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FEUILLE FÉDÉRALE 102e année

Berne, le 20 avril 1950

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 28 francs par an; 15 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligue ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs C.-J.Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification de l'article 72 de la constitution (base électorale du Conseil national) (Du 18 avril 1950) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un projet d'arrêté fédéral modifiant l'article 72 de la constitution relatif à la base électorale du Conseil national.

INTRODUCTION Le 26 octobre 1949, M. Häberlin, conseiller national, a déposé le postulat ci-après: Le Conseil fédéral est invité à examiner si l'article 72 de la constitution (nombre des membres du Conseil national) ne devra pas être mis en harmonie avec les résultats du recensement qui se fera en 1950. Il est prié de faire rapport aux chambres assez tôt pour qu'éventuellement les élections de 1951 au Conseil national puissent déjà avoir lieu sur la nouvelle base.

Le postulat ayant été adopté le 8 décembre dernier, noua vous exposerons les motifs qui nous amènent à vous proposer la modification de l'article 72 de la constitution relatif à la base électorale du Conseil national.

HISTORIQUE Précédemment déjà (voir notre message du 2 septembre 1930), nous avons exposé l'histoire de l'article 72 de la constitution. Nous pensons cependant qu'il est utile de la rappeler brièvement.

a. De 1848 à 1931, le Conseil national a été élu à raison d'un membre par 20 000 âmes de la population totale. La disposition de l'article 72 de la constitution ne fut jamais sérieusement critiquée jusqu'en 1897, année au cours de laquelle deux motions tendant à sa modification furent déposées.

L'auteur de la première, M. Amsler, demandait que le recensement de la Feuille fédérale. 102e année. Vol. I.

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population prévu en 1900 fût avancé de manière que les élections de 1899 pussent être faites sur la base d'indications récentes. Si elle avait été acceptée, cette motion aurait permis aux cantons urbains en plein essor, tels que Zuricb, de renforcer immédiatement leur députation. La réaction des représentants de cantons moins favorisés ne se fit pas attendre: le 17 décembre 1897, MM. Hochstrasser et Fonjallaz présentèrent a leur tour une motion tendant à rétablissement de la base électorale d'après la population de nationalité suisse seulement. L'adoption de ce système aurait été favorable aux cantons dont la population était restée stationnaire, l'accroissement de la population dans certains cantons étant dû, en grande partie, à un afflux de population étrangère. Les deux motions furent adoptées. Cependant, à la suite d'un rapport du Conseil fédéral proposant qu'elles fussent classées, elles furent enterrées par un vote unanime du Conseil national le 18 avril 1898. Jusqu'à la loi de 1902, les motions n'étaient pas transmises à l'autre conseil. C'est pourquoi le Conseil des Etats n'eut pas à s'occuper de la question.

b. Les auteurs de la seconde motion ne se tinrent pas pour battus et reprirent, par la voie de l'initiative populaire, l'idée qu'ils avaient développée au Conseil national, c'est-à-dire l'élection de ce conseil sur la base de la population suisse et non sur celle de la population totale. Le 28 novembre 1902, le Conseil fédéral conclut au rejet pur et simple de l'initiative; les conseils législatifs approuvèrent le rapport du Conseil fédéral et, à lemtour, recommandèrent le rejet de ce projet. Finalement, le peuple, par 295 085 non contre 95 131 oui, ainsi que par 16 cantons et quatre demicantons repoussèrent, dans la votation populaire du 25 octobre 1903, le texte proposé par l'initiative.

c. De 1903 à 1930, la base électorale établie par l'article 72 de la constitution ne subit pas de nouvel assaut. Or la population n'avait pas cessé de s'accroître, et le Conseil national, qui se composait de 111 membres en 1848, en comptait 198 dès 1923. Le nombre des députés aurait passé à 206 en 1931 si l'on s'en était tenu au statu quo. Le 26 juin 1930, le Conseil national adopta cependant deux postulats tendant l'un et l'autre à une réduction du nombre de ses membres. Le premier de ces postulats,
déposé par M. Guntli, proposait soit d'augmenter le chiffre de base de 20 000 âmes de la population totale, soit de prendre pour base la population suisse.

Le second, présenté par M. Klöti, préconisait l'adoption d'un nombre immuable de membres du Conseil national, les sièges devant être répartis entre les cantons et les demi-cantons après chaque recensement de la population, proportionnellement au chiffre de la population de résidence.

Le 2 septembre 1930, le Conseil fédéral soumit à l'Assemblée fédérale un message concernant la revision de l'article 72 de la constitution paimie disposition fixant à 23 000 le nombre d'habitants à raison duquel un député serait élu dorénavant.

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Le Conseil national examina le projet en premier lieu. La majorité de sa commission proposa que le Conseil national fût composé de deux eente députés et que les sièges fussent répartis entre les cantons et les demicantons sur la base de la population de résidence. La minorité de la commission se rallia au projet du Conseil fédéral, en proposant toutefois que la base électorale fut ramenée à 22 000 âmes de la population totale. D'autres propositions encore furent faites. C'est ainsi qu'un amendement, présenté par M. Biroll, tendait à compléter l'article 72 de la constitution par l'adjonction d'un 3e alinéa ainsi conçu: Après chaque recensement général, le quotient de 23 000 (ou 22 000) est augmenté ou diminué en proportion du mouvement de la population..

L'adoption d'un tel amendement devait, dans l'esprit de son auteur, permettre des adaptations futures par la voie législative.

De son côté, M, Ullmann proposa au Conseil national d'aller plus loin que le Conseil fédéral et de fixer la base électorale à 25 000 âmes de la population totale.

La discussion porta essentiellement sur les projets de la majorité et de la minorité de la commission. Finalement, par 96 voix contre 56, le projet de la majorité de la commission tendant à l'institution d'un Conseil national de 200 députés fut écarté et la base électorale de 22 000 âmes adoptée. Au vote final, l'adoption de cette disposition fut confirmée par les % des membres votants du Conseil national et par la quasi-unanimité de ceux du Conseil des Etats, Ajoutons que lors du premier débat, le Conseil des Etats avait approuvé le projet du Conseil fédéral (base de 23 000 âmes). L'arrêté adopté par les chambres fut accepté par le peuple et les cantons lors de la votation populaire du 15 mars 1931 et entra en vigueur le 20 juin suivant. Lors du renouvellement de 1931, le Conseil national fut élu sur cette base.

d. Le 10 mare 1941, l'union des indépendants déposa une initiative pour la réorganisation du Conseil national. Cette initiative, appuyée par 75 470 signatures, portait sur 5 points, dont le relèvement à 30 000 du chiffre électoral. Le message qui fut soumis à ce sujet aux chambres (ÏT 1941, 493) conclut au rejet de l'initiative. Adoptant les conclusions du Conseil fédéral, les chambres recommandèrent au peuple et aux cantons de rejeter la demande populaire. On y releva: Que le but de la modification de la base électorale proposée en 1930 était d'éviter une nouvelle augmentation du nombre des députés provoquée par le prochain recensement; Que beaucoup de conseillers avaient été sensible à cette argumentation, mais avaient considéré que la proposition de relever le chiffre électoral de 20 000 à 23 000 habitants aurait réduit par trop la députation de leur canton;

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Qu'ils avaient donc estimé suffisant de relever le chiffre électoral à 22000 habitants.

Le peuple ayant accepté cette revision à une majorité assez faible, il ne se justifiait pas de faire de nouvelles coupes dans la représentation nationale. L'acceptation de l'initiative aurait pour effet, était-il ajouté, de réduire l'effectif du Conseil national de 187 à 139 membres. L'affaiblissement qui en résulterait pour le Conseil national ne profiterait pas au pays.

Finalement, cette initiative fut rejetée en votation populaire le 3 mai 1942 par 408 821 non contre 219 629 oui et par 24% cantons contre % canton.

LA SITUATION ACTUELLE Le résultat de la votation du 3 mai 1942 démontre péremptoirement que le peuple entendait maintenir la stabilité de ses institutions. N'oublions cependant pas qu'à part le relèvement du chiffre électoral, l'initiative tendait à faire interdire le cumul officiel, établir une liste d'ancienneté, publier les charges d'administrateur exercées par les candidats au Conseil national et renouveler immédiatement ce. conseil. Ces quatre points furent justement critiqués et vigoureusement combattus. En outre, le relèvement du chiffre électoral à 30 000 habitants parut excessif, notamment en raison du fait que l'augmentation de la population de 1930 à 1941 ne serait probablement pas particulièrement importante. Il n'est pas possible de dire si le résultat de la votation populaire aurait été différent si la consultation avait porté sur le relèvement du chiffre électoral seulement.

Mais il semble que le résultat de la votation précédente, celle du 15 mars 1931, prouve le désir des citoyens de voir maintenir le nombre des membres du Conseil national dans certaines limites. C'est dans cet esprit que fut déposé le postulat Häberlin. La rédaction même de ce postulat démontre qu'u a été dicté par des considérations démographiques.

Au 1er décembre 1941, la population de résidence de la Suisse s'élevait à 4 265 703 personnes. L'augmentation de quelque 200 000 habitants par rapport aux résultats du recensement de 1930 correspondait assez exactement aux prévisions du bureau fédéral de statistique. En revanche, pour la période de neuf années qui s'est écoulée de 1941 à 1950, on peut prévoir que cette augmentation sera beaucoup plus forte, étant donné que la population totale de la Suisse était
estimée à 4 630 000 habitants à fin 1948 et à 4 660 000 à fin 1949. On peut ainsi admettre qu'au recensement fédéral de 1950, elle se sera accrue, par rapport à l'année 1941, d'environ 400 000 personnes. Si ces données devaient être confirmées, quelles en seraient les répercussions sur la composition du Conseil national ? Le tableau annexé au présent message indique qu'en, l'absence de toute modification de la base électorale, le Conseil national compterait au prochain renouvellement

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18 membres de plus et que le nombre des députés passerait de 194 à 212.

Nous devons examiner si cette proposition serait désirable et, sinon, comment on pourrait l'empêcher.

On constate tout d'abord que depuis une cinquantaine d'années, les autorités se sont efforcées de maintenir le nombre des membres du Conseil national dans certaines limites afin d'éviter les inconvénients inhérents aux parlements trop nombreux et de conserver jusqu'à un certain point l'équilibre entre les deux conseils.

Lors de la discussion à laquelle le projet de 1930 donna lieu, un député fit remarquer que les 44 membres du Conseil des Etats avaient, dans la politique fédérale, un autre rôle à l'époque où le Conseil national ne se composait que de 111 membres (1848).

En 1941, nous avons combattu la proposition d'élever la base électorale à 30 000 habitants parce qu'elle allait trop loin, qu'elle équivalait à une véritable capitis deminutio et, qu'en outre, le nombre d'habitants ne justifiait pas une telle mesure. Quant au principe même de la réduction, nous avions alors déclaré ne rien retrancher des considérations exposées dans le message du Conseil fédéral du 2 septembre 1930. Ce message tendait à l'adoption d'une base électorale de 23 000 habitants. Le projet fut combattu et ne fut pas adopté tel quel. Cependant, toutes les propositions qui furent faites lors de son examen tendaient à réduire ou à limiter le nombre des représentants du peuple.

Aujourd'hui, comme il y a vingt ans, nous estimons qu'une augmentation ou une diminution sensible du nombre des députés pourrait présenter plus d'inconvénients que d'avantages. Ce nombre permet aux rouages parlementaires (commissions, etc.) de travailler d'une manière satisfaisante.

Il permet aussi une représentation équitable des principaux intérêts du pays. A notre avis, il se justifie de le maintenir et d'adapter par conséquent la base électorale aux résultats probables du recensement de 1950.

LE CHOIX DU SYSTÈME Diverses méthodes peuvent être employées pour maintenir le nombre actuel des membres du Conseil national. Lors de la revision de 1930, les trois systèmes ci-après ont été envisagés: a. Base électorale tenant compte uniquement de la population de nationalité suisse ; b. Etablissement d'un nombre fixe de députés ; c. Relèvement du chiffre électoral fixé d'après la population totale.

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Nous vous exposons ci-dessous les raisons qui nous engagent à vous proposer de maintenir, tout en modifiant le chiffre électoral, le système en vigueur depuis 1848 (*).

a. Population suisse comme base électorale Le message du 2 septembre 1930 (FF 1930, II, p. 217) contient un exposé de la question. Le système de la base électorale tenant compte uniquement de la population suisse a fait l'objet d'une initiative qui fut rejetée en 1903, à une forte majorité du peuple et des cantons. Les motifs invoqués par les partisans de l'initiative étaient les suivants: La constitution elle-même, qui dispose à l'article 72 que le Conseil national se compose « des députés du peuple suisse », n'a pas tiré la conclusion, logique de ce principe. L'adoption de la base de la population totale est, de plus, contraire à l'article 4 de la constitution, qui dit que tous les Suisses sont égaux devant la loi. Peut-on parler d'égalité lorsque Genève, avec 78 724 habitants suisses élit 7 députés, tandis que Fribourg, qui en compte 123 393, doit se contenter do 6 députés ? Lorsque Bàie-Ville, avec une population suisse de 69 446 habitants, envoie à Berne 6 députés et Bêle-Campagne, avec 60 949 habitants, la moitié moins ? Et comme les étrangers affluent naturellement vers les villes, les bases de la constitution, se trouvent faussées au détriment des campagnes.

En 104:8, en effet, le nombre des étrangers était insignifiant -- 71 570 -- et on 1870 même il se chiffrait par 150 907 seulement. Or le recensement de 1900 accuse 383 424 étrangers, soit 11,6 pour cent de la population totale, et la proportion ne cesse d'augmenter. Déjà plusieurs cantons ont tiré la conséquence de ce mouvement: alors qu'en 1864 aucun Grand conseil n'était élu sur la base de la population suisse, ce système est appliqué, en 1903, dans 5 cantons. L'heure est venue pour la Confédération de suivre le mouvement et « de rendre la Suisse aux Suisses » !

Les adversaires de l'initiative contestèrent absolument que l'augmentation du nombre des étrangers eût modifié le régime de droit public que la constitution de 1848 avait voulu instituer.

Sans doute, disaient-ils, le nombre des députés n'était-il pas proportionnel à celui des habitants suisses. Mais si l'on voulait poursuivre l'idée des auteurs de l'initiative, il faudrait quo le nombre des députés correspondît au nombre des électeurs et non pas au nombre d'habitants suisses. Or, même en prenant pour base la population suisse, il subsisterait à cet égard de notables différences entre cantons, puisque Zurich, par exemple, avait un député pour 5300 électeurs et le Tessin un député pour 7700 électeurs! Mais la constitution n'a pas voulu (*) Signalons encore que si aucune modification ne devait être apportée à la base électorale, la salle du Conseil national ne pourra plue, avec sa disposition actuelle, abriter tous les députés dès 1951. Il serait nécessaire alors de procéder à certaines transformations. La direction des constructions fédérales a établi plusieurs plans dont l'exécution permettrait de caser un nombre plus élevé de députés dans cette enceinte, par exemple en supprimant l'une des tribunes de la presse ou en restreignant la place dont chacun d'eux dispose aujourd'hui (tablettes au lieu de pupitres). Aucun de ces projets ne prévoit, en effet, l'agrandissement de la salle elle-même, lequel entraînerait des travaux de longue durée et dont le coût serait, dans l'état actuel des finances de la Confédération, hors de proportion avec le résultat recherché.

831 davantage répartir les députés suivant le nombre des électeurs que suivant celui des habitants suisses. Elle a admis pour base la population totale pour le Conseil national --- et encore en garantissant un député à chaque canton ou demi-canton de manière à tenir compte de l'ensemble des intérêts de toute agglomération, qu'il s'agît de Suisses ou d'étrangers. II était inexact que ce système désavantageât, sur le terrain fédéral, la campagne au profit de la ville. La statistique démontrait, en effet, que sur les 20 sièges dont eût été diminué le Conseil national par suite de la réforme projetée, 10 auraient été perdus par Zurich, Baie et Genève, et les 10 autres par 7 cantons où l'agriculture dominait. Le but visé par l'initiative ne pouvait donc pas être atteint, et son seul effet eût été de mettre en opposition les villes et les campagnes dans une lutte peu propice à la bonne entente qui doit régner entre Confédérés. Enfin, on devait considérer que l'élément étranger constituait un appoint naturel non seulement à la vie économique, mais aussi aux échanges d'idées. Il ajoutait ainsi à l'activité matérielle et au rayonnement intellectuel des régions où il était établi, et la simple justice exigeait d'en tenir compte d.ans le calcul de la représentation nationale.

Dans le message précité, le Conseil fédéral a expliqué pour quelles raisons il proposait aussi le rejet de la base électorale tenant compte uniquement de la population suisse. Après avoir exposé notamment que, selon les résultats probables du recensement de 1930, l'application de ce système entraînerait une diminution de 16 députés en 1931, il constata ce qui suit: 7 des 16 sièges seraient perdus par 4 cantons -- Baie-Ville, Schaffhouse, Tessili et Genève- -- qm sont en flèche à notre frontière et qui, entre tous, n'en comptent pas plus de 28; leur perte serait donc du quart. Baie perdrait 2 députés sur 8, Schaffhouse 1 sur 3, le Tessin 2 sur 8 et Genève 2 sur 9. Certes, en 1903, la situation était identique; elle était même pire. Mais à cette époque on n'avait pas encore saisi toute la gravité de la situation de ces cantons, exposés plus directement à l'infiltration étrangère, et chez lesquels se posent, dans l'ordre national, des problèmes particulièrement délicats. Si l'on en juge par les délibérations parlementaires de 1903, ces cantons semblaient surtout être un objet d'envie, et plusieurs orateurs voyaient dans leur nombreuse population étrangère un gage de bien-être, voire de richesse. Nous savons aujourd'hui que cette situation spéciale n'a pas empêché certains d'entre eux d'être très durement frappés par la crise économique do l'après-guerre. Mais ce qui est apparu surtout, ce sont les difficultés de toute nature -- sociale, économique, nationale -- que crée la formation d'importantes colonies étrangères aux portes mêmes de notre pays. C'est à ces cantons-là qu'a pensé le législateur en posant les bases d'un nouveau régime sur la naturalisation et sur l'établissement. Serait-il de bonne politique d'amputer aujourd'hui du quart ou du tiers leur députation au Conseil national ? Serait-il juste de faire supporter, proportionnellement, la part la plus lourde de la réforme à ceux qui ont un intérêt tout particulier à être représentés dans les conseils de la nation conformément à la place qu'ils tiennent dans le pays et qui se mesure non pas au chiffre de la population suisse, mais à l'ensemble des habitants ? Cette face du problème a presque échappé à l'attention lors des délibérations de 1903. Elle apparaît aujourd'hui en pleine lumière et elle porte la question qui nous occupe directement sur le plan national.

Mentionnons encore que le danger signalé par les promoteurs de l'initiative de 1903, soit l'augmentation des étrangers par rapport à l'ensemble de la population, n'a cessé de décroître depuis lors. La proportion de la population étrangère par rapport à la population totale, qui était en 1900 de 11,6 pour cent et en 1910 de 14,7 pour cent, n'était plus en 1920

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que de 10,4 pour cent et en 1930 de 8,1 pour cent. D'après le recensement de 1941, cette proportion a encore diminué, et elle est aujourd'hui de 5,2 pour cent.

Lors de la revision de 1930, aucune proposition n'a été faite dans ce sens. La tendance à prendre la population suisse pour base électorale ne s'est pas davantage manifestée dans les cantons depuis cette époque. Elle n'apparaît ni dans le postulat Haberlin, ni même dans l'initiative des indépendants de 1941. En résumé, nous n'avons aucune raison de vous proposer de nouveau un système rejeté en votation populaire par une majorité significative à une époque où les problèmes résultant de la présence de nombreux étrangers avaient une importance beaucoup plus grande qu'aujourd'hui.

b. Nombre fixe de députés

Le nombre fixe de députés a également retenu l'attention et a trouvé de nombreux partisans lors des discussions qui aboutirent, il y a vingt ans, à la modification de l'article 72 de la consti ution.

Le message du 2 septembre 1930 souligne que le système du nombre fixe aurait eu sur le régime alors en vigueur l'avantage de la stabilité et aurait dispensé d'adapter réguliè ement l'effectif du Conseil national au résultat du recensement de la population.

Cependant, l'application de ce principe nécessiterait encore un choix entre divers systèmes, tant en ce qui concerne la réserve en faveur des petits cantons que l'attribution des restes (*). Ces points ne pourraient être réglés dans la constitution elle-même, et il faudrait une loi d'exécution.

Nous doutons que le temps dont on disposera jusqu'aux élections de 1951 soit suffisant pour opérer une revision constitutionnelle, la soumettre au vote du peuple et des cantons et, de surcroît, élaborer et mettre en vigueur une loi d'exécution.

(*) On peut envisager, comme l'indique le message de 1930, trois façons de régler a réserve des petits cantons: a. Une foie établi le quotient -- c'est-à-dire le chiffre d'habitants donnant droit à un député -- un député est attribué à chacun des cantons ou demi-cantons qui n'ont pas atteint ce quotient. Le resto des sièges est réparti entre les cantons sur la base de ]a population totale, déduction faite de celle des cantons servis.

fc. Un député est attribué à chaque canton ou demi-canton, soit 25 en tout.

Pour répartir les autres sièges, on peut choisir entre les deux systèmes suiva nts : 1. Tabler sur le chiffre total de la, population; 2. Tabler sur lo chiffre de la population diminué de la population des cantons qui n'ont pas atteint le quotient et, pour les autres cantons, d'un chiffre égal au quotient.

Quant aux sièges qui restent à attribuer après la première répartition, on peut faire usage du système appliqué par la représentation proportionnelle (LF du 14 février 1919 concernant l'élection du Oonaoil national, art. 16 à 20). On peut aussi les attribuer aux restes les plus forts.

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Un autre inconvénient du numéros dausiis serait plus grave encore.

Comme l'exposait déjà le message de 1930, les cantons dont la population aurait augmenté sensiblement enlèveraient des sièges à ceux qui, par suite d'une crise ou d'autres circonstances, seraient restés stationnaires. Ces déplacements proviendraient de modifications réelles dans la répartition de la population. H serait faux d'y voir une injustice. Mais il est probable que les cantons qui perdraient des sièges, au profit de ceux dont la population serait en augmentation, auraient l'impression d'être dépouillés. Il pourrait en résulter un sentiment de malaise qui, bien qu'irraisonné, n'en serait pas moins fâcheux.

Dans un Etat fédératif comme le nôtre, il est nécessaire de veiller à ne pas laisser naître des causes d'antagonisme entre les Etats qui le composent. Cet inconvénient a été signalé à plusieurs reprises lors des délibérations qui eurent lieu au Conseil national (cf. Bulletin sténographique, Conseil national, automne 1930). Avec le système actuel du chiffre électoral, ces inconvénients sont beaucoup plus faibles.

Lorsque le message du 2 septembre 1930 fut discuté au Conseil national, la majorité de la commission proposa que le nombre des députés fût fixé à 200. La minorité de la commission et d'autres députés partagèrent les appréhensions du Conseil fédéral.

Le Conseil national, finalement, se rallia à l'idée d'une diminution du nombre de ses membres fondée sur une modification du chiffre de base électorale selon le projet du Conseil fédéral. Le nombre seul fut modifié.

Nous tenons donc pour inopportun de proposer que le nombre des députés au Conseil national soit fixe.

c. Relèvement du chiure électoral II ne reste plus dès lors qu'à proposer de s'en tenir au système actuel, tout en relevant le chiure de base; ce système, en vigueur depuis 1848, n'a jamais donné heu à de sérieuses critiques. Dans le message de 1930, nous exposions ce qui suit: Nous croyons, au reste, que d'une manière générale un Etat -- surtout un Etat démocratique --· ne doit pas modifier les basée de la représentation nationale sans des raisons absolument impérieuses. Or nous ne voyons pas de motif de renoncer au système actuel, qui a fait ses preuves et qui se prête parfaitement à une réforme : pour corriger les inconvénients qui en résultent, il suffît de relever le chiffre électoral.

Tel est encore notre avis.

A vrai dire, il y a à peine vingt ans que le chiffre de base a été relevé de 20000 à 22000, A cela s'ajoute que dans un avenir plus ou moins éloigné, une nouvelle revision -- succédant à celle que nous proposons aujourd'hui --· pourrait être nécessaire.

834 Nous avons vu que, selon les indications du bureau fédéral de statistique, la population de la Suisse pouvait être estimée à 4 660 000 habitants à la fin de 1949. Elle pourrait s'élever à 4 680 000 habitants au moment du recensement fédéral qui aura lieu le 1er décembre prochain. Des fluctuations sont cependant possibles. Si une crise devait éclater, ces estimations pourraient compter 50 000 à 70 000 personnes de trop. Il serait risqué de faire des prévisions sur la population de notre pays en 1960.

Trop de facteurs peuvent amener des écarts considérables suivant l'époque à laquelle ces prévisions sont établies.

Si l'on conservait le statu quo. le Conseil national se composerait vraisemblablement de 212 membres lors du renouvellement de 1951. Avec un chiffre électoral de 23 000, la députation nationale s'élèverait encore à 205 membres. Ce n'est qu'à partir d'un député pour 24 000 habitants que le Conseil national pourrait être maintenu à peu près dans les limites actuelles.

Il se composerait alors de 195 membres. Les cantons de Zurich, et de Genève gagneraient un siège, tandis que celui de Vaud en perdrait un.

Les autres cantons maintiendraient leurs positions.

Si l'on tient compte des prévisions établies en 1947 et en 1948 en vue de rassurance-vieulesse et survivants, selon lesquelles la Suisse aurait un population de 4 741 833 habitants en 1958, le nombre des députés serait, après le recensement de 1960, d'environ 218 avec la base d'un député pour 22 000 habitants ; il serait de 207 si. l'on comptait un député pour 23 000 habitants et de 198 pour 24 000 habitants.

Pour conclure, nous pensons que l'adoption d'un chiffre électoral de 24 000 habitants serait la meilleure façon de régler la question pour de nombreuses années.

Par ces motifs, nous vous recommandons d'adopter le projet d'arrêté ci-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 18 avril 1950.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le vice-président Ed. de STEIGER 8136

Le chancelier de la Confédération, Ch. OSER

835 (Projet)

Annexe 1

ARRÊTÉ FÉDÉRAL modifiant

l'article 72 de la constitution (élection du Conseil national)

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 18 avril 1950, arrête : Article premier L'article 72 de la constitution est abrogé et remplacé par la disposition suivante: Art. 72. 1 Le Conseil national se compose des députés du peuple suisse, élus à raison d'un membre par 24 000 âmes de la population totale. Les fractions en sus de 12 000 âmes sont comptées pour 24 000.

2

Chaque canton et, dans les cantons partagés, chaque demicanton élin un député au moins.

Art. 2 Le présent arrêté sera soumis à la votation du peuple et des cantons.

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution.

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Annexe 2 Nombre d'habitants

1941

Zurich "Berne ^Lucerne Uri Scliwyz Unterwald-le-Haut .

Unterwald -le-Bas Zoug ITribourg Solente Bàie- Ville Bàie -Campagne . .

Schaffhouse . . . .

Appenzell Kh.-Ext. .

Appenzell Bh.-Int. .

St-Gall Grisons Argovie Thurgovie Tessin Vaud Valais uSfeuchàtel Genève Suisse

813C

674 505 728 916 206 608 27302 66 555 20340 17 348 34 771 36 643 152 053 154 944 169 961 94459 53 772 44 756 13383 286 201 128 247 270 463 138 122 161 882 343 398 148319 117 900 174 855

fin 19«

Nombre dea députés au Conseil national Dès 1951 sur la base d'un député pour actuel

758 000 795 000 223 100 29200 70 100 21 500l 18 600 36800 40300 159 700 166 600 194000 104 700 58200 48 100 13500 306 000 137 200 294 000 148 800 172 500 371 500 156 900 128 500 207 200

31 33 9 1 3 1 1 2 2 7 7 8 4 2 : 2 T 1 13 6 12 6 7 16 7 5 8

4 265 703 4 660 000

194

22000h. 230001l. 34000h. 25000h.

34 36 10 1 3 1 1 2 2 7 8 9 5 3 2 1 14 6 13 7 8 17 7 6 9 212

1 13 6 13 6 8 16 7 6 9

32 33 9 1 3 1 1 2 2 7 7 S 4 2 2 1 13 6 12 6 7 15 7 5 9

30 32 9 1 3 1 1 1 2 6 7 8 4 2 2 1 12 5 12 6 7 15 6 5 S

205

195

186

33 35 10 1 3 1 1 2 2 7 7 8 5 3 2

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification de l'article 72 de la constitution (base électorale du Conseil national) (Du 18 avril 1950)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1950

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

16

Cahier Numero Geschäftsnummer

5821

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

20.04.1950

Date Data Seite

825-836

Page Pagina Ref. No

10 091 898

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