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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

l'allocation d'une subvention fédérale à l'établissement d'un réseau de chemins de fer à voie étroite dans les Grisons.

(Du 12 avril 1898.)

Monsieur le président et messieurs,.

Par lettre du 26 juin 1897, le Petit Conseil du canton des Grisons nous remettait, pour- vous être transmise, une requête du 25 du même mois tendant à obtenir de la Confédération des subventions équitables pour l'établissement d'un réseau de chemins de fer à voie étroite dans les Grisons.

Nous avons prié notre Département des Postes et des Chemins de fer, notre Département militaire et notre Département des Finances d'examiner soigneusement cette requête, et, maintenant que la question des chemins de fer suisses à été définitivement résolue par la votation populaire du 20 février 1898, nous croyons le moment venu de vous soumettre nos propositions à ce sujet.

Comme vous avez entre les mains le mémoire même du gouvernement des Grisons, nous ne croyons pas devoir en exposer le contenu d'une manière détaillée, et nous nous bornerons à en indiquer les idées principales.

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Le plus gros actionnaire des chemins de fer Rhétiens : la banque des chemins de fer suisses à Baie, ayant manifesté l'intention de vendre des actions, le gouvernement décida d'en acquérir 5,000 sur 5,500, soit pour 2,500,000 francs, plus pour 2,250,000 francs d'obligations en IIme hypothèque, qui étaient à proprement parler des actions de priorité, et de devenir ainsi propriétaire de la ligne-mère d'un réseau de chemins de fer grisons. En même temps, pour assurer le développement de ce réseau destiné à desservir et à relier entre elles les vallées principales, le canton dut s'engager à prendre pour 40,000, 50,000 ou 70,000 francs d'actions par kilomètre de ligne, suivant les frais de la construction, dans le cas où les communes y participeraient pour 25,000 francs au moins par kilomètre et céderaient gratuitement aux entrepreneurs le sol communal, ainsi que le sable, Je gravier et les pierres. La loi de subvention y relative, approuvée le 29 mai 1897 parle Grand Conseil et acceptée parle peuple le 20 juin de la même année, impose au canton les charges suivantes.

1. Achat de 5,000 actions des chemins de fer Rhétiens fr. 2,500,000 2. Achat de 2 '/4 millions d'obligations en me II hypothèque des chemins de fer Rhétiens » 2,250,000 3. Prise, à son compte, des subventions fournies naguère aux chemins de fer Rhétiens par les communes du Prättigau et de Davos » 1,500,000 4. Participation par actions aux lignes projetées Thusis-Samaden et Reichenau-Ilanz, soit en tout 73 kilomètres .

.

. » 3,750,000 fr. 10,000,000 A quoi il faut ajouter les 1,825,000 francs en actions et les 200,uOO francs environ en nature des communes intéressées aux chemins de fer de l'Engadine et de l'Oberland, soit 2 millions en chiffre rond, plus les 1,500,000 francs en actions des communes du Prättigau et de Davos.

Ces contributions ne suffisent pas à réaliser l'entreprise projetée, devisée comme suit.

Pour les chemins de fer Rhétiens existants fr. 16,000,000 Pour Thusis-Samaden .

.

.

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. » 18,000,000 Pour Reichenau-Ilanz » 5,000,000 fr.

39,000,000

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Comme il s'agit de chemins de fer de montagne, il faut ajouter à cette somme un million au moins pour imprévu, ce ce qui fait un total de 40 millions.

Le mémoire déclare que la situation économique du canton et des communes ne leur permet pas de faire de plus grands sacrifices ; dans ce canton peu peuplé et sans industrie, dit-il, la population, agricole et assez pauvre, paie des impôts déjà très-élèves ; l'impôt direct est de 10 francs par tête, et il s'y joint des impôts indirects très-lourds.

D'autre part, si on ne relie pas entre elles par des chemins de fer les différentes parties du pays, la situation économique de. viendra pire encore, car les prix de transport kilométriques pour toutes les marchandises dirigées vers l'intérieur sont de 6 à 8 fois plus élevés qu'ailleurs, les voyages de 3 à ô fois plus chers et plus lents que dans les cantons voisins, et la concurrence devient d'autant plus difficile que les lignes de l'étranger s'approchent davantage de la frontière. Dans ces conditions, il ne saurait être question d'introduire de nouvelles industries, et celle des étrangers est menacée elle-même de bien mauvais jours, car la concurrence des contrées environnantes disposant de meilleures communications peut travailler à meilleur marché. Il faut considérer notamment qu'ensuite de la construction des chemins de fer de l'Arlberg, du Gothard, de Lecco-Colico-Chiavenna, de Colico-Chiavenna et de Colico-Sondrio, le déplacement du trafic se fait pour les Grisons dans une direction centrifuge et, au point de vue commercial, désagrège le canton, ce qui est vrai surtout du trafic avec l'Engadine.

Pour remédier à ces abus longuement décrits dans le mémoire du gouvernement, le canton des Grisons se propose en première ligne d'établir un chemin de fer à voie étroite Thusis-Filisur-Samaden, pour relier l'Engadine au centre du canton, et un embranchement de Reichenau à Ilanz vers l'Oberland grison. Des projets généraux pour ces deux lignes Ont été élaborés par d'habiles ingénieurs et soumis à l'examen de la section technique du Département fédéral des Chemins de fer.

A en juger par le résultat de l'exploitation des chemins de fer Rhétiens, le réseau à voie étroite projeté peut être considérée comme devant suffire aux besoins du trafic. En ce qui concerne notamment la direction et les pentes, les nouvelles lignes ne présentent pas plus de difficultés que les chemins de fer Rhétiens; il est probable d'ailleurs que le trafic y sera

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moins considérable. Plus le réseau projeté s'étendra, plus augmentera sa puissance de transport ; son principal avantage,, en effet, c'est de former un tout organisé, ce qui facilite l'exploitation et augmente la puissance de transport en permettant de mieux utiliser le matériel et de la concentrer, suivant les besoins, sur telles ou telles sections déterminées. D'après les calculs du Département militaire, les lignes projetées répondront aussi aux exigences de transport en temps de guerre, à la condition de se procurer le matériel voulu et d'établir aux stations un nombre suffisant de voies d'éviternent. Ces installations suffiront aussi évidemment pour le trafic en temps de paix, de sorte qu'on peut considérer la construction de ceschemins de fer à voie étroite comme répondant aux buts qu'on se propose.

Aussi ne peut-on attacher aucune importance aux objections contenues dans une protestation de M. le Dr A. Vassalli, de Vicosoprano, du 8 mars 1898, contre la construction de chemins de fer à voie étroite.

Les devis, qui évaluent les frais de construction pour ThusisFilisur à 4,000,000 francs, pour Pilisur-Samaden à 13,760,000 francs et pour Reichenau-IIanz à 4,760,000 francs sont en général exacts. On a tenu un compte süffisant des difficultés géologiques et topographiques, qui expliquent que les frais par kilomètre soient notablement plus élevés que ceux des autres chemins de fer suisses de montagne à voie étroite. Cette comparaison fournit aussi la preuve que les évaluations sont en somme suffisantes.

Voici, en effet, quels sont les frais de construction par kilomètre pour les lignes suivantes.

Thusis-Filisur fr. 186,000 Pilisur-Samaden (avec tunnel) .

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» 435,700 » » (sans tunnel) . » 260,000 Reichenau-Ilanz » 246,000 Landquart-Davos .

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. 138,252 Chemins de fer Rhétiens, tout le réseau .

. » 148,781 Briinig » 152,578 Oberland bernois » 138,188 Brenets-Locle .

.

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. » 206,435 Yverdon-Ste-Croix » 124,716 L'infériorité de certains chiffres vient de ce que les sections de vallée et les sections de montagne ne sont pas séparées.

L'examen des articles principaux des devis conduit à la même conclusion.

Si quelques articles, par exemple le tunnel de la section Thusis-Filisur et le matériel roulant de la section ReichenauIlanz, sont évalués un peu bas, d'autres articles devises trèslargement rétablissent l'équilibre. Il faut remarquer que ces devis sont suffisants, même si l'on fait droit aux exigences du Département militaire que nous discuterons plus bas.

Les plans permettent donc en général d'évaluer les frais de construction, et les chiffres des devis sont, somme toute, exacts.

Pour les détails, nous renvoyons au rapport de la division technique du Département des Chemins de fer, du 10 mars 1898.

Le Conseil d'Etat a fait aussi examiner les lignes projetées au pointr de vue commercial, et il nous a communiqué le préavis du D E. Escher, à Zurich, touchant leur rendement.

En tenant compte de toutes les circonstances, ce rapport arrive à la conclusion que, pour la ligne Thusis-Filisur-Samaden, le produit net sera de 344,679 francs, pour la ligne ReichenauIlanz-Disentis de 168,38 S francs et pour la section ReichenauIlanz de 68,160 francs. Nous croyons ces estimations admissibles,.

autant qu'on peut faire fond sur des calculs de rendement.

Il en résulte qu'en ce qui concerne le capital de construction de 18 millions prévus pour la ligne Thusis-Samaden on ne prévoit un intérêt de 4 °/0 que pour 8,600,000 francs et un intérêt de 3 ','4% que pour 9,8 0,000 francs, et qu'en ce qui concerne le capital de construction de 5 millions pour la ligne Reichenau-Ilanz on ne prévoit un intérêt de 4 °/0 que pour l,7uO,000 francs et un intérêt de 3 V«, % que pour 1,900,000 francs. Si on réunit les deux entreprises, pour 23 millions de frais de construction, l'intérêt sera de 4 °/0 (402,839 francs) pour 10 millions et de 3 '/ 2 °/0 pour 11 */« millions, ce qui prouve qu'on ne peut songer à acquérir les capitaux nécessaires par la seule participation des particuliers, mais qu'en raison des grands avantages économiques qui résulteront de la construction de ces chemins de fer pour la contrée intéressée celle-ci doit faire des sacrifices et accorder des subventions suffisantes. Comme nous l'avons dit plus haut, le canton se déclare prêt à fournir 5 */4 millions et les communes 2 millions. Même si cette participation devait être considérée comme une subvention à fonds perdu, il y aurait toujours un

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déficit de 4 '/4 à 5 3/4 millions par rapport au capital de construction sans intérêts de 11 '/a à 13 millions.

Le Conseil d'Etat des Grisons fait remarquer qu'il ne serait pas possible au canton de fournir sa contribution comme subvention à fonds perdu et que sa situation financière lui permet tout au plus de supporter une perte d'intérêt de 100,000 à 150,000 francs par an, c'est-à-dire une perte de 2 % à 3 % sur sa participation. Il demande donc l'aide de la Confédération sous la forme d'une subvention de 8 millions à fonds perdu.

Pour motiver cette demande, le mémoire fait remarquer d'abord que, aux termes de l'article 23 de la constitution fédérale, la Confédération a le droit d'accorder un subside de ce genre, et il invoque les arrêtés fédéraux concernant le subventionnement du Gothard et notamment celui du Monte Cenere.

Pour les raisons ° exposées lors des délibérations sur la loi concernant le rachat, nous croyons aussi que constitwtionellement rien n'empêche d'accorder une subvention à un réseau de chemins de fer dans les Grisons. Mais nous estimons qu'un arrêté y relatif de l'Assemblée fédérale devrait être édicté sous forme de loi fédérale et soumis au referendum facultatif, conformément à la disposition de l'article 4 de la loi sur le rachat du 15 octobre 1897.

,'· Pour en venir au fond même de la question, nous ne pourrions sans grands scrupules recommander la demande de subvention présentée par le gouvernement des Grisons s'il ne s'agissait ici que d'une affaire purement financière. Mais il ne s'agit pas seulement d'intérêts secondaires particuliers aux Grisons, mais d'intérêts communs à toute la Suisse d'une grande portée économique, militaire et politique, devant lesquels les scrupules financiers, qu'on ne saurait déclarer dénués de tout fondement, doivent reculer à l'arrière plan. Il faut reconnaître que la subvention de 2 millions accordée au Monte Cenere milite, par analogie, en faveur de la participation de la Confédération à une entreprise de chemin de fer destinée à relier plus étroitement l'Engadine avec l'intérieur des Grisons et avec la Suisse en général. Il est très-vrai que la construction de lignes étrangères dans le voisinage de l'Engadine entraîne un déplacement du trafic en faveur de l'étranger et une sorte d'aliénation des Grisons qu'il est d'un grand intérêt
politique pour la Confédération d'empêcher. Il est ainsi prouvé qu'il n'est pas seulement question d'efforts locaux analogues à d'autres relatifs à l'établissement de nouvelles commu-

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nications par chemins de fer dans l'intérieur du pays, mais de tendances intéressant la Suisse tout entière.

Il est vrai aussi de dire qu'au point de vue militaire l'établissement d'un chemin de fer de l'Engadine et d'un chemin de fer de l'Oberland ne peut avoir que des avantages. Nous extrayons ce qui suit du rapport du Département militaire du 29 janvier 1898.

La construction du réseau rhétien de chemins de fer à voie étroite vers Samaden et Ilanz facilitera considérablement la défense des Grisons contre une invasion de l'ennemi, et il faut admettre complètement les raisons stratégiques mises en avant par le gouvernement des Grisons pour faire suite au rapport du colonel-brigadier Th. von Sprecher. Les avantages seront considérables en ce qui concerne les mouvements de troupes proprement dit et notamment le service de renforts, qui a tant d'importance. Au point de vue militaire, il y a donc lieu de subventionner les lignes projetées. Pour rendre tous les services qu'on peut en attendre, elles devront remplir les conditions suivantes.

1. Les voies d'évitement des stations doivent avoir une longueur utile de 100 mètres au moins, celles des stations de Reichnau, Kazis, Alveneu, Bergiin et Preda une longueur de 120 mètres.

2. Les stations de prise d'eau seront assez abondamment pourvues pour qu'en cas de guerre 8 trains à 2 ou 3 locomotives puissent partir dans les deux directions sans encombre.

3. Le parc des locomotives du réseau rhétien de chemins de fer à voie étroite, y compris le chemin de fer existant et.

la ligne Ilanz-Disentis, doit compter 30 locomotives.

4. Le nombre des voitures à voyageurs et celui des wagons à marchandises resteront dans le même rapport.

5. L'établissement de mines comme moyen de destruction ·en cas de guerre doit être réservé.

Pour l'importance militaire du réseau projeté et les conditions qu'il doit remplir, nous renvoyons au rapport en question du Département militaire.

Le mémoire du gouvernement fait valoir en outre que l'établissement des chemins de fer de l'Engadine et de l'Oberland offrirait un avantage financier direct pour la Confédération, car il en résulterait pour l'administration des postes une réduction de perte de fr. 177,787. 75. Les renseignements exacts que nous avons pris et qui se trouvent consignés dans le rapFeuille fédérale suisse. Année XLIX

Vol. II.

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port de la direction générale des postes du 31 janvier 1898 démontrent qu'en .calculant la diminution de dépenses pour les courses qui seraient supprimées, ainsi que l'augmentation des frais résultant de communications nouvelles à établir et de l'indemnité au chemin de fer pour l'expédition des messageries, sur la base de la loi concernant les chemins de fer secondaires, loi qui vous est actuellement soumise, l'administration des postes serait déchargée chaque année de fr. 178,716. 40 pour la ligne Thusis-Samaden et de fr. 3,287. 05 pour la ligne Reichenau-Ilanz, soit en tout de fr. 182,003. 45. Il se produirait une nouvelle diminution de frais de fr. 17,340. 20 lors de l'établiss.ement subséquent d'une ligne Davos-Filisur et une autre de 25,375 francs par année si, après l'ouverture du chemin de fer de l'Albula, le passage de la Fluêla pouvait être fermé en hiver.

En revanche, nous repoussons de la manière la plus formelle l'assertion du mémoire prétendant que la législation fédérale rendrait difficile la réunion des capitaux nécessaires à de nouvelles entreprises de chemins de fer et que la Confédération devrait compenser ce désavantage en allouant des subsides. Toutes les mesures légales prises par la Confédération; n'ont eu d'autre but que d'empêcher, dans l'intérêt de la sûreté de l'exploitation, qu'on n'exigeât un travail excessif du personnel, d'obliger, d'autre part, les compagnies à une gestion régulière et de protéger la Confédération contre des prétentions exagérées. Si certaines sphères financières trouvent là un prétexte de refuser leur participation à l'établissement des chemins de fer grisons, c'est là un procédé -- qui ne peut d'ailleurs être que temporaire -- sur lequel les autorités fédéralesne sauraient régler leur manière d'agir en matière de chemin de fer.

Comme nous l'avons remarqué, il y a certainement des raisons générales pour la Confédération de faire droit à la demande des Grisons.

Indépendamment de la grande importance stratégique d'un réseau interne de chemins de fer grisons en cas de guerre ; indépendamment de ce fait que, par l'établissement des deux lignes Thusis-Filisur-Samaden et Reichnau-Ilanz, l'administration fédérale des postes sera déchargée chaque année de 180,000 francs ; indépendamment enfin des avantages économiques assurés aux Grisons et à la Suisse en général, il y a, comme autrefois pour la subvention du Monte Cenere, des considérations d'ordre politique décisives en faveur d'une sub-

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vention aux Grisons. La Confédération ne saurait, sans intervenir, voir l'Engadine, cette longue vallée si magnifiquement située à notre front sud, s'aliéner de plus en plus de la Suisse à mesure que l'étranger construit plus de chemins de fer dans le voisinage et que se rapprochent davantage les stations terminales autrichiennes et italiennes. Si l'unique moyen de remédier à une situation économique et politique qui maintenant déjà, économiquement parlant, rend l'Engadine en très-grande partie dépendante de l'Italie, est de relier cette vallée avec le reste de la Suisse à l'aide d'une voie ferrée et si d'autre part il est impossible au gouvernement et aux communes du canton des Grisons de faire des sacrifices financiers suffisants pour assurer la construction d'un réseau interne de chemins de fer, la Confédération ne saurait refuser de leur prêter son concours.

Mais, si nous nous prononçons sans réserve en faveur d'une subvention, nous reconnaissons qu'elle ne se justifie que par les conditions tout à fait exceptionnelles où se trouvent les Grisons et que la Confédération ne peut concourir au développement de nos chemins de fer que dans les limites de la loi sur le rachat et de la loi, encore en discussion, sur les chemins de fer secondaires.

Il faut considérer en outre que l'établissement des lignes projetées aura indubitablement pour suite une augmentation notable du mouvement des voyageurs et des marchandises.

Cette augmentation ne profitera pas seulement aux nouvelles lignes, mais bien plus encore aux lignes d'accès qui mènent à Coire. Le préavis de rendement pour le chemin de fer de l'Albula prévoit une augmentation des voyageurs en transit de 14,000 par an et de 6,000 pour le chemin de fer de l'Oberland ; or, avant de parvenir aux lignes grisonnes, le plus grand nombre de ces 20,000 voyageurs font un long voyage sur les lignes d'accès, et, comme à partir de 1903 toutes ces principales lignes d'accès seront des chemins de fer fédéraux, cette augmentation de trafic constituera pour ces derniers une alimentation directe. Il en ira de même de l'augmentation probable du mouvement des marchandises. Ces avantages ne subiront qu'une insignifiante diminution s'il vient à se produire un certain déplacement de trafic en ce qui concerne les voyageurs qui pour se rendre aux Grisons prennent actuellement
le chemin de fer du Gothard, puis traversent l'Oberalp.

Des questions très-importantes et que nous avons soumises à l'examen du Département des Finances sont celles qui

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concernent le montant de la subvention, sa forme et l'acquisition des capitaux.

Le gouvernement des Grisons considère qu'une subvention de 8 millions est le minimum de ce que le canton est en droit de réclamer, et il arrive à ce chiffre en calculant que la perte annuelle que subit actuellement l'administration des postes répond, au taux de 3 °/0, à un capital d'environ 6 millions de francs, à quoi il ajoute 2 millions, montant de la subvention accordée au Monte Cenere. Il laisse entrevoir qu'à raison du peu d'importance stratégique du Monte Cenere il serait équitable de porter à plus de 8 millions la subvention à octroyer aux Grisons.

Toutefois, il nous semble que la subvention fédérale ne saurait dépasser 8 millions, d'autant plus que pour déterminer le capital on ne peut guère prendre un taux d'intérêt de 3 °/0.

Bien que l'administration fédérale des finances soit enfin parvenue à convertir l'emprunt 3 '/2 °/o ^e 1887 en un emprunt 3 °/0, il résulte du message sur le rachat et des avis des experts qui ont été publiés, comme aussi des débats qui ont eu lieu dans les chambres, que la Confédération ne pourra très-probablement pas acquérir à un taux d'intérêt de 3 °/0 les capitaux dont elle a besoin pour la nationalisation des chemins de fer.

En capitalisant à 3 '/2 %> la perte annuelle de l'administration des postes, qui est de 182,000 francs, ne répondrait qu'à une somme de 5,200,000 francs.

Mais la Confédération ne saurait non plus accorder moins de 8 millions sans manquer le but de la subvention. Si les frais de construction pour les deux lignes Thusis-Filisur-Samaden et Reichenau-Ilanz sont évalués à 23 millions se décomposant comme suit : fr. 8,000,000 dé capital-obligations à 4 °/0 ; » 7,000,000 de capital-actions, à fournir par le canton et les communes; » 8,000,000 de subvention fédérale; fr. 23,000,000 etr le produit net des deux lignes, d'après le préavis de M. le D Eugène Escher, à fr. 402,839 déduction faite de l'intérêt des obligations à 4% .

.

.

» 320,000 il reste à répartir aux actionnaires . . .

. fr. 82,839 seulement, soit sur 7 millions un dividende de 1,18 °/0, ce qui,

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contre 3,5 °/0, représente encore pour le canton et les communes un lourd sacrifice annuel de 2,32 °/0 ou 162,400 francs.

En ce qui concerne la forme de la subvention, nous devons repousser la mise à fonds perdu et réclamer aussi un intérêt en faveur de la Confédération, dans le cas où le revenu annuel permettrait de délivrer à la totalité du capitalactions un intérêt supérieur à 3 '/s %· Avec l'établissement du réseau grison des chemins de fer à voie étroite, le but de la subvention serait atteint; délivrer au capital-actions un intérêt supérieur à l'intérêt courant, ce qui constituerait un véritable gain sur la subvention fédérale, serait en contradiction avec l'objet qu'on se propose par cette subvention. On peut supposer du reste que le gouvernement des Grisons n'aura rien non plus à objecter à cette limitation de l'intérêt auquel a droit le capital-actions et contre cette forme de subvention devenue depuis quelque temps générale -- actions de subvention en dernier rang.

Pour ce qui est de couvrir cette dépense de 8 millions de francs, nous ne sommes point d'avis qu'on fasse un emprunt qu'on amortirait ensuite à la longue, en ne portant au compte d'Etat que l'annuité.

Le calcul suivant : 1. annuité 'pour intérêt et amortissement, 31/5, % de 8 millions fr. 280,000 2. économie annuelle de l'administration des postes . » 182,000 fait apparaître la charge annuelle de la Confédération de fr. 98,000 sous un jour beaucoup plus doux. Mais cette annuité serait trop faible, et, même à 4 °/0, il faudrait d'après le message sur le rachat, une durée d'amortissement de 60 ans pour éteindre cette dette. Ce qui fait surtout que nous répugnons à l'émission d'un emprunt amortissable à si longue échéance, c'est la crainte d'entrer dans une voie qui, suivie pour faire face à nos dépenses courantes, mènerait à une modification regrettable de notre système actuel de finances. Il serait extrêmement fâcheux en. effet que le mode de procéder dans l'affaire des chemins de fer grisons devînt le point de départ d'un système suivant lequel on contracterait toujours de nouveaux emprunts pour faire face aux dépenses que ne pourrait couvrir le compte courant.

Il était naturel d'examiner d'abord s'il n'y avait pas lieu de renvoyer le canton des Grisons à la loi sur le rachat des

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chemins de fer ; nous avons dû conclure par la négative. L'article 4 ne peut s'appliquer dans l'espèce, car il ne s'agit pas de lignes devant être acquises ou de nouvelles lignes devant être construites par la Confédération. Si les principaux chemins de fer étaient déjà acquis et exploités par cette dernière, on pourrait, en application de l'article 8, prélever cette partie du produit net, qui, après l'amortissement de la dette et le versement au fonds de réserve, doit être employée à l'accomplissement de diverses tâches : à étendre, par exemple le réseau suisse, celui des lignes secondaires en particulier.

Seulement, une lettre de change sur cette base ne serait guère un papier bancable, et, si l'on veut créer le réseau interne des chemins de fer grisons, si le décret cantonal doit s'exécuter, c'est maintenant justement qu'il faut songer à prêter son concours.

Nos recettes courantes nous permettront-elles de couvrir ces 8 millions ? C'est là une question à laquelle on ne peut répondre simplement par oui ou par non. Nous connaissons les résultats du compte d'Etat : pour 1896, avec un excédent de recettes de fr. 7,700,000 » 1897, » » » » 4,239,000 En raison de l'augmentation constante de nos recettes douanières, un chiffre moyen de 5 millions de francs répondrait assez à la réalité.

Mais nous savons qu'une fois pleinement appliquée l'assurance contre la maladie et les accidents exigera à elle seule de la Confédération une contribution annuelle de plus de 5 millions. Nous voyons les dépenses normales de l'administration fédérale augmenter chaque année et divers postulats économiques -- nous mentionnerons en première ligne la subvention à l'école populaire -r- attendent encore leur solution. En revanche, nous avons cette consolation qu'à partir de 1900 ne figurera plus chaque année un million pour le palais du parlement et à partir de 1904 près d'un million pour la correction du Rhin.

La réponse à la question ci-dessus dépend donc essentiellement de l'époque où les lois sur l'assurance entreront en vigueur et de la somme où montera la contribution fédérale dans les premières années du développement de cette institution.

Tout d'abord, nous pouvons disposer librement de l'excédent de 1897, et nous ne ferions aucune difficulté de prélever 4 millions de francs sur cet excédent pour subventionner les chemins de fer grisons à voie étroite, si nous n'avions à tenir

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compte aussi de l'assurance contre la maladie et les accidents.

Nous proposons donc de partager la somme susmentionnée entre cette assurance et les chemins de fer des Grisons. On pourrait procéder de même avec le résultat problable de cette année , ce qui assurerait à ces chemins de fer, à la fin de 1898, un montant pouvant s'élever à 4 millons de francs. La seconde moitié de la .subvention figurerait ensuite, à mesure qu'avanceraient les travaux, au budget des années suivantes pour un million par année, à partir peut-être de 1899. Même si cette façon de procéder entraînait un déficit correspondant, nous préférerions voir notre fortune d'Etat reculer de quelques millions, plutôt que de contracter un emprunt de 8 millons avec une durée d'amortissement de 60 ans.

Aussi, vous recommandons-nous d'adopter le projet d'arrêté ci-après. Pour plus ample information, nous tenons à votre disposition les rapports de notre Département des Postes et des Chemins de fer, de notre Département militaire et de notre Département des Finances, avec les préavis de la direction générale des postes et de la division technique du Département des Chemins de fer et les actes que nous a remis le gouverment du canton des Grisons.

Veuillez agréer, monsieur le président et messieurs, l'assurance renouvelée de notre haute considération.

Berne, le 12 avril 1898.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération:

E U P F Y.

Le chancelier de la Confédération: RlNGIEB.

200 Projet.

Arrêté fédéral allouant

une subvention pour l'établissement d'un réseau de chemins de fer à voie étroite dans les Grisons.

L'ASSEMBLEE FEDERALE DE LA

CONFÉDÉRATION

SUISSE,

vu la requête du gouvernement du canton des Grisons tendant à obtenir une subvention fédérale pour l'établissement d'un réseau de chemins de fer à voie étroite dans ce canton, du.

25 juin 1897 ; vu le message du Conseil fédéral du 12 avril 1898, arrête : 1. La Confédération alloue au canton des Grisons, pour l'établissement de chemins de fer à voie étroite Thusis-Filisur-Samaden et Reichenau-Ilanz, une subvention de huit millions de francs, à la condition que le canton et les communes des Grisons participent pour sept millions de francs en actions à la construction de ces lignes, et que, lors de leur établissement, on satisfasse aux exigences du Département militaire fédéral formulées à la page 193 du message.

2. Le paiement de cette subvention s'effectuera à fur et mesure des travaux contre la remise d'actions de subvention, lesquelles n'auront droit à un intérêt que lorsque le produit net dépassera l'intérêt à 3 '/2 % ^u capital-actions. Si, une fois payé l'intérêt à 3 £/2 °/0 du capital-actions et des actions de subvention, il restait uri excédent, il devrait être réparti proportionnellement à la participation de chacune des deux parties.

201l 3. Le capital-subvention de huit millions sera couvert de la*.

façon suivante : a. par le prélèvement d'une somme de deux millions surl'excédent du compte d'Etat pour 1897 ; b. par le prélèvement d'une somme pouvant s'élever jusqu'à deux millions sur l'excédent éventuel de 1898; c. en portant le reste, à fur et mesure de l'avancement des travaux, aux budgets des années suivantes.

4. Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter le présent arrêté..

5. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874, concernant les votations populaires sur les lois et les arrêtés fédéraux, de publier le présent, arrêté et de fixer l'époque où il entrera en vigueur.

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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

la concession d'un chemin de fer de Wattenwyl à Wimmis ou a Spiez (chemin de fer du Stockenthal).

(Du 12 avril 1898).

Monsieur le président et messieurs, Au mois d'octobre 1897, MM. G. Lenz, avocat, et P.

Winzenried, tous deux membres de la direction du chemin de fer de la vallée de la Gürbe et domiciliés à Berne, ont demandé la concession pour un chemin de fer de Wattenwyl à Spiez (jonction à Lattigen) ou h Wimmis par le Stockenthal.

Le rapport général part du point de vue que ce projet a été provoqué par la réalisation prochaine du chemin de fer de la vallée de la Gürbe. Celui-ci cherche en première ligne, en vertu de sa concession, à opérer sa jonction à Thoune, comme point central du commerce de la contrée ; la ligne du Stockenthal est la continuation directe de celle de la vallée de la Gürbe vers le Frutigthal et le Simmenthal et, cas échéant aussi, vers le chemin de fer du Lötschberg et le Simplon. La nouvelle ligne partirait de la gare de Wattenwyl du chemin de fer de la Gürbe et entrerait dans le Stockenthal proprement dit aux bains renommés de Blumenstein. La station prévue ici serait située à proximité du village et des bains. Le

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'allocation d'une subvention fédérale à l'établissement d'un réseau de chemins de fer à voie étroite dans les Grisons. (Du 12 avril 1898.)

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1898

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18

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20.04.1898

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187-202

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