99.088 Message concernant le Traité de conciliation et d'arbitrage entre la Confédération suisse et la République de Croatie du 17 novembre 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous avons l'honneur de vous soumettre, pour approbation, un projet d'arrêté fédéral concernant le Traité de conciliation et d'arbitrage avec la Croatie.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

17 novembre 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

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Message 1

Introduction

1.1

Généralités

La politique de la Suisse en matière de règlement pacifique des différends a été largement exposée dans notre message du 19 mai 1993 concernant la Convention relative à la conciliation et à l'arbitrage au sein de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), ainsi que les Traités de conciliation et d'arbitrage avec la Pologne et la Hongrie1.

Le Traité de conciliation et d'arbitrage avec la Croatie, signé à Zagreb le 23 mai 1995, s'inscrit pleinement dans le cadre de cette politique, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de répéter ici nos considérations développées en 1993.

1.2

Genèse et principales caractéristiques du Traité

La Suisse et la Croatie ont été parmi les premiers Etats à ratifier la Convention du 15 décembre 1992 relative à la conciliation et à l'arbitrage au sein de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). L'existence de cet instrument multilatéral ne rend toutefois pas superflue la conclusion d'un traité bilatéral dans le domaine du règlement pacifique, et ce pour quatre raisons. En premier lieu, la procédure arbitrale établie par la Convention CSCE est purement facultative, alors que celle instituée par des accords bilatéraux est généralement contraignante. Deuxièmement, la nomination des membres des organes de conciliation et d'arbitrage prévus par la Convention CSCE incombe au Bureau de la Cour instituée par cette Convention, tandis que les membres de tels organes sont, dans le contexte bilatéral, désignés en priorité par les Parties elles-mêmes, ce qui facilite indéniablement l'acceptation des recommandations ou sentences formulées par les organes en cause.

Troisièmement, les traités bilatéraux prévoient souvent des commissions ou tribunaux composés de trois membres, alors que ceux qu'instituera le Bureau de la Cour CSCE seront composés de cinq membres; autrement dit, les voies de règlement bilatéralement prévues peuvent être moins onéreuses. En quatrième lieu, la Convention CSCE est plus rapidement dénonçable que ne le sont, généralement, les accords bilatéraux relatifs à ce même domaine. A ces considérations, on peut ajouter qu'il peut paraître préférable, pour de nombreuses raisons, de régler un différend dans un cadre bilatéral plutôt que de le porter devant une audience élargie. Pour toutes ces raisons, il a semblé opportun à la Suisse et à la Croatie de compléter par un traité bilatéral les mécanismes multilatéraux existants.

L'instrument issu des négociations entamées avec la Croatie dans la deuxième moitié de 1994 est pratiquement identique au Traité de conciliation et d'arbitrage conclu entre la Suisse et la Pologne le 20 janvier 19932 et qui a servi de base de travail.

Tout différend non réglé par la voie diplomatique dans un délai raisonnable peut être unilatéralement assujetti à la conciliation, puis à l'arbitrage en cas d'échec de cette

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procédure. L'organe de conciliation, composé de trois membres, est constitué ad hoc à l'occasion de chaque différend concret. Deux conciliateurs sont désignés individuellement par chaque Etat Partie, le tiers membre étant choisi d'un commun accord. En cas d'inaction de l'un des Etats ou d'absence d'accord, les nominations nécessaires sont effectuées par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe. La même formule est retenue pour la constitution du tribunal arbitral, sauf que les membres manquants sont ici désignés par le Président de la Cour internationale de Justice.

2

Analyse sommaire et appréciation d'ensemble

Dans la mesure où, comme on l'a relevé précédemment, les dispositions du présent Traité sont pratiquement identiques à celles qui figurent dans le Traité conclu avec la Pologne, on peut se limiter ici à une analyse sommaire et renvoyer pour le reste à la description du Traité avec la Pologne3, instrument qui n'a par ailleurs connu aucun cas d'application jusqu'à ce jour.

Les procédures prévues par le Traité avec la Croatie s'appliquent à tout litige entre les deux Etats Parties qui n'aurait pu être réglé par des négociations au cours de l'année suivant leur ouverture (art. 1). La procédure de conciliation est déclenchée par une notification écrite d'un des Etats Parties à l'autre (art. 2). Tout différend non réglé par la conciliation peut être soumis unilatéralement à l'arbitrage (art. 8). Les Etats parties peuvent toutefois convenir d'acheminer un litige vers l'arbitrage sans passer par la conciliation. La commission de conciliation (art. 3) et le tribunal arbitral (art. 9) sont constitués selon la même formule (voir ch. 12 ci-dessus), fixent leurs propres règles de procédure et lieu de réunion, décident de leur propre compétence (art. 16) et sont tenus de respecter les principes coutumiers de l'égalité des parties et du caractère contradictoire de la procédure (art. 5 et 11). Des mesures conservatoires peuvent être recommandées aux Parties par la commission (art. 5) et ordonnées par le tribunal (art. 10). Dans les neuf mois qui suivent la clôture de la procédure, la commission dresse un rapport confidentiel assorti de recommandations. L'acceptation de ces dernières par les Parties vaut accord réglant le différend (art. 7). En cas d'arbitrage, la sentence rendue par le tribunal, dans le même délai de neuf mois, est obligatoire et définitive pour les Parties (art. 13). La sentence arbitrale doit être motivée et reposer sur les règles du droit international, mais les Parties peuvent convenir d'autoriser le tribunal de statuer en équité (ex aequo et bono).

Le Traité permet d'acheminer vers une solution juridiquement obligatoire tout différend qui pourrait surgir à l'avenir entre la Suisse et la Croatie. Il répond aux impératifs de la simplicité, de l'économie et de la participation des Parties à la constitution des organes de règlement des différends. L'approbation de cet instrument en vue de sa
ratification et son entrée en vigueur s'impose aujourd'hui dans la mesure où l'art. 19 de l'Accord de commerce et de coopération économique entre la Suisse et la Croatie, qui sera soumis à votre approbation dans le cadre du Rapport sur la politique économique extérieure 99/1+2, dispose que les éventuels différends concernant l'interprétation et l'application de cet Accord seront réglés conformément au Traité de conciliation et d'arbitrage du 23 mai 1995. En d'autres termes, si elle a 3

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toujours paru nécessaire, sans toutefois revêtir un caractère particulièrement urgent jusqu'à présent, l'entrée en vigueur du Traité de conciliation et d'arbitrage avec la Croatie est aujourd'hui requise par l'Accord de commerce et de coopération économique conclu avec cet Etat.

3

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Le présent Traité n'entraîne ni charges financières ni conséquences sur l'effectif du personnel. De telles charges ne naîtraient qu'au cas où les procédures prévues par le Traité seraient déclenchées par l'une des Parties à l'occasion d'un litige.

4

Programme de législature

Le Traité de conciliation et d'arbitrage avec la Croatie ne figure pas au programme de la législature. Les bouleversements politiques intervenus au début des années 90 en Europe centrale et orientale ont permis à la Suisse de prendre une initiative en matière de règlements pacifiques de différends. Après la Hongrie et la Pologne, la Croatie est le troisième Etat de cette région à s'être montré intéressé par la conclusion d'un traité moderne de conciliation et d'arbitrage.

5

Constitutionnalité

La constitutionnalité du projet d'arrêté fédéral que nous vous soumettons repose sur l'art. 54, al. 1, de la nouvelle Constitution fédérale (art. 8, ancienne cst.), qui donne à la Confédération la compétence de conclure des traités internationaux. La compétence de l'Assemblée fédérale découle de l'art. 166, al. 2, de la nouvelle Constitution (art. 85, ch. 5, ancienne cst.).

Le Traité de conciliation et d'arbitrage avec la République de Croatie est dénonçable et n'entraîne ni adhésion à une organisation internationale ni unification multilatérale du droit. L'arrêté fédéral soumis à votre approbation n'est donc pas sujet au référendum facultatif, conformément à l'art. 141, al. 1, de la nouvelle Constitution (art. 89, al. 3, ancienne cst.).

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