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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la subvention de l'école primaire publique par la Confédération.

(Du 18 juin 1901).

Monsieur le président et messieurs, Dans le courant de la session de juin 1900, MM. Gobât et consorts déposaient au Conseil national la motion suivante : « Le Conseil fédéral est invité à présenter aux Chambres un projet sur la subvention de l'école primaire par la Confédération, assez tôt pour que cet objet puisse être discuté dans la session d'été de 1901. » A la même époque une motion analogue était introduite au Conseil des Etats par MM. Munzinger et 19 co-signataires.

Lors de la session de décembre dernier, les deux conseils prirent en considération cette motion, après que le Conseil fédéral eut déclaré qu'il présenterait à la prochaine session de juin le projet d'arrêté déjà admis par lui en mars 1899, mais dont le dépôt avait été différé ensuite de raisons budgétaires.

La question des subventions à l'école primaire n'est pas nouvelle. D'aucuns en voient l'origine déjà dans la constitution de la République helvétique une et indivisible qui centralisait

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toute l'instruction publique sous l'autorité du Directoire et du ministre des arts et sciences ; mais nous ne voulons' pas remonter si haut; nous nous bornerons à constater que, lors des discussions de la Diète qui aboutirent à l'article 22 de la constitution de 1848,1) l'idée d'une subvention fédérale aux écoles primaires n'était guère dans les esprits ; on avait alors en vue l'instruction supérieure uniquement. « La Confédération, s'exprimaient les rapporteurs de la première commission de révision, MM. Kern et Druey, ne saurait se désintéresser de l'instruction publique, qui est la base de la vie publique, de la liberté et de l'ordre. Toutefois, la Confédération ne doit se charger que de la création des établissements qui occasionnent des dépenses au-dessus des forces des cantons ou de ceux dont les cantons ne peuvent assurer la prospérité par suite de l'insuffisance de leurs ressources. Tels" sont notamment les établissements d'instruction supérieure préparant aux différentes carrières libérales ».

L'école primaire n'était donc pas en jeu quant à l'appui financier de la Confédération.

C'est en 1861, au sein de l'assemblée générale de la société suisse des instituteurs, à Zurich,- que nous voyons pour la première fois apparaître l'idée d'une intervention financière fédérale dans le domaine de l'instruction primaire. Le principal sujet qui figurait à l'ordre du jour de cette assemblée était : « De la possibilité et de l'opportunité de centraliser en une certaine mesure l'école primaire en Suisse ». Et dans ce sujet rentrait le « programme minimum de connaissances pouvant et devant être exigé des établissements cantonaux d'instruction, ainsi que les moyens de faciliter et d'assurer la réalisation de ces exigences. » Or, parmi ces moyens, on entrevoyait, comme un progrès désirable, l'appui financier de la Confédération. M. Pries, directeur du séminaire de Kusnacht, disait en effet dans son rapport : « Le plus pratique serait d'appliquer les subsides fédéraux à la constitution d'un bon corps d'instituteurs, que ces subsides soient affectés à la formation même du maître ou à l'amélioration de son traitement. Dans le premier cas, la Confédération pourrait prêter son appui, en fournissant, moyennant un droit de haute surveillance, des secours financiers aux séminaires d'instituteurs insuffisamment
dotés ou mieux encore en accordant aux jeunes gens aptes à devenir d'excellents maîtres, des bourses leur permettant de suivre les ') Article 22. La Confédération a le droit d'établir une université suisse et une école polytechnique.

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cours d'une bonne école normale. Dans la seconde alternative, la Confédération pourrait, en cas d'insuffisance des traitements, consacrer une certaine somme à les améliorer, en posant an canton subventionné la condition d'un minimum à fixer par l'autorité fédérale ».

Puis viennent les débats relatifs au projet de révision constitutionnelle de 1872. Au début de ce travail de révision, la question de l'enseignement primaire avait été laissée de côté, le message du Conseil fédéral ne la soulevant du reste pas ; on ne se préoccupait que de l'instruction supérieure ; aussi la commission du Conseil national, passant outre quelques pétitions qui réclamaient pour la Confédération un droit de surveillance sur l'école populaire, avait adopté la rédaction suivante en lieu et place de l'article 22 de la constitution de 1848 : « La Confédération a le droit de créer une université, une école polytechnique et d'autres établissements supérieurs d'instruction publique ».

Dès lors, ensuite de manifestations provenant de divers milieux, un courant se dessina en faveur de l'intervention du pouvoir central dans le domaine de l'instruction primaire ; mais la question financière était laissée à l'arrière-plan; c'était la pénétration fédérale dans l'enseignement scolaire inférieur qu'on visait, sans [s'inquiéter d'une participation effective aux frais résultant pour les cantons de cet enseignement.

Toutefois, au cours de la première discussion devant le Conseil national sur l'article 24, (article 27 du projet définitif de 1872), M. le conseiller fédéral Schenk défendit lo point do vue pour lequel il ne devait pas cesser de combattre. Les conclusions de la majorité de la commission étaient de n'inscrire dans la Constitution fédérale aucune disposition touchant l'instruction primaire, tandis que d'autre part on demandait soit la laïcité, l'obligation et la gratuité de l'instruction, soit un programme minimum d'enseignement. Or M. Schenk, à propos du principe de l'obligation d'un enseignement minimum et de sa gratuité, voulut prévoir l'aide de la Confédération aux cantons et aux communes pour l'accomplissement des devoirs qui leur seraient imposés du chef de l'application de ce principe; c'est pourquoi, il proposa éventuellement à l'article 24 une adjonction ainsi conçue : « La Confédération subventionnera l'instruction
primaire dans une mesure à déterminer par la loi. » M. Escher, au nom de la majorité de la commission, s'opposa au programme minimum comme devant entraîner fatalement une centralisation complète de l'école ; il s'opposa de

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même à la proposition Schenk entre autres par le motif « qu'on ne saurait trop où trouver les ressources nécessaires pour les subventions à accorder en vue du développement de l'instruction primaire. » A la votation (14 décembre 1871) la proposition éventuelle de M. Schenk fut repoussée et d'ailleurs l'avis de la majorité de la commission (exclusion de toute disposition relative à l'instruction primaire) l'emporta.

Plus tard, on revint sur cette votation, mais sans aborder le thème de la subvention fédérale et, en fin de compte, après de nombreuses péripéties, sortit l'article 27 (auparavant article 24) du projet définitif ainsi rédigé.

« La Confédération a le droit de créer une Université, une Ecole polytechnique et d'autres établissements supérieurs d'instruction publique. » « Les cantons pourvoient à l'instruction primaire, qui doit être obligatoire et gratuite. » « La Confédération peut fixer, par voie législative, le. minimum de l'enseignement qui doit être donné dans les écoles primaires. » On sait quel sort fut réservé au projet de constitution du 5 mars 1872.

Dans les débats parlementaires qui suivirent et dont est née la constitution de 1874, l'article scolaire adopté en 1872 ne resta pas intact.

L'institution du programme minimum fut remplacée par une disposition générale portant que l'instruction primaire doit être suffisante, étant réservé à la Confédération de prendre les mesures nécessaires contre les cantons qui ne satisfairaient pas à leurs obligations. Mais, durant toute la discussion à laquelle donna lieu l'article 27 J ) de la constitution actuelle, la question des subventions scolaires fut à peine effleurée.

') Article 27 de la constitution de 1874 : « La Confédération a le droit de créer, outre l'Ecole polytechnique fédérale existante, une université fédérale et d'autres établissements d'instruction supérieure ou de subventionner des établissements de ce genre.

Les cantons pourvoient à l'instruction primaire, qui doit être suffisante et placée exclusivement sous la direction de l'autorité civile. Elle est obligatoire et, dans les écoles publiques, gratuite.

Les écoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les adhérents de toutes les confessions, sans qu'ils aient à souffrir d'aucune façon de leur liberté de conscience ou de croyance.

La Confédération prendra les mesures nécessaires contre les cantons qui ne satisferaient pas à ces obligations».

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La constitution actuelle venait à peine d'être adoptée que le Congrès de la société suisse des instituteurs, réuni à Winterthour le 7 septembre 1874, adressait une requête au Conseil fédéral le priant de bien vouloir préparer le plus tôt possible un projet de loi sur l'école primaire.

La question fut mise à l'étude et, le 20 novembre 1878, le Département de l'Intérieur remettait au Conseil fédéral un rapport intitulé : « L'article 27 de la Constitution fédérale et l'instruction primaire en Suisse. » Ce rapport terminait par un avant-projet d'une loi fédérale concernant l'instruction primaire ; mais, dans ses conclusions générales, il estimait que le moment n'était pas propice pour tenter un essai de législation fédérale à cet égard. D'autre part, il concluait à une meilleure organisation du Département fédéral de l'Intérieur pour l'exercice d'une surveillance efficace sur l'exécution de l'article 27, au maintien des examens des recrues, à la publication d'un rapport général annuel sur l'état de l'instruction populaire en Suisse, à l'encouragement des cantons, « par divers moyens, » dans l'accomplissement de leur tache et à des mesures appropriées contre ceux qui la négligeraient, à l'établissement d'un programme minimum et à la création d'un brevet d'instituteur valable pour toute la Confédération.

Quant à l'appui financier de cette dernière, il devait se manifester en favorisant « la formation d'instituteurs et insti« tutrices capables, soit en instituant, lorsque l'état des finances « fédérales le permettra, une ou plusieurs écoles normales fé« dérales, soit en s'entendant avec la direction d'écoles nor« mâles existantes. » Ajoutons que le corps du rapport mentionne en outre comme encouragements aux cantons des subventions aux expositions scolaires permanentes, la mise au concours de questions pédagogiques, la publication de bons manuels et moyens d'enseignement, l'envoi de délégués aux expositions scolaires nationales ou internationales.

L'Etude du Département de l'Intérieur conduisit au message du Conseil fédéral du 3 juin 1880, concernant l'exécution de l'article 27 de la constitution, puis à l'arrêté du 14 juin 1882 prévoyant a) les enquêtes et études nécessaires pour assurer l'exécution complète de l'article 27 de la Constitution fédérale et permettre de légiférer sur la matière ; b) la création d'une place de secrétaire de l'instruction publique.

Le plébiscite du 26 novembre 1882, qui repoussa cet arrêté, est encore à la mémoire de tous.

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Signalons en passant que M. le landammann Tsohudi, lors de la discussion de l'arrêté de 1882, et en opposition à cet arrêté, avait déposé une motion tendant à examiner s'il ne conviendrait pas, pour fixer et régler le droit de haute surveillance de la Confédération sur l'école primaire, d'édicter une loi et s'il n'y aurait pas lieu d'introduire dans cette loi diverses dispositions de principe qu'il énumérait. Or, parmi ces dispositions figurait l'obligation pour la Confédération : a) de subventionner la publication de manuels scolaires généraux et individuels ; 6) de prêter son appui financier aux cantons auxquels l'application consciencieuse de la loi fédérale imposerait des sacrifices particulièrement lourds.

Comme on le voit, dans tous ces débats qui ont précédé la votation du 26 novembre, l'intervention financière de la Confédération jouait un rôle des plus accessoires; c'était contre tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à [une centralisation scolaire que l'opposition se manifestait, contre la tendance, imaginaire ou pas, d'élargir le cadre de l'article 27, afin d'étendre les compétences fédérales au préjudice de celles des cantons ; par principe, on ne voulait pas d'une législation fédérale sur l'instruction primaire.

Le fait est que, à part une conférence donnée en octobre 1888 par M. Gass, maître secondaire, à la société des instituteurs bâlois, on n'entend plus parler de subventions fédérales à l'école primaire jusqu'en 1892. En revanche, pendant cette période, les Chambres votaient des crédits pour l'encouragement de l'enseignement professionnel (arrêté du 27 juin 1884) et de l'enseignement commercial (arrêté du 15 avril 1891).

Le 13 mars 1892, une importante assemblée d'instituteurs bernois se tint à Berne aux fins de reprendre la question de la subvention fédérale à l'école primaire. Cette assembléeer provoqua une réunion de délégués qui eut lieu à Olten le 1 mai 1892 et là il fut décidé d'agir par voie de pétition auprès de l'Assemblée fédérale, en même temps qu'on prenait la résolution suivante : «Le Comité central de la société suisse des instituteurs est prié d'étudier la question de la subvention fédérale à l'école primaire en se joignant les personnes les plus qualifiées pour l'éclairer à ce sujet et de préparer les voies propres à hâter la solution de cette
question. » Le résultat de cette étude fut un mémoire adressé à l'Assemblée fédérale le 20 octobre 1892 par la société suisse des instituteurs et la société pédagogique de la Suisse romande.

Ce mémoire concluait : « Nous prions la haute Assemblée de

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bien vouloir charger le Conseil fédéral d'examiner notre requête et de présenter un rapport et des propositions sur la question de savoir s'il ne conviendrait pas, à l'aide de subventions de la Confédération à l'école primaire, de mettre les cantons en état d'appliquer les dispositions de l'article 27 de la Constitution fédérale et de pourvoir réellement à ce que l'instruction primaire soit suffisante ».

Cette requête avait été précédée et fut suivie d'une série de pétitions dans le même sens parmi lesquelles : a) Pétition de la conférence cantonale des instituteurs du canton d'Argovie du 24 septembre 1892.

6) Pétition du synode scolaire de Berne du 12 novembre.

c) Pétition de la société cantonale des instituteurs glaronnais.

d) Pétition du synode scolaire zurichois appuyée par la société des instituteurs du canton de Soleure.

Entre temps, M. le conseiller national Curti et un certain nombre de ses collègues déposaient, le 20 juin 1892 la motion suivante : « Le Conseil fédéral est invité à présenter, après étude, un rapport et des propositions sur la question de savoir : 1° Si, en exécution des dispositions de l'article 27 de la constitution fédérale, qui prescrit aux cantons un enseignement scolaire primaire suffisant, ceux-là ne doivent pas être appuyés par des subventions de la Confédération ; 2° Si, par le moyen de ces subventions fédérales, il ne serait pas possible d'introduire la gratuité des livres et objets servant à l'enseignement dans l'école primaire.

Cette motion fut renvoyée, quant à sa discussion, à plusieurs reprises ; enfin, le 7 juin 1893, après un débat des plus nourris et ensuite de divers amendements, elle fut prise en considération dans la teneur ci-après : « Le Conseil fédéral est invité à présenter, après étude, un rapport et des propositions sur la question de savoir si, en exécution de la disposition de l'article 27 de la constitution fédérale, qui prescrit aux cantons un enseignement scolaire primaire suffisant, ceux-là ne doivent pas être appuyés par des subventions de la Confédération, dans la mesure que l'état de ses finances le permettra. » Donnant suite à la motion Curti et consorts, le Département fédéral de l'Intérieur, alors dirigé par M. le conseiller

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fédéral Schenk, élabora (octobre 1893) un « projet de loi sur la subvention des écoles primaires publiques par la Confédération ». Ce projet prévoyait une dépense annuelle de 1,200,000 francs à inscrire au budget pour une période quinquennale. Il divisait les cantons quant à leur situation économique, en trois classes, la l re recevant 30. cent, par tête de population, la 2me 40 cent, et la 3me 50 cent. Il prévoyait l'institution d'une commission de sept membres chargée de prendre toutes décisions relatives à l'exécution de la loi, cette commission étant autorisée à se mettre en rapport avec les départements d'instruction publique des cantons, à prendre des renseignements, à formuler des observations et à exprimer des voeux.

Sur ces entrefaites surgit l'initiative constitutionnelle dite du « Beutezug » qui aboutit au vote négatif du 4 novembre 1894, mais qui n'en retarda pas moins la marche du progrès que l'on tendait à réaliser dans l'école populaire.

C'est le 14 mai 1895 seulement que M. Schenk soumit des propositions au Conseil fédéral. De la discussion sortit le projet de loi portant la date du 5 juillet 1895 (voir annexe I).

Quelques jours plus tard, un accident tragique enlevait au pays ce magistrat vénéré qui avait attaché son nom à la cause de l'instruction publique en Suisse. La mort inattendue de M. Schenk fut cause d'un nouveau retard, sans compter que l'attention se trouvait détournée des subventions scolaires par d'autres problèmes économico-politiques d'une solution plus pressante.

Les choses en étaient là lorsque, par circulaire du 26 janvier 1897, la direction de l'instruction du canton de Zurich prit l'initiative de convoquer les directeurs d'instruction publique de tous les cantons à l'effet de discuter entre eux la question de la subvention fédérale à l'école primaire. Sur cet appel, les directeurs cantonaux d'instruction publique se constituèrent en conférence et, après plusieurs réunions, convinrent d'un projet de loi qui, accompagné d'une requête explicative, fut adressé au Conseil fédéral et à l'Assemblée fédérale sous date du 15 avril 1898 (voir annexe II). « Les présentes propositions, dit la requête, sont le résultat de mûres délibérations des représentants des départements cantonaux d'instruction publique. Elles peuvent, sous cette forme, être considérées comme
reflétant l'opinion de la très grande majorité d'entre eux et elles sont le produit de concessions réciproques faites de part et d'autre ».

Dix-neuf gouvernements cantonaux avaient déclaré être d'accord en principe sur le projet dé loi adopté par la conférence.

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Le Département de l'Intérieur se remit à l'oeuvre et, en décembre 1898, il nantissait le Conseil fédéral de nouvelles propositions. Le 2l mars 1899, un projet d'arrêté fut adopté et publié dans la Feuille fédérale, le Conseil fédéral se réservant de le soumettre à la délibération des chambres au moment qu'il jugerait opportun, en tenant compte de la situation financière de la Confédération. C'est ce projet du 21 mars 1899 qui est aujourd'hui présenté à l'Assemblée fédérale, cela à la demande de cette dernière.

Ajoutons que la conférence des directeurs cantonaux d'instruction publique, dans une séance tenue à Berne le 5 juin 1900, a adressé au Conseil fédéral un second mémoire dans lequel elle insiste sur l'urgence qu'il y a d'aboutir à une décision définitive au sujet de la subvention de l'école primaire par la Confédération.

Que le concours financier de la Confédération soit nécessaire pour permettre aux cantons de remplir d'une manière complète les devoirs qui leur incombent de par l'article 27 de la constitution, ce n'est guère contestable. Peut-être tel canton privilégié est-il en mesure de se suffire à lui-même en ce qui concerne les dépenses exigées par ses charges scolaires ? Mais on doit reconnaître qu'il n'en est pas ainsi pour la plupart des états confédérés.

L'instruction primaire qui était « suffisante », il y a trente ou quarante ans, ne l'est plus aujourd'hui ; en cette sphère, comme dans beaucoup d'autres, nous subissons les lois inéluctables de la concurrence et, si nous voulons être à la hauteur d'autres pays, nous ne pouvons plus nous contenter du bagage scolaire d'antan ; il faut redoubler d'efforts et de sacrifices pour donner à notre jeunesse une instruction primaire assez vaste et assez solide en vue de la lutte pour la vie, car l'instruction primaire est la base non-seulement d'une bonne éducation civique de l'individu, mais aussi de son avenir économique.

Chacun s'en rend compte et partout les autorités sont animées des meilleures intentions à l'égard de l'école populaire ; mais les budgets cantonaux, sollicités par tant d'autres besoins que comporte le développement d'un pays qui ne veut pas reculer, supportent à grand peine les charges croissantes qui sont la conséquence forcée d'une amélioration de l'enseignement.

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Aussi l'instruction primaire est-elle menacée de subir dans sa marche un arrêt fâcheux, si la Confédération ne se décide pas à lui prêter un appui efficace.

La statistique fournie par les examens des recrues démontre à elle seule que la moyenne de l'instruction donnée à l'école primaire n'est pas « suffisante », comme le prescrit l'article 27 de la constitution fédérale. Cette statistique établit aussi que, si quelques cantons avancent dans le domaine de l'école, d'autres sont loin de les suivre. Après avoir constaté que la proportion des recrues ayant obtenu la note 1 (la note la meilleure) dans plus de deux branches n'a pas diminué et que celle des recrues avec les notes 4 ou 5 dans plus d'une branche n'a pas augmenté, le dernier rapport pédagogique (1899) nous dit : « Mais si, au lieu de se borner à ces résultats généraux, on considère la proportion des très bons comme des très mauvais résultats totaux pour les différents cantons, le tableau change essentiellement d'aspect ; car si, d'un côté, il est un certain nombre de cantons qui ont progressé d'une façon réjouissante, il en est d'autres qui, par contre, ont rétrogradé.

La proportion des très bons résultats d'ensemble est meilleure pour 13 cantons; pour 10 elle est inférieure à l'année précédente, et, pour 2, elle est restée la même; en ce qui concerne les très mauvais résultats totaux, il n'y a que 8 cantons qui aient progressé; 4 cantons accusent un arrêt, 13 un recul ».

Certainement, l'école primaire n'encourt pas seule la responsabilité de ces résultats, mais elle en a la plus grande part.

Or, disent les cantons, si le niveau général de l'instruction primaire est insuffisant, c'est que les moyens de procurer cette instruction ne correspondent pas aux exigences actuelles et ils avouent eux-mêmes ne pas pouvoir, par leurs seules forces, obvier à cet état de choses.

Sans vouloir entrer dans des détails, ni préciser, cela afin de ne blesser personne, il est de fait que, dans nombre de cantons, l'instruction populaire laisse énormément à désirer, soit quant au personnel enseignant, soit quant aux moyens d'enseignement. Ici le traitement de l'instituteur d'une modicité qui dépasse toute imagination; d'où, si tant est qu'il puisse être recruté, un corps enseignant dont la culture se trouve bien au-dessous de la moyenne ; là, des locaux scolaires exigus, sombres et humides, des classes encombrées d'élèves, un matériel d'enseignement réduit à sa plus simple expression et le reste à l'avenant.

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La plupart des cantons reconnaissent la nécessité absolue d'augmenter le traitement des instituteurs ; nul ne conteste l'utilité de bâtiments d'école aussi spacieux que possible et répondant aux règles de l'hygiène moderne; on cherche partout à faciliter aux enfants l'accès de la classe et à faire en sorte qu'ils soient munis d'un matériel scolaire répondant aux besoins ; mais trop souvent la bonne volonté se heurte à l'insuffisance des ressources. Aussi les cantons viennent-ils frapper à la porte de la Confédération et lui demander aide.

En principe, la nécessité de l'intervention financière fédérale en vue d'aider les cantons à remplir leurs obligations scolaires est généralement admise, aussi bien que l'on a admis la participation financière de la Confédération à l'enseignement professionnel, à l'enseignement commercial et à l'enseignement de l'économie domestique. Pourquoi donc cette intervention rencontre-t-elle un certain nombre d'adversaires ? La raison en est que ces derniers craignent qu'elle conduise fatalement à une ingérence fédérale dans l'enseignement primaire lui-même et petit à petit à une réelle centralisation scolaire. Si tel devait être le cas, si la subvention fédérale devait amener une immixtion du pouvoir central dans les programmes, dans les méthodes d'enseignement, en un mot dans ce que nous appellerons la doctrine de l'école, alors il ne saurait en être question ni d'une manière, ni d'une autre, sous le régime de la constitution actuelle.

Ce que les cantons demandent (à part six opposants dont le nombre, croyons-nous savoir, est déjà diminué) et ce qu'il est désirable que la Confédération accorde, c'est l'appui financier pur et simple de cette dernière. En 1874, les Chambres n'ont pas voulu de l'alinéa de l'article 25 du projet de 1872, qui prévoyait la fixation par voie législative d'un minimum de l'enseignement devant être donné dans les écoles primaires ; la majorité du peuple suisse partageait ces vues et ne paraît pas avoir changé d'avis dès lors : on part de l'idée qu'à l'égard de l'instruction et de l'éducation, les cantons doivent rester eux-mêmes ; que leur diversité dans ce champ de l'activité intellectuelle fait leur originalité et leur force, en même temps qu'elle contribue à la prospérité de la patrie commune ; qu'on ne saurait fondre tous les confédérés dans
le même moule éducatif sans altérer le caractère propre à notre pays et sans rompre avec des traditions sacrées auxquelles il faut se garder de toucher.

Est-ce à dire que le droit des cantons à une subvention fédérale aura simplement pour effet d'alléger leurs charges

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fiscales et ne souffrira aucun contrôle, qu'il ne constituera en définitive autre chose qu'un « Beutezug » déguisé ? Non certes ; la subvention fédérale doit être un allégement des charges cantonales futures et la Confédération a mission d'en contrôler l'emploi ; mais, nous le répétons, il ne peut s'agir que d'un contrôle purement financier : la Confédération doit se horner à vérifier l'application de la subvention fédérale aux divers facteurs instructifs et éducatifs proposés par les cantons et rentrant dans le cadre prévu par l'arrêté législatif; elle a si peu à s'ingérer dans l'enseignement, qu'elle n'a pas à s'occuper de savoir s'il serait préférable pour un canton d'appliquer sa part de subvention à tel ou tel des buts susceptibles d'être subventionnés ; elle n'a qu'à vérifier si l'emploi de la somme allouée par l'acte législatif est conforme ou pas aux indications données par le canton, examinées et approuvées par le Conseil fédéral en vertu des prescriptions de l'article 7 de l'arrêté fédéral ; là se circonscrit l'exercice de son contrôle. L'indépendance des cantons dans le domaine de l'école est par conséquent pleinement sauvegardée.

A côté des adversaires par crainte de l'ingérence fédérale dans l'enseignement populaire, viennent se ranger ceux qui estiment que, pour l'heure, le budget ne peut pas être grevé d'une dépense nouvelle aussi forte que celle résultant des subventions désirées. A ces adversaires temporaires, il a été répondu qu'il importait de sortir de l'indécision et de trancher une fois pour toutes cette question en suspens depuis de si longues années ; ce qui ne signifie pas qu'il sera fait abstraction des considérations financières, lorsqu'il s'agira de fixer l'entrée en vigueur de l'arrêté, si les Chambres l'adoptent en principe. A ce moment-là, quel sera l'état des finances fédérales ? nous ne pouvons le prévoir.

La nécessité de subventionner l'école primaire " étant reconnue quant au fond, une question préliminaire se pose qui ne laisse pas d'être d'une solution très délicate : La Confédération peut-elle, par la seule voie législative, accorder de telles subventions, sans recourir au préalable à une modification des textes constitutionnels qui concernent l'enseignement primaire ?

(Article 27 de la Constitution).

A cette question, le Département de Justice et Police, consulté sur la constitutionnalité du projet des chefs des Départe-

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ments cantonaux d'instruction publique, répond d'une manière affirmative, estimant « que les dispositions de ce projet n'impliquent aucune modification dans la répartition constitutionnelle des droits de souveraineté entre la Confédération et les cantons en matière d'instruction primaire. » Un avis de droit, donné au Département de l'Intérieur par M. le professeur Karl Hilty, se prononce également dans le sens d'une subvention fédérale à l'école primaire, sans révision préalable de la Constitution.

En ce qui le concerne, le Conseil fédéral partage aussi l'opinion qu'une révision de la Constitution n'est pas indispensable pour donner le droit à la Confédération d'accorder des subventions à l'école primaire.

L'article 27 de la Constitution pose le principe que les cantons pourvoient à l'instruction primaire, laquelle doit être obligatoire et gratuite ; mais il ne parle pas d'une participation financière de la Confédération aux charges résultant pour les cantons de cet enseignement.

D'autre part, cet article donne à la Confédération le droit de créer ou de subventionner des établissements d'instruction supérieure.

D'où l'on en déduit que les textes constitutionnels prévoyant l'intervention financière de la Confédération en matière d'instruction supérieure seulement, l'instruction populaire se trouve constitutionnellement exclue du bénéfice de cette intervention.

Or c'est se méprendre sur le sens et la portée de l'article 27. En effet, cet article a pour but de fixer les compétences en ce qui touche à l'enseignement public lui-même indépendamment de préoccupations financières ; il sert à délimiter les droits respectifs de la Confédération et des cantons dans ce domaine moral et intellectuel ; sa destination est de déterminer la sphère d'activité possible de la Confédération au point de vue de l'école pure, ce qu'il fait en restreignant cette sphère à l'instruction supérieure, tandis qu'il réserve l'instruction primaire exclusivement aux cantons.

Cet article 27 a avant tout une signification politique et non économique. S'il parle occasionnellement de subvention, c'est, pour prendre les termes de l'exposé du Département de Justice et Police, « que le droit de subventionner des étab« lissements cantonaux d'instruction supérieure est opposé à la « faculté pour la Confédération de créer des établissements de ce

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« genre ; il en résulte clairement que si la Constitution fédérale « avait accordé à la Confédération seulement le droit de créer « des établissements fédéraux d'instruction supérieure, par cela « même le droit de subventionner des établissements cantonaux « ne pourrait être reconnu au pouvoir central. En déterminant « la situation constitutionnelle de la Confédération vis-à-vis des « établissements d'instruction supérieure, le législateur a dû « mentionner expressément tant la faculté de créer que celle « de subventionner des établissements de ce genre, car la men« tion d'une seule de ces facultés aurait équivalu à l'exclusion « de l'autre. Pour l'école primaire, la situation est différente.

« La Confédération n'a certes pas le droit de créer des écoles « primaires ; par conséquent son droit de subventionner l'école « populaire cantonale ne devait pas nécessairement être inscrit « à l'article 27, à supposer que cette faculté pût découler de « quelque autre disposition de la Constitution. » L'article 27 ne contient aucune disposition positive interdisant de subsidier l'école primaire et son contexte n'implique point une pareille interdiction ; quant à sa genèse, elle ne donne pas trace d'une intention quelconque du législateur de défendre une subvention de ce genre. Il est vrai qu'en 1872 M. le conseiller fédéral Schenk avait proposé la subvention à l'école primaire dans une mesure à déterminer par la loi et que sa proposition n'eut pas de succès ; mais, outre que l'article 25 du projet de constitution de 1872 est autre que l'article 27 de la Constitution de 1874, cela démontre simplement qu'alors on n'a pas voulu faire des subsides scolaires une obligation constitutionnelle pour la Confédération.

Pour n'être pas défendue, la subvention fédérale à l'école primaire se justifie-t-elle aux yeux de la constitution?

La Confédération accorde son appui financier aux écoles professionnelles et aux écoles commerciales ; c'est .ainsi que le budget de 1901 comporte de ce chef une dépense totale de 1,621,000 francs; elle subsidie l'enseignement agricole (budget de 1901 : 268,000 francs); elle accorde des subsides annuels aux expositions scolaires permanentes (14,000 francs); elle édite et fournit gratuitement à toutes les écoles de la Confédération une carte murale delà Suisse (167,000 francs); elle encourage
les arts, les lettres et les sciences par des allocations périodiques importantes, etc. Or, toutes ces dépenses budgétaires n'ont d'autre base que l'article 2 de la constitution qui prévoit que la Confédération a pour but, entre autres, d'accroître la prospérité des confédérés.

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« On réclame, dit le message du 20 novembre 1883 sur l'enseignement professionnel, la coopération et l'appui de la Confédération pour l'amélioration de l'enseignement professionnel et par là dans l'intérêt de la prospérité générale. Or, l'article 2 de la constitution fédérale dit expressément que la Confédération a pour but d'accroître la prospérité commune des confédérés. Cette disposition donne à la Confédération le droit de subventionner l'enseignement professionnel. » Puis le rapport de la commission du Conseil des Etats ajoute au sujet de la question de savoir si la Confédération est qualifiée pour donner son appui financier : « Nous partageons entièrement la manière de voir du Conseil fédéral et du Conseil national qui ont résolu affirmativement cette question en se basant sur l'article 2 de la constitution fédérale, et nous le faisons parce que l'enquête industrielle a fourni la preuve irréfragable que le bien-être d'une grande partie de notre peuple paraît menacé par des circonstances qu'il n'est pas en notre pouvoir de modifier. » . . . . . « La constitution fédérale de 1874 n'est plus basée sur la notion du Rechtsstaat, de l'Etat qui ne s'occupe que de questions juridiques, comme le conçoit l'école dite de Manchester, et de fait le peuple reconnaît aujourd'hui la nécessité d'accroître la prospérité commune des confédérés, même dans les domaines qui ne sont pas spécialement et expressément mentionnés dans la constitution. » II n'en saurait être autrement à l'égard de l'instruction primaire, car, parmi les éléments de la prospérité nationale, c'est bien le premier. Le message du 23 novembre 1880 relatif aux expositions scolaires permanentes le signale déjà: « Lors même que les écoles sont du ressort des cantons, la Confédération y a un puissant intérêt : un intérêt général tout d'abord, parce qu'il s'agit ici de la prospérité du peuple suisse, et un intérêt particulier, parce que la constitution lui confère le droit et le devoir de veiller à ce que la jeunesse reçoive dans tous les cantons une instruction suffisante. » Si la jurisprudence des Chambres a admis que, sans modification préalable de notre acte constitutionnel, des subventions pouvaient être acordées aux écoles professionnelles, commerciales et agricoles, à plus forte raison doit-elle l'admettre pour l'école primaire, aucune disposition constitutionnelle quelconque ne s'y opposant.

691

Reste maintenant l'examen du dispositif du projet d'arrêté.

L'article 1er du projet consacre le principe de la subvention fédérale en faveur de l'école primaire, comme le fait l'arrêté de 1884 à l'égard de l'enseignement professionnel.

L'article 2 restreint le subside fédéral à l'école primaire officielle et énumère les buts auxquels ce subside doit être exclusivement appliqué. Dans cette énumération ne figurent que des facteurs essentiels à la bonne marche de l'enseignement ; toutefois, des critiques se sont élevées contre le poste « secours en aliments et en vêtements aux enfants pauvres pendant le temps de l'école ». C'est là une question d'assistance, a-t-on objecté ; or l'assistance est affaire des cantons ou des communes et non de la Confédération ; ce reproche peut avoir quelque chose de fondé ; cependant, on a pensé que ces secours étaient un moyen de faciliter aux élèves l'accès de l'école et qu'ainsi ils rentraient dans le cadre scolaire.

Art. 3. La subvention fédérale ne doit pas constituer un dégrèvement des charges actuelles des cantons ou des communes, mais un allégement des charges futures nécessaires pour l'amélioration de la situation présente de l'école ; aussi est-il prudent de prévoir en termes exprès que les dépenses ordinaires cantonales ne seront pas diminuées.

Art. 4. Le subside alloué aux cantons est calculé à raison de 60 centimes par tête d'habitant, huit cantons recevant un subside supplémentaire de 20 centimes par habitant, vu les difficultés. spéciales de leur situation au point de vue scolaire.

Le projet de 1895 divisait les cantons, quant à leur situation économique, en trois classes ; la l re recevait 30 centimes me par tête de population, la 2 classe 40 centimes et la 3me classe 50 centimes. Cette classification a été abandonnée : outre qu'elle peut paraître avoir quelque chose de choquant, elle n'a pas de critérium sûr ; comme que l'on fasse, elle sera facilement entachée d'erreurs et prêtera toujours le flanc à la critique.

D'autre part, il est constant qu'un certain nombre de cantons se trouvent, de par leur configuration géographique, dans une situation inférieure aux autres à l'égard de l'accomplissement de leurs devoirs scolaires ; or à cela le projet présenté aux chambres pourvoit par le supplément de subside.

Le projet des chefs des départements
d'instruction publique aurait désiré une subvention calculée à raison d'au moins 200 francs par place d'instituteur primaire. Ce système ne serait Feuille fédérale suisse. Année LUI Vol. III.

46

692

pas sans offrir des avantages, mais il a le défaut d'être peu stable et de varier constamment quant au chiffre total du subside ; de plus, il présente des inconvénients d'interprétation : une classe d'hiver sera-t-elle comptée comme place entière ? ce qui, en cas affirmatif, aurait le désavantage de pousser à la création de ce genre d'écoles ; envisagera-t-on comme place d'instituteur celle remplie par un maître secondaire donnant quelques heures par semaine dans une classe supérieure primaire ? etc., etc. Ces difficultés d'application, si minimes qu'elles puissent paraître, doivent être évitées.

On a aussi proposé un classement en raison inverse de la densité de la population; il a été imaginé, une combinaison reposant à la fois sur le chiffre dé la population et sur la superficie du territoire ; on trouverait encore d'autres modes de calcul, mais le plus simple est bien celui du projet actuel.

D'après le recensement de 1900, la population de résidence se trouve être de 3,313,554 âmes ; par conséquent, avec la base de calcul prévue par cet article, il s'agira d'une dépense annuelle de fr. 2,083,983. 40, si tous les cantons usent de leur droit à la subvention (voir annexe III). Ce chiffre est un minimum ; il ne saurait être réduit, si l'on veut permettre aux cantons de réaliser un sérieux effort ; c'est pourquoi, étant donnée une dépense nouvelle aussi importante, le Conseil fédéral avait, par raisons financières, différé le dépôt de son projet ; aujourd'hui, ensuite de l'invitation qui lui en a été faite, il porte la question devant les chambres, tout en observant qu'il faudra attendre que le principe de la subvention scolaire soit définitivement admis par elles avant de discuter la date de l'entrée en vigueur de l'innovation projetée, car cette date pourra dépendre de l'état des ressources financières de la Confédération à ce moment-là.

Art. 5. Le premier alinéa de cet article statuant que l'organisation et la direction des écoles demeurent aux cantons va de lui-même et »on aurait pu s'en dispenser, car il n'est porté aucune atteinte quelconque aux dispositions constitutionnelles régissant l'instruction primaire. Si ce texte a été introduit dans l'arrêté, c'est afin d'éviter tout malentendu.

En ce qui concerne la liberté de réclamer la subvention ou d'y renoncer, elle est la conséquence de la souveraineté des cantons dans le domaine de l'école.

693

Art. 6 et 7. Ces articles exigent des cantons, en vue du contrôle financier, un exposé de l'emploi qu'ils comptent faire de la subvention, exposé qui est soumis à l'examen et à l'approbation du Conseil fédéral ; tandis que le projet de la conférence des chefs des départements d'instruction publique ne parle que d'un rapport annuel justifiant l'emploi des sommes reçues. Le mode préconisé par le projet est semblable à celui adopté pour les subsides à l'enseignement professionnel et commercial ; or ce système n'a donné lieu jusqu'ici à aucune observation de la part des intéressés.

Art. 8. Cet article apparaît comme la conséquence nécessaire de l'adoption du présent projet.

Art. 9. Cet article renferme la clause référendaire, dans le sens de la loi fédérale du 17 juin 1874.

En conséquence, déférant à l'invitation que vous nous avez adressée, nous avons l'honneur de vous soumettre, en vous recommandant de l'adopter, notre projet d'arrêté sur la subvention des écoles primaires par la Confédération.

Veuillez agréer, monsieur le président et messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 18 juin 1901.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération : BRENNER.

Le chancelier de la Confédération : RINGIEB.

694

Projet.

. Arrêté fédéral concernant

la subvention de l'école primaire publique par la Confédération.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CON FÈDE K A T I O N SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 18 juin 1901.

arrête : er

Art. 1 . La Confédération accorde des subventions aux cantons, en vue de les soutenir dans la tâche qui leur incombe de pourvoir à ce que l'instruction primaire soit suffisante.

Art. 2. Les subsides de la Confédération ne peuvent profiter qu'aux écoles primaires publiques de l'Etat (y compris les écoles complémentaires et les écoles d'adultes obligatoires), et doivent ótre exclusivement affectés aux buts ci-après : 1. Création de nouvelles places d'instituteurs, à l'effet de dédoubler les classes trop chargées et de faciliter la fréquentation de l'école ; 2. Construction de nouvelles maisons d'école et transformation des anciennes ; 3. Création de préaux de gymnastique et acquisition d'engins ;

695

2. Instruction et culture progressive du corps enseignant ; 5. Augmentation des traitements des instituteurs; pensions de retraite ; ° 6. Acquisition de moyens d'enseignement ; 7. Gratuité du matériel scolaire ; 8. Secours en aliments et en vêtements aux enfants pauvres pendant le temps de l'école ; 9. Education des enfants faibles d'esprit pendant la période d'école obligatoire.

Art. 3. Les subsides de la Confédération ne doivent pas avoir pour conséquence une diminution, des dépenses ordinaires des cantons (dépenses de l'Etat et des communes comprises), telles qu'elles résultent du chiffre moyen des cinq dernières années.

Art. 4. Le chiffre de la population de résidence, tel qu'il résulte du dernier recensement fédéral, servira de base pour fixer le subside afférent à chaque canton.

Ce subside sera calculé à raison de 60 centimes par tête d'habitant.

Eu égard aux difficultés spéciales de leur situation, il sera accordé un subside supplémentaire de 20 centimes par habitant aux cantons d'Uri, Schwyz, Obwald, Nidwald, Appenzell Rh.-int., des Grisons, du Tessin et du Valais.

Art. 5. L'organisation et la direction des écoles primaires demeurent aux cantons.

Tout canton est libre de réclamer la subvention à laquelle il a droit, ou d'y renoncer.

Art. 6. Le canton qui revendiquera une subvention scolaire, présentera à l'examen et à l'approbation du Conseil fédéral un exposé de l'emploi qu'il en compte faire dans l'exercice suivant.

Le canton détermine ceux des buts énumérés à l'article 2 auxquels la subvention fédérale doit s'appliquer.

696

Les subventions fédérales ne peuvent être accumulées en vue de la constitution de fonds.

De môme, il n'est pas admissible de reporter une subvention sur l'année suivante.

Art. 7. La Confédération veille à ce que les subventions soient appliquées d'une manière conforme aux propositions adoptées.

Les subventions seront payées après présentation d'un rapport par les cantons et approbation de leurs comptes par le Conseil fédéral.

Art. 8. Le Conseil fédéral édictera les mesures d'exécution nécessaires.

Art. 9. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874, concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier le présent arrêté et de fixer l'époque à laquelle il entrera en vigueur.

697 (Annexe I du message).

Loi fédérale concernant

la subvention de l'école primaire publique par la Confédération.

(Projet du Conseil fédéral, du 5 juillet 1895).

Art. 1er. La Confédération peut allouer des subsides aux cantons, dans le but de les soutenir dans la tâche qui leur incombe de pourvoir à ce que l'instruction primaire soit suffisante.

Art. 2. Ces subsides ne peuvent servir qu'aux écoles primaires publiques et seront exclusivement employés à : 1. construire de nouvelles maisons d'école ; 2. créer de nouvelles places d'instituteurs, par suite du dédoublement des classes trop chargées; 3. se procurer des moyens d'enseignement et d'intuition ; 4. rendre le matériel scolaire gratuit ; 5. fournir nourriture et vêtements, pendant la période scolaire, aux écoliers dans le besoin ; 6. former des instituteurs ; 7. améliorer les traitements des instituteurs ; 8. établir des places de gymnastique.

698

Art. 3. Les subsides de la Confédération ne doivent pas avoir pour conséquence de restreindre les dépenses qu'ont supportées jusqu'à présent les cantons et les communes.

Art. 4. Une somme annuelle de 1,200,000 francs sera inscrite dans le budget pour la période cinquennale prochaine, à partir du 1er janvier 1897.

Si la situation financière de la Confédération le permet, cette somme pourra être augmentée, par voie du budget, pour de nouvelles périodes quinquennales.

Art. 5. Un crédit annuel fixe sera alloué à chaque canton pour la période quinquennale. Ce crédit sera prélevé sur la subvention totale annuelle de la Confédération et ne pourra pas être dépassé pour ce canton.

Art. 6. Pour fixer le crédit annuel à un canton, on prendra pour base, d'un côté, le chiffre de la population qui y est domiciliée et, de l'autre, la situation économique du canton. En ce qui concerne la population, c'est le dernier recensement fédéral qui fait règle.

Quant à leur situation économique, les cantons sont divisés en trois classes :

1re Classe.

Zurich, Glaris, Zoug, Baie-ville, Schaffhouse, Vaud, Neuchatei et Genève.

2me Classe.

Berne, Lucerne, Unterwald-le-haut, Fribourg, Soleure, Baie-campagne, Appenzell-Eh. ext., St-G-all, Grisons, Argovie et Thurgovie.

3me Classe.

Uri, Schwyz, Unterwald-le-bas, Appenzell-Rh. int.

Tessin et Valais.

699

L'unité qui a servi de base au calcul des crédits annuels aux divers cantons pendant la période quinquennale prochaine est la suivante : 30 centimes pour la Jre classe ; 40 » » » IIme » 50 » » » I7Im« » par tête de la population de résidence ordinaire.

Art. 7. Chaque canton est libre de réclamer la somme qui lui est attribuée ou d'y renoncer entièrement ou partiellement.

Un canton sera considéré comme renonçant à une subvention quand la demande qui s'y rattache et les pièces nécessaires n'auront pas été produites dans le délai fixé.

. Une subvention non retirée ne peut être reportée sur l'année suivante.

Art. 8. Le canton qui -revendiquera une subvention scolaire devra présenter au Conseil fédéral les pièces suivantes, savoir : 1. le tableau, divisé en catégories, des sommes que le canton et les communes ont consacrées à l'école primaire publique pendant les cinq dernières années; 2. un programme, avec motifs à l'appui, indiquant l'emploi qu'il compte assigner à la subvention fédérale pendant la période quinquennale prochaine ; 3. Un exposé spécial et détaillé de la destination qu'il entend donner à la subvention fédérale pendant l'année respective elle-même. Il n'est pas permis d'accumuler les fonds provenant des subsides de la Confédération.

L'emploi de la subvention une fois approuvé, le canton est tenu de s'y conformer, et il devra en fournir les preuves, une fois l'année expirée.

700

Art. 9. Cette approbation peut être refusée entièremen ou partiellement : quand il est à supposer que la subvention ne sera pas employée de la manière prévue à l'article 2 ; quand il est constaté qu'en tout ou dans certains chapitres de dépenses auxquelles la subvention fédérale doit être employée, les cantons et les communes font moins de sacrifices qu'auparavant (article 3).

Art. 10. La Confédération veille à que les subsides soient appliqués d'une manière conforme aus propo lions adoptées.

Les subventions sont payées, l'année suivante, sur la base des comptes que doivent présenter les cantons et après approbation de ces comptes par le Conseil fédéral.

Art. 11. En ce qui concerne les demandes de subvention (article 7) et la production des pièces par le canton (article 8), le Conseil fédéral édictera les prescriptions nécessaires dans un règlement d'exécution.

Art. 12. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale, du 17 juin 1874, concernant les votationsi populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque à laquelle elle entrera en vigueur.

701

(Annexe II du message).

Loi fédérale sur

les subventions aux écoles primaires publiques de l'Etat.

(Projet de la Conférence des Directeurs cantonaux de l'Instruction publique).

Art. 1er. La Confédération peut accorder des subventions aux cantons à l'effet de les soutenir dans la tache qui leur incombe de pourvoir à ce que l'instruction primaire soit suffisante.

Art. 2. Les écoles primaires publiques de l'Etat seront seules admises à bénéficier des subventions de la Confédération, qui pourront, toutefois, suivant qu'il semblera aux cantons, être affectées à l'une ou plusieurs des destinations ci-après : 1. Création de préaux de gymnastique et acquisition d'engins ; 2. Construction de nouvelles maisons d'école et transformation des anciennes ; 3. Création de nouvelles places d'instituteurs ; 4. Acquisition de moyens d'enseignement ; 5. Gratuité des manuels et du matériel scolaires ;

702

6. Secours en aliments et en vêtements aux enfants, pendant le temps de l'école ; 7. Instruction et culture progressive du corps enseignant ; 8. Augmentation pensions de retraite ;

des traitements des instituteurs ;

9. Création de classes spéciales pour les enfants faibles d'esprit ; 10. Développement de l'enseignement complémentaire général ; Art. 3. Les subventions de la Confédération ne doivent pas avoir pour conséquence une diminution des dépenses des cantons (dépenses de l'Etat et des communes comprises), telles qu'elles résultent du chiffre moyen des dix dernières années.

Art. 4. A l'effet de pourvoir à la dépense ci-haut prévue, un crédit, calculé à raison d'au moins 200 francs par place d'instituteur primaire, sera inscrit, chaque année, au budget fédéral.

Art. 5. Tout canton est libre de réclamer la subvention à laquelle il a droit ou d'y renoncer.

Art. 6. L'organisation et la direction des écoles primaires demeurent aux cantons. Ceux-ci sont, toutefois, tenus de présenter, chaque année, au Conseil fédéral un rapport justifiant de l'emploi des sommes reçues.

Art. 7. Le paiement des subventions a lieu dans l'année qui suit l'exercice pour lequel elles ont été prévues.

Art. 8. Le Conseil fédéral est chargé d'édioter les dispositions d'exécution nécessaires.

703

Annexe III.

Subvention de l'école primaire publique par la Confédération.

Subside calculé à raison de 6O

Cantons»

Zurich . . . .

Berne . . . .

Lucerne . . .

Uri Schwyz . . .

Unterwald-lo-Bant Unterwald-le-Bas Glaris . . . .

Zoug . . . .

Fribourg . . .

Soleure . . .

Baie-ville . . .

Baie-campagne .

Schaffhouse . .

Appenzell Rli.-eit.

Appenzell Rb.-iut.

St-Gall. . . .

Grisons . . .

Argovie . . .

Thurgovie . .

Tessin . . . .

Vaud . . . .

Valais . . . .

Neuchâtel . .

Genève . . .

Suisse

cts.

Population Subside annuel de résidence il raison 1er décembre de 1900.

60 Cts-

430,135 587,921 146,474 19701 55,497 15,280 13,088 32,397 25,045 127,719 100,838 11-2,246 68,451 45,523 55,284 13,480 250,066 104,510 206,460 113,110 142,719 279,152 114,980 125,804 131,674

258,081. 352,752.60 87,884. 40 11,820.60 33,298. 20 9,168. -- 7,852. 80 19,438. 20 15,027. -- 76,631.40 60,502. 80 67,347. 60 41,070. 60 24,913. 80 33,170.40 8,088. 150,039.60 62,706. -- 123,876. -- 67,^66. -- 85,631. 40 167,491.20 68,988. -- 75.482. 40 79,004. 40

3,313,554

1,988,132.40

par tête d'habitant.

Subside supplémentaire

de 20 cts.

par tête de population-

-- --

3 940 20 11Ì099.40 3,056. -- 2,617. 60

-- -- -- -- -- -- -- 2,696. --

--

20,902. -

--

-- 80 28,543.

---- 22,996.

-- --

95,851. --

Total utîa

subsides.

258,081. 352,752. 60 87,884. 40 15 760 80 44.397. 60 12,224. 10,470. 40 19,438.20 15,027. -- 76,631. 40 60,502. 80 67,347. 60 41,070.60 24,913. 80 33,170.40 10,784. -- 150.039. 60 83,608. 123,876. -- 67,866. -- 114,175. 20 167,491. 20 91,984 -- 75.482. 40 79,004. 40 2,083,983. 40

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la subvention de l'école primaire publique par la Confédération. (Du 18 juin 1901.)

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1901

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25

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19.06.1901

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