00.058 Message concernant l'initiative populaire fédérale «pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée» du 5 juillet 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet d'arrêté concernant l'initiative populaire fédérale «pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée». Nous vous proposons de la soumettre sans contre-projet au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

5 juillet 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-1485

4463

Condensé Le 10 septembre 1999, le «Groupe pour une suisse sans armée» (GSsA) a déposé l'initiative populaire fédérale «pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée» sous la forme d'un projet rédigé de toute pièce, avec 110 108 signatures valables.

Malgré le refus d'une première initiative populaire «pour une Suisse sans armée et une politique globale de paix» en 1989, le GSsA formule à nouveau l'exigence radicale d'une suppression de notre armée.

Les articles de la Constitution concernant la défense devraient être remplacés par le principe selon lequel «La Suisse n'a pas d'armée». Dans le même temps, serait édictée une disposition constitutionnelle interdisant à la Confédération, aux cantons, aux communes et aux particuliers d'entretenir des forces armées militaires. La seule exception résiderait dans la possibilité de participer avec des armes à des activités internationales en faveur de la paix. La réglementation y relative devrait cependant être soumise de manière explicite au peuple. Les tâches civiles de l'armée devraient être entièrement prises en charge par les autorités civiles.

L'article de la Constitution relatif à la sécurité devrait cependant continuer à être pris en considération; c'est pourquoi les auteurs de l'initiative proposent simultanément une nouvelle conception de la politique de sécurité de la Suisse. Cette nouvelle politique de sécurité aurait un autre caractère que la politique de sécurité actuelle. En tenant notamment compte de questions relatives à l'égalité des sexes, à l'environnement, à l'équité sociale, elle prendrait une dimension de politique sociale. Une telle politique de sécurité tend vers une société utopique et peut à ce titre paraître idéaliste.

Selon les auteurs de l'initiative, l'initiative «La solidarité crée la sécurité: pour un service civil volontaire pour la paix (SCP)» représenterait une possibilité concrète de mise en oeuvre de cette politique de sécurité nouvelle et idéaliste.

Le texte qui suit s'appuie sur le rapport du Conseil fédéral du 7 juin 1999 sur la politique de sécurité de la Suisse. A de nombreux égards, les intérêts et les objectifs de la politique de sécurité qui y sont exposés correspondent aux vues des auteurs de l'initiative. Toutefois, le présent message met en évidence que, si l'armée n'est pas le seul moyen
de la politique de sécurité, elle fournit une contribution absolument indispensable. C'est pourquoi l'acceptation de l'initiative aurait des répercussions importantes sur toute la conception de la politique actuelle de la Suisse en matière de sécurité, sans tenir compte du fait qu'elle entraînerait également, pour l'économie, des conséquences qu'on ne doit pas sous-estimer.

Compte tenu de ce qui précède, l'initiative populaire doit être refusée. Un contreprojet n'entre pas en considération.

4464

Message 1

Considérations quant à la forme

1.1

Teneur

L'initiative a la teneur suivante: I La constitution fédérale est modifiée comme suit: Art. 17 1 La

Suisse n'a pas d'armée.

2 Il

est interdit à la Confédération, aux cantons, aux communes et aux particuliers d'entretenir des forces militaires armées. Les dispositions concernant la participation armée à des activités internationales en faveur de la paix à l'étranger sont réservées.

Elles seront obligatoirement soumises à une votation populaire. La participation de la Suisse avec des unités non armées n'est pas visée.

3 Les tâches civiles actuellement assurées par l'armée, comme l'aide en cas de catastrophe ou les services de sauvetage, sont prises en charge par les autorités civiles de la Confédération, des cantons et des communes.

Art. 18 La politique de sécurité de la Confédération vise à réduire les injustices qui causent des conflits, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Elle obéit aux principes de la démocratie, des droits de l'homme et de la gestion non violente des conflits. La Confédération encourage en particulier l'égalité des chances et des relations équitables entre les sexes, les groupes sociaux et les peuples, ainsi qu'une distribution des ressources naturelles équitable et respectueuse de l'environnement.

II Les art. 13, 15, deuxième phrase, 19 à 22, 34ter, al. 1, let. d, 42, let. c, 85, ch. 9, et 102, ch. 11, de la constitution fédérale sont abrogés.

III Les dispositions transitoires de la constitution fédérale sont complétées comme suit: Art. 24 (nouveau) 1 Après

l'acceptation par le peuple et les cantons des art. 17 et 18 de la constitution, il n'y aura plus d'écoles de recrues, de cours de répétition ni de cours d'instruction militaire.

4465

2 Les effectifs de l'armée seront dissous, ses appareils et ses installations affectés à un usage civil ou détruits dans un délai de dix ans.

3 La

Confédération encourage la reconversion des entreprises et des administrations touchées par le désarmement dans la production de biens et de services civils. Elle soutient les régions concernées et les personnes dont les emplois sont touchés.

1.2

Aboutissement

L'initiative populaire fédérale «pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée» a été déposée le 10 septembre 1999 par le «Groupe pour une Suisse sans armée» (GSsA). Par décision du 21 octobre 1999, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti avec 110 108 signatures valables (FF 1999 8136).

1.3

Délai de traitement

L'art. 29, al. 1, de la loi du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11) prévoit que le Conseil fédéral présente son message à l'Assemblée fédérale dans un délai d'un an à compter de son dépôt, en l'occurrence au plus tard le 9 septembre 2000.

L'Assemblée fédérale décide, dans un délai de 30 mois à compter du jour où l'initiative a été déposée, soit avant le 9 mars 2002, si elle approuve ou non l'initiative (art. 27, al. 1, LREC).

1.4

Validité

1.4.1

Unité de la forme

Les initiatives populaires tendant à la révision partielle de la Constitution peuvent revêtir la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé (art. 139, al. 2, Cst.). L'initiative «pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée» est présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces. L'unité de la forme est respectée.

1.4.2

Unité de la matière

Une initiative ne doit avoir qu'une seule matière pour objet. Le principe de l'unité de la matière est respecté lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différents points d'une initiative.

Le contenu de l'initiative est le suivant: ­

elle prévoit la suppression de l'armée;

­

les tâches civiles de l'armée, comme l'aide en cas de catastrophe ou les services de sauvetage, doivent être prises en charge par les autorités civiles;

4466

­

la participation armée de la Suisse à des activités internationales en faveur de la paix à l'étranger n'est pas interdite; de telles dispositions devront toutefois être soumises séparément à une votation populaire;

­

la politique de sécurité de la Confédération doit viser à réduire les injustices qui causent les conflits, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.

Les dispositions transitoires prévoient qu'après l'acceptation des art. 17 et 18 de la constitution, il n'y aura plus d'écoles ou de cours militaires, et que l'armée et les infrastructures militaires seront supprimées dans un délai de dix ans. Parallèlement, la Confédération serait tenue d'encourager la reconversion, et de soutenir les personnes dont les emplois sont touchés et les régions concernées.

Un rapport intrinsèque manifeste existe entre les différents points de l'initiative; la volonté du souverain peut se former librement, dans la mesure où celui qui adhère au principe de la proposition peut adhérer à toutes ses parties. Sont visées la suppression de l'armée et une orientation accrue de la politique de sécurité vers la gestion non-violente des conflits. La question de la participation armée éventuelle de la Suisse à des actions internationales en faveur de la paix reste ouverte. Cette proposition, qui devrait, le cas échéant, être soumise à un scrutin séparé, est également en relation étroite avec la politique de sécurité. L'unité de la matière, en tant que seconde condition formelle de la validité de l'initiative populaire, est ainsi respectée.

1.4.3

Autres conditions de validité

Outre l'unité de la forme et de la matière, la nouvelle Constitution fédérale mentionne à l'art. 194, al. 2, le respect des règles impératives du droit international comme condition de validité. Selon la pratique des autorités fédérales, l'applicabilité d'une disposition constitutionnelle est également exigée pour qu'une initiative populaire soit valable.

Les règles impératives du droit international ne sont pas touchées par l'initiative populaire. Son applicabilité est également établie, même s'il est possible de constater une certaine contradiction et une certaine incohérence dans le fait que, d'une part, elle interdit de manière générale d'entretenir des forces militaires armées ainsi que la tenue d'écoles militaires et de cours et que, d'autre part, elle réserve la participation armée à des activités internationales en faveur de la paix à l'étranger. Une telle participation ne peut avoir lieu sans la mise sur pied de formations à cet effet, qui devront par ailleurs être instruites de manière adéquate. Cette instruction contiendrait également des aspects militaires. Enfin, une participation armée impliquerait bien entendu le maintien d'un certain équipement. Cela met cependant en évidence que les auteurs de l'initiative doivent eux-mêmes admettre que la violence, qu'il faut en cas de nécessité contrer par les armes, est aujourd'hui encore un fait de société.

Toutefois, la réserve relative à une participation à des activités internationales en faveur de la paix à l'étranger peut être comprise comme portant également sur la mise sur pied de ces formations spéciales, ainsi que sur leur instruction et sur leur équipement. Ces deux points devraient, le cas échéant, figurer dans les dispositions qui devraient être obligatoirement soumises à une votation populaire. Ainsi interprétée, l'initiative populaire remplit les conditions de l'applicabilité.

L'initiative populaire est ainsi valable.

4467

1.5

Adaptations à la nouvelle Constitution fédérale

Les initiatives populaires qui se fondent encore sur la constitution de 1874 doivent être adaptées à la nouvelle Constitution fédérale quant à la forme. Le ch. III de l'arrêté fédéral du 18 décembre 1998 relatif à une mise à jour de la Constitution fédérale (RO 1999 2556; FF 1999 176) accorde à l'Assemblée fédérale la compétence de procéder à de telles adaptations.

Le texte de la présente initiative ne doit pas être modifié. Il faut cependant corriger la numérotation des articles. Dans le même temps, nous proposons d'intégrer les deux dispositions principales de l'initiative (art. 17 et 18 du texte) dans la section 2 «Sécurité, défense nationale, protection civile», en tant qu'art. 58 et 59 de la nouvelle Constitution fédérale. La systématique voudrait que la disposition concernant la politique de sécurité (art. 18 du texte de l'initiative) figure en premier lieu. Elle suivrait ainsi immédiatement l'art. 57 Cst., qui porte sur la sécurité extérieure et intérieure du pays. Comme l'art. 140 Cst. énumère des objets soumis au référendum obligatoire, les dispositions concernant une participation armée de la Suisse à des actions internationales en faveur de la paix doivent aussi y figurer. Enfin, les articles qui devraient être abrogés conformément au ch. II de l'initiative, devraient être modifiés. Les auteurs de l'initiative ont approuvé ces propositions de modifications.

Ils ont en outre proposé de modifier le titre de la section 2 de la Constitution («politique de paix et de sécurité, protection civile»).

2

Evaluation générale de l'initiative

L'art. 18 exprime des principes auxquels se réfèrent les auteurs de l'initiative pour définir leur vue d'ensemble de la politique de sécurité. Leur point de vue ne se limite pas à la gestion des crises et au soutien à la paix, mais inclut la démocratie, les droits de l'homme et la non-violence et fixe des objectifs généraux à la Confédération. Ceux-ci se situent bien au-delà de la politique de sécurité telle qu'elle est généralement comprise, et concernent tous les aspects de la politique, à l'intérieur comme sur le plan international. Ces objectifs débouchent sur une vision idéale et harmonieuse de la société: encouragement de l'égalité des chances et des relations équitables entre les sexes, les groupes sociaux et les peuples, ainsi qu'une distribution des ressources naturelles équitable et respectueuse de l'environnement.

Cette vision impliquerait que la politique de sécurité de la Suisse viserait l'établissement d'un monde meilleur, qui serait régi par la justice, la générosité et la paix. Toutefois, prétendre que cette politique de sécurité serait «plus crédible» que la politique de sécurité actuelle de la Suisse est discutable et pourrait même être perçu comme présomptueux. Notre politique de sécurité a tout de même fait ses preuves durant des décennies. La définition des objectifs de l'initiative se méprend en outre sur les possibilités d'influence et d'action de la Suisse. Une politique qui vise à rendre le monde meilleur est illusoire et ne garantit pas en soi la sécurité, d'autant plus qu'aucun des instruments proposés n'a abouti à des résultats tangibles.

Avec l'art. 17, qui précède cet article décrivant la vision générale d'une nouvelle politique de sécurité, les auteurs de l'initiative réduisent leurs exigences à la suppression de l'armée. Cela peut être considéré comme un premier pas sur la voie de la réalisation du programme exposé à l'art. 18. Il conviendrait en conséquence de vérifier dans quelle mesure une politique de sécurité telle qu'elle est définie par les 4468

auteurs de l'initiative serait réalisable sans armée. Dans la conception actuelle de la politique de sécurité de la Suisse, l'armée joue un rôle central et incontournable.

Cela correspond d'ailleurs à la conception qui a cours dans d'autres Etats. Aucun pays connaissant une situation comparable à la nôtre sur le plan de la politique de sécurité n'envisage de supprimer son armée. On peut en conclure que l'avis du Conseil fédéral, selon lequel un Etat qui ne se trouve pas dans une situation de menace immédiate ne doit pas pour autant abandonner l'armée, est largement partagé au niveau international.

3

Interprétation de l'initiative

3.1

Généralités

L'interprétation d'une initiative populaire doit se fonder sur le texte de l'initiative et non sur la volonté subjective des auteurs de l'initiative. Le cas échéant, l'exposé des raisons qui ont conduit au dépôt de l'initiative ou des déclarations des auteurs de l'initiative peuvent toutefois être pris en considération. De même, les circonstances qui sous-tendent le dépôt de l'initiative peuvent être prises en compte pour l'interprétation. L'interprétation du texte repose sur les règles usuelles en la matière.

3.2

Mandat de suppression de l'armée

Conformément à la volonté des auteurs de l'initiative, l'armée devrait être supprimée, et l'entretien de forces militaires armées de quelque sorte que ce soit interdit autant à la Confédération qu'aux cantons, aux communes et aux particuliers.

Ainsi, plus aucune instruction militaire ne serait donnée dès l'acceptation des dispositions constitutionnelles. La dissolution des effectifs de l'armée devrait être effectuée dans un délai de dix ans. Par ailleurs, les appareils et les installations de l'armée devraient être détruits ou affectés à un usage civil dans le même délai de dix ans à compter de l'acceptation des dispositions constitutionnelles.

Seule ne serait pas interdite la participation armée à des activités internationales en faveur de la paix; le peuple devrait cependant se prononcer au préalable sur sa réglementation.

Quant aux formations non armées avec lesquelles la Suisse pourrait continuer à participer à des activités internationales en faveur de la paix, il ne s'agirait bien entendu plus de formations de l'armée, mais de formations civiles, telles que le Corps suisse d'aide en cas de catastrophes ou des formations de policiers civils. De tels engagements pourraient également, le cas échéant, être fournis dans le cadre du service civil pour la paix, tel qu'il est prévu par l'initiative «La solidarité crée la sécurité: pour un service civil volontaire pour la paix (SCP)», déposée parallèlement.

4469

3.3

Termes sujets à interprétation

3.3.1

«Participation armée à des activités internationales en faveur de la paix» (art. 17, al. 2)

Comme cela a déjà été mentionné plus haut, l'initiative populaire elle-même ne prévoit pas de réglementation concrète en ce qui concerne une participation armée à des engagements internationaux en faveur de la paix. Elle n'exclut par contre pas qu'à l'avenir, une telle participation puisse être envisagée. Cette participation devrait dans ce cas être régie par une réglementation nouvelle, qui devrait au préalable être soumise à une votation populaire.

L'interprétation détaillée de ce qu'il faut entendre par «participation armée à des activités internationales en faveur de la paix» ne serait par conséquent effectuée que dans le cadre des réglementations y relatives. Le nombre des personnes nécessaires, le genre des formations, leur formation, leur matériel et leur armement, serait défini dans ces dispositions, en fonction du type des activités internationales en faveur de la paix auxquelles la Suisse participerait de manière armée.

3.3.2

«Autorités civiles de la Confédération, des cantons et des communes» (art. 17, al. 3.)

Avec la suppression de l'armée, les autorités militaires n'auraient plus leur raison d'être, que ce soit au niveau de la Confédération, des cantons ou des communes. Par conséquent, les tâches de l'armée qui ne sont pas de nature militaire, comme l'aide en cas de catastrophe ou les services de sauvetage, devraient être entièrement prises en charge par les autorités civiles.

Au niveau de la Confédération, ces autorités civiles sont essentiellement le Département fédéral des affaires étrangères (en particulier la Division Aide humanitaire et Corps suisse d'aide en cas de catastrophe), et au niveau des cantons et des communes la protection civile et les pompiers. Ces institutions sont déjà responsables de la protection en cas de catastrophe et de sauvetage; dans ces domaines, l'armée n'est engagée que subsidiairement. Les moyens et les possibilités des institutions civiles devraient être augmentés et éventuellement renforcés par le transfert de certains moyens de l'armée, conformément à l'art. 24 des dispositions transitoires.

3.3.3

«Injustices qui causent des conflits» (art. 18)

Cette notion désigne les problèmes qui, de l'avis des auteurs de l'initiative sont essentiels et demandent une nouvelle approche politique. Les auteurs de l'initiative estiment que les principes actuels en matière de politique de sécurité ne fournissent pas de réponse à ces problèmes.

Les «injustices qui causent des conflits» concernent en premier lieu le domaine social et écologique, à savoir les acquis sociaux, qui auraient garanti à la Suisse la prospérité et la stabilité durant des décennies, et seraient actuellement menacés; la question de l'intégration européenne, qui menacerait la cohésion du pays; la violence dans l'environnement social proche ainsi que le trafic et la consommation d'énergie qui vont croissant, avec les problèmes écologiques qui en résultent.

4470

Les auteurs de l'initiative mentionnent également un accroissement des antagonismes sociaux au niveau mondial, des conflits provoqués par des marchés financiers libres de tout contrôle ainsi que la destruction de l'environnement, qui déclenche la fuite de millions de personnes.

Selon les auteurs de l'initiative, tous ces problèmes débouchent sur une instabilité politique et sociale à laquelle il n'est pas possible de remédier par des moyens militaires. Les auteurs de l'initiative exigent par conséquent avant tout une politique de sécurité qui repose sur la gestion non violente des conflits. Elle vise en premier lieu à supprimer les injustices qui causent des conflits, en encourageant l'égalité des chances et les relations équitables entre les sexes, les groupes sociaux et les peuples et en redistribuant les ressources naturelles de manière équitable et respectueuse de l'environnement.

3.3.4

«Usage civil» d'appareils et d'installations de l'armée (art. 24, al. 2)

L'al. 2 de l'art. 24 prévoit que les appareils et les installations militaires seront affectés à un usage civil ou détruits après la suppression de l'armée. Ils pourraient être affectés à des institutions civiles, par exemple à l'aide en cas de catastrophe ou aux services de sauvetage. Il est prévu d'affecter à un usage civil tout ce qui pourrait s'y prêter; les autres appareils et installations devraient être détruits.

3.3.5

«Reconversion ... dans la production de biens et de services civils» (art. 24, al. 3)

Il est avant tout question, à l'al. 3 de l'art. 24, d'offrir des postes équivalents aux personnes qui perdraient leur emploi en raison de la suppression de l'armée. A cet égard, les auteurs de l'initiative font avant tout état de deux possibilités: D'une part, l'affectation à un usage civil ou l'élimination respectueuse de l'environnement du matériel, des armes, des véhicules, des ouvrages militaires, etc.

ainsi que la réparation des dommages causés par l'armée à l'environnement et la transformation des terrains à usage précédemment militaire devraient permettre de créer de nouvelles tâches.

D'autre part, la Confédération devrait créer des emplois civils en consacrant une partie des économies réalisées sur les dépenses militaires à des programmes d'investissements et à des mesures de reconversion destinés aux exploitations touchées. Les auteurs de l'initiative citent, à titre d'exemple, la possibilité pour les entreprises d'armement de se spécialiser dans l'élimination des réfrigérateurs, la production de disques d'embrayage pour automobiles, la fabrication de composants pour Airbus ou le recyclage de batteries. Il s'agit en l'occurrence d'exemples qui correspondent en partie à ce que la RUAG Suisse SA fait déjà pour faire face à la diminution des besoins en matière d'armement.

4471

3.4

Conséquences juridiques de l'initiative

L'acceptation de l'initiative conduirait à la dissolution totale des effectifs de l'armée et à l'affection de ses appareils et installations à un usage civil, voir à leur destruction dans les dix ans suivant l'acceptation des dispositions constitutionnelles.

L'obligation de servir et par conséquent le service civil de remplacement deviendraient caducs.

Les dispositions constitutionnelles proposées s'adressent à la Confédération ellemême, et leur portée juridique est suffisamment claire. En cas d'acceptation, les dispositions relatives à l'interdiction d'entretenir des forces militaires armées seraient directement applicables. Une législation d'exécution serait par contre nécessaire en ce qui concerne la participation armée à des activités internationales en faveur de la paix, le transfert aux autorités civiles des tâches assumées auparavant par l'armée ainsi qu'en ce qui concerne les mesures de reconversion et de restructuration. En outre, les bases légales qui concernent exclusivement le domaine militaire, ainsi que celles qui leur sont objectivement liées, devraient être abrogées (loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire, loi sur le service civil, loi fédérale sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir, etc.).

4

Le rôle de l'armée dans la politique de sécurité de la Suisse

Le 7 juin 1999, le Conseil fédéral a approuvé le nouveau rapport sur la politique de sécurité de la Suisse (RAPOLSEC 2000) et l'a transmis au Parlement (FF 1999 6903). Ce rapport expose de manière complète la politique de sécurité de la Suisse et le rôle qu'y joue l'armée. L'Assemblée fédérale en a pris favorablement acte (Conseil national: 10 décembre 1999; Conseil des Etats: 21 mars 2000).

4.1

Intérêts et buts de la politique de sécurité de la Suisse

Selon l'art. 2 de la Constitution fédérale, la Confédération suisse protège la liberté et les droits du peuple et elle assure l'indépendance et la sécurité du pays. Elle favorise la prospérité commune, le développement durable, la cohésion interne et la diversité culturelle du pays. Elle veille à garantir entre les citoyennes et citoyens une égalité des chances aussi grande que possible. Elle s'engage en faveur de la conservation durable des bases d'existence naturelles et en faveur d'un ordre international juste et pacifique.

Nos propres intérêts sont déterminants pour l'orientation et la conception de la politique de sécurité de la Suisse. Il s'agit de garantir les valeurs démocratiques et la paix en Europe ainsi que la stabilité dans l'environnement qui représente une importance stratégique pour notre pays, d'éviter autant que possible le recours à la violence de part et d'autre de nos frontières, de sauvegarder les conditions d'existence de la population, en assurant le fonctionnement des systèmes vitaux à l'intérieur du pays, en Europe et dans le monde.

Ces intérêts et le mandat constitutionnel se traduisent, en matière de politique de sécurité, par les objectifs suivants:

4472

Nous voulons pouvoir décider librement de nos propres affaires à l'intérieur du pays comme à l'égard de l'étranger, sans en être empêchés par la menace ou le recours à la violence directe ou indirecte.

Nous voulons assurer, en situation normale, une indépendance et une liberté d'action aussi larges que possibles, par des moyens politiques. Les engagements internationaux que nous prenons librement sont tout à fait admissibles si, après une évaluation approfondie et démocratique, nous acquérons la conviction qu'ils servent les intérêts du peuple et de l'Etat. Cependant, il est exclu que nous abandonnions notre droit de décider nous-mêmes de nos propres affaires sous l'exercice d'une pression ou d'une contrainte. Si la Suisse ou ses institutions démocratiques sont directement ou indirectement menacées ou victimes de violence, nous défendrons l'intégrité de notre territoire et nos autres intérêts politiques par tous les moyens dont nous disposons.

Nous voulons préserver et protéger notre population et ses conditions d'existence contre les dangers existentiels.

D'une part, il s'agit de préserver la population d'une importante détresse, due notamment à des catastrophes naturelles ou anthropiques, et de lui garantir aide et assistance en pareilles situations. D'autre part, les conditions d'existence de la population doivent être protégées à long terme. Il s'agit de l'approvisionnement en denrées alimentaires, en énergie et en matières premières, du bon fonctionnement d'une économie vouée au bien-être de toute la population, de l'accès sans discrimination aux marchés internationaux, ainsi que d'une infrastructure et d'un environnement nationaux et transfrontaliers intacts. La conservation et la protection de ces conditions d'existence relèvent essentiellement d'autres domaines politiques (p. ex.

politiques économique, sociale, de l'environnement, des transports, de l'énergie et des communications); elles ne relèvent pas de la politique de sécurité.

Nous voulons contribuer à la stabilité et à la paix au-delà de nos frontières et souhaitons contribuer à l'établissement d'une communauté internationale de valeurs démocratiques, dans la perspective de réduire le risque que la Suisse et sa population soient touchées par les conséquences de l'instabilité et d'une guerre à l'étranger. Simultanément, nous
exprimons notre solidarité intern ationale.

La stabilité et la paix sont assurées lorsque les valeurs et les institutions que la Suisse défend sont également reconnues sur le plan international. Il en est de même si les structures et les institutions que défend la Suisse sont déterminantes pour tous les Etats. Celles-ci comprennent la démocratie et le principe de l'Etat de droit, le respect des droits de l'homme et des droits des minorités, ainsi qu'un ordre économique équitable et source de prospérité. La promotion de ces valeurs, de ces structures et de ces institutions, le soutien des efforts en vue de trouver des solutions efficaces aux conflits en cas de menaces imminentes de la stabilité et de la paix doivent, par conséquent, être notre objectif. Notre intérêt légitime et notre solidarité internationale doivent déterminer notre engagement en faveur de la paix internationale.

4.2

Importance des menaces militaires et des risques

Avec la fin de la guerre froide, la menace militaire conventionnelle impliquant des retombées pour la Suisse s'est considérablement réduite. A long terme, toutefois, elle ne peut être ignorée. Il faut également tenir compte de l'existence d'armes de destruction massive, prêtes à être engagées. Des conflits armés régionaux et locaux, 4473

présentant un risque d'escalade, ont éclaté. Parallèlement, la prolifération des armes de destruction massive et des systèmes balistiques se poursuit. Les risques non militaires sont devenus plus importants: le crime organisé et la mafia de la drogue se développent. Le terrorisme et l'extrémisme violent sont des menaces permanentes.

Les violations des droits de l'homme, les fractures sociales, la pénurie des ressources et les atteintes à l'environnement engendrent des tendances migratoires et des flux de réfugiés. La vulnérabilité de la société moderne croît régulièrement. La politique de sécurité doit tenir compte de cette évolution, mais elle ne peut pas non plus ignorer les risques de nature militaire, qui sont toujours d'actualité. Pour les maîtriser, la Suisse a besoin, au nombre de ses instruments de politique de sécurité, d'une armée.

4.3

La mission de politique de sécurité de l'armée

La mission de l'armée comprend des contributions à la promotion internationale de la paix et à la gestion des crises, l'engagement de sûreté sectoriel et la défense, ainsi que les engagements subsidiaires destinés à la prévention et à la maîtrise des dangers menaçant les conditions d'existence. Ces trois missions spécifiques sont d'une importance essentielle pour la sécurité de la Suisse.

En offrant une participation judicieuse aux efforts internationaux visant la promotion de la paix et la gestion des crises, l'armée devient un instrument essentiel de la défense étendue des intérêts de la Suisse et de la solidarité dans le contexte stratégique déterminant pour notre sécurité. Ces efforts comprennent l'envoi de personnel militaire et de contingents de troupe destinés à la stabilisation et à la gestion internationale des crises dans le cadre de mandats légitimés par le droit international, ainsi que la préparation à de tels engagements avec d'autres forces armées sous une forme multinationale ou bilatérale. Il a toujours été souligné qu'il ne pouvait être question d'une participation à des opérations d'imposition de la paix. Notre participation n'est envisageable que dans le cadre du droit de la neutralité et de la politique de neutralité de la Suisse.

La mission de l'armée relative à l'engagement de sûreté sectoriel et la défense consiste à protéger le peuple et l'Etat contre une utilisation de la violence de portée stratégique. Au niveau infraguerrier déjà, l'armée protège des secteurs et des installations d'importance stratégique et contribue ainsi à la sécurité et à la stabilité à l'intérieur du pays et dans notre environnement. Si la Suisse est menacée militairement, l'armée défend la population, le territoire et l'espace aérien, et procure au gouvernement un maximum de liberté de manoeuvre.

La contribution de l'armée à la prévention et à la maîtrise des dangers menaçant les conditions d'existence consiste à collaborer lors de l'aide en cas de catastrophe, d'engagements d'appui (p. ex. l'assistance dans le domaine des réfugiés) et d'engagements de sûreté (p. ex. la protection d'ouvrages, l'aide en faveur de la police ou du Corps des gardes-frontière). Dans tous ces cas, les moyens appropriés de l'armée sont engagés à titre subsidiaire, la responsabilité de l'engagement incombant aux autorités
civiles, et en premier lieu dans les cas où les moyens civils en personnel, en matériel ou en temps ne suffisent pas ou en présence d'une tâche particulièrement importante (tâche d'importance nationale).

4474

Cette triple mission exige de l'armée qu'elle passe de la stratégie de la dissuasion par la capacité de défense et la résistance, à une stratégie de coopération à plusieurs composantes. Cette mission doit être remplie d'une part, dans le cadre des instruments internes de politique de sécurité et, d'autre part, en renforçant réciproquement les dispositifs de sécurité avec les Etats partenaires et les efforts de stabilisation entrepris dans le contexte stratégique commun. C'est pourquoi l'armée doit développer sa multifonctionnalité et être conçue de manière à pouvoir maîtriser plusieurs missions de nature différente.

En ce qui concerne la mission de promotion de la paix et de la gestion des crises, l'armée doit être en mesure d'engager dans une zone de crise, principalement en Europe et en coopération avec d'autres forces armées, des formations organisées de façon modulaire, après une brève préparation et pour une longue durée. A cet effet, l'armée va développer de manière soutenue, au cours de ces prochaines années, sa capacité à coopération internationale dans le domaine de la sécurité et promouvoir son interopérabilité. Par l'adaptation de son organisation, de ses structures, de son équipement et de son instruction, elle doit acquérir et renforcer sa capacité de collaborer sur le plan multinational.

Du point de vue de sa mission d'engagement de sûreté sectoriel et de défense, l'armée doit être en mesure, après une brève préparation, d'effectuer simultanément plusieurs engagements de sûreté sectoriels (p. ex. le contrôle et la protection de l'espace aérien, la sûreté d'importants secteurs de frontière, la protection de secteurs clés, la garantie d'accessibilité aux transversales, ainsi que la protection des installations d'alarme, de protection et de commandement). En outre, l'armée maintient sa capacité à contrer des attaques militaires.

Afin d'être en mesure de contribuer à la prévention et à la maîtrise des dangers menaçant les conditions d'existence, l'armée doit pouvoir, après une brève préparation, effectuer simultanément plusieurs engagements subsidiaires de longue durée.

Dans des engagements effectués sous la responsabilité des autorités civiles, elle doit garantir la capacité de fonctionnement des autorités politiques, assurer la sécurité des secteurs, des localités et des installations
importantes, protéger la population contre des actes de violence intense et fournir une aide en cas de catastrophe ou d'autres situations de nécessité.

Ce besoin de multifonctionnalité et de flexibilité exige des troupes une disponibilité élevée ainsi que du matériel et une instruction modernes.

5

Effets d'une acceptation de l'initiative

5.1

Sur la politique de sécurité

Le RAPOLSEC 2000 montre que, malgré les modifications fondamentales de l'environnement stratégique de la Suisse, l'armée a toujours des missions importantes à remplir: La mission de défense de l'armée a certes fait l'objet d'une nouvelle pondération, mais n'est pas pour autant devenue caduque. Les deux autres missions, soit la promotion de la paix et la gestion des crises, ainsi que la prévention et la maîtrise des dangers menaçant les conditions d'existence, ont actuellement une importance prépondérante en raison de leur plus grande probabilité. L'armée a démontré qu'elle pouvait s'adapter à un nouveau contexte et à de nouveaux défis sur le plan de la 4475

politique de sécurité. Cela a été le cas avec la réforme Armée 95, à la fin de la guerre froide. Actuellement, la réforme Armée XXI vise à répondre à une menace qui a encore évolué. L'acceptation de l'initiative entraînerait par conséquent une modification radicale de l'ensemble de la conception de la nouvelle politique de sécurité de la Suisse. Celle-ci se verrait privée d'un instrument capital. La Suisse renoncerait non seulement à sa capacité de défense militaire, mais limiterait énormément sa capacité de contribuer au soutien international à la paix.

Dans ce dernier domaine (soutien à la paix et gestion des crises), l'initiative prévoit certes la possibilité d'une participation armée à des actions internationales en faveur de la paix, sans préciser toutefois la forme et les moyens de cette participation. Ces questions ne pourraient être réglées qu'après l'acceptation de l'initiative. Comme l'instruction devrait être interrompue, que les effectifs et le matériel devraient être réduits immédiatement après l'acceptation de l'initiative et que les réglementations relatives au soutien à la paix ne pourraient être édictées qu'ultérieurement, la Suisse ne serait plus en mesure d'assumer cette mission, dans un premier temps. En effet, les autres moyens de le faire devraient d'abord être créés. Par ailleurs, il est internationalement reconnu que l'aptitude au soutien à la paix armé repose sur les capacités militaires générales d'une armée. L'abandon d'une armée chargée d'assurer la défense aurait par conséquent aussi des conséquences négatives pour le soutien à la paix.

En ce qui concerne le domaine des engagements de sûreté sectoriels et la défense, il est indéniable qu'en plus des conflits militaires, il existe des dangers et des menaces d'une autre nature, dont la dimension représente, à certains points de vue, un défi pour toute la communauté internationale. Le nouveau rapport sur la politique de sécurité tient également compte de ces aspects. Il serait par contre irresponsable de prétendre que le danger d'une attaque militaire est aujourd'hui définitivement écarté.

Personne n'est en mesure de prédire de manière fiable quelle sera l'évolution de la situation sur le plan de la politique de sécurité dans les quinze ou vingt prochaines années. En cas d'acceptation de l'initiative, il faudrait par
conséquent envisager la possibilité de se protéger des dangers de nature militaire par l'adhésion à une alliance militaire (sachant que la position de la Suisse dans les négociations d'adhésion serait faible, dans la mesure où elle ne fournirait pas de forces armées à l'alliance). Cela déboucherait inéluctablement sur un état de dépendance et impliquerait l'abandon de la neutralité. Cependant, indépendamment d'une telle adhésion, le statut de neutralité permanente de la Suisse serait de toute manière quasiment impossible à maintenir dans les faits en cas d'acceptation de l'initiative. Dans son message du 25 mai 1988 sur la première initiative proposant la suppression de l'armée (FF 1988 II 946, 956 ss), le Conseil fédéral a déjà largement exposé qu'en cas de suppression de l'armée, la Suisse ne serait plus en mesure de répondre au devoir que lui assigne le droit international en tant que neutre, à savoir préparer les moyens militaires nécessaires et qu'elle peut raisonnablement assumer pour assurer son autodéfense.

Enfin, dans le domaine de la prévention et de la maîtrise des dangers menaçant les conditions d'existence, l'armée représente un partenaire précieux dans la coopération avec les autorités civiles, tant dans le pays qu'à l'étranger. Les moyens et l'infrastructure dont l'armée a besoin pour ses deux premières missions peuvent également être judicieusement utilisés dans cette perspective, notamment pour l'aide en cas de catastrophe (soins médicaux, protection ABC, approvisionnement en biens

4476

de première nécessité, transports, transmissions, matériel de sauvetage, alerte et alarme, services météorologiques et d'avalanche, services vétérinaires).

En cas d'acceptation de l'initiative, la capacité de la Suisse à maîtriser les catastrophes serait très affaiblie, en tout cas jusqu'à la mise sur pied de corps de sauvetage professionnels d'une grande ampleur, prêts à être engagés en permanence.

5.2

Sur l'économie publique

Les effets sur l'économie publique ne constituent pas l'un des aspects essentiels de la présente initiative. La discussion porte principalement sur le développement d'une autre politique de sécurité et non sur les coûts de l'armée ou sur les économies que sa suppression induirait. Il est toutefois évident que cette suppression aurait des conséquences très importantes pour l'économie publique; mais à l'heure actuelle, il est difficile de les chiffrer. L'acceptation de l'initiative entraînerait la disparition d'un grand nombre d'emplois, en premier lieu au niveau de la Confédération, mais aussi dans les cantons. Une partie seulement des personnes touchées serait susceptible de retrouver facilement du travail dans l'économie privée. Cela vaut également pour de larges pans de l'économie du pays qui bénéficient des mandats de l'armée, notamment dans l'industrie de l'armement (RUAG). Le redéploiement de la production vers les biens et services civils ne suffirait pas non plus à éviter une diminution considérable des emplois.

A cela s'ajoute que certaines régions de montagne, des régions périphériques économiquement faibles ainsi que des segments de la population désavantagés seraient directement touchés par une suppression de l'armée. Les dépenses générées par le cantonnement de troupes ont également de l'importance pour la population locale ainsi que pour le commerce et l'artisanat.

Certes, l'économie ne devrait plus supporter les coûts indirects du système de milice. Par contre, la suppression de l'armée se traduirait, durant une phase de transition relativement longue, par des plans sociaux dont le coût n'est pas calculable.

Cela représenterait en outre de fortes dépenses pour l'assurance-chômage.

L'acceptation de l'initiative aurait des conséquences importantes non seulement au plan du personnel, mais également à celui du matériel. Il est d'ores et déjà évident que les véhicules, les appareils et les installations de l'armée ne sont pas tous adaptés à un usage civil. Une partie de ce matériel pourrait être vendue. Une partie bien plus importante encore devrait toutefois être éliminée, comme le soulignent d'ailleurs les auteurs de l'initiative. Les recettes des ventes devraient par conséquent être affectées à la liquidation des munitions et du matériel qui sont pour la plupart invendables.

Enfin,
il ne faut pas sous-estimer le fait que la production et l'entretien d'un matériel d'armement complexe est aussi un savoir-faire susceptible d'être mis à contribution, du point de vue des matériels et des processus, dans la production de biens civils.

En résumé, le transfert des moyens financiers à de nouvelles priorités en matière de politique de sécurité n'est pas réalisable dans la mesure envisagée.

4477

6

Appréciation de l'initiative

6.1

Précédents

Au cours des 50 dernières années, de nombreuses initiatives visant à réduire considérablement les dépenses militaires ou à affaiblir directement ou indirectement de l'armée suisse ont été déposées telles que les initiatives Chevallier du 2 décembre 1954 «pour la réduction temporaire des dépenses militaires (trêve de l'armement)», et du 17 octobre 1956 «pour la limitation des dépenses militaires», l'initiative du 1er juin 1992 «pour une suisse sans nouveaux avions de combat», l'initiative du 24 septembre 1992 «pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix», l'initiative du 26 mars 1997 «Economiser dans l'armée et la défense générale ­ pour davantage de paix et d'emplois d'avenir» (initiative en faveur d'une redistribution des dépenses). Le 12 septembre 1986, était déposée l'initiative populaire «pour une Suisse sans armée et une politique globale de paix»: c'était la première initiative à exiger la suppression de l'armée, et sa formulation était très semblable à celle de la présente initiative.

6.2

Conclusions

L'acceptation de la présente initiative affaiblirait la Suisse face aux risques militaires qui subsistent, même s'ils sont moindres que par le passé. En outre, la capacité de la Suisse à participer de manière efficace à des activités de soutien à la paix serait diminuée.

Pour la Suisse, la suppression de l'armée aurait dans tous les cas des conséquences graves. D'une part elle se traduirait par un plus grand isolement sur le plan international, dans la mesure où la coopération internationale ne serait plus possible dans de nombreux domaines importants du point de vue de la politique de sécurité, ou serait restreinte. D'autre part nous serions contraints d'envisager l'éventualité d'une adhésion à une alliance militaire afin de nous protéger des risques conventionnels comme des nouveaux dangers. Sans forces armées propres, cela équivaudrait immanquablement à nous placer dans une situation de dépendance politique et à abandonner la neutralité. Les objectifs en matière de politique de sécurité que voudraient fixer les auteurs de l'initiative sont pour la plupart déjà pris en compte dans la politique actuelle. On peut aussi évoquer ici les économies réalisées ces dernières années sur le plan de la défense nationale. La suppression de l'armée ne répond cependant pas aux problèmes qui subsistent; elle ne contribue pas, en soi, à éliminer les injustices qui causent les conflits. Au contraire, un Etat indépendant, autonome, doté de structures solides, est mieux placé pour agir contre les injustices et peut, en tant que partenaire à plein titre, lutter beaucoup plus efficacement contre ces inégalités, dans le cadre de la coopération internationale.

Le peuple et les cantons sont invités à évaluer consciencieusement la gravité des conséquences qui découleraient d'une acceptation de l'initiative: l'inscription dans la Constitution de l'abandon de notre propre armée ne se limiterait pas à priver la Suisse de sa défense, à affaiblir son rôle constructif dans la promotion internationale de la paix, et à créer d'importants problèmes économiques; elle ébranlerait aussi notre crédibilité en tant qu'Etat neutre, indépendant et stable.

4478