00.029 Message concernant la ratification du protocole du 24 juin 1998 à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, de 1979, relatif aux métaux lourds du 1er mars 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral concernant la ratification du protocole du 24 juin 1998 à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, de 1979, relatif aux métaux lourds.

Veuillez agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er mars 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-0575

2903

Condensé Le 6 mai 1983, la Suisse, membre de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies (CEE/ONU), a ratifié la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (Convention de Genève). Des protocoles sont nécessaires pour concrétiser les objectifs fixés par cette convention-cadre. Cinq protocoles additionnels (un au sujet de la surveillance et du financement, deux relatifs aux émissions de soufre, un relatif aux émissions d'oxydes d'azote et un autre relatif aux composés organiques volatils) sont déjà en vigueur. La Suisse a ratifié les cinq protocoles.

Le 24 juin 1998, un nouveau protocole a été signé à Aarhus (Danemark), notamment par la Suisse. Il vise une réduction des émissions de métaux lourds, qui exercent une action toxique pour les êtres humains à la suite de leur accumulation dans les sols et le long de la chaîne alimentaire. Depuis lors, 35 Etats ainsi que la Communauté européenne l'ont signé.

Il entrera en vigueur le nonantième jour suivant le dépôt du seizième instrument de ratification. Pour l'instant, le Canada et la Suède l'ont ratifié. Plusieurs autres Parties ont annoncé qu'ils le ratifieront au cours de l'an 2000.

En signant ce protocole, la Suisse s'est engagée à réduire ses émissions de métaux lourds notamment de cadmium, de plomb et de mercure dans l'air par référence à l'année 1990. Elle honore déjà les engagements qui en découlent.

La Suisse a participé activement à l'élaboration du protocole, dont la ratification n'implique aucun engagement supplémentaire, de nature financière ou autre, pour la Confédération ou les cantons.

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Message 1

Généralités

1.1

Point de la situation

1.1.1

Aspects scientifiques et problèmes en relation avec les métaux lourds

Les sources principales d'émissions de métaux lourds dans l'atmosphère sont les processus de combustion, la métallurgie et l'abrasion des matériaux (peintures anticorrosion, pneus, usure des métaux, etc.). Les émissions se font essentiellement sous forme de poussières qui se déposent rapidement aux alentours des sites de rejets lorsqu'elles sont de grandes tailles. Une partie de ces poussières sont de très petites tailles et elles sont susceptibles d'être transportées sur de longues distances (plusieurs centaines de kilomètres suivant les conditions météorologiques). Ces métaux sont déposés sous forme sèche ou humide sur le sol, la végétation et dans les eaux. Une accumulation dans les sols, même à l'écart des sources d'émissions, peut en résulter.

L'homme y est exposé par inhalation de l'air ambiant ou lors de la consommation des aliments et de l'eau contaminé et par l'absorption de poussières et de particules de sol. Sur la base des effets néfastes connus, il apparaît que les métaux lourds font partie des substances toxiques. En effet, les métaux lourds ne sont pas dégradables par les processus naturels. De plus, ils sont enrichis par les mécanismes physicochimiques et biologiques (bioaccumulation). Les êtres humains y sont exposés directement ou au terme de la chaîne alimentaire ce qui peut provoquer des dommages aigus ou chroniques pour la santé humaine. Parmi ces effets nocifs, on peut mentionner les empoisonnements, les troubles du métabolisme, les malformations, les problèmes de croissance ou du développement du système nerveux central, par exemple. Il est donc indispensable de réduire autant que possible les émissions de ces métaux lourds dans l'air afin de diminuer les risques d'inhalation de l'air ambiant contaminé et d'ingestion de poussières ou d'aliments souillés.

1.1.2

Situation en Suisse

La Suisse a déjà agi depuis de nombreuses années par le biais de l'Ordonnance sur la protection de l'air (OPair; RS 814.318.142.1) et l'Ordonnance sur les substances dangereuses pour l'environnement (Osubst; RS 814.013) afin, par exemple, de réduire la teneur en plomb de l'essence, de diminuer les émissions en provenance des usines d'incinération des déchets ou des usines métallurgiques, ainsi que pour restreindre les émissions de cadmium et de mercure en provenance des piles et des batteries. Grâce aux mesures adoptées pour ces sources principales, on a atteint, en 1995, un niveau de réduction de 65 % pour le cadmium et de 90 % pour le plomb par rapport à leurs niveaux d'émission le plus élevé en 1970. Pour le mercure, la réduction est d'environ 70 % par rapport à son niveau maximal en 1980.

Pour l'année 1995, en Suisse, les émissions de cadmium s'élevaient à 2,5 tonnes, celles de mercure à 3,3 tonnes et celles de plomb à 226 tonnes. Ces émissions peuvent encore être fortement réduites.

2905

1.1.3

Conditions-cadres internationales

La Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance a été signée le 13 novembre 1979 lors de la Conférence des ministres de l'environnement des Etats membres de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies (CEE/ONU) qui s'est tenue à Genève. Depuis lors, 44 pays l'ont ratifiée, dont la Suisse, le 6 mai 1983 (cf. FF 1982 III 309 ss). La Convention est entrée en vigueur le 16 mars 1983.

Jusqu'en 1994, cinq protocoles additionnels ont été élaborés. Il s'agit: ­

du Protocole EMEP relatif au programme concerté de surveillance continue et d'évaluation du transport à longue distance des polluants atmosphériques (Genève 1984);

­

du Protocole relatif à la réduction des émissions de soufre de 30 % (Helsinki 1985);

­

du Protocole relatif à la stabilisation des émissions d'oxydes d'azote (Sofia 1988);

­

du Protocole relatif à la réduction des émissions de composés organiques volatils de 30 % (Genève 1991);

­

du Protocole relatif à une nouvelle réduction des émissions de soufre (Oslo 1994).

La Suisse a ratifié ces protocoles et applique les engagements qu'ils contiennent.

Le nouveau protocole, relatif aux métaux lourds, a été adopté par les Parties à la Convention le 24 juin 1998 à Aarhus (Danemark) lors d'une session extraordinaire de l'Organe exécutif de la Convention dans le cadre de la Conférence paneuropéenne des Ministres de l'environnement. 35 Etats y compris les USA et le Canada, ainsi que la Communauté européenne, l'ont signé. Le protocole constitue une nouvelle étape importante vers la résolution du problème de la pollution atmosphérique sur le territoire de la CEE/ONU. Il engage aussi bien les pays hautement industrialisés que les pays dont l'économie est en voie de transition en Europe centrale et orientale.

1.2

Déroulement des négociations

Les travaux ont débuté en 1991 lorsque l'Organe exécutif de la Convention a mandaté une équipe spéciale (,,Task force,,) pour évaluer les problèmes que constituent les transports à longue distance de métaux lourds pour la santé humaine et l'environnement. Cette équipe spéciale était dirigée par l'Allemagne et la République tchèque. En 1994, l'équipe spéciale dans son rapport substantiel est arrivé à la conclusion qu'il était nécessaire de réduire les émissions et les flux transfrontières de métaux lourds afin de limiter les risques pour la santé humaine et l'environnement.

L'Organe exécutif a alors chargé un groupe de travail préparatoire de rassembler les éléments nécessaires pour entreprendre des négociations. Cette tâche s'est terminée à la fin de 1996 et les négociations proprement dites ont pu débuter dans le cadre du ,,Groupe de travail des stratégies,,. D'autres organes de la Convention (Groupe de travail des effets, Groupe de travail des techniques de réduction, EMEP) ont fourni 2906

des éléments et les bases appropriées pour rédiger le projet de protocole et ses annexes techniques. Des représentants de l'administration et des milieux scientifiques suisses ont activement participé aux travaux qui se sont terminés en février 1998.

Le Protocole a été rédigé de manière qu'il soit applicable par l'ensemble des pays de la CEE/ONU. Il y a lieu de relever que ce Protocole représente un défi important pour les pays d'Europe centrale et orientale.

2

Partie spéciale: Contenu du Protocole relatif aux métaux lourds

Le protocole a pour objet de lutter contre les émissions de métaux lourds (en priorité le cadmium, le plomb et le mercure) imputables aux activités anthropiques qui font l'objet d'un transport atmosphérique transfrontière à longue distance et sont susceptibles d'avoir des effets nocifs importants sur la santé ou l'environnement.

Les obligations fondamentales sont contenues dans l'art. 3, par. 1: ,,Chaque Partie réduit ses émissions annuelles totales dans l'atmosphère de chacun des métaux lourds énumérés à l'annexe I par rapport au niveau des émissions au cours de l'année de référence fixée conformément à cette annexe, en prenant des mesures efficaces adaptées à sa situation particulière.,, Il est à relever que le Protocole ne spécifie pas le taux de réduction à atteindre, il n'y a pas de plafonds nationaux d'émission. Par contre des mesures d'assainissement (basées sur les meilleures techniques disponibles) sont prescrites et permettront de réaliser des diminutions considérables du niveau des émissions.

En effet, au deuxième paragraphe il est précisé que chaque Partie appliquera, au plus tard dans les délais spécifiés à l'annexe IV, les éléments suivants: a.

Les meilleures techniques disponibles (mentionnées à l'annexe III) à chaque source fixe nouvelle faisant partie des onze catégories de sources principales énoncées à l'annexe II;

b.

Les valeurs limites spécifiées à l'annexe V pour chaque source fixe nouvelle faisant partie des onze catégories de sources principales énoncées à l'annexe II;

c.

Les meilleures techniques disponibles, en prenant en considération l'annexe III, à chaque source fixe existante;

d.

Les valeurs limites spécifiées à l'annexe V à chaque grande source fixe existante, pour autant que cela soit techniquement et économiquement possible.

Par ailleurs, toutes les Parties ont la possibilité d'appliquer des stratégies différentes de réduction des émissions pour chacun des points mentionnés ci-dessus, pour autant qu'elles aboutissent à des niveaux d'émission équivalents à l'application des valeurs limites spécifiques.

De plus, chaque Partie appliquera des mesures de réglementation des produits conformément aux conditions et dans les délais spécifiés à l'annexe VI. Cela concerne la teneur en plomb de l'essence, ainsi que la teneur en mercure des piles et des batteries.

Les Parties procéderont à des révisions régulières des obligations contenues dans le Protocole. A la vue des conclusions de cette révision, l'Organe exécutif fixera les

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modalités afin d'entreprendre des négociations sur les nouvelles mesures pour réduire les émissions.

Conformément à l'art. 9, l'Organe exécutif est doté d'un nouvel instrument sous la forme d'un comité d'application chargé d'examiner si le présent Protocole est bien appliqué et si les Parties s'acquittent de leurs obligations.

L'art. 13 règle la procédure de modification (amendements) du protocole et de ses annexes. Ces modifications doivent être acceptées par les Parties présentes à la session de l'Organe exécutif (principe du consensus). Une décision de l'Organe exécutif a établi d'une manière très précise les critères à respecter et les procédures à suivre pour ajouter ultérieurement de nouveaux métaux lourds et des produits au Protocole.

Ce Protocole entrera en vigueur le nonantième jour qui suit la date du dépôt du seizième instrument de ratification ou d'adhésion (art. 17).

A tout moment après l'expiration d'un délai de cinq ans commençant à courir à la date à laquelle le présent Protocole est entré en vigueur à l'égard d'une Partie, cette Partie peut dénoncer le Protocole (art. 18).

3

Conséquences pour la Suisse et l'Europe

Le présent Protocole n'implique aucun engagement supplémentaire (financier ou autre) pour la Confédération et les cantons. Les travaux d'inventaires périodiques d'émissions, de surveillance et de mesures des immissions, ainsi que le contrôle de suivi pourront être réalisés dans le cadre du budget ordinaire de l'OFEFP (rubriques ,,Commissions et organisations internationales: Convention CEE/ONU de Genève,,, avec une contribution des rubriques ,,Mise en oeuvre de l'OPair,, et ,,Mise en oeuvre de l'Osubst,,).

Les dispositions de base du Protocole s'inscrivent dans le cadre de l'actuelle politique suisse pour la protection de l'air, qui se fonde elle-même sur les dispositions de la Loi fédérale sur la protection de l'environnement (RS 814.01) et a été concrétisée par l'OPair (RS 814.318.142.1), ainsi que par l'Osubst (RS 814.013). En ce qui concerne l'année de référence pour les engagements en matière de réduction des émissions, à communiquer lors de la ratification du Protocole, c'est l'année 1990 qui est proposée pour la Suisse car on dispose des meilleures données d'émissions pour cette année-là.

A l'heure actuelle, la Suisse remplit déjà les engagements découlant du Protocole relatif aux métaux lourds. Il est également à signaler que l'essence au plomb est interdite depuis le 1er janvier 2000 conformément à la révision de l'OPair du 25 août 1999. Les prescriptions suisses en la matière sont ainsi en conformité avec celles appliquées au sein de l'Union européenne, qui ont servi de base lors de l'élaboration du présent Protocole.

Le tableau ci-dessous indique le niveau des émissions en 1990 et le niveau qui sera probablement atteint en 2010, ainsi que le pourcentage de réduction correspondant.

2908

Niveau des émissions en Suisse (en tonnes par année)

cadmium

mercure

plomb

Année de référence 1990

4.2

6.8

520

Estimation pour 2010

2.0

2.4

90

Réduction en 2010 par rapport à 1990

52 %

65 %

83 %

Dans le cadre d'une étude effectuée par l'institut hollandais TNO, le potentiel de réduction résultant de l'adoption des mesures contenues dans le projet de Protocole pour l'année 2010 a été déterminé (par rapport à 1990). Il est à relever que les différentes mesures envisagées permettent non seulement d'agir sur les trois métaux prioritaires (réduction de 30 % pour le cadmium, de 60 % pour le plomb et de 20 % pour le mercure sur l'ensemble de l'Europe) mais également d'autres métaux lourds par voie de conséquence (réduction de 40 % pour l'arsenic et de 25 % pour le cuivre, le chrome, le nickel et le zinc).

4

Programme de législature

Les activités de la Suisse dans le cadre de la Convention de Genève figurent dans le programme de législature 1999­2003 en tant qu'objet des Grandes lignes R 14 et la procédure de ratification de ces deux protocoles est mentionnée dans l'annexe 2 (ch. 2.4 Environnement et infrastructure).

5

Relation avec le droit européen

La Communauté européenne est Partie à la Convention CEE/ONU sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance. Elle a participé activement aux négociations en tant que représentant des quinze Etats-membres et a signé le présent Protocole. Par conséquent, le Protocole est compatible avec le droit européen.

6

Constitutionnalité

La Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance de la CEE/ONU est une convention-cadre. Cela signifie que des accords additionnels sous forme de protocoles sont nécessaires pour réaliser les objectifs de la Convention.

Le Protocole relatif aux métaux lourds, qui constitue un accord de limitation des émissions, n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 39, al. 2, de la loi sur la protection de l'environnement, raison pour laquelle le Conseil fédéral n'est pas en mesure de le ratifier lui-même. Cet accord a été conclu sur la base de l'art. 54, al. 1, de la Constitution fédérale (Cst.), selon lequel la Confédération est autorisée à conclure des traités avec l'étranger. La compétence de l'Assemblée fédérale se fonde sur l'art. 166 al. 2, Cst. Le Protocole est dénonçable, ne prévoit pas l'adhésion à une organisation internationale et n'entraîne pas d'unification multilatérale du droit.

L'arrêté fédéral relatif à son adoption n'est par conséquent pas sujet au référendum facultatif conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, Cst.

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