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FEUILLE FÉDÉRALE

99e année

Berne, le 2 octobre 1947

Volume III

Paraît, en règle générale, chaque semaine.

Prix: 28 francs par an; 15 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs K.-J.Wyes, société anonyme, à Berne.

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant des mesures extraordinaires pour venir en aide aux régions atteintes par la sécheresse.

(Du 26 septembre 1947.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous présenter un rapport sur-les-effets de la sécheresse dans l'agriculture et leurs conséquences pour l'approvisionnement du pays en produits agricoles. Nous vous soumettons également un projet d'arrêté instituant des mesures pour venir en aide aux regione éprouvées.

I. AVANT-PROPOS Durant la période de guerre, les conditions météorologiques ont été favorables à la production agricole. Les agriculteurs se souviendront longtemps de 1943 en particulier, année caractérisée par une alternance harmonieuse de beau et de mauvais temps. On peut taxer de bonne également l'année 1944, bien que les pluies d'automne aient rendu difficile la rentrée des récoltes. De 1939 à 1945, la sécheresse a cependant sévi, ici et là, dans certaines parties de la Suisse romande et le Tessin. C'est en 1945 que les dommages furent les plus grands; on a pu les compenser dans une certaine mesure par le versement d'un « supplément de sécheresse » au prix du lait. L'année dernière, les vers blancs ont causé d'importants dégâts aux récoltes, sur le Plateau avant tout. Les chutes de neige furent faibles l'hiver dernier; la fonte fut anormale, l'eau ne pouvant pénétrer dans le sol fortement gelé ; aussi l'humidité du sol fut-elle insuffisante déjà au printemps 1947.

Feuille fédérale. 99e année. Vol. III.

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198 Voici comment s'exprime la station centrale suisse de météorologie à Zurich sur l'évolution des conditions météorologiques au cours des huit premiers mois de cette mémorable .année 1947: L'évolution du temps en Suisse au cours des mois de janvier à août 1947.

Valeurs normales.

Afin de fournir une base de comparaison, noua donnons dans là première ligne du-tableau suivant, pour la station de Baie, les valeurs moyennes des trois éléments climatiques les plus importants: température, durée d'insolation et précipitations. Baie est une station digne de toute confiance.

Elle est située dans une des zones de sécheresse extrême. Dans les autres régions frappées par la sécheresse, ces éléments climatiques présentent une variation annuelle de leurs moyennes mensuelles qui, du point de vue qualitatif, est tout à fait comparable à celle de Baie. Ainsi les observations de cette station peuvent être considérées comme exemple caractéristique.

La seconde ligne donne les valeurs réellement observées en 1947.

Tableau.

Mois

I.

||.

III,

IV.

V.

VI.

VII.

Vili.

IX.

X.

XI.

XII.

1. Températures moyennes en degrés Celsius -0.3 1.3 4.5 8.7 13.2 16.5 18.4 17.5 14.2 8.8 4.1 0.3 2, Températures en 1947 -2.4 -2.2 6.0 12.2 15.3 19.5 21.4 21.3 -- -- -- -- Durée d'Insolation en heures

1. Valeur moyenne .

2. Valeur 1947 ...

64 74

94 127 147 195 214 233 223 158 109 65 54 30 67 210 169 277 259 285 -- -- -- --

Précipitations mensuelles en mm

1. Valeurs moyennes 2. Valeurs en 1947 .

41 38

41 53 38 91

65 17

81 31

98 44

90 28

86 22

78 74 59 52 -- -- -- --

Au cours des deux premiers mois de l'année, le temps fut froid dans toute la Suisse. Des températures extraordinairement basses n'ont pas été observées, mais le thermomètre se maintint assez longtemps au-dessous de la normale. En plaine, les précipitations furent en certaines régions supérieures, en d'autres inférieures à ce qu'elles sont normalement. En revanche, il faut remarquer que les précipitations furent faibles en haute montagne, où elles n'ont atteint que 50 ou 60 pour cent de leur valeur normale,.

Le mois de mars a apporté dans tout le pays des précipitations abondantes, ainsi qu'un fort réchauffement. La température et les précipitations présentent un excès général et important par rapport à leurs valeurs moyennes.

Dès le début d'avril, la situation météorologique devint défavorable pendant plusieurs périodes, dont quelques-unes furent assez longues.

Nous reviendrons sur ce point un peu plus loin. Nous examinerons tout

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d'abord les observations se rapportant à la période qui nous intéresse.

La sécheresse catastrophique de certaines régions a été causée par l'action simultanée de plusieurs facteurs, qui, toutefois, ne sont pas indépendants les uns des autres.

Température et rayonnement.

Dans toute la Suisse, pendant les mois d'avril à août, les moyennes de la température furent supérieures de 2 à 3 degrés aux valeurs normales.

Dans un grand nombre de stations, on a observé des maxima de température qui n'avaient jamais été atteints depuis l'existence du réseau suisse de stations météorologiques, c'est-à-dire depuis 1864 (Zurich 37.6°, Baie 38.7°, Berne 34.8°, etc. ... ) Pour presque toutes les stations situées au nord des Alpes, la durée d'insolation fut en outre bien supérieure à ce qu'elle est normalement. Ces deux facteurs: chaleur extrême et forte insolation ont beaucoup favorisé l'assèchement.

Les précipitations.

Mais la cause principale de la sécheresse extrême est le manque de précipitations. La répartition de cet élément étant de nature compliquée, nous l'avons représentée sur la carte ci-jointe, que nous avons établie en utilisant les observations des 400 stations pluviométriques suisses.

Les précipitations globales pour les mois d'avril à août ont été évaluées en pourcent de leurs valeurs moyennes, telles qu'elles résultent d'une série d'observations s'étendant sur un grand nombre d'années.

La sécheresse a plus particulièrement affecté la région de Baie, celle de Hallau et du cours inférieur de la Thour, la vallée de l'Aar de Bienne à Aarau, ainsi que le Plateau entre l'Emme et la Reuss. Dans ces régions, les précipitations n'ont pas atteint 40 pour cent de la normale. Cela signifie, pour une période de 4 mois, un déficit d'eau tout à fait exceptionnel.

Dans les autres régions du Plateau comprises entre Berne et Frauenfeld, ainsi que dans les régions nord du pays comprises entre Delémont et Schaffhouse, les précipitations atteignent environ la moitié de la normale. La situation est un peu plus favorable en Suisse occidentale, où l'on note sur le Plateau 60 à 70 pour cent, dans le Jura 70 à 80 pour cent de la normale.

Dans le Valais, les précipitations varient entre 50 et 80 pour cent de la normale, qui est petite. Le sud du Tessin a été relativement sec, tandis que dans les Alpes on a enregistré
une quantité d'eau dépassant en général 70 pour cent de celle qui tombe en moyenne. Les précipitations ont présenté même un léger excès dans certaines parties des Grisons.

Un certain nombre de facteurs dont il est très difficile d'évaluer quantitativement l'influence se sont opposés à l'assèchement des régions alpines.

Les plus importants d'entre eux sont la température relativement basse à haute altitude, les ombres portées par le relief, l'humidité due à la proximité des névés et des glaciers.

Fig. l

201

En résumé, nous constatons que, pendant la période de végétation de 1947, les conditions climatiques ont été dans diverses régions de notre pays situées au nord des Alpes beaucoup plus extrêmes qu'elles ne le sont normalement dans la partie centrale du Valais, qui est la région la plus sèche de Suisse et où les cultures nécessitent une irrigation artificielle. Dans le tableau suivant, nous donnons les valeurs moyennes, établies sur la base d'observations s'étendant sur un grand nombre d'années, pour la station de Sierre.

Valeurs normales de la station de Sierre, note i.

il. ni. iv.

v. vi. vu. vu). IX. x.

Températures en degrés Celsius. . . -1.5 1.5 5.2 10.4 14.2 17.4 19.3 18.0 16.1 9.3 Durée d'insolation en heures . . . . . . 93 115 144 165 201 212 234 236 179 133 Précipitations en mm 39 54 51 39 35 40 48 60 46 46

xi. XII.

3.8-0.7 93 71 35 43

Le climat de cette année dans les régions de sécheresse situées au nord des Alpes est analogue au climat habituel d'été de l'Italie centrale, des Balkans et du sud de la Russie.

Fréquence des périodes de sécheresse extrême.

Quoique les observations climatologiques faites à l'aide d'instruments précis ne s'étendent qu'à des périodes de 80 à 100 ans, on peut à l'aide de l'analyse mathématique de ces séries d'observations conclure à la possibilité d'anomalies extrêmes. Nous faisons ici abstraction des variations séculaires, lentes, au cours desquelles le climat d'un endroit peut se modifier complètement. La probabilité mathématique de situations extrêmes est très petite. Une étude de ce sujet nécessiterait une série d'observations s'étendant sur une période fort longue. D'anciennes chroniques permettent cependant de tirer certaines conclusions quant au climat des temps passés. On trouve ainsi dans chaque siècle des situations climatiques tout à fait extrêmes: sécheresse, grande humidité, forte chaleur, grand froid, etc. ... Nous ne signalerons ici que quelques étés extraordinairement secs.

1473. Printemps très chaud, été très sec. A partir du 20 juin, 9 à 12 semaines sans aucune pluie. Pas de foin, pas de fruits, le bétail périt. En beaucoup d'endroits, les raisins se dessèchent. (Aegidii Tschudi Chronicon Helveticum, publié par J. E.. Iselin, Baie 1734. -- Aegidius Tschudi vécut de 1505 à 1572.) (Christian Wurtisen. Basler Chronik bis zum Jahr 1580.

Bd. I. Bàie 1765, Bd. II 1772.) (Joh. Gross. Kurze Basler Chronik. Basel 1624.)

1540. L'été de cette année est appelé dans toutes les chroniques: « l'été chaud ». Beaucoup de moulins furent condamnés à l'inactivité.

Etiage extrêmement bas de la Limmat. Maturité des cerises à fin mai, des raisins dès le début de juin, peu de foin et de regain. La chaleur fut

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si grande en août que les chênes et les noyers perdirent leur feuillage et les noix tombèrent.

En certains endroits on rencontra dans le terrain des fentes si larges qu'on pouvait y introduire les pieds en s'asseyant sur leurs bords.

1623. Eté très chaud. Presque 12 semaines sans pluie. (Joh. Gross.

Kurze Basler Chronik. Bàie 1624.)

1727. Le froid est si grand, au début de mai qu'il ne tombe pas même de la neige. L'été est si chaud que dans les églises on prie pour la pluie qui tombe au début de septembre. On se baigne jusqu'en octobre dans le Rhin.

(Basler Historische Chronik von Joh. Heinrich Philibert, 1545--1743.)

Depuis le début des observations climatologiques régulières et exactes, c'est-à-dire depuis 1864, on n'a pas connu d'année aussi chaude et aussi sèche que 1947. Les étés chauds de 1911 et 1921 ne furent pas aussi extrêmes.

En 1911, la sécheresse fut, il est vrai, très grande, mais de beaucoup plus courte durée. Elle ne.s'étendit que de fin juin à mi-septembre. Pendant cette période, les stations suivantes reçurent en pourcent de la normale les quantités de pluie que voici : Altstätten

26%

Zurich

31%

Bâte

Berna

Lausanne

Ganèv«

Lugano

29%

21%

34%

40%

101%

En revanche, les précipitations furent en mai et juin plutôt supérieures à la normale. En mai 1947, dans les régions de sécheresse, il est tombé dès avril en moyenne moins de 40 pour cent de la quantité normale de pluie.

Les causes de la situation climatique anormale.

En tant que les cartes météorologiques permettent d'en juger, la cause immédiate de la situation exceptionnelle des cinq mois passés doit être recherchée dans un déplacement des grands centres d'action de l'atmosphère déterminant le caractère du temps en Europe centrale. La cause véritable de ce changement n'est pas connue, et l'on ne peut sur ce point faire que des hypothèses très vagues. Un facteur déterminant le temps dans notre pays est ce qu'on appelle la zone de hautes pressions des Açores.

Normalement, ces hautes pressions s'étendent sur l'Océan des côtes orientales de l'Amérique du Nord à l'Espagne et à l'Afrique du Nord (fig. 2).

Dans ce cas, l'Europe occidentale et centrale sont soumises à un flux d'air relativement humide de l'ouest ou du nord-ouest. Lorsque le centre de cette zone de hautes pressions se rapproche de l'Europe centrale, le flux d'ouest est affaibli ou supprimé.

Ce phénomène se produisit au cours des mois de mai, juin et juillet.

Lorsqu'une telle situation s'établit au coeur de l'été, la forte insolation provoque des courants régionaux, .et locaux. Dans la région alpine, cette circulation régionale consiste en un échange de masses d'air entre les

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Fig. 2

Légende: Tief = basse pression feuchte Meeresluft = air marin humide Hoch = haute pression trockene Luft = air sec warme Mittelmeerluft = air chaud de la Méditerranée.

régions préalpines et les Alpes. Il en résulte assez fréquemment dans les Alpes et dans les Préalpes la formation d'orages ou d'averses de caractère local. En août, la "bande de hautes pressions s'étendit jusque sur le nord de l'Europe (fig. 2). Il en résulta une aggravation importante de la situation.

De vastes régions de l'Europe furent .pendant longtemps privées totalement de l'afflux d'air maritime et subirent, en revanche, l'influence des vents du nord-est dirigeant vers l'Europe centrale de l'air sec provenant de la plaine russe.

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Fig. 3

II ressort de ces faits que la sécheresse n'a pas atteint que notre pays.

Nous avons là un phénomène de grande envergure qui a atteint d'une manière plus ou moins prononcée toute l'Europe centrale, ainsi qu'une partie du nord et de l'ouest du continent, II est évident que la sécheresse ne s'est pas manifestée partout au même degré. Des influences régionales ou locales ont été favorables aux cultures, comme cela fut le cas dans les Alpes, où. les précipitations sont en général abondantes.

Nous ne recevons malheureusement de l'étranger que très peu de données climatologiques. D'une manière générale, nous ne connaissons pas la quantité de pluie tombée dans les pays voisins. Les seuls chiures qui nous soient parvenus à cet égard proviennent de France et de Hongrie. Ils confirment

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les conjectures que nous venons de faire, à savoir que dans de vastsa régions de ces pays les précipitations ont présenté des déficits considérables.

La sécheresse de cette année a de graves conséquences, tant pour l'agriculture que pour notre économie tout entière. Le ravitaillement du pays cause de nouveau de sérieux soucis. Seules des mesures à long terme et l'affectation de sommes importantes permettront d'atténuer la détresse dans les régions éprouvées.

La situation est telle qu'une seule mesure de secours ne peut suffire: il y a de nombreux problèmes particuliers à résoudre, et les solutions qui leur seront données devront se compléter réciproquement. Nous traiterons de l'ampleur des dommages dans le chapitre suivant.

Il est urgent d'organiser des secours. La détresse est d'ordre matériel aussi bien que moral. Les paysans subissent des pertes en raison du manque de fourrage, de l'abatage d'animaux de rente et du fait que les semis n'ont pas levé. Ils n'auront de nouveau pas grand'chose à récolter l'an prochain.

Une grande partie de la population agricole est profondément affectée par ce coup du sort.

Les conditions naturelles imposant au paysan suisse un mode d'exploitation varié, l'organisation d'une oeuvre de secours pose des problèmes particulièrement délicats, vu qu'ils convient de tenir compte de la diversité des situations individuelles. La collectivité a le devoir d'aider de son mieux les agriculteurs éprouvés, mais son intervention ne peut être que limitée. C'est donc aux intéressés qu'il incombe de fournir l'effort principal pour surmonter les difficultés qui les accablent. Ils devront faire preuve d'initiative et s'armer de patience, car ils se ressentiront encore pendant quelques années de la sécheresse de cet été. Seuls ceux qui mettront tout en oeuvre pour parer à une aggravation des effets du fléau retireront le maximum d'avantages de l'aide de la collectivité. Une oeuvre de secours bien étudiée peut sans aucun doute donner aux cultivateurs l'impulsion nécessaire pour remédier eux-mêmes dans une large mesure à leur situation.

Nous venons de traverser la période de sécheresse la plus longue qu'on ait enregistrée depuis le début des observations météorologiques scientifiques en Suisse, L'absence de pluies régulières a nui d'une manière directe à l'agriculture, et ses
répercussions se font aussi sentir dans l'artisanat, l'industrie et le commerce. Au cours des années à venir, les ressources fiscales des communes et des cantons des régions touchées seront sensiblement amoindries, ce qui fait encore ressortir la nécessité d'entreprendre une vaste oeuvre de secours. Plus l'aide des pouvoirs publics sera rapide, plus elle sera efficace.

206 II. LES DÉFICITS DE RÉCOLTE DUS A LA SÉCHERESSE 1. Les dommages causés aux cultures de céréales, de plantes sarclées et aux fourrages ligneux.

La sécheresse de cette année a influencé parallèlement à son évolution, c'est-à-dire progressivement, le rendement de l'agriculture. Les dégâts, apparus déjà partiellement pendant le deuxième trimestre, sont particulièrement considérables pendant le troisième. Ainsi, plus les cultures ont mûri tôt, moins elles ont souffert. La récolte de foin, en particulier, est encore taxée de bonne en général pour ce qui concerne la quantité et de très bonne quant à la qualité. La pénurie de fourrage sec provient de la récolte partiellement déficitaire -- dans certaines régions même absolument nulle -- de regain, c'est-à-dire des 2e et 3e coupes et depuis lors du manque presque total d'herbe. Pour les cultures de plantes sarclées, on constate le même déficit graduel. Les végétaux à maturité précoce tels que le colza d'automne, l'orge d'automne, le seigle, les pommes de terre hâtives ont beaucoup moins souffert que les variétés mi-précoces et tardives de céréales ou de pommes de terre, les betteraves fourragères, les betteraves sucrières et les légumes tardifs.

Pour mesurer les pertes déjà enregistrées et celles qui surviendront encore, il faut se fonder sur les rendements de la culture des plantes. Dans ce secteur, on constate avant tout un déficit du fourrage nécessaire à l'exploitation, déficit entraînant une réduction de la production animale et, dans une plus faible mesure, une pénurie de produits de la culture des champs destinés à la vente directe. L'évaluation des dommages doit embrasser non seulement les pertes subies jusqu'ici, mais également celles que les conditions climatiques actuelles laissent prévoir jusqu'à la fin de l'année. Il convient enfin de prendre en considération les conséquences que ces pertes auront dans le proche avenir. Même en tenant compte, autant que possible, de tous les facteurs, on ne peut prétendre donner qu'un aperçu entaché dea insuffisances d'une estimation. Nous indiquons plus loin les pertes calculées, dans l'ordre de leur importance, ainsi que quelques chiffres comparatifs permettant une appréciation d'ensemble. Les déficits de la production fourragère se rapportent au fourrage vert, aux fourrages secs de la 2e et 3e coupe,
aux cultures fourragères, y compris le maïs à ensiler, aux pommes de terre fourragères, aux céréales fourragères, aux betteraves, ainsi qu'aux produits secondaires de la culture des betteraves sucrières. Ajoutons que la pénurie de paille se fera d'autant plus sentir dans l'inventaire des fourrages qu'on a dû en distribuer au bétail des quantités toujours plus grandes ces dernières années. Sur la base de son enquête, l'union suisse des paysan« estimait, au début d'août déjà, le déficit en fourrages secs à 350 000 tonnes environ.

. . - . - , .

Dans différentes régions, les paysans ont été obligés dîentamer le foin nouveau -dè^-Ia.- fin.juin, le fourrage vert faisant défaut depuis bientôt

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trois mois. Certaines exploitations ont déjà consommé à peu près tout leur foin et ne disposent plus d'aucun fourrage pour l'hiver.

Les rendements des pommes de terre tardives atteindront à peine 130 qm par ha, contre environ 200 en 1945. H en est de même pour les betteraves fourragères ou sucrières. La sucrerie d'Aarberg suppute les livraisons à 15 ou 16 000 wagons, au lieu des 22 000 qu'elle attendait. On estime, pour l'ensemble du pays, le déficit moyen de la production fourragère à 15 pour cent au moins d'une récolte normale. Les dommages étant très inégalement répartis, les chiffres varient fortement d'une région à l'autre.

Alors que la récolte est satisfaisante dans les zones favorisées, les pertes dépassent 40 pour cent dans les contrées les plus atteintes. Les conséquences s'en font sentir avant tout dans l'exploitation du bétail bovin et naturellement aussi dans celle des autres catégories d'animaux, bien que dans une plus faible mesure. Nous ne nous trompons certes pas en admettant que notre pays manquera l'hiver prochain du fourrage nécessaire à l'entretien du sixième environ du troupeau bovin, soit de 200 à 250 000 pièces de gros bétail, au cas où l'on ne réussirait pas à le remplacer partiellement par du fourrage importé. Cela ne signifie nullement qu'on doive abattre un nombre aussi élevé de têtes de bétail. En éliminant rapidement les sujets les moins rentables, en réduisant fortement les rations, en recourant aux fourrages de remplacement les plus divers, le possesseur de bétail s'efforce en effet de maintenir le plus longtemps possible le reste de son troupeau. A ce régime les animaux maigrissent, la production laitière diminue fortement, mais de cette manière les paysans auront encore au moins un nombre minimum de vaches pour continuer l'exploitation au retour de l'affourragement vert.

A ce propos, on peut à juste titre poser la question: quelles réserves provenant des récoltes précédentes existent encore chez les agriculteurs des régions atteintes par la sécheresse ? Afin de compenser les mauvaises récoltes éventuelles, les paysans disposaient toujours après l'hivernage d'un petit stock de foin en excédent. Les conditions de la période de guerre et des dernières années ont cependant obligé les possesseurs de bétail à abandonner cette sage habitude, les rendements annuels en
fourrages secs ayant diminué progressivement avec l'extension de la culture des champs.

Il convient d'ajouter à cela les livraisons de foin destiné à l'armée et aux besoins civils, ainsi que la réduction progressive des attributions de fourrages concentrés. L'agriculteur avait, d'une part, l'obligation de produire le plus ;possible et, d'autre part, celle de ne pas réduire son troupeau au delà de la mesure correspondant à ses disponibilités en fourrage. En outre, l'importation de foin et de paille a fléchi d'année en année, sans jamais pouvoir remonter depuis la fin de la guerre au niveau de jadis. Comme il n'y avait aucune réserve notable de fourrage dans les exploitations agricoles, la sécheresse a frappé l'agriculture à un moment particulièrement défavorable, d'autant plus que depuis la fin de la guerre on avait naturellement tendance à reconstituer peu à peu les troupeaux selon lea possibilités de

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se procurer du fourrage. Signalons encore que pendant la guerre les agriculteurs ont pratiqué sur une échelle toujours plus grande la culture fourragère comme culture principale ou intermédiaire, compensant de cette manière les effets de la réduction des prairies naturelles. Cette méthode, en soi très rationnelle, a échoué également cette année, les semis ayant séché lors de la maturité des céréales et de nombreuses cultures dérobées n'ayant pas du tout levé. Les effets ne s'en feront pas seulement sentir dans la période d'affourragement 1947/48, mais encore pendant toute l'année 1948, et bien au delà.

La répercussion de ces pertes sur notre ravitaillement alimentaire n'en sera pas moins grave : on évalue le déficit à 20 000 tonnes pour les céréales panifiables, à 150 000 tonnes environ pour les pommes de terre de table, à 60 ou 70 000 tonnes pour les betteraves sucrières et à plusieurs milliers de tonnes pour les légumes et les fruits. On ne sait pas encore si et dans quelle mesure il sera possible de remplacer ces produits en augmentant le volume des importations.

2. Evolution des achats de bétail de boucherie et des livraisons de lait.

Ce sont les « réceptions » de bétail dans quelques cantons qui mettent le mieux en relief les effets de la sécheresse. Nous donnons ci-après un tableau des livraisons de gros bétail dans les cantons les plus durement touchés.

A titre de comparaison, nous faisons figurer en regard les chiffres de l'année 1946.

Canton

août 1946

août 1947

Zurich 938 2488 Berne 1638 5078 Lucerne 663 2 920 Fribourg 633 1 189 Soleure 460 1741 Baie-Campagne 193 1 133 Schaffhouse 117 736 Argovie 689 3 158 Total de la Suisse . . . . 7631 22225 II ressort de ces chiffres qu'on a livré pour l'abatage, au mois d'août seulement, 14 594 pièces de gros bétail de plus que durant le même mois de l'année précédente.

Les conditions sont encore plus graves dans certains districts: Andelfingen 104 351 Bûlach 116 459 Dielsdorf 140 523 Diessenhofen 17 157 Aarwangen 63 437 Trachselwald 72 469

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Ces chiffres donnent une image impressionnante des conditions réellement mauvaises de certaines régions. Les livraisons ne se sont pas réduites au cours des trois premières semaines de septembre, et l'on a tout lieu de penser que ces ventes forcées se prolongeront jusqu'en hiver. Il en résulte une perte en capital-bétail dont on ne peut encore mesurer ni l'ampleur, ni les conséquences. L'agriculture en général apprécie hautement la mise en valeur du bétail de boucherie réglée par l'Etat, ainsi que l'utilité dea dépôts frigorifiques de viande construits pendant la guerre. Grâce à ces deux mesures, il est au moins possible d'éviter une pression sur les prix, telle qu'elle s'est produite lors de la sécheresse de 1893 (où les vaches ne se vendaient plus que de 100 à 300 francs), ainsi que de congeler la viande en excédent et de l'entreposer en prévision de la période déficitaire de l'année prochaine.

L'influence de la sécheresse sur les livraisons du lait a été moins marquée jusqu'ici. Au début d'août, le secrétariat suisse des paysans à Brougg estimait à 5 à 6 pour cent la diminution par rapport à l'année dernière.

En août, la réduction a été de 4 pour cent ; elle a toutefois atteint ici et là 30 pour cent dans le bassin d'alimentation de la fédération laitière du nordouest de la Suisse.

Depuis quelques semaines, le ravitaillement en lait est devenu de plus en plus difficultueux, de sorte qu'il n'a pas été possible d'éviter une réduction de la ration mensuelle de lait de 11 à 10 litres. Les spécialistes craignent qu'il ne faille la réduire à 8 litres au cours des mois d'hiver. En comparaison de l'hiver dernier, cela correspondrait à une perte de 20 pour cent, ou simplement pour le semestre d'hiver à plus d'un million de quintaux représentant une valeur de 35 millions de francs.

3. Les conséquences financières de la sécheresse.

De même que les déficits de récolte varient quantitativement, les pertes financières doivent être considérées sous divers aspects. En examinant les revendications présentées en matière de prix par l'agriculture, il a fallu distinguer l'évolution des frais de production occasionnés par une récolte normale et la répercussion de la sécheresse sur les prix des produits. Concernant l'augmentation des frais, plusieurs rapports d'experts constatent, avec le secrétariat suisse des
paysans, que ces frais se sont accrus d'environ 11 pour cent de 1945 à ce jour, abstraction faite des dommages dus à la sécheresse. Ces frais se sont accrus encore plus fortement par suite des dommages de la sécheresse. Il est vrai que ces dommages varient sensiblement selon les régions. On peut procéder à une première estimation des dommages en partant du déficit global en produits, ces derniers étant calculés aux prix normaux payés aux producteurs. De cette façon, on arrive à une perte dépassant 200 millions de francs. Ce chiffre peut être considéré comme le dommage subi par notre économie nationale du fait de la sèche-

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resse. Du point de vue des exploitations agricoles, d'autres considérations s'imposent encore. Le chiffre global du déficit de la production ne saurait être regardé comme perte intégrale. Dans une certaine mesure, la sécheresse a eu pour conséquence de réduire quelque peu les frais absolus de production. Les frais fixes constituent cependant une fraction comprise entre la moitié et les 2/s des frais globaux d'une exploitation agricole ; c'est dire qu'ils sont relativement élevés. Aussi les économies faites, par exemple lors des travaux de récolte, ne sont-elles pas grandes. Elles sont d'ailleurs annihilées avant tout par le travail supplémentaire résultant d'un affourragement devenu plus compliqué. C'est pourquoi la somme de 200 millions de francs citée plus haut doit être considérée comme une perte du revenu agricole.

Mais ce n'est pas tout. La réduction des cheptels oblige les paysans à livrer à l'abattoir des animaux à des prix ne couvrant que la moitié, au plus les a/8, de leur valeur de rente. Si par exemple 50 000 pièces doivent être éliminées prématurément, cela représente une perte massive de 30 à 45 millions de francs. L'année prochaine, les conséquences financières de la sécheresse continueront à se faire sentir sous la forme des prix relativement élevés que les agriculteurs devront payer pour racheter du bétail de rente, sous la forme aussi de frais supplémentaires exigés par la mise en culture des champs. En effet, plusieurs milliers d'hectares de prairies artificielles, aménagées cette année, ont séché et devront être ensemencés à nouveau le printemps prochain. On doit également compter qu'il faudra reconstituer partiellement les prairies naturelles dans les régions éprouvées. On. doit s'attendre encore que les semis d'automne ne pourront se faire dans la mesure envisagée. C'est déjà le cas pour le colza d'automne, les mélanges fourragera destinés à être fauchés au printemps (cultures printanières) et dans une certame mesure aussi pour l'orge et le seigle d'automne. On peut donc prévoir des récoltes déficitaires pour l'année prochaine.

Ce qui précède nous permet de déduire que les pertes financières subies par les agriculteurs du fait de la sécheresse doivent être évaluées dans l'ensemble à plus de 200 millions de francs. Ce chiffre ne tient pas compte d'un préjudice important:
l'utilisation insuffisante des moyens de production, en particulier des installations et de la main-d'oeuvre pendant l'hiver. Ici et là, on envisage même déjà des mesures pour procurer une occupation accessoire à la main-d'oeuvre agricole permanente.

III. LES POSSIBILITÉS DE SECOURIR LES RÉGIONS ÉPROUVÉES PAR LA SÉCHERESSE 1. Généralités.

Les considérations qui nous incitent à proposer des mesures spéciales d'aide aux régions éprouvées par la sécheresse sont de différente nature, C'est tout d'abord obéir à un impératif de la solidarité confédérale que de

211

porter secours aux paysans et familles de paysans menacés dans leur existence par une catastrophe naturelle, inévitable et telle qu'il ne s'en est jamais produit de mémoire d'homme. L'Etat doit ici remplir un devoir d'entraide dans les limites de ses possibilités. En outre, cette assistance est d'un intérêt majeur porr l'économie nationale. Notre situation alimentaire exige en effet, comme par le passé, que notre agriculture travaille à plein rendement, afin de produire le maximum de denrées alimentaires. Les rapports de la conférence de l'organisation internationale des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, qui vient de siéger à Genève, montrent clairement combien critique est la situation dans d'importants secteurs de l'alimentation. Les prix de certaines denrées alimentaires ont atteint sur le marché international des niveaux encore jamais enregistrés et donnent une image claire de la situation actuelle. Il convient donc d'apporter aux régions éprouvées par la sécheresse une aide qui puisse limiter, dans la mesure du possible, le fléchissement de la production pendant l'hiver 1947/48 et les années prochaines. Il faut permettre en premier lieu aux agriculteurs et à leurs familles de maintenir la capacité de production de leurs exploitations et par là de sauvegarder leur existence. L'achat de denrées fourragères figure indiscutablement au premier rang des mesures à prendre à cet effet.

2. Mesures prises jusqu'ici.

Au cours du mois d'août déjà, les offices cantonaux de la culture des champs ont été chargés de distribuer aux agriculteurs victimes de la disette du fourrage concentré prélevé sur les réserves cantonales. A titre d'aide supplémentaire, on a mis à la disposition des régions éprouvées, dès la fin août, 23 000 tonnes de fourrage concentré composé de maïs, de son et de tourteaux oléagineux. Ce secours immédiat a eu certainement un effet apaisant. On a procédé en même temps à la délimitation des régions les plus particulièrement touchées. Afin qu'il soit tenu compte dans la mesure du possible de la gravité plus ou moins grande des effets de la sécheresse, les offices cantonaux de la culture des champs ont été invités à distinguer trois zones. La première est caractérisée par une production fourragère bonne, ou normale, ; elle comprend les régions ayant fourni des récoltes
satisfaisantes tant de foin que de regain et dont la production d'herbe a été suffisante pendant tout l'été. Elle englobe d'une part toutes les Préalpes et la région montagneuse qui les précède, à l'exception de la BasseEngadine et du Prattigau et d'autre part le Haut-Jura à partir des FranchesMontagnes en direction de Genève.

Dans la deuxième zone, les dégâts sont manifestes, sans être graves.

L'affourragement vert a pu être maintenu jusqu'au début d'août, bien que dans des conditions souvent difficiles. Il a été possible de récolter encore un peu de regain, et ce n'est qu'au courant du mois d'août que la sécheresse a sévi plus gravement, obligeant les agriculteurs à distribuer au bétail du

212

foin ou du fourrage ensilé. Font partie de cette zone intermédiaire de vastes régions de la Suisse romande et du Mittelland en bordure directe des Alpes.

La zone sèche proprement dite est caractérisée par le fait que la croissance de l'herbe a été insuffisante dès la fenaison et qu'on a dû, depuis la fin juin déjà, recourir à l'affourragement avec du foin nouveau. On a pu couper temporairement un peu d'herbe au mois de juillet. En outre, les cultures dérobées qui ont succédé aux pommes de terre hâtives et aux céréales n'ont pas pu lever. Même le maïs, réputé pour sa résistance à la sécheresse, a considérablement souffert. Il fut impossible de récolter du regain. La zone sèche proprement dite est caractérisée encore par l'afflux massif d'animaux aux réceptions du bétail de boucherie, ainsi que par le recul rapide des livraisons de lait. On peut englober dans cette zone les cantons de Baie-Ville, Baie-Campagne, Soleure, Argovie, Schaffhouse et quelques parties des cantons des Grisons, de Zurich, de Thurgovie, de Berne, de Lucerne, de Neuchâtel, de Fribourg, de Vaud et du Valais.

Il ressort d'une enquête faite au début de septembre par la division de l'agriculture que sur un effectif total de 821 895 vaches laitières (recensement d'avril 1947) 250 000 en chiffres ronds se trouvent dans la zone sèche proprement dite et 300 000 dans la deuxième zone. On doit donc considérer qu'environ les deux tiers du troupeau souffrent de la pénurie de fourrage.

Par une circulaire du 28 août 1947, la division de l'agriculture a invité les autorités agricoles des cantons à prendre une série de mesures pour remédier aux dommages causés par la sécheresse. C'est ainsi qu'il a été possible de placer dans les régions épargnées du bétail provenant de plusieurs cantons. Dans l'ordonnance du département fédéral de l'économie publique du 22 août 1947, la Confédération s'est déclarée prête à verser, dans les limites des crédits disponibles et sous réserve de la participation des cantons, des subsides pour réduire les frais de transport.

Les autorités cantonales de l'agriculture ont été chargées d'adresser un appel public aux propriétaires d'alpages pour leur demander de prolonger l'estivage autant que faire se pourra. Or si la chaleur persistante facilite partiellement cette mesure, souvent le tarissement des sources la
complique. Les paysans de la montagne ont en outre été invités à garder du bétail actuellement en estivage aussi pendant les mois d'automne et d'hiver.

Il a été convenu avec la sucrerie d'Aarberg que lors de la livraison des betteraves cultivées en vertu de contrats, elle se montrera largement accommodante envers les planteurs, si ces derniers en font la demande.

On a en outre recommandé aux intéressés de combiner la réduction des cheptels nécessitée par la pénurie de fourrage avec un assainissement sanitaire, c'est-à-dire d'éliminer avant tout les sujets tuberculeux. Il serait également souhaitable que l'on procédât dans les régions non éprouvées

213

par la sécheresse à l'élimination d'animaux malades ou de qualité médiocre.

Ce rajeunissement des troupeaux augmenterait considérablement la capacité de production de l'agriculture, si les vides causés par cette campagne d'assainissement étaient comblés par des sujets plus productifs achetés dans les régions atteintes par la sécheresse.

Cet assainissement du troupeau suisse serait indiscutablement profitable à toute l'économie nationale.

En vertu de l'ordonnance du 10 septembre 1947 de la division de l'agriculture du département fédéral de l'économie publique, la vente et l'acquisition de foin et de regain indigènes sont assujetties à une autorisation.

Les stocks disponibles pour la vente doivent servir en premier lieu à couvrir les besoins éventuels de la commune, tandis que les excédents importants doivent être annoncés à l'office central désigné par le canton. Les stocks non utilisés par le canton seront tenus à la disposition de la division de l'agriculture pour satisfaire aux besoins d'autres régions. Les gouvernements cantonaux peuvent déclarer obligatoire la livraison des stocks de fourrages ligneux dépassant les besoins normaux d'une exploitation et arrêter les prescriptions fixant le mode de reprise des excédents.

Ces mesures ont été très discutées. On a prétendu en particulier qu'elles intervenaient trop tard. Il ne faut cependant pas oublier que l'appareil de l'économie de guerre concernant le ravitaillement en foin et en paille est liquidé depuis longtemps et que de ce fait les cantons et les communes n'avaient aucune possibilité d'arrêter incontinent et sans préparation des prescriptions radicales.

La régie fédérale des alcools, en collaboration avec les organismes intéressés, a, pour sa part, pris l'initiative d'affecter environ 5000 wagons de poires à cidre, ainsi que d'importantes quantités de marcs de fruits à l'alimentation du bétail; elle en a en outre grandement facilité l'achat en prenant à sa charge des subsides pour réduire les frais de transport.

3. Les principales mesures de secours envisagées.

Fourrages ligneux : Le déficit le plus grand étant celui des fourrages ligneux, il a fallu se préoccuper avant tout d'importer du foin, du regain et de la paille fourragère. Or, l'importation habituelle de fourrages ligneux en provenance des pays européens se heurte cette
année à des difficultés extraordinaires, voire presque insurmontables. On doit les attribuer au fait qu'une grande sécheresse sévit également dans les pays fournisseurs.

La conséquence en est que les prix des fourrages ligneux et de la paille sont devenus prohibitifs, ou bien qu'on ne peut obtenir, dans la plupart des cas, aucun permis d'exportation. L'achat de petites quantités de fourrages ligneux ne peut se faire qu'exceptionnellement. Il a été possible de s'en procurer quelques milliers de tonnes en vertu des contrats de l'année dernière, Feuille fédérale. 99e année. Vol. III.

15

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Les perspectives d'importation sont également défavorables pour la paille.

C'est pourquoi on s'est efforcé depuis longtemps d'acheter des fourrages dans les pays d'outre-mer, au Canada et aux Etats-Unis notamment. On a déjà conclu dés achats pour plusieurs milliers de tonnes, et nous espérons pouvoir compter sur 20 à 30 000 tonnes ; cependant, les transports rencontrent de grandes difficultés.

Grâce au rétablissement des prescriptions concernant le commerce du foin et du regain, il est prévu de réserver le fourrage importé en premier lieu aux régions éprouvées par la sécheresse. A cet effet, nous envisageons une réduction du prix de façon qu'il soit supportable pour l'acquéreur.

Il devrait s'établir entre 20 francs et 25 francs par 100 kg franco gare réceptrice. Selon les prix de revient, nous comptons procéder à une réduction d'environ 15 francs par 100 kg. Nous ne prévoyons pas d'abaisser le prix de la paille pour le moment, vu que cette marchandise a une faible valeur fourragère et qu'il est plus avantageux de réserver les crédits pour des fourrages de plus grande valeur nutritive.

Fourrages concentrés : L'acquisition de fourrages concentrés est non moins importante. Depuis des mois, la société coopérative suisse des céréales et matières fourragères s'efforce d'augmenter ses importations; grâce à ses démarches, elle a réussi à importer assez de fourrage, non seulement pour assurer la répartition spéciale des 23 000 tonnes déjà mentionnées, mais encore pour mettre à la disposition de l'agriculture environ 130 000 tonnes le 1er octobre prochain. De cette quantité, 80 000 tonnes seront réservées aux vach.es laitières des régions éprouvées et 50 000 pour l'attribution ordinaire aux autres catégories d'animaux. Les travaux préparatoires de répartition du fourrage concentré sont à ce point avancés que l'on pourra accorder au début du mois d'octobre deux quintaux par vache dans les zones sèches et un quintal dans la deuxième zone. Cette quantité doit suffire pour une durée de trois mois. Pour continuer cette mesure de secours, il s'agira de mettre à la disposition des agriculteurs une quantité à peu près équivalente de fourrage concentré à partir du milieu de janvier 1948 et jusqu'au début de l'affourragement vert. La société coopérative espère pouvoir importer jusqu'alors les quantités nécessaires,
de sorte qu'un total de 160 000 tonnes sera disponible pour l'alimentation des vaches des régions éprouvées. Selon les possibilités d'importation, ce fourrage concentré sera composé vraisemblablement de maïs, d'avoine, de millet et de tourteaux oléagineux. Sa valeur nutritive correspond à celle de plus de 300 000 tonnes de foin.

En raison de la situation précaire de nombreux agriculteurs par suite du déficit de la production, il est indispensable de réduire considérablement le prix du fourrage concentré, faute de quoi le dommage serait double: perte de fourrage et achat de fourrage concentré coûteux. La réduction de prix doit s'étendre aux 160000 tonnes.

215

Le tableau ci-après donne un aperçu des prix de revient du fourrage concentré, ainsi que des prix de vente au consommateur, tels qu'ils ressortent des mesures de réduction: Avoine

Fr.

Prix de revient pour la CCF . . .

Réduction ordinaire par la Confédération Prix de vente aux importateurs . .

Marge du commerce Prix de vente aux consommateurs .

Ma»

Fr.

Millet

Tourteau de II n

Fr.

Fr.

66.50

66.50

56.--

60.--

27.-- 39.50 3.50 43.--

25.-- 41.50 3.50 45.--

16.50 39.50 3.50 43.--

14.-- 46.-- 3.50 49.50

II est clair que ce prix d'environ 45 francs est trop élevé pour les régions éprouvées. Nous jugeons indispensable de procéder à une réduction supplémentaire d'environ 15 francs. Pour le foin indigène, l'unité-amidon coûte environ 43 centimes, ce qui correspond à un prix d'environ 26 francs pour l'avoine et d'environ 33 francs pour le maïs. Grâce à la réduction supplémentaire, le prix de vente au consommateur s'établira pour le maïs par exemple à 30 francs. Le coût global de la réduction du prix des fourrages concentrés s'établit comme suit: Réduction ordinaire : 60 000 t à la charge du crédit budgétaire 1947 100 000 t à 22 fr. par q 22 millions de francs Réduction extraordinaire : 160000 t à 15 fr. par q 24 » » » Total 46 millions de francs Bâchât de bétail de rente : Nous avons signalé plus haut qu'au mois d'août 1947 le nombre de pièces de bétail bovin livrées à l'abatage dépasse de 14 594 celui du mois correspondant de l'année dernière. Force sera de compenser cette réduction du troupeau au printemps et en automne 1948 par l'achat de bétail de montagne. Le manque d'animaux sur le Plateau influencera favorablement l'écoulement du bétail dans les régions d'élevage de la montagne. On doit craindre cependant que de nombreux agriculteurs de la plaine ne disposent guère des moyens financiers nécessaires pour acheter du bétail productif l'année prochaine. Il incombera ici aussi aux pouvoirs publics de prêter leur concours.

A cet effet, il sera indiqué de tenir compte de la situation financière des agriculteurs. En raison des grandes pertes que doivent supporter la plupart d'entre eux, il conviendra de ne pas trop restreindre le nombre de ceux qui pourront bénéficier de la réduction des prix, afin de maintenir le plus possible la capacité de production du troupeau suisse. On ne devra pas seulement prendre en considération les agriculteurs non assujettis à l'impôt pour la défense nationale, mais aussi ceux qui, à ce titre, doivent payer une modeste contribution.

216

Selon les expériences faites, les génisses portantes et les jeunes vaches ne pourront être achetées au printemps qu'à des prix élevés. On doit s'attendre que l'offre ne pourra pas couvrir la demande, les paysans des régions de montagne ayant en été de nombreuses occasions d'alper leur bétail.

Les possesseurs de bétail voudront d'autre part profiter des conditions favorables de production laitière des mois d'été. On peut se procurer du bétail à meilleur compte en automne. Aussi s'agira-t-il, d'étendre probablement les mesures de réduction des prix également à l'automne 1948, éventuellement même à l'automne 1949. On doit cependant veiller à ce que les subsides accordés à cet effet n'aillent pas au commerce, mais que ce soit réellement les agriculteurs qui bénéficient de l'aide des pouvoirs publics.

Semences : La rotation des cultures (assolement) exige chaque année l'ensemencement de 30 000 à 40 000 ha de mélanges fourragers à base de trèfle. De nombreux semis ont été détruits par la sécheresse en 1947 et l'on doit compter qu'il faudra ensemencer le printemps prochain quelques milliers d'hectares en plus des surfaces normales. On doit prévoir aussi que force sera de labourer des prairies endommagées et de les mettre en culture sans les ensemencer à nouveau. C'est pourquoi il faut examiner l'éventualité d'allouer des subsides aux agriculteurs peu aisés pour leur permettre d'acheter des semences.

Assainissement dis troupeaux : Si, en raison de la pénurie de fourrage, on doit procéder à l'élimination de nombreux animaux, il apparaît rationnel de combiner cette opération avec un assainissement des troupeaux. Il convient de donner à de nombreux possesseurs de bétail la possibilité d'adopter le procédé officiel de lutte contre la tuberculose, dont l'organisation existe déjà dans tous les cantons. Si cette campagne n'a pu être entreprise sur une plus grande échelle jusqu'ici, cela tient au montant limité des crédits tant fédéraux que cantonaux. Les ressources supplémentaires ne doivent pas être réservées seulement aux régions particulièrement touchées par la sécheresse; elles doivent profiter aussi aux éleveurs des régions de montagne, dont la situation est également difficile du fait de la mévente du bétail dans la plaine.

Autres allégements: En plus des mesures destinées à promouvoir la production,
on doit examiner également les possibilités d'alléger les obligationsfinancière-?des agriculteurs dans la détresse. Dans les régions éprouvées, 011 leur a déjà garanti que pendant une période limitée ils seront dispensés de verser leurs contributions aux caisses de compensation pour perte de salaire et clé gain. Quant à la réduction des impôts cantonaux, elle constituerait un allégement efficace. On devrait de même inviter les créanciers hypothécaires à se montrer accommodants envers leurs débiteurs les plus atteints et en particulier à consentir une réduction appropriée des intérêts en faveur des agriculteurs peu aisés qui sont tombés dans la détresse du fait de la sécheresse.

217 Maints paysans de la montagne seraient en mesure de garder pendant l'hiver un nombre relativement important de pièces de bétail si on leur accordait un crédit transitoire pour les aider à remplir leurs obligations courantes. Il faudra donc conseiller aux cantons de faire le nécessaire, en collaboration avec les établissements de crédit et éventuellement aussi les caisses de secours agricoles, afin que l'on puisse conserver le plus possible de bétail.

Quant aux fermiers, ils peuvent exiger, en vertu de l'article 287 du code des obligations, une remise proportionnelle du fermage si, par suite d'accidents ou calamités extraordinaires, le rapport habituel du bien est notablement diminué. La sécheresse catastrophique de cette année constitue sans aucun doute une calamité extraordinaire telle que l'entend le législateur.

4. Aperçu des dépenses envisagées.

Les diverses mesures prévues entraîneront une dépense d'une soixantaine de millions de francs, dont -- ainsi que nous l'avons relevé -- environ 46 millions uniquement pour l'abaissement du prix du fourrage concentré.

Nous sommes conscients de la lourde charge que cela représentera pour les finances de la Confédération. L'équilibre budgétaire, qui vient d'être établi, sera de nouveau compromis, et les conditions dans lesquelles devra s'opérer la réforme des finances fédérales seront rendues plus difficiles.

Mais il s'agit pour l'heure de secourir notre agriculture, qui se trouve dans une situation à tous égards exceptionnelle. A ce propos, il convient de ne pas oublier l'immense travail qu'elle a fourni ces dernières années pour aider le pays à vivre et à conserver son indépendance durant l'une des périodes les plus critiques de son histoire. Aussi croyons-nous répondre à l'opinion publique en faisant passer pour une fois au second plan les préoccupations d'ordre financier et en renonçant à prendre des mesures spéciales en vue de la couverture des dépenses, cela afin de pouvoir organiser rapidement des secours efficaces.

Il en irait autrement si la Confédération devait de nouveau verser des subsides pour abaisser le prix de certaines denrées alimentaires. Pendant la guerre, les grands déficits et les mesures extraordinaires étaient la conséquence inéluctable des événements, de sorte que la couverture des dépenses ne jouait pas un rôle capital. De
nos jours, c'est-à-dire deux ans et demi après la fin des hostilités et à la veille de la réforme des finances fédérales, la situation est très différente. Si, au moment où tout le monde s'attend à une réduction des dépenses, il fallait abaisser les prix au moyen de subventions pour ralentir le mouvement de la spirale des salaires et des prix, on devrait prévoir la couverture des crédits ouverts à cette fin, ne serait-ce que pour des raisons d'ordre économique. L'accroissement des dépenses de l'Etat, surtout celles qui se traduisent par des déficits, contribue en effet

218

à augmenter les moyens d'achat et devient ainsi un facteur d'inflation qui neutralise, du moins partiellement, les efforts faits par les autorités pour réduire les prix. C'est pourquoi, si nous devons envisager de recourir de nouveau à une telle solution par suite de la hausse actuelle des prix, nous ne manquerons pas de proposer au parlement des mesures qui permettent de trouver des ressources correspondant aux dépenses.

Etant donné la précarité de la situation financière de la Confédération et l'impossibilité de trouver immédiatement de nouvelles recettes -- impossibilité qui subsistera peut-être -- la participation efficace des cantons se révèle indispensable. Ils devront prendre à leur charge un tiers des dépenses, le reste incombant à la Confédération. On a examiné si la Confédération ne devrait pas autoriser les gouvernements cantonaux à ouvrir eux-mêmes les crédits correspondant à la part de leur canton, mais il est apparu que, malgré l'urgence de l'intervention, une telle entorse aux règles constitutionnelles ne serait pas justifiée. Nous avons de bonnes raisons de croire que les parlements cantonaux, comme aussi, en cas de consultation populaire, la majorité des citoyens, accorderont les crédits demandés.

Des milieux étendus ont en effet déjà manifesté, ce qui est très louable, une vive sympathie pour les paysans touchés par la sécheresse et ont déclaré accepter le principe d'une aide financière extraordinaire.

IV. LES DISPOSITIONS DE L'ARRÊTÉ FÉDÉRAL L'arrêté fédéral envisagé doit permettre aux autorités d'intervenir efficacement pour atténuer la détresse dans les régions éprouvées par la sécheresse. Des secours d'une importance extraordinaire sont nécessaires; ils ne pourront être organisés que sous la conduite de la Confédération et avec le concours des cantons.

Les diverses dispositions du projet appellent encore de notre part les commentaires suivants: "L'article premier définit les conditions générales auxquelles sera subordonnée l'aide extraordinaire que le Conseil fédéral accordera aux paysans se trouvant en difficulté par suite de la sécheresse persistante. Leur détresse doit être par conséquent imputable au temps anormal de l'année 1947.

A l'article 2 sont énumérées les mesures prévues, lesquelles viseront à maintenir autant que possible la capacité de production des
exploitations atteintes par la sécheresse. En premier lieu, il conviendra d'importer de grandes quantités de denrées fourragères, qui seront distribuées à des prix très réduits aux paysans qui n'ont plus de quoi nourrir leur bétail. La deuxième mesure, qui occasionnera moins de frais, consistera à subventionner le transport du bétail déplacé. L'application des dispositions adoptées, il y a déjà plusieurs années, en vue de la lutte contre la tuberculose dé

219

l'espèce bovine doit être encouragée d'une manière énergique, en relation avec l'élimination du bétail en excédent dans les régions sèches. Est en outre prévue l'allocation de subsides pour l'achat de génisses et de vaches destinées à remplacer le bétail abattu. Seuls pourront bénéficier de cette faveur les agriculteurs non assujettis à l'impôt pour la défense nationale et ceux qui ne paient qu'une modique contribution au titre de cet impôt.

Le Conseil fédéral pourra enfin organiser d'autres secours, dans les limites du crédit qui lui sera ouvert. Toutes les prestations devront être graduées d'après la gravité de la détresse sévissant dans les régions éprouvées.

Article 3. Le budget établi montre que, pour pouvoir intervenir comme prévu ci-dessus, le Conseil fédéral aura besoin d'un crédit de 40 millions de francs, à condition que les cantons dépensent de leur côté 20 millions.

Il faut prévoir pour les différentes interventions les sommes suivantes: Réduction du prix des fourrages concentrés 46 millions Réduction du prix du foin 5 » Subsides pour le rachat de génisses et de vaches . . . .

5 » Autres dépenses 4 » L'exécution des mesures prévues par l'arrêté devrait, d'une façon générale, ne pas se prolonger au delà de la fin de 1948 et être entièrement achevée à la fin de 1949. La somme nécessaire pour l'année courante figurera dans la seconde série de crédits supplémentaires, tandis que les dépenses ultérieures seront inscrites dans les budgets de 1948 et de 1949. La constitution des ressources a déjà fait l'objet d'études approfondies. Etant donné l'urgence et le caractère extraordinaire des secours dont a besoin l'agriculture, on ne pouvait songer à créer d'emblée une recette d'une certaine importance.

L'arrêté prévoit cependant que le Conseil fédéral devra faire rapport aux chambres sur le moyen de couvrir ultérieurement tout ou partie des dépenses occasionnées par l'oeuvre de secours.

Article 4. La Confédération n'accordera des prestations que si les cantons affectent à la même destination des sommes correspondant au moins à la moitié de ses subsides. Contrairement à la règle habituelle, les subsides versés par les communes, les corporations, ainsi que les associations agricoles et laitières, seront comptés comme prestations cantonales. Dans l'ensemble, la part à la charge des cantons
s'élèvera à 20 millions de francs.

Les modalités de leur coopération seront réglées dans une ordonnance d'exécution.

L'article, ô a trait à la poursuite pénale de ceux qui, lors de l'application de l'arrêté, obtiendront ou chercheront à obtenir des prestations auxquelles ils n'ont pas droit.

Article G. Le remboursement des prestations indûment perçues peut être exigé.

220

Article 7. Les dispositions d'exécution seront édictées par le Conseil fédéral, lequel rendra compte de l'application de l'arrêté dans son rapport de gestion.

Article 8. L'arrêté doit être considéré comme étant de portée générale et déclaré urgent.

Nous avons l'honneur de vous proposer l'adoption du projet d'arrêté ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 26 septembre 1947.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le vice-président, CELIO.

8674

Le chancelier de la Confédération, Leimgruber

221

(Projet.)

Arrêté fédéral instituant

des mesures extraordinaires pour venir en aide aux régions atteintes par la sécheresse.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu les articles 316w, 32 et 64bis de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 26 septembre 1947, arrête :

Article premier.

Le Conseil fédéral reçoit charge et pouvoir d'accorder, en 194:7 et 1948 et dans lea limites des crédits disponibles, une aide extraordinaire aux agriculteurs tombés dans la détresse par suite de la sécheresse persistante.

En principe, les prestations seront mesurées d'après les besoins des régions éprouvées par la sécheresse.

Art. 2.

L'aide consistera en particulier dans des mesures contribuant à maintenir la capacité de production des exploitations atteintes. Il s'agira notamment des mesures suivantes: o. Importation de quantités supplémentaires de fourrage et cession de ce fourrage à des prix très réduits aux possesseurs de bétail manquant de fourrage; 6. Paiement d'une partie des frais occasionnés par le transport de bétail des régions sèches dans celles où l'affouragement est plus facile;

222

c. Pour l'encouragement de l'élimination accélérée des animaux tnber-^ culeux sont applicables les arrêtés du Conseil fédéral des 27 janvier 1942 et 20 décembre 1946 concernant la lutte contre la tuberculose de l'espèce bovine; d. Allocation de subsides aux agriculteurs qui n'ont pas les capitaux suffisants, pour leur permettre d'acheter des génisses et des vaches destinées à remplacer les animaux dont ils ont dû se défaire prématurément à cause de la pénurie de fourrage.

Art. 3.

Un crédit de 40 millions de francs est ouvert au Conseil fédéral pour l'exécution du présent arrêté.

L'oeuvre de secours devra être achevée, pour l'essentiel, à la fin de 1948.

Les dépenses prévues pour 1947 figureront dans la seconde série des crédits supplémentaires. La somme demandée pour 1948 sera inscrite au budget de la Confédération. Il en sera de même de celle qui pourrait être nécessaire pour 1949.

Le Conseil fédéral est chargé de faire rapport aux chambres fédérales sur la possibilité de couvrir ultérieurement tout ou partie des dépenses résultant de l'oeuvre de secours.

Art. 4.

Dans chaque cas, l'aide fédérale sera accordée dès que les cantons auront alloué un subside équivalant au moins à la moitié de celui de la Confédération. Les subsides des communes, corporations, ainsi que des associations agricoles et laitières, seront comptés comme prestations du canton.

Les autres modalités de la participation des cantons seront réglées par le Conseil fédéral, d'entente avec les gouvernements cantonaux, dans les prescriptions assurant l'exécution du présent arrêté.

Art. 5.

Celui qui, par des indications inexactes ou incomplètes, aura obtenu ou tenté d'obtenir intentionnellement, pour lui ou pour une autre personne, des prestations prévues par le présent arrêté sera puni d'emprisonnement jusqu'à trois mois ou d'une amende pouvant atteindre 5000 francs. La poursuite et le jugement incombent au canton.

Art. 6.

Les subsides ou faveurs reçus indûment devront être restitués. Les sommes et faveurs affectées à des fins déterminées devront être également remboursées, en tout ou partie, si les conditions prévues pour l'octroi

223 du subside ou de la faveur ne sont plus remplies dans la suite et si le bénéficiaire est en mesure d'opérer cette restitution. Est déterminante la valeur en espèces du subside ou de la faveur au moment de son octroi.

Art. 7.

Le Conseil fédéral édictera les prescriptions d'exécution. Il est autorisé à confier aux cantons l'application des mesures de secoure.

Il indiquera dans son rapport sur la gestion les mesures prises en vertu du présent arrêté.

Art. 8.

Le présent arrêté est déclaré urgent. Il entre en vigueur à la date de sa publication.

M74

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant des mesures extraordinaires pour venir en aide aux régions atteintes par la sécheresse. (Du 26 septembre 1947.)

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Bundesblatt

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Feuille fédérale

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Jahr

1947

Année Anno Band

3

Volume Volume Heft

39

Cahier Numero Geschäftsnummer

5295

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

02.10.1947

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197-223

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10 090 899

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