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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant le projet de loi sur l'exercice des professions de médecin, de pharmacien et de vétérinaire dans la Confédération suisse.

(Du 18 mai 1877.)

Monsieur le Président et Messieurs, L'art. 33 de la Constitution fédérale statue : « Les Cantons peuvent exiger des preuves de capacité de ceux « qui veulent exercer des professions libérales.

« La législation fédérale pourvoit à ce que ces derniers puissent « obtenir à cet effet des actes de capacité valables dans imito la « Confédération. » En outre, l'art. 5 des « Dispositions transitoires » de la môme Constitution prescrit : « Les personnes qui exercent une profession libérale et qui, « avant la promulgation de la loi fédérale prévue à l'art. 33, ont « obtenu un certificat de capacité d'un Canton ou d'une autorité « concordataire représentant plusieurs Cantons, peuvent exercer cette« profession sur tout le territoire de la Confédération. »

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Pour se rendre un compte exact de la portée de ces dispositions, il est utile de remonter à leur point de départ.

Dans son premier projet pour Ja révision de la Constitution fédérale (17 juin 1870), le Conseil fédéral proposait (art. 29) de garantir la liberté du commerce et le libre exercice des professions ou des industries en réservant: . . . . « d. les prescriptions fédérales concernant les patentes « pour l'exercice des professions scientifiques.


Mais tout en se déclarant partisan du système du libre exercice de toutes les professions, le Conseil fédéral, pour des motifs d'opportunité, proposait le ' maintien du système des diplômes, « à la « condition, bien entendu, que les Cantons resteraient libres de dé« cider, chacun en ce qui le concerne, si un diplôme est nécessaire « ou s'il ne l'est pas ». -- « 11 va sans dire, ajoutait le message, « qu'après l'adoption d'une loi fédérale sur la matière, les Cantons « n'auraient plus à délivrer de diplômes cantonaux. » (F. féd., 1870, II. 786 et 787.)

Dans le sein de la Commission de révision du Conseil national (séance du 2 mars 1871), deux propositions différentes de celle du Conseil fédéral furent présentées, l'une par la section politique, et qui était ainsi conçue : « Sont réservées v. d. Les dispositions législatives fédérales sur l'acquisition de « patentes pour l'exercice de professions scientifiques.

« Faculté est laissée aux Cantons de statuer si la possession « d'une patente est nécessaire pour l'exercice d'une telle profession. » L'autre par la section d'économie politique, et rédigée comme suit :

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« II demeure facultatif aux Cantons de faire dépendre l'exercice « des professions scientifiques de la justification des capacités néces« saires. ..

« II sera pourvu par la législation fédérale à ce que les justi« fications de ce genre puissent être valables dans toute la Confé« dération. » La discussion qui s'engagea sur ces différentes propositions démontra que le désaccord ne portait guère que sur une question de rédaction. Au fond, tous les membres furent d'avis qu'une loi uniforme devait régler la matière, et qu'une fois cette loi adoptée, « les Cantons n'auraient plus la faculté de nommer des Commis« sions d'examen, mais on leur donne seulement le droit de décider « s'ils veulent faire dépendre de la possession d'un brevet l'exercice « d'une profession libérale. » C'est dans ce sens que la proposition de la section d'économie politique fut adoptée. Deux membres de la Commission (MM. Heer et Priderich) réservèrent que cette disposition ne concernerait pas les examens d'admission des ecclésiastiques. (Protocole des délibérations de la Commission, pages 68 et 69.)

Dans la Commission de révision du Conseil des Etats, le rapporteur sur cette ^question' (M. Estoppey) demanda de supprimer cette disposition nouvelle, et subsidiairement de dire que la législation fédérale pourvoira « dans la mesure du possible, » etc. Ses motifs étaient essentiellement que le besoin de cette innovation n'était pas senti ; qu'à la rigueur on pouvait accorder le libre établissement pour les professions de médecin, de vétérinaire et de pharmacien, mais non pour celles de juriste et d'ecclésiastique, qui touchent de trop près à l'organisation intérieure dos Cantons ; qu'il était préférable de s'en tenir à la conclusion de concordats, etc.

(Protocole des délibérations de la Commission, pages 29 et HO.)

La Commission elle-même, délibérant à ce sujet le 12 mai 1871, décida, par sept voix contre trois, d'adhérer purement et simplement à la Commission du Conseil national. On fit valoir entre autres, dans le sens de la majorité : que la voie des concordats ne conduirait pas au but, qui est de rendre réels pour les professions libérales les droits de libre établissement et de libre exercice d'une industrie ; qu'il n'est du reste nullement question de faire violence aux Cantons : « il leur sera loisible d'exiger des preuves
de capa« cité ou de renoncer à cette exigence. Pour les Cantons qui de« mandent un examen, on le réglera (fédéralement) d'une manière « sérieuse et équitable, » . . . « et on débarrassera ainsi les Cantons « de tous les frais et de tous les soucis qui en sont la conséquence ».

(Protocole cité, pages 20, 2l et 22).

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La question fut traitée au Conseil national pour la première fois le 15 novembre 1871. Plusieurs amendements furent présentés au projet de la Commission : l'un, de M. Seheuchzer, tendant au libre exercice des professions libérales, fut rejeté; un autre do M. Klein, ainsi conçu: « Les patentes délivrées dans un Canton sont valables dans toute la Confédération » , fut également repoussé.

M. le Dr Joos avait proposé une disposition transitoire portant: « Les personnes qui, avant la promulgation de la présente Consti« tution, ont reçu une patente dans un Canton pour l'exercice de « la profession de médecin, de chirurgien, de vétérinaire ou de phar« macien, ensuite de la présentation d'un certificat de capacité, sont « considérées comme étant autorisées à exercer ces professions sur « tout le territoire de la Confédération. » A cette proposition, M. Desor opposa la suivante : « La légis« lation fédérale tiendra compte également de la position des per« sonnes qui, avant la promulgation de la présente Constitution, « ont obtenu une patente dans un Canton pour l'exercice de la pro« fession de médecin, de chirurgien, de vétérinaire ou de phar« macien. » Cette dernière proposition fut adoptée comme adjonction à la proposition de la Commission plus haut mentionnée. Dans la discussion, on fit également ressortir les difficultés qu'il y aurait à délivrer des actes de capacité valables dans toute la Confédération pour les professions de juriste, d'ecclésiastique et d'instituteur (voir Bulletin des délibérations de l'Assemblée fédérale, publié par M. Elie Ducommun, alors traducteur du Conseil national, I, pages 135 et suivantes).

Dans sa séance du 22 décembre 1871, le Conseil national s'occupa de nouveau de la question. Voici ce que renferme à cet égard le bulletin que nous venons de citer (pages 618 et 619): « M le Président rappelle qu'à propos de l'art. 30, l'Assemblée « avait adopté une disposition transitoire proposée par M. Desor, y. et qui se rapportait aux médecins, aux chirurgiens, aux vétéri« naires, etc., mais ne mentionnait pas les avocats. En laissant les Cantons. Il propose, v. en conséquence, de supprimer la proposition transitoire admise k « l'art. 30. M. Desor et la Commission sont d'accord à ce sujet.

« L'Assemblée adopte cette proposition sans discussion. » Le 20 janvier 1872, le Conseil des Etats aborda la question.

Les mêmes arguments pour et contre furent reproduits, et la ma-

817joritó décida d'adhérer au Conseil national dans la rédaction qui se trouve aujourd'hui former le texte constitutionnel (art. 33).

Le 28 février 1872, le Conseil national, sur la proposition de la Commission, qui avait reconnu la nécessité d'admettre une disposition transitoire du genre de celle proposée par M. Desor, adopta sans discussion le texte qui est aujourd'hui l'art. 5 des « Dispositions transitoires » de la Constitution fédérale.

Le Conseil des Etats repoussa d'abord cette adjonction (1er mars 1872) puis finit par l'accepter (2 mars).

(Voir bulletin cité, 2oee volume, pages 83 et 543).

Lors des débats sur le second projet de révision, les dispositions relatives au libre établissement de ceux qui exercent des professions libérales, passèrent à peu près sans opposition. Aucun point de vue nouveau ne fut présenté ni pour ni contre.

Il résulte de l'historique que nous venons de faire: 1° qu'on a bien entendu donner à la Confédération le droit de créer des jurys d'examen fédéraux délivrant des actes de capacité valables pour toute la Suisse ; 2° que les «professions libérales» dont il s'agit dans l'art. 33 ne sont pas restreintes à celles de médecin, de pharmacien et de vétérinaire, mais que sous ce terme on peut en comprendre aussi d'autres, pour autant que le besoin se fera sentir de légiférer à leur sujet.

3° qu'une fois la législation fédérale entrée en, vigueur, les Cantons n'auront plus à faire des examens pour l'admission aux professions en vue desquelles des examens fédéraux seront Institués.

S'il en était autrement sur ce dernier point, la disposition contenue dans l'art. 33 de la Constitution fédérale n'aurait plus une.

grande valeur pratique. On aurait plutôt créé un état de choses pire à bien des égards que celui qui existait précédemment, car on verrait ou tout au moins on serait exposé à voir, dans certains Cantons, deux espèces de brevets entrer en concurrence les uns avec les autres. Le Canton prétendrait naturellement à la supériorité des diplômes qu'il délivre, et, bien loin qu'une telle rivalité créât une émulation salutaire pour les autorités et les candidats, il n'en résulterait qu'une chose très-fâcheuse à notre avis, c'est l'établissement de deux castes hostiles parmi les personnes vouées aux professions libérales, l'une .plus agréable que l'autre au Gouvernement cantonal et par conséquent jouissant de faveurs et de protections spéciales.

818 A vrai dire, il est cependant nécessaire de ne pas ôter aux Cantons toute espèce de contrôle et de compétence pour prononcer sur l'admissibilité de certains diplômes: c'est en particulier le cas pour ce qui concerne les médecins étrangers établis près de nos frontières ou qui viennent dans nos établissements de bains et dans nos stations d'étrangers pour traiter des malades. Nous croyons qu'il faut laisser aux Cantons le soin de régler à quelles conditions les uns et les autres pourront pratiquer leur art sur notre territoire. Il s'agit là, en effet, de circonstances de nature exceptionnelle et passagère, dont l'autorité fédérale n'a pas grand intérêt à s'occuper ; en revanche, la règle doit être que dorénavant l'exercice des professions libérales sera subordonné à la possession d'un diplôme fédéral dans les Cantons qui exigent des preuves de capacité pour ces professions.

L'art. 5 des « Dispositions transitoires » a créé une situation qui de jour en jour devient plus intolérable. Certains Cantons ont des examens extrêmement faciles, recherchés par les candidats qui se sentent trop faibles pour affronter les épreuves plus sévères d'autres Cantons ou de l'autorité concordataire ; matériellement, le résultat est pour eux le même, attendu que ]es diplômes délivrés par des jurys très-coulants donnent aux aspirants les mêmes droits que ceux qui résultent de titres plus difficilement obtenus. C'est surtout le cas pour les professions, médicales: on a vu fréquemment des candidats évincés par un jury sérieux après un premier examen insuffisant, partir immédiatement pour tel chef-lieu de Canton voisin, et en retenir tôt après porteurs de diplômes en règle, bien avant même que leurs condisciples admis k continuer l'examen devant le premier jury eussent terminé leurs épreuves.

Des faits de ce genre ont provoqué, cela se comprend, Je nombreuses réclamations. Aussi, une année après l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale, l'Assemblée fédérale reconnaissait déjà la nécessité de mettre fin sans retard à de tels abus, et invitait le Conseil fédéral « à faire le plus tôt possible des propositions « sur l'exécution de l'art. 33, 2me alinéa, de la Constitution fédérale ·» (1er juillet 1875). L'année suivante, la Commission du Conseil national chargée d'examiner la gestion, s'exprimait comme suit dans son rapport: « II serait très-désirable que le projet de loi concernant les « diplômes fédéraux pour exercer les professions libérales fût pré« sente sans retard, car l'art. 5 des dispositions transitoires, appli« cable jusqu'à l'adoption de ladite loi, amène des inconvénients

819 « sérieux. Les examens pour l'obtention des diplômes sont beaucoup « trop faciles dans certains Cantons, et il résulte de là que des « médecins, des chirurgiens, des pharmaciens et des vétérinaires « viennent s'établir dans des localités où ils n'auraient certainement « pas été reçus, sans l'article susindiqué. » (F. féd. 1876, III. 79.)

A diverses reprises, plusieurs Gouvernements cantonaux ont adressé des demandes pareilles au Conseil fédéral. Celui-ci, dans son rapport du 9 octobre 1874 au Conseil national concernant le programme sur l'ordre dans lequel les nouvelles lois fédérales seraient élaborées, avait placé la loi résultant de l'art. 33, alinéa 2, dans la deuxième série (P. féd. 1874, III. 145) ; la première série étant maintenant à peu près épuisée, et des lois appartenant à d'autres séries ayant déjà été adoptées, le moment est grandement venu de donner suite au. postulat du 1er juillet 1875 et aux demandes tendant au même but.

Déjà en date du 8 mai 1875, le Département fédéral de l'Intérieur a demandé à la Société médicale suisse, à la Société suisse des pharmaciens et à la Société des juristes suisses, leurs appréciations et leurs voeux concernant l'exécution du 2 me alinéa de l'art. 33.

Le 9 mars 1876, le Département a adressé également une circulaire aux Gouvernements cantonaux pour les inviter à lui faire connaître leurs dispositions législatives et réglementaires concernant l'exercice des professions libérales et leurs desiderata à ce sujet.

Si aujourd'hui nous proposons de régler seulement une partie de la question, savoir ce qui a trait à l'établissement du personnel médical, c'est que, d'une part, les besoins sont ici plus pressants qu'ailleurs, et que, d'autre part, les opinions sont beaucoup mieux arrêtées.

Nous avons reconnu plus haut que le deuxième alinéa de l'art. 33 peut s'appliquer à toutes les professions libérales ; nous croyons aussi qu'il ne faut légiférer à leur sujet qu'au fur et à mesure que la nécessité s'en trouvera démontrée. Or, ce n'est pas du tout le cas pour les instituteurs et les ecclésiastiques, et, quant aux avocats, la question est beaucoup moins mûre qu'en ce qui concerne le personnel médical. La réunion des juristes suisses, qui a eu lieu à Fribourg les 3 et 4 septembre 1876, a été loin de se montrer d'accord sur la solution à laquelle on
doit s'arrêter. Un grand courant d'opinion s'y est déclaré favorable à la liberté complète du barreau, qui existe d'ailleurs absolument dans dix Cantons, et est plus ou moins reconnue dans bon nombre d'autres. Il faut, en particulier considérer que, tant que les principales matières du droit n'auront pas été unifiées, il sera difficile d'établir un programme d'examen, et que les autres dispositions concernant les examens (questions de la maturité, du stage, du siège des Commis-

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sions d'examen, etc.) sont encore trop peu étudiées pour qu'on puisse songer à légiférer dos maintenant.

Il en est tout autrement à l'égard des professions médicales.

Deux seuls Cantons (Appenzell-Bh. Ext. et G-laris) ont le libre exercice absolu. La science médicale est la morne partout ; la question de la langue n'est pas une difficulté comme pour le barreau, l'Ecole ou l'Eglise. En outre, le concordat, qui, à l'époque de la promulgation de la nouvelle Constitution fédérale, réunissait déjà 18 Cantons, a largement préparé les voies à la législation fédérale.

C'est aussi le libre établissement du personnel médical, tel qu'il résulte actuellement de l'art. 5 des « Dispositions transitoires », qui a donné lieu aux plus nombreuses, on pourrait dire aux seules réclamations.

Toutes ces rai&ons justifient donc la présentation d'un projet de loi restreint à l'exercice des professions médicales.

Le Département fédéral de l'Intérieur avait primitivement chargé M. le Dr Ad. Ziegler, à Berne, de l'élaboration de ce projet; mais les fonctions de médecin en chef de l'armée suisse, que M. Ziegler fut appelé peu de temps après à revêtir, l'empêchèrent de donner suite à ce mandat, et il dut demander, à la fin de septembre dernier, d'en être déchargé. La tâche fut alors confiée à M. le Dr Fréd.

Müller, à Baie, qui a mis le plus grand empressement à s'en acquitter, en sorte qu'au -commencement de l'année courante le projet de loi, avec le rapport qui l'accompagne, a pu être lancé dans le domaine de la publicité.

M. le Dr Müller avait en mains, pour faire son travail, les différents mémoires et réponses que nous avions reçus tant des Gouvernements cantonaux que de la Commission médicale suisse et de la Société suisse des pharmaciens. D'après ces documents, tout le monde est d'accord que l'état de choses créé par l'art. 5 des dispositions transitoires ne peut plus subsister à l'avenir sans de graves inconvénients, et que les dispositions du concordat médical doivent être prises, dans leurs points essentiels, pour base des conditions de l'examen. Cette dernière constatation est réjouissante, en ce qu'elle prouve que le concordat médical est apprécié à sa juste valeur par les Gouvernements des Cantons qui en font partie, ainsi que par le personnel médical lui-même.

M. le D r Müller résume comme suit les propositions des Cantons relativement à la manière dont l'art. 33, alinéa 2, pourrait être développé dans la législation fédérale:

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1. Sous le contrôle d'une autorité à désigner par la Confédération, les quatre facultés de médecine de la Suisse ont le droit de délivrer des certificats d'examens autorisant à pratiquer la médecine dans toute l'étendue de la Suisse (Baie en première ligne, Genove en seconde).

2. La Confédération règle d'une manière uniforme ce qui se rapporte aux examens, en prenant pour base les dispositions du concordat existant ; dans ce but, elle institue, dans les quatre villes suisses qui possèdent une université, des Commissions d'examen, qui ont seules le droit de délivrer des diplômes valables pour toute la Suisse. Une autorité centrale, du genre du Comité directeur actuel, est chargée de la surveillance (Zurich, St-Gall, Neuchâtel, Genève en première ligne, Appenzell-Rh. Ext. en première ligne, BaieCampagne, Schaffhouse, ? Uri).

3. La Confédération transforme purement et simplement le concordat actuel en une loi fédérale, en pourvoyant à ce qu'il y ait un quatrième siège d'examens dans la Suisse romande. Pour les Cantons qui n'ont pas adhéré au concordat, on fixera un minimum de conditions pour l'examen (Bàie-ville en seconde ligne, AppenzellEh. Ext. en seconde ligne).

4. La Confédération se borne à fixer un minimum de conditions auquel est subordonné le droit de pratiquer la médecine, et l'autorité fédérale doit s'enquérir si les règlements d'examen des Cantons remplissent ce minimum de conditions, et veiller à leur exécution (Argovie, Tessin).

Plusieurs Cantons se bornent à se déclarer satisfaits du concordat et à exprimer le désir que la nouvelle organisation ne descende pas au-dessous des exigences qui y sont formulées (Lucerne, Zoug, Soleure, Grisons, ce dernier Canton trouvant seulement un peu trop élevées les exigences posées pour les mathématiques).

La Société des médecins suisses et celle des pharmaciens se sont prononcées énergiquement en faveur d'une intervention de la Confédération dans le sens du n° 2.

L'avant-projet de M. le Dr Müller a été rédigé dans ce sens, c'est-à-dire que la Confédération aurait à régler la matière d'une façon uniforme, au moyen de Commissions mixtes d'examen et en prenant pour base les dispositions du concordat existant.

Cet avant-projet et le rapport qui l'accompagne ayant été communiqués aux Gouvernements cantonaux, aux Facultés de médecine, soit aux Universités suisses, ainsi qu'à bon nombre de me-

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decins, pharmaciens et vétérinaires, le Département fédéral de l'Intérieur n'a reçu en réponse qu'un petit nombre d'observations, qui ont pu être soumises à la Commission consultative nommée par lui.

Cette Commission se composait de MM. D r Sonderegger, Président de la Commission médicale suisse, à St-Gall; Prof. D r F. Müller, à Bàie; D r Ad. Ziegler, à Berne ; Prof. D r Cloetta, à Zurich; Prof. D1' C. Vogt, à Genève; Prof. D r Schär, à Zurich; Prof. Buttin, pharmacien, à Lausanne ; Directeur Zangger, à Zurich; Dr Schaufelbuel, à Konigsfelden ; Dr Eecordon, à Lausanne; Stauffer, vétérinaire, à Neuchàtel.

La Commission, après une discussion très-approfondie, a adopté avec quelques modifications de rédaction l'avant-projet de M. le D r Müller pour être soumis au Conseil fédéral, en exprimant le voeu qu'en raison de son caractère d'urgence, la question soit traitée le plus tôt possible.

En présence de l'ensemble de vues qui s'est manifesté de la part des personnes compétentes au sujet du projet de loi de M. le Dr Müller, on peut envisager que la question est à peu près résolue.

Aussi le Conseil fédéral n]a-t-il eu lui-même que fort peu de changements à apporter aux propositions de la Commission spéciale.

Il nous reste à motiver dans son économie générale et dans ses détails le projet que nous soumettons aujourd'hui à l'Assemblée fédérale. Nous le ferons aussi brièvement que possible, renvoyant pour le reste aux nombreux documents qui composent le dossier annexé.

1. Economie générale.

La loi est fondée sur les principes mômes qui ont prévalu dans les débats sur la révision de la Constitution fédérale, c'est-àdire qu'elle a pour but de régler d'une manière uniforme, de par la Confédération, les conditions nécessaires pour obtenir un diplôme de médecin, de pharmacien ou de vétérinaire, les Cantons cessant dès lors de délivrer de semblables diplômes.

Il n'était pas possible, suivant nous, si l'on veut s'en tenir à l'esprit qui a dicté l'art. 33 de la Constitution fédérale, d'entrer en matière sur les autres solutions proposées, et qui sont, comme nous l'avons dit ci-dessus:

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le droit aux facultés de médecine suisses de délivrer des actes de capacité valables pour toute la Confédération; l'adoption pure et simple du concordai, du 2 mai 1867 transformé en loi fédérale; la fixation d'un minimum auquel les Cantons devraient se conformer dans les examens qu'ils continueraient à faire.

Contre la première solution (diplômes délivrés par les Facultés de" médecine), on doit faire remarquer que, da.ns la pratique, il serait dangereux de livrer d'une manière exclusive et définitive aux Facultés tout ce qui concerne les examens. Leis expériences faites dans tous les pays démontrent que, lorsque les Facultés sont abandonnées à elles-mêmes, elles finissent par se relâcher de leurs exigences, abstraction faite de ce qu'il est plus difficile d'obtenir des critères uniformes. En Allemagne et en Suisse, on a déjà reconnu depuis longtemps la vérité de ce principe; en France et en Italie, les professeurs les plus prévoyants l'ont également leurs efforts pour arriver à une réorganisation des examens en ce sens que ces examens doivent être dirigés par l'Etat.

Contre la deuxième solution (transformation pure et simple du concordat actuel en loi fédérale), on doit objecter les raisons suivantes: Un simple acte législatif ne suffirait pas. Il y aurait nécessairement lieu de modifier quelques-uns des principaux articles du concordat, et en première ligne l'art. 1er, d'après lequel toute personnes qui veut obtenir, dans un des Canto as concordataires, l'autorisation d'exercer la médecine, etc., doit justifier de ses capacités en exhibant un diplôme du concordat. Cette: disposition est en contradiction avec l'art. 33 de la Constitution fédérale, qui laisse aux Cantons la faculté d'exiger le diplôme ou do s'en passer. Jusqu'ici, on a bien pu fermer les yeux, dans le sei:i du concordat, sur la décision des Cantons d'Appenzell-Eh. Ext. e", de G-laris, établissant la liberté de l'exercice de la médecine, attendu que telle était la teneur du concordat et qu'il y allait de l'intérêt général d'y maintenir ces Cantons. Mais une nouvelle loi doit nécessairement tenir compte de ces circonstances, même au point de vue de la rédaction.

En outre, l'organisation de la conférence concordataire, mentionnée à l'art. 2 et fonctionnant comme autorité électorale et de contrôle, ne s'accorde pas bien, dans sa
composition actuelle, avec le caractère d'Etat fédératif et non de Confédération d'Etats, dont la nouvelle loi doit nécessairement tenir compte. La nouvelle autorité centrale (placée sous la haute surveillance du-Conseil fédéral et du Département fédéral de l'Intérieur) doit fonctionner sous la forme d'une autorité de contrôle du genre du Comité directeur actuel et qui puisse, pour certaines affaires, par exemple pour l'élaboration de

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règlements d'exécution, se transformer en un Conseil de surveillance en s'adjoignant des experts choisis dans toute la Suisse.

Or, sur ces deux points essentiels et sur d'autres moins importants, il faudrait remanier le concordat; il est donc préférable, ne fût-ce que par ce motif, de recommander d'emblée une manière uniforme de régler la question. Quant aux prescriptions spéciales relatives aux examens, on peut, jusqu'à nouvel ordre, prendre pour norme le règlement du concordat.

Quant à la troisième solution (fixation d'un minimum auquel les Cantons se conformeraient), le système peut, au premier abord, plaire par sa simplicité; toutefois, si on l'examine de plus près, il suscite des appréhensions qui sont loin d'être sans importance. On rappellerait ainsi ù la vie, dans presque tous les Cantons, les Commissions d'examen composées exclusivement de praticiens, que l'on a cherché à abolir au moyen du concordat ; dans le cas le plus favorable, un certain nombre de Cantons s'entendraient de nouveau, par voie de concordat, pour travailler derechef à l'oeuvre de l'unification. La Confédération aurait beau adopter des règlements ; l'adage « dno quum faciunfc idem non fit idem » trouverait indubitablement son application au premier essai de contrôle pour l'exécution.

D'ailleurs, nous devons le répéter, ni l'une ni l'autre de ces trois 'dernières solutions ne répondrait au but que l'on s'est proposé en adoptant ce point de la révision fédérale.

On remarquera que la loi a été rédigée avec une grande sobriété de détails ; nous nous sommes bornés à consacrer un petit nombre de principes, laissant au règlement le soin de les développer et aussi d'en modifier l'exécution suivant les besoinset les conseils de l'expérience.

Diverses demandes présentées par la Société des médecins et celle des pharmaciens (dans leurs premiers mémoires) n'ont pu être prises en considération, comme ne rentrant pas dans le cadre de la loi que nous avons à faire. Ainsi la Société des médecins aurait désiré que la loi fixât les obligations et les privilèges des médecins diplômés par l'autorité fédérale. Cela n'appartient évidemment pas à une loi sur le libre établissement du personnel médical, mais bien aux lois cantonales réglant la police sanitaire et peut-ôtre à uno loi fédérale sur les épidémies (art. 69 de la Constitution
fédérale).

La Société des pharmaciens a demandé, entre autres, qu'où interprète l'art. 31 de la Constitution fédérale dans ce sens que la liberté de commerce et d'industrie garantie par cet article n'est pas. applicable à la profession de pharmacien. Il nous -est tout à fait impossible d'admettre une telle demande, qui irait à l'encontre

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tant de la disposition constitutionnelle dont il s'agit que de diverses décisions du Conseil fédéral, qui n'ont suscité jusqu'ici aucun recours devant l'Assemblée fédérale. Nous rappellerons, entre autres, l'arrêté pris à l'occasion d'un refus d'autorisation d'établir une pharmacie à Baie-Ville ; dans le cas indiqué, nous avons donné raison au recourant et invité le Gouvernement cantonal à accorder cette autorisation, attendu que « aux termes de l'art. 33 do la « Constitution fédérale et de l'art. 5 des « Dispositions transitoires » « on ne peut subordonner la liberté de choisir, pour l'exercice d'une « profession libérale, une localité quelconque dans toute l'étendue « de la Confédération, à l'existence de besoins publics dans cette « localité. Le recourant est muni d'un certificat de capacité qui lui « a été délivré par le Gouvernement vauclcis à la suite d'examens ; « sa profession de pharmacien est de celles que la Constitution com« prend sous la désignation de libérales. Il remplit donc toutes les « conditions voulues pour être libre d'ouvrir une pharmacie dans « telle partie de la Suisse qui lui conviendra » (F. féd. 1876, II.

534, rapport de gestion du Département du Commerce).

Ces principes nous paraissent rigoureusement constitutionnels.

Si la lettre c de l'art 31 réserve « les dispositions touchant l'exer«. cice des professions commerciales et industrielles, » l'alinéa, suivant se hâte d'ajouter: « Ces dispositions ne peuvent rien renfermer de « contraire au principe de la liberté de co/.nmerce et d'industrie. » Qu'en résulte-t-il, sinon que, pou* la profession de pharmacien comme pour d'autres, des prescriptions spéciales peuvent être adoptées (installations dans des conditions déterminées, surveillance directe de l'autorité de police, etc.), mais que quiconque se soumet à ces prescriptions et les remplit effectivement a le droit d'ouvrir une officine à côté d'autres existantes et de faire concurrence à celles-ci V 2. Examen détaillé du projet, Le tHre de la loi présente une difficulté; les mots allemands « Freizügigkeit der Medizinalpersonen », ne répondent pas exactement aux termes français « exercice des professions de médecin, de pharmacien et de vétérinaire ». Il aurait peut-être fallu traduire en français « libre établissement du personnel médical », mais le mot « établissement
» a dans notre langage constitutionnel une acception spéciale qui n'aurait pas rendu exactement la notion de «Freizügigkeit» ; les mots «libre exercice > correspondent aussi à' une notion différente ; nous n'avons pas trouvé d'autre moyen d'harmoniser autant que possible les deux textes que de traduire librement l'expression allemande dont il s'agit.

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Art. 1er. Le préambule expose l'économie de la loi tout entière. Il s'agit de fixer les conditions auxquelles les personnes vouées aux professions médicales pourront s'établir dans toute la Confédération.

La lettre a énumère les professions médicales pour lesquelles des examens fédéraux sont institués; elles sont restreintes à celles de médecin, de pharmacien et de vétérinaire. En parlant de professions libérales, la Constitution fédérale ne peut guère avoir songé qu'à celles qui reposent sur une instruction scientifique sérieuse acquise dans une université ou dans une école professionnelle. Or, on ne peut, dans la règle, ranger dans cette catégorie les professions de dentiste, d'orthopédiste, de sage-femme ; en général, il suffit de quelques études toutes spéciales, ou pour mieux dire d'un simple apprentissage en quelque sorte manuel, pour être à môme d'exercer ces professions ; en quelques mois de préparation, on peut former des sages-femmes et des chirurgiens-dentistes ; il s'agit donc là d'un métier et non d'une profession libérale. Il est à remarquer, du reste, que les demandes tendant à admettre ces spécialités au nombre de celles pour lesquelles sont délivrés des diplômes fédéraux, n'émanent que de très-peu de côtés et ont même été pour la plupart abandonnées. Il va sans dire que les dispositions des législations cantonales concernant les professions de chirurgiendentiste, de sage-femme, etc., ne sont pas touchées par la loi.

A la lettre b, on a attaqué la disposition d'après laquelle les personnes appartenant aux vocations indiquées pourront participer au bénéfice de cette loi, à condition qu'elles aient, avant son entrée en vigueur, subi un examen cantonal et obtenu, en vertu de cet examen, l'autorisation d'exercer dans le Canton qui a délivré la patente. La Société des médecins et celle des pharmaciens, ayant évidemment en vue les diplômes qu'elles supposent, à tort ou à raison, avoir été délivrés sans justification suffisante dans le cours des deux dernières années de transition, ont proposé sur ce point des restrictions ayant pour but d'exclure, dans la mesure du possible, des éléments hétérogènes de cette espèce. La Commission de la Société des médecins demande que ces examens cantonaux ne soient valables qu'autant qu'ils sont suivis d'une pratique de 2 ans, et la Société des
pharmaciens veut atteindre le même but en disant : « Tous les membres du personnel médical diplômés en Suisse avant un certain terme, par exemple avant le 1er juillet 1875, jouiront sans restriction de la liberté d'exercer leur profession depuis cette époque jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement fédéral pour les examens ; on ne considérera comme valables que les diplômes qui ont été délivrés par l'autorité du concordat médical ou, éventuellement, par un Canton qui exige des conditions aussi sévères ; dans ce dernier cas, c'est le Comité directeur du concordat

827 ou le Département fédéral de l'Intérieur qui décidera si la condition posée est remplie. » La Confédération n'aurait pas, suivant nous, le droit d'édicter des restrictions de cette nature en présence de l'art. 5 des « Dispositions transitoires ». D'ailleurs, les avantages qu'on espère obtenir par là seraient plus que compensés par de graves inconvénients.

L'alinéa c s'occupe des personnes qui ont un titre de capacité délivré à l'étranger. Deux opinions divergentes se sont produites à ce sujet : d'une part, on proposait d'assimiler sous ce rapport, les étrangers aux Suisses, sans demander la réciprocité ; d'autre part, on demandait que le principe de la réciprocité fût maintenu. La rédaction du projet a eu pour but et, nous croyons aussi, pour résultat de mettre d'accord les deux opinions. Nous prévoyons ainsi l'admission pure et simple des diplômes provenant d'Etats avec lesquels nous avons la réciprocité ; pour ÌDUS les autres cas, ce sera « à l'autorité chargée de la surveillance qu'il appartiendra de « décider, au vu des pièces produites, à quelles conditions le di« plôme fédéral (devenant ainsi nécessaire) sera accordé ».

Cette dernière disposition est très-libérale et, en môme temps, très-pratique : très-libérale en ce qu'elle ne cirée pas pour telle ou telle nationalité un privilège quelconque en matière de capacité scientifique ; -- très-pratique, en ce qu'elle transmet à l'autorité centrale le soin de prendre des informations que les Gouvernements cantonaux seraient beaucoup moins à même de se procurer, et en ce qu'elle assure par là une véritable uniformité dans la manière de juger de la validité des actes provenant de l'étranger. Nous réservons d'ailleurs, comme nous l'avons dit plus haut (page 6), le droit des Cantons de prendre les mesures convenables en ce qui concerne les médecins étrangers domiciliés sar nos frontières ou venant séjourner dans les établissements de bains et les stations d'étrangers en Suisse.

L''alinéa d repose sur une question de convenance et n'a donno lieu à aucune observation. Une disposition analogue se rencontre dans le règlement du concordat (dispositions transitoires, art. 42, alinéa 4) ; seulement, elle ne s'étend qu'aux examinateurs et à leurs suppléants. Mais en pratique on a déjà, sans doute, procédé partout comme nous le proposons.

L'article 2
Statue que les seuls aspirants qui puissent être admis à subir l'examen sont ceux qui demandent un brevet de capacité pour toutes les branches de leur proi'ession. En pratique, cette disposition ne se rapporte naturellement qu'aux médecins, mais elle a son importance ici. Tous les Etats civilisés partent de Feuille fédérale suisse. Année XXIX.

Voi. IL

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$28 l'idée, et cela depuis longtemps; que l'institution des médecins de 2me classe (medici minorum gentium) doit disparaître, comme inadmissible au point de vue scientifique. Ce serait se donner une peine inutile que de vouloir encore appuyer ce principe. Dans les pays où l'on maintient cette institution (par exemple les « officiers de santé » en France), on 's'excuse sous le prétexte d'une pénurie de médecins. Dans l'Amérique du Nord, l'exercice des «spécialités» paraît n'être motivé que par le désir de réduire le plus possible le temps qu'exigerait une éducation médicale complète dans toutes les branches. Il ne · viendra; cela va saus dire, à l'idée d'aucun Etat de contraindre le médecin à pratiquer toutes les opérations de chirurgie, de gynécologie, d'ophthalmiatrie, etc. ; mais on peut et doit exiger que la personne qui se présente -pour exercer la médecine- ait au moins assez de connaissances dans toutes les branches .de la médecine pour avoir une idée claire de leur corrélation et prêter son aide ' d'une manière utile dans les cas pressants.

Les articles 3 a 5 ont" trait à l'organisation des diverses autorités qui ont à s'occuper des examens. Il y en à trois : une pour la surveillance, une pour la direction et l'administration et une pour l'exécution.

Art. 3. Comme cela a eu lieu jusqu'ici sous l'empire du concordat, la direction et l'administration de tout ce qui concerne les examens sera aussi à l'avenir sous la surveillance du Département fédéral de l'Intérieur. Ce dernier nommera les Commissions d'examen sur la proposition du Comité directeur, qui chaque année lui fait rapport et lui'présente les comptes.

L'art. 4 traite de l'autorité centrale chargée de la direction et de l'administration immédiates. Quant au nom qu'elle prendra, il n'a pas grande importance ; sous le concordat, elle porte celui de « Comité directeur », et il n'y a aucun motif pour le changer.

Il ne peut guère y avoir de doute sur la nécessité d'tìtablir une autorité de ce genre. Le Canton de Bàie-Ville lui-mCmu, qui désignait en première ligne les facultés de médecine des universités suisses comme devant constituer l'autorité examinatrice executive, réclame cette autorité central« afin de maintenir l'unité dans le mode ' de procéder. Il n'est pas besoin pour cela de capacités scientifiques transcendantes, mais
seulement d'une certaine habitude des affaires, et avant tout de la volonté bien arrêtée de sauvegarder, au moyen d'une stricte impartialité, la dignité des vocations scientifiques. De cette manière, on réussira sans doufe à trouver des hommes capables pour remplir ces fonctions. Une des besognes les plus importantes, et en même temps les plus ennuyeuses et les plus longues du Comité directeur est l'examen des documents fournis par les postulants. Sous l'empire du concordat, cette

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autorité se compose de trois membres, correspondant aux trois sièges d'examens ; à l'avenir, elle devra s'augmenter d'un ou mieux encore de deux membres de la Suisse romande.

L'art. 5 se rapporte aux Commissions d'examen, en leur qualité d'autorités executives proprement dites pour ce qui concerne les examens. Il va sans dire que, comme par le passé, les professeurs de nos universités et de nos écoles professionnelles continueront à former le noyau de ces Commissions. Toutefois, après avoir examiné mûrement la question, on ne saurait conseiller de déclarer dors et déjà que les professeurs des universités et des écoles professionnelles sont de droit examinateurs, et cela d'une part pour les mômes motifs théoriques qui ont été, lors de l'entrée en vigueur du concordat, mis en avant en faveur des Commissions d'examen mixtes et nommées par l'Etat, et, d'autre part, parce que les expériences faites depuis un certain nombre d'années, sous l'empire du concordat, plaident d'nne manière absolue en laveur de la participation de praticiens ayant reçu une instruction scientifique (car il ne peut Ctro question que de ceux-là). Par ce moyen, Dn arrivera à des relations amicales entre les professeurs et les anciens académiciens, et les Cantons qui ne possèdent pas d'établissement d'instruction supérieure auront aussi l'occasion d'y participer. Ainsi, par exemple, la Commission bâloise d'examen pour Baie prend ses membres et ses suppléants dans six Cantons différents. On ne peut opposer à ce mode, avec quelque raison, que l'augmentation des frais. Toutefois, les avantages, déjà signalés, d'une certaine solidarité entre les universités et l'Etat sont tellement évidents qu'ils contre-balancent largement une augmentation de dépenses peu considérable.

Le second alinéa ajoute aux trois sièges; d'examens un quatrième, placé à Genève. Jusqu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi, la nouvelle faculté se sera consolidée de telle sorte qu'il n'y aura pas de difficulté sérieuse pour y constituer une Commission d'examen. Il nous semble aussi que Lausanne, qui possède une école de pharmacie, doit être désignée comme un siège d'examens pour les pharmaciens.

La Suisse allemande et la Suisse française auront ainsi chacune leurs sièges ; quant à la Suisse italienne, la difficulté pour les candidats ne sera pas trop grande,
attendu que l'on exige de tous la connaissance de deux langues, et que les Tessinois pourront ainsi choisir l'allemand ou le français comme langue dans laquelle ils subiront leurs examens. D'autre part, il sera possible de reconnaître les diplômes qu'ils prendront en Italie comme équivalant aux diplômes fédéraux (art. 1er, lettre c).

Dans une brève rédaction, l'art. 6 indique les points essentiels qui doivent figurer dans le règlement d'exécut.on à élaborer par

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le Conseil fédéral, d'une façon analogue au règlement concordataire actuel.

Le voeu général exprimé tant par les Gouvernements de tous les Cantons concordataires que par la Société des médecins et celle des pharmaciens, tend à ce que, sous réserve des modifications désirables, le règlement concordataire serve de modèle, sur les points essentiels. A notre avis, rien ne s'oppose à ce qu'il soit tenu compte de ce désir, attendu que le règlement du concordat suffira parfaitement jusqu'à l'adoption du nouveau règlement d'examen, qui n'en sera guère qu'une copie avec quelques modifications. En outre, il sera nécessaire de prendre le préavis des facultés pour ce qui concerne les modifications éventuelles à introduire au sujet des cours sur lesquels devront porter les examens. Nous apprenons que ces facultés ont déjà eu plusieurs conférences à ce sujet, mais que ces conférences n'ont pas encore abouti à formuler des propositions communes.

A cet article se rattache la grosse question, tant controversée, des examens de maturité. Tandis que les uns disent : Ces examens ne sont pas nécessaires ; les universités doivent, s'ouvrir à tous venants, et ne pas s'inquiéter de savoir si, comment et où leurs étudiants se sont préparés à suivre les cours, mais bien plutôt comment ils en ont profité, -- un autre courant d'opinion tient absolument au certificat de maturité, et, dans ce dernier courant même, une divergence profonde existe sur l'importance à donner aux études classiques proprement dites.

Bien que nous soyons, pour ce qui nous concerne, absolument convaincus de la nécessité de maintenir l'examen de maturité, et en particulier aussi de réserver aux branches littéraires la juste place qu'elles doivent occuper dans l'enseignement secondaire, nous estimons que la question n'appartient pas, sous cette forme, au domaine de la législation. La querelle dure depuis fort longtemps et est loin d'otre videe. Les exigences que la Confédération élèvera en matière de preuves de capacité pour les professions libérales ne manqueront pas, il est vrai, d'influer indirectement sur la marche et l'étendue des études secondaires. Mais nous ne devons pas perdre de vue, d'un autre côté, que la législation en matière d'enseignement secondaire n'est pas dans les attributions de l'autorité fédérale, et qu'il ne conviendrait pas d'en
restreindre plus ou moins le développement dans un sens on dans l'autre, par des dispositions relatives à l'exercice de professions qui se recrutent d'un bon nombre d'élèves des gymnases et des écoles secondaires. Il vaut mieux renvoyer toute la matière au règlement d'exécution, qui pourrait plus facilement se modeler sur les idées et les besoins qui viendront à se faire jour.

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C'est dans cette intention que la Commission consultative du Département fédéral de l'Intérieur a pu tomber d'accord pour supprimer dans le projet de M. le Dr MüJbr une adjonction à la lettre b, portant que les connaissances requises des aspirants « de« vront être au moins égales à celles exigées par le concordat mé« dical en vigueur jusqu'à présent >. Elle a voulu laisser ainsi la porte ouverte à la discussion sur la convenance d'admettre, par exemple, le certificat de sortie d'une école reale sur le même pied que celui d'un gymnase. Cette question n'est donc pas préjugée ; elle sera examinée avec toute la maturité désirable; l'essentiel est que l'Assemblée fédérale sache qu'il n'entre en aucune manière dans notre pensée de vouloir diminuer les études préparatoires des futurs médecins, pharmaciens et vétérinaires. Bien loin de là, nous avons de plus en plus besoin d'hommes fortement préparés pour l'exercice de ces professions, et l'on doit se garder d'en rendre l'accès trop facile.

D'après l'alinéa c, le règlement fixera la finance d'examen ; cette finance devra être calculée autant que possible de manière à ce qu'elle couvre les frais de l'administration ; le déficit éventuel sera, il va sans dire, à la charge de la Caisse fédérale. D'après les expériences faites sous l'empire du concordat, qui ne comprenait pas tous les Cantons, nous n'aurons pas de ce chef un excédant de frais supérieur à quelques milliers de francs, à supposer qu'il se produise.

L'art. 7 renferme une disposition transitoire dont la nécessité a déjà été reconnue plus haut. On a discuté la question de savoir s'il ne faudrait pas accompagner le projet de loi d'un projet éventuel de règlement, mais on a renoncé à cette1 idée, pour la raison que la promulgation de la loi est urgente, que le nouveau règlement devra être soigneusement discuté spécialement en ce qui concerne l'examen de maturité, ce qui prendra du temps, et qu'en attendant le règlement concordataire peut parfaitement suffire.

En terminant cet exposé des motifs, il nous reste à recommander le projet de loi ci-après à la prompte discussion et adoption de l'Assemblée fédérale, et à vous présenter, Monsieur le Président et Messieurs, la nouvelle assurance de notre considération trèsdistinguée.

Berne, le 18 mai 1877.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le Vice-Président : SCHENK.

Le Chancelier de ïa Confédération : SCHIliSS.

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Projet.

Loi fédérale concei'nant

l'exercice des professions de médecin, de pharmacien et de vétérinaire dans la Confédération suisse.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la

CONFÉDÉRATION

SUISSE,

en exécution de l'art. 33, deuxième alinéa, de la Constitution fédérale; vu le message du Conseil fédéral du 18 mai 1877, arrête : er

Art. 1 . Sont autorisés à exercer librement leur profession dans toute l'étendue de la Confédération: a. les médecins, pharmaciens et vétérinaires qui, conformément aux dispositions de la présente loi, ont obtenu un diplôme fédéral ; 6. les personnes vouées auxdites professions, qui, avant l'époque de l'entrée en vigueur de cette loi, ont obtenu un diplôme du concordat du 2 août 1867 ou, à la suite d'un examen cantonal, une patente les autorisant sans aucune restriction à pratiquer dans le Canton qui l'a délivrée;

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c. les personnes vouées à ces professions, qvti, à la suite d'un examen subi dans un Etat é'ranger, ont obtenu un' diplôme les autorisant sans aucune restriction à , pratiquer dans lo territoire.de cet Etat, --» pour autant que la réciprocité est .stipulée par \m traité/. Dans tous les autres cas, c'est à l'autorité r chargée de la surveillance qu'il appartient de décider, au vu des pièces produites, à quelles conditions je diplôme sera accordé ; d, tous. les professeurs des universités suisses ou des écoles spéciales chargés d'y enseigner les branches relatives à ces professions.

Art. 2. Ne sont admis à subir l'exanen que les aspirants qui demandent un brevet de capac té pour toutes les branches de l'une des professions spécifiées a l'art. 1er, lettre a.

Art. 3. La direction et l'administration de tout ce qui concerne les examens sont sous la surveillance du Département fédéral de l'Intérieur. Ce dernier nomme les Commissions d'examen sur la proposition du Comité directeur (art. 4), qui chaque année lui fait rapport et lui présente les comptes.

Art. 4. Une autorité centrale (Comité directeur), nommée par le Conseil fédéral, examine les titres des aspirants, surveille les examens et y fait procéder avec uniformité.

Art. 5. Les Commissions d'examen sont composées de professeurs des établissements suisses d'instruction supérieure et de praticiens experts.

Elles sont chaque fois présidées par ua membre du Comité directeur et ont leur siège dans l'une des quatre universités suisses, et en outre, pour des examens de pharmaciens, à Lausanne.

Art. 6. Par une ordonnance d'exécution (règlement d'examen), le Conseil fédéral réglera : a. l'organisation des Commissions d'examen, leurs indemnités et la marche des examens ;

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6. les connaissances scientifiques requises des aspirants; c. la finance d'examen.

Art. 7. Jusqu'à l'adoption du règlement fédéral d'examen, les dispositions actuellement en vigueur pour les examens du concordat médical feront règle.

Art. 8. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation popiuaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

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Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant le projet de loi sur l'exercice des professions de médecin, de pharmacien et de vétérinaire dans la Confédération suisse. (Du 18 mai 1877.)

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1877

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2

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25

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Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

02.06.1877

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