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FEUILLE FÉDÉRALE

99e année

Berne, le 20 mars 1947

Volume I

Paraît, eu règle générale, chaque semaine.

Prix: 28 francs par an; 15 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs K.-J. Wyss, société anonyme, & Berne.

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'une nouvelle loi de procédure civile fédérale.

(Du 14 mars 1947.)

Monsieur le Président et Messieurs, La loi du 22 novembre 1850 sur la procédure à suivre par devant le Tribunal fédéral en matière civile a été édictée sitôt après la création d'un Tribunal fédéral non permanent par la constitution de 1848 et l'adoption de la première loi d'organisation judiciaire du 5 juin 1849. On l'appelle communément procédure civile fédérale. Elle règle la procédure applicable aux contestations civiles qui ressortissent au Tribunal fédéral comme juridiction unique. Cette loi fut d'abord mise en vigueur provisoirement, puis adoptée à titre définitif par l'arrêté fédéral du 13 juillet 1885. Ces deux mises en vigueur successives furent votées dans les deux chambres sans discussion préalable des articles, la loi ayant ainsi été adoptée en bloc.

La commission du Conseil des Etats, qui avait proposé cette manière d'agir insolite, exposa dans son rapport du 12 novembre 1850 (FF 1850 III 725) que si tous ses membres étaient d'accord sur les bases principales du projet, ils ne manqueraient pas cependant d'exprimer des vues divergentes sur beaucoup de points secondaires, au nombre desquels le rapport mentionnait : « les limites apportées à la direction des débats, à l'égard desquelles on a manifesté le désir d'une plus grande étendue des attributions du juge », « l'élimination du prétendu moyen juridique de la réforme » et « l'élimination du serment des arbitres ».

La loi de 1850 sur la procédure civile fédérale est encore en vigueur; certains de ses articles ont cependant été abrogés ou modifiés du fait des différentes revisions de la loi d'organisation judiciaire, quelques-unes de ses dispositions ayant en outre été amendées par d'autres lois. Les caractéristiques de la procédure civile fédérale sont les suivantes: Procédure essentiellement écrite; production simultanée des moyens d'attaque et de Feuille fédérale. 99« année. Vol.I.

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1002 défense des parties (« Eventualmaxime » appelée aussi système du cumul de tous les moyens, principe de la maxime éventuelle ou principe de l'immuabilité du cadre du procès) et interdiction de toute modification ultérieure de la demande ; principe de l'autonomie absolue des parties quant à la procédure (« Verhandlungsraaxime »), l'intervention d'office du juge étant très limitée ; division de la procédure en deux étapes, soit une procédure d'instruction devant le juge délégué (principe de la procédure indirecte) et une procédure orale de jugement devant le tribunal. La loi de 1850 est très pénétrée des principes théoriques de l'ancien droit commun.

En vigueur depuis 96 ans déjà, la procédure civile fédérale est manifestement surannée à plusieurs égards et ne répond plus aux idées modernes.

En particulier, on s'efforce actuellement de soustraire la procédure civile à tout formalisme excessif pouvant, selon les circonstances, entraver l'affirmation du droit objectif. La nécessité de reviser la loi actuelle est principalement démontrée par les points suivants; L'autonomie absolue des parties --- c'est-à-dire le principe selon lequel il incombe aux parties de rassembler les éléments du procès, tandis que le juge doit s'abstenir d'influencer en quoi que ce soit la production des matériaux nécessaires au prononcé du jugement -- est inconciliable avec la position et la mission du juge telles qu'on les comprend aujourd'hui.

D'après la loi actuelle, le juge se borne à conduire formellement le procès, il règle la marche de l'instance, dirige l'échange des écritures, fixe les délais et décerne les citations, alors que par exemple les plaideurs peuvent convenir de proroger les délais légaux et qu'une partie a le droit, quel que soit l'état de la cause et moyennant remboursement des frais de la partie adverse, de « déclarer la réforme » et d'anéantir ainsi toute la procédure jusqu'au point qu'elle indique, pour la recommencer à nouveau (art. 147).

En particulier, le juge n'a pas le pouvoir de diriger le procès quant au fond.

L'article 2 de la loi, il est vrai, autorise le juge à prendre d'office les mesures nécessaires pour remédier aux lacunes des exposés ou des écritures incomplets, vagues ou confus, mais cette disposition n'a pas une grande portée pratique puisqu'elle n'est pas coordonnée avec la
marche du procès dans son ensemble. Il paraît indiqué de donner au juge la possibilité d'intervenir à l'effet de corriger et do compléter les allégués des parties, notamment d'attirer l'attention sur les lacunes de leurs conclusions et, le cas échéant, sur l'insuffisance des moyens de preuve. Le souci d'une bonne justice commande donc de tempérer le principe de l'autonomie absolue des parties, en renforçant le pouvoir du juge d'intervenir dans la conduite du procès.

L'application stricte du principe de l'immuabilité du cadre du procès oblige les deux parties à produire en une seule et même fois tous leurs moyens d'attaque et de défense, à peine de déchéance. L'exclusion de tous les moyens qui ne sont pas exactement produits à la place que ce principe leur assigne dans la procédure peut avoir pour conséquence que le jugement

1003 sera rendu sur la base de faits inexacts et que l'un des plaideurs perdra dès lors son droit. Le seul moyen, d'ailleurs onéreux, d'éviter cette conséquence consiste à « déclarer la réforme ». Comme on le voit, l'application stricte du principe de Timmuabilité du cadre de l'action contribue certes à mettre de l'ordre dans le procès, mais elle peut compromettre là recherche de la justice objective. Pour tenir compte du but de la procédure tel qu'on le conçoit aujourd'hui, il convient d'appliquer ce principe avec plus de souplesse. Dans le même ordre d'idées, la loi en vigueur interdit aux parties toute modification ultérieure de la demande au détriment de l'adversaire.

La délimitation définitive de l'état de fait au moment de l'introduction de l'instance empêche même de tenir compte des faits nouveaux survenus en cours de procédure. Aussi la revision de la loi doit-elle tendre à atténuer le principe de l'immuabilité du cadre du procès et à supprimer tant l'interdiction de modifier la demande que l'institution de la « réforme ».

Le système des preuves de la loi actuelle est suranné et contient encore des vestiges de théories de l'ancien droit commun en matière de preuves.

Le principe de la libre appréciation des preuves par le juge n'est admis que pour certains moyens de preuve, tandis que d'autres sont subordonnés à des présomptions légales ou même imposent au juge une vérité formelle parfois en contradiction avec la vérité objective. Une autre règle trop absolue est celle selon laquelle tout fait qui n'a pas été contesté formellement par la partie adverse est considéré comme admis. Il est donc nécessaire d'appliquer plus logiquement le principe de l'appréciation des preuves par le juge et de renoncer à tous les moyens de preuve qui aboutissent à une vérité purement formelle.

La commission d'experts appelée à collaborer aux travaux préparatoires de la nouvelle loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 avait insisté sur l'opportunité de refondre aussi la procédure civile fédérale.

Mais on dut se borner à l'époque à adapter quelques dispositions seulement de cette procédure à la nouvelle organisation judiciaire et à ajourner toutes les autres réformes jusqu'à la revision totale de la loi de procédure civile.

Après l'adoption de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre
1943, le département de justice chargea M. Leuch, juge fédéral, d'élaborer l'avant-projet d'une nouvelle loi de procédure civile. Cet avant-projet a été déposé en avril 1945 avec un exposé des motifs et le Tribunal fédéral fut ensuite invité à présenter ses observations. Rappelons ici que le Tribunal fédéral a édicté le règlement de procédure du 15 janvier 1946 pour les actions en revendication de biens enlevés dans les territoires occupés pendant la guerre (RO 62, 230, conformément à l'art. 10 de l'ACF du 10 décembre 1945, RO 6 l , 1030) en s'inspirant de l'avant-projet de loi sur la procédure civile fédérale. A fin août 1946 le Tribunal fédéral présentait ses observations et une série d'amendements dont la plupart se rapportent à des points secondaires ou sont d'ordre rédactionnel. Pour l'essentiel, le Tribunal fédéral

1004 s'est rallié à l'avant-projet. Dès que fut établi le texte français de l'avantprojet et des amendements proposés par le Tribunal fédéral, on convoqua une petite commission d'experts qui siégea les 22 et 23 janvier 1947. Cette commission a approuvé les grandes lignes du projet et ne l'a modifié que sur quelques points accessoires. Notre projet de loi concorde avec les vues de la commission d'experts.

Alors que la loi de 1850 compte 203 articles, le projet n'en a plus que 87. S'agissant de régler la procédure à suivre devant le Tribunal fédéral en qualité de juridiction civile unique, il n'est pas nécessaire en effet d'entrer dans tous les détails. On peut ici abandonner à l'appréciation du juge bien des éléments qui normalement doivent être réglés dans une loi de procédure applicable par des tribunaux différents. Le projet pose les principes à observer pour conduire le procès et il énonce les prescriptions qui s'adressent aux parties et aux tiers et déterminent leurs actes, leurs droits et leurs obligations dans l'instance. Il constitue ainsi une réglementation cohérente dont les dispositions essentielles ressortent clairement.

Le projet est établi simplement. Les quatre premiers titres contiennent les dispositions générales nécessaires: 1. Champ d'application de la loi et compétence; 2. Principes généraux de procédure; 3. Délais et citations, défaut et restitution; 4. Parties et participation de tiers au procès.

Les titres 5 à 9 règlent ensuite la marche de l'instance selon son cours naturel : 5. Echange des écritures; 6. Procédure préparatoire; 7. Preuve; 8. Débats principaux et 9. Fin du procès sans jugement.

Le projet se termine par les titres: 10. Exécution; 11. Mesures provisionnelles et 12. Dispositions finales et transitoires, Nous allons aborder maintenant dans une première partie les règles fondamentales du projet, puis nous commenterons les différents articles dans une seconde partie.

I. LES RÈGLES FONDAMENTALES DU PROJET 1. La procédure, principalement écrite et l'instruction indirecte de la cause sont maintenues.

Etant données la complexité et l'importance des faits sur lesquels portent généralement les procès civils directs devant le Tribunal fédéral,

1005 il est incontestable que l'exposé écrit du litige par les parties constitue une base de jugement plus sûre que les plaidoiries. C'est pourquoi le Tribunal ,,fédéral a toujours ordonné un échange d'écritures, quand bien même la loi prévoit aussi la possibilité de plaider. Quant au projet (art. 32), il énonce que le juge délégué pourra clore l'échange d'écritures, s'il est à peu près épuisé, déjà après le dépôt de la demande et de la réponse, en faisant dresser procès-verbal, à l'audience, des allégués importants que les parties pourraient encore articuler dans la réplique et la duplique. Le juge délégué pourra de même arrêter l'échange d'écritures après le dépôt de la réplique écrite qu'il a ordonnée. Souvent un seul échange d'écritures suffira et il n'y en aura jamais plus de deux.

La maintien de la procédure indirecte (administration des preuves par le juge délégué) s'impose pour des raisons pratiques. Car si les preuves étaient administrées devant la cour de jugement elle-même, les procès directs prendraient beaucoup trop de temps au Tribunal fédéral, eu égard à ses autres tâches. Mais le projet déroge au système de la procédure indirecte dans toute la mesure souhaitable et pratiquement réalisable. Dans tous les cas où il y a des raisons particulières pour que le tribunal prenne lui-même connaissance directement des faits de la cause, le juge délégué renverra l'administration des preuves aux débats (art. 34, 2e al.); lorsque la juste solution du procès exige que les preuves soient administrées en présence de tous les juges qui auront à statuer, le souci d'accélérer et de simplifier la procédure doit passer à l'arrière-plan. Pour les mêmes motifs, le tribunal pourra faire administrer, une seconde fois les preuves que le juge a déjà recueillies (art. 67, 2e al.).

A l'effet de concentrer et d'accélérer la marche des procès, l'administration des preuves pourra aussi être renvoyée aux débats lorsque ceux-ci n'en seront pas allongés outre mesure (art. 34, 2e al.). D'ailleurs, ce n'est plus seulement sur requête d'un plaideur (comme maintenant), mais aussi d'office que le tribunal pourra compléter les preuves administrées devant le juge délégué. Enfin, un usage en cours au Tribunal fédéral veut que dans les causes importantes le juge délégué se fasse assister d'un collègue pour l'administration
des preuves; le projet précise maintenant qu'un second juge devra participer à l'audition des témoins, à l'inspection oculaire et à l'interrogatoire des parties (art. 5, 3e al.).

2. Si l'on veut que l'échange des écritures reste dans des limites raisonnables et que la cause soit en état d'être jugée à la clôture de la procédure d'instruction, il est nécessaire de concentrer les faits avancés et les preuves requises, c'est-à-dire que tous les moyens d'attaque et de défense doivent être produits en une seule fois. Cela revient à dire qu'il faut s'en tenir au principe de l'immuabilité du cadre du procès tout en atténuant son application (art. 19, 2e al.). Les plaideurs ne pourront compléter subséquemment l'état de fait et les moyens de preuve que s'ils n'étaient pas en mesure de les produire auparavant (en cas notamment de circonstances survenues

1006 après coup) ou si le retard est excusable pour d'autres raisons (parce que par exemple un fait ou un moyen de preuve n'a pas pu être établi plus tôt malgré les recherches effectuées). Même si ces conditions ne sont pas remplies, le juge pourra en outre prendre d'office en considération de nouveaux moyens s'ils lui paraissent propres à établir le véritable état de fait; dans ce dernier cas, la partie intéressée supportera les frais occasionnés par le retard. Cette possibilité de tenir compte d'office de nouveaux moyens s'appliquera notamment dans le cas où le juge prendr.a lui-même l'initiative en vertu de son droit d'intervention dans la direction matérielle du procès et engagera par conséquent les parties à suppléer aux lacunes de leurs écritures (art. 3). A ce sujet, l'auteur de l'avant-projet s'est exprimé comme il suit dans son exposé des motifs: « II n'y a aucune raison de craindre que la possibilité de retenir d'office de nouveaux moyens donne libre cours aux manoeuvres dilatoires des plaideurs, déjà à cause des frais qui leur incomberont lorsque par exemple les nouveaux moyens allégués entraîneront une duplique du défendeur ou le renvoi de l'audience. Mais surtout les parties ne peuvent jamais savoir quels sont les moyens que le juge estimera dignes d'être retenus d'office. Et s'il constate que c'est par négligence grave ou même dans un dessein dilatoire qu'une partie n'a pas agi en temps utile, il refusera de prendre en considération des moyens même importants.

Car son intervention d'office dépend de son pouvoir d'appréciation, mais l'exercice consciencieux de ce pouvoir ne saurait naturellement l'obliger à pousser la préoccupation d'une juste sentence jusqu'à négliger même les exigences essentielles d'une procédure régulière. »

Cette réglementation permettra de traiter sans rigueur excessive le plaideur auquel un fait important a d'abord échappé, mais qui n'a cependant pas commis de négligence grave. Le projet établit ainsi un système intermédiaire destiné à parer d'une part au danger de voir les procès traîner en longueur et d'autre part au risque d'aboutir à des jugements reposant sur des bases insuffisantes.

Quant aux moyens d'attaque et de défense qui n'impliquent pas l'allégation de faits nouveaux, les parties pourront les compléter jusqu'à la clôture des débats, sans aucune sanction. Mentionnons par exemple les exceptions de prescription, de rétention ou de compensation, lorsque les faits qui les motivent ont déjà été allégués.

Une autre atténuation du principe de l'immuabilité du cadre du procès consiste dans la possibilité de modifier la demande. Voici ce qu'en dit l'exposé des motifs de l'avant-projet: « Les plaideurs non prévenus n'arrivent pas à comprendre l'interdiction de modifier la demande. Le créancier par exemple ne voit pas pourquoi on lui défend d'englober dans sa demande le paiement de l'amortissement ou de l'intérêt annuel arrivé à échéance en cours d'instance et on l'oblige par conséquent à intenter un second procès au débiteur récalcitrant. Pourquoi ne peut-il pas, dès que son obligation devient exigible, substituer à l'action en constatation de droit une action en exécution de l'obligation ? Lorsque l'instruction du procès démontre que la prestation qu'il réclame est devenue impossible, pourquoi ne peut-il pas au moins demander des dommages-intérêts ? Pourquoi ne peut-il

1007 pas passer de l'action en réduction de prix à l'action rédhibitoire lorsqu'à dire d'experts la moins-value de la marchandise est beaucoup plus considérable que ce qu'il croyait, et pourquoi doit-il dans ce cas renoncer à l'action en réduction de prix (en supportant les frais du procès) pour pouvoir intenter l'action rédhibitoire ? Pourquoi ne peut-il pas, dans les mêmes circonstances, augmenter les conclusions primitives de son action en dommages-intérêts ? Le plaideur qui, par erreur, a pris des conclusions insuffisantes considère comme une chicanerie le fait que cette erreur doit continuer à avoir effet quand bien même il s'en est rendu compte encore pendant l'instance; il comprend naturellement que les lacunes de sa demande en justice profitent à la partie adverse, mais que la loi sanctionne irrévocablement cet avantage excessif, seuls peuvent s'y résigner ceux que le principe de l'immuabilité du cadre du procès ou de fausses conceptions sur la nature de la litiscontestation ont réussi à convaincre de la valeur de l'interdiction de modifier la demande.» L'interdiction de modifier la demande était déjà connue en droit romain, où elle était une conséquence de la litiscontestation par laquelle le magistrat formulait l'objet de la cause à l'intention du juge-juré. Cette formule qui d'ailleurs n'était pas établie au moment de l'introduction de l'instance, impliquait l'acceptation des deux parties et l'invariabilité de la demande.

« Sans cette particularité du droit romain, il n'y a aucune raison de maintenir invariable l'objet du litige, de le figer pour ainsi dire, sans même tenir aucun compte des faits nouveaux qui pourraient se produire en cours d'instance. A considérer les choses comme elles sont, il importe au contraire d'adapter la procédure à l'état de fait véritable, ce que permet l'abandon du principe de l'immuabilité du cadre du procès. L'introduction de la demande ne peut donc pas avoir pour effet de fixer l'état de fait au moment de la litiscontestation, ni par conséquent de lier le jugement du rapport de droit contesté à la situation à ce moment et non à celle qui existe au moment du jugement. » C'est pourquoi il faut autoriserjjle demandeur à modifier ses conclusions : « Mais cette règle une fois admise, elle ne doit pas dépendre de «avoir si les faits qui justifient une modification
de la demande sont postérieurs ou antérieurs à l'introduction de l'instance et si d'ailleurs il s'agit ou non de faits nouveaux.

La demande doit aussi pouvoir être modifiée dans les limites de l'état de fait primitif lorsque le demandeur constate que ses conclusions sont insuffisantes pour atteindre le but assigné à son action en justice. » La possibilité de modifier la demande -- règle que la procédure civile des pays voisins connaît aussi -- est non seulement « une institution permettant d'épargner un procès, mais aussi un moyen indispensable à l'affirmation du droit objectif. » Si le demandeur modifie ses conclusions dans les limites de l'état de fait primitif, cela signifie simplement qu'il prend d'autres ou de plus amples conclusions, le fondement de l'action restant le même, et il peut le faire en toute circonstance. Mais si la modification de la demande intervient en raison de nouveaux faits, elle est subordonnée à l'autorisation du juge, conformément àl'article 19, 2e alinéa. L'article 26 exige qu'il y ait connexité entre les nouvelles conclusions du demandeur et celles qu'il a prises primitivement, car l'expérience démontre que ce n'est pratiquement qu'à cette

1008 condition que la possibilité de modifier la demande s'impose, surtout en ce qui concerne les procès directs devant le Tribunal fédéral.

L'atténuation du principe de l'immuabilité du cadre du procès et la possibilité de modifier la demande entraînent aussi la suppression de la « réforme ».

Dans le même ordre d'idées, on doit encore examiner s'il y a lieu de prévoir des exceptions dilatoires libérant de plein droit le défendeur de l'obligation d'entrer en matière sur le fond de la cause. Abstraction faite de la requête de sûretés en garantie des dépens (art. 28, 2e al.), le projet -- comme d'ailleurs la loi de 1850 -- ne prévoit aucune exception de procédure libérant de plein droit le défendeur de l'obligation de se prononcer sur le fond du litige (comme c'était le cas des exceptions dilatoires de la procédure de droit commun). Dans l'intérêt d'une procédure simple et rapide, il suffit de conférer au juge délégué, dans les limites fixées par l'article 30, le pouvoir d'ordonner qu'en cas de doutes sérieux quant à la recevabilité de la demande, la réponse ne portera que sur la question de la recevabilité.

La même tendance se retrouve en outre à l'article 34, 3e alinéa, aux termes duquel le juge délégué peut limiter la procédure préparatoire à l'examen de la question de la recevabilité ou de certaines questions de fond dont la solution est susceptible de mettre fin au litige.

3. Le projet affaiblit très sensiblement le principe de l'autonomie absolue des parties pour renforcer, en revanche, le rôle actif du juge dans la direction du procès, tel qu'il est prévu d'ailleurs dans les nouveaux codes de procédure cantonaux et étrangers. Le soin de réunir les éléments du procès reste surtout l'affaire des parties elles-mêmes, car leur intérêt divergent à une issue favorable de la cause constitue la meilleure émulation à cet égard. Mais le juge peut et doit intervenir quand les allégués des parties sont insuffisants ou incomplets. En ce qui concerne les questions que le tribunal apprécie d'office -- comme celles par exemple de la recevabilité de la demande et des autres actes de procédure -- le juge doit élucider entièrement les faits de la cause, sans se préoccuper de la manière de voir des plaideurs (art. 3, 1er al.) ; car à cet égard un intérêt de l'Etat est en jeu. Mais le projet confère aussi au
juge certains pouvoirs dans des questions autres que celles qu'il doit examiner d'office. Comme dans la loi actuelle, le juge reste lié, il est vrai, par les conclusions des parties, puisque l'objet du procès leur appartient exclusivement. Les conclusions des plaideurs fixent le cadre de l'instance et le jugement ne peut pas en sortir. De même, le projet s'en tient au principe selon lequel le jugement ne peut être fondé .que sur les faits allégués par les parties. Mais le juge signalera aux plaideurs les lacunes de leurs conclusions et les invitera aussi à énoncer les faits complètement. La partie ainsi interpellée sera alors libre de modifier ses conclusions et de compléter ses allégués. De plus, le juge pourra non seulement inviter les plaideurs à

1009 articuler complètement leurs moyens de preuve, mais encore ordonner des preuves qu'ils n'ont pas offertes (art. 37).

Le juge n'interviendra pas, bien entendu, pour épargner à une partie les conséquences d'une négligence manifeste. Son rôle est de soutenir les efforts des plaideurs. Un moyen important d'investigation d'office réside dans la possibilité d'interroger les parties à l'effet de compléter les matériaux du procès. Cette faculté de demander des explications à des fins d'instruction de la cause (art. 3, 2e al.) ne doit pas être confondue avec l'interrogatoire des parties (art. 62), qui est un moyen de preuve. Au sujet de l'intervention du juge en vertu de l'article 3, 2e alinéa, nous tenons à citer le passage ci-après de l'exposé des motifs de l'avant-projet: « Si les parties font d'elles-mêmes tous les actes nécessaires à la marche de l'instance, tant mieux. Elles n'ont aucun droit à l'intervention du juge, qui se fondera à cet égard sur son pouvoir d'appréciation et s'inspirera du souci de trouver le droit objectif. Mais le juge subordonnera son intervention à la condition que le plaideur lui-mêma fasse preuve de toute la diligence requise pendant l'instance. Il est seulement qualifié pour soutenir les efforts des parties, mais il n'a pas à se charger de leurs obligations. Autant le juge sera dans son rôle en secondant les parties dans tous les actes qu'elles font loyalement pour obtenir un jugement conformo à leur droit, autant il en sortirait en prenant les mesures nécessaires en lieu et place des plaideurs négligents dans la défense de leurs intérêts. Ici se manifeste aussi la nature de la prétention de droit privé: Si le plaideur intéressé au litige néglige sciemment de défendre ses droits, il ne saurait raisonnablement exiger qu'un tiers non intéressé à la cause agisse à sa place.

C'est pouquoi le juge s'abstiendra d'intervenir lorsque les conclusions ou les moyens de preuve d'une partie souffrent de lacunes dues à la négligence; il lui laissera froidement supporter dans ce cas les conséquences de sa négligence. »

L'atténuation du principe de l'autonomie absolue des parties dans la marche de la procédure se manifeste aussi quant aux conséquences du défaut.

L'inactivité d'un plaideur n'aura plus nécessairement pour effet le triomphe de son adversaire, mais elle n'entraînera que les conséquences indispensables pour permettre la continuation et la conclusion du procès contre la volonté du plaideur défaillant. L'instance suivra son cours sans l'acte omis, l'audience se déroulera unilatéralement avec la partie qui comparaît. Lorsque par suite du défaut de comparution de l'un des plaideurs, des faits avancés par l'autre n'ont pas été contestés, le juge devra en ordonner la preuve s'il a des raisons de douter de leur réalité (art. 12).

4. C'est aussi dans le système des moyens de preuve que se manifeste la tendance du projet de permettre l'affirmation du droit objectif. Le juge aura dans ce domaine des pouvoirs étendus et pourra par conséquent exercer une influence décisive sur la procédure d'administration des preuves, comme le démontrent les dispositions relatives à la délimitation des faits à prouver et à la détermination des moyens de preuve. Ce pouvoir du juge de déterminer les moyens de preuve est une conséquence de l'atténuation du principe de l'autonomie absolue des parties (cf. le ch. 3 ci-dessus).

Quant à la délimitation des faits à prouver, elle procède du principe selon

1010 lequel seuls les faits pertinents et contestés doivent être prouvés. Seul l'aveu exprès rend toujours la preuve superflue. En l'absence d'un tel aveu, le juge appréciera d'après l'ensemble des allégués d'une partie et son attitude au cours du procès si un fait doit être tenu pour contesté. De même, il appréciera au regard des circonstances si la révocation de l'aveu ou les additions ou restrictions qui y sont apportées lui font perdre sa valeur.

Enfin, le juge appréciera aussi jusqu'à quel point un aveu extra-judiciaire rend la preuve superflue.

A l'effet de faciliter la recherche de la vérité objective, la règle de la libre appréciation des preuves par le juge est élevée au rang d'un principe qui domine toute la procédure. -En particulier, le projet ne prévoit plus de moyen de preuve créant une vérité formelle, obligatoire pour le juge, et il rejette tout vestige de la théorie des preuves légales (par exemple en matière de preuve par titres). Tous les moyens de preuve sont régis par les mêmes principes. C'est ainsi qu'il n'y a plus de témoins incapables ou récusables; il incombera au contraire au juge d'apprécier les témoignages en tenant compte de la personnalité des témoins et de leurs relations avec les plaideurs. Le serment déféré, supplétoire ou purgatoire de la procédure civile actuelle est remplacé dans le projet par l'interrogatoire des parties.

L'expérience démontre en effet que si le juge use habilement de son droit de poser les questions, l'interrogatoire des parties est un moyen d'investigation excellent. Un certain nombre de codes cantonaux de procédure civile connaissent cette institution, qui a été en honneur de tout temps dans les pays anglo-saxons et qui est aussi appliquée en Autriche et depuis peu en Italie. L'interrogatoire des parties comme moyen de preuve (art. 62) consiste à recueillir les déclarations des plaideurs; il n'entraîne aucune sanction pénale. Mais il peut être nécessaire dans certains cas d'exhorter une dernière fois une partie à dire la vérité et le juge l'interrogera à nouveau en la rendant alors attentive aux suites pénales (art. 306 CP) ; c'est ce qu'on appelle 1'« affirmation supplétoire » (art. 64). Alors que dans l'interrogatoire des parties proprement dit le juge entendra les deux plaideurs s'il s'agit d'un fait dont tous les deux ont connaissance,
l'affirmation supplétoire (art. 64) sera demandée à une seule partie, c'est-à-dire naturellement à celle dont les déclarations faites sous peine de sanction pénale auront pour le tribunal la plus grande force probante eu égard au résultat de l'interrogatoire.

Contrairement à la loi actuelle, le projet ne mentionne plus l'aveu et les indices parmi les moyens de preuve. L'aveu, on vient de le voir, a maintenant sa place logique dans la disposition concernant la détermination des faits à prouver. Quant aux indices, le projet n'en parle plus du tout, car ils constituent non pas des moyens de preuve, mais bien des faits qui, s'ils permettent de tirer certaines conclusions utiles pour l'administration des preuves, n'en doivent pas moins être établis eux-mêmes par les moyens de preuve ordinaires.

1011 II. LES DIFFÉRENTS ARTICLES DU PROJET 1. Champ d'application et compétence (art. 1er et 2).

Art. Jer : Le projet règle la procédure applicable dans les causes civiles qui ressortissent au Tribunal fédéral comme juridiction unique, c'est-à-dire dans les contestations visées aux articles 41 et 42 de la loi d'organisation judiciaire (OJ). Les dispositions communes à toutes les procédures devant le Tribunal fédéral figurent déjà dans cette loi, de sorte que nous avons pu nous borner à y renvoyer dans le projet. L'article 1er, 2e alinéa, contient en effet une référence générale aux titres premier (dispositions générales), neuvième (revision et interprétation des arrêts du Tribunal fédéral) et dixième (indemnités et frais de procès) de la loi d'organisation judiciaire.

Certains articles du projet renvoient en outre spécialement à des dispositions déterminées de ces titres, lorsqu'un tel rappel paraît particulièrement indiqué.

En ce qui concerne le renvoi au titre neuvième de la loi d'organisation judiciaire, nous signalons que l'article 139 de cette loi déclare les dispositions de la procédure civile fédérale applicables à la revision des arrêts du Tribunal fédéral statuant en instance unique. Or, il n'est pas nécessaire de soustraire ces arrêts au régime applicable aux autres arrêts du Tribunal fédéral (exception faite de ceux des autorités fédérales de répression).

En particulier, l'article 137 de la loi d'organisation judiciaire est suffisant, eu égard au moyen de preuve que constitue l'interrogatoire des parties.

La fausse affirmation supplétoire d'une partie (art. 64 du projet) tombe sous le coup de la lettre a de l'article 137. En revanche, la fausse déclaration au cours de l'interrogatoire des parties (art. 62) ne tombe pas sous l'empire de cette disposition puisqu'elle n'est pas punissable pénalement. Mais si un plaideur avoue après le procès avoir fait de fausses déclarations lors de l'interrogatoire des parties, cet aveu pourra constituer un cas d'application de l'article 137, lettre b, de la loi d'organisation judiciaire. Comme le besoin d'une disposition spéciale n'est pas établi et qu'il y a au contraire avantage à prévoir les mêmes règles pour la revision de tous les arrêts du Tribunal fédéral (à l'exception de ceux qui statuent sur l'action pénale), nous avons prévu à l'article
86 du projet l'abolition du régime spécial institué à l'article 139 de la loi d'organisation judiciaire pour les procès directs devant le Tribunal fédéral en matière civile, et c'est pourquoi l'article 1er, 2e alinéa, du projet renvoie aussi au titre neuvième de la loi d'organisation judiciaire.

Les dispositions du projet seront applicables subsidiairement aux autres branches de l'administration de la justice par le Tribunal fédéral, telles qu'elles sont réglées dans la loi d'organisation judiciaire. A défaut de règles spéciales de procédure dans cette loi, ce sont celles du projet qui auront effet à titre subsidiaire (art. 40 OJ).

1012 Art. 2 : La loi actuelle ne contient aucune disposition sur la compétence.

D'après l'exposé des motifs de l'avant-projet, la compétence d'attribution ou compétence matérielle est réglée dans la loi d'organisation judiciaire et la compétence territoriale est considérée comme évidente en ce sens que le Tribunal fédéral doit se saisir de toute demande qui, « s'il n'était pas compétent ratione materiae, pourrait être introduite devant une juridiction cantonale au for institué soit par le droit fédéral, soit par celui du canton intéressé ». L'exposé des motifs explique comme il suit le 2e alinéa de l'article 2: « Le Tribunal fédéral se substitue simplement, en vertu de sa compétence matérielle, à la juridiction cantonale compétente à titre primaire. Mais il importe de le préciser dans la loi. Dans les cas où la compétence du Tribunal fédéral est fondée sur l'article 41 de la loi d'organisation judiciaire, il existe toujours en même temps un for en Suisse, mais il n'en est pas nécessairement ainsi en matière de contestations visées à l'article 42 de la loi d'organisation judiciaire (par ex. l'action personnelle d'un canton contre un particulier domicilié à l'étranger). Ces exceptions n'ont peut-être pas d'importance pratique, mais elles justifient néanmoins l'adoption d'une disposition sur la compétence territoriale. »

Le 3e alinéa de l'article 2 se rapporte à la prorogation de juridiction (art. Ili Cst.). A ce sujet, l'article 41, lettre c, dernière phrase, de la loi d'organisation judiciaire prévoit que le Tribunal fédéral connaît en instance unique de contestations de droit civil « lorsque les deux parties saisissent le tribunal à la place des juridictions cantonales et que la valeur litigieuse est d'au moins 10 000 francs ». Les mots « à la place des juridictions cantonales » ont été insérés dans la loi d'organisation judiciaire de 1943 pour bien préciser qu'en matière de prorogation « le Tribunal fédéral ne peut se saisir d'une contestation de droit civil que si le for de l'action est de toute façon en Suisse » (FF 1943, 122). Par les mots susrappelés, la loi d'organisation judiciaire a établi précisément pour les cas de prorogation de juridiction la règle de compétence territoriale que l'article 2, 2e alinéa, du projet entend instituer pour tous les procès civils directs devant le Tribunal fédéral. Selon l'exposé des motifs de l'avant-projet, il serait nécessaire de restreindre davantage la prorogation de for pour les raisons suivantes: « Certaines lois cantonales de procédure civile confèrent aux plaideurs un droit très étendu de prorogation de for, avec oue sans pouvoir du juge de décliner d'office sa compétence (cf. par ex. l'art. 27, 2 al., de la loi de procédure civile bernoise; l'art. 16 de la loi de procédure civile zurichoise; l'art. 11 de la loi de procédure civile bâloise). Mais le Tribunal fédéral ne devrait pas pouvoir être obligé de se saisir directement d'un procès dont l'objet et les parties n'ont aucun rapport avec la Suisse lorsque la loi du canton dans lequel la prorogation de for a eu lieu ne connaît pas le déclinatoire. »

Telle est la raison d'être de la première phrase du 3e alinéa. Or, cette disposition pourrait permettre au Tribunal fédéral de décliner sa compétence même dans le cas où il serait saisi en vertu d'une convention de prorogation de juridiction conclue entre deux ressortissants suisses domiciliés à l'étranger. Mais on ne saurait admettre que le procès n'ait pas de rapport

1013 suffisant avec le pays et que le Tribunal fédéral puisse décliner sa compétence quand le demandeur a son domicile en Suisse ou est de nationalité suisse. Le 3e alinéa, seconde phrase, précise que le Tribunal fédéral devra se saisir de la cause lorsque ces conditions seront remplies.

2. Principes généraux de procédure fart, 3 à S).

Art. 3 : Le juge examine d'office la recevabilité de l'action et de tous les actes de procédure. Il tiendra compte d'office, et non seulement sur exception, de tous les vices de forme qui affectent le procès dans son ensemble ou certains actes de procédure déterminés. La question des sûretés à fournir en garantie des dépens du défendeur est réglée par une disposition spéciale (art. 28,2e al.). Dans ce cas, une requête du défendeur est nécessaire.

Le défendeur aura le droit de soulever des exceptions pour vices de forme (art. 29, lettre a), mais elles n'auront pour effet que d'attirer l'attention du juge sur des éléments que celui-ci a le devoir d'examiner d'office.

Elles seront d'autant plus utiles que ce devoir du juge ne va naturellement pas jusqu'à l'obliger à rechercher d'emblée si toutes les exigences de la procédure sont remplies; il suffit au contraire qu'il fasse les constatations nécessaires dès qu'il discerne une irrégularité de procédure.

Signalons à titre général que dans tous les cas où le juge a l'obligation d'agir d'office, il sera néanmoins loisible aux parties de lui faire part de leurs observations et suggestions.

En ce qui concerne le 2e alinéa de l'article 3, nous avons déjà exposé l'essentiel dans nos considérations relatives au principe de l'autonomie absolue des parties et au rôle du juge dans la direction du procès (ch. I, 3 ci-dessus).

Art. 5 : Le juge délégué à l'instruction prépare le procès en vue des débats. Il dirige l'échange des écritures et exécute la procédure préparatoire (art. 34). Lorsque le litige prend fin avant les débats par transaction judiciaire ou désistement, le juge délégué statuera sur les frais du procès (2e al.).

Nous avons déjà parlé du 3e alinéa dans nos explications concernant la règle de l'instruction indirecte (ch. I, 1 ci-dessus), Art. 6 : Selon le 1er alinéa, le procès peut être suspendu pour des raisons d'opportunité, notamment lorsque son issue pourrait être influencée par le jugement d'un autre
litige. Dans le cas par exemple où le jugement de l'autre litige a une portée préjudicielle pour le procès, la suspension s'imposera pour éviter autant que possible des jugements contradictoires.

Mais on peut aussi concevoir que dans l'hypothèse où deux procès portent sur le même rapport juridique la solution du premier entraîne une transaction amiable dans le second, en sorte que la suspension se justifie dans ce cas également pour des raisons d'économie. Le procès sera enfin suspendu de plein droit au décès d'un plaideur (al. 2 à 4) et dans les cas prévus spécialement (cf. par ex. l'art. 207 LP).

1014

3. Délais et citations, défaut et restitution (art. 9 à 13).

Art. 9 : Nous avons renoncé à édioter une disposition prévoyant que les parties présentes à une audience reçoivent oralement avis des citations ; celles-ci seront toujours faites par écrit.

Le projet ne fixe pas de délais de citation minimums ; on peut sans doute laisser aux juges fédéraux le soin de fixer les délais selon leur appréciation.

Le 2e alinéa de l'article 10 concorde quant au fond avec l'article 29, e 4 alinéa, de la loi d'organisation judiciaire. S'il figure néanmoins dans le projet, c'est parce que le 1er alinéa de l'article 10 est indispensable et que le 2e alinéa en est la conséquence.

Art. 11 : On doit exiger que le demandeur qui ignore l'adresse du défendeur accomplisse certaines demarch.es avant de pouvoir faire notifier sa demande par publication ( 1er al., 2e phrase). Il devra entreprendre au préalable toutes les démarches utiles selon les circonstances pour découvrir cette adresse. Il peut aussi arriver que l'adresse soit connue, mais que la notification qui devrait avoir lieu à cette adresse à l'étranger y soit inexécutable selon toute probabilité (ATF 68 III 14). Lorsque dans un cas pareil il est certain que la notification nécessaire à l'étranger serait impossible, elle se fera aussi par publication en vertu du 2e alinéa de l'article 11, car elle constitue alors un moyen indispensable d'accélérer la marche du procès.

Art. 12 : Les conséquences de l'omission et du défaut doivent être limitées à celles qui sont inévitables. L'instance suivra son cours sans l'acte de procédure omis, l'audience se déroulera unilatéralement avec la partie qui comparaît. Un plaideur est absent à l'audience lorsque ni lui ni son mandataire n'y paraissent. Quand une partie convoquée personnellement ne comparaîtra que par son mandataire, elle s'exposera aux effets visés à l'article 40. Lorsque les deux plaideurs feront défaut à une audience, le juge pourra classer la cause si leur absence ne lui paraît pas excusable.

Le juge pourra considérer comme établis les faits qui n'ont pas été contestés par suite du défaut d'une partie, mais s'il a des raisons d'en douter il devra néanmoins ordonner la preuve (3e al.). L'absence de la partie adverse n'empêchera pas d'administrer la preuve puisque cette opération entre dans l'activité d'ofiice
du juge. Lorsque le défendeur ne répond pas à la demande, on pourra, en règle générale, envoyer immédiatement les citations pour les débats principaux, sauf dans les cas où le juge éprouvera le besoin d'ordonner la preuve des allégués du demandeur et où il fixera par conséquent des débats préparatoires. Il en est de même lorsque les allégués de la réponse ou de la réplique ne sont pas contestés du fait que le demandeur ou le défendeur n'a pas présenté la réplique ou la duplique ordonnée par le juge, ainsi que dans le cas où les nouveaux faits avancés au cours des débats préparatoires ou des débats devant le

1015 tribunal (art. 19, 2e al.) n'ont pas été contestés par suite de la défaillance de la partie adverse. En revanche, le défaut aux débats préparatoires ou aux débats principaux n'empêchera pas le juge de retenir les conclusions et moyens présentés jusqu'alors par la partie défaillante, ni d'administrer et d'apprécier les preuves qui s'y rapportent, ni d'appliquer d'office la loi aux faits établis comme dans tous les autres cas.

Etant donné cette réglementation des conséquences du défaut, on peut renoncer à la fiction de la représentation du consort défaillant par celui qui comparaît. En effet, lorsque plusieurs demandeurs ou défendeurs ont le même intérêt (par ex. quand l'objet en litige est commun entre eux ou en cas de solidarité), leur défaut n'aura aucun inconvénient pourvu que l'un d'eux au moins agisse, et il n'y aura pas lieu non plus d'accorder la restitution au consort défaillant, demandeur ou défendeur (art. 13, 2e al.).

L'article 13 relatif à la restitution concorde avec l'article 35 de la loi d'organisation judiciaire, sauf qu'il s'appliquera aussi au défaut de comparution à une audience et non seulement à l'inobservation d'un délai. Lorsque l'acte omis ne saurait avoir d'influence sur le jugement -- eu égard par exemple à l'activité d'office du juge -- ce serait un non-sens que d'accorder la restitution (2e al.). Comme il s'agit d'une affaire entre le plaideur défaillant et le tribunal, la partie adverse n'a pas à être entendue.

4. Parties et participation de, tiers au procès (art. 14 à 18).

Art. 14 : La qualité de partie et la capacité d'ester en justice sont les conséquences de la jouissance et de l'exercice des droits civils en procédure.

Elles dépendent du code civil pour les sujets de droit privé et du droit public et administratif pour les sujets de droit public. L'article 14 a été inséré dans le projet parce qu'il n'est pas évident à priori que le droit matériel soit déterminant en ce qui concerne la capacité d'ester en justice des personnes qui n'ont que partiellement l'exercice des droits civils (mineurs et interdits capables de discernement).

Art. 15 : Le projet ne prévoit pas l'intervention principale. Le fait qui la justifie relève plus de la théorie que de la pratique. Et s'il se produit, le tiers intéressé ne perdra rien s'il ne peut pas intervenir, ses droits
contre la partie qui obtiendra gain de cause étant sauvegardés et pouvant même au besoin être assurés au moyen de mesures provisionnelles. S'il préfère, le tiers intéressé pourra aussi introduire action immédiatement contre l'une ou l'autre partie ou contre les deux et le juge aura alors la faculté de suspendre le procès entre elles. L'intervention principale, qui est l'objet de théories contradictoires, nécessiterait l'adoption de dispositions détaillées qui compliqueraient la loi sans raison suffisante puisqu'elles ne seraient appliquées que très rarement. Par exemple, les avis sont très partagés précisément en ce qui concerne les avantages qu'on devrait surtout

1016 pouvoir attendre de l'intervention principale, soit l'uniformité de la sentence envers tous les ayants droit et l'impossibilité de jugements contradictoires.

Le projet ne connaît qu'une seule intervention, soit l'intervention dite accessoire, et on peut ainsi l'appeler « intervention » tout court. Pendant l'échange des écritures et la procédure préparatoire, c'est le juge délégué qui décidera de la recevabilité de l'intervention. Sa décision pourra être déférée au tribunal, sinon en cas de refus de l'intervention une erreur du juge délégué ne pourrait plus être réparée. Et lorsque l'intervention sera admise, la partie adverse aura intérêt à ce que l'aggravation résultant pour elle de l'appui apporté à son adversaire par un tiers ne lui soit imposée qu'à condition que toutes les garanties légales soient réunies.

L'intervenant n'acquiert pas la qualité de partie ; il se joint simplement à la partie dont il soutient la cause. Sa situation variera suivant l'effet que le jugement rendu entre les plaideurs aura pour lui. Ce jugement n'aura pas, il est vrai, force de chose jugée pour ou contre l'intervenant puisque celui-ci n'est jamais une partie au procès; mais le jugement pourra servir de preuve dans les rapports juridiques entre l'intervenant et le plaideur dont il soutient la cause (par exemple lorsque l'intervenant pourra être recherché par une action récursoire ou en garantie). De plus, le jugement pourra régler directement les rapports juridiques entre l'intervenant et la partie adverse, en ce sens que la situation créée par le jugement sera déterminante pour eux aussi, comme dans le cas où la créance litigieuse est constituée en gage; dans ce cas, si le jugement constate l'inexistence de la créance, le droit de gage de l'intervenant disparaît en même temps que la créance de la partie dont il soutenait la cause. L'intervenant devra alors pouvoir se défendre indépendamment de la partie qu'il soutient (3eal.). Il ne pourra pas naturellement prendre des mesures par lesquelles il disposerait du droit litigieux (par ex. modifier la demande, se désister ou au contraire continuer l'instance après le désistement de la partie qu'il assiste), mais il pourra faire, même contre la volonté de la partie qu'il soutient, tous les actes de procédure par lesquels il ne disposera pas du droit litigieux. En
revanche, lorsque l'intervenant ne pourra pas agir de façon indépendante, il sera lié par la volonté de la partie qu'il assiste (2e al.).

Art, 16 : Les effets de la dénonciation du litige sur les rapports entre le dénonçant et le tiers dénoncé relèvent du droit matériel non seulement dans les cas où la loi la prévoit expressément (par ex. art, 193 et 258 CO), mais encore dans tous les autres cas d'actions en garantie ou en dommagesintérêts, car elle est une conséquence du respect de la bonne foi dans les rapports contractuels. Il suffit de déterminer, dans une loi de procédure, les répercussions de la dénonciation du litige sur la marche du procès et la forme de la dénonciation. Le droit matériel se contente en effet d'un avis quelconque, mais la dénonciation du litige par le juge a de l'importance

1017 en particulier pour prouver la date à laquelle elle a eu b'eu. D'après notre projet, la réaction du tiers dénoncé se manifestera exclusivement sous la forme de l'intervention. Cela suffit aussi dans le cas où le vendeur est tenu de prendre fait et cause pour l'acheteur selon l'article 193, 1er alinéa, du code des obligations et dans celui où le bailleur doit se charger pour son compte du procès entre le preneur et un tiers conformément à l'article 258 du code des obligations; en s'abstenant d'agir, la partie qui a dénoncé le litige peut en fait abandonner entièrement la conduite du procès à l'intervenant. Le projet règle un cas particulier à l'article 24, lettre a, disposition selon laquelle le juge pourra appeler en cause un tiers qui, eu égard à l'objet du litige, se trouvera dans une communauté de droits et d'obligations avec l'un des plaideurs.

Art. 18 : La question des mandataires et de leur procuration est déjà partiellement réglée à l'article 29 de la loi d'organisation judiciaire qui, conformément à l'article 1er, 2e alinéa, sera aussi applicable aux procès directs. Il nous a paru opportun de mentionner expressément le 5e alinéa de l'article 29 de la loi d'organisation judiciaire à l'article 18, 1er alinéa, à la suite de la disposition qui prévoit qu'en principe un plaideur peut conduire lui-même son procès.

En règle générale, l'avocat et son client sont liés entre eux par un mandat. Ce contrat confère des pouvoirs envers les tiers (art. 396 CO).

Les pouvoirs du mandataire envers le tribunal sont réglés par la loi de procédure, mais il n'y a aucune raison de déroger aux dispositions du code des obligations sur l'étendue et l'extinction de la procuration. La procédure étant écrite, il est indispensable que la procuration le soit aussi pour des raisons de preuve; cela va de soi et ressort d'ailleurs de l'article 20, 2e alinéa.

Le 3e alinéa prévoit l'annulation d'office des actes de procédure faits par un mandataire sans pouvoirs et que le représenté n'a pas ratifiés; cette règle est une nécessité pratique et répond d'ailleurs à la jurisprudence (ATF 46, II 411). L'annulation pourra même porter sur un jugement qui serait sans cela inattaquable en l'absence de tout motif légal de nullité (art. 136 OJ).

5. Echange, des écritures (art. 19 à 33).

Art, 19 : A rencontre des lois de
procédure d'après lesquelles les mémoires servent uniquement à préparer les débats, l'objet effectif du procès étant fixé aux débats, le projet n'autorise les plaideurs à avancer de nouveaux faits qu'après le premier échange de mémoires, mais aux conditions visées à l'article 19, 2e alinéa (cf. à ce sujet nos observations sur le principe de rimmuabilité du cadre du procès sous ch. I, 2 ci-devant). Le demandeur doit alléguer déjà dans la demande tout ce qui est nécessaire pour étoffer son action; il doit par conséquent y exposer tous les faits sur lesquels il fonde sa prétention.»vec tous ses moyens de preuve. De son côté, le défendeur Feuille fédérale. 99e année. Vol. I.

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Î018 doit de même produire déjà dans la réponse, avec preuves à l'appui, les faits nécessaires pour motiver ses exceptions contre la demande. La réplique du demandeur constitue la réponse aux exceptions du défendeur, elle n'a pas pour but de renforcer après coup la demande par des allégués qui auraient déjà dû y figurer. De même, la duplique du défendeur sert à répondre aux moyens que le demandeur a allégués dans la réplique et non pas à combler les lacunes de la réponse.

En ce qui concerne les conditions auxquelles les plaideurs sont autorisés à compléter subséquemment les faits et moyens de preuve allégués, nous renvoyons aux explications relatives au principe de l'immuabilité du cadre du procès (ch. I, 2 ci-dessus). Il est évident, et il n'y a donc pas lieu de préciser dans la loi, que la partie adverse doit pouvoir se prononcer sur les nouveaux moyens avancés.

Le juge délégué pourra ordonner que la réponse ne portera que sur la question de la recevabilité de la demande; ce cas est prévu à l'article 30.

Art. 20 : Cette disposition a pour but d'étendre la portée de l'article 30 de la loi d'organisation judiciaire.

Art. 21 : L'interruption de la prescription n'est pas mentionnée parmi les effets de la litispendance parce qu'elle relève exclusivement du droit civil. Nous n'avons pas non plus prévu l'inaliénabilité de la chose en litige, qui n'est plus connue en droit civil. Sans doute les lois de procédure pourraient-elles prohiber l'aliénation de la chose en litige pour des motifs de procédure exclusivement. Mais cela irait trop loin, car on ne sait pas, avant le prononcé du jugement, de quel côté se trouve le droit. D'après le projet, le demandeur ne sera protégé contre l'alinéation ou la modification de la chose en litige que par le moyen des mesures provisionnelles ordinaires; il devra rendre plausibles son droit à la chose et la menace d'un dommage difficile à réparer et résultant de la modification de l'état de fait existant (art. 79, lettre &).

L'article 21 ne mentionne pas non plus l'exception de litispendance.

En effet, la procédure civile fédérale vise non pas le cas dans lequel un procès déjà pendant devant le Tribunal fédéral est ensuite introduit devant une autre juridiction, mais uniquement celui dans lequel le Tribunal fédéral se voit saisi d'une action déjà pendante devant
une autre juridiction; l'article 22 se rapporte précisément à cette éventualité.

La litispendanoe n'a pas pour eifet de fixer l'état de fait à l'époque du dépôt de la demande (3e al., cf. ch. I, 2 ci-dessus). Mais la compétence du tribunal ne sera nullement touchée par la modification subséquente des faits sur lesquels elle repose (première phrase du 2e al).. Dans l'hypothèse où le demandeur abandonne l'une de ses conclusions, réduit le montant de ses conclusions ou adhère à une partie de celles du défendeur, on est en présence d'un désistement partiel qui n'a pas d'influence sur la compétence

1019

du tribunal quant aux conclusions qui restent. Pour des raisons d'ordre pratique, on traitera de la même manière le cas dans lequel la valeur litigieuse diminue du fait que le défendeur a désintéressé partiellement le demandeur ou que celui-ci a admis la compensation invoquée par le défendeur par voie d'exception. Mais il n'en va pas de même lorsque le demandeur substitue de nouvelles conclusions à ses conclusions primitives (par ex. l'action en réduction à l'action rédhibitoire) ; il abandonne dans ce cas sa demande primitive et la compétence du tribunal doit être examinée derechef eu égard à la nouvelle action.

La qualité des plaideurs pour agir ou défendre ne doit pas être influencée par l'aliénation en cours d'instance de l'objet en litige ou par la cession du droit litigieux (seconde phrase du 2e al.). Ce serait compliquer et allonger la procédure que de prescrire la fin du procès commencé et l'introduction d'un nouveau procès par l'acquéreur ou contre lui. En matière d'actions en revendication ou d'actions négatoires par exemple, on ne saurait contester par voie d'exception la qualité pour agir du demandeur qui a aliéné la chose en cours d'instance. Il pourra continuer le procès, faire exécuter ensuite le jugement et remettre la chose à l'acheteur, sinon celui-ci devrait recommencer le procès si la partie adverse ne consentait pas à ce qu'il entre dans l'instance en cours (art. 17, 1er al.). Le demandeur pourra de même garantir à l'acquéreur un immeuble franc de charge. Si le défendeur aliène l'objet revendiqué, le demandeur qui a obtenu gain de cause ne pourra pas, il est vrai, faire exécuter le jugement ni contre le défendeur, puisqu'il ne possède plus la chose, ni| contre le nouveau détenteur puisque le jugement n'est pas exécutoire envers lui et ne pourrait pas l'être d'emblée, eu égard aux articles 933 et 934 du code civil. Mais le jugement permettra de prouver irréfutablement que l'auteur du possesseur actuel n'avait pas le droit d'aliéner la chose et simplifiera ainsi le procès dirigé contre le possesseur.

D'ailleurs, lorsque l'acquéreur est maintenu dans sa possession en vertu de l'article 933 ou sous réserve de l'article 934, 2e alinéa, du code civil ou lorsque le demandeur ne le connaît pas, il n'y a aucun motif de continuer l'action en revendication contre l'aliénateur et il
convient alors de la transformer en.une action en dommages-intérêts qui a seule encore une raison d'être. Le principe de la litiscontestation est donc maintenu en ce qui concerne la qualité pour agir ou défendre, mais du fait de l'aliénation de la chose litigieuse et suivant les circonstances, il pourra arriver que le demandeur n'ait plus aucun intérêt au maintien de son action, ce qui conduira alors à la fin du procès conformément à l'article 72.

Art. 22 : La demande introduite devant le Tribunal fédéral est irrecevable lorsque l'action est déjà pendante devant une autre juridiction (ou devant le Tribunal fédéral). Elle l'est de même lorsque l'action a déjà été l'objet d'un jugement passé en force. Mais pour que tel soit le cas, il devra s'agir d'un jugement dont l'autorité est reconnue. Il en est ainsi d'un juge-

1020 ment étranger lorsque l'autorité de la chose jugée doit lui être reconnue en vertu de conventions internationales ou du droit en vigueur en Suisse.

On doit tenir compte de la litispendance devant une juridiction étrangère quand un accord international le prescrit (art. 8 de la convention avec l'Italie; art. 7 de la convention avec la Suède). A défaut de convention et de disposition légale, les tribunaux suisses inclinent à appliquer le principe selon lequel il y a lieu de tenir compte de la litispendance devant une juridiction étrangère lorsque le procès à l'étranger pourrait aboutir à un jugement dont l'autorité devrait être reconnue.

Art. 23 : L'exposé des moyens de droit dans la demande n'est pas prescrit, mais il n'est pas non plus interdit. Le demandeur a donc la faculté de produire ses moyens de droit dans la demande et il en est de même, naturellement, quant à la réponse du défendeur.

Art. 24 : Le projet ne mentionne plus les consorts réunis comme une partie au procès, mais il range les actions conjointes sous la notion du cumul subjectif de demandes qu'il règle parallèlement avec le cumul objectif.

Ce système a aussi l'avantage de préciser sans doute possible que les différentes personnes actionnées comme défendeurs ne sont pas tenues d'agir conjointement dans le procès. En fait, l'obligation de conduire le procès en commun ne se justifie même pas dans les cas où en vertu du droit matériel un seul jugement doit être rendu envers tous les demandeurs ou défendeurs (consorts nécessaires), en particulier lorsqu'il existe entre eux une communauté de droits ou d'obligations relativement à l'objet du litige. On sait par exemple que souvent les cohéritiers ne vivent pas dans l'union qui est nécessaire pour mener un procès en commun. Si plusieurs défendeurs désirent agir conjointement, il leur est loisible de le faire et ils peuvent choisir un mandataire commun. S'il y a plusieurs demandeurs, leur action conjointe va de soi; ils ne peuvent d'ailleurs agir ensemble qu'en déposant une demande commune.

Il est rarement satisfaisant de voir un tribunal déclarer irrecevable une action commune pour le motif que tous les demandeurs membres de la communauté né participent pas au procès. Pour parer à cet inconvénient, la loi actuelle de procédure civile autorise les consorts à entrer en cause
subséquemment en qualité de demandeurs ou de défendeurs. Le projet prévoit une mesure plus efficace, qui consiste à appeler en cause le consort qui s'est abstenu. Le pouvoir d'appeler en cause est laissé à l'appréciation du juge, et celui-ci en usera naturellement avec retenue en ce qui concerne les demandeurs. Le juge en fera usage lorsque l'abstention de la personne récalcitrante nuirait aux intérêts bien compris de la communauté. L'appel en cause permettra ainsi de sauvegarder ces intérêts et épargnera au consort diligent le recours à dee procédures de droit civil compliquées.

En ce qui concerne le cumul objectif de demandes, il faut que le Tribunal fédéral soit compétent pour connaître de chacune des actions. Cette con-

1021 dition ne vaut cependant pas pour les prétentions accessoires, parmi lesquelles on range non seulement les intérêts, les frais, etc., mais aussi des prétentions additionnelles d'ordre secondaire, c'est-à-dire dans les limites du forum connexitatis ; il en est ainsi de la demande d'indemnité à côté de l'action principale, par exemple dans le cas de la demande de dommages-intérêts pour la rétention de la chose, à côté de l'action en revendication. Dans le cumul subjectif de demandes selon le 2e alinéa, lettre a, il peut arriver, lorsque les demandeurs agissent en vertu de la même cause (mais non en cas de communauté de droits ou d'obligations), que l'une des demandes n'ait pas la valeur litigieuse requise pour fonder la compétence du Tribunal fédéral, par exemple lorsque les différents cessionnaires d'une créance n'ont pas acquis chacun le même montant. Mais le Tribunal fédéral n'en est pas moins compétent à l'égard de chacun d'eux, car c'est la valeur totale des créances dérivant d'une même cause qui est déterminante.

Dans le cas où, selon le 2e alinéa, lettre b, les différentes personnes intéressées n'avaient aucun lien juridique entre elles avant le procès et s'unissent exclusivement pour agir ensemble en justice, il est en revanche nécessaire que la compétence du Tribunal fédéral soit donnée à l'égard de la prétention de chacune d'elles.

Le projet autorise le juge à ordonner la disjonction des demandes conjointes, s'il l'estime opportun. En revanche, il ne prévoit pas la possibilité pour le juge de réunir des actions formées séparément, mais que le demandeur aurait pu joindre en une seule. Lorsque plusieurs procès identiques se déroulent parallèlement, le juge peut parfaitement, pour gagner du temps et diminuer les frais, les instruire et les juger conjointement, c'est-à-dire les réunir en fait. Mais il n'y a pas lieu de prévoir la faculté de réunir en une seule des actions introduites séparément. Pour tenir compte de l'intérêt public à la diminution des frais de procès, il suffit en effet que le juge ait la possibilité pratique de réunir les différents procès sans contraindre un plaideur qui entend faire plusieurs procès à n'en soutenir qu'un seul.

Art. 25 : L'action en constat ne peut être intentée qu'à l'effet de faire établir l'existence ou l'inexistence de droits. Une action tendant
à la constatation de faits est irrecevable.

Art. 26 : Pour déterminer les limites dans lesquelles la demande peut être modifiée, le projet ne fait pas de distinction suivant que les nouvelles conclusions ont ou non le« même fondement que la demande primitive.

Il est superflu en effet d'avoir recours à la notion si controversée du « fondement de l'action » (Klagegrund) dès l'instant où l'article 19, 2e alinéa, restreint déjà la faculté de produire subséquemment de nouveaux moyens.

Comme le Tribunal fédéral l'a exposé dans ses observations, les nouveaux moyens qui peuvent être allégués subséquemment sans l'autorisation du juge n'entrent pas en ligne de compte pour la modification de la demande.

Que le demandeur ait été hors d'état d'avancer auparavant les nouveaux

1022 faits et moyens de preuve ou que son retard soit excusable pour d'autres raisons, cela ne peut se rapporter qu'à ses conclusions primitives et non pas à des faits entièrement nouveaux. C'est pourquoi toute modification de la demande qui implique un changement de l'état de fait est toujours subordonnée à l'autorisation du juge conformément à l'article 19, 2e alinéa.

L'article 26 s'applique à la modification des conclusions de la demande ou de la demande reconventionneUe. En revanche, les conclusions de la réponse (art. 29, lettre b) n'ont pas une portée indépendante, sauf dans la mesure où elles adhèrent à la demande, ce qui est alors définitif. Elles servent uniquement à préciser et à permettre de saisir rapidement la position du défendeur, mais cette position est déterminée par les motifs invoqués dans la réponse et elle peut être modifiée dans les limites fixées à l'article 19, 2e alinéa, en ce qui concerne les faits, et librement en ce qui concerne . je droit.

Il n'est pas nécessaire de rien prévoir sur la possibilité de restreindre les conclusions. Le plaideur qui renonce à l'une de ses conclusions ou qui diminue leur montant se désiste partiellement. Celui qui restreint l'objet de son action en transformant par exemple une action en constatation de droit en une action en exécution d'obligation ou une action tirée du droit de propriété en une action relative à un droit de gage modifie sa demande et articule d'autres conclusions.

Art. 27 : Le 2e alinéa a pour but d'interrompre le délai de péremption de l'action pendant la période comprise entre le moment où la demande est déposée et celui où elle est retirée ou déclarée irrecevable, de même que l'article 139 du code des obligations interrompt dans ce cas le délai de prescription du droit matériel. Il est vrai que d'après la jurisprudence, l'article 139 est aussi applicable aux délais de péremption du droit civil fédéral (ATF 61II153), mais il faut encore tenir compte, en ce qui concerne les procès directs devant le Tribunal fédéral, des délais de péremption prévus par des lois fédérales qui ne sont pas de droit civil et par des lois cantonales.

Art. 28 : Si le défendeur requiert des sûretés en garantie des frais du procès, le cours du délai pour la réponse est suspendu. Mais le juge lui fixera un nouveau délai à cet effet dès qu'il aura
rejeté la requête ou, s'il y donne suite, dès que les sûretés auront été fournies. Il paraît superflu de prévoir en matière de procès directs devant le Tribunal fédéral une règle analogue concernant la demande d'assistance judiciaire (art, 152 OJ), étant donné que dans les cas visés à l'article 41 de la loi d'organisation judiciaire l'assistance judiciaire du défendeur n'entre pas en ligne de compte; en ce qui concerne l'article 42 de ladite loi, le défendeur pourra bien demander l'assistance judiciaire quand il s'agira de l'action d'un canton contre un particulier, mais cette éventualité n'a pas grande portée pratique.

1023 Art. 29 : La demande reconventionnelle doit être formée dans la réponse (lettre c), les motifs à l'appui de cette demande pouvant être joints au mémoire de réponse ou présentés séparément (lettre et).

Art. 30 : Le juge délégué peut autoriser le défendeur à limiter d'abord sa réponse à la question de la recevabilité de la demande. II le fera s'il a des doutes sérieux à ce sujet et si leur examen est possible sans discuter le fond même du procès. Dans ce cas, les débats préparatoires, à supposer qu'ils soient nécessaires pour instruire cet élément préjudiciel (art. 34, 3e al.), et les débats devant le tribunal (art. 66, 3e al.) seront aussi limités à la question de la recevabilité. Si le tribunal déclare l'action recevable, la cause sera renvoyée au juge délégué, qui complétera l'échange des écritures (art. 30, 2e al.), car le défendeur doit pouvoir se déterminer par écrit sur la demande. Si après avoir ordonné la limitation de la réponse le juge délégué acquiert la conviction que la demande est recevable, il pourra revenir sur sa décision et faire compléter l'échange des écritures, dans quel cas le tribunal n'examinera la question de la recevabilité qu'après l'instruction complète de la cause.

Art. 31 : La demande reconventionnelle est en soi une demande et elle n'est par conséquent recevable qu'en matière de contestations ressortissant au Tribunal fédéral en vertu des articles 41 et 42 de la loi d'organisation judiciaire. C'est pourquoi une demande reconventionnelle de la Confédération n'est pas possible dans le cas de l'article 41, lettre b, de la loi d'organisation judiciaire (exception faite de la prorogation selon lettre c de l'art. 41 OJ). La demande reconventionnelle demeure pendante, même lorsque la demande principale devient caduque du fait d'un vice de procédure ou par suite de désistement ou d'exécution de l'obligation. Elle n'est pas en effet un simple moyen de défense, mais bien un moyen d'attaque indépendant comme la demande.

La demande reconventionnelle est en outre subordonnée à la condition que son objet ait un lien juridique avec la demande principale ou que les deux prétentions soient compensables. Notre projet ne prévoit pas la possibilité pour le juge de disjoindre la demande et la demande reconventionnelle. La disjonction serait d'ailleurs exclue à priori lorsque les
deux prétentions ont un lien juridique. Elle n'aurait de raison d'être que dans le cas de la compensation, mais pas n'est besoin de donner au juge un droit de disjonction pour cette éventualité.

Art. 32 : La réplique et la duplique ont pour seul but de permettre au demandeur de se déterminer sur les exceptions soulevées dans la réponse et au défendeur de se prononcer sur les exceptions contenues dans la réplique; l'échange des écritures doit donc être interrompu après le dépôt de la réponse ou de la réplique lorsqu'il y a lieu d'admettre que de nouvelles écritures n'apporteraient plus rien d'utile. Les parties ont alors la faculté

1024 de faire consigner au procès-verbal des débats préparatoires les allégations de leur réplique ou duplique.

Art. 33 : Les pièces invoquées par les plaideurs devront être désignées dans les mémoires et produites en même temps que ceux-ci. Cela n'est pas une exigence excessive et l'échange des écritures n'aura toute sa valeur que si, au moment de rédiger sa réponse, sa réplique ou sa duplique, le plaideur connaît les moyens de preuve de la partie adverse et a pu les consulter.

Cette règle s'appliquera également aux objets qui pourront être apportés au tribunal en vue de l'inspection oculaire (art. 55, 5e al.), comme les échantillons de marchandises.

6. Procédure préparatoire, (art. 34 et 35).

La procédure préparatoire permettra d'abord de déterminer ce qui est litigieux entre les plaideurs et ce qui le reste après l'intervention du juge délégué. C'est ici surtout que celui-ci usera du pouvoir que lui confère l'article 3 et qu'il engagera au besoin les parties, en discutant librement avec elles l'objet du litige, à préciser, rectifier, simplifier ou compléter leurs allégations de manière que le tribunal soit à même de rendre un jugement conforme à l'état de fait véritable. La procédure préparatoire servira en outre à recueillir les preuves.

S'il n'est pas nécessaire d'élucider les questions litigieuses ni de recueillir des preuves et s'il s'agit par conséquent de statuer uniquement sur certaines questions de droit déterminées, une procédure préparatoire ne se justifie pas, de sorte que, l'échange des écritures terminé, le juge pourra citer les parties pour les débats devant le tribunal. Et si les preuves a recueillir peuvent être administrées par titres ou par un rapport écrit, la procédure préparatoire ne comportera pas de débats. Ceux-ci seront de même superflus en principe lorsque l'administration des preuves sera renvoyée aux débats devant le tribunal conformément à l'article 34, 2e alinéa.

Dans les cas où la réponse sera limitée à la question de la recevabilité de la demande (art. 30), une procédure préparatoire ne sera généralement pas nécessaire; mais si une telle procédure doit avoir lieu, elle sera également limitée à l'examen de cette question. D'ailleurs, la procédure préparatoire pourra ne porter que sur les questions de fond qui seraient de nature à mettre fin au litige, par
exemple le défaut de qualité des parties pour agir ou défendre, la prescription, la péremption, la transaction extrajudiciaire.

En revanche, elle ne pourra pas être limitée à l'examen de questions de fond ou de procédure dont la solution serait sans influence sur le jugement, ce qui serait contraire à la règle de la concentration du procès. C'est pourquoi nous n'avons pas prévu dans le projet la possibilité d'un jugement partiel sur une partie des conclusions du demandeur ou sur certains éléments de l'action qui seraient en état. En reconnaissant partiellement les conclusions du défendeur, le demandeur fait acte de désistement partiel, en sorte que

1025-

le créancier peut sans autre formalité requérir la mainlevée de l'opposition en vertu de l'article 80, 2e alinéa, de la loi sur la poursuite pour dettes ou l'exécution effective de la prestation.

Lorsque la procédure préparatoire comprend des débats, les parties y sont en principe convoquées personnellement. Mais il arrivera que la.

présence personnelle des parties ne soit pas nécessaire.

7. Preuve (art. 36 à 65).

a. Dispositions générales.

Art. 36 : La preuve n'est admise que pour établir des faits pertinents et elle ne portera que sur des faits contestés, sauf si le juge doit élucider d'office l'état de fait et sous réserve de l'article 12, 3e alinéa (cf. ci-dessus ch. 1,4). Nous n'avons pas estimé nécessaire de mentionner expressément dans le projet la notion de la notoriété, car, selon un principe généralement admis, il n'y a pas lieu de prouver les faits qui sont de notoriété publique ou dont le tribunal lui-même a connaissance.

La connaissance personnelle d'un fait par le juge ne rend pas la preuve superflue. Une disposition excluant la preuve des faits dont le juge a personnellement connaissance serait inconciliable avec la règle de l'instruction indirecte. D'ailleurs, comme le Tribunal fédéral l'expose avec raison dans ses observations, cela reviendrait pratiquement à restreindre le droit des plaideurs d'être entendus que d'autoriser le juge à se fier à ses connaissances personnelles pour apprécier des questions qui, si ces connaissances lui faisaient défaut, devraient donner lieu à une expertise par exemple.

Lorsqu'un expert est commis, les parties ont l'occasion de se déterminer sur ses déclarations et de lui signaler ses erreurs, le cas échéant. Elles n'auraient pas cette possibilité si le juge se fondait exclusivement sur les connaissances spéciales qu'il possède et elles ne pourraient pas non plus administrer la contre-preuve.

Il ne sera pas interdit au juge d'utiliser ses connaissances personnelles résultant de critères d'expérience. Il pourra le faire lorsqu'il s'agira de tirer les conséquences de critères d'expérience sans que des connaissances, techniques spéciales soient nécessaires à cet effet. La notion du critère d'expérience est précisée dans un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 69 II 204).

Art. 37 : Le juge ne retiendra que les moyens de preuve nécessaires.

Si les
preuves offertes ne suffisent pas, il devra pouvoir en ordonner d'autres.

Art. 38 : Lorsque l'exige la sauvegarde de secrets industriels ou commerciaux d'un tiers, par exemple d'un témoin, le juge pourra interdire aux deux parties de prendre connaissance des pièces produites.

"L'article 40 pose le principe de la libre appréciation des preuves par le juge. Celui-ci ne pourra pas ignorer à cet égard l'attitude des parties au

1026 cours du procès et il prendra en considération notamment le défaut d'obtempérer à une convocation personnelle, le refus de répondre à ses questions et de produire des moyens de preuve requis.

b. Moyens de preuve.

Art. 42 à 49, témoins : II est superflu de prescrire expressément l'obligation de témoigner, car elle ressort clairement de rénumération des exceptions dans lesquelles le droit de refuser de déposer est admis. Ce droit est accordé à certains parents déterminés (art. 42, 1er al., lettre a), de la même manière que dans la procédure pénale fédérale. Le motif du refus de témoigner doit aussi être étroitement limité. A l'instar de ce que prévoit l'article 79 de la loi fédérale de procédure pénale, le refus de déposer pourra être opposé quand la réponse à la question exposerait le témoin lui-même ou l'un de ses proches parents à des poursuites pénales ou à un grave déshonneur. On s'est demandé si cela suffisait ou s'il fallait en outre tenir compte du dommage pécuniaire que la déposition pourrait entraîner pour le témoin. La commission d'experts s'étant prononcée en faveur de cette extension, nous avons prévu dans le projet que le témoin pourra aussi refuser de déposer quand son témoignage l'exposerait, lui ou l'un de ses proches parents, à un dommage pécuniaire certain.

Le projet accorde aussi le droit de refuser de déposer aux personnes qui sont astreintes au secret professionnel et qui en le violant contreviendraient à l'article 321 du code pénal (art. 42, 1er al, lettre b). Le témoin doit garder le secret aussi longtemps qu'il n'en a pas été délié par celui qui y a intérêt.

Le code pénal prévoit que dans l'intérêt public l'autorité peut consentir à la révélation d'un secret, mais une disposition analogue n'a pas sa raison d'être dans la procédure civile fédérale, où il s'agit d'intérêts privés.

Abstraction faite de ces secrets personnels, il n'est guère justifié de prévoir une protection absolue contre les révélations des témoins devant le juge. Le projet abandonne au juge le soin de décider dans chaque cas particulier s'il y a lieu d'obliger à témoigner une personne qui est astreinte au secret par d'autres lois (art. 42, 2e al.). Le juge appréciera la question en opposant l'intérêt du témoin à garder le secret et celui du plaideur à sa révélation. Il pourra de même protéger les
secrets personnels du témoin et certains secrets habituellement respectés dans les relations d'affaires et qui méritent parfois d'être gardés. D'ailleurs l'article 38 permettra souvent de protéger efficacement les intérêts de celui qui a droit au secret, sans que le secret doive être gardé envers le tribunal.

La Confédération et les cantons peuvent avoir intérêt à garder secrets certains dossiers administratifs dans les procès qui se déroulent entre des tiers. Il appartient à l'administration de prendre une décision à cet égard.

Aussi le dernier alinéa de l'article 42 réserve-t-il l'application du droit administratif fédéral et cantonal.

1027 Le témoin qui se prévaut du droit de refuser de déposer n'est pas dispensé d'obtempérer à la citation, à moins qu'elle n'ait été expressément révoquée (art. 44, 1er al.); cette disposition devra être mentionnée dans la citation (art. 43), Comme d'après l'article 88 de la loi fédérale de procédure pénale le témoin récalcitrant n'est passible que des arrêts jusqu'à dix jours ou d'une amende de 300 francs au maximum, nous avons prévu la même peine à l'article 44, 3e alinéa, et non pas celle de l'article 292 du code pénal.

Chaque témoin déposera hors de la présence des témoins qui restent à entendre (art, 45, 1er al.); on a renoncé à exclure aussi de l'audition les témoins qui ont déjà déposé. Avant d'être interrogé, le témoin sera, s'il y a lieu, avisé de son droit de refuser de déposer (art. 45,2e al.) ; cette disposition n'est pas une prescription dont l'observation est requise pour la validité du témoignage, mais une simple prescription d'ordre, c'est-à-dire que le jugement ne pourrait pas être argué de nullité au cas où un témoin n'aurait pas été préalablement renseigné sur son droit de refuser de déposer.

Afin d'éviter des frais excessifs, le soin d'entendre le témoin pourra être confié au juge de son domicile. Dans ce cas, l'obligation de témoigner et le droit de refuser de déposer s'apprécieront en vertu du droit fédéral, le droit cantonal n'étant déterminant qu'en ce qui concerne la forme de l'audition par commission rpgatoire (art. 47).

Art. 50 à 54, titres : On considère comme titres en procédure civile les écrits, soit l'expression de pensées par l'écriture, ou tout objet qui incorpore une pensée, c'est-à-dire aussi la figuration d'un fait par tout autre moyen d'expression. Il n'est pas nécessaire de prévoir une définition valable pour la procédure civile fédérale, étant donné que le projet règle d'une manière concordante l'obligation de produire les titres et celle de se prêter à l'inspection oculaire. Ce n'est pas non plus dans une loi de procédure qu'il convient de déterminer la force probante des titres publics puisque le droit matériel le fait déjà (art. 9 CC) ; l'interprétation du droit matériel permettra précisément d'apprécier si par exemple des. plans officiels constituent des titres publics et ont par conséquent la force probante de ces derniers, peu importe que la loi de
procédure civile les range parmi les titres ou parmi les objets entrant dans la catégorie des moyens de preuve soumis à l'inspection oculaire, De même que l'obligation de témoigner en justice, celle des tiers de produire les titres qu'ils détiennent est aussi une obligation de droit public, II n'y a aucun motif de traiter les tiers différemment suivant qu'il s'agit de l'une ou de l'autre obligation. Aussi le refus d'un tiers de produire les titres qu'il détient sera-t-il puni de la même manière que le refus de témoigner en justice (art. 51, 3e al.). En cas de refus injustifié, et si le plaideur a le droit de posséder le titre, le tiers récalcitrant pourra être puni pour insoumission et en outre recherché en dommages-intérêts, mais cette action sera de droit civil et n'a donc pas à être mentionnée dans une loi de procédure.

1028 Pour que le juge ordonne la preuve de l'authenticité d'un titre, il ne suffira pas que cette authenticité soit simplement contestée, mais il faudra, qu'elle prête à des doutes (art. 54). Le juge appréciera comment il entend administrer la preuve.

Art. 55 et 56, inspection oculaire : L'obligation de se prêter à l'inspection oculaire est aussi une obligation de droit public. Mais si les plaideurs sont tenus de se soumettre à l'inspection de leur personne, il n'en est pas de même pour les tiers, car on ne saurait leur imposer cette atteinte à la personnalité dans l'intérêt exclusif des parties au procès. En ce qui concerne les objets transportables, comme les échantillons de marchandises, la preuve par inspection oculaire se fera exactement de la même façon qu'en matière de titres. Ces objets devront être produits tout comme les titres. Dans les cas où l'objet sera difficilement transportable, le juge appliquera l'article 53.

Il va sans dire que le juge pourra au besoin ordonner que des reproductions des lieux ou des objets inspectés (plans, photographies, etc.) soient versées au dossier, ainsi que la projection de films et la présentation d'enregistrements faits au moyen d'instruments mécaniques ou l'exécution d'expériences.

S'il n'est pas nécessaire que le juge prenne lui-même connaissance d'un fait, il pourra ordonner que l'expert procédera seul à l'inspection. Il le fera aussi quand il serait inopportun qu'il procède personnellement à la constatation ; nous avons ici en vue les cas dans lesquels la nature de Finspection imposera au juge cette discrétion.

Art. 57 à 61, experts : Le recours à des spécialistes pourra être nécessaire déjà au moment OÌL le juge engagera les parties à compléter et à rectifier leurs moyens (détermination de l'objet du litige selon l'art. 3). Le juge délégué pourra ainsi se faire assister d'un expert au moment de l'instruction. Il lui incombera de fixer le nombre des experts suivant le cas. Les plaideurs auront l'occasion de présenter leurs objections contre des personnes que le juge se propose de désigner comme experts. Le projet n'institue pas une obligation d'accepter les fonctions d'expert. Au moment de leur nomination, les experts seront rendus attentifs au devoir de s'acquitter de leur mission en toute conscience et de garder une parfaite impartialité.
Lorsque le juge estimera le rapport d'expertise insuffisant, il pourra ordonner une nouvelle expertise (art. 60, 2e al., 2e phrase). Les plaideurs auront la faculté de requérir des éclaircissements et des compléments et ils pourront aussi proposer une nouvelle expertise (art. 60, 1er al., dernière phrase).

Art, 62 à 65, interrogatoire des parties : L'interrogatoire des parties (art. 62, cf. ci-dessus ch. 1,4), moyen de preuve qu'il ne faut pas confondre avec les éclaircissements qui peuvent être demandés aux plaideurs à l'effet de préciser l'objet du procès (art, 3), constitue un témoignage dans sa propre cause. Son résultat devra naturellement être apprécié avec une

1029 prudence particulière, sauf s'il aboutit à un aveu; mais le juge saura à quoi s'en tenir. D'après notre projet, l'interrogatoire des parties n'est pas un moyen de preuve subsidiaire auquel il faudrait recourir à défaut d'autres preuves ou quand elles seront insuffisantes; le juge délégué pourra à son gré combiner l'interrogatoire des parties avec d'autres moyens de preuve.

Déjà au moment de son interrogatoire (art. 62), la partie interrogée sera rendue attentive au fait que l'affirmation supplétoire (art. 64) pourra encore lui être demandée ultérieurement sous les peines de droit. Le projet ne confère pas au plaideur le droit de refuser de répondre aux questions posées. Mais il ne faut pas oublier que le juge ne posera de questions auxquels le plaideur pourrait avoir intérêt à refuser de répondre que si elles ont directement trait à l'objet du procès, de sorte qu'on doit exiger du plaideur qu'il réponde.

L'article 63 précise quelles sont les personnes qui seront soumises à l'interrogatoire quand la partie à entendre n'est pas une personne physique ayant l'exercice des droits civils.

L'article 40 dispose déjà que le juge appréciera les preuves selon sa libre conviction. Ce principe est reproduit à l'article 65, 1er alinéa, relativement aux déclarations des parties, afin de rappeler qu'elles ne créent pas une vérité formelle (contrairement au serment des parties de la loi actuelle), mais doivent être appréciées comme les autres moyens de preuve.

8. Débats principaux (art. 66 à 71).

Bien que le juge délégué soit chargé d'administrer les preuves dans la procédure préparatoire, il incombera cependant au tribunal de prendre à leur sujet la dernière décision. Il aura en outre la faculté de les faire administrer à nouveau lorsqu'il lui paraît indiqué de prendre directement connaissance des faits et pourra de même les compléter d'office. Les parties auront la possibilité de se prononcer sur la procédure probatoire et de proposer de nouvelles preuves. Pour des raisons d'ordre pratique, l'article 67, 2e alinéa, prévoit que la requête à cet eflet devra être présentée dans le délai de dix jours dès la clôture de la procédure préparatoire. Le juge délégué aura en effet intérêt à savoir si et en quoi les plaideurs incriminent la procédure préparatoire. Il pourra ainsi, à supposer que les griefs articulés
lui paraissent fondés, faire citer par exemple aux débats devant le tribunal des témoins dont l'audition est encore requise. En raison du délai fixé à l'article 67, 2e alinéa, il sera nécessaire de communiquer aux parties la clôture de la procédure préparatoire, afin qu'elles sachent quand commencera à courir le délai pendant lequel elles pourront présenter leur requête (art. 66, 1er al.).

Les nouvelles preuves ordonnées par le tribunal seront autant que possible administrées au cours des débats principaux. Mais, sur requête de l'une des parties ou d'office, le tribunal pourra aussi renvoyer la cause au juge délégué pour complément d'instruction (art. 67, 3e al.).

1030 Que le juge doive appliquer la loi d'office, c'est là un principe évident de la procédure moderne et il n'y a donc pas lieu de le consacrer dans le projet. Une disposition serait nécessaire si l'on voulait limiter l'application de ce principe au droit national. L'article 3 de la loi actuelle prévoit encore que les parties doivent indiquer les principes de droit étrangers et même cantonaux ou locaux dont elles entendent faire état et qu'elles doivent au besoin en justifier. On ne saurait maintenir une telle règle. Aussi notre projet ne contient-il aucune disposition relative à l'application du droit étranger par le juge. Il incombera à ce dernier de se renseigner, selon son appréciation, sur les lois étrangères à appliquer et il pourra inviter les plaideurs à lui prêter leur concours à cet effet. Le tribunal aura aussi la faculté de requérir des renseignements officiels sur les dispositions de la loi étrangère. Malgré toutes les rech.erch.es entreprises, il sera parfois impossible au tribunal de se documenter sûrement sur le droit étranger. Une proposition faite au sein de la commission d'experts tendait à prévoir dans le projet que le tribunal appliquerait d'office tant le droit suisse que le droit étranger et à ajouter ensuite la disposition suivante: « Le droit suisse est applicable lorsque ni les démarches officielles du tribunal ni les recherches des parties n'ont permis de déterminer avec une certitude suffisante les dispositions de la législation étrangère. » La commission d'experts a rejeté cette proposition en particulier parce que l'application subsidiaire du droit suisse pourrait parfois aboutir à des résultats arbitraires dans les cas oi\ le tribunal ne réussira pas à se renseigner sur la loi étrangère. Il a paru préférable de laisser à la jurisprudence le soin de trancher la question.

"L'article 69, 1er alinéa, pose en principe que le juge statue d'office sur les frais du procès, car il va de soi que les parties réclameront le remboursement de leurs frais. Au sujet de la répartition des frais entre plusieurs personnes, l'article 156, 7e alinéa, de la loi d'organisation judiciaire contient une disposition sommaire ; le 2e alinéa de l'article 69 indique les différentes possibilités entrant en ligne de compte et mentionne en outre les frais que l'intervenant pourra se faire rembourser
ou qu'il devra supporter.

La dernièïe phrase de l'article 70, 3e alinéa, a de l'importance pour la.

supputation du délai de la demande de revision. Aux termes de l'article 141 de la loi d'organisation judiciaire, ce délai commence en effet à courir dès la réception de la communication écrite du jugement.

L'article 71, 2e alinéa, répond à la question de savoir si l'autorité de la, chose jugée de l'arrêt s'étend à la décision portant sur l'exception de compensation. La créance que le défendeur entend compenser ne bénéficie pas de l'autorité de la chose jugée lorsque la prétention du demandeur est rejetée ou que les deux créances ne sont pas compensablea, en sorte que la créance du défendeur n'est même pas examinée. Mais si en revanche la prétention du demandeur est admise entièrement ou partiellement, l'autorité de la chose jugée s'étend à la créance du défendeur jusqu'à

1031 concurrence de la somme qui est nécessaire pour l'éteindre (si cette créance est aussi admise) ou serait nécessaire à cet effet (si elle est rejetée).

Le projet n'étend pas l'autorité de la chose jugée aux ayants cause des parties (succession à titre particulier). Une telle extension se heurterait d'ailleurs aux dispositions des articles 933 à 936 du code civil. Mais le jugement établira irréfutablement l'existence ou l'inexistence du droit de celui auquel l'acquéreur a succédé (cf. les explications concernant l'art. 21).

9. Fin du procès sans jugement (art. 72 et 73).

L'action n'a plus d'objet par exemple quand l'obligation sur laquelle elle porte vient à être exécutée ou s'éteint d'une autre manière ou lorsque l'objet en litige disparaît sans que sa destruction donne lieu à une action en dommages-intérêts. Un autre cas semblable est celui dans lequel les parties cessent d'avoir un intérêt juridique à la continuation du procès.

Contrairement à ce qui se passe en matière de transaction judiciaire et de désistement, le procès devenu sans objet ne prend pas fin automatiquement, mais il faut au contraire que le tribunal déclare l'affaire terminée (art. 72).

Cette décision devra être prise non par le juge délégué, mais par le tribunal parce que, suivant les circonstances, elle interviendra contre la volonté du demandeur et d'ailleurs statuera en même temps sur les frais du procès.

Les parties devront être entendues précisément au sujet de ces frais. Il suffira que la décision sur les frais soit motivée sommairement, car il serait exagéré qu'à cause de cette question accessoire le procès fût examiné entièrement comme s'il subsistait.

La transaction judiciaire et le désistement mettent fin au procès automatiquement (art. 73). Pas n'est besoin de préciser dans la procédure civile fédérale que les parties ne sont autorisées à transiger ou à se désister que si elles peuvent disposer librement de l'objet de la demande, cette condition étant en effet remplie pour toutes les contestations dont le Tribunal fédéral peut être saisi comme juridiction civile unique. Il va sans dire que la transaction et le désistement pourront n'être que partiels et il n'y a donc pas lieu de le préciser dans la loi. En revanche, il convient de prévoir que la transaction judiciaire pourra aussi porter sur des points
étrangers au procès qui sont litigieux entre les plaideurs ou entre l'un d'eux et un tiers, en tant que cela favorisera la fin du procès (art. 73, 2e al.).

Le désistement est définitif, c'est ce qui le distingue du retrait de l'action.

Le 3e alinéa de l'article 73 vise précisément un cas de retrait de l'action.

Lorsque le défendeur alléguera par voie d'exception que la prétention est inexigible ou subordonnée à une condition ou excipera d'un vice de forme, le demandeur pourra retirer son action en se réservant de l'introduire à nouveau quand la prétention sera exigible, la condition accomplie ou le vice de forme réparé.

1032

Selon le 4e alinéa de l'article 73, la transaction judiciaire et le désistement sont exécutoires comme un jugement, mais cela n'indique pas si et ·comment ils ont l'autorité de la chose jugée. La jurisprudence pourra ainsi refuser l'autorité de la chose jugée à la transaction judiciaire et au désistement, en tant qu'ils sont entachés d'un vice du consentement prévu ·en matière de contrats (ATF 60 II 56); ils pourront alors être considérés -à la fois comme des actes de procédure et de droit civil et, en cette dernière qualité, attaqués par la voie de l'action ou de l'exception.

10. Exécution fart. 74 à 78).

La loi actuelle contient aux articles 187 à 191 des dispositions sur l'exécution des jugements rendus par le Tribunal fédéral en matière de procès civils directs. Notre projet comprend aussi de telles prescriptions.

Car il n'est pas indiqué de s'en tenir pour ces jugements à la règle générale de l'article 39 de la loi d'organisation judiciaire, aux termes duquel les cantons exécutent les arrêts du Tribunal fédéral de la même manière que les jugements passés en force de leurs tribunaux. Plusieurs cantons ne connaissent pas en effet l'exécution effective en cas de condamnation à accomplir un acte (abstraction faite de la remise de choses) ou à s'abstenir d'un acte. Il ne serait pas satisfaisant que dans ces cantons le plaideur qui ·cherche à faire exécuter un jugement rendu par le Tribunal fédéral dans un procès direct ne puisse pas obtenir l'accomplissement du droit qui lui a été reconnu et doive se contenter de dommages-intérêts. C'est pourquoi le projet règle lui-même l'exécution de ces jugements.

Art. 74 : D'une manière générale, les lois suisses de procédure civile ne connaissent pas la condamnation à une prestation subordonnée à une condition ou à une contre-prestation. Aussi les tribunaux sont-ils obligés actuellement de rejeter les actions dont le bien-fondé est subordonné à ime condition, un second procès devant ainsi être introduit après l'accomplissement de la condition. Or il y a intérêt à éviter les frais de ce second procès. La condamnation à une prestation subordonnée à une condition ou à une contre-prestation exige une procédure supplémentaire permettant au tribunal de constater que la condition est remplie ou la contre-prestation fournie. Cette procédure sera très sommaire
puisque son but est généralement très simple. Elle incombera au juge qui a statué.

Art. 75 : Les jugements qui condamnent un plaideur au paiement d'une somme d'argent ou à la prestation de sûretés pécuniaires seront ·exécutés selon les règles de la poursuite pour dettes.

Art. 76 : Quiconque se soustrait à une condamnation par le juge civil non seulement lèse les intérêts du plaideur auquel le jugement a donné gain de cause, mais encore méconnaît l'autorité de l'Etat. S'il s'agit d'un jugement portant condamnation à une prestation pécuniaire, l'exécution

1033 forcée permet au créancier d'obtenir satisfaction en sorte que l'idée d'une sanction pénale ne se pose même pas. II en va autrement en matière de condamnations à faire ou à ne pas faire. Le respect de ces jugements dépend beaucoup de la bonne volonté de l'obligé et c'est pourquoi la menace d'une sanction doit être prévue en cas d'infraction. Il nous a paru opportun d'adopter ici la peine prévue par l'article 292 du code pénal en matière d'insoumission à une décision de l'autorité. Cependant, la poursuite pénale aura lieu sur plainte de la partie lésée, car le respect de la décision du juge est davantage dans son intérêt que dans celui de la collectivité; la partie lésée peut d'ailleurs renoncer au droit qui lui est reconnu dans le jugement. L'article 76 vise les jugements portant condamnation de « particuliers » à faire quelque cbosc ou à s'abstenir d'un acte; il ne se rapporte pas aux jugements condamnant la Confédération, un canton ou une commune ou des corporations de droit public.

La menace de la sanction pénale permettra le plus souvent d'obtenir l'exécution du jugement. Si tel n'est pas le cas, il faudra recourir -- conjointement ou non avec la poursuite pénale -- à l'exécution effective si elle est possible (art. 77). En lieu et place de l'exécution effective, l'ayant droit pourra en outre exiger des dommages-intérêts, comme dans le cas où l'exécution n'aboutit pas. Dans la loi actuelle, l'action en dommagesintérêts pour inexécution d'obligations résultant d'un jugement est considérée comme une conséquence du procès et elle entre dans la compétence du Tribunal fédéral. Mais d'après la jurisprudence de ce dernier, l'action en dommages-intérêts découle des articles 97 ou 98, 2e alinéa, du code des obligations. C'est pourquoi le projet ne règle plus cette action, qui sera l'objet d'une nouvelle demande à laquelle s'appliqueront les dispositions de compétence ordinaires. Il ressort du 3e alinéa de l'article 76 qu'en ce qui concerne les jugements rendus par le Tribunal fédéral en instance unique, l'ayant droit pourra réclamer des dommages-intérêts même avant d'entreprendre des démarches tendant à l'exécution du jugement. On ne saurait en effet autoriser l'obligé qui ne s'exécute pas malgré la menace de sanction pénale, ou même au mépris de la procédure pénale, à opposer à l'action en
dommages-intérêts dirigée contre lui l'exception tirée du fait que l'ayant droit n'a pas poursuivi l'exécution du droit que lui confère le jugement.

"L'article 77 désigne le Conseil fédéral comme autorité d'exécution (sauf s'il s'agit de l'exécution par voie de poursuite pour dettes), ce qui ne l'empêchera pas de requérir la collaboration des autorités cantonales. Le 2e alinéa de l'article 77 énumère un certain nombre de mesures d'exécution à titre d'exemples et fournira ainsi quelques indications à l'autorité chargée de l'exécution. L'une de ces mesures pourra consister à supprimer l'état de fait contraire au jugement; car l'obligation de s'abstenir d'un acte implique celle de mettre fin à la situation créée en violation de l'interdiction. L'obligé Feuille fédérale. 99e aimée. Vol. I.

69

1034

condamné à accomplir un acte personnellement pourra aussi être menacé de sanction pénale en cas d'infraction. Dans certains cas, le droit matériel n'accorde pas d'action pour obtenir l'accomplissement d'un droit. Il sera toujours impossible de poursuivre de force l'accomplissement d'actes à effectuer personnellement.

Les frais occasionnés par les mesures d'exécution constituent non pas des dommages-intérêts, mais des frais do procédure. Il incombera par conséquent à l'autorité d'exécution de les fixer et de les répartir. Il n'y a pas lieu de mentionner dans le projet qu'elle est aussi compétente pour statuer sur les exceptions soulevées contre l'exécution (exception de remise de la dette, de transaction, de sursis au paiement ou de prescription depuis le prononcé du jugement).

L'article 78 généralise le principe que le législateur fédéral a déjà appliqué aux articles 166 du code des obligations, 656, 2e alinéa, et 963, 2e alinéa, du code civil. D'après ce principe, la sentence du juge a effet constitutif de droit, 11. Mesures provisionnelles (art. 79 à 85).

A cause des contestations visées à l'article 41, lettres a et 6, de la loi d'organisation judiciaire, qui sont de la compétence exclusive du Tribunal fédéral, il est nécessaire de prévoir dans le projet la possibilité pour le Tribunal fédéral d'ordonner des mesures provisionnelles même avant l'introduction de la demande, ce qui d'ailleurs paraît indiqué aussi eu égard aux contestations dont il est question à l'article 42 de la loi d'organisation judiciaire.

L'article 79, lettre b, exprime clairement que ce n'est pas seulement la menace d'un dommage pécuniaire qui justifiera les mesures provisionnelles.

Selon l'article 82, 2e alinéa, tant les mesures provisionnelles que les «mesures d'urgence» (art. 81, 3e al., dernière phrase) pourront être subordonnées à la condition que le requérant fournisse des sûretés si ces mesures sont de nature à causer un préjudice à la partie adverse. Le juge exigera des sûretés quand il l'estimera justifié au vu des circonstances.

De même qu'en matière de séquestre injustifié (art. 273 LP), l'article 84, 1er alinéa, permettra au défendeur d'exiger en toutes circonstances, c'està-dire indépendamment de toute faute du requérant, réparation du dommage causé par les mesures provisionnelles si le droit en raison
duquel elles ont été ordonnées n'existait pas ou n'était pas exigible. La compétence du Tribunal fédéral pour connaître de l'action en dommages-intérêts se justifie du fait que la question préjudicielle relative à l'existence et à l'exigibilité de la demande principale ressortit en soi au Tribunal fédéral.

De plus, l'action en dommages-intérêts est en quelque sorte le corollaire de la procédure qui a eu lieu devant le Tribunal fédéral en raison de la requête de mesures provisionnelles.

1035 12. Dispositions finales et transitoires fart. 86 et 87).

Art. 86 : Nous renvoyons aux explications relatives à l'article 1er.

Art. 87 : Les procès déjà engagés à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi de procédure civile seront terminés dans les formes de la loi actuelle; cependant, les dispositions relatives à l'office du juge, à la possibilité de compléter subséquemment l'état de fait et les moyens de preuve, ainsi qu'à la modification de la demande (art. 3, 19 et 26) seront appliquées par analogie à ces procès.

Nous vous recommandons d'adopter le projet de loi ci-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 14 mars 1947.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, ETTEB.

9307

Le chancelier de la Confédération, LEIMGRÜBEK.

1036 (Projet.)

Loi fédérale de

procédure civile.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu les articles 106 à 114 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 14 mars 1947, arrête :

TITRE PREMIER CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI ET COMPÉTENCE

Champ d'appllcation*

Compétence*

Article premier.

La présente loi règle la procédure applicable dans les causes civiles dont le Tribunal fédéral connaît comme juridiction unique.

2 Elle est complétée par les prescriptions des titres premier, neuvième et dixième de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, s'il n'y est pas dérogé par les dispositions suivantes.

1

Art. 2.

L'action peut être intentée devant le Tribunal fédéral dans les contestations visées aux articles 41 et 42 de la loi d'organisation judiciaire.

2 L'action n'est recevable que si, d'après le droit fédéral ou d'après le droit cantonal, un tribunal suisse est compétent à raison du lieu.

3 La prorogation de for en faveur d'un tribunal suisse ne lie pas le Tribunal fédéral, qui peut d'cffice éconduire le demandeur. Le Tribunal fédéral doit cependant se saisir de la cause lorsque le demandeur a son domicile en Suisse ou est de nationalité suisse.

1

1037

TITRE

DEUXIÈME

PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PROCÉDURE

Art. 3.

Le juge examine d'office la recevabilité de l'action et de tous actes de procédure.

2 Le juge ne peut aller au-delà des conclusions des parties, ni fonder son jugement sur d'autres faits que ceux qui ont été allégués dans l'instance. Toutefois il doit attirer l'attention des parties sur les lacunes de leurs conclusions et les engager à articuler complètement les faits et les preuves nécessaires à la manifestation de la vérité. A cet effet, il peut en tout état de cause interpeller les parties personnellement.

1

Office du luge.

Art. 4.

Le juge et les parties peuvent se servir de l'une des trois langues Lanjne du procès.

omcielles de la Confédération (art. 116, 2e al., de la constitution), s Au besoin, le juge ordonne la traduction.

1

Art. 5.

Un juge délégué dirige l'échange des écritures et prépare le procès en vue des débats.

2 II fixe les sûretés à fournir par les parties en garantie des frais judiciaires et des dépens (art. 150 et 151 de la loi d'organisation judiciaire), statue sur les frais judiciaires lorsque le litige prend fin avant les débats par transaction judiciaire ou désistement, et arrête le montant des dépens en cas de désistement.

3 Un second juge participe à l'audition des témoins, à l'inspection oculaire et à l'interrogatoire des parties.

1

Art. 6.

Le juge peut ordonner la suspension pour des raisons d'opportunité, notamment lorsque le jugement d'un autre litige peut influencer l'issue du procès.

2 Le procès est suspendu de plein droit dans les cas spécialement prévus par la loi, ainsi que lors du décès d'une partie.

3 Dans ce dernier cas, le juge ordonne la reprise de cause dès que la succession ne peut plus être répudiée ou que la liquidation officielle a été instituée. La reprise anticipée de procès urgents par le représentant de la succession est réservée.

* Si le juge n'obtient pas les renseignements nécessaires pour suivre à la cause ni de la succession ni de l'autre partie, l'affaire est rayée du rôle.

1

Juge délégué à l'Instruction.

Suspension du proci;.

1038 Procès-verbal.

Dossier judiciaire.

Art. 7.

Le procès-verbal est dressé séance tenante. Il mentionne les réquisitions des parties et les ordonnances du juge, ainsi que l'essentiel des allégations de fait qui ne sont pas contenues dans les écritures des parties, les résultats de l'inspection oculaire, les déclarations des témoins et des experts et celles des parties au cours de leur interrogatoire.

2 Le greffier donne lecture de ces déclarations ou les fait lire à leurs auteurs; ceux-ci les contresignent. A la fin de la séance, si les parties le demandent, le greffier leur lit le reste du procès-verbal pour qu'elles puissent y faire éventuellement apporter des modifications; mention est faite de cette lecture.

s Des transcriptions certifiées conformes par le greffier sont jointes aux procès-verbaux sténographiés.

1

Art. 8.

Le procès terminé, les titres probatoires sont restitués contre récépissé aux personnes qui les ont produits. Le dossier judiciaire contenant les écritures des parties, les procurations de leurs mandataires, les ordonnances et les avis du juge, les procès-verbaux et l'expédition du jugement est déposé aux archives.

TITEE

TROISIÈME

DÉLAIS ET CITATIONS, DÉFAUT ET RESTITUTION Délais et citations.

Forme de la notification.

Art. 9.

Le juge fixe les délais qui ne sont pas prévus par la loi et ordonne les citations.

Art. 10.

1 Les communications judiciaires sont notifiées à la partie ellemême ou à son mandataire.

2 Si tous les deux sont domiciliés à l'étranger, ils doivent élire en Suisse un domicile où les notifications puissent leur être faites; à ce défaut, le juge peut s'abstenir de la notification ou y procéder par publication selon l'article 11.

3 En règle générale, les ordonnances et les jugements sont notifiés par la poste selon le mode prévu pour la remise des actes judiciaires; ils peuvent aussi être notifiés d'une autre manière, mais contre récépissé.

4 Pour les notifications à faire à l'étranger, la procédure est celle qui est prévue par les conventions internationales; en l'absence de

1039

traités, la signification est faite par l'intermédiaire du département fédéral de justice et police.

Art. 11.

Lorsque l'adresse du destinataire est inconnue, la notification a lieu par publication. La demande n'est notifiée par cette voie que si le demandeur a fait les démarches qu'on pouvait exiger de lui pour découvrir l'adresse du défendeur.

2 La notification qui doit être faite à l'étranger peut aussi avoir lieu par publication si l'on doit admettre qu'il serait impossible de l'obtenir.

3 La publication se fait par insertion dans la Feuille fédérale et, si le juge l'estime utile, dans d'autres journaux. La notification est réputée faite le jour où paraît la Feuille fédérale.

1

Art. 12.

A moins que la loi n'y attache d'autres effets, l'omission d'un acte de procédure a pour seule conséquence que l'instance suit son cours sans l'acte omis.

2 Lorsqu'une partie fait défaut à une audience, celle-ci a néanmoins lieu. Les conclusions et moyens présentés jusqu'alors par la partie défaillante restent acquis.

3 Lorsque, par suite de l'omission d'une écriture ou du défaut d'une partie, des faits avancés par la partie adverse n'ont pas été contestés, la preuve doit être néanmoins ordonnée s'il y a des raisons d'en douter.

4 Une copie du procès-verbal de l'audience est notifiée à la partie défaillante. La notification n'a pas lieu lorsque, d'après l'article 11, elle devrait se faire par publication.

5 Lorsque les deux parties font défaut à une audience, le juge les invite à s'expliquer. S'il constate que leur défaillance est injustifiée, il peut rayer l'affaire du rôle et mettre les frais à leur charge par parts égales.

Art. 13.

1 La restitution pour inobservation d'un délai ou pour défaut de comparution est accordée à condition que le requérant ou son mandataire ait été empêché, sans sa faute, d'agir ou de comparaître.

La demande de restitution doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé. En cas d'inobservation d'un délai, l'acte omis doit être accompli dans ces dix jours. Le requérant doit rendre l'empêchement plausible.

1

Notification par publication.

Conséquences de l'omission et du défaut.

Restitution.

1040 2

La restitution est refusée si elle n'influence manifestement pas l'issue du procès.

3 Le juge délégué statue sur la requête lorsque c'est lui qui a ordonné l'acte de procédure omis; dans les autres cas, le tribunal est compétent.

TITRE

QUATRIÈME

PARTIES ET PARTICIPATION DE TIERS AU PROCÈS Capaciti d'ester en justice.

Intervention.

Dénonciation do litige.

Art. 14.

Toute personne est capable d'ester en justice dans la mesure où elle a l'exercice des droits civils.

Art. 15.

Celui qui rend plausible l'intérêt juridique qu'il a à ce qu'un litige pendant entre d'autres personnes soit tranché en faveur de l'une des parties peut intervenir pour se joindre à celle-ci. Jusqu'aux débats, c'est le juge délégué qui décide de la recevabilité de l'intervention; aux débats, c'est le tribunal. La décision du juge délégué peut, dans les dix jours, être déférée au tribunal par les intéressés.

2 En tant que l'état de la procédure le permet, l'intervenant peut articuler tous moyens et accomplir tous actes de procédure qui ne sont pas incompatibles avec ceux de la partie dont ü soutient la cause.

3 Toutefois, l'intervenant peut procéder indépendamment de la partie dont il soutient la cause lorsqu'on vertu du droit applicable au fond le jugement aura effet directement sur les rapports juridiques entre lui et la partie adverse.

4 Le juge communique aussi ses ordonnances à l'intervenant ; lorsque celui-ci procède de façon indépendante, toutes les notifications lui sont faites comme à, la partie dont il soutient la cause.

1

Art. 16.

Lorsqu'une partie dénonce le litige à un tiers contre lequel elle estime avoir, si elle succombe, une action en garantie ou en dommages-intérêts, ou envers lequel elle pourrait être appelée à répondre de l'issue du procès, ce tiers peut, de ce seul chef, se joindre au dénonçant en qualité d'intervenant.

2 Ce droit appartient aussi aux tiers auxquels le dénoncé a de son côté dénoncé le litige.

3 Lorsque la dénonciation du litige est notifiée par le juge, il en indique les causes et l'état où se trouve le procès.

1

1041 Art. 17.

Une personne ne peut se substituer à l'une des parties qu'avec le consentement de l'autre.

2 Le substitué et le substituant répondent solidairement des frais judiciaires faits jusqu'à la substitution.

3 Le changement des personnes n'entraîne pas substitution de parties lorsqu'il s'opère par succession universelle ou en vertu de dispositions légales spéciales.

1

Art. 18.

Sous réserve de l'article 29, 5e alinéa, de la loi d'organisation judiciaire, les parties peuvent procéder elles-mêmes ou se faire représenter par un mandataire muni d'une procuration, 2 Les dispositions du code des obligations sur l'étendue et l'extinction des pouvoirs régissent aussi les effets de la procuration à l'égard du tribunal.

3 Le juge annule d'office les actes de procédure faits par un mandataire sans pouvoirs et qui n'ont pas été ratifiés par le représenté.

Les frais de l'instance sont mis à la charge du mandataire.

1

TITRE

Substitution de parties.

Représentation des parties.

CINQUIÈME

ÉCHANGE DES ÉCRITURES

Art. 19.

Les parties articulent à la fois tous leurs moyens d'attaque et de défense. L'article 30, 1er alinéa, est réservé.

2 L'état de fait et les moyens de preuve ne peuvent être complétés subséquemment que s'il n'était pas possible de les produire auparavant ou si le retard est excusable pour d'autres raisons, ou encore si le juge prend en considération d'office de nouveaux moyens. Dans ce dernier cas, la partie en cause supporte les frais occasionnés par le retard.

Art. 20.

1 Les mémoires sont produits en nombre suffisant pour le tribunal et chaque partie adverse. Lorsque plusieurs demandeurs ou plusieurs défendeurs ont constitué un mandataire commun, il suffit de leur notifier un seul exemplaire.

2 Lorsqu'il manque des exemplaires ou la procuration écrite du mandataire, il est procédé selon l'article 30, 2e alinéa, de la loi d'organisation judiciaire et, lorsque le mémoire est insuffisant dans la forme ou inconvenant, selon le 3e alinéa.

1

Production des moyens d'attaque et de défense.

Nombre des mémoires.

1042 Litispendance.

Causes d'irrecevabilité.

Demande.

Cumul de demandes.

1. Cumul 'objectif. ~ 2, Cumul subjectif (consorts).

Art. 21.

L'instance est introduite par le dépôt de la demande écrite au Tribunal fédéral.

2 Le. tribunal reste compétent même ai les faits constitutifs de sa compétence sont modifiés subséquemment. L'aliénation en cours d'instance de l'objet en litige ou la cession du droit litigieux n'influence pas la qualité pour agir ou défendre.

3 Pour le surplus, la litispendance n'a pas pour effet de fixer l'état de fait à l'époque du dépôt de la demande.

1

Art. 22.

La demande est irrecevable lorsque l'action est déjà pendante ou a déjà été l'objet d'un jugement passé en force.

Art. 23.

La demande doit contenir: a. Le nom, le domicile et la désignation exacte des parties; b. Les conclusions du demandeur; c. Les indications nécessaires pour apprécier la compétence du Tribunal fédéral; d. L'exposé succinct et clair des faits invoqués à l'appui des conclusions ; e. L'indication précise, pour chaque fait, des preuves offertes, avec mention des numéros du bordereau des annexes (lettre /) ; /. Le bordereau numéroté des annexes; g. La date et la signature de l'auteur de l'acte.

Art. 24.

Le demandeur qui entend exercer plusieurs actions contre le même défendeur peut les joindre dans une seule demande si le Tribunal fédéral est compétent pour connaître de chacune d'elles. Cette condition n'est pas exigée pour des prétentions accessoires.

2 Plusieurs personnes peuvent agir comme demandeurs ou être actionnées comme défendeurs par la même demande: a. S'il existe entre elles une communauté de droit ou si leurs droits ou leurs obligations dérivent d'uno même cause. Le juge peut appeler en cause un tiers qui fait partie de la communauté de droit. L'appelé en cause devient partie au procès; b. Si des prétentions de même nature et reposant essentiellement sur une cause matérielle et juridique semblable forment l'objet 1

1043 du litige et que la compétence du Tribunal fédéral soit donnée à l'égard de chacun d'elles.

3 Le juge peut en tout état de cause ordonner la disjonction, s'il l'estime opportun.

Art. 25.

Une action peut être intentée à l'effet de faire constater l'existence ou l'inexistence d'un rapport de droit lorsque le demandeur a un intérêt juridique à une constatation immédiate.

Art. 26.

Le demandeur peut modifier ses conclusions ou en prendre de plus amples, pouvu qu'elles soient en rapport avec la demande primitive.

2 L'allégation de faits nouveaux à l'appui des conclusions modifiées n'est possible que dans les limites de l'article 19, 2e alinéa.

1

Art. 27.

Le demandeur peut retirer sa demande avant qu'elle soit notifiée au défendeur. Le juge délégué le rend attentif à cette faculté lorsque la demande est irrecevable pour vice de forme.

2 Si, dans les vingt jours, l'instance est réintroduite et l'erreur réparée, le début de la litispendance est reporté au jour du dépôt de la première demande. Il en va de même dans le cas où le tribunal a éconduit le demandeur pour vice de forme.

3 Après qu'elle a été notifiée, la demande ne peut être retirée qu'avec le consentement du défendeur; à ce défaut, le retrait vaut désistement. L'article 73, 3e alinéa, est réservé.

1

Art. 28.

La demande est notifiée au défendeur avec fixation d'un délai pour y répondre.

2 Si le défendeur requiert des sûretés en garantie des dépens (art. 150, 2e al., de la loi d'organisation judiciaire), le cours du délai pour la réponse est suspendu. Le juge fixe un nouveau délai pour la réponse dès qu'il a rejeté la requête ou que les sûretés ont été fournies.

Art. 29.

La réponse doit contenir: · a. Toutes les exceptions contre la recevabilité de la demande, avec motifs à l'appui; b. Les conclusions au fond; 1

Action en constat.

Modification de la demande.

Retrait de la demande.

Notification de la demande.

Répons« à la demande.

1044

c. Le cas échéant, la demande reconventionnelle du défendeur (art. 31); d. La réponse aux moyens de la demande et l'exposé succinct et clair des faits justifiant les conclusions. Les motifs à l'appui de la demande reconventionnelle peuvent être joints à la réponse ou être présentés séparément; e. L'indication précise, pour chaque fait, des preuves et contrepreuves, avec mention des numéros du bordereau des annexes (lettre /), ainsi que les oppositions aux preuves invoquées par le demandeur; /. Le bordereau numéroté des annexes; g. La date et la signature de l'auteur de l'acte.

Limitation de la réponse.

Demande reconventionnelle.

Echange ultérieur d'écritures.

Pièces annexes, désignation des moyens de preuve.

Art. 30.

Le juge délégué peut ordonner que la réponse soit limitée à la question de la recevabilité de la demande s'il a des doutes sérieux à ce sujet ou si le défendeur émet de tels doutes sitôt après la notification de celle-ci.

2 Si cette limitation n'avait pas sa raison d'être, l'échange d'écritures est complété.

Art. 31.

1 Le défendeur peut former une demande reconventionnelle pour les prétentions prévues aux articles 41 et 42 de la loi d'organisation judiciaire. Sa prétention doit avoir un lien juridique avec la demande principale ou les deux prétentions doivent être compensables.

2 La demande reconventionnelle demeure pendante même lorsque la demande principale devient caduque.

1

Art. 32.

'·La réponse est notifiée au demandeur, le cas échéant avec fixation d'un délai pour répondre à la demande reconventionnelle.

L'article 29, lettres a, b et d à g, s'applique par analogie. L'article 28, 2e alinéa, n'est pas applicable.

2 Pour le surplus, le juge délégué ordonne une réplique s'il est indiqué que le demandeur se détermine par écrit sur les allégations de la réponse. Dans les mêmes conditions, un délai peut être imparti au défendeur pour présenter une duplique.

Art. 33.

Chaque partie doit joindre à son mémoire un dossier avec bordereau numéroté, comprenant les pièces qu'elle invoque à titre de preuves et, en cas d'inscription dans des registres publics, des

1045 extraits vidimés de ces registres. Réserve est faite de la dispense de produire selon l'article 53. Si les annexes sont volumineuses, les parties signalent les passages qu'elles invoquent. Lorsqu'une partie n'a pas en sa possession les pièces dont elle entend se servir, elle indique les nom et adresse du détenteur. Les témoins invoqués sont désignés de la même manière.

TITEE

SIXIÈME

PROCÉDURE PRÉPARATOIRE

Art. 34.

Si les écritures échangées ne sont pas suffisantes pour permettre de statuer en la cause, le juge délégué ouvre la procédure préparatoire afin de fixer les points litigieux et de recueillir les preuves.

2 L'administration des preuves est renvoyée aux débats principaux lorsqu'il y a des raisons particulières pour que le tribunal prenne directement connaissance des faits de la cause. Les preuves peuvent aussi être administrées au cours des débats si ceux-ci n'en sont pas allongés outre mesure.

3 Lorsqu'une limitation de la réponse a été ordonnée en vertu de l'article 30 ou qu'une telle mesure se révèle désormais opportune, le juge délégué restreint en conséquence la procédure préparatoire; de même, il peut décider que l'instruction ne portera que sur une question de fond dont la solution est susceptible de mettre fin au litige.

Art. 35.

è 1 Les débats n'ont lieu au cours de la procédure préparatoire que s'ils sont nécessaires pour préciser les points litigieux, élucider et mettre au net les allégations des parties ou faire administrer les preuves.

2 Les parties y sont en principe convoquées personnellement.

1

TITRE

Ouverture.

Débats préparatoires.

SEPTIÈME

PREUVE 1. Dispositions générales.

Art. 36.

La preuve n'est admise que pour établir des faits pertinents ; elle ne porte que sur des faits contestés, sauf le cas où le juge doit d'office faire la lumière et sous réserve de l'article 12, 3e alinéa, concernant le défaut d'une partie.

1

Faits à prouver; aveu.

1046 2

Décision sur les preuves.

Administration des preuves en présence des parties et consultation des pièces.

Preuves à faire à l'étranger.

Libre appréciation des preuves.

Conservation de la preuve.

Droit de refuser de témoigner.

Le juge décide, en tenant compte de l'ensemble des allégations d'une partie et de son attitude au cours du procès, si, en l'absence d'un aveu formel de sa part, un fait doit être tenu pour contesté par elle.

3 Le juge apprécie librement jusqu'à quel point la révocation de l'aveu ou les additions ou restrictions qui lui sont apportées lui font perdre sa valeur.

4 II décide de même jusqu'à quel point un aveu extra-judiciaire rend la preuve superflue.

Art. 37.

Le juge n'est pas lié par les offres de preuves des parties; il ne retient que les preuves nécessaires. Il peut ordonner des preuves que les parties n'ont pas offertes.

Art. 38.

Les parties ont le droit d'assister à l'administration des preuves et de prendre connaissance des pièces produites. En vue de sauvegarder un secret industriel ou commercial d'une partie ou d'un tiers, le juge peut toutefois prendre connaissance d'une preuve hors de la présence de la partie adverse ou des deux parties.

Art. 39.

Si des preuves doivent être faites à l'étranger, il y est procédé par la voie de l'entraide judiciaire. Dans le cas où la preuve peut être recueillie par un agent diplomatique ou consulaire suisse, la requête lui est adressée.

Art. 40.

* Le juge apprécie les preuves selon sa libre conviction. Il prend en considération l'attitude des parties au cours du procès, notamment le défaut d'obtempérer à une convocation personnelle, le refus de répondre à une question du juge ou de produire des moyens de preuve requis.

Art. 4L Le juge délégué prend les mesures nécessaires pour s'assurer les preuves qui risquent de disparaître. Avant le dépôt de la demande, ce soin incombe à la juridiction cantonale.

2. Moyens de preuve.

a. Témoins, Art. 42.

1 Peuvent refuser de déposer: a. Les personnes interrogées sur des faits dont la révélation les exposerait à des poursuites pénales, à un grave déshonneur ou

1047 à un dommage pécuniaire certain, ou y exposerait leur conjoint, leurs parents ou alliés en ligne directe et au deuxième degré en ligne collatérale, leurs parents adoptifs ou leur enfant adoptif; b. Les personnes visées par l'article 321, chiffre 1, du code pénal, lorsqu'elles sont interrogées sur des faits qui, d'après cette disposition, entrent dans le secret professionnel, à moins que l'intéressé n'ait consenti à la révélation du secret.

2 Le juge peut dispenser le témoin de révéler d'autres secrets professionnels, ainsi qu'un secret industriel ou commercial, lorsque, malgré les mesures de précaution de l'article 38, l'intérêt du témoin à garder le secret l'emporte sur l'intérêt d'une partie à la révélation.

3 Les fonctionnaires de la Confédération et des cantons ne sont tenus de témoigner sur des faits dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions que dans les limites du droit administratif fédéral ou cantonal.

Art. 43.

La citation énonce sommairement les faits sur lesquels le témoin sera entendu. Mention est faite du droit du témoin à être indemnisé et des conséquences d'une absence injustifiée (art. 44).

Art. 44.

Le témoin qui se prévaut du droit de refuser de déposer n'est pas dispensé d'obtempérer à la citation, à moins qu'elle n'ait été expressément révoquée.

2 Le témoin qui, sans s'excuser, ne comparaît pas est condamné aux frais occasionnés par son absence. Il peut être amené de force à l'audience.

3 Le témoin qui, sans fournir d'excuse suffisante, n'obtempère pas à la seconde citation ou qui, malgré la menace de sanctions pénales, refuse sans raison légitime de déposer est passible des arrêts jusqu'à dix jours ou d'une amende de trois cents francs au plus.

4 Le juge délégué statue sur le droit de refuser de témoigner et prononce la peine pour insoumission ; aux débats ces pouvoirs appartiennent au tribunal.

Art. 45.

1 Chaque témoin est entendu hors de la présence des témoins qui restent à entendre. Si ses déclarations sont en contradiction avec celles d'autres témoins, il peut être confronté avec eux.

2 Le témoin est avisé, le cas échéant, de son droit de refuser de déposer, invité à dire la vérité et rendu attentif aux suites pénales du faux témoignage (art. 307 du code pénal).

1

Citation du témoin.

Défaut du témoin.

Audition.

1048 Droit d'Interroger.

Audition par commission rogatoire.

Indemnité à verser au témoin.

Renseignements

écrits.

Art. 46.

Le juge procède lui-même à l'audition du témoin. Il est loisible aux parties de demander que le témoin précise et complète sa déposition; le juge prononce sur l'admissibilité des questions proposées.

Art. 47.

Afin d'éviter des frais disproportionnés, le juge du domicile du témoin peut être chargé de l'entendre'. L'audition a lieu dans les formes prescrites par le droit cantonal.

Art. 48.

Le témoin a droit au remboursement de ses frais de déplacement.

Si son absence lui a causé une perte de gain, il en est aussi indemnisé ; il l'est pleinement s'il a besoin de ce gain pour vivre, sinon le juge lui alloue une indemnité équitable.

Art. 49.

Le juge peut recueillir des renseignements écrits auprès d'autorités et, exceptionnellement, auprès de particuliers. Il décide librement si ces renseignements ont la valeur d'une preuve ou s'ils doivent être confirmés par témoignage en justice.

b. Titres

Obligation des parties de produire des titres.

Obligation des tiers de produire les titres.

Art, 50.

Chaque partie est tenue de produire en justice les titres qu'elle détient. Si elle conteste être en possession d'un titre, elle peut être invitée, sous les peines de droit (art. 64), à indiquer le lieu où il se trouve.

2 Le juge apprécie, d'après l'article 40, l'attitude d'une partie qui refuse de produire un titre ou d'indiquer où il se trouve, ou qui intentionnellement fait disparaître le titre ou le rend inutilisable.

1

Art. 51.

Les tiers sont tenus de produire en justice les titres qu'ils détiennent, à moins que ceux-ci ne se rapportent à des faits sur lesquels ils pourraient refuser de témoigner en vertu de l'article 42.

Si le refus n'est fondé qu'en ce qui concerne certains passages pouvant être soustraits aux regards par l'apposition de scellés ou d'une autre manière, le détenteur doit produire le titre sous cette précaution.

2 Le tiers qui conteste être en possession d'une pièce peut être entendu comme témoin pour fournir tous renseignements sur le lieu où elle se trouve.

1

1049 3

Le juge applique par analogie l'article 44, 3e et 4e alinéas, au tiers qui n'obtempère pas à la sommation d'avoir à produire un titre ou qui refuse de le faire.

4 Les dispositions particulières qui régissent la production des titres d'administrations publiques de la Confédération et des cantons sont réservées.

Art. 52.

1 La preuve s'administre par la production de l'original, d'une copie vidimée ou d'une copie photographique. Le juge peut ordonner la production de l'original.

2 Avec l'autorisation du juge, les passages qui ne servent pas à la preuve peuvent être, par l'apposition de scellés ou tout autre procédé approprié, soustraits à la vue du juge et des parties.

Art. 53.

Les titres dont la production en justice n'est pas possible en raison de leur nature ou léserait des intérêts légitimes peuvent être consultés sur place.

Art. 54.

1 Lorsqu'un titre est argué de faux et que son authenticité prête à, des doutes, le juge ordonne les preuves nécessaires.

a Si la falsification d'un titre est l'objet d'une poursuite pénale, le juge peut suspendre le procès jusqu'à droit connu.

Mode de procéder.

Consultation sur place.

Contestation de l'authenticité.

c. Inspection oculaire.

Art. 55.

Chaque partie est tenue de se prêter à l'inspection de sa personne et des choses qui sont en sa possession.

2 Le juge apprécie conformément à l'article 40 le refus opposé par une partie.

3 Les tiers sont tenus de se prêter à l'inspection des choses en leur possession, en tant qu'ils ne sont pas fondés à s'y opposer en vertu de l'article 42.

4 Un refus injustifié entraîne les sanctions prévues à l'article 44, e 3 et 4e alinéas. Le juge peut en outre requérir l'aide de la police pour avoir accès aux immeubles.

8 Si la chose à inspecter peut être apportée au tribunal, elle est produite de la même manière qu'un titre.

1

Feuille fédérale. 99e année. Vol. I.

70

Obligation de se prêter à l'Inspection.

1050

Mode de procéder.

1

Art. 56.

Au besoin, le juge convoque les témoins et les experts à l'inspec-

tion.

2

S'il n'est pas nécessaire ou opportun que le juge ait une connaissance directe du fait, il ordonne que l'expert procédera seul à l'inspection. L'expert convoque les parties si le juge estime que leurs explications peuvent être utiles et si la sauvegarde d'un secret (art. 38, 2e phrase) ou la nature de la visite n'exclut pas leur présence.

d. Experts.

Mission.

Nomination.

Art. 57.

Lorsque le juge doit être éclairé sur des circonstances de la cause qui exigent des connaissances spéciales, il se fait assister par un ou plusieurs experts. Ceux-ci participent à l'instruction de la cause dans la mesure fixée par le juge et donnent leur avis sur les questions qu'il leur soumet.

Art. 58.

1 Les experts sont soumis aux mêmes cas de récusation que les juges (art, 22 et 23 de la loi d'organisation judiciaire).

2 Le juge donne aux parties l'occasion de présenter leurs objections contre les personnes qu'il se propose de désigner comme experts.

Art. 59.

L'expert doit exécuter son mandat en toute conscience et garder une parfaite impartialité. Il est rendu attentif à ce devoir au moment de sa nomination.

a L'expert qui s'acquitte négligemment de sa mission encourt une amende disciplinaire (art. 31, 1er al., de la loi d'organisation judiciaire).

Art. 60.

1 L'expert fournit son rapport motivé, soit par écrit dans le délai qui lui a été imparti, soit de vive voix a l'audience; dans ce cas, il en est dressé procès-verbal. S'il y a plusieurs experts, ils rédigent un rapport commun quand leurs avis concordent ; sinon, ils présentent des rapports distincts. Si le rapport répond aux exigences, les parties en reçoivent copie. Il leur est loisible de requérir des éclaircissements et des compléments ou une nouvelle expertise.

2 Le juge pose de vive voix ou par écrit les questions qui lui paraissent nécessaires pour élucider et compléter le rapport. Il peut faire appel à d'autres experts lorsqu'il tient le rapport pour insuffisant.

L'article 58 est applicable.

1

Obligations.

Rapport.

1051 Art. 61.

L'expert a droit au remboursement de ses débours, ainsi qu'à une indemnité arbitrée par le juge.

Honoraires.

e. Interrogatoire des parties.

Art. 62.

Le juge peut soumettre une partie à l'interrogatoire afin d'établir un fait. S'il s'agit d'un fait dont les deux parties peuvent avoir connaissance, il les interroge toutes les deux, 2 Avant de les interroger, le juge exhorte les parties à dire la vérité et les informe qu'elles pourront être obligées à renouveler leurs déclarations sous les peines de droit.

1

Art. 63.

La partie qui procède par l'organe d'un représentant légal est interrogée personnellement si elle est capable de discernement et si elle a elle-même constaté le fait ; sinon, le juge entend le représentant.

a Si la partie est une personne morale, le juge désigne parmi les membres ayant qualité d'organe celui qui est interrogé ; s'il s'agit d'une société en nom collectif ou en commandite, le juge désigne l'associé qui est entendu.

3 Dans le procès d'une masse en faillite, le juge peut interroger comme partie aussi bien radministrateur que le failli.

1

Art. 64.

Lorsqu'il l'estime nécessaire d'après le résultat de l'interrogatoire des parties, le juge peut inviter l'une d'elles à renouveler ses déclarations sur des faits déterminés.

2 Avant de l'entendre, le juge l'exhorte derechef à dire la vérité et l'informe des sanctions pénales que l'article 306 du code pénal attache à la fausse déclaration d'une partie en justice.

1

Art. 65.

Le juge apprécie librement la force probante des déclarations des parties.

2 Si une partie fait défaut sans excuse suffisante bien qu'elle ait été personnellement citée, ou si elle refuse de répondre, le juge apprécie cette attitude, conformément à l'article 40.

1

Mode de procéder.

Personnes soumises à l'Interrogatoire.

Affirmation supplétolre.

Appréciation.

1052 TITRE

HUITIÈME

DÉBATS PRINCIPAUX Aasignation.

1

Art. 66.

Les parties sont avisées de la clôture de la procédure prépara-

toire.

3

Le président de la section fait citer les parties pour les débats devant le tribunal.

s L'article 34, 3e alinéa, est applicable par analogie.

Mesures d'instruction.

Plaidoiries.

Jugement.

Frais du procès.

Art. 67.

Le tribunal recueille les preuves dont l'administration a été renvoyée aux débats principaux en vertu de l'article 34, 2e alinéa.

2 Sur requête présentée dans les dix jours dès la clôture de la procédure préparatoire ou d'office jusqu'à la clôture des débats, le tribunal peut compléter les preuves administrées devant le juge délégué. Il peut aussi, lorsqu'il l'estime nécessaire, faire administrer des preuves à nouveau, notamment lorsqu'il a des raisons particulières de prendre directement connaissance d'un fait.

3 Le tribunal peut, sur requête ou d'office, renvoyer la cause au juge délégué pour complément d'instruction.

1

Art. 68.

Lorsque le tribunal estime que les preuves sont administrées, la parole est donnée aux parties pour justifier leurs conclusions et pour répliquer ou dupliquer.

2 Si un complément d'instruction est ordonné par la suite, le tribunal peut autoriser de nouvelles plaidoiries.

3 Les débats sont suivis de la délibération et de la votation.

1

Art. 69.

Le juge statue d'office sur les frais du procès, en conformité des articles 153, 156 et 159 de la loi d'organisation judiciaire.

2 Lorsqu'il y a plusieurs demandeurs ou plusieurs défendeurs, le tribunal décide selon sa libre appréciation si c'est solidairement qu'ils supportent les frais ou peuvent se les faire rembourser et dans quelle proportion entre eux, ou si c'est par tête ou proportionnellement à leur participation au procès. Il décide de même dans quelle mesure l'intervenant contribue aux frais judiciaires et aux dépens de l'adversaire de la partie qu'il soutient, ou peut se faire rembourser par lui ses propres frais.

3 Les parties produisent l'état détaillé de leurs frais.

1

1053 Art. 70.

Le jugement est prononcé séance tenante. Avec l'accord des parties, il peut leur être communiqué par écrit.

2 Une expédition contenant les motifs complets est remis à chaque partie.

3 Le greffe communique immédiatement à la partie absente une copie du dispositif du jugement. Il n'y a pas lieu de lui notifier une expédition complète du jugement lorsque, suivant l'article 11, la notification devrait se faire par publication. En ce cas, au lieu d'être notifiée, l'expédition complète du jugement est classée au dossier judiciaire; mention est faite de la date du classement.

1

Art. 71.

Le jugement acquiert force de chose jugée dès qu'il est prononcé.

2 L'autorité de la chose jugée s'étend à la décision portant sur l'existence ou l'inexistence de la créance qui est opposée par voie d'exception à la demande, jusqu'à concurrence du montant avec lequel la compensation devrait avoir lieu, 1

TITRE NEUVIÈME FIN DU PROCÈS SANS JUGEMENT Art. 72.

Lorsqu'un procès devient sans objet ou que les parties cessent d'y avoir un intérêt juridique, le tribunal, après avoir entendu les parties mais sans autres débats, déclare l'affaire terminée et statue, sur les frais du procès par une décision sommairement motivée, en tenant compte de l'état de choses existant avant le fait qui met fin au litige.

Art. 73.

1 La transaction passée entre les parties devant le juge ou remise au juge pour être consignée au procès-verbal, de même que le désistement d'une partie mettent fin au procès.

2 La transaction judiciaire peut aussi porter sur des points qui, bien qu'étrangers au procès, sont litigieux entre les parties ou entre une partie et un tiers, en tant que cela favorise la fin du procès.

3 Lorsque par voie d'exception le défendeur allègue que la prétention est inexigible ou subordonnée à une condition ou excipe d'un vice de forme, le demandeur peut retirer son action en se réservant de l'introduire à nouveau dès que la prétention sera exigible, la condition accomplie ou le vice de forme réparé.

4 La transaction judiciaire et le désistement ont la force exécutoire d'un jugement.

Prononcé du jugeméat.

Force de chose Î'iét.

Procès devenu sans objet.

Transaction judiciaire et désistement.

1054 TITRE

Force exécutoire.

Condamnation à une prestation pécuniaire.

Condamnation à faire ou à s'abstenir.

Exécution effective.

DIXIÈME

EXÉCUTION Art. 74.

1 Le jugement est exécutoire immédiatement.

2 Si le jugement subordonne la condamnation du défendeur à une condition ou à une contre-prestation, il est exécutoire dès que le Tribunal fédéral a constaté que la condition est accomplie ou la contre-prestation fournie. Le tribunal fait cette constatation à la requête du demandeur après avoir entendu le défendeur et procédé d'office aux enquêtes nécessaires, sans débats.

Art. 75.

Le jugement qui condamne une partie au paiement d'une somme d'argent ou à la prestation d'une sûreté pécuniaire est exécuté d'après les règles de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite.

Art. 76.

1 Le jugement portant condamnation de particuliers à accomplir un acte contient d'office l'avis qu'en cas d'inaccomplissement dans le délai fixé, l'obligé encourt la peine attachée à l'insoumission par l'article 292 du code pénal. Le jugement prescrivant à une partie de s'abstenir d'un acte porte menace de la même peine pour chaque contravention à la défense, 2 La poursuite pénale a lieu sur plainte de l'ayant droit (art. 28 à 31 du code pénal). Elle laisse intact le droit d'obtenir l'exécution ttu jugement.

3 Au lieu de poursuivre de force l'exécution ou après y avoir échoué, l'ayant droit peut réclamer des dommages-intérêts pour inexécution.

Art. 77.

1 L'exécution des jugements incombe au Conseil fédéral.

2 A la requête de l'ayant droit, le Conseil fédéral prend par l'intermédiaire de l'autorité cantonale ou directement toutes les mesures à cet effet; il peut notamment faire enlever par la police la chose à restituer, faire accomplir par un tiers des actes qui ne requièrent par l'intervention personnelle de l'obligé et supprimer l'état de choses contraire à une interdiction de faire, au besoin avec l'assistance de la police, ordonner le concours de celle-ci pour contraindre l'obligé à souffrir un acte.

3 L'ayant droit avance les frais nécessaires à ces mesures ; après l'exécution, le Conseil fédéral condamne l'obligé au remboursement de ces frais.

1055 Art. 78.

Lorsque le défendeur est condamné à faire une déclaration de volonté, le jugement tient lieu de la déclaration. Si celle-ci dépend d'une condition ou d'une contre-prestation, le jugement produit effet dès que le tribunal a fait la constatation prévue par l'article 74, 2e alinéa.

2 Lorsque la déclaration de volonté concerne un droit qui doit être inscrit au registre foncier, le juge délivre dans le jugement l'autorisation d'opérer l'inscription, conformément aux articles 18 et 19 de l'ordonnance du 22 février 1910 sur le registre foncier.

1

TITRE ONZIÈME MESURES PROVISIONNELLES Art. 79.

1 Le juge peut ordonner des mesures provisionnelles: a. Pour protéger le possesseur contre tout acte d'usurpation ou de trouble et faire rentrer une partie en possession d'une chose indûment retenue; b. Pour écarter la menace d'un dommage difficile à réparer, notamment le dommage résultant de la modification, avant l'introduction de la demande ou en cours d'instance, de l'état de choses existant.

3 II ne peut être pris de mesures provisionnelles pour la sûreté de créances soumises à la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite.

Art. 80.

Avant l'introduction de la demande, les mesures provisionnelles sont ordonnées par le président de la section; le procès engagé, elles le sont par le juge délégué et aux débats par le tribunal.

Art. 81.

La partie qui demande des mesures provisionnelles adresse au juge une requête écrite. Dans la procédure préparatoire ou aux débats, la requête peut être présentée de vive voix.

2 Le requérant doit rendre plausibles les faits propres à justifier les mesures sollicitées.

3 La partie adverse est entendue. S'il y a péril en la demeure, le juge peut dès présentation de la requête prendre des mesures d'urgence.

Art. 82.

1 Si les mesures provisionnelles sont ordonnées avant l'introduction de la demande, un délai peut être imparti au requérant pour intenter action.

1

Déclaration de volonté.

Causes.

Compétence.

Requête.

Délai pour ouvrir action et sûretés à fournir.

1056 3

Le juge peut exiger que le requérant fournisse des sûretés si les mesures provisionnellles ou les mesures d'urgence sont de nature à causer un préjudice à la partie adverse.

Exécution, modification, révocation*

Dommagesintérêts.

Réserve des dispositions spéciales.

Art. 83.

Les mesures provisionnelles et les mesures d'urgence sont exécutées comme des jugements, 2 Le juge peut, de son chef ou sur réquisition des parties, revenir sur sa décision lorsque les conditions ont changé.

a ll révoque les mesures provisionnelles lorsqu'elles se révèlent après coup injustifiées ou lorsque le requérant n'a pas utilisé le délai imparti pour intenter action.

1

Art. 84.

Le requérant est tenu de réparer le dommage causé par les mesures provisionnelles ou les mesures d'urgence si le droit en raison duquel elles ont été ordonnées n'existait pas ou n'était pas exigible.

2 Le Tribunal fédéral est compétent pour connaître de l'action en dommages-intérêts.

3 Si le requérant a fourni une sûreté, elle ne lui est rendue qu'une fois la certitude acquise qu'une action en dommages-intérêts ne sera pas intentée. En cas d'incertitude, le juge peut assigner à l'intéressé un délai pour agir en justice.

1

Art. 85.

Sont réservées les dispositions spéciales d'autres lois fédérales en matière de mesures provisionnelles.

TITRE

Révision.

Entrée en vigueur.

DOUZIÈME

DISPOSITIONS FINALES ET TRANSITOIRES Art. 86.

L'article 139 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 est abrogé dans la mesure où il concerne la revision des arrêts du Tribunal fédéral statuant comme juridiction unique en matière civile.

Art. 87.

1 La présente loi entre en vigueur le ...

2 Est abrogée dès cette date la loi du 22 novembre 1850 sur la procédure à suivre par devant le Tribunal fédéral en matière civile.

3 Les procès engagés sont terminés dans les formes de la loi ancienne. Les articles 3, 19 et 26 de la nouvelle loi s'appliquent toutefois par analogie.

6307

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'une nouvelle loi de procédure civile fédérale. (Du 14 mars 1947.)

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Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

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Foglio federale

Jahr

1947

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

11

Cahier Numero Geschäftsnummer

5202

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

20.03.1947

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1001-1056

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