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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la garantie des dispositions constitutionnelles des cantons de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne destinées à préparer la fusion de ces deux demicantons.

(Du 17 mars 1947.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous faire rapport sur la question de savoir si, conformément à l'article 6 de la constitution, la garantie fédérale doit être accordée aux dispositions constitutionnelles qui ont été acceptées à Bâle-Ville et à Baie-Campagne et doivent servir de base à la fusion future de ces deux demi-cantons en un seul canton, celui de Baie.

I.

Le 2 octobre 1938, une votation populaire a eu lieu, dans le canton de Bâle-Ville et dans celui de Baie-Campagne, sur les dispositions introduites dans la constitution cantonale pour préparer la fusion de ces deux demicantons. Aussi bien à Baie-Ville qu'à Baie-Campagne, la revision constitutionnelle avait été demandée par une initiative ; dans les deux demicantons, les dispositions constitutionnelles élaborées à la suite de ces initiatives furent acceptées par le peuple, à Baie-Ville, par 14 639 oui contre 4377 non, à Baie-Campagne, par 11 080 oui contre 10 278 non.

Par lettre du 3 décembre 1938, le Conseil d'Etat du canton de Baie-Ville a demandé au Conseil fédéral, en le priant de transmettre sa requête à l'Assemblée fédérale, la garantie fédérale pour les dispositions constitutionnelles revisées.

De son côté, le Conseil d'Etat du canton de Baie-Campagne a communiqué au Conseil fédéral, le 3 décembre 1938, à l'intention de l'Assemblée fédérale, les dispositions révisées; il désirait voir examiner et décider si la revision

1.070

ne contenait rien de contraire à la constitution fédérale (art. 6, 2e al., lettre a, Cst.)- Le Conseil d'Etat ne faisait aucune proposition précise; dans un long exposé, cependant, il donnait son avis sur l'affaire. Il ne s'agit pas, déclarait-il, du cas normal où la garantie fédérale est demandée pour une constitution cantonale, au sens de l'article 6 de la constitution fédérale ; l'existence même du canton est en jeu; par conséquent, le problème concerne la structure de l'Etat fédératif. A son avis, la Confédération devrait, pour consentir à la fusion des deux Baie, procéder à une revision de l'article premier de sa constitution. Selon le Conseil d'Etat, le droit en vigueur ne permet pas de donner une solution au problème. En examinant si les dispositions revisées sont conciliables avec la constitution fédérale, il ne suffit pas de déterminer si la revision cantonale est contraire ou non à.une disposition précise de cette constitution; il s'agit au contraire de trancher la question dans l'esprit de la constitution fédérale et, à cet effet, d'accorder une valeur déterminante à l'histoire et à la structure de la Confédération.

En 1848, lorsque s'est formé l'Etat fédératif, la composition du territoire des cantons ne faisait l'objet d'aucune contestation. Ni le texte de la constitution, ni l'histoire de son adoption, ne font ressortir que le problème de la fusion ou du partage de certains cantons ait joué un rôle quelconque pour le constituant. Les constitutions fédérales de 1848 et de 1874, par conséquent, ont établi définitivement et clairement le caractère juridique des demi-cantons. En outre, l'arrêt rendu par la diète, le 26 août 1833, arrêt qui a amené le partage du canton de Baie, avait non pas le caractère d'une loi constitutionnelle mais celui d'une décision due aux nécessités de l'époque et qui était inévitable si l'on voulait remédier à une situation devenue intenable. Si une fusion des deux Baie doit cependant se faire, déclarait le Conseil d'Etat, il faudra qu'une disposition constitutionnelle à prendre par la Confédération, rende la votation plus difficile en posant des exigences particulières pour le calcul de la majorité.

Enfin le Conseil d'Etat relevait que les textes constitutionnels adoptés dans les deux demi-cantons n'étaient pas identiques; il faut, disait-il, en tenir compte
en examinant la question de la garantie fédérale.

L'attitude priée par le gouvernement de Baie-Campagne amena le Conseil d'Etat de Baie-Ville, à s'adresser de nouveau au Conseil fédéral, le 31 décembre 1938; le gouvernement de Baie-Ville estimait, en effet, que l'exposé du Conseil d'Etat de Baie-Campagne constituait une proposition de refus de la garantie fédérale. Selon le gouvernement de BaieVille, la fusion des deux Baie ne nécessite pas une revision de la constitution fédérale. Il en serait ainsi seulement si l'on admettait que les cantons indiqués dans la constitution sont une création de la Confédération, qu'ils n'existent légalement qu'en vertu de la constitution fédérale. Le Conseil d'Etat de Baie-Ville relève que les cantons existaient avant la Confédération et que leur existence légale ne repose pas sur la constitution fédérale. La

1071 Confédération, il est vrai, garantit, selon l'article o de la constitution, l'intégrité des cantons, mais cet article ne s'applique pas si un canton veut lui-même renoncer à son existence. L'Assemblée fédérale ne peut pas, par conséquent, refuser la garantie aux revisions constitutionnelles décidées dans les deux demi-cantons. Une fois que la fusion aura été achevée, par l'adoption d'une constitution cantonale commune, cette constitution devra, elle aussi, obtenir la garantie fédérale. Faudra-t-il alors modifier le texte de la constitution fédérale qui mentionne les deux demi-cantons ? C'est là, dit-il, une question spéciale. Les opinions divergent sur ce point; il n'est pas nécessaire d'en discuter pour le moment.

Dans la suite, les autorités fédérales reçurent des requêtes de différentes associations, tant en faveur de la fusion que contre elle. C'est pourquoi il parut indiqué de donner encore une fois l'occasion aux deux gouvernements cantonaux de se prononcer. La guerre éclata cependant avant que le Conseil fédéral ait pu faire son rapport à l'Assemblée fédérale, n fallut, on le comprendra sans peine, suspendre l'examen de l'affaire.

IL Les dispositions constitutionnelles révisées ont la teneur suivante: A Baie-Ville, un arrêté du Grand conseil du 3 mars 1938, adopté en votation populaire le 2 octobre 1938, a inséré dans la constitution cantonale du 2 décembre 1889 un article 58 ainsi rédigé (Traduction) : Vu l'arrêt rendu par la diète, le 26 août 1833, suivant lequel; Le canton de Baie, dans ses rapports avec la Confédération, formera, comme jusqu'à maintenant, un seul Etat, tout on étant partagé, en ce qui concerne l'administration publique, en deux communautés distinctes, sous réserve cependant d'une fusion volontaire, en vue de rendre possible et de préparer la fusion, il est décidé ce qui suit : 1. D'entente avec le canton de Baie-Campagne, une constituante composée de 150 membres sera élue en vue de l'élaboration, pour le canton de Baie, d'une constitution, ainsi que des dispositions d'exécution et des dispositions transitoires nécessaires. Le canton de Baie-Ville élira 75 do ces membres, conformément aux prescriptions qui régissent l'élection du Grand conseil. Le Conseil d'Etat fixera, en tenant compte du dernier recensement fédéral do la population, le nombre de constituants que doit élire chaque arrondissement électoral. Toutes les personnes ayant droit de voter sont éligibles. L'article 43 de la constitution n'est pas applicable. L'article 31, 3° alinéa, de la constitution s'applique.

2. L'élection des 75 représentants de Baie-Ville à la constituante aura lieu dans les trois mois dès l'octroi de la garantie fédérale au présent article constitutionnel.

3. La constituante sera convoquée dans les trois mois qui suivront l'élection, après que les deux gouvernements cantonaux seront convenus du lieu de la première séance.

4. Le Conseil d'Etat doit activer, dans la mesure du possible, les travaux de la constituante. D'entente avec le gouvernement du canton de Baie-Campagne, il doit mettre à la disposition de la constituante le personnel auxiliaire nécessaire

1072 et verser la part du canton aux frais occasionnés par les travaux de la constituante et leur préparation. Ces frais sont à la charge du canton, compte tenu do la proportion qui existe entre le nombre de ses habitants et celui des habitants du canton de Baie-Campagne.

5. La constituante s'organise elle-même, sous la présidence du doyen d'âge des membres présents. Elle établit son règlement et détermine le lieu de ses séances ultérieures.

6. La constitution arrêtée par la constituante, pour le nouveau canton de Baie, n'entrera en vigueur qu'après avoir été acceptée par la majorité des votants, dans le canton de Baie-Ville et dans celui de Baie-Campagne, au cours de votations distinctes mais. simultanées, et »près avoir obtenu la garantie fédérale.

7. Si la constitution arrêtée par la constituante est rejetée dans un canton ou dans les deux, le gouvernement, d'entente avec celui de Baie-Campagne, fixera dans les six mois de nouvelles élections pour uue seconde constituante chargée de préparer une seconde constitution. Toutes los dispositions relatives au premier projet do constitution s'appliquent au surplus par analogie au second.

Si le second projet de constitution est rejeté dans un canton ou dans los deux, le présent article constitutionnel deviendra caduc.

8. La constitution du canton de Baie doit contenir les dispositions suivantes: a. L'autonomie des communes (communes municipales, communes bourgeoises ot paroisses) est garantie dans les limites de la constitution, en particulier le droit de fusion avec d'autres communes; 6. L'administration de la commune municipale do la ville de Baie est séparée de cello du canton; c. Le siège du gouvernement est à Baie; les autorités judiciaires suprêmes du canton ont leur siège à Liestal; d. La législation sociale et les institutions de prévoyance sociale du canton de Baie-Ville seront étendues, dans la mesure du possible, à tout le canton, e. Les rapports de service des fonctionnaires, employés et ouvriers d'Etat du canton de Baie seront réglés, d'une manière appropriée, d'après les normes appliquées dans le canton de Baie-Ville,

Dans le canton de Baie-Campagne où, en cas d'initiative populaire pour la revision de la constitution, le peuple décide directement, sans arrêté préalable du «Landrat», un article 57bis, ainsi conçu, a été inséré dans la constitution cantonale du 4 avril 1892, par suite de la votation populaire du 2 octobre 1938 (Traduction): Vu l'arrêt rendu par la diète, le 26 août 1833, suivant lequel: Art. 1. Le canton de Baie, dans ses rapports avec la Confédération, formera, comme jusqu'à maintenant, un seul Etat, tout en étant partagé, en ce qui concerne l'administration publique, en deux communautés distinctes, sous réserve cependant d'une fusion volontaire, en vue de rendre possible et de préparer la fusion, il est décidé ce qui suit: 1. D'entente avec le canton de Baie-Ville, une constituante composée de 150 membres sera élue en vue de l'élaboration, pour le canton de Baie, d'une constitution, ainsi que des dispositions d'exécution et des dispositions transitoires nécessaires, où doivent se trouver les lignes générales de la législation future. Le canton de Baie-Campagne élira 75 de ces membres conformément aux prescriptions qui régissent l'élection du « Landrat ». Le Conseil d'Etat fixe, en

1073 tenant compte du dernier recensement fédéral de la population, le nombre de constituants que doit élire chaque arrondissement électoral.

Sont éligiblea toutes les personnes ayant droit de voter.

2. L'élection des 75 représentants du canton do Bile-Campagne à la constituante aura lieu dans les trois mois dès l'octroi de la garantie fédérale au présent article constitutionnel.

3. La constituante sera convoquée dans les trois mois qui suivront l'élection, après que les deux gouvernements cantonaux se seront entendus sur le jour et le lieu de la première séance.

4. Le gouvernement doit, d'entente avec le gouvernement du canton de Baie-Ville: a. Activer, dans la mesure du possible, les travaux de la constituante; il peut, à cet effet, faire appel au personnel auxiliaire nécessaire et demander les fonds requis par cette mesure; &. Mettre à disposition de la constituante les fonds et le personnel auxiliaire nécessaires, tous les frais occasionnés par les travaux de la constituante et leur préparation devant être supportés par le canton de Baie-Campagne en proportion du chiffre de sa population.

5. La constituante s'organise elle-même, sous la présidence du doyen d'âge des membres présents. Elle établit son règlement et fixe le lieu de ses séances ultérieures.

6. La constitution arrêtée par la constituante, pour le nouveau canton de Baie, n'entrera en vigueur qu'après avoir été acceptée par la majorité des votants, dans le canton de Baie-Campagne et dans celui de Bàie-Ville, au cours de votations distinctes mais simultanées, et après obtenu la garantie fédérale.

7. Si la constitution arrêtée par la constituante est rejetée dans un canton ou dans les deux, le gouvernement, d'entente avec celui de Bàie-Ville, fixera dans les six mois de nouvelles élections pour une nouvelle constituante chargée de préparer une seconde constitution. Toutes les dispositions correspondantes du présent article constitutionnel s'appliquent à l'élection et aux travaux de cette nouvelle constituante et à la votation sui' le second projet de constitution.

Si le second projet de constitution est rejeté dans un canton ou dans les deux, le présent article constitutionnel deviendra caduc.

8. La constitution du canton de Baie doit contenir les dispositions suivantes : a. L'autonomie des communes (communes municipales,
communes bourgeoises et paroisses) est garantie dans les limites de la constitution, en particulier le droit de fusion avec d'autres communes; b. L'administration de la commune municipale de Baie est séparée de celle du canton ; c. Le siège du gouvernement est à Baie; les autorités judiciaires suprêmes du canton ont leur siège à Liestal.

d. La législation sociale et les institutions de prévoyance sociale du canton de Bàie-Ville seront étendues, dans la mesure du possible, à tout le canton, e. Los rapports de service das fonctionnaires, employés et ouvriers d'Etat du canton de Baie seront réglés, d'une manière appropriée, d'après les normes appliquées dans le canton de Baie-Ville.

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in.

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L 'autorité fédérale a été saisie en février 1934 de la question de la fusion des deux Baie ; à cette époque, en effet, le Conseil d'Etat du canton de BaieCampagne donna connaissance au Conseil fédéral de la décision qu'il avait prise sur l'initiative déposée le 2 mars 1933 par 7483 électeurs, en vue de préparer cette fusion. Le gouvernement cantonal estimait que les dispositions applicables à la revision de la constitution cantonale ne formaient pas une base juridique suffisante pour la fusion des deux Baie; selon lui, seule l'insertion dans la constitution fédérale d'une disposition spéciale pouvait tenir compte de cette situation de droit public tout à fait particulière. Le Conseil d'Etat décida, par conséquent, le 13 février 1934, de ne pas soumettre l'initiative à la votation populaire. Joignant à sa décision deux avis de droit des professeurs W. Burckhardt et P, Meiner, il la communiqua au Conseil fédéral, estimant que la Confédération devait se saisir de la question. Le département fédéral de justice et police répondit que, dans la phase actuelle, le Conseil fédéral n'avait aucun motif de traiter l'affaire ou de donner simplement un avis, ce que confirma le Conseil d'Etat.

A la suite d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral annula, le 21 juin 1935, la décision du Conseil d'Etat portant refus de soumettre l'initiative à la votation populaire. A Baie-Ville, cependant, le Grand conseil avait accepté une initiative semblable. Dans les deux demi-cantons, la votation en vue de préparer la revision constitutionnelle pour la fusion des deux Baies eut lieu le 23 février 1936 et elle fut favorable aux signataires des initiatives.

Le 5 mars 1936, le Conseil d'Etat de Baie-Campagne adressa urie nouvelle lettre au Conseil fédéral. Il estimait que l'article 6, lettre c, de la constitution fédérale, ne peut servir de fondement à la suppression d'un canton comme Etat, telle qu'elle résulterait de la fusion des deux Baie ; à son avis, le législateur cantonal n'a pas la compétence d'établir, en matière de revision, des règles qui permettent de supprimer son propre canton; une telle compétence n'appartient qu'au législateur fédéral. Le Conseil d'Etat estimait en outre que, pour la suppression d'un Etat, il faudrait exiger une majorité qualifiée et permettre éventuellement aux ressortissants du canton
domiciliés au dehors de prendre part à la votation.

La votation populaire sur la revision constitutionnelle ayant eu lieu le 2 octobre 1938 dans les deux demi-cantons, le Conseil fédéral fut sollicité de divers côtés dans cette affaire. C'est ainsi que la Volksbewegung für die Erhaltung dea selbständigen Baselbiets, dans une requête imprimée, du 6 février 1939, demandait que la garantie fédérale fût refusée. A l'appui de sa requête, elle faisait valoir que la suppression du canton de BaieCampagne portait atteinte au fondement même de l'Etat fédératif. La réserve relative à la fusion des deux Baie, réserve ajoutée à l'arrêt que la diète a rendu en 1833 au sujet du partage, aurait été d'emblée due à la

1075 situation existant alors; elle serait tombée définitivement en 1848. Le groupement susmentionné relevait en outre un fait, considéré par lui comme gros de conséquences, à savoir que, lors de la votation, malgré une majorité acceptante de votante, 19 communes seulement du canton de Baie-Campagne avaient accepté la revision constitutionnelle, 55 la rejetant. L'arrêt rendu par le Tribunal fédéral avait fait naître une tension dangereuse; si la garantie fédérale était accordée, il faudrait compter sur des discussions sans fin dans la constituante prévue. Pour que le canton puisse décider de son existence, il faut, de l'avis du groupement susindiqué, une majorité qualifiée, constituée au moins par la majorité des habitants et des ressortissants du canton. La requête demandait enfin que, pour le cas où l'Etat de Baie-Campagne « serait incorporé dans le canton de BaieVille », des garanties déterminées fussent accordées en vue de la protection des minorités.

Dans un mémoire du 17 mars 1939, le Verband für die Wiedervereinigung der beiden Basel exprimait une opinion contraire. Cette association craignait que le rejet de la demande de fusion n'eût des conséquences catastrophiques, tant pour la ville, dont les possibilités de développement sont limitées, que pour la campagne, privée de son centre urbain naturel. Le mémoire, qui s'étendait aussi longuement sur la question historique, se fondait sur deux avis de droit. L'un de ces avis était celui du professeur Max Huber, qui, déjà en 1934:, avait fait connaître à l'association son opinion sur la constitutionnalité de l'initiative déposée pour la fusion des deux Baie et qui, maintenant, se prononçait encore sur la situation créée par les votations populaires du 2 octobre 1938; l'autre avis émanait du juge fédéral Fazy. Ces deux juristes arrivaient à la conclusion qu'il s'agissait d'une question de droit; que, vues sous cet aspect, les revisions partielles du 2 octobre 1938 étaient conformes à la constitution et que l'Assemblée fédérale devait leur accorder la garantie fédérale. Le professeur Huber relevait encore, en particulier, que le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 21 juin 1935, avait réfuté d'une manière tout à fait conciliante les arguments invoqués contre les procédures suivies.

Le 5 avril 1939, la Fraktion der Wiedervereinigungsfreunde im
basellandschaftlichen Verfassungsrat von 1936J1938 remit au Conseil fédéral un mémoire pour protester contre « l'attitude inconstitutionnelle » du Conseil d'Etat; elle partait de l'idée que cette autorité avait, en communiquant à l'autorité fédérale, le 3 décembre 1938, le résultat de la votation, recommandé le refus de la garantie fédérale. Nous avons déjà relevé plus haut que, dans l'écrit indiqué, le Conseil d'Etat de Baie-Campagne s'abstenait de faire une proposition précise.

M. Walter Meyer, expert-comptable à Liestal, fit savoir au département fédéral de justice et police, le 15 mai 1939, que, d'entente avec plusieurs personnes partageant ses idées, il adresserait au Conseil fédéral, à

1076 l'intention de l'Assemblée fédérale, une pétition de citoyens du canton domiciliés sur le territoire de Baie-Campagne et récolterait à cet effet des signatures. Effectivement, la pétition fut déposée, mais avec la seule signature de M. Meyer. La pétition prie l'autorité fédérale de refuser la garantie fédérale. Elle demande qu'on exige au moins une majorité des deux tiers, tant des habitants ayant droit do voter que des citoyens de Baie-Campagne domiciliés sur le territoire du canton. En effet, la suppression de l'indépendance cantonale serait en premier lieu l'affaire des citoyens du canton; on devrait par conséquent considérer comme particulièrement choquant, et comme l'immixtion d'un autre canton, le fait que les citoyens de Baie-Ville domiciliés à Baie-Campagne puissent concourir à la décision.

Invité à se prononcer sur les mémoires et les avis de droit ci-dessus indiqués, le Conseil d'Etat du canton de, Baie-Ville répondit, le 28 avril 1939, qu'il n'y avait pas trouvé d'arguments juridiques essentiellement différents de ceux qui étaient discutés dans son exposé du 31 décembre 1938 et que, par conséquent, il pouvait renoncer à s'exprimer de nouveau.

En revanche, le Conseil d'Etat du canton de Baie-Campagne exposa sa manière de voir, en détail, le 17 mai 1939. Il releva qu'il ne s'était jamais laissé guider par la question, d'ordre politique, de savoir si, du point de vue du canton de Baie-Campagne, la fusion envisagée était souhaitable ou non. II voulait uniquement, déclarait-il, voir examiner et trancher l'affaire à la lumière de principes juridiques soigneusement étudiés. Selon lui, la forme juridique à trouver pour la fusion doit être l'expression adéquate du droit du peuple de disposer de lui-même. L'arrêt du Tribunal fédéral du 21 juin Ì935 ne peut constituer un précédent, ni par son dispositif ni par ses considérants; le Tribunal fédéral, en effet, n'a eu qu'à s'occuper de la procédure d'initiative du droit cantonal. Quant à l'exposé historique du Verband für die Wiedervereinigung il est, de l'avis du Conseil d'Etat, sans valeur pour trancher la question de droit. L'association en question néglige le fait que, lors de la constitution de l'Etat fédératif, en 1848, on a laissé tomber tacitement la réserve relative à la fusion,, contenue dans l'arrêt de la diète. La nouvelle constitution,
en effet, fixe définitivement le territoire de la Confédération et des cantons. Le gouvernement de Baie-Campagne ajoute que les avis de droit donnés par MM. Huber et Fazy ne tiennent pas non plus compte de cette situation de droit; ces avis, du reste, sont des consultations données à la demande d'une partie. Ce qui est déterminant, selon lui, c'est que les cantons peuvent reviser leurs constitutions seulement dans les limites de la constitution fédérale, tandis que, dans le cas donné, les revisions des constitutions cantonales, dans leurs conséquences finales, dépassent le domaine assigné aux cantons par la constitution fédérale.

Le Conseil d'Etat, dans son nouveau mémoire, rappelait que les deux textes constitutionnels ne sont pas concordants; il ajoutait qu'on ne pou-

1077 vait pas laisser de côté la question de savoir comment se dérouleraient les délibérations de la constituante, si ces délibérations devaient avoir pour base des textes différents.

A son mémoire le Conseil d'Etat joignit un exposé de M. E. Erny, à Liestal, sur « la réserve relative à la fusion, contenue dans l'arrêt de la diète, du 26 août 1833 », (publié dans la Zeitschrift für schweizerisches Recht, t. 58, p. 1). M, Erny conteste que les cantons disposent de bases constitutionnelles pour exécuter une fusion. Selon lui, le droit de la diète de partager le canton de Baie ne se fondait pas sur une disposition constitutionnelle ou équivalente; puisqu'une telle base fait défaut à l'arrêt de partage lui-même, elle manque aussi nécessairement à la réserve relative à la fusion. D'après M. Erny, la mesure de nécessité prise en 1833 et l'état provisoire créé par elle ont pris fin avec l'année 1848.

IV.

La comparaison des textes constitutionnels des deux demi-cantons montre qu'en général ils concordent. Il existe quelques petites divergences, les unes de forme, les autres découlant du droit cantonal (ainsi les deux dernières phrases du chiffre 1er de la décision de Baie-Ville).

Le Conseil d'Etat de Baie-Campagne critique -- car il y voit un danger -- ]c fait que, sous le chiffre 1er, le texte de Baie-Ville n'indique pas que la constitvition commune à établir doit contenir les lignes générales de la législation future; selon lui, cette divergence compliquera sérieusement les délibérations de la constituante ou même les empêchera d'aboutir à un résultat. Or il n'est pas du tout rare qu'une constitution fixe, d'une manière plus ou moins complète, les bases de la législation. En tout cas, il n'y a pas de motif suffisant d'admettre que, si l'on continue dans la voie tracée, cette divergence des textes empêchera justement l'aboutissement d'une constitution unique pour le canton de Baie. La garantie fédérale ne peut pas dépendre de l'opinion qu'il est plus ou moins vraisemblable que les efforts entrepris pour créer une constitution cantonale unique seront couronnés de succès; ce n'est pas là un critère juridique. Par conséquent, ni les divergences relevées par le gouvernement de Baie-Campagne ni les autres différences constatées dans les textes constitutionnels ne s'opposent à l'octroi de la garantie fédérale.

V.

Comme il s'agit maintenant d'examiner les deux révisions constitutionnelles cantonales par rapport au droit fédéral, on peut renoncer à un exposé, même sommaire, des événements historiques qui, dans les années 1829 à 1833 ont abouti au partage du canton de Baie (*). Ce partage qui existe (*) On trouvera un exposé dótaillé dans l'ouvrage de M. K. Weber: « Entstehung und Entwicklung des Kantons Basellandsehaft 1792--1932 » (Tirage à part de la « Geschichte der Landschaft Basel und des Kantons Basellandsehaft »), page 387 s.

1078 depuis plus d'un siècle constitue la situation de fait qui seule a pu donner naissance aux efforts entrepris en vue de la fusion des deux parties du canton.

Cependant, il faut considérer comme un acte de droit publie l'arrêt rendu le 26 août 1833 par la diète, arrêt qui constatait et sanctionnait le fait du partage dans les limites de la Confédération d'Etats d'alors et par rapport aux autres membres de la Confédération. Cet arrêt, la diète le rendit en s'appuyant sur l'article VIII du pacte fédéral de 1815 qui lui faisait un devoir d'écarter les dangers généraux dont la patrie était menacée parla persistance des troubles dans le canton de Baie et pour établir à cet effet un ordre public durable, mais dans l'idée aussi qu'une fusion des deux parties du canton était devenue impossible au cours des prochains temps.

L'arrêt se compose de douze articles, dont le premier à la teneur suivante : « Le canton de Baie, dans ses rapports avec la Confédération, formera, comme jusqu'à maintenant, un seul Etat, tout en étant partagé, en ce qui concerne l'administration publique, en deux communautés distinctes, sous réserve d'une fusion volontaire ». L'article 2 fixe le territoire des deux demi-cantons; les autres traitent de leurs constitutions, de leur situation dans la diète et du partage de la fortune entre le canton citadin et le canton campagnard.

Lors de la constitution de l'Etat fédératif, en 1848, on a considéré--· et indiqué à l'article premier de la constitution fédérale -- que la Confédération se compose de « vingt-deux » cantons souverains ; ainsi l'article premier ne compte deux demi-cantons que pour un canton. Les noms des cantons sont imprimés en caractère italique. Quant aux cantons partagés, les deux parties du canton sont indiquées en plus, dans une parenthèse, en caractère ordinaire et dans la forme suivante : Pour le canton d'Unterwald : « le haut et le bas»; pour Baie: «ville et campagne»; pour Appenzell: « les deux Rhodes ». Ce texte a été repris tel quel dans la constitution de 1874.

Le partage était motivé par des raisons différentes pour ces trois cantons.

Depuis 1150 déjà, le pays d'Unterwald était divisé en vallées « ob und nid dem Kernwald », et cela pour des raisons do configuration (voir Schollenberger Kommentar zur schweizerischen Bundesverfassung, p. 79 ; W. Raustein,
Die schweizerischen Halbkantone, ihre Entstellung und Rechtsstellung, p, 17).

La question de savoir si Unterwald le Haut et le Bas ont jamais formé une unité est cependant discutée; Tschudy, Bluntschli et Schollenberger l'admettent, tandis qu'Oeschli, Blumer et Hilty le contestent (v. Raustein, p. 12 et 13). C'est pour des raisons confessionnelles qu'Appenzell s'est séparé en Rhodes-Extérieures et en Rhodes-Intérieures, suivant la convention de partage du 8 septembre 1597, élaborée par la diète (Raustein, p. 30, 34, 143). Pour Baie, le partage s'est fait pour des motifs politiques, les habitants de Baie-Campagne ayant adhéré au mouvement démocratique à l'époque de la Régénération.

1079 En ce qui concerne la garantie fédérale, le point capital est de savoir si la fusion des deux Baie est compatible avec la constitution fédérale en vigueur et peut, par conséquent, s'opérer sur la base du droit fédéral actuel, ou si une revision préalable de la constitution est nécessaire. Les opinions sur ce point divergent tant au sujet de la réponse à donner que des motifs susceptibles d'être invoqués.

Fleiner (Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 50) écrit que rémunération des cantons n'est pas une simple liste. « Elle montre que toute modification dans la composition des membres de la Confédération rend nécessaire une revision partielle de la constitution fédérale. Cela signifie . . . . que l'entrée d'un nouveau canton dans la Confédération ou la fusion de deux demicantons ne sont possibles, elles aussi, que grâce à une revision partielle de la constitution fédérale. » Fleiner, dans une note, remarque que d'autres auteurs ne considèrent pas comme nécessaire le concours de la Confédération, ainsi Rüttimann (Nordamerikanisches Bundesstaatsrecht, I., p. 150; note 2) et Emu Richard (Wiedervereinigung mit Basel-Stadt, p. 27).

Schollenberger (Kommentar zur Bundesverfassung, p. 79 s.) expose que la constitution fédérale ne reconnaît pas, « d'après le chiffre des cantons qui constituent l'Etat fédératif », les demi-cantons; sans doute, déclare-t-il, les deux parties du canton sont indiquées nommément, mais cette indication n'est que la constatation d'un fait et n'a aucune valeur juridique. Les demicantons n'ont pas d'existence « der Korporation nach », mais bien « der Organstellung nach ». Quant à la garantie du territoire, énoncée à l'article 5 de la constitution, Schollenberger relève qu'il s'agit là seulement d'une garantie « donnée par la Confédération et ses organes, mais non par la constitution fédérale elle-même ; ainsi, une modification, dans ce sens, notamment le partage d'un canton en deux, n'exige que le consentement des organes compétents de la Confédération . . . . et non une modification de la constitution fédérale », Vischer est d'avis que la constitution du nouveau canton de Baie pourrait obtenir la garantie fédérale sans revision de la constitution fédérale. Il serait sans doute prématuré de se prononcer à ce sujet; mais, à plus forte raison, serait-il possible d'accorder la
garantie fédérale aux deux revisions constitutionnelles cantonales actuellement discutées, sans revision préalable de la constitution fédérale. (Max Vischer, Vom Verfahren zur Herbeiführung der Wiedervereinigung der beiden Halbkantone BaselStadt und Basel-Landschaf t, Revue suisse de jurisprudence, t. 34, p. 257).

Burckhardt (Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung, p. 7) déclare que l'article premier n;a pas seulement le sens d'une constatation mais aussi d'une prescription; selon cet auteur, les 22 cantons doivent continuer à exister; sans modification de la constitution, aucun nouveau canton ne peut être formé, aucun demi-canton ne peut fusionner avec l'autre, aucun canton entier ne peut se diviser ou fusionner avec un autre.

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Dans l'avis de droit qu'il a donné, le 15 septembre 1935, à la direction de la justice du canton de Baie-Campagne sur la question spéciale de la fusion des deux Baie, Burckhardt arrive cependant à la conclusion que cette opération est possible. Il déclare: «II n'est pas nécessaire que la constitution fédérale soit revisée dans les formes prévues à son chapitre III pour que les deux Baie puissent fusionner. Le texte de l'article premier pourrait, si la fusion a lieu, être mis en accord avec ce fait nouveau au moyen d'une rectification d'ordre rédactionnel, sans qu'une modification du contenu soit nécessaire. » Max Huber, lui aussi, déclare que l'arrêt rendu par la diète de 1833, a passé, du moins quant à son essence, dans la constitution fédérale actuelle (Erörterungen über die Rechtmässigkeit der Vereinigung der Halbkantone Basel-Stadt und Basel-Landschaft; v. le rapport de la commission du Grand conseil de Baie-Campagne, du 8 juillet 1937, p. 21).

Comment faut-il maintenant interpréter la constitution fédérale, en ce qui concerne la question litigieuse ?

Lorsque s'est constitué l'Etat fédératif, il fallut régler, pour les cantons partagés, leur situation dans la Confédération. La constitution le fit en permettant à chacun de ces demi-cantons, selon l'article 80, de désigner un député au Conseil des Etats et en prévoyant, à l'article 123, 2e alinéa, que, pour établir la majorité des Etats en cas de revision de la constitution, le vote d'un demi-canton serait compté pour une demi-voix. C'est pourquoi, en plus des 19 cantons entiers, la Confédération comprend non pas six demi-cantons placés sur le même pied que les précédents, mais les trois cantons partagés; ce sont 22 cantons (et non 25) qui forment la Confédération, et l'ensemble des voix des Etats comprend le même chiffre. De cet ordre qu'il a voulu, le constituant devait aussi tenir compte en rédigeant l'article premier de la constitution. Il devait énumércr, au nombre des 22 cantons, Unterwald, Baie et Appenzell (comme cantons entiers) mais en même temps rappeler leur partage ; à ce défaut, le partage n'aurait pas été apparent dans la constitution et la disposition correspondante des articles 80 et 123 aurait manqué de base. Relativement aux cantons partagés, le législateur ne pouvait pas cependant se borner à énumérer seulement les demi-cantons,
car un demi-canton n'a pas, à lui seul, la situation d'un membre ordinaire de la Confédération; cette situation, le demi-canton ne l'a que par ensemble avec l'autre demi-canton. De là, la rédaction de l'article premier. Il ne serait pas juste de tirer déjà de cette rédaction la conclusion que la fusion des deux parties d'un canton partagé peut se faire sur la base de ce texte. Celui-ci n'avait pas à traiter la question de la fusion des cantons partagés; il exprimait simplement la situation existante. Mais il n'en reste pas moins que, malgré la reconnaissance inévitable de cette situation, la constitution fédérale refuse à ce texte tout effet en ce qui concerne la position des cantons comme membres de la Confédération;

1081 qu'elle considère les demi-cantons comme parties d'un tout; qu'elle n'accorde enfin qu'à ce tout l'ensemble des droits attachés à la qualité de membre de la Confédération.

En ce qui concerne plus particulièrement Baie, il faut aussi tenir compte de l'arrêt, déjà mentionné plusieurs fois, rendu par la diète le 26 août 1833, qui sanctionnait le partage du canton en deux, mais réservait expressément la fusion volontaire. Cette réserve n'a pas été reprise d'une manière apparente dans la constitution fédérale, celle-ci ne s'occupant, en ce qui concerne les cantons partagés, ni des motifs du partage ni de la question de la fusion; comme il ressort de ce qui a été dit plus haut, la constitution ne pouvait pas bien faire cette réserve en indiquant la composition du nouvel Etat fédératif. Ainsi que le remarque Burckhardt, dans son avis de droit, la constitution voulait non pas « changer les rapports existant entre les demi-cantons et la Confédération et entre les demi-cantons, mais laisser subsister ces rapports, tels qu'ils existaient en 1848, et lo rapport entre les deux Baie était alors fixé par l'arrêt rendu le 26 août 1833 par la diète, avec la réserve bien connue au sujet de la fusion. Quel que soit le fondement juridique que l'on donne à l'arrêt en question, il était le droit fédéral de l'époque, et c'est sur cette base que la nouvelle Confédération de 1848 s'est constituée. La fusion resta donc aussi réservée dans la nouvelle Confédération et aujourd'hui encore elle est possible ».

Dans son arrêt du 21 juin 1935 (considérant 5), le Tribunal fédéral a exprimé la même opinion en déclarant : « Selon l'article 6 des dispositions transitoires de la constitution fédérale de 1848, les arrêts de la diète restaient en vigiieur jusqu'à leur abrogation ou leur modification, dans la mesure où ils n'étaient pas contraires à la constitution fédérale. Cette disposition n'a pas été abrogée, bien qu'elle n'ait pas été reprise dans la constitution de 1874, Cette omission est due au fait que l'on a considéré une telle répétition comme superflue. La disposition en question continua à être considérée comme une règle évidente, dans la mesure où elle avait encore quelque importance. La réserve fait ressortir que le partage des deux Baie, formant un tout, du point de vue historique, géographique, économique et
culturel, fut une grande faute politique et que la fusion (volontaire) serait désirable, en particulier aussi du point de vue de la Confédération; dans l'article premier de la constitution fédérale, le canton de Bàio n'est-il pas considéré, du moins en pensée (s'il n'en est pas ainsi en réalité), comme existant toujours? La fusion des deux demi-cantons ne peut donc pas être considérée de primo abord comme contraire au droit fédéral, car elle est même, dans un certain sens, demandée par le droit fédéral. » A notre avis, le Tribunal fédéral a ainsi décrit exactement la portée juridique du partage et de la réserve relative à la fusion. L'Assemblée fédérale, il est vrai, n'est pas liée par un arrêt du Tribunal fédéral et pas davantage par l'opinion sur laquelle se fonde cet arrêt ; elle doit, au contraire, Feuille, fédérale. 99e année. Vol. I.

72

1082 examiner librement si elle peut considérer comme remplies les conditions pour l'octroi de la garantie fédérale. Cependant, elle n'ignorera pas complètement un arrêt de la cour de droit public, arrêt qui, bien que rendu dans une autre procédure, concernait la même question juridique.

L'interprétation à laquelle conduit déjà le texte de l'article premier est confirmée par l'évolution historique. La diète ne pouvait pas, en 1833, annuler le partage, déjà exécuté, de Baie en deux parties, mais elle ne voulait cependant pas lui donner sans réserve une sanction légale. Elle ne voulait en tout cas pas que ce partage fût considéré comme un état immuable; c'est pourquoi elle ajouta à son arrêt la réserve concernant la fusion volontaire. Le constituant fédéral trouva la même situation en 1848, et rien n'indique qu'il ne fit pas sienne l'opinion exprimée 15 ans plus tôt par la diète. Cet état de choses s'est maintenu jusqu'à nos jours.

C'est pourquoi il n'est pas exact de dire que la fusion des deux parties du canton est contraire à la constitution fédérale actuelle; la fusion, au contraire, rétablirait la situation qui, d'après cette constitution, doit être considérée comme la situation normale.

Nous arrivons ainsi à la conclusion que la fusion des deux Baie n'exige pas une revision préalable de l'article premier ou d'une autre disposition de la constitution fédérale. Nous avons déjà indiqué pourquoi l'article premier est ainsi rédigé et relevé qu'ici l'idée d'une suppression possible du partage ne pouvait pas trouver de place. Cette idée cependant n'est pas étrangère à l'esprit de la constitution. Celle-ci désigne Baie comme un des 22 cantons qui forment la Confédération. Le rappel, dans la parenthèse, du partage en deux demi-cantons, ne s'oppose pas, du point de vue juridique, à une fusion. Avec la fusion, ce rappel deviendrait simplement caduc. Si la fusion aboutit, grâce à l'acceptation d'une constitution pour le canton de Baie unifié, l'article premier de la constitution fédérale devra être modifié au point de vue rédactionnel par la suppression de la parenthèse concernant le canton de Bàie, sans qu'on soit obligé de passer par les formalités prévues pour une re vision de la constitution.

VI.

Au cours des discussions qui ont eu lieu pour ou contre la fusion, on a souvent demandé si, dans le cas où cette fusion devrait être considérée comme compatible avec le droit fédéral, il ne faudrait pas au moins envisager une procédure spéciale et si la Confédération ne devrait pas édicter elle-même les dispositions sur la procédure.

Etant donné le caractère spécial de l'affaire, on ne peut s'étonner que cette question ait été posée. Il ne s'agit pas simplement de l'octroi de la garantie fédérale à la revision d'une constitution cantonale, revision qui, en dehors de la Confédération, ne touche que ce canton. Les revisions constitution-

1083 nelles, soumises simultanément à l'autorité fédérale en vue de la garantie fédérale, visent à rétablir un seul Etat, supprimant et remplaçant les deux collectivités publiques qui, abstraction faite de leurs rapports avec la Confédération, se trouvent entre elles dans la situation de deux cantons distincts. Chacune de ces collectivités doit abandonner son indépendance et se laisser absorber par le nouveau canton à rétablir. II est évident que cette opération unique en droit public et du point de vue politique, aura aussi des répercussions très profondes sur l'administrationi interne.

En ce qui concerne la question de la procédure en général, de telles considérations ne sauraient cependant empêcher l'octroi de la garantie fédérale que si la procédure engagée pour la fusion ne permettait absolument pas d'atteindre le but visé ou si elle était même contraire au droit fédéral.

Or tel n'est pas le cas.

Les votations du 2 octobre 1938 ont créé dans les deux constitutions cantonales la base qui faisait défaut et réglé la procédure à suivre pour provoquer une décision ultérieure sur la fusion des deux Baie. Le Tribunal fédéral a déclaré que ce mode de procéder n'était absolument pas inadmissible (considérant 6 do l'arrêt du 21 juin 1935). Il a déclaré en outre que si, plus tard, une décision était prise au sujet de la fusion, elle le serait en vertu des nouveaux articles constitutionnels cantonaux. Ces derniers permettent de statuer sur un objet qui peut dépasser la notion de la revision constitutionnelle au sens des articles 53 de la constitution de Baie-Ville et 48 de celle de Baie-Campagne. Du point de vue juridique, rien ne s'oppose à cette réglementation. Les deux demi-cantons forment -- nous empruntons les termes au Tribunal fédéral (considérant 7) -- une association avec un but déterminé et la constituante prévue est seulement une autorité commune des deux demi-cantons; elle n'est pas encore un «organe du canton de Baie rétabli ». La fusion sera décidée seulement après l'acceptation du projet de constitution qui doit être encore élaboré. On ne voit pas pourquoi des dispositions de procédure établies pour résoudre en commun un problème d'Etat qui intéresse deux cantons ne figureraient pas dans les deux constitutions cantonales mais devraient être fixées par le droit fédéral, alors que le but
visé a été reconnu conforme au droit fédéral. Cette manière de voir ne peut être modifiée par la circonstance que la fusion pourra créer un j ouiune situation qui no dépendra plus de la volonté des demi-cantons actuels, remplacés par le nouveau canton unifié. Le Tribunal fédéral appelle la décision relative à la fusion « une décision de l'Etat, de caractère spécial » (considérant 9) et cite comme autres exemples de pareilles décisions qui créent une situation définitive (c'est-à-dire désormais indépendante de la volonté de l'Etat) les conventions internationales non dénonçables et les rectifications de frontières.

Une question spéciale de procédure se pose. Pour la décision sur la fusion, faut-il exiger, contrairement à ce qui est le cas pour les revisions

1084 constitutionnelles ordinaires, au moins une majorité spéciale, vu que l'Etat décide lui-même sa suppression. Cette manière de voir est soutenue ardemment, sous une forme ou une autre, par les adversaires de la fusion (voir ci-dessus, sous chiffre III). On demande, soit une majorité des deux tiers, soit la participation à la votation des citoyens du canton domiciliés hors du territoire cantonal, soit une combinaison de ces deux formes. Le gouvernement de Baie-Campagne a soulevé cette question déjà dans son mémoire du 5 mars 1936, puis dans sa lettre du 3 décembre 1938 qui introduit la procédure en vue de l'octroi de la garantie fédérale.

D'après les constitutions cantonales actuelles, les projets soumis à la votation sont acceptés, tant à Baie-Ville qu'à Baie-Campagne, si la majorité simple des votants se prononcent en leur faveur. On peut relever, entre parenthèses, que l'article 23 de la constitution de Baie-Ville demande, pour la fusion d'une commune rurale avec la ville, la majorité des personnes ayant le droit de vote tant dans la commune municipale que bourgeoise.

Cette disposition ne s'applique pas ici.

Les dispositions constitutionnelles acceptées par les deux parties du canton le 2 octobre 1938 déclarent toutes deux, sous chiffre 6, que la constitution arrêtée par la constituante pour le nouveau canton de Baie doit entrer en vigueur seulement après avoir été acceptée par la majorité des votants, tant à Bâlc-Ville qu'à Baie-Campagne, et après avoir obtenu la garantie fédérale. Du point de vue du droit fédéral, cette solution n'a rien de critiquable. Elle est conforme aux règles qui, jusqu'ici, régissent les revisions constitutionnelles dans les deux demi-cantons et, du reste, aussi à la constitution fédérale (art. 6, 2e al., lettre c); celle-ci laisse seulement aux cantons la faculté de se fonder sur la majorité non pas des votants mais des personnes ayant droit de voter. Les deux demi-cantons auraient eu la possibilité de prévoir une dérogation de cet ordre, que ce soit pour l'acceptation de la' constitution unique du canton de Baie ou déjà pour la votation sur l'ouverture de la procédure de fusion. Dans le premier cas, le chiffre 6 de la décision du 2 octobre 1938 aurait dû être rédigé en conséquence; dans le second, une revision constitutionnelle préalable à cette décision aurait
dû avoir lieu pour remplacer, pour la votation en question, la majorité des votants par celle des personnes ayant droit de voter. Aucune de ces procédures n'a été suivie. Au contraire, dans les deux demi-cantons on a confirmé que la majorité des électeurs prenant part à la votation, majorité qui était déjà déterminante pour les décisions du 2 octobre 1938, devait aussi décider de l'acceptation ou du rejet de la nouvelle constitution cantonale dont l'élaboration ressortit à la constituante. Cette procédure, comme nous l'avons dit, est conforme au droit fédéral. Après qu'elle a été engagée dans les deux demi-cantons, il ne saurait être question que la Confédération la remplace par une autre. Le Tribunal fédéral l'a aussi constaté dans son arrêt (considérant 10). Il est par conséquent inutile d'examiner comment

1085 la procédure de votation pourrait être rendue plus difficile pour tenir compte, dans la mesure du possible, du caractère spécial et de l'importance indéniables de la décision; si une majorité de votants suffirait ou s'il conviendrait d'exiger la majorité simple ou qualifiée des personnes ayant droit de voter; enfin s'il faudrait autoriser à participer au scrutin les citoyens du canton domiciliés dehors du territoire cantonal.

VII.

Notre examen a porté sur le contenu des deux révisions constitutionnelles du 2 octobre 1938, dans la mesure où cet examen paraissait nécessaire eu égard à la question de la garantie fédérale. Pour compléter notre exposé, il convient de mentionner encore la disposition qui figure sous chiffre 8; cette disposition est, quant au fond, la même dans les deux décisions; elle énumère les prescriptions qui doivent figurer dans la constitution du canton de Baie. Il s'agit de l'autonomie des communes, de la séparation de l'administration de la commune municipale de Baie de celle du canton, de la fixation de la ville de Baie comme siège du gouvernement, les autorités judiciaires suprêmes du canton devant avoir leur siège à Liestal, de l'extension de la législation sociale et des institutions de prévoyance sociale du canton de Baie-Ville, dans la mesure du possible, à tout le canton, de l'adaptation, d'une manière appropriée, des rapports de service des fonctionnaires, employés et ouvriers de l'Etat, aux normes appliquées dans le canton de Baie-Ville.

Ces dispositions soulèvent des objections de la part du Conseil d'Etat de Baie-Campagne; d'après lui, elles n'engagent à rien et rendent possible une duperie. Dans son arrêt du 21 juin 1935, le Tribunal fédéral (considérant 7) a exprimé l'opinion que ces règles n'étaient que des directives ne liant pas la constituante. On ne peut pas dire d'avance si ces dispositions décevront et, le cas échéant, qui elles décevront; mais cela aussi est sans importance pour la question de la garantie. Ces règles sont, les unes précises, les autres quelque peu imprécises, et ces dernières sont plutôt des directives ; on ne peut pas encore se rendre exactement compte si elles pourront être exécutées.

Il n'est pas exclu que des déceptions naissent parce que des promesses ne seront pas tenues, mais ces déceptions pourront se produire non seulement pour la population de Baie-Campagne mais aussi pour celle de BaieVille, H n'est pas nécessaire de décider ici si, et dans quelle mesure, les règles énoncées sous chiffre S ont un caractère obligatoire ou constituent simplement des directives. Si la constituante ne s'en tient pas à ces règles, chaque électeur d'un des demi-cantons pourra librement rejeter la nouvelle constitution, la voix de chaque citoyen ayant la même valeur ici et là. Si
la constitution est acceptée dans les deux demi-cantons, ce qui est nécessaire pour qu'elle aboutisse, il sera permis d'en conclure que l'exécution défectueuse

1086 de la disposition figurant sous chiffre 8 ou bien n'a pas exercé une influence déterminante sur la décision des personnes ayant droit de voter ou bien que, si tel même était le cas, les personnes déçues ne forment qu'une minorité.

Ces éventualités ne sauraient constituer un argument contre l'octroi de la garantie fédérale.

VIII.

L'examen auquel nous avons procédé nous amène à conclure que les revisions constitutionnelles soumises en même temps aux autorités fédérales par Baie-Ville et Baie-Campagne ne contiennent rien de contraire au droit fédéral et que, par conséquent, la garantie fédérale doit leur être accordée en application de l'article 6 de la constitution. Il est erroné de prétendre qu'au préalable l'article premier de la constitution fédérale devrait lui-même être modifié. C'est aussi sans fondement qu'on demande à la Confédération de fixer une procédure spéciale pour la fusion des deux parties du canton. Au contraire, la procédure à suivre est indiquée d'avance dans les décisions constitutionnelles acceptées par les deux demi-cantons et elle est propre à conduire au but visé.

Cependant, il convient de relever encore une fois que ces décisions n'ont pas déjà pour effet la fusion des deux Baie, qu'elles créent seulement la base sur laquelle pourra s'établir une constitution pour le futur canton de Baie. Une fois élaborée, cette constitution doit être soumise à la votation populaire dans les deux demi-cantons et, seulement après cette votation -- si le résultat est négatif, après la votation portant sur un second projet constitutionnel -- le sort des efforts entrepris pour la fusion sera définitivement fixé. Si la constitution unique est acceptée, elle devra aussi obtenir la garantie fédérale. D'après une prescription expresse de la revision actuelle (chiffre 6), ce n'est qu'après l'octroi de la garantie fédérale qu'elle entrera en vigueur.

Le message permet de constater que, dans l'examen du cas, le Conseil fédéral s'est laissé guider par des considérations juridiques. Ces considérations sont, en fait, déterminantes. D'autres considérations, notamment de caractère politique ou économique, ne sauraient s'opposer à l'octroi de la garantie, s'il est juridiquement fondé. Mentionnons d'ailleurs que ces autres considérations diffèrent considérablement suivant les points de vue
individuels. Quelle que soit l'issue de l'opération, celle-ci, vu sa portée, ne peut se dérouler sans créer une tension politique dont on parle surtout dans le canton de Baie-Campagne. Il est conforme aux principes démocratiques que la minorité doive se plier aux décisions de la majorité. Une tension vraiment dangereuse ne serait à craindre que si l'on voulait faire obstacle au déroulement d'une procédure introduite régulièrement pour faire constater si, un jour, une constitution unique, c'est-à-dire la fusion des deux Baie, répond à la volonté de la majorité.

1087

Nous vous proposons, par conséquent, d'accorder la garantie fédérale sollicitée en adoptant le projet d'arrêté ci-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 17 mars 1947.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le 'président de la Confédération, ETTER.

9327

Le chancelier de la

Confédération,

LEIMGRTJBER.

(Projet.)

Arrêté fédéral accordant

la garantie fédérale aux dispositions constitutionnelles des cantons de Baie-Ville et de Baie-Campagne destinées à préparer leur fusion.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 17 mars 1947 ; étant donné que les dispositions constitutionnelles cantonales ne contiennent aucune prescription contraire à la constitution fédérale; vu l'article 6 de la constitution fédérale, arrête : Article premier.

La garantie fédérale est accordée aux dispositions constitutionnelles des cantons de Baie-Ville et de Baie-Campagne, destinées à préparer la fusion de ces deux demi-cantons et acceptées dans les votations populaires du 2 octobre 1938.

Art. 2.

Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter le présent arrêté.

6327

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la garantie des dispositions constitutionnelles des cantons de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne destinées à préparer la fusion de ces deux demi-cantons. (Du 17 mars 1947.)

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Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

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Jahr

1947

Année Anno Band

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11

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5204

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20.03.1947

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1069-1087

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