tel qu'il est proposé par les auteurs de l'initiative, provoquerait une dégradation des conditions fiscales et surtout diminuerait considérablement l'attrait de la place suisse pour les personnes privées fortunées. Or, les buts de la politique financière de la Confédération, exprimés par le Conseil fédéral dans ses 5589

lignes directrices des finances fédérales du 4 octobre 1999, sont au contraire de «favoriser la stabilité et la croissance économique, donc l'emploi, le bien-être général et la cohésion sociale». Pour parvenir à ces objectifs, la Confédération a besoin de mettre en place une politique des recettes et des dépenses favorable à la croissance et à l'emploi qui tienne compte des répercussions des impôts sur l'incitation à travailler, à épargner et à investir. La charge fiscale doit donc rester parmi les plus basses des pays membres de l'OCDE. C'est pourquoi le Conseil fédéral estime qu'il faut renoncer à un impôt général sur les gains en capital pour ce qui est des projets à moyen terme. En revanche, il convient d'examiner l'opportunité d'un impôt sur les gains de participation, tout en veillant à atténuer la double imposition économique (Lignes directrices des finances fédérales du 4 octobre 1999: Objectifs, principes et instruments de la politique budgétaire du Conseil fédéral, en part. p. 9 s. et 31 et s.; cf. également ch. 5.2).

3.4

Comparaison avec l'étranger

Alors que la Suisse n'impose pas les gains en capital sur la fortune privée, les autres pays de l'OCDE prélèvent, quant à eux, un impôt sur les gains en capital privés sur les titres soit sur l'ensemble de ces gains soit sur une catégorie bien précise. Près de la moitié de ces Etats prélèvent un impôt sur les gains de participation sur les gains provenant d'une aliénation de participations importantes.

Limiter la comparaison avec les autres pays à un seul impôt ne donne pas de résultats vraiment probants, surtout si l'on ne prend pas en considération l'ensemble du système fiscal de ces pays. On peut en effet souligner que beaucoup de pays ne prélèvent pas d'impôt sur la fortune des personnes privées: ainsi, l'Allemagne (depuis 1997), l'Autriche (depuis 1994), la Belgique, les Etats-Unis, la GrandeBretagne, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Japon et le Portugal, ne connaissent pas l'impôt sur la fortune. En Suisse, cet impôt est prélevé par les cantons (et non par la Confédération). Il a pour objet l'ensemble de la fortune, soit à la fois la fortune mobilière et la fortune immobilière. Les barèmes sont légèrement progressifs et la charge de cet impôt est d'en moyenne 3 à 5 de la fortune nette. Ils prennent ainsi en compte une éventuelle augmentation de la fortune due entre autres à la hausse du capital boursier. En cas de baisse du rendement, l'impôt sur la fortune pèse lourd sur le produit de la fortune. En 1997, les recettes de l'impôt sur la fortune se montaient à 3,249 milliards de francs pour l'ensemble de la Suisse (Administration fédérale des finances, Finances publiques en Suisse 1997, p. 132 et 133).

Il faut également souligner que les Etats-Unis appliquent une réglementation extrêmement complexe qui complique lourdement la tâche des contribuables et des autorités fiscales en matière d'impôt sur les gains en capital. En outre, tant le contribuable que son courtier ou sa banque doivent communiquer la vente ou l'achat de titres aux autorités fiscales. En Suisse, une telle obligation de communiquer les transactions de titres mettrait en danger le secret bancaire et priverait la place financière suisse d'un de ses atouts majeurs en matière de service bancaire privé.

En outre, un nombre toujours croissant de pays (tels que l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie) ont introduit
le système de l'imputation de l'impôt; en cas de distribution de dividendes, la totalité ou une partie de l'impôt sur les bénéfices versé par une société (nationale) est imputée sur l'impôt sur le revenu du détenteur de la participation (actionnaire). Le système suisse se fonde au contraire sur la 5590

double imposition économique: les gains réalisés par les sociétés de capitaux et les coopératives sont soumis à l'impôt sur les bénéfices. Si ces personnes morales distribuent les bénéfices imposés, le gain ainsi réalisé par l'actionnaire (personne physique) est également imposé à titre de revenu. D'un point de vue économique, cela revient à imposer deux fois la même substance fiscale. L'exonération des bénéfices de la fortune mobilière privée constitue donc une compensation de la double imposition, même si elle est insatisfaisante du point de vue de la systématique fiscale.

Il n'en reste pas moins que l'impôt sur la fortune (perçu par les cantons et par les communes) représente une charge supplémentaire non négligeable, charge qui devient véritablement très lourde si les rendements sont faibles. Or, la Confédération n'a pas les compétences nécessaires pour procéder aux modifications de l'impôt sur la fortune qui corrigeraient ce surcroît de charge en cas d'introduction d'un impôt sur les gains en capital.

4

Contexte de l'initiative

4.1

Environnement économique

Dans les années 1996 et 1997, nombreuses sont les voix qui se sont fait entendre pour mettre en doute l'équité de notre système d'imposition du revenu. Ces réactions avaient été provoquées par la découverte de plusieurs cas de personnes millionnaires exonérées d'impôt et par l'exonération des gains réalisés sur la fortune mobilière privée, ce qui avait donné lieu à un grand débat public. Ces réactions entrent dans le contexte économique des années 90, caractérisé à la fois par la forte hausse des cours de la Bourse, en particulier dans les cas de concentration d'entreprises, et par la récession et le niveau élevé du chômage. Sans oublier la mauvaise situation financière de la Confédération.

En ce qui concerne les millionnaires exonérés d'impôt, il faut relever que les articles de presse n'ont pu se fonder que sur les impôts cantonaux et communaux, les éléments imposables de l'impôt fédéral direct étant soumis au secret fiscal. De plus, il faut tenir compte du fait que même en l'absence d'un revenu imposable, les impôts acquittés sur la fortune et sur les gains immobiliers sont souvent considérables, ce qui n'est pas visible dans le registre d'impôt. Parallèlement à l'exonération des gains en capital privés, d'autres facteurs expliquent pourquoi ces millionnaires étaient exonérés de l'impôt sur le revenu; tout d'abord, les personnes exerçant une activité indépendante peuvent demander la déduction ou le report de leurs pertes. En outre, dans le cadre de la taxation commune des couples, l'un des conjoints peut déduire ses pertes commerciales de son propre revenu mais également de celui de l'autre conjoint. On remarquera par ailleurs que les propriétaires immobiliers forment la plus grande partie des millionnaires exonérés de l'impôt sur le revenu. Les revenus locatifs ou la valeur locative pris en compte fiscalement compensent les investissements effectués pour maintenir la valeur de l'immeuble, qui sont en principe entièrement déductibles. Il peut donc arriver qu'à une certaine période les charges de l'immeuble dépassent le produit de l'immeuble. En outre, les revenus imposables peuvent être réduits par la déduction des intérêts passifs. Il faut toutefois tenir compte du fait que cette déduction a été restreinte par la modification de l'art. 33, al. 1, let. a, LIFD prévue dans la loi fédérale du 19
mars 1999 sur le programme de stabilisation 1998 et dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2001 par l'arrêté du Conseil fédéral du 11 août 1999 (RO 1999 2385 et 2386). L'existence 5591

d'éléments qui réduisent le revenu ne doit pas amener à croire que les revenus élevés et les grandes fortunes échappent à l'imposition en Suisse. Le barème de l'impôt fédéral direct se caractérise en effet par une forte progressivité. D'après les dernières statistiques (période de taxation 1995/1996), les contribuables ayant un revenu imposable supérieur à 100 000 francs (soit seulement 11 % des contribuables) représentent environ 66 % des 4,8 milliards provenant de l'imposition des personnes physiques. En d'autres termes: les deux tiers des recettes de l'impôt fédéral direct des personnes physiques sont versées par 11 % des contribuables.

4.2

Interventions parlementaires

Dans les débats politiques, la pression s'intensifie pour que les lacunes fiscales soient comblées, notamment en instaurant un impôt sur les gains en capital. Le nombre d'interventions parlementaires déposées sur ce sujet en témoigne: question ordinaire Rechsteiner SG du 21 juin 1996 concernant la création d'un impôt sur le gain en capital (96.1064); motion Rechsteiner SG du 3 décembre 1996 concernant l'introduction d'une imposition sur les bénéfices en capital (96.3584); motion Saudan du 4 décembre 1996 concernant la déduction des intérêts passifs (96.3592); postulat Weber Agnes du 5 décembre 1996 concernant la pratique de la détermination des impôts (96.3595); postulat Meier Samuel du 13 décembre 1996 concernant le revenu imposable des personnes aisées (96.3667); motion de la Commission de l'économie et des redevances CN, minorité Jans du 23 avril 1997, concernant l'imposition des assurances de capitaux à prime unique (97.3192); interpellation Strahm du 19 juin 1997 concernant l'adaptation des impôts au système fiscal de l'Union européenne (97.3349); question ordinaire Jans du 20 juin 1997 concernant l'impôt sur les gains en capital. Rendement et coût administratif (97.1109); postulat Schüle du 10 décembre 1997 concernant l'impôt sur l'accroissement de la fortune (97.3592); motion Delalay du 18 décembre 1997 concernant la suppression de lacunes fiscales (97.3647); interpellation du groupe socialiste du 19 décembre 1997 concernant les conséquences de la fusion de l'UBS et de la SBS (97.3673).

4.3

Commission d'experts «lacunes fiscales»

Le 12 mars 1997, le Chef du Département fédéral des finances a chargé la commission présidée par M. Behnisch d'examiner le système d'imposition direct actuel et d'en relever les lacunes. La commission a présenté son rapport au cours de la conférence de presse du 8 juillet 1998. En ce qui concerne les gains en capital sur la fortune mobilière privée, elle considère que l'exonération fiscale est une lacune du système au regard des principes constitutionnels de la généralité de l'impôt et de l'imposition selon la capacité contributive. Elle préconise donc de supprimer ou, au moins, de combler quelque peu cette lacune. Dans le même temps, elle souligne que les conséquences de la prise en compte des gains en capital dans le calcul du revenu sur l'ensemble du système fiscal ne devraient pas être ignorées, en particulier pour ce qui est de l'impôt sur la fortune, des droits de timbre et de la double imposition économique. Elle propose donc que les charges supplémentaires qu'engendreront les mesures proposées soient utilisées non pour encaisser des recettes supplémentaires, mais pour éliminer les surimpositions existantes ou les défauts du système.

5592

5

Mesures de politique fiscale et projets fiscaux

Dans son message du 26 mars 1997 concernant la réforme 1997 de l'imposition des sociétés (FF 1997 II 1058), le Conseil fédéral a relevé la nécessité d'élaborer un nouveau concept sur le long terme. Il faut en outre rappeler que les deux sources de recettes principales que sont la taxe sur la valeur ajoutée et l'impôt fédéral direct sont limitées à fin 2006. Par conséquent, les principes constitutionnels sur lesquels ces impôts se fondent doivent être renouvelés, ce qui laisse une opportunité de réformer le système fiscal en vigueur.

5.1

Mesures de politique fiscale

Le 19 mars 1999, le Parlement a appliqué les accords conclus le 6 avril 1998 lors de la table ronde et supprimé quelques-unes des lacunes existantes en limitant la déduction des intérêts passifs et en restreignant le rachat pour la prévoyance professionnelle. Les Chambres fédérales ont renoncé à appliquer une réglementation spéciale pour les gains professionnels réalisés sur la fortune privée, et ont ainsi suivi l'arrêt rendu le 8 janvier 1999 par le Tribunal fédéral qui confirmait la validité de la pratique (AIFD) dans le cadre de la LIFD. Selon cette pratique, les gains réalisés lors de l'aliénation d'éléments de la fortune, en particulier des immeubles et des titres, dans un cadre professionnel sont toujours imposables, du moins lorsqu'ils ont été réalisés dans le cadre d'une activité allant au-delà de la simple gestion de fortune.

5.2

Projets fiscaux selon les lignes directrices des finances fédérales 1999

5.2.1

Situation

Avec les lignes directrices des finances fédérales 1999, le Conseil fédéral veut redresser durablement les finances fédérales, baisser à moyen terme la quote-part d'impôt, créer de nouveaux potentiels de croissance économique et instaurer une imposition qui réponde à la fois aux exigences économiques et au principe de l'équité. La croissance économique favorise la paix sociale et la stabilité politique, car elle désamorce les conflits liés à la répartition. Or, la paix sociale et la stabilité politique sont deux facteurs qui jouent un rôle important dans le choix du lieu d'implantation d'une entreprise. Pour conforter la position de la Suisse comme lieu d'implantation, les lignes directrices 1999 préconisent de maintenir la quote-part fiscale, la quote-part de l'Etat et, en particulier, la quote-part de l'impôt parmi les plus basses des pays membres de l'OCDE. Elles demandent également que l'équilibre du budget de la Confédération soit réalisé sur l'ensemble d'un cycle conjoncturel. Les augmentations de la quote-part d'impôt sont réservées au financement de l'AVS selon les données démographiques.

Pour ce qui est des projets de politique fiscale, le Conseil fédéral préconise d'étudier la question d'une «loi sur l'imposition des sociétés» dans le cadre de l'harmonisation des bases d'imposition en matière de fiscalité des entreprises. Une telle législation donnerait à notre place économique une plus grande sécurité juridique et une meilleure transparence fiscale, entraînerait un allégement sur le plan 5593

administratif et aplanirait les obstacles à la libre mobilité des entreprises et des travailleurs (Lignes directrices 1999, p. 31, let. b).

Le 13 mars 2000, le Conseil fédéral a défini un train de mesures fiscales pour l'application de ces lignes directrices 1999 axé sur une amélioration structurelle du système fiscal. Ce train de mesures se divise en deux parties: la première présente des mesures globales pour une amélioration structurelle concrète du système fiscal en matière d'imposition du couple et de la famille, des droits de timbre et de l'imposition des logements utilisés par leurs propriétaires. Elles feront l'objet d'un message qui sera présenté au Parlement au cours de l'année 2000. La deuxième partie concerne les réformes de la politique fiscale et porte sur l'étude d'un impôt anticipé pour les rendements d'intérêts étrangers, sur une amnistie fiscale générale et sur les propositions de l'initiative populaire «Impôt sur les gains en capital».

5.2.2

Rejet de l'impôt sur les gains en capital

Le Conseil fédéral rejette l'impôt sur les gains en capital proposé par l'initiative sans contre-projet. En effet, même si cet impôt se justifiait du point de vue de l'équité fiscale, il entrerait notamment en concurrence avec l'impôt sur la fortune, aurait une rentabilité insuffisante et occasionnerait une surcharge de travail administratif. En revanche, le Conseil fédéral veut apporter des corrections à l'exonération des gains en capital privés dans le cadre de la réforme de l'imposition des sociétés. Il propose donc d'étudier l'opportunité d'un impôt sur les gains de participation ­ n'ayant, si possible, aucune incidence sur les recettes ­ tout en veillant à atténuer la double imposition économique (Lignes directrices 1999, p. 32, let. c).

5.2.3

Examen d'un impôt sur les gains de participation

Pour procéder à l'étude de l'impôt sur les gains de participation, il faut d'abord partir de l'idée que, si l'on adopte un point de vue global (et non celui de la théorie de la séparation qui attribue une capacité contributive séparée aux personnes morales), l'imposition des sociétés de capitaux pose toujours le problème de la juste répartition des charges entre les personnes physiques. Le concept d'une imposition conforme à la capacité contributive adopté par la Constitution ne s'applique en fait qu'aux seules personnes physiques. L'imposition des personnes morales, d'une part, des gains distribués et de la valeur des droits de participation, d'autre part, devrait être aménagée globalement de manière que les personnes physiques supportent une charge équitable et conforme à leur capacité contributive. Et ce, d'autant plus que les personnes physiques ayant des participations dans une entreprise supportent déjà la charge fiscale pesant sur cette personne morale.

Le 31 janvier 2000, le Chef du Département fédéral des finances a donc constitué une commission d'experts «Imposition des sociétés indépendante de leur forme juridique» (ERU). Cette commission doit comparer l'imposition des sociétés de capitaux et de leurs associés, d'une part, et celle des propriétaires de sociétés individuelles, d'autre part, sur la base du droit fiscal fédéral et du droit fiscal cantonal et communal. Elle doit ensuite élaborer des propositions pour une imposition des sociétés indépendante de leur forme juridique. La teneur de son mandat est la suivante: 5594

«La commission d'experts "Imposition des sociétés indépendante de leur forme juridique" ­

examine l'ensemble du droit de l'imposition des sociétés, en particulier la LIFD, la loi sur la taxe sur la valeur ajoutée, la loi sur l'impôt anticipé et la loi sur les droits de timbre, ainsi que le droit cantonal en tenant compte des problèmes posés par l'AVS et par la charge fiscale. Elle compare la charge fiscale actuelle pour les entreprises organisées sous forme de sociétés et leurs actionnaires, d'une part, et pour les détenteurs de sociétés de personnes d'autre part. Elle porte une attention particulière à la double charge économique de la société et de ses actionnaires;

­

prépare différents concepts d'imposition neutre des entreprises quant à la forme en tenant compte des problèmes posés par l'AVS. Elle porte une attention particulière aux petites et moyennes entreprises; ­ . . .; ­ . . .;

­

analyse les conséquences économiques des différents concepts; ­ . . .;

­

étudie les problèmes fiscaux (y compris ceux de l'AVS) qui se posent dans le cadre de la succession d'entreprises de personnes en comparaison avec les sociétés de capitaux et prépare des variantes qui respectent dans la mesure du possible une imposition neutre quant à la forme; en ce qui concerne l'imposition des successions et des donations, elle peut se baser sur la législation de certains cantons;

­

étudie les problèmes fiscaux (y compris ceux de l'AVS) qui se posent dans le cadre du transfert d'entreprises de personnes et de sociétés de capitaux et prépare des variantes qui respectent, dans la mesure du possible, une imposition neutre quant à la forme. L'introduction d'un impôt sur les gains en capital ou sur les gains de participation peut également être prise en compte.

La commission doit rendre son rapport au Chef du DFF d'ici à la fin juin 2001. » Le Conseil fédéral est certes prêt à remettre en question le principe de l'exonération des gains en capital, mais il veut intégrer ce changement dans le cadre d'une imposition des sociétés de capitaux et des sociétés de personnes avec pour but de compenser la double imposition économique par l'imposition unique des gains de la société de personnes. En préconisant l'examen d'une imposition des gains en capital lors d'une aliénation de participations déterminantes à une société et en atténuant la double imposition économique, le Conseil fédéral veut combler une des lacunes du système touchant aux gains en capital et régler, dans le même temps, un problème qui entrave les petites et moyennes entreprises soit dans leurs décisions de financement soit au niveau des transmissions par succession. Cette réforme fiscale, qui se justifie économiquement, doit si possible être conçue de façon à n'avoir aucune incidence sur les recettes; les gains de participations, qui ne sont pas imposés actuellement, seraient pris en compte alors que l'imposition des dividendes serait réduite. L'impôt sur les gains de participation n'a toutefois pas pu être présenté comme contre-projet indirect dans le présent message, car les dernières mises au point ne pourront être effectuées avant son approbation.

La complexité des problèmes posés est soulignée par la nécessité d'étudier une harmonisation de l'impôt sur les gains de participation et des mesures visant à atté5595

nuer la double imposition économique. On remarquera d'ailleurs que, dans son message du 25 mai 1983, le Conseil fédéral a proposé la création d'un impôt sur les gains de participations dans le cadre de la LIFD comme de la LHID (FF 1983 III 1 s.). Cet impôt n'aurait pris en compte que les gains provenant d'une aliénation des participations importantes, les participations importantes étant constituées par les participations à une société de capitaux représentant au moins 20 % du capital social ou des droits de vote. Le Parlement a confirmé le rejet pur et simple de cet impôt qui avait déjà été rejeté en commission; à l'appui de sa décision, il a fait valoir que l'article sur l'harmonisation de la Constitution interdit l'introduction d'un tel impôt par l'intermédiaire de la LHID, car la plupart des cantons ne l'appliquent pas. Il a souligné un autre point faible du projet de loi: l'impôt proposé aurait en effet frappé particulièrement les gains réalisés par des détenteurs de parts dans des entreprises de personnes et notamment dans des petites et moyennes entreprises (PME ­ PMI), alors que, dans certaines circonstances, des gains plus importants provenant de l'aliénation de parts relativement peu importantes dans des sociétés anonymes publiques n'auraient pas été imposés. Le Conseil fédéral a longuement pris position dans son message sur le problème de la double imposition économique. Il s'est également prononcé sur la question de savoir si le législateur fédéral est effectivement habilité à imposer des mesures concernant la double imposition économique aux cantons et aux communes. Il semble donc qu'il sera indispensable de réexaminer les questions liées à l'harmonisation.

6

Autres défauts de la modification constitutionnelle préconisée par l'initiative

6.1

Objet de l'impôt

D'après le nouvel art. 41ter, al. 1ter, aCst (art. 128a, al. 1, Cst.) proposé par l'initiative, la Confédération doit percevoir un impôt spécial sur les gains en capital qui sont réalisés sur la fortune mobilière et «qui sont exonérés de l'impôt fédéral direct».

Cette formulation est toutefois malheureuse. Le texte de l'initiative fait certes clairement ressortir la volonté de ses auteurs: dans le cadre du droit en vigueur, l'impôt spécial doit frapper les gains en capital qui sont actuellement exonérés de l'impôt fédéral direct, à savoir les gains en capital réalisés lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée (art. 16, al. 3, LIFD). Une disposition constitutionnelle doit donc corriger indirectement une disposition légale en se référant à la loi. Même si ce procédé est parfaitement admissible, surtout si on tient compte du fait qu'il n'existe pas d'initiative législative au niveau fédéral (cf. à ce sujet l'exemple et les considérations du Conseil fédéral figurant dans la FF 1997 II 596 s.), le texte de l'initiative n'élimine pas la contradiction intrinsèque d'une norme constitutionnelle qui renvoie à une disposition légale pour définir son objet, encore moins lorsque cette norme prévoit justement l'abrogation de cette disposition légale. En d'autres termes, cette formulation ne facilite pas la compréhension du texte en désignant comme objet de l'impôt «les gains en capital qui sont réalisés sur la fortune mobilière et qui sont exonérés de l'impôt fédéral direct». Une disposition constitutionnelle ne devrait pas contenir de telles contradictions, même si elle doit être interprétée. Enfin, il faut constater que la description de l'objet de l'impôt que l'initiative donne au nouvel al.

5596

1ter de l'art 41ter aCst. (art. 128a, al. 1, Cst.) ne répond pas aux exigences d'un texte constitutionnel attribuant une compétence clairement définie à la Confédération.

6.2

Taux d'imposition

L'initiative populaire demande que les gains en capital soient taxés «à un taux unique et proportionnel d'au moins 20 pour cent» (art. 41ter, al. 5bis, (nouveau) aCst; art. 128a, al. 2, Cst.). Le législateur n'aurait donc pas la possibilité d'aménager les barèmes pour traiter différemment les gains en capital à court et à long terme.

6.3

Garantie par un impôt à la source

D'après la disposition proposée par l'initiative populaire à l'art. 41ter, al. 5bis, let. c, aCst (art. 128a, al. 2, let. c, Cst.), la législation peut prévoir un impôt à la source pour garantir l'encaissement de l'impôt. L'initiative ignore ainsi le fait que, souvent, les banques chargées de la vente ne disposent pas des données nécessaires (comme les frais d'acquisition) pour calculer le gain en capital réalisé. En ce qui concerne le produit du capital, l'impôt à la source peut être prélevé sur l'ensemble de ce produit, puisqu'il est intégralement pris en compte. En revanche, il en va différemment de l'impôt sur les gains en capital qui est prélevé sur la différence entre le produit et le prix d'acquisition. Un impôt à la source sur le produit de la vente conduirait inévitablement à des distorsions et, selon les cas, à l'imposition de la substance investie.

Une autre possibilité d'application d'un impôt sur les gains en capital réside dans l'introduction d'une obligation de renseigner pour les banques ayant effectué les transactions. Mais cette solution mettrait en danger le secret bancaire et la place financière suisse y perdrait un atout non négligeable, même si elle dispose d'autres points forts dans le service bancaire privé. D'autant qu'avec une telle mesure, il lui serait de plus en plus difficile de résister à la pression internationale qui la pousse à accepter le principe d'une entraide administrative complète en matière d'affaires fiscales.

En fin de compte, il s'avère qu'un impôt à la source pour garantir l'impôt sur les gains en capital soit ne serait guère applicable soit irait beaucoup trop loin. C'est pourquoi il convient de rejeter la proposition de l'initiative. De même, il faut rejeter l'alternative d'une obligation de renseigner pour les banques ayant effectué les transactions.

6.4

Part des cantons

L'initiative populaire propose de compléter l'art. 41ter aCst en lui ajoutant un al. 1ter et un al. 5bis (art. 128a, al. 1 et 2, Cst.). Elle ne mentionne toutefois pas de réglementation concernant la part des cantons au produit d'un éventuel impôt sur les gains en capital. L'art. 41ter, al. 5bis, let. c (art. 128a, al. 2, let. c, Cst.) précise uniquement que cet impôt pourrait être prélevé par les cantons aux frais de la Confédération. La systématique même du texte de l'art. 41ter, al. 1ter et plus particulièrement de l'al. 5bis (art. 128a, al. 1 et 2, Cst.) peut amener à conclure que les auteurs de l'initiative n'ont pas prévu d'octroyer une part du produit de l'impôt sur les gains en 5597

capital aux cantons, ce qui irait à l'encontre du régime en vigueur pour l'impôt fédéral direct (art. 128, al. 4, Cst. [correspondant à l'art. 41ter, al. 5, let. b, aCst]). Le régime actuel prévoit en effet que trois dixièmes du produit brut de l'impôt sont attribués aux cantons et qu'un sixième au moins de ces montants est affecté à la péréquation financière intercantonale.

7

Conclusions

Le Conseil fédéral rejette l'impôt sur les gains en capital préconisé par l'initiative sans contre-projet. Du point de vue de l'équité fiscale, cet impôt serait certes justifiable, mais il entrerait notamment en concurrence avec l'impôt sur la fortune etserait peu rentable et administrativement lourd. En revanche, le Conseil fédéral veut apporter des corrections à l'exemption des gains en capital privé dans le cadre d'une réforme de l'imposition des sociétés. Cette réforme devra se fonder sur le régime fiscal suisse qui s'est développé pendant des dizaines d'années, avec sa structure fédéraliste, sa répartition du pouvoir d'imposer, la double imposition économique des personnes morales et de leurs actionnaires en cas de distribution de dividendes, ses impôts sur les transactions juridiques et ses lourds impôts sur la fortune. C'est pourquoi, le 31 janvier de cette année, le Chef du Département fédéral des finances a constitué la commission d'experts «Imposition des sociétés indépendante de leur forme juridique» (ERU). Cette commission doit notamment examiner l'introduction d'un impôt sur les participations. Dans le cadre de l'application des lignes directrices 1999, le Conseil fédéral a confirmé, le 13 mars dernier, son opposition à l'initiative «pour un impôt sur les gains en capital» et a décidé d'examiner l'introduction d'un impôt sur les participations lié à une diminution de la double imposition économique. Les études nécessaires ne seront pas terminées avant la publication du présent message. Par manque de temps, ce message n'inclut donc pas l'impôt sur les participations qui ne pourra servir de contre-projet indirect à l'initiative populaire «pour un impôt sur les gains en capital.»

5598

Annexe

Impôt sur les gains en capital dans certains pays de l'OCDE

Produit total des impôts1 Produit de l'impôt sur les gains en capital2

Part de l'impôt sur les gains en capital

France (1996) (mio. FF)

Grande-Bretagne (1995) (mio. £)

USA (1995) (mio. $)

2 083 000

206 710

1 500 128

8 000

796

44 2543

(%)

(%)

(%)

0,38

0,39

2,95

1 2

Source: OCDE, Statistiques des recettes publiques 1965/1998, Paris 1999 Diverses sources: ­ Ministère des Finances (France) ­ Inland Revenue, Statistics and Economics (Grande-Bretagne) ­ Department of the Treasury, Office of Tax Analysis (USA) 3 Y compris l'impôt sur les gains immobiliers

Recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes (en millions de francs) 1995

1996

1997

Produit total des impôts1

76 269

78 595

78 703

Produit de l'impôt sur les gains immobiliers1

1 209

1 030

832

Part de l'impôt sur les gains immobiliers 1

(%)

(%)

(%)

1,59

1,31

1,06

Source: Adm. féd. des finances, Finances publiques en Suisse 1997, Berne 1999

5599

Extrapolations du produit de l'impôt sur les gains en capital (IGC) pour la Suisse Canton

Abolition de l'IGC (année)

Bâle-Ville Bâle-Campagne Saint-Gall Grisons Thurgovie Jura

1987 1987 1986 1996 1985 1987

Population d'après recensement 1990 (milliers)

Produit IGC avant son abolition (mio. fr.)

199,4 233,5 427,5 173,9 209,4 66,2

20,0 1,0 0,8 0,9 0,2 1,0

6 cantons

1 309,9

23,9

Suisse

6 873,7

Produit global des impôts cantonaux 1987 (mio. fr.)

1 452 632 773 363 361 118 3 699 18 135

a) Part de ces 6 cantons à la population suisse (en %) b) Part de ces 6 cantons au produit des impôts cantonaux 1987 (en %) c) Part de l'IGC au produit des impôts de ces 6 cantons 1987 (en %)

19,06 20,40 0,65

Extrapolations du produit de l'IGC pour la Suisse: 1. sur la base de a) 2. sur la base de b) 3. sur la base de c) (produit des impôts cantonaux 1997 = 24 696 millions de fr.)

(mio. fr.)

5600

125 117 160