00.041 Message concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire (Infractions contre l'intégrité sexuelle; prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants et interdiction de la possession de pornographie dure) du 10 mai 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre par le présent message, en vous proposant de les approuver, les projets de modification du code pénal suisse et du code pénal militaire concernant les infractions contre l'intégrité sexuelle (prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants et interdiction de la possession de pornographie dure).

Nous vous demandons en outre de classer les interventions parlementaires suivantes: 1996

P

96.3004

Prescription pour tous les abus sexuels commis sur des enfants (N 03.10.96, Commission des affaires juridiques CN (CAJ-CN); E 12.12.96)

1997

M

96.3650

Punissabilité du détenteur d'objets et de représentations pornographiques prohibés (CE 10.03.97, Béguin; CN 17.12.97)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

10 mai 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-0155

2769

Condensé L'émotion suscitée par certains cas d'abus sexuels commis envers des enfants tant en Suisse qu'à l'étranger et la prise de conscience croissante de la problématique du tourisme sexuel ont contribué à ce que les thèmes que sont les infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants et la possession de pornographie enfantine gagnent beaucoup en importance. La présente révision constitue une mesure visant à améliorer la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle.

Afin d'assurer une approche politique nuancée, le Conseil fédéral vous soumet un message portant sur deux projets législatifs.

Aux termes du projet A, le délai de prescription pour les infractions graves contre l'intégrité sexuelle d'enfants de moins de 16 ans ne doit commencer à courir qu'à partir du jour où ils atteignent leur majorité; aujourd'hui, l'infraction est prescrite dix ans après avoir été commise. Depuis l'entrée en vigueur en 1992 du droit pénal en matière sexuelle, le public a pris peu à peu conscience du fait que de nombreuses victimes d'exploitation sexuelle n'étaient en mesure de porter plainte que des années après avoir été agressées. Si l'on considère que les enfants refoulent souvent les actes d'ordre sexuel auxquels ils ont été contraints ou les taisent pendant longtemps en raison des menaces dont ils sont l'objet de la part de l'auteur, le délai de prescription actuel, qui est de dix ans, paraît parfois trop court. La présente modification de la prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants doit remédier à cette situation.

Une modification analogue est également proposée pour l'inceste (art. 213 CP). A la base du court délai de prescription de deux ans en vigueur pour l'inceste, il y a l'idée que les affaires qui ne concernent que la famille ne doivent pas être portées sur la place publique par le biais d'une procédure pénale lorsqu'elles remontent à un certain temps. Toutefois, dans la plupart des cas, il est vrai que l'inceste demeure secret parce que la victime craint, en révélant les faits de faire éclater la famille.

L'auteur peut profiter durant des années du conflit intérieur auquel sa victime est confrontée et il peut ainsi espérer qu'elle se taira. Le Conseil fédéral propose donc de biffer le délai de prescription spécial de deux ans appliqué à l'inceste au
profit du délai ordinaire de cinq ans. La suspension du délai de prescription jusqu'à la majorité de l'enfant victime d'un inceste doit lui permettre de rompre son silence même longtemps après la survenance des faits.

Le projet B permet de punir aussi celui qui a acquis de la pornographie dure ou qui en dispose. Les nouveaux moyens de communication électroniques apparus au cours de ces dernières années, en particulier Internet, ont élargi les canaux de diffusion de la pornographie dure comme de toutes les autres données. Comme l'augmentation de la consommation de pornographie enfantine encourage la création de tels produits, il apparaît que la répression de la possession de pornographie enfantine est indiquée. Sous l'impulsion de diverses recommandations internationales, la plupart des Etats industriels occidentaux ont d'ores et déjà pénalisé la possession de pornographie enfantine, prenant ainsi en compte la coresponsabilité des consommateurs de tels produits. Toutefois, la possession de pornographie dure ne doit être réprimée que dans les cas les plus graves, lorsqu'elle implique des

2770

enfants et des représentations de comportements sexuels empreints de violence. Une modification analogue est aussi proposée pour l'art. 135 CP (représentation de la violence).

Enfin, le Conseil fédéral vous propose ­ comme il l'a déjà fait pour d'autres révisions du code pénal ­ une modification analogue du code pénal militaire.

2771

Message 1

Partie générale

1.1

Situation initiale

1.1.1

Révision de 1991 du droit pénal en matière sexuelle

1.1.1.1

Introduction

Avec la loi fédérale concernant la révision partielle du code pénal suisse (CP) et du code pénal militaire (CPM), que les Chambres fédérales ont adoptée le 21 juin 1991, les dispositions sur les infractions contre les moeurs, regroupées sous le nouveau titre de «Infractions contre l'intégrité sexuelle», ont été soumises à une révision totale (CP, Titre cinquième, et CPM, Chapitre douzième) 1.

Un référendum ayant été déposé contre cette loi fédérale, l'objet a été soumis au peuple, qui, le 17 mai 1992, à une nette majorité (73,1 % de oui), a approuvé les modifications du CP et du CPM concernant les infractions contre les moeurs. Le nouveau droit pénal en matière sexuelle est entré en vigueur le 1 er octobre 1992 2.

La révision avait pour but d'adapter les dispositions légales à l'évolution de la société. Le comportement sexuel ne devrait être déclaré punissable que: ­

lorsqu'il lèse ou pourrait léser une autre personne,

­

lorsqu'une personne, incapable de se déterminer librement, est impliquée dans des activités d'ordre sexuel dont elle ne peut apprécier la portée, ou

­

lorsque le comportement aboutit à contraindre quelqu'un à subir des actes ou des représentations d'actes d'ordre sexuel3.

1.1.1.2

Prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants

Un des objectifs du nouveau droit pénal en matière sexuelle était de faire une distinction entre les infractions d'ordre sexuel commises sans faire usage de violence ou de contrainte envers des enfants de moins de 16 ans, qui tombent maintenant sous le coup de l'art. 187 CP, et les infractions faisant appel à des moyens de contrainte ou profitant du rapport de dépendance liant l'auteur et sa victime, qui tombent en outre sous le coup des art. 189 à 193 CP. Selon le législateur, l'art. 187 CP doit protéger uniquement le développement sexuel paisible de l'enfant et non pas en plus l'autodétermination de l'enfant. Eu égard à la durée du délai de prescription, il est parti de l'idée qu'un enfant, au bout de cinq ans, est en général en mesure de digérer de tels actes d'ordre sexuel. Il a estimé que, au-delà de cette période, la mise en route d'une procédure pénale constituait pour la victime une atteinte plus grave à sa personnalité que l'infraction elle-même. Compte tenu de ces éléments, le législateur a prévu un délai de prescription de cinq ans pour de telles infractions; ce faisant, il a pris en 1 2 3

FF 1985 II 1021 FF 1992 V 443; RO 1992 1670 FF 1985 II 1079 ss

2772

compte le fait que plus le temps passe, plus il est difficile de produire des preuves de nature à fonder une condamnation 4.

1.1.1.3

Punissabilité de la pornographie

Dans le cadre de la révision, la punissabilité de l'infraction prévue à l'ancien art. 204 CP «Publications obscènes» a été réglée à l'art. 197 CP (Pornographie). Cette révision se fondait sur les éléments suivants: ­

Les enfants de moins de 16 ans sont protégés de toute confrontation avec la pornographie (art. 197, ch. 1, CP).

­

L'exposition d'objets et les représentations publiques sont interdites et punissables (art. 197, ch. 2, al. 1, CP).

­

Une exception doit être faite pour la projection de films dans des locaux fermés et dont les spectateurs ont été rendus attentifs au contenu pornographique (art. 197, ch. 2, al. 2, CP)

­

La fabrication et l'exploitation de pornographie dure demeure interdite même pour des adultes (art. 197, ch. 3, CP). Les représentations de la violence qui portent atteinte à la dignité humaine au sens de l'art. 135 CP, entré en vigueur le 1er janvier 1991, sont soumises à la même réglementation.

L'interdiction de la pornographie dure sert au premier chef la protection de la jeunesse, mais elle protège aussi les adultes5. A l'appui de cette interdiction, il a été relevé que de telles représentations augmentent le risque que de tels actes soient imités et peuvent perturber le développement psychique et l'orientation sociale d'enfants et d'adolescents.

On peut parler de pornographie dure lorsque celle-ci met en scène au moins un des éléments suivants: ­

des enfants,

­

des animaux,

­

des excréments humains,

­

des actes de violence.

La loi prohibe les comportements suivants: fabriquer, importer, prendre en dépôt, mettre en circulation, promouvoir, exposer, offrir, montrer, rendre accessible ou mettre à la disposition. En revanche, la possession de pornographie dure n'est pas mentionnée. Comme, lors des délibérations au Parlement concernant l'art. 135 (représentation de la violence), dont la formulation est analogue, il a été expressément relevé que la possession sans intention de diffuser ne constituait pas une «prise en dépôt»,6 la doctrine dominante estime que l'acquisition et la possession de pornographie dure pour sa propre consommation n'est pas punissable 7.

4 5 6 7

Cf. à ce sujet BO 1987 E 385; BO 1990 N 2328 s. et BO 1991 E 82 FF 1985 II 1108 BO 1989 E 296, 299 Stefan Trechsel, Kurzkommentar zum schweizerischen Strafgesetzbuch, 2e édition 1997, p. 738 N 14, avec indications.

2773

1.1.2

Tentatives de réforme

1.1.2.1

Vue d'ensemble

Entre-temps, on a assisté à un revirement des opinions concernant la prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants. Déjà peu de temps après l'entrée en vigueur de la révision du droit pénal en matière sexuelle, la problématique de la prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants a fait l'objet de toute une série d'interventions parlementaires 8.

Des cas d'abus commis envers des enfants tant à l'étranger qu'en Suisse ainsi que la prise de conscience croissante du problème constitué par le tourisme sexuel9 ont contribué à ce que le thème des infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants et la possession de pornographie enfantine gagnent en importance 10.

Les statistiques des condamnations des années 90, élaborées par l'Office fédéral de la police11, reflètent l'augmentation du nombre de ces infractions:

Condamnations au sens de l'art. 187 CP Condamnations au sens de l'art. 197 CP

8

9

10 11

1993

1994

1995

1996

1997

218 60

260 74

253 79

272 272

319 437

Au cours des années 90, de nombreuses interventions parlementaires sur le thème de l'exploitation sexuelle des enfants ont été déposées: Question ordinaire Fässler: Protection de la personnalité des enfants maltraités (97.1082); Motion von Felten: Exploitation sexuelle des enfants à l'étranger (97.3366); Postulat Hochreutener: Exploitation sexuelle des enfants (96.3398), BO 1996 N 2405 s.; Motion Jeanprêtre: Abus sexuels commis à l'étranger sur des mineurs. Création d'un organisme officiel (96.3660); Motion Goll: Abus sexuels commis envers des enfants. Suppression du délai de prescription (92.3558); Motion Goll: Droit pénal et enfants victimes d'abus sexuels (94.3210), BO 1996 N 907 ss; Postulat CAJ-CN: Amélioration de la protection des victimes d'abus sexuels, en particulier dans les cas d'exploitation sexuelle des enfants (96.3199), BO 1996 N 909; Motion CAJ-CN: Prescription pour tous les abus sexuels commis envers des enfants (96.3004), BO 1996 N 1776 ss; Motion Béguin: Abus sexuels commis envers des enfants. Modification du délai de prescription (93.3564), BO 1996 N 1772 s.

Cas Marc Dutroux en Belgique (abus commis envers des mineurs); René Osterwalder (abus commis envers des mineurs); Viktor Baumann (tourisme sexuel/pédophilie); réseau de pornographie enfantine à Zandvort, Pays-Bas; couple suisse de Bienne qui, aux fins de tournage de films pornographiques, a abusé de dix enfants âgés de neuf semaines à onze ans.

Philippe Weissenberger, Strafwürdiger Besitz von Kinderpornographie, dans PJA 3/98, p.

313 ss Le tableau se fonde sur la banque de données de l'OFP concernant l'intégrité sexuelle des enfants. Il montre les infractions qui sont à la base des demandes quotidiennes d'ouverture d'une enquête déposées par des services de police suisses ou étrangers.

Dans le domaine du tourisme sexuel, en particulier en ce qui concerne les actes d'ordre sexuel avec des enfants commis à l'étranger, peu de jugements ont été rendus jusqu'ici. La difficulté de réunir des preuves à l'étranger, le coût et la difficulté inhérents à l'interrogatoire de la victime et des témoins et les barrières linguistiques sont à l'origine du petit nombre de poursuites pénales et de jugements rendus en Suisse. On estime toutefois qu'il existe dans ce domaine un grand nombre d'infractions qui ne sont pas connues de la police et des tribunaux; rapport n o 2/98 de l'OFP sur le crime organisé, p.

27 s.

2774

Toutefois, le thème a aussi gagné en actualité avec le développement galopant d'Internet, qui permet une diffusion sans frontières de matériel pornographique et en particulier aussi de représentations d'actes d'ordre sexuel avec des enfants.

Ce phénomène met d'emblée en évidence le fait que la progression de l'exploitation sexuelle d'enfants représente un problème sur le plan international. Il existe des réseaux internationaux de trafiquants de pornographie, organisés selon un mode professionnel, qui mettent à disposition des enfants pour des films ou des photos ou qui produisent eux-mêmes des représentations d'actes sexuels avec des enfants portant atteinte à la dignité humaine, et qui les vendent dans le monde entier. Il existe également un échange de représentations d'actes d'ordre sexuel avec des enfants sur le plan international entre particuliers qui produisent de telles représentations et qui font notamment appel aux offres d'Internet comme les «Newsgroups».

Internet permet à ceux qui offrent de la pornographie enfantine de rester dans une large mesure anonymes ou tout au moins de brouiller les pistes. Dans ce domaine international de la lutte contre le crime organisé, la poursuite pénale est difficile à engager, et cela quand bien même la création de bases légales internationales a sensiblement amélioré la collaboration entre Etats12.

On suppose qu'il existe en Suisse un marché considérable pour les produits de la pornographie enfantine et que des sommes énormes sont investies dans ce domaine13.

Afin que l'on puisse lutter contre cette exploitation sexuelle transfrontalière d'enfants, diverses mesures ont été prises en Suisse ou sont tout au moins en voie de l'être:

12 13

­

Le 1er janvier 1998, l'Office fédéral de la police (OFP) a institué un service de surveillance d'Internet (Internet-Monitoring) dans le cadre d'un projet pilote. Les expériences faites par ce service ont démontré que la poursuite judiciaire systématique de l'abus criminel des moyens de communications électroniques était une tâche extrêmement exigeante et occupant un nombre élevé de personnes. Les prestations exigées par les cantons pour mettre en sécurité les preuves et pour contourner les mesures de défense électroniques (p. ex. la cryptographie ou les virus) se sont avérées coûteuses. Le visionnement des cas dénoncés par des particuliers, dont la plupart des informations ne relevaient pas du droit pénal, ainsi que la localisation des fournisseurs d'objets punissables absorbaient énormément de temps. Pour cette raison, il a été décidé, le 17 décembre 1999, d'interrompre temporairement l'activité de ce service de surveillance institué au niveau national. Le soutien des cantons par la Confédération ­ même si la poursuite de la pornographie enfantine sur Internet incombe en principe aux cantons ­ est considéré comme insatisfaisant. Aussi un groupe de travail national est-il, sous la direction de l'OFP, à la recherche de moyens destinés, à court et moyen terme, à assurer une coopération entre la Confédération et les cantons en vue d'une répression efficace des abus d'Internet et d'autres moyens de communication électroniques.

­

Dans le cadre de la révision en cours de la partie générale du code pénal, la poursuite pénale des infractions contre l'intégrité sexuelle de mineurs comCf. à ce sujet ch. 1.1.2.2.3.2 Efforts sur le plan international BO 1996 N 910. Rien que pour la Suisse, on parle de montants atteignant des millions.

2775

mises à l'étranger doit faire l'objet d'une nouvelle réglementation (art. 5 P-CP14). Elle fournira la base légale permettant de poursuivre à l'avenir en Suisse, sans tenir compte du droit étranger, des personnes qui ont commis à l'étranger de graves infractions contre l'intégrité sexuelle de mineurs. Pour de tels actes, il ne sera plus nécessaire d'obéir au principe de la double incrimination et de prendre en compte, le cas échéant, le droit plus favorable du lieu de commission. La nationalité de l'inculpé ne joue aucun rôle; la seule condition posée à la mise en route d'une procédure pénale est que l'auteur ait son domicile en Suisse ou qu'il y réside habituellement 15.

­

En outre, une révision de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions doit améliorer la protection de victimes de moins de 16 ans. La pression que la procédure peut exercer sur le psychisme d'enfants qui ont été victimes d'abus sexuels doit rester aussi légère que possible. Si des enfants doivent être entendus en tant que témoins ou que plaignants, tous les cantons doivent respecter certaines règles minimales16.

­

La présente révision du code pénal et du code pénal militaire est une autre mesure visant à améliorer la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle.

1.1.2.2

Interventions parlementaires

1.1.2.2.1

Suspension de la prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants

Le 17 décembre 1992, peu de temps après l'entrée en vigueur du droit pénal en matière sexuelle révisé, la conseillère nationale Goll a demandé par voie de motion (92.3558) la suspension du délai de prescription pour les infractions contre l'intégrité sexuelle d'enfants17. Toutefois, le 16 décembre 1994, la motion a été classée au motif qu'elle était pendante depuis plus de deux ans 18.

Le même jour, par le biais d'une initiative parlementaire portant sur une meilleure protection des enfants contre l'exploitation sexuelle, la conseillère nationale Goll demandait notamment la suspension du délai de prescription pour les infractions contre l'intégrité sexuelle d'enfants de moins de 16 ans. Le 3 octobre 1996, le Conseil national décidait de ne pas donner suite sur ce point à l'initiative parlementaire19.

14

15 16

17 18 19

Message du 21 septembre 1998, concernant la modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, du 21.9.1998; FF 1999 1800 ss.

Le Conseil des Etats a d'ailleurs renoncé à cette condition.

L'initiative parlementaire Goll: Exploitation sexuelle des enfants. Meilleure protection (94.441) implique une révision de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions; cf. le rapport y relatif du 23 août 1999 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national. Dans sa prise de position du 20 mars 2000 le Conseil fédéral propose de fixer l'âge limite de protection à 18 ans en ce qui concerne la LAVI.

S'agissant des notions d'exploitation sexuelle et d'abus sexuel, cf. Philipp Maier, Die Nötigungsdelikte im neuen Sexualstrafrecht, thèse ZH 1994, p. 132 ss.

Cf. art. 40, al. 1, du règlement du Conseil national du 22.6.1999; RS 171.13 Initiative parlementaire Christine Goll (94.441); BO 1996 N 1783

2776

De plus, en 1993, le conseiller aux Etats Béguin déposait une motion demandant que le délai de prescription pour les infractions au sens de l'art. 187 CP soit porté à dix ans. Il était d'avis que les infractions au sens de l'art. 187 CP ne pouvaient souvent plus être poursuivies parce qu'elles étaient déjà prescrites. Dans sa prise de position, le Conseil fédéral rejetait la motion Béguin au motif notamment que les réflexions qui avaient conduit à réduire le délai de prescription gardaient toute leur validité. Le Conseil des Etats ne se rallia pas à cette argumentation et transmit la motion le 20 septembre 1994. Aux yeux de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN), qui a traité la motion Béguin, la préoccupation du motionnaire était non seulement légitime mais il convenait d'agir sans délai. C'est la raison pour laquelle, le 23 janvier 1996, elle décidait par voie d'initiative20 de présenter un projet idoine mais de rejeter du même coup la motion Béguin. Le 3 octobre 1996, le Conseil national rejetait sans opposition la motion Béguin21. Par décision du 21 mars 1997, les Chambres fédérales approuvaient l'initiative parlementaire par laquelle la prescription en cas d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) est adaptée au délai de prescription ordinaire de dix ans prévu pour les crimes22.

Le délai référendaire ayant échu le 7 juillet 1997 sans avoir été utilisé, la modification est entrée en vigueur le 1 er septembre 1997.

Le 23 janvier 1996, avant même l'entrée en vigueur du nouveau délai de prescription de dix ans pour les actes d'ordre sexuels avec des enfants, la CAJ-CN déposait une motion23 chargeant le Conseil fédéral d'élaborer une révision des infractions contre l'intégrité sexuelle qui permette de suspendre le délai de prescription pour les infractions d'ordre sexuel commises contre des enfants jusqu'à ce que la victime ait atteint l'âge de 18 ans révolus. Le 3 octobre 1996, par 155 voix contre 3, le Conseil national approuvait la motion. Le 12 décembre 1996, par 22 voix contre 7, le Conseil des Etats décidait de transformer la motion en postulat 24.

1.1.2.2.2

Suspension de la prescription en cas d'inceste commis contre des enfants

Dans son avis du 27 juin 1995 concernant le rapport sur les enfants maltraités en Suisse25, le Conseil fédéral a relevé que le délai de prescription actuel de deux ans prévu à l'art. 213, al. 3, CP devrait être revu si le délai de prescription de 5 ans devait être supprimé par la motion Béguin pour l'art. 187 CP, ce qui entraînerait à nouveau l'application du délai ordinaire de 10 ans prévu à l'art. 70 CP. Comme, le 21 mars 1997, l'art. 187 CP a été révisé dans le sens de la motion Béguin26, il convient de revoir aussi le bref délai de prescription prévu à l'art. 213 CP.

20 21 22 23 24 25 26

Initiative parlementaire CAJ-CN (96.435) BO 1996 N 1783 BO 1997 N 617; BO 1997 E 341; FF 1997 II 532 Motion CAJ-CN (96.3004) BO 1996 E 1181 FF 1995 IV 14 RO 1997 1626; FF 1996 IV 1315, 1320

2777

1.1.2.2.3

Punissabilité de la possession de pornographie dure

1.1.2.2.3.1

Interventions parlementaires

Le 22 mars 1995, par la voie d'une initiative parlementaire, la conseillère nationale von Felten a demandé que la possession de pornographie enfantine soit interdite27.

Le 22 janvier 1996, la CAJ-CN a décidé de donner suite à l'initiative; la commission relevait notamment que la Commission des droits de l'homme de l'ONU recommandait la punissabilité de la possession de pornographie enfantine comme une mesure législative d'importance contre l'exploitation sexuelle des enfants. Le 13 juin 1996, le Conseil national a donné suite à la proposition de la CAJ-CN.

Le 25 novembre 1996, le conseiller national Simon déposait une initiative parlementaire demandant la révision de l'art. 197 CP. Il demandait notamment que la possession de pornographie dure à des fins personnelles soit déclarée punissable et donc mentionnée dans les comportements énumérés à l'art. 197, ch. 3, CP. Sa principale préoccupation était la protection des enfants contre les abus sexuels28. Rendu attentif au fait que des interventions visant le même but avaient déjà été déposées, l'auteur retira son initiative parlementaire le 27 octobre 1997 29.

Le 12 décembre 1996, par la voie d'une motion, le conseiller aux Etats Béguin demandait au Conseil fédéral de déclarer aussi punissable la possession de pornographie dure. Le 3 mars 1997, le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à accepter la motion.

Le 10 mars 1997, le Conseil des Etats acceptait la motion et, le 17 décembre, le Conseil national la transmettait au Conseil fédéral30.

1.1.2.2.3.2

Efforts sur le plan international

Sur le plan international, des efforts visant à renforcer la lutte contre la pornographie enfantine sont en cours depuis des années 31.

Le 20 novembre 1989, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Convention sur les droits de l'enfant, qui, en son art. 34, oblige les Etats contractants à

27 28 29 30 31

Initiative parlementaire Margrith von Felten (95.405); BO 1996 N 909 S'agissant des notions d'exploitation sexuelle et d'abus sexuel, cf. Philipp Maier, Die Nötigungsdelikte im neuen Sexualstrafrecht, thèse ZH 1994, p. 132 ss.

Initiative parlementaire Jean-Charles Simon (96.455) Motion Thierry Béguin (96.3650); BO 1996 E 49 Philippe Weissenberger, op. cit., p. 313

2778

protéger les enfants de toute forme d'exploitation et d'abus sexuels32. Par arrêté fédéral du 13 décembre 1996, les Chambres fédérales ont approuvé cette convention et habilité le Conseil fédéral à la ratifier; la convention a été ratifiée le 24 février 1997. Elle est entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997.

Le 9 septembre 1991 déjà, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe avait recommandé aux Etats membres d'examiner la question de la punissabilité de la possession de pornographie enfantine 33.

En 1992, la Commission des droits de l'homme de l'ONU a lancé un appel instant à la communauté internationale: «States that have not yet done so are urged to enact legislation making it a crime to produce, distribute or possess pornographic material involving children»34.

En automne 1996, face aux affaires d'abus sexuels envers des enfants qui secouaient la Belgique, le Parlement européen a exhorté les organes de la Communauté européenne et les Etats membres à prendre des mesures concrètes afin de stopper l'augmentation du nombre de cas d'abus sexuels commis envers des enfants35.

En novembre 1996, les ministres de la justice et de l'intérieur des 15 Etats membres de la Communauté européenne ont estimé d'un commun accord que, outre la production et la diffusion, il convenait de réprimer aussi la possession de pornographie enfantine36. Le rapport du 14 janvier 1994 du Rapporteur du Conseil économique et social des Nations Unies, qui relève que la possession de pornographie enfantine est d'ores et déjà réprimée dans divers Etats ou que les lois nécessaires à cette fin sont 32

33

34

35 36

Cf. message du Conseil fédéral du 29 juin 1994 sur l'adhésion de la Suisse à la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant, FF 1994 V 1 ss, ainsi que Ingeborg Schwenzer, Die UN-Kinderrechtskonvention und das schweizerische Kindesrecht, dans PJA 1994 825 ss. Avec l'art. 34 déjà cité, l'art. 19 (1), qui stipule que les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle (...), a une importance toute particulière. En vertu de l'art. 34, les Etats parties prennent toutes les mesures de nature à empêcher que des enfants a) ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale, b) ne soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales, c) ne soient exploités aux fins de la production de spectacles ou de matériel de caractère pornographique. Le 1er janvier 1999, 191 Etats avaient signé la convention.

Recommandation No R (91) 11 sur l'exploitation sexuelle, la pornographie, la prostitution ainsi que le trafic d'enfants et de jeunes adultes («Examiner l'opportunité d'introduire des sanctions pénales également pour la simple détention de tout matériel pornographique impliquant des enfants.»).

Commission on Human Rights resolution 1992/74 of 5 March 1992, annex (Official Re cords of the Economic and Social Council, 1992, Supplément No. 2 [E/1992/22], chapitre II sect. A), ch. 53, cité et publié in Vitit Muntarbhorn (Rapporteur spécial 19911994), Sexual exploitation of children, United Nations, New York and Geneva, 1996, p.

16 et 35 ss. Dès 1994, les rapports et rapports intermédiaires du Special Rapporteur of the Commission on Human Rights on the sale of children, child prostitution and child pornography, Vitit Muntarbhorn, du 14.1.1994, de son successeur Mrs. Ofelia CalcetasSantos du 17.1.1996, 7.2.1997, 13.1.1998 et du 29.1.1999 peuvent aussi être consultés sur Internet (http://www.unhchr.ch) comme leur transmission à l'Assemblée générale par le Secrétaire général le 5.10.1994, 7.10.1996, 16.10.1997 et 26.8.1998. Ces rapports contiennent les rapports nationaux sur la situation
internationale en matière de pornographie enfantine et des recommandations sur la poursuite de la lutte contre la pornographie enfantine sur les plans national et international.

Neue Zürcher Zeitung (NZZ) du 20.9.1996, p. 3 NZZ du 30.11/1.12.1996, p. 20

2779

en préparation37, reflète aussi la détermination croissante de la communauté internationale à lutter contre les abus sexuels.

Du 26 au 31 août 1996 s'est tenu à Stockholm le premier «Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants». Dans une déclaration commune, les quelque 1200 délégués de 126 pays se sont engagés à collaborer dans la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants. Il a été notamment relevé que des mesures concertées sur les plans communal, régional, national et international sont nécessaires pour contrecarrer les graves violations des droits des enfants et améliorer dans le monde entier leur protection38. Les graves conséquences pour le développement corporel, spirituel, psychique, sexuel et social des enfants ont également été évoquées à cette occasion39. L'élaboration de nouvelles lois pénales ou le renforcement de lois existantes et une application conséquente de celles-ci doivent permettre de demander des comptes aux producteurs de pornographie enfantine. Comme la demande influence la production de celle-ci, la possession de pornographie enfantine doit aussi être déclarée punissable.

Les 28 et 29 avril 1998, une conférence de suivi du Conseil de l'Europe concernant le congrès mondial de Stockholm s'est tenue à Strasbourg.

Depuis, les nations industrielles occidentales ont largement répondu à cet appel 40.

1.2

Genèse de la modification

1.2.1

Avant-projets

Pour faire suite à la motion de la CAJ-CN (96.3004) concernant la prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants, transmise par le Conseil national au Conseil fédéral sous forme de postulat, et à la motion Béguin (96.3650) concernant la punissabilité de la possession d'objets et de représentations pornographiques interdits, acceptée par le Conseil fédéral le 3 mars 1997, le Département fédéral de justice et police (DFJP) a élaboré deux avant-projets: ­

Avant-projet A Révision des infractions contre l'intégrité sexuelle; prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants.

­

Avant-projet B Révision des infractions contre l'intégrité sexuelle; interdiction de la possession de pornographie dure.

Selon le nouveau modèle de prescription proposé dans l'avant-projet A, la poursuite pénale des graves infractions en matière sexuelle (art. 187 CP [actes d'ordre sexuel 37

38

39

40

La possession de pornographie enfantine était à l'époque réprimée notamment dans les Etats suivants: Belgique, Canada, Danemark, France, Allemagne, Norvège, GrandeBretagne et en partie les USA. Pour une comparaison actuelle, cf. ch. 2.2.2.

Cf. Wolfgang Heinz, Sexuelle Ausbeutung von Kinder: Bonner Symposium, Weltkrongress in Stockholm, Eine Dokumentation, publié par le Ministère fédéral de la justice, Bonn 1996, B. 1 ss.

D'autres dangers ont été en outre évoqués: grossesse précoce, mortalité maternelle, lésions corporelles, retards dans le développement, handicaps physiques et maladies sexuellement transmissibles, y compris le sida; Wolfgang Heinz, Weltkongress in Stockholm, op. cit., B. 3.

Cf. ch. 2.2.2, droit comparé

2780

avec des enfants], art. 189 à 191 CP [contrainte sexuelle, viol, actes d'ordre sexuel commis envers une personne incapable de discernement ou de résistance], art. 195 CP [encouragement à la prostitution] et art. 196 CP [traite d'êtres humains] sera suspendue jusqu'à ce que la victime ait 18 ans révolus. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que le délai de prescription de 10 ou 15 ans commencerait à courir. Avec le complément apporté à l'art. 197, ch. 3 CP, l'avant-projet B prévoit de déclarer punissable aussi toute personne qui se procure de la pornographie dure pour son usage personnel ou qui en dispose.

1.2.2

Procédure de consultation

Par décision du 26 août 1998, le Conseil fédéral a autorisé le DFJP à ouvrir une procédure de consultation sur la modification du code pénal et du code pénal militaire relative à la prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants (avant-projet A) et à l'interdiction de la possession de pornographie dure (avant-projet B). La procédure de consultation a duré jusqu'à fin novembre 1998.

Dans leur grande majorité, les résultats de la procédure de consultation ont confirmé la nécessité d'une révision dans les domaines prévus. L'orientation des deux projets a été approuvée.

Les participants à la procédure de consultation ont salué l'avant-projet A et le nouvel instrument qu'il contient, à savoir, la suspension de la prescription de la poursuite pénale pour les infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants, qui repousse le début du délai de prescription à l'accession de la victime à la majorité. A une exception près41, tous les cantons ont donné leur accord de principe à l'avant-projet A, tout en faisant des remarques, en soulevant des questions et en émettant des réserves à propos de certains points concernant les dispositions législatives42. L'avant-projet A a aussi reçu l'approbation de la plupart des partis politiques43; les organisations intéressées et d'autres participants à la procédure de consultation, en revanche, s'ils saluaient l'avant-projet dans son ensemble44, ont cependant formulé un certain nombre d'objections.

Aucun participant ne s'est exprimé sur la révision de l'art. 158 CPM.

La révision proposée de l'art. 213 CP (inceste), qui prévoit que la prescription en cas de relations incestueuses avec des enfants de moins de 16 ans commence le jour où la victime a 18 ans révolus, a recueilli l'approbation d'une large majorité de participants.

L'avant-projet B45, qui, par le biais d'une révision des art. 197, ch. 3, et 135 CP, entend réprimer pénalement l'acquisition, l'obtention et la possession de pornographie dure et de représentations non pornographiques de la violence, a reçu dans l'ensemble un accueil favorable. La plupart des réponses ont évoqué la nécessité de 41 42 43 44

45

Le canton des Grisons s'oppose à la révision de la prescription pour les infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants de moins de 16 ans.

Cf. ch. 2.1.3 et 2.1.4.3.

L'UDC et le PS n'étaient d'accord que sur le principe.

La Société suisse de droit pénal, la Ligue suisse des femmes catholiques, l'Anneau blanc, l'Union des paysannes suisses, la Société suisse de santé publique et la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales ont approuvé l'avant-projet sans réserve. La Fédération suisse des avocats l'a rejeté en bloc.

Le CPM ne contient pas de dispositions sur la pornographie.

2781

la révision projetée. Des réserves de principe ont été émises par rapport aux nouveaux médias électroniques, et en particulier Internet, eu égard aux possibilités d'application d'une telle interdiction. En outre, la question des limites de l'intervention de l'Etat a été soulevée.

Les cantons46 en particulier, tout en émettant quelques réserves sur certains points précis, ont accueilli favorablement la punissabilité de la possession de pornographie dure. A l'exception d'un parti47qui soutenait sans réserve l'avant-projet B, les partis politiques participant à la procédure de consultation ont approuvé cet avant-projet avec des réserves. Les organisations intéressées et les autres participants à la procédure de consultation ont approuvé largement l'avant-projet 48.

Tous les participants qui se sont exprimés à ce sujet ont approuvé sans réserve la révision de l'art. 135 CP (représentation de la violence).

Le 8 septembre 1999, le Conseil fédéral prenait connaissance des résultats de la procédure de consultation et chargeait le DFJP d'élaborer le présent message.

1.2.3

Classement d'interventions parlementaires

Comme les modifications législatives proposées vont dans le sens du postulat des deux Chambres (prescription pour tous les abus sexuels commis sur des enfants; 96.3004) et de la motion Béguin (punissabilité du détenteur d'objets et de représentations pornographiques prohibés; 96.3650), le Conseil fédéral propose de classer ces deux interventions.

2

Partie spéciale

2.1

Prescription en cas infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants (projet A)

2.1.1

Particularités de la prescription en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants

L'institution de la prescription pénale se justifie essentiellement par les effets apaisants dus à l'écoulement du temps et par des raisons d'opportunité49. A cet égard, il est important de relever que l'administration des preuves se heurte à des difficultés toujours plus grandes à mesure que l'on s'éloigne de l'époque des faits. Sont cependant imprescriptibles les infractions mentionnées à l'art. 75bis CP: les crimes que décrit la Convention des Nations Unies du 9 décembre 1948 pour la prévention et la 46 47 48

49

Les cantons ont approuvé sans réserve l'orientation de l'avant-projet B.

UDC L'Union syndicale suisse, l'Alliance de sociétés féminines suisses, la Commission fédérale pour les questions féminines, la Fédération suisse des femmes protestantes, Limita, Le Schweizerischer Verein zur Prävention sexueller Ausbeutung, la Conférence des évêques suisses, la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie, la Société suisse de droit pénal, la Fondation suisse Pro Juventute, la Ligue suisse des femmes catholiques, l'Anneau blanc, l'Union des paysannes suisses et la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales soutiennent sans réserve l'avant-projet.

Cf. Franco del Pero, La prescription pénale, thèse Lausanne 1993, p. 58 s., et Elisabeth Trachsel, Die Verjährung gemäss Art. 70­75bis des Schweizerischen Strafgesetzbuches, thèse ZH 1990, p. 34 ss

2782

répression du crime de génocide, les crimes de guerre graves au sens de la Convention de Genève du 12 août 1949 ainsi que les actes de terrorisme qualifiés. L'art. 70 CP prévoit, pour les autres infractions (sous réserve des délais plus courts prévus par le CP50), des délais de prescription de l'action pénale qui vont de cinq à vingt ans 51.

En cas de délits sexuels contre des enfants, la réglementation actuelle, qui prévoit un délai de prescription maximum de dix ans (de quinze ans selon l'art. 97 P-CP), présente des difficultés, dès lors que ce n'est souvent qu'après l'écoulement du délai de la prescription, que les enfants victimes de tels agissements sont à même d'agir pénalement contre l'auteur, notamment si celui-ci est issu de leur milieu familial ou social. Les participants à la procédure de consultation n'ont du reste pas contesté la nécessité d'agir.

Comme cela ressort du rapport «Enfance maltraitée en Suisse», en matière de délits sexuels avec des enfants, la proportion d'auteurs appartenant au milieu familial et social de la victime est manifestement plus élevée que ce que l'on supposait jusquelà52. Le nombre des abus sexuels envers des enfants a été sous-estimé pendant longtemps. Vu son niveau de développement, l'enfant victime n'est en règle générale pas capable, que ce soit à des fins de protection ou de satisfaction, de mettre en branle une procédure pénale ou d'y participer lorsque la procédure a été introduite par des tiers. Très souvent, les enfants victimes ne sont pas en mesure de reconnaître le caractère sexuellement abusif des actes qu'ils subissent, ou leur état de dépendance émotionnelle et économique les contraint au silence; ils refoulent alors pendant des années les faits délictueux. Il n'est dès lors pas rare que de tels abus ne soient connus qu'après des années, souvent seulement après que la victime a quitté sa famille. Dans beaucoup de cas, les victimes d'abus sexuels ne peuvent parler de ce qu'elles ont vécu que grâce à des de thérapies. A cet égard, dans les années 80, en particulier aux Etats-Unis, a été développée la thèse du "false memory syndrome" (recovered memory; mémoire reconstituée). Il est vrai qu'en Suisse, elle n'a pas été particulièrement discutée53.

Le mythe de l'auteur extérieur au milieu familial ou social qui, caché derrière un buisson, épie
les enfants et qui constitue un danger public, ne correspond pas à la réalité54. Sur la base des nouvelles connaissances, on estime actuellement que les actes sexuels contre les enfants sont dans la plupart des cas des actes répétés et

50 51 52 53

54

Stefan Trechsel, op. cit., p. 327 N 4 Sur le développement des délais de prescription des délits sexuels sur des enfants, voir ch. 1.1.1.1 et 1.1.2.1.

Rapport du groupe de travail Enfance maltraitée; FF 1995 IV 53 ss La thèse selon laquelle les agressions sexuelles sont refoulées a trouvé un large écho aux Etats-Unis dans les années 80 (cf. à ce sujet Gunther Arzt, in Mélanges en l'honneur de Bernhard Schnyder, Zur Verjährung des sexuellen Missbrauchs, avec références à la doctrine abondante, Fribourg 1995. L'auteur parle aussi du "false memory syndrome", sans toutefois prendre position sur la querelle d'experts). Les personnes qui ont été victimes d'abus sexuels dans leur tendre enfance et qui ont rompu le silence seulement après des années ne peuvent la plupart du temps plus rien entreprendre contre l'auteur, car l'action pénale est alors prescrite. Le fait que les enfants refoulent les actes sexuels dont ils sont victimes ou que, menacés, ils gardent le silence pendant des années parle en faveur de la prolongation du délai de prescription sous quelque forme que ce soit (cf. E. Loftus / K. Ketchan, Die therapierte Erinnerung, Hambourg 1995; Philipp Maier, Die Nötigungsdelikte im neuen Sexualstrafrecht, p. 155 et 202 ss).

Lorsque les auteurs qui ne font pas partie du milieu familial ou social de l'enfant sont arrêtés, ils sont en règle générale condamnés. Dans ce cas, en effet, la crédibilité des enfants victimes est moins mise en cause.

2783

planifiés qui durent pendant des mois, voire des années55, et qui influencent négativement la formation de la personnalité de l'enfant et le développement de sa sexualité56.

En conséquence, les délais de prescription protègent les auteurs qui font partie des proches de la victime et qui exploitent la confiance, la dépendance émotionnelle et le besoin de protection, la spontanéité, la curiosité, la sincérité, le sentiment positif de la vie, l'ignorance et l'inexpérience des enfants qui leur sont confiés.

Les enfants développent des stratégies de survie différentes. La plus fréquente est le refoulement. Beaucoup de victimes ne peuvent qu'après de nombreuses années parler ouvertement des abus sexuels qu'elles ont subis et envisager alors seulement d'introduire une poursuite pénale. Mais souvent une procédure pénale ne peut plus être ouverte, car les délais de prescription sont écoulés. Si la victime rompt le silence, ce n'est pas en premier lieu pour saisir les autorités pénales, mais pour surmonter les problèmes découlant de l'abus sexuel qu'elle a subi.

Comme l'effet préventif d'une norme pénale ne dépend pas seulement de la peine, mais aussi du risque, pour l'auteur, d'être arrêté et condamné, une réglementation particulière de la prescription se justifie en cas de délits sexuels graves commis contre des enfants de moins de 16 ans.

Comme l'a montré la procédure de consultation, la nécessité de punir les délits d'ordre sexuel contre des enfants de moins de 16 ans ne s'émousse pas 10 ans après les faits au point que l'on doive renoncer à toute réaction pénale57. La révision de la partie générale du CP, qui prévoit des délais de prescription plus longs, ne change rien à ce sujet. L'art. 97, al. 1, let. b, P-CP58 prévoit un délai de prescription de l'action pénale de 15 ans pour les délits passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans; la durée de 15 ans correspond à celle du délai de prescription absolue du droit actuel.

D'après le modèle de prescription proposé, la prescription de l'action pénale commencera à courir lorsque la victime aura atteint l'âge de 18 ans, et la poursuite pénale pourra être encore introduite pendant 10 ans (selon le P-CP pendant 15 ans)59.

Il est vrai qu'après un si long délai, l'administration des preuves ne permettra que rarement de condamner
l'auteur. Il n'est cependant pas exclu, notamment en cas d'actes répétés, que la procédure pénale puisse porter également sur des actes éloignés dans le temps. Vu que les abus sexuels envers des enfants méritent une répression sévère et qu'un renforcement des règles sur la prescription de l'action pénale possède des effets de prévention générale, il faut s'accommoder des difficultés que

55

56 57 58 59

Christine Sattler Buchmann, Männer, Frauen und die sexuelle Ausbeutung von Kindern: Erklärungsversuche zur männlichen Überzahl bei der Täterschaft, Fribourg 1989 (Source: Verein Castagna Zürich), p. 139 ss Philipp Maier, Die Nötigungsdelikte im neuen Sexualstrafrecht, p. 170 ss. On pense en particulier aux dommages corporels, psychiques et sociaux.

Cf. le résumé des résultats de la procédure de consultation relative aux modifications du code pénal suisse et du code pénal militaire, Office fédéral de la justice, janvier 1999.

FF 1999 II 1939 ss En cas d'agression sexuelle, contre un enfant de 5 ans par exemple, la prescription sera suspendue jusqu'à ce que la victime ait 18 ans révolus; partant, à supposer que le délai de prescription de l'action pénale soit de 10 ans, la prescription relative sera atteinte 23 ans après les faits et la prescription absolue, 28 ans après.

2784

peut soulever l'administration des preuves et du nombre relativement restreint des cas dans lesquels la suspension de la prescription permettra l'ouverture d'une poursuite pénale.

2.1.2

Droit comparé60

En Allemagne, selon le § 78b, al. 1, ch. 1, du Code pénal, la prescription des infractions au sens des § 176 à 179 ne court pas tant que la victime n'a pas 18 ans révolus.

Cette règle concerne les abus sexuels sur des enfants de moins de 14 ans, le viol, la contrainte sexuelle et l'abus sexuel envers des personnes incapables de résistance âgées de moins de 18 ans. Le délai de prescription de l'action pénale dépend de la peine. Il peut atteindre 10 ans en cas d'abus sexuels sur des enfants (de moins de 14 ans) et 30 ans en cas d'abus sexuels ayant entraîné la mort de la victime.

En Autriche, le § 58 du Code pénal, qui a été modifié le 1er octobre 1998, introduit une prolongation de la prescription en cas de délits sexuels contre des mineurs61.

Selon le § 58, al. 3, ch. 3, CP, le temps qui s'écoule jusqu'à ce que la victime d'une infraction au sens des § 201, 202, 205, 206, 207, 212 ou 213 CP ait atteint la majorité, à savoir l'âge de 19 ans révolus, n'est pas compté dans le délai de prescription ordinaire. Les infractions mentionnées sont le viol, la contrainte sexuelle, les actes sexuels commis envers une personne incapable de discernement ou de résistance, les abus sexuels graves envers des mineurs (de moins de 14 ans), les abus sexuels envers des mineurs, l'abus d'un rapport d'autorité et le proxénétisme. Les délais de prescription ordinaire (prescription de l'action pénale) dépendent de la peine et sont de 10 ans en cas d'abus sexuels graves envers des enfants et de 20 ans dans les cas qualifiés (si l'abus a entraîné une lésion corporelle grave, une grossesse ou la mort).

Lorsqu'il s'agit d'actes répétés, qui sont dus à la même pulsion coupable, la prescription est acquise seulement après l'écoulement du délai de prescription du dernier acte.

Dans la Principauté du Liechtenstein, le § 58, al. 3, ch. 3, du Code pénal doit être modifié conformément à la proposition du 18 mai 1999 du gouvernement au Landtag. En cas d'infractions au sens des § 200 (viol), 201 (contrainte sexuelle), 204 (actes sexuels commis contre une personne incapable de discernement ou de résistance), 205 (abus sexuel grave envers des mineurs), 206 (abus sexuel envers des mineurs), 207 (mise en danger de la moralité des mineurs ou des adolescents), 208 (abus sexuels envers des personnes de moins de 16 ans), 211 (inceste),
212 (abus d'un rapport d'autorité), 213 (proxénétisme), 215 (encouragement de la prostitution), 216 (souteneurs) et 217 (traite des êtres humains), le temps qui s'écoule jusqu'à ce que la victime ait 18 ans révolus ne sera pas compté dans le délai de prescription.

Dans ce sens, le modèle liechtensteinois ressemble beaucoup au projet présenté ici.

En France, le délai de prescription commence à courir pour les crimes et les délits contre les mineurs lorsque la victime a atteint la majorité, à savoir 18 ans révolus (cf. art. 7 et 8 du Code de procédure pénale français dans sa version modifiée selon la loi no98-468 du 17.6.1998). Sa durée est de 10 ans pour les crimes, de 3 ans pour les délits et de 10 ans dans des cas particuliers.

60 61

Cet aperçu de droit comparé se fonde sur des renseignements fournis par l'Institut suisse de droit comparé et sur des recherches de l'Office fédéral de la justice.

BGBl. I No 153/1998

2785

En Italie, selon l'art. 158 du Code pénal, le délai de prescription commence à courir le jour où l'infraction a été commise. Sa durée est de 15 ans en cas de délits très graves contre les moeurs commis envers des enfants (de moins de 14 ans). Il n'existe pas de disposition particulière sur la prescription dans la loi no 66 du 15 février 1996, qui a réglé à nouveau les délits en matière sexuelle.

Selon le § 71 du Code pénal hollandais, la prescription commence à courir, pour les délits sexuels au préjudice des mineurs (notamment en cas d'actes sexuels et d'autres abus sexuels envers des mineurs), le jour où la victime a atteint 18 ans. Le délai de prescription dépend de la peine. Il est de 6 ans pour une peine d'emprisonnement d'un maximum de 3 ans, de 12 ans pour une peine d'emprisonnement supérieure à 3 ans, de 15 ans pour une peine de plus de 10 ans d'emprisonnement et de 18 ans pour une peine privative de liberté à vie.

En Suède, la prescription des délits d'ordre sexuel contre des enfants de moins de 15 ans commence à courir le jour où la victime a 15 ans révolus (cf. chapitre 35, art.

4, al. 2, du Code pénal suédois). Cette disposition est entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

Au Danemark, il n'existe aucune disposition particulière sur le point de départ de la prescription pour les délits sexuels contre les enfants.

En Norvège, le parlement a modifié le 22 mai 1998 l'art. 68 du Code pénal dans le sens que la prescription des délits sexuels commis contre une personne de moins de 14 ans (art. 195 du Code pénal norvégien) commence à courir lorsque la victime a atteint l'âge de 18 ans.

En Grande-Bretagne et aux USA, la "common law" ne connaît pas de délai de prescription. La poursuite pénale d'une infraction est dès lors possible à tout moment 62.

2.1.3

Commencement de la prescription de l'action pénale au moment de la majorité de la victime (art. 201 [nouveau] CP)

Au lieu de suspendre la prescription depuis le moment de la commission de l'acte jusqu'à ce que la victime soit majeure (le terme de suspension est utilisé dans le message dans son sens non technique), il est proposé de ne faire partir la prescription de l'action pénale qu'au moment où la victime devient majeure. En effet, la nouvelle réglementation proposée par le Conseil fédéral dans le cadre de la révision de la partie générale du CP (art. 97 ss P-CP) ne prévoit plus l'institution de la suspension de la prescription (cf. note de bas de page 58).

Si la prescription de l'action pénale ne commence à courir que lorsque la victime est majeure, elle ne peut pas être interrompue auparavant par des actes d'instruction (art. 72 CP). Lorsque l'auteur est condamné avant que la victime ait 18 ans révolus, la prescription de la peine commencera à courir sans que la prescription de la peine n'ait couru auparavant.

62

Cf. Card R., Criminal Law, 1995, ainsi que le jugement de la Cour européenne des droits de l'homme du 22.10.1996 en la cause Stubbings et consorts contre le Royaume-Uni, Recueil 1996-IV, p. 1487 ss

2786

2.1.3.1

Délits sexuels graves contre des enfants

2.1.3.1.1

Champ d'application

Le nouvel art. 201 CP ne couvre que les délits sexuels graves dont sont victimes les enfants de moins de 16 ans. Sont visés l'art. 187 CP (actes d'ordre sexuel avec des enfants), l'art. 189 CP (contrainte sexuelle), l'art. 190 CP (viol), l'art. 191 CP (actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance), l'art. 195 CP (encouragement à la prostitution) et l'art. 196 CP (traite d'êtres humains).

La nouvelle réglementation doit englober ces délits sexuels graves, sans que soit nécessaire qu'il existe une relation de parenté ou un rapport de dépendance entre l'auteur et la victime63.

2.1.3.1.2

Autres délits sexuels contre des enfants

La nouvelle réglementation sur la prescription n'inclut ni l'art. 192 CP (actes d'ordre sexuel avec des personnes hospitalisées, détenues ou prévenues)64, ni l'art. 193 CP (abus de la détresse)65, car, selon la doctrine dominante, l'art. 187 CP absorbe ces deux dispositions lorsque la victime est un enfant de moins de 16 ans.

Selon l'art. 192 CP (actes d'ordre sexuel avec des personnes hospitalisées, détenues ou prévenues), l'auteur exploite l'état de dépendance dans lequel se trouve la victime - également des personnes de moins de 16 ans - pour obtenir son consentement à un acte d'ordre sexuel66. La doctrine dominante67 admet que, lorsque la personne hospitalisée, détenue ou prévenue est un enfant de moins de 16 ans, l'art. 187 CP absorbe l'art. 192 CP et rejette le concours idéal entre ces deux dispositions, bien que les art. 192 et 187 CP protègent des biens juridiques différents, le premier protégeant la libre détermination en matière sexuelle et le second, le développement sexuel paisible de l'enfant. En effet, selon elle, comme l'état de dépendance existant entre un enfant vivant dans un établissement et les responsables de celui-ci n'est pas fondamentalement différent de la relation existant entre un enfant recueilli et sa famille d'accueil, la protection de ces deux catégories d'enfant doit être en principe la même. L'art. 187 CP, qui est seul applicable aux abus commis envers des enfants recueillis, doit également s'appliquer en cas d'abus sur des personnes hospitalisées, internées, détenues ou prévenues, sa sanction sévère permettant également de prendre en considération l'exploitation du lien de dépendance. En conséquence, il n'y a pas lieu de faire figurer l'art. 192 CP dans le catalogue des dispositions mentionnées à l'art. 201 (nouveau) CP.

63 64

65 66 67

Cf. ch. 2.1.3.1.2. Il faut éviter que la réglementation sur la prescription varie selon la personne de l'auteur.

Le PDC, le Bureau de l'égalité du canton de Bâle-Ville et la Conférence des autorités de poursuite pénale de Suisse romande et du Tessin se sont prononcés en faveur de l'inclusion de l'art. 192 CP.

Le PDC, la Conférence des autorités de poursuite pénale de Suisse romande et du Tessin et le Bureau de l'égalité du canton de Bâle-Ville Les enfants de moins de 16 ans ne sont pas mentionnés, dans la mesure où ils ne peuvent pas être détenus.

Cf. à ce sujet Günter Stratenwerth, Besonderer Teil I, Berne 1995, p. 154 N 45, Stefan Trechsel, op. cit., p. 708 N 22, et Guido Jenny, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, Besonderer Teil, Bd. IV: Delikte gegen die sexuelle Integrität, art. 187, N 45

2787

Il en va de même avec l'art. 193 CP (abus de la détresse), qui est également absorbé par l'art. 187 CP 68.

Bien que l'art. 197 CP (pornographie) protège également le développement sexuel paisible des adolescents, il n'exige pas un contact direct avec la victime, sous réserve du ch. 3, qui réprime la fabrication de la pornographie enfantine et la représentation d'actes de violence sexuelle reproduisant un fait réel. Dans ce cas, d'autres infractions contre l'intégrité sexuelles seront aussi réalisées69, pour lesquelles la nouvelle règle sur la prescription sera applicable. Si, en revanche, l'enfant est seulement confronté avec du matériel pornographique70, une extension de la prescription ne se justifie pas, car l'infraction est d'une moindre gravité par rapport aux autres délits contre l'intégrité sexuelle. L'art. 197 CP ne doit dès lors pas être repris dans le nouvel art. 201 CP 71.

L'exhibitionnisme (art. 194 CP) consiste, en raison de pulsions sexuelles, à exhiber ses organes génitaux. La participation de la victime, par exemple d'un enfant de moins de 16 ans, a lieu au sens d'une simple action visuelle sans aucun contact direct (corporel) entre l'auteur et la victime. Si, en revanche, l'auteur vise un enfant comme témoin de ses activités sexuelles et le traite ainsi comme un objet sexuel72, l'art. 187 CP (actes d'ordre sexuel avec des enfants) sera applicable. Le fait de se masturber devant un enfant tombera également sous le coup de l'art. 187 CP au titre d'actes sexuels avec des enfants. Pour les raisons mentionnées, le Conseil fédéral estime que l'art. 194 CP ne doit pas figurer dans le catalogue du nouvel art. 201 CP73.

Comme le nouvel art. 201 CP n'englobe que les délits sexuels graves, les contraventions anodines visées aux art. 198 (désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel) et 199 CP (exercice illicite de la prostitution) sont exclues. Il en va de même de l'art. 200 CP (commission en commun), qui ne définit pas une infraction, mais une circonstance aggravante.

2.1.3.1.3

Autres délits de violence graves contre des enfants

Quelques participants à la procédure de consultation ont proposé d'introduire un modèle de prescription analogue pour l'homicide et les autres délits de violence 74.

68

69 70 71

72 73

74

Cf. à ce sujet Günter Stratenwerth, Besonderer Teil I, p. 156 N 53 et Stefan Trechsel, op. cit., p. 707 N 22. Le le Bureau de l'égalité du canton de Bâle-Ville et la Conférence des autorités de poursuite pénale de Suisse romande et du Tessin veulent également reprendre l'art. 193 CP dans le nouvel art. 201 CP.

Par exemple l'art. 187 CP. Selon Stefan Trechsel (op. cit., p. 737 N 9 s.), les acteurs ne sont pas protégés par l'art. 197, ch. 3, CP. L'art. 187 CP suffit pour protéger les enfants.

En particulier l'art. 197, ch. 1, CP AR aimerait reprendre l'art. 197, ch. 3, CP. Le Conseil suisse des activités de jeunesse et Limita, Schweizerischer Verein zur Prävention sexueller Ausbeutung, se sont prononcés pour faire figurer l'art. 197, ch. 1, CP dans le nouvel art. 201 CP.

Cf. à ce sujet Günter Stratenwerth, Besonderer Teil I, p. 145 N 16 et Stefan Trechsel, op. cit., p. 703 N 9 AR et ZG se prononcent en faveur de l'inclusion de l'art.194 CP, parce que la délimitation entre l'exhibitionnisme devant des enfants et les actes d'ordre sexuel avec des enfants peut dans certains cas être floue et qu'un tel acte peut gravement traumatiser un enfant.

TI, PDC, PS, Juristes démocrates de Suisse

2788

Le Conseil fédéral a cependant refusé d'étendre la nouvelle réglementation sur la prescription. Il se réfère à cet égard à ses explications concernant le sens et le but de la nouvelle réglementation sur la prescription (cf. ci-dessus ch. 2.1.1). Les conditions particulières, qui justifient la suspension de la prescription en cas de délits sexuels graves contre des enfants de moins de 16 ans, n'existent pas en cas d'homicide et d'autres délits de violence contre des enfants de moins de 16 ans. Contrairement à la poursuite des délits sexuels, la poursuite de ces infractions a lieu, en règle générale, directement après la commission de l'acte sur la base des traces visibles laissées par celui-ci, même si la victime n'est pas en état de déclencher elle-même la poursuite pénale.

Il peut certes paraître choquant que des délits commis contre des enfants de moins de 16 ans, qui sont très graves au vu de la peine, puissent se prescrire plus rapidement que les délits sexuels graves mentionnés dans le nouvel art. 201 CP. Il convient toutefois de s'accommoder de cette différence de traitement compte tenu des particularités des délits sexuels contre des enfants, lesquelles ne sont pas valables pour les homicides et les autres délits de violence.

Il convient aussi d'éviter que les délits de violence et d'homicide, qui ne sont assortis d'aucune norme particulière lorsque la victime est un enfant de moins de 16 ans, ne soient soumis à des délais de prescription différents selon que l'acte a été commis contre des enfants de moins de 16 ans ou contre des enfants de plus de 16 ans ou des adultes.

Comme les homicides et les délits sexuels graves entrent en concours idéal, il n'existe aucun danger, contrairement aux craintes exprimées, que l'auteur d'un meurtre commis pour des motifs sexuels voit son crime prescrit plus rapidement par rapport aux autres auteurs d'actes sexuels graves75.

2.1.3.2

Fixation de l'âge limite à 16 ans

La réglementation particulière du nouvel art. 201 CP sur la prescription de l'action pénale (suspension de la prescription) s'applique aux délits sexuels graves76 commis contre des enfants de moins de 16 ans.

Quelques participants à la procédure de consultation ont proposé d'inclure, dans le catalogue des délits sexuels graves figurant dans le nouvel art. 201 CP, l'art. 188 CP, qui définit les actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes (mineurs âgés de plus de 16 ans) 77 et de déroger ainsi à l'âge limite de protection de 16 ans 78.

L'art. 188 CP protège avant tout la libre détermination sexuelle79 et non le développement sexuel paisible. Les adolescents de plus de 16 ans ont, en règle générale, la 75 76 77 78

79

Stefan Trechsel, op. cit., p. 722 N 13 Cf. ci-dessus, ch. 2.1.3.1.

FF 1985 II 1080 ss ZH, BE, LU, BL, PRD, PDC, Association contre l'exploitation sexuelle commerciale des enfants, Conférence des évêques suisses et Fondation suisse Pro Juventute. Ils déclarent que les prémisses qui sont valables pour les enfants de moins de 16 ans (état de dépendance, refoulement des faits traumatisants pendant de nombreuses années, relation étroite victime-auteur) s'appliquent également pour les jeunes de 16 à 18 ans. Le canton du Jura et la Commission fédérale pour la jeunesse veulent compléter l'art. 188 CP par une disposition analogue.

FF 1985 II 1085 ss; Stefan Trechsel, op. cit., p. 709 N 1

2789

capacité de déterminer librement leur vie sexuelle; ils ne doivent être protégés pénalement que s'ils se trouvent, par rapport à l'auteur, dans une relation de dépendance, qui diminue leur faculté de se défendre contre les abus sexuels80. Les enfants, en revanche, verront leur développement sexuel mis en danger, indépendamment de leur développement individuel81, lorsqu'ils subiront d'autres formes d'actes sexuels que celles qui sont propres à leur âge.

Les adolescents mineurs de plus de 16 ans sont ­ davantage que les enfants de moins de 16 ans ­ capables de reconnaître qu'ils sont victimes d'une agression sexuelle et, partant, de réagir plus rapidement. La peine prévue pour les actes sexuels avec des personnes dépendantes est moins grave que celle qui est prévue pour les actes sexuels avec des enfants de moins de 16 ans, car ceux-ci peuvent être perturbés, indépendamment de leur accord éventuel, dans leur développement sexuel par tout acte d'ordre sexuel. Il n'existe, en conséquence, aucune nécessité d'assimiler, sur le plan de la prescription, l'art. 188 CP aux autres délits sexuels graves contre des enfants de moins de 16 ans.

Aussi peut-on renoncer tant à introduire dans le nouvel art. 201 CP les actes sexuels avec des personnes dépendantes qu'à compléter l'art. 188 CP par une disposition correspondante sur la suspension de la prescription.

2.1.3.3

Durée du délai de prescription

Certains participants à la procédure de consultation ont fait valoir que si l'on devait certes s'efforcer de punir d'une manière conséquente les délits sexuels graves contre les enfants de moins de 16 ans, l'extension proposée de la prescription de l'action pénale apparaissait cependant exagérée. A condition que la prescription de l'action pénale soit suspendue jusqu'à l'âge de 18 ans, on pourrait selon eux conserver le délai actuel de 5 ans pour les infractions qui le prévoient déjà, mais aussi attendre de toute victime qu'elle décide dans les cinq ans après sa 18e année si elle entend porter plainte ou non82. Le reproche a également été formulé que l'on passerait d'un extrême (révision de 1992) à l'autre83.

Comme une forte majorité des participants à la procédure de consultation, le Conseil fédéral est persuadé que les objectifs visés par le projet (cf. ch. 2.1.1) seraient mis en péril par une telle restriction. Il renonce dès lors à combiner la suspension de la prescription avec une réduction du délai ordinaire de prescription.

Cela ne signifie toutefois pas qu'il faille rallonger le délai de prescription de l'action pénale. Si un acte d'instruction ou une décision du juge est dirigé contre l'auteur après la majorité de la victime, la prescription est interrompue en vertu de l'art. 72, ch. 2, CP. S'agissant des délits sexuels graves, l'action pénale est cependant en tout

80 81 82

83

ATF 125 IV 131 ss FF 1985 II 1080 Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse et Pink Cross. SG propose de ne pas fixer le début du délai de prescription au jour des 18 ans révolus de la victime, mais de fixer le délai de prescription absolu à 20 ans.

UDC. C'est la raison pour laquelle il propose que la prescription ne soit suspendue que pour la victime jusqu'à ce qu'elle ait atteint l'âge de 18 ans et que la poursuite pénale ne puisse être déclenchée que sur plainte de sa part, et cela jusqu'à l'expiration d'un délai relativement bref après la cessation du rapport de dépendance.

2790

cas prescrite lorsque le délai ordinaire de prescription est dépassé de moitié (art. 72, ch. 3, CP)84. Il reste ainsi une réserve suffisante pour que la prescription de l'action pénale n'intervienne pas en cours de procédure.

2.1.3.4

Délits poursuivis sur plainte dès la majorité de la victime?

Durant la procédure de consultation, on a fait valoir que la nouvelle institution de la suspension de la prescription jusqu'aux 18 ans révolus de la victime, en cas de délits sexuels graves commis contre des enfants de moins de 16 ans, présenterait le danger que les victimes de ces délits pourraient à nouveau se retrouver confrontées à leurs expériences passées, le cas échéant contre leur volonté, en raison de plaintes déposées par des tiers85. Si un enfant de cinq ans est victime d'un délit sexuel grave, une procédure pénale peut être engagée encore 23 ans, voire 28 ans86 plus tard. Etant donné qu'une nouvelle «traumatisation» ou «revictimisation», comme conséquence de la nouvelle réglementation sur la prescription, des victimes en tant qu'enfants de délits sexuels ne se concilie pas avec les objectifs de cette dernière, la question se pose de savoir si ces victimes ne devraient pas se voir accorder dès leur majorité un droit formateur leur permettant d'empêcher le déroulement d'une procédure pénale.

La question se pose plus particulièrement lorsqu'une plainte pénale est déposée par des tiers, contre la volonté de la victime87. Certains participants à la procédure de consultation ont dès lors proposé de faire des délits sexuels graves énumérés à l'art.

201 (nouveau) CP des délits poursuivis sur plainte dès que la victime atteint l'âge de la majorité88. Une autre possibilité serait l'attribution d'un «droit d'opposition» aux victimes, entre-temps majeures, de délits sexuels commis alors qu'elles étaient encore des enfants. Une fois majeures, elles pourraient éviter l'ouverture d'une poursuite pénale ­ en raison de délits sexuels graves dont elles ont fait l'objet ­ ou l'arrêter par une déclaration aux autorités d'instruction pénale.

Cependant, un tel droit formateur comporte également, pour ces victimes, de sérieux désavantages, qui doivent faire l'objet d'une pesée des intérêts par rapport aux avantages présentés ci-dessus.

Sous l'angle de l'intérêt public et de la protection de l'ordre public, il n'apparaît pas sans inconvénient qu'en cas de délits graves, il puisse très rapidement être mis fin à une poursuite pénale engagée d'office. Si un enfant d'à peine 16 ans est victime d'un délit sexuel grave, après deux ans déjà, une poursuite pénale ne serait possible que sur plainte ou en l'absence d'opposition de la victime.

84

85 86 87 88

Cela signifie après 15 ans à compter de la majorité. Selon la réglementation du P-CP, les délits sexuels graves se prescrivent également par 15 ans; la prescription n'est cependant plus interrompue par des actes d'instruction ou des décisions du tribunal (art. 97, al. 1, let. b, P-CP). Ce n'est qu'après le jugement de première instance que la prescription ne court plus (art. 97, al. 2, P-CP).

VD, la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie et Pink Cross En vertu de l'art. 97, al. 1, let. b, P-CP On citera à titre d'exemple les plaintes pénales déposées par la mère contre le père, dans le cadre d'un procès en divorce.

SZ, VD, UDC, la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie et Pink Cross. La Société suisse de psychiatrie et psychothérapie relève que des plaintes déposées par des membres de la famille peuvent aussi être contraires aux intérêts de l'enfant, par ex. les plaintes pénales déposées contre le conjoint dans un procès en divorce.

2791

A cela s'ajoute qu'une telle réglementation peut entraîner des injustices criantes si deux crimes semblables entraînent dans l'un des cas une poursuite pénale suivie d'une peine de réclusion ferme et, dans l'autre cas, absolument aucune procédure.

La même situation peut se présenter sous l'empire du droit actuel lorsque, dans deux cas analogues, la victime est prête à déposer dans l'un des cas et que, dans l'autre, la victime fait en revanche usage de son droit de refuser de déposer sur des faits qui concernent sa sphère intime (art. 7 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions; LAVI; RS 312.5)89. Le risque d'inégalités de traitements engendrées par le refus de déposer d'une victime est cependant bien moindre, étant donné qu'une condamnation de l'auteur est en principe aussi possible sans déposition de la victime. En outre, des refus de déposer peuvent aussi avoir pour conséquence ­ dans la poursuite d'autres délits que des délits sexuels graves envers des enfants ­ de rendre une condamnation impossible et de provoquer ainsi des inégalités de traitement.

Après pesée des avantages et des inconvénients présentés ci-dessus, le Conseil fédéral conclut qu'il y a lieu de renoncer à prévoir, pour les enfants victimes de délits sexuels graves, un droit formateur qu'ils peuvent exercer une fois qu'ils ont atteint leur majorité. Si les victimes font usage de leur droit de refuser de déposer, elles peuvent suffisamment se prémunir contre le risque d'un nouveau traumatisme ou d'une «revictimisation» contre leur volonté. Le droit de refuser de déposer ne s'épuise pas dans le fait de ne pas devoir donner de renseignement; il comprend aussi ­ dans la mesure où la sphère intime est concernée ­ le droit de ne pas devoir prendre encore une fois connaissance de l'ensemble de l'état de fait. C'est seulement ainsi, en faisant valoir son droit de refuser de déposer, que la victime peut se préserver d'un nouveau traumatisme occasionné par une procédure pénale.

La proposition du Conseil fédéral de renoncer à attribuer un droit formateur aux victimes, alors qu'elles étaient enfants, de graves délits sexuels, droit qu'elles peuvent exercer après leur majorité, et de résoudre le problème d'une nouvelle «traumatisation» par le biais de l'application de l'art. 7 LAVI, présente en outre
l'avantage de comprendre l'ensemble des délits, dans la mesure où la sphère intime est touchée.

Un droit formateur sous la forme d'un délit sur plainte ou par la voie d'un droit d'opposition ne concernerait en revanche que les délits sexuels graves. Il serait cependant lacunaire lorsque les délits sexuels se trouvent en concours idéal avec d'autres délits (p. ex. des lésions corporelles graves). Ainsi, dans le cadre d'une instruction pénale pour lésions corporelles graves en relation avec des délits sexuels graves, il n'est pas possible d'éviter que soient évoquées des questions relatives à la sphère intime. Si elles veulent éviter une nouvelle confrontation avec ce qu'elles ont vécu, les victimes doivent alors à nouveau se prévaloir de leur droit de refuser de déposer.

2.1.3.5

Disposition transitoire

Selon l'art. 2 CP (conditions de temps), l'interdiction de la rétroactivité s'applique également aux révisions partielles90. Pour les actes qui ont été commis sous l'empire de l'ancien droit, c'est en principe celui-ci qui s'applique. Si l'acte a été commis 89 90

En cas de participation de plusieurs personnes à une infraction qui n'est poursuivie que sur plainte, l'art. 30 CP prévoit l'indivisibilité de la plainte.

Cf. ATF 77 IV 105, 145; 117 IV 375

2792

avant l'entrée en vigueur de la révision, mais qu'il est seulement jugé après-coup, la nouvelle réglementation doit être appliquée, si elle est plus favorable (art. 2, al. 2, CP). D'après l'art. 337 CP, les dispositions du CP sur la prescription de l'action pénale et de la peine s'appliquent également lorsqu'un acte a été commis ou jugé avant l'entrée en vigueur de cette loi et qu'elle est la plus favorable pour l'auteur. Le laps de temps écoulé avant l'entrée en vigueur de cette loi est cependant imputé 91.

Si l'on veut s'engager dans une pratique plus sévère permettant de poursuivre plus longtemps les délinquants sexuels visés par la présente, et que cette pratique doit également s'appliquer aux délits commis avant l'entrée en vigueur de la présente révision, il y a lieu ­ ainsi que l'ont souhaité divers participants à la procédure de consultation92 ­ de prévoir une réglementation spéciale; celle-ci serait du type de celle qui a été introduite à l'occasion de la révision de l'art. 187 CP (actes d'ordre sexuel avec des enfants) en 1997. On a ajouté à cet article un ch. 6, selon lequel le nouveau délai de prescription de dix ans s'applique également si l'acte n'était pas encore prescrit au 1er septembre 1997 selon l'ancien droit93. Une telle disposition transitoire n'est pas contraire à l'interdiction de la rétroactivité. Cette interdiction ne s'applique qu'aux modifications relatives aux éléments constitutifs de l'infraction et à la peine prévue, non à la réglementation sur la prescription 94.

Si une telle disposition transitoire est ajoutée au nouvel art. 201 CP, cela aura pour conséquence que, pour les actes d'ordre sexuel avec des enfants de moins de 16 ans non encore prescrits selon l'ancien droit lors de l'entrée en vigueur du nouvel art.

201 CP, la prescription sera recalculée selon la nouvelle réglementation ­ compte tenu de la suspension de la prescription jusqu'aux 18 ans révolus de la victime.

Faute de disposition transitoire de ce genre, l'auteur bénéficierait de la réglementation sur la prescription plus favorable, applicable jusqu'alors; l'infraction se prescrirait donc par dix ans dès l'acte sans prise en considération de la suspension de la prescription (lex mitior)95.

91 92 93 94 95

Cf. ATF 105 IV 7 ZH, BE, PS et l'Association contre l'exploitation sexuelle commerciale des enfants BO 1996 N 1772 s., 1776 ss; BO 1996 E 1177 ss Cf. Günter Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I, Berne 1996, p.

79 s.

Dans l'hypothèse où le nouvel art. 201 CP entrerait en vigueur le 1er janvier 2001 ­ sans disposition transitoire ­ les délits sexuels graves qui avaient été commis en 1992 contre un enfant de moins de 16 ans seraient alors prescrits en 2002, ceux commis en 1993 le seraient en 2003 et les délits sexuels graves de l'an 2000 le seraient en 2010.

Sans disposition transitoire, le nouvel art. 201 CP ne s'appliquerait qu'aux délits sexuels graves envers des enfants de moins de 16 ans commis après le 1er janvier 2001.

En revanche, une disposition analogue à celle de l'art. 187, ch. 6, CP s'appliquerait ­ à supposer que le nouveau droit entre en vigueur le 1er janvier 2001 ­ à tous les délits sexuels graves commis dès le 1er janvier 1991 contre un enfant de moins de 16 ans.

A supposer qu'une infraction ait été commise le 2 février 1993 contre une victime âgée de 15 ans et que cette victime atteigne l'âge de 18 ans le 2 mars 1995, le délai de prescription de 10 ans commence à courir dès cette date. Lors de l'entrée en vigueur du nouvel art. 201 CP, cinq ans et neuf mois du délai de prescription selon le droit actuel seraient déjà écoulés et la victime serait âgée de 23 ans et neuf mois. Il resterait dès lors encore quatre ans et trois mois, c'est-à-dire que l'infraction commise le 2 février 1992 serait prescrite le 2 mars 2005 et la victime entre-temps âgée de 28 ans. Sans disposition transitoire, l'infraction aurait déjà été prescrite le 2 février 2002.

Si, dans le cas susmentionné, la victime est âgée de 5 ans et qu'elle ait de 18 ans le 2 mars 2005, la prescription de 10 ans interviendra le 2 mars 2015. Faute de disposition transitoire, l'infraction serait également prescrite le 2 février 2002.

Cette disposition transitoire sera introduite à l'art. 201 (nouveau) CP dans un al.

particulier (al. 2).

2793

2.1.4

Inceste (art. 213 CP)

2.1.4.1

En général

Comme une forte majorité des participants à la procédure de consultation, le Conseil fédéral continue à estimer nécessaire de maintenir l'interdiction de l'inceste tant pour la protection de la famille que pour des motifs eugéniques.

L'idée à la base du court délai de prescription de deux ans applicable à l'inceste (art. 213, al. 3, CP) est d'éviter de rendre publics par une procédure pénale des événements du cercle familial le plus étroit, lorsqu'ils ne sont plus tout récents. Dans la plupart des cas, l'inceste reste également secret en raison des craintes de la victime que la famille n'explose au cas où l'abus sexuel serait rendu public, et de sa «coresponsabilité» pour ce cas. L'auteur peut exploiter ce déchirement de la victime durant des années et escompter qu'elle se taira.

2.1.4.2

Droit comparé96

En Allemagne, le § 173 du code pénal allemand punit l'acte sexuel entre consanguins (descendants germains, ascendants et descendants, frères et soeurs germains).

L'acte sexuel avec un descendant germain est puni de la peine privative de liberté jusqu'à trois ans ou de la peine pécuniaire; dans les autres cas, on risque la peine privative de liberté jusqu'à deux ans et la peine pécuniaire. Un motif d'exclusion de peine personnel existe en vertu du § 173, al. 3, CP allemand pour les descendants et les frères et soeurs qui n'ont pas encore atteint l'âge de 18 ans au moment de l'acte.

En Autriche, le § 211 du CP autrichien punit l'acte sexuel entre parents. Sera dès lors puni celui qui accomplit l'acte sexuel avec des personnes avec lesquelles il est apparenté en ligne directe ou descendante. Sont également punis les frères et soeurs germains qui accomplissent l'acte sexuel l'un avec l'autre. En vertu du § 211, al. 1, et du § 57, al. 3, CP autrichien, le délai de prescription est de trois ans, lorsque l'acte sexuel est accompli avec une personne en ligne directe. S'il l'est en revanche avec une personne en ligne descendante, le délai de prescription est, en vertu du § 211, al. 2, et du § 57, al. 3, CP autrichien, de cinq ans. Si les frères et soeurs accomplissent l'acte sexuel, l'infraction se prescrit par 1 année. Le § 211, al. 4, CP autrichien contient un motif d'exclusion de peine personnel pour les personnes qui n'avaient pas encore atteint l'âge de 19 ans au moment de l'acte.

La modification du 18 mai 1999 prévue dans la Principauté du Liechtenstein relative au § 58, al. 3, ch. 3, de son Code pénal (suspension de la prescription jusqu'à ce que la victime ait 18 ans révolus) doit ­ comme exposé ci-dessus ­ également s'appliquer en cas d'inceste (§ 211 CP FL).

En France, il n'existe pas de norme pénale sur l'inceste. Les relations incestueuses avec utilisation de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise doivent dès lors être considérées comme des circonstances aggravantes dans le cadre d'autres délits sexuels.

96

Le droit comparé se fonde sur des informations de l'Institut suisse de droit comparé ainsi que sur des recherches de l'Office fédéral de la justice.

2794

En Italie, l'inceste est réprimé en tant que crime contre la morale dans la famille.

Selon l'art. 564 du Codice penale, est punissable toute personne qui commet un inceste avec un ascendant ou un descendant en ligne directe, avec un parent par alliance en ligne directe ou bien avec un frère ou une soeur. Il y a toutefois lieu de signaler que cette infraction n'est réalisée que si l'inceste constitue un outrage «public» à la pudeur. La peine va de un à cinq ans de prison; en cas de relation incestueuse, une peine d'emprisonnement de deux à huit ans est prévue. Si l'inceste est commis par une personne majeure avec un mineur, la peine est augmentée pour la personne majeure.

La Hollande ne connaît pas de norme spécifique réprimant l'inceste.

En Suède, la norme pénale sur l'inceste (avec des descendants) figure au nombre des délits contre les moeurs. L'inceste avec des descendants de moins de 18 ans est, en vertu du chapitre 6, art. 4, du Code pénal, passible d'emprisonnement jusqu'à 4 ans, dans des cas graves (p. ex. le jeune âge de l'enfant), jusqu'à 8 ans. Selon le chapitre 6, art. 6, du Code pénal, l'inceste avec des descendants de plus de 18 ans est passible d'une peine allant jusqu'à 2 ans d'emprisonnement; entre frères et soeurs, cette peine peut aller jusqu'à 1 année. Les délais ordinaires de prescription sont respectivement de 10 ans (art. 4) et de 5 ou 2 ans (art. 6).

Au Danemark, la norme pénale sur l'inceste est rangée parmi les délits contre la famille (art. 210 du Code pénal). Les actes d'ordre sexuel avec un descendant sont dès lors passibles d'une peine d'emprisonnement jusqu'à 6 ans. L'inceste entre frères et soeurs est passible, en vertu de l'art. 208 du Code pénal, d'une peine maximale de 2 ans. Des mineurs de moins de 18 ans peuvent être acquittés. Les délais de prescription ordinaires sont de dix ans en cas d'actes d'ordre sexuel avec un descendant et de cinq ans en cas d'actes d'ordre sexuel entre frères et soeurs.

En Norvège, la disposition sur l'inceste figure parmi les infractions contre les moeurs. Selon l'art. 207 du Code pénal, les actes d'ordre sexuel avec un descendant sont passibles d'une peine allant jusqu'à 8 ans d'emprisonnement; les mêmes actes entre frères et soeurs entraînent une peine allant jusqu'à 2 ans d'emprisonnement, selon l'art. 208 du Code pénal. Le
mineur de moins de 18 ans n'est pas punissable.

Les délais ordinaires de prescription sont de 10 ans en cas d'actes d'ordre sexuel avec des descendants et de 5 ans entre frères et soeurs.

En Grande-Bretagne97 et aux USA98, la «common law» ne connaît pas de délais de prescription99.

97

98

99

L'inceste est punissable en vertu du Sexual Offences Act 1956. La femme de plus de 16 ans également se rend punissable lorsqu'elle sait que l'homme est son grand-père, son père, son frère ou son fils. L'inceste avec une fille de moins de 13 ans est puni de l'emprisonnement à vie, les autres cas étant passibles d'une peine allant jusqu'à 7 ans d'emprisonnement.

Sur le plan fédéral, l'inceste n'est réglé que dans les réserves d'Indiens; pour le surplus, les normes pénales sur l'inceste se trouvent dans les lois pénales des Etats fédérés. Seul Rhode Island ne punit pas l'inceste. Environ vingt Etats font une distinction suivant l'âge de la victime (14 à 21 ans).

Cf. Card R., Criminal Law, 1995 ainsi que l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 22.10.1996 en la cause Stubbings et consorts contre le Royaume Uni, Recueil 1996-IV, p. 1487 ss

2795

2.1.4.3

Résultats de la procédure de consultation

Les résultats de la procédure de consultation démontrent que, malgré des objections juridiques de principe100, la population continue à vouloir réprimer l'inceste en vertu de l'art. 213 CP.

La révision de l'art. 213 CP (inceste) a été approuvée par la plupart des participants à la procédure de consultation 101.

Quatre participants s'opposent à la révision proposée pour des questions de principe102. Ils invoquent le fait que le bien juridique protégé en cas d'inceste n'est pas l'intégrité sexuelle de l'enfant, mais plutôt la famille.

2.1.4.4

Prescription: réglementation plus dure également en cas d'inceste avec des enfants

Le Conseil fédéral propose tout d'abord de biffer ce délai de prescription particulier de deux ans afin que l'inceste se voie appliquer le délai ordinaire de prescription de cinq ans de l'art. 70 CP (selon l'art. 97, al. 1, let. c, P-CP, sept ans). Le bref délai de prescription de deux ans ne présente d'ailleurs d'intérêt pratique que lorsque l'art. 187 CP (actes d'ordre sexuel avec des enfants) n'est pas applicable, à savoir en cas d'inceste sans implication d'enfants103. En outre, la discordance avec l'art. 188 CP, dont les actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes se prescrivent également par cinq ans, sera levée. Il serait effectivement contradictoire que l'acte sexuel avec un ascendant ou descendant de plus de 16 ans soit prescrit par deux ans (art. 213 CP) et que d'autres actes d'ordre sexuel avec cette personne (dépendants de plus de 16 ans ) se prescrivent, eux, par cinq ans (art. 188 CP).

L'art. 213, al. 2, CP ne subit aucune modification; des actes incestueux entre mineurs de plus de 16 ans demeurent impunis pour les mineurs qui ont été séduits.

Le Conseil fédéral propose en outre d'introduire à l'art. 213 CP, pour l'inceste avec des enfants de moins de 16 ans, une disposition sur la prescription analogue à celle du nouvel art. 201 CP. Même en cas de relations incestueuses avec un enfant de moins de 16 ans, la prescription ne doit commencer à courir qu'à partir du jour où la 100

A part le Bureau de l'égalité du canton de Bâle-Ville, qui soulève la question de savoir si l'art. 213 CP ne devrait pas être complètement biffé, l'abrogation de l'interdiction de l'inceste n'est requise par aucun autre participant à la procédure de consultation.

101 ZH, BE, LU, UR, SZ, OW, NW, ZG, FR, SO, BL, SH, AI, AR, SG, AG, TI, VD, VS, GE, JU, PRD, PS, PDC, UDC, Les Verts, PLS, l'Union syndicale suisse, l'Union suisse du commerce et de l'industrie, l'Arbeitsgruppe forensische Psychiatrie der deutschsprachigen Schweiz, l'Alliance de sociétés féminines suisses, la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales, la Commission fédérale pour la jeunesse, la Fédération suisse des femmes protestantes, la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse, la Conférence des évêques suisses, le Conseil suisse des activités de jeunesse, la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie, la Société suisse de Droit pénal, la Fondation suisse Pro Juventute, la Ligue suisse de femmes catholiques, l'Anneau blanc, l'Union des paysannes suisses, la Conférence des autorités de poursuite pénale de Suisse romande et du Tessin, Pink Cross, la Société suisse de santé publique ainsi que le Bureau de l'égalité du canton de Bâle-Ville.

102 GR, NE, les Juristes démocrates de Suisse et la Fédération suisse des avocats 103 Cf. Günter Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II, Berne 1995, § 26, N 10, ainsi que Besonderer Teil I et II, Teilrevisionen 1987­1990, N 2 ss; Franco del Pero, op.cit., p. 135 ss

2796

victime atteint l'âge de 18 ans. La restriction de la suspension aux cas où des enfants de moins de 16 ans étaient victimes correspond à la réglementation relative aux délits sexuels graves à l'égard d'enfants de moins de 16 ans; s'agissant de ces derniers, on suppose ­ comme exposé ci-dessus ­ qu'en cas d'actes d'ordre sexuel avec des personnes mineures et dépendantes de plus de 16 ans (art. 188 CP), la prescription n'est pas suspendue (cf. ci-dessus, ch. 2.1.3.2). La même situation existe en cas d'inceste.

En cas de concours idéal avec d'autres infractions, comme par exemple avec l'art. 187 CP (actes d'ordre sexuel avec des enfants) ou l'art. 191 CP (actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance), il existe la possibilité d'une aggravation de la peine en cas de condamnation complémentaire pour inceste.

S'agissant de la gravité du délit, il existe certes une différence notable entre les actes d'ordre sexuel avec des enfants, dont on a fait un crime, et l'inceste, qui représente un délit; les différents délais de prescription104 le montrent également. Etant donné que le bien juridique protégé à l'art. 213 CP est la famille et, ainsi, l'ordre social, et non l'intégrité sexuelle de l'enfant, le Conseil fédéral est d'avis que la suspension de la prescription jusqu'à la majorité de la victime s'impose également, bien que l'inceste se retrouve fréquemment en concours idéal avec d'autres infractions qui prévoient des délais de prescription différents.

Le durcissement proposé par le Conseil fédéral pour ce qui est de la réglementation de la prescription ne s'applique que lorsque des enfants de moins de 16 ans sont victimes d'actes incestueux, mais non en cas d'actes incestueux commis exclusivement entre jeunes de 16 à 18 ans ou entre adultes.

A l'art. 213 CP, la disposition actuelle de l'al. 3 (le délai de deux ans dérogeant à l'art. 70 CP) est dès lors biffée; une disposition sur le début de la prescription en cas d'inceste commis à l'égard d'enfants de moins de 16 ans est ajoutée.

2.1.4.5

Délits poursuivis sur plainte dès la majorité de la victime?

Ce qui a été dit ci-dessus sur la question de la poursuite sur plainte de ces délits (cf.

ch. 2.1.3.4) vaut également pour l'inceste.

Le Conseil fédéral renonce donc à attribuer un droit formateur spécifique aux jeunes victimes d'actes incestueux et leur permet ainsi d'éviter un nouveau traumatisme que provoquerait une procédure pénale.

2.1.4.6

Disposition transitoire

Comme exposé dans le commentaire sur le nouvel art. 201 CP (prescription de l'action pénale en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle des enfants de moins de 16 ans; cf. ch. 2.1.3.5) il est nécessaire de prévoir une disposition transitoire, afin que le nouveau délai de prescription s'applique dans tous les cas d'inceste avec les 104

A l'art. 187 CP, 10 ans (selon l'art. 97 P-CP, 15 ans); en cas d'inceste, 2 ans (selon le présent projet, 5 ans, selon l'art. 97 P-CP, 7 ans).

2797

enfants de moins de 16 ans dont le délai de prescription n'est pas encore échu au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Faute de disposition transitoire de ce genre, la nouvelle règle sur la suspension de la prescription ne serait applicable, en raison de la règle générale relative aux conditions de temps (art. 2 CP; interdiction de la rétroactivité ou lex mitior), qu'aux cas d'inceste avec des enfants de moins de 16 ans qui ont eu lieu après l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.

Nous proposons donc, en complément au projet A, d'introduire à l'art. 213 CP un al. 5 qui correspond quant au fond à la disposition transitoire du nouvel art. 201 CP.

2.1.5

Code pénal militaire

Comme lors de précédentes révisions du CP, les modifications prévues ici doivent être accompagnées d'une adaptation correspondante du code pénal militaire (CPM).

Etant donné que le CPM ne contient pas de disposition sur l'inceste correspondant à l'art. 213 CP, il convient d'y ajouter uniquement la nouvelle réglementation sur la prescription à la disposition régissant les actes d'ordre sexuel avec des enfants de moins de 16 ans (art. 156 CPM). Ce complément du CPM est réglé à l'art. 158 (nouveau) CPM. Le commentaire y relatif se trouve au ch. 2.1.3.

La disposition transitoire ajoutée à l'art. 201 (nouveau) CP doit aussi figurer au CPM. Ainsi, la nouvelle réglementation de la prescription de l'action pénale s'appliquera à toutes les infractions contre l'intégrité sexuelle d'enfants de moins de 16 ans qui ne sont pas encore prescrites au moment de son entrée en vigueur. Une telle adaptation a déjà eu lieu lorsque, le 21 mars 1997, l'art. 187 CP avait été complété par une disposition transitoire (al. 6) selon laquelle le nouveau délai de prescription de dix ans est applicable à toutes les infractions qui n'étaient pas encore prescrites au 1er septembre 1997 en vertu de la règle en vigueur à cette époque. La disposition correspondante se trouve à l'art. 156, al. 6, CPM 105.

2.2

Commentaire du projet B (Interdiction de la possession de pornographie dure)

2.2.1

Pornographie impliquant des enfants et Internet

Au cours des dernières années, les nouveaux moyens de communication électroniques, en particulier Internet, se sont entre autres aussi développés dans le sens d'importants canaux de diffusion de la pornographie dure. La poursuite de ces délits de pornographie répandus de cette manière s'avère spécialement difficile non seule-

105

RO 1997 1626; FF 1996 IV 1315 1320

2798

ment en raison de leur aspect international mais encore pour des motifs techniques106.

Il y a longtemps qu'au niveau international la nécessité d'agir dans ce domaine a été reconnue (cf. ci-dessus ch. 1.1.2.2.3.2) 107.

S'appuyant sur le «Livre vert sur la protection des mineurs et de la dignité humaine dans les services audiovisuels et d'information», adopté par la Commission de l'Union européenne le 16 octobre 1996, le Conseil de l'Union européenne a édicté, le 24 septembre 1998, la résolution 98/560 concernant notamment la «protection des mineurs et de la dignité humaine dans les services audiovisuels et d'information»108.

En réponse à la résolution 53/128 sur les droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU, et compte tenu de l'augmentation spectaculaire du commerce de la pornographie impliquant des enfants sur Internet, l'UNESCO a pris l'initiative de réunir des experts à Genève en janvier 1999109.

Du 29 septembre au 1er octobre 1999 a eu lieu à Vienne une conférence internationale sur le thème «Lutte contre la pornographie impliquant des enfants sur Internet»110. Cette conférence avait pour buts d'améliorer la collaboration entre la justice et les autorités de poursuite pénale, la propagation de règles de comportement pour les «fournisseurs d'accès à Internet»111, ainsi que d'encourager la création de hotlines (pour annoncer des cas de pornographie impliquant des enfants) et la mise en réseaux de ces hotlines.

Ces conférences confirment la prise de conscience que la répression de la possession de pornographie impliquant des enfants constitue le meilleur point d'ancrage dans la lutte contre la pornographie enfantine étant donné qu'elle permet de réduire la demande de tels «produits». Il est à craindre que les autorités de poursuite pénale auront de gros problèmes supplémentaires à résoudre suite au renforcement de la punissabilité de la pornographie enfantine dans les domaine des nouveaux médias, en particulier Internet, et que les auteurs de ces infractions chercheront toujours de nouvelles voies pour échapper à la loi. Mais cela n'est pas un argument suffisant 106

107

108 109

110

111

En ce qui concerne la responsabilité sur Internet en général et la pornographie impliquant des enfants en particulier: Ulrich Sieber, Verantwortlichkeit im Internet, technische Kontrollmöglichkeiten und multimediarechtliche Regelungen, Munich 1999; Dorothée Ritz, Inhalteverantwortlichkeit von Online-Diensten, Berne 1998. cf. également le rapport d'un groupe de travail de la Confédération concernant Internet et le droit, Département fédéral de justice et police, 30 mai 1996; Stefan Ludwig Jahns, Die strafrechtliche Verantwortlichkeit des Providers für über ihn angebotene Inhalte in Österreich und Deutschland, Tübingen 1997.

Les indications suivantes se restreignent aux recommandations les plus récentes, sans remettre en question l'importance d'autres conférences ainsi que les recommandations qui y sont prises.

Journal officiel des Communautés européennes, L 270/48 Report of the Special Rapporteur on the Sale of Children, Child Prostitution and Child Pornography - Statement du 14 avril 1999 to the Commission on Human Rights 55e Session (UNESCO). Environ 300 spécialistes du domaine de la lutte contre la pornographie impliquant des enfants (en particulier des spécialistes d'Internet et des fournisseurs d'accès) ainsi que des représentants de 40 gouvernements et de 75 organisations non gouvernementales (ONG) avaient pris part à cette rencontre.

La conférence, qui a eu lieu dans le cadre du dialogue transatlantique entre l'Union européenne et les Etats-Unis, se fonde sur une initiative des ministres des affaires étrangères / relations extérieures de l'Autriche et des Etats-Unis, Wolfgang Schüssel et Madeleine Albright.

La plupart des services «Internet Service Providers» (fournisseurs d'accès qui offrent des services sur Internet) sont établis aux Etats-Unis et en Europe.

2799

pour renoncer à édicter une disposition pénale prévoyant de punir la possession de la pornographie impliquant des enfants 112.

Objets du délit sont des écrits pornographiques, des enregistrements sonores ou visuels, des images, des autres objets de ce genre ou des représentations pornographiques. Les «objets de ce genre» sont toute personnification ou description d'une représentation pornographique; les formes énoncées de personnification de la pornographie (écrits, enregistrements sonores ou visuels, représentations) ont un caractère uniquement exemplatif113. Le législateur souhaitant couvrir tous les médias permettant la propagation de représentations pornographiques, la variante proposée, à savoir «acquis ou obtenu d'une autre manière, possédé» est étendue à l'acquisition de données par voie électronique. Il n'y a aucune raison de ne pas appliquer par analogie aux données électroniques immatérielles la notion de possession spécifique au droit pénal, à savoir le pouvoir et la volonté de possession. Enfin, la variante qui consiste à «obtenir d'une autre manière» est destinée à assurer que l'on pourra appliquer la loi non seulement à l'acquisition mais aussi à toute autre forme d'entrée en possession de telles données. La disposition pénale ne recouvre pas seulement les supports de données connus actuellement, mais d'éventuelles nouvelles formes de mémoire de données114. La rapidité de l'évolution technique ferait que l'énoncé de moyens de transmission particuliers pourrait être dépassé après un laps de temps très court.

2.2.2

Droit comparé115

En Allemagne, la mise en circulation d'écrits pornographiques est réglée au § 184 du Code pénal. Selon le § 184, al. V, le fait de se procurer ou de posséder de la pornographie impliquant des enfants est punissable depuis la révision du 27 juillet 1993, pour autant qu'il y ait reproduction d'un vécu concret ou proche de la réalité.

En Autriche, le fait de se procurer ou de posséder des représentations pornographiques impliquant des mineurs, soit des personnes qui n'ont pas encore atteint l'âge de 14 ans (§ 74, ch. 1, CP) est sanctionné, depuis 1994, par le § 207a, al. 2 du Code pénal. Il est nécessaire pour cela qu'il y ait reproduction d'un vécu concret; les écrits ou les enregistrements audio ne sont pas considérés comme objet du délit. Par ailleurs, la loi fédérale du 31 mars 1950 (Bundesgesetz über die Bekämpfung unzüchtiger Veröffentlichungen und den Schutz der Jugend gegen sittliche Gefährdung) contient également des dispositions pénales relatives à la pornographie.

112

Des mesures de filtrage, par lesquelles la pornographie enfantine pourrait être bannie totalement du réseau Internet, exigent l'adoption de normes qui interdisent tout cryptage.

Une telle interdiction signifierait une grave intrusion dans le secret des télécommunications et serait incompatible avec les buts poursuivis par Internet. Cf.

Ulrich Sieber, Kriminalitätsbekämpfung und freie Datenkommunikation im Internet, Multimedia und Recht 7/98.

113 A savoir cf. Günter Stratenwerth, Besonderer Teil I, § 4 N 96 et § 10 N 8, ainsi que Jenny, op. cit. art. 197 N 13, ainsi que ATF 119 IV 149 et 121 IV 109 (ad. art. 197 CP).

114 En Allemagne, où la notion d'«écrits» est définie au § 11, al. 3, du Code pénal allemand, la Informations- und Kommunikationsdienstegesetz du 13 juin 1997, entrée en vigueur le 1er janvier 1998, a placé sur un même pied les mémoires de données et les écrits en adaptant la notion d'écrits aux nouveaux services d'information et de communication.

115 Le chapitre consacré au droit comparé se fonde sur les indications fournies par l'Institut suisse de droit comparé ainsi que sur les recherches entreprises à l'Office fédéral de la justice.

2800

En Belgique (art. 383bis CP), en Norvège (§ 211 CP), en Suède (art. 10a du 16e chapitre du CP), au Danemark (§ 235, al. 2, CP), en Finlande (chapitre 17, art. 19 CP) la possession de pornographie enfantine (représentations pornographiques) a également été déclarée punissable en 1994 (Danemark), en 1995 (Belgique et Norvège), en 1998 (Finlande 116) et en 1999 (Suède).

L'art. 240b du Code pénal néerlandais menace d'une peine celui qui possède la représentation de comportements sexuels qui mettent en scène des personnes qui n'ont pas encore atteint l'âge de 16 ans.

En Italie, la possession de pornographie impliquant des enfants est également punissable depuis la révision du Code pénal du 3 août 1998 (nuove norme contro la pedofilia). Selon l'art. 600quater, est punissable celui qui se procure ou possède sciemment du matériel pornographique produit en abusant d'un mineur (de moins de 18 ans).

En France, il n'existe aucune disposition légale qui déclare punissable la possession de pornographie impliquant des enfants. Pourtant, les tribunaux ont trouvé un moyen de punir de tels faits en interprétant très largement la notion de recel au sens de l'art. 321-1 CP; (selon cette disposition, ce qui est punissable c'est le fait de connaître la provenance délictueuse de l'objet).

Au Luxembourg, à l'occasion du traitement de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, la Chambre des députés a adopté une motion visant à punir la possession de pornographie impliquant des enfants.

Au Japon, en vertu d'une décision du Parlement du 18 mai 1999, ce sont notamment la fabrication, la vente, la distribution et la possession de pornographie impliquant des enfants qui sont passibles d'une peine de prison de 3 ans au plus ou d'une amende.

Aux USA, la possession de pornographie impliquant des enfants est punissable depuis 1986 au niveau fédéral117; la réglementation varie cependant selon les différents Etats qui détiennent la plupart des compétences en la matière. Seule une petite minorité d'entre eux punit la possession de pornographie impliquant des enfants 118.

En Grande-Bretagne, la pornographie est traitée comme une forme d'«obscénité»119.

La législation a été renforcée en 1994 compte tenu des nouveautés technologiques120.

En résumé, on peut retenir que la plupart des pays industrialisés ont déjà
réalisé ou sont du moins sur le point de réaliser la punissabilité de la possession de pornographie impliquant des enfants, recommandée par la Commission des droits de

116 117

Modification du 24.7.1998 § 2252A du United States Code, qui n'est appliqué que lorsque la loi fédérale est concernée (p. ex. pour les réserves d'Indiens et le district de Columbia).

118 Sur la base d'un recensement établi en février 1997, on peut constater que seuls les Etats du Wyoming, du Nouveau-Mexique, du Missouri, du Massachusetts, du Maine, du Vermont et de Richmond ne punissent absolument pas la possession de la pornographie impliquant des enfants.

119 Le Obscene Publications Act 1959 et 1964, le Telecommunications Act 1984 ainsi que deux Acts spécifiques à la pornographie enfantine: le Protection of Children Act 1979 et le Criminal Justice and Public Order Act 1994.

120 S. Yaman Akdeniz, Centre for Criminal Studies, University of Leeds, 1997, The Regulation of Pornography and Child Pornography on the Internet

2801

l'Homme des Nations Unies comme étant une importante mesure législative contre l'exploitation sexuelle des enfants.

2.2.3

Résultats de la procédure de consultation

La procédure de consultation a démontré que l'extension de la punissabilité à la possession de pornographie dure ­ et partant aux faits d'en acquérir ou de s'en procurer ­ a été soutenue pratiquement à l'unanimité s'agissant de la pornographie impliquant des enfants et à une forte majorité concernant les représentations de la violence. On a relevé que les quatre catégories de pornographie dure ne suscitent pas toutes le même degré de dégoût. Certains participants à la consultation ont exigé un traitement particulièrement sévère de la pornographie impliquant des enfants121, d'autres ont demandé de réprimer sévèrement l'usage de la violence à des fins pornographiques122. Le fait de vouloir punir également la possession de pornographie impliquant des animaux ou des excréments humains a suscité une certaine opposition123. On y mentionnait le fait que des pratiques sexuelles avec des excréments humains ne sont pas punissables, et que, par conséquent, la possession de telles représentations ne pouvait être considérée comme punissable. Dans la foulée il a été proposé de renoncer à la punissabilité des actes correspondants énoncés à l'art. 197, ch. 3, CP 124.

2.2.4

Interdiction de la possession de pornographie dure (art. 197, ch. 3 bis [nouveau] CP)

2.2.4.1

En général

Comme exposé précédemment, la fabrication de pornographie dure (hardcore) implique, dans de nombreux cas, dans la mesure où elle reproduit un vécu concret, la commission d'infractions graves en matière sexuelle ou d'actes de violence criminels, en particulier lors des cas les plus graves de pornographie dure, de pornographie impliquant des enfants et de représentations d'actes de violence sexuelle. L'abus sexuel commis contre des enfants est une condition nécessaire à la production de pornographie enfantine dans la mesure où elle reproduit un vécu concret.

L'augmentation en Suisse de la consommation de pornographie impliquant des enfants entraîne la fabrication de tels produits; l'intérêt financier encourage la commission de délits graves. Vu que les consommateurs portent ainsi une coresponsabilité, il est justifié de punir également la possession de pornographie impliquant des enfants125. La consommation proprement dite n'est pas déclarée punissable, ce qui ne peut en aucun cas être interprété comme une banalisation de la consommation de pornographie enfantine (cf. ch. 2.2.4.3).

Il n'y a pas de restrictions quant à l'objet du délit. La possession est déclarée punissable pour l'ensemble des objets et représentations énoncés à l'art. 197, ch. 3, CP (en 121 122 123 124 125

BS, ZH, ZG (Verhöramt Zug), SO, TG, VD ainsi que les Juristes démocrates de Suisse VD et les Juristes démocrates de Suisse En particulier BS, SO, TG, VD, ZG et les Juristes démocrates de Suisse ZG, SO, TG, VD, les Juristes démocrates de Suisse et Pink Cross Philippe Weissenberger, op. cit., p. 314 ss

2802

relation avec le ch. 1)126, ce qui veut dire les écrits, les enregistrements sonores ou visuels, les images, les autres objets de ce genre et les représentations pornographiques, donc également les représentations sur des supports de données électroniques, comme mentionnés précédemment (cf. ch. 2.2.1). Sachant que la pornographie enfantine est à l'origine de cette révision et que ce sont les représentations pornographiques qui sont en cause, une différenciation des objets du délit quant à la possession de certains types de pornographie dure aurait entraîné des difficultés de délimitation et, par conséquent, compliqué inutilement la poursuite pénale. Aucun argument significatif n'ayant été avancé pour ne pas soumettre certains objets du délit à l'interdiction de la possession, il a été renoncé à faire pareille différenciation.

Par ailleurs des objets ou représentations au sens du ch. 3 en relation avec le ch. 1 de l'art. 197 CP ne sont pas considérés comme pornographiques lorsqu'ils présentent un intérêt culturel ou scientifique digne de protection (art. 197, ch. 5, CP).

2.2.4.2

Punissabilité de la possession

Selon l'art. 197, ch. 3, CP sera puni de l'emprisonnement pour trois ans au plus ou de l'amende «celui qui aura fabriqué, importé, pris en dépôt, mis en circulation, promu, exposé, offert, montré, rendu accessible ou mis à la disposition des objets ou représentations visés au ch. 1, ayant comme contenu des actes d'ordre sexuel avec des enfants, des animaux, des excréments humains comprenant des actes de violence. Les objets seront confisqués»127.

Dans le présent projet B, le Conseil fédéral propose de punir de la même sanction celui qui acquiert, obtient d'une autre manière ou possède des objets ou représentations pornographiques décrits à l'art. 197, ch. 3, CP (en relation avec le ch. 1).

La notion de possession s'inspire des autres normes pénales qui prévoient cette variante, par exemple de l'art. 19 LStup du 3 octobre 1951128, et en particulier de la notion de possession au sens de l'art. 139 CP concernant le vol. La possession consiste, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en une maîtrise effective de la chose, associée à la volonté d'exercer ce pouvoir129. Le point de savoir si ces conditions sont réunies se détermine selon l'expérience et les règles de la vie en société130.

La possession comprend deux éléments: d'une part la possibilité et, d'autre part, la volonté d'exercer la maîtrise sur la chose. Le fait que le possesseur soit momentanément empêché de faire usage de la chose n'empêche pas la possibilité de la maîtriser.

126

127

128 129

130

Comme démontré au ch. 2.2.2 (Droit comparé), cette disposition correspond en grande partie à celle du Code pénal allemand, alors que le Code pénal autrichien ne déclare punissable que la possession de «représentations» pornographiques impliquant des mineurs.

Sur la base de cette disposition spéciale qui prévoit la confiscation de la pornographie dure, il n'est pas nécessaire de procéder à l'examen des conditions générales de la confiscation au sens de l''art. 58, al. 1, CP; cf. Stefan Trechsel, op. cit., p. 738 N 15.

RS 812.121 Le droit civil suisse ne connaît pas de notion unitaire de la possession; son contenu ressort de la fonction qu'elle a à remplir. La possession au sens du droit civil exige non seulement une maîtrise effective de la chose, à savoir une relation étroite et durable avec la chose, mais également ­ comme élément nécessaire à la maîtrise effective ­ la volonté d'exercer cette maîtrise. Cf. également Heinz Rey, Die Grundlagen des Sachenrechts und das Eigentum, Berne 1991, N 224; Jörg Schmid, Sachenrecht, Fribourg 1997, N 86 ss; Tuor/Schnyder/Schmid, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch 11e éd., Zurich 1995, p. 598 ss.

ATF 115 IV 106, 112 IV 11 avec renvois

2803

Il convient, à côté de la possession comme simple état, de prévoir également, ne serait-ce que pour des raisons liées à la preuve, des variantes topiques qui permettent d'établir la possession. Il s'agit en l'occurrence de l'acquisition de pornographie dure.

Toutes les formes d'acquisition telles que l'achat, l'échange, etc. doivent être punies.

A côté de l'acquisition, il existe néanmoins d'autres moyens de se procurer ou d'obtenir une chose qui contribuent dans une large mesure à former la demande en pornographie dure. Que l'on songe par exemple aux contrats de cession d'usage comme la location et le prêt, qui devraient être saisis également. C'est pourquoi, sera également punissable, celui qui «aura obtenu d'une autre manière» les représentations pornographiques décrites ci-après. Ainsi, il est tenu compte du fait que des produits pornographiques sont transmis également par voie non commerciale, par exemple échangés dans un cercle privé.

2.2.4.3

Non-punissabilité de la consommation

Les autorités de poursuite pénale auraient à affronter des problèmes disproportionnés si la consommation de pornographie enfantine était punissable; il est donc proposé de ne pas la déclarer punissable. Le consommateur étant simultanément le possesseur des représentations pornographiques ­ ce qui du moins devrait être le cas lorsqu'il y a poursuite pénale ­, il est punissable en tant que possesseur.

En revanche, celui qui se laisse montrer des représentations de pornographie enfantine demeure impuni; car la consommation en elle-même n'entraîne ni ne maintient la maîtrise effective de l'objet; il n'y a donc pas possession.

La frontière entre la consommation non punie et la possession punissable pénalement dépend des circonstances concrètes. Dans le domaine d'Internet131 on est en présence de possession punissable pénalement lorsque l'usager télécharge (download) des représentations pornographiques sur ses propres supports de données, par exemple sur son disque dur, et en détient ainsi la maîtrise effective. L'usager d'Internet ne se limite ainsi plus à la simple contemplation de ces images proposées par un fournisseur, mais il fait connaître son intention de refaire appel à ces images le cas échéant.

En revanche, lorsque le browser (programme de recherche et de présentation de contenus du World Wide Web) entreprend une «sauvegarde intermédiaire» de données à contenu pornographique dans des fichiers temporaires (cache), l'existence de telles données temporaires, sur la création desquelles la plupart des usagers d'Internet n'ont aucune influence, ne constituent pas, de l'avis du Conseil fédéral, en règle générale, une maîtrise de l'objet qualifiable de possession.

2.2.4.4

Pornographie impliquant des enfants et représentations de la violence sexuelle

Comme il a été déjà répété, la pornographie enfantine, plus exactement l'exploitation de mineurs de moins de 16 ans, est à la base de la présente modification législative.

131

Concernant les autres objets du délit, par ex. les écrits, il n'y a pas de problèmes pour délimiter la frontière entre possession et consommation.

2804

Le projet mis en consultation par le Conseil fédéral se fondait sur le libellé de la motion Béguin du 12 décembre 1996, adoptée par le Conseil des Etats le 10 mars 1997 et transmise au Conseil fédéral par le Conseil national le 17 décembre 1997.

Cette motion chargeait le Conseil fédéral de compléter l'art. 197, ch. 3, CP, à savoir toutes les formes de pornographie dure, en ce sens que la possession d'objets et de représentations de pornographie légalement interdite soit déclarée punissable.

Alors que cette extension de la punissabilité à la possession de pornographie enfantine était approuvée à l'unanimité, la consultation a démontré que pour beaucoup la proposition allait trop loin (cf. ch. 2.2.3).

D'ailleurs en Allemagne et en Autriche l'interdiction de la possession se limite uniquement à la pornographie enfantine 132.

A part la pornographie enfantine, ce sont les représentations de la violence sexuelle qui constituent indéniablement les cas les plus graves de pornographie dure. Dans les deux cas, ce sont en règle générale des infractions graves, réglées dans le code pénal lui-même, qui sont à l'origine de la production de représentations pornographiques.

Lors de la procédure de consultation, une forte majorité s'est prononcée en faveur non seulement d'une interdiction de la possession de représentations pornographiques impliquant l'exploitation sexuelle d'enfants, mais également la possession de représentations d'actes de violence sexuelle. Il n'y a pas eu d'objection concrète quant à la punissabilité de la possession de représentations de la violence sexuelle.

Toutefois, on a soulevé la question de savoir si, dans ce domaine, la protection des biens juridiques requiert effectivement une telle disposition pénale 133.

De l'avis du Conseil fédéral, la notion de «représentations de violence sexuelle» ne comprend pas des représentations d'actes sadomasochistes pratiqués d'un commun accord134 lorsqu'il n'y a pas simultanément commission d'autres infractions (par ex.

des lésions corporelles). La crainte que l'Etat s'immisce d'une manière injustifiée dans la sphère privée135 est donc infondée.

Le Conseil fédéral maintient donc, comme le demande une forte majorité des milieux consultés, la punissabilité de la possession de représentations d'actes de violence sexuelle méprisant la dignité humaine.

132

En Suisse, la notion de pornographie dure est définie de manière plus complète qu'en Allemagne et qu'en Autriche (en Allemagne, en vertu du § 184 CP allemand: la pornographie enfantine, les représentations de la violence et les actes d'ordre sexuel avec des animaux, mais pas les actes d'ordre sexuel avec des excréments humains; en Autriche, en vertu du § 207a du CP autrichien: la pornographie enfantine, les actes d'ordre sexuel avec des animaux, mais pas les représentations de la violence ainsi que les actes d'ordre sexuel avec des excréments humains).

133 BS 134 Concernant le jugement médical de ces pratiques sexuelles, on renvoit à la classification ICD-10 de l'OMS, qui, sur mandat du Ministère fédéral de la santé publique allemand, a été publiée par le Deutsches Institut für Medizinische Dokumentation und Information, DIMDI, (§ F 65.5, Sadomasochisme).

135 Pink Cross

2805

2.2.4.5

Actes d'ordre sexuel avec des animaux136

L'aspect répréhensible de la possession de représentations d'actes d'ordre sexuel avec des animaux est justifié par ceux qui préconisent un traitement égal de cette catégorie de pornographie dure avec la pornographie enfantine et celle représentant la violence sexuelle, par le fait que l'art. 197, ch. 3, CP traite de manière égale les quatre formes de pornographie dure. Il ne suffit pas que les actes d'ordre sexuel avec des animaux soient classés parmi les actes de pornographie dure au sens de l'art. 197, ch. 3, CP pour en étendre la punissabilité à la possession. Les actes d'ordre sexuel avec des animaux sont considérés comme des mauvais traitements en vertu de l'art. 27, al. 1, let. a, de la loi du 9 mars 1978 sur la protection des animaux (LPA; RS 455) et punis en tant que tels137. La sanction est l'emprisonnement (jusqu'à trois ans) ou l'amende. Si l'on considère la gravité des actes qui sont commis en règle générale pour fabriquer les représentations pornographiques, on constate que la sanction prévue pour mauvais traitements envers les animaux est beaucoup plus faible que celle prévue pour les infractions à l'intégrité sexuelle ou pour les délits impliquant des actes de violence qui sont en partie définis comme des crimes.

S'agissant de la punissabilité de la possession de pornographie représentant des actes d'ordre sexuel avec des animaux, il manque une justification valable comparable à celle évoquée pour interdire la possession de pornographie enfantine où les représentations d'actes de violence sexuelle.

Ceci est confirmé par le résultat de la procédure de consultation où il est constaté que, dans le domaine de la sodomie, il n'y a pas la même nécessité de légiférer que dans ceux de la pornographie enfantine ou des représentations d'actes de violence sexuelle138.

La possession de représentations d'actes d'ordre sexuel avec des animaux ne tombe donc pas sous le coup de la loi. Toutefois, les mauvais traitements d'ordre sexuel envers les animaux demeurent punissables ­ comme auparavant ­ et ne sont en aucune façon banalisés.

136

La signification de sodomie (cf. également zoophilie) diffère selon les langues (allemand: relations sexuelles avec des animaux; français: relations sexuelles contre nature y compris avec des animaux).

137 La jurisprudence est rare (cf. Antoine F. Goetschel, Kommentar zum Eidgenössischen Tierschutzgesetz, art. 27, Berne 1986, Recht und Tierschutz, Berne 1993, Marty L. Hamburger, Tendenzen bei der Beurteilung von Tierschutzstrafsachen, p. 248 s., et A.F. Goetschel, Das Schweizerische Tierschutzgesetz ­ Übersicht zu Theorie und Praxis, p. 277), le nombre effectif de cas pourrait être élevé. En Autriche et en Allemagne, les actes d'ordre sexuel avec des animaux ne sont punissables que si les conditions de mauvais traitement sont réunies (§ 22 CP autrichien. § 18 de la loi allemande sur la protection des animaux, version du 25.5.1998).

138 BS, ZG, SO, TG, VD et les Juristes démocrates de Suisse. Le 13.12.1999, le Conseil national n'est pas entré en matière sur l'initiative parlementaire "L'animal, être vivant", au sujet de laquelle la Commission des affaires juridiques du Conseil national avait rendu rapport le 18 mai 1999 (FF 1999 8118). L'initiative avait pour but d'améliorer la situation juridique des animaux et de corriger l'idée que les animaux ne sont que des choses. Dans ce cadre, il était proposé d'ajouter un al. 4 bis à l'art. 110 CP selon lequel, lorsqu'une disposition fait référence à la notion de chose, elle s'applique également aux animaux.

2806

2.2.4.6

Actes d'ordre sexuel avec des excréments humains

Ce qui est énoncé au chiffre précédent (ch. 2.2.4.5) concernant la punissabilité de la possession de représentations d'actes d'ordre sexuel avec des animaux est a fortiori valable pour les actes d'ordre sexuel avec des excréments humains qui font aussi partie de la pornographie dure punie à l'art. 197, ch. 3, CP 139.

En ce qui concerne cette catégorie de pornographie dure, la procédure de consultation a laissé entrevoir des doutes encore plus grands s'agissant d'une extension de la punissabilité telle qu'elle est proposée. De part et d'autre, il a été proposé de qualifier à l'avenir de pornographie douce des actes d'ordre sexuel avec des excréments humains. Vu que la présente révision porte sur la seule extension de la punissabilité de formes précises de pornographie dure à la possession de ces représentations, le Conseil fédéral ne voit pas l'opportunité de revoir la définition de la pornographie dure (art. 197, ch. 3 CP).

Dans la mesure où il s'agit d'étendre la punissabilité à la possession de pornographie, le Conseil fédéral estime qu'il n'y a pas de motifs suffisants140 pour justifier la punissabilité de la possession de représentations d'actes d'ordre sexuel avec des excréments humains.

2.2.4.7

Punissabilité de la possession de représentations virtuelles

Lors de la procédure de consultation, il a été proposé 141, par analogie au droit allemand et au Code pénal autrichien (§ 184, al. 5, CP allemand, et § 207a, al. 1, CP autrichien), de ne réprimer pénalement la possession de pornographie enfantine que dans le cas où les représentations reproduisent un fait réel142. Selon cette règle, la possession de représentations virtuelles d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et de violences sexuelles demeurerait impunie.

Toutefois, le rapporteur spécial des Nations Unies concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants a encouragé tous les Etats à interpréter l'art. 34 de la Convention relative aux droits de l'enfant de

139

Cette catégorie d'actes d'ordre sexuel présente la particularité que les actes d'ordre sexuel représentés, dans la mesure où ils n'ont pas lieu en public, ne sont pas punissables, contrairement aux autres catégories de pornographie dure, qui requièrent la commission d'infractions voire de crimes.

140 Marc Forster, Die Korrektur des strafrechtlichen Rechtsgüter- und Sanktionenkataloges im gesellschaftlichen Wandel, RDS 1995 II 165. L'auteur décèle dans le droit pénal des moeurs une certaine tendance «moraliste» du législateur. Selon lui, ce dernier a lui-même érigé en principe le fait de ne déclarer un comportement punissable que «s'il lèse ou est de nature à léser autrui, ou si l'un des partenaires n'a pas pleinement la faculté de se déterminer face à un tel comportement, ou encore s'il y a lieu d'empêcher que quelqu'un prenne connaissance contre son gré d'actes d'ordre sexuel» (FF 1985 II 1079; M. Forster, op. cit., p. 153 s.).

141 PLS et Pink Cross 142 Le Code pénal autrichien punit non seulement les représentations reproduisant un fait réel, mais également les représentations proches de la réalité («Darstellungen ..., deren Betrachtung nach den Umständen den Eindruck vermittelt, dass es bei ihrer Herstellung zu einer solchen geschlechtlichen Handlung gekommen ist ...»).

2807

sorte que cette disposition concerne également la pornographie enfantine virtuelle143.

Cette exigence semble être justifiée étant donné que la probabilité existe qu'il ne soit pas toujours possible de constater si une représentation est réelle ou virtuelle, ce qui pourrait, inutilement, compliquer la lutte contre la pornographie enfantine.

Le Conseil fédéral estime dès lors qu'il est justifié de punir la possession de représentations virtuelles de pornographie enfantine et de violence sexuelle de la même manière que la possession de représentations qui reproduisent des scènes réelles.

Vu que certaines images virtuelles, à savoir les bandes dessinées et les dessins animés, s'adressent essentiellement aux jeunes, il serait inopportun de ne pas les soumettre à la loi pénale compte tenu de la protection de la jeunesse.

2.2.4.8

Sanction pénale

Lorsqu'il édicte des dispositions pénales, le législateur fixe la sanction pénale en tenant compte des biens juridiques en cause et des infractions semblables.

Etant donné que l'on justifie la punissabilité de la possession de pornographie enfantine et de représentations de violence sexuelle par le fait qu'il existe un intérêt ­ financier ­ à fabriquer de tels «produits», il va sans dire que le simple possesseur de ces représentations ne viole pas les biens juridiques protégés dans la même mesure que celui qui les fabrique ou les transmet.

Le Conseil fédéral propose donc de fixer une peine maximale moins haute pour la possession de pornographie dure que pour sa fabrication et sa commercialisation. La peine maximale d'un an d'emprisonnement ou de l'amende (ailleurs emprisonnement [3 ans] ou amende) semble être adéquate.

L'initiative parlementaire Simon 144, retirée par la suite, proposait d'ajouter à l'art. 197 une disposition prévoyant que la possession de pornographie enfantine demeure impunie à certaines conditions afin que des «organismes d'utilité publique ayant comme spécification reconnue la lutte contre la pornographie enfantine et la pédophilie», puissent «continuer à jouer leur rôle d'auxiliaires de la justice». Des problèmes semblables existent avec d'autres délits de mise en danger abstraite tels que la possession de stupéfiants illégaux. Le Tribunal fédéral a prononcé un acquittement en application du principe selon lequel un acte objectivement illicite n'est contraire au droit que lorsque l'auteur prend un risque inadmissible145. Celui qui, dans l'exercice de son devoir de fonction ou de profession, est confronté à de la pornographie (la personne travaillant sur Internet-Monitoring) ne commet pas d'infraction (art. 32 CP et art. 14 P-CP). Il existe donc une possibilité de renoncer à la poursuite d'actes non punissables consistant à se procurer ou à posséder de la pornographie enfantine ou des représentations de la violence; il n'est donc pas nécessaire de compléter l'art. 197 CP 146.

143

Report of the Special Rapporteur on the sale of children, child prostitution and child pornography, Ms. Ofelia Calcetas-Santos du 13.1.1998 144 Cf. ch. 1.1.2.2.3.1 145 ATF 117 IV 58 ss 146 Selon l'art. 52 P-CP, l'autorité compétente renonce à poursuivre, à renvoyer devant le tribunal ou à infliger une peine à l'auteur si sa culpabilité et les conséquences de son acte sont peu importantes (cf. message du Conseil fédéral du 21.9.1998; FF 1999 1870 ss).

2808

2.2.5

Représentations de la violence (art. 135 CP)

Les actes d'ordre sexuel comprenant des actes de violence font partie ­ comme exposé précédemment ­ de la pornographie dure (art. 197, ch. 3, CP). L'art. 135 CP punit les représentations de la violence sans connotation sexuelle. Elles sont punissables si elles illustrent avec insistance des actes de cruauté envers des êtres humains ou des animaux portant gravement atteinte à la dignité humaine.

Bien qu'il n'ait été demandé dans aucune des interventions parlementaires actuellement pendantes de réviser l'art. 135 CP parallèlement à l'art. 197, ch. 3, CP, le Conseil fédéral est d'avis que l'art. 135 CP doit être compris dans la présente révision.

Les deux dispositions ont été débattues au Parlement, non pas simultanément, mais dans les mêmes perspectives et avec les mêmes données; les actes constitutifs des deux infractions ont été formulés de façon identique. Les dispositions en question devraient dès lors être révisées dans le même sens.

C'est pourquoi les motifs qui ont été évoqués en faveur de la révision de l'art. 197, ch. 3, CP valent aussi pour l'art. 135, ch. 1, CP. La demande portant sur les représentations de la violence incite, ici aussi, à la commission de délits graves. L'obtention, l'acquisition et la possession de tels produits doivent dès lors être déclarées punissables à l'art. 135 CP. Par ailleurs, il peut être renvoyé au commentaire du projet B relatif à l'interdiction de la possession de pornographie dure 147.

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières

3.1.1

Pour la Confédération

Les modifications législatives proposées n'ont pas de conséquence financière pour la Confédération.

3.1.2

Pour les cantons

Il se peut qu'une probable augmentation du nombre de poursuites pénales entraîne un surcroît de travail pour les autorités cantonales chargées de la poursuite pénale, d'une part en raison de la nouvelle réglementation de la prescription et d'autre part en raison de l'extension de la punissabilité dans le domaine de la pornographie enfantine et des représentations de la violence. Les frais supplémentaires qui en découleront le cas échéant ne peuvent guère être évalués à ce jour.

3.2

Conséquences sur l'économie publique

Les projets sont sans conséquence sur l'économie publique.

147

Cf. ch. 2.2

2809

4

Programme de la législature

Les projets ne sont pas contenus dans le programme de la législature 1999 à 2003 148.

5

Rapport avec le droit international

Les projets n'ont pas de rapport direct avec le droit communautaire. Ils visent en revanche ­ comme il a été exposé dans les chapitres sur le droit comparé149 ­ une harmonisation souhaitable du droit pénal suisse avec les réglementations prévues par les Etats de l'Union européenne dans les domaines de la prescription des infractions graves contre l'intégrité sexuelle des enfants ainsi que dans le domaine de la possession de pornographie enfantine.

L'introduction de la punissabilité de la possession de pornographie enfantine permettra à la Suisse de suivre des recommandations internationales150.

6

Constitutionnalité

Au regard de l'art. 123, al. 1, de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (correspond à l'art. 64bis de la constitution fédérale de 1874), la Confédération a le droit de légiférer en matière de droit pénal. D'éventuelles restrictions dans l'exercice des droits fondamentaux151, par exemple les libertés d'opinion et d'information (art. 16 Cst.), dont la substance n'est par ailleurs pas remise en question, sont de toute évidence justifiées et par conséquent proportionnelles compte tenu de l'intérêt public et de la protection de droits fondamentaux d'une valeur supérieure appartenant à des tiers (en particulier art. 7, Dignité humaine, et art. 10, Droit à la vie et liberté personnelle).

148

Cf. rapport du Conseil fédéral du 1er mars 2000 sur le programme de la législature 1999­ 2003 (FF 2000 2231) 149 Cf. ch. 2.1.2, 2.1.4.2 et 2.2.2 150 Cf. ch. 1.1.2.2.3.2 151 Cf. art. 36 Cst. et (ad art. 32 P-Cst.) le message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale; FF 1997 I 195 ss.

2810