Rapport sur le classement de la motion Fournier 11.3511 «Assurance tremblement de terre obligatoire» du 20 juin 2014

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2011

M 11.3511

Assurance tremblement de terre obligatoire (adoption E 27.9.2011, N 14.3.2012)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 juin 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-1224

5351

Rapport 1

Contexte

Le 9 juin 2011, le député au Conseil des Etats Jean-René Fournier a déposé la motion 11.3511 «Assurance tremblement de terre obligatoire», qui charge le Conseil fédéral de «faire en sorte que, dans toute la Suisse, les bâtiments soient obligatoirement assurés contre les dommages résultant d'un tremblement de terre. L'assurance des dommages naturels est à compléter dans ce sens et la prime unifiée dans tout le pays. Le passé récent [nous] a une fois de plus clairement démontré que les plateaux continentaux sont en mouvement, qu'ils pourraient provoquer des sinistres considérables aussi bien en Asie qu'en Europe (Japon, Turquie, Espagne), et qu'ils seraient notamment causés par des tremblements de terre de forte magnitude. Les coûts de ces dommages matériels sont extraordinairement élevés, et à peine estimables. La Suisse ne fait pas partie des territoires les plus exposés comme, par exemple, certaines régions d'Asie. Malgré cela, un tremblement de terre pourrait survenir en Suisse, entraînant d'énormes dégâts matériels aux bâtiments, aux infrastructures et aux installations de toutes sortes». Le Valais, la région de Bâle, la vallée du Rhin saintgalloise, l'Oberland bernois, l'Engadine et certaines régions de Suisse centrale présentent des risques accrus, mais des tremblements de terre peuvent se produire partout en Suisse. «Les propriétaires d'immeubles peuvent déjà s'assurer maintenant contre le risque de tremblements de terre. La prime est extraordinairement élevée, cependant elle serait fortement réduite et supportable si elle devenait obligatoire pour tout le pays en complément de la couverture des dommages naturels en vigueur. Cette solution globale (pool) constituerait, dans le cas où un tel dommage surviendrait, un réel soulagement financier pour le dégât subi, et cela aussi bien pour les propriétaires que pour les éventuels créanciers hypothécaires».

Dans son avis du 24 août 2011, le Conseil fédéral notait que l'intégration, proposée par l'auteur de la motion, de la couverture des dommages sismiques dans l'assurance des dommages dus à des événements naturels ne permettait pas de mettre en place dans toute la Suisse l'assurance tremblement de terre obligatoire qu'il souhaite. La modification de l'ordonnance du 9 novembre 2005 sur la surveillance (OS)1 qui serait nécessaire n'aurait aucun
effet dans les 19 cantons disposant d'une assurance cantonale des bâtiments. Indépendamment de cela, l'introduction à l'échelle nationale d'une telle assurance obligatoire avec une prime uniforme ne serait possible que si la Confédération était dotée d'une nouvelle compétence2. Une telle compétence nécessiterait toutefois une modification de la Constitution (Cst.)3. Le Conseil fédéral déclarait par ailleurs qu'il n'entendait pas s'engager tant que les parties concernées (assureurs privés, établissements cantonaux d'assurance des bâtiments, propriétaires) ne se seraient pas mises d'accord sur une solution d'assurance obligatoire; il restait néanmoins disposé à reprendre la discussion avec les parties concernées dans le cadre d'un groupe de travail, afin de contribuer à la recherche d'une solution consensuelle.

1 2 3

RS 961.011 Cf. également les réponses du Conseil fédéral aux interventions 11.3377 et 10.3804.

RS 101

5352

2

Projet d'assurance tremblement de terre

Après que la motion Fournier eut été transmise le 14 mars 2012, le Département fédéral des finances (DFF) a pris la direction des travaux visant à élaborer les bases nécessaires à une assurance tremblement de terre obligatoire pour l'ensemble du pays. L'organisation de projet, bien étayée, regroupait les établissements cantonaux d'assurance des bâtiments (ECAB), les assureurs privés, l'association suisse des propriétaires fonciers (APF), l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et l'Office fédéral de l'environnement (OFEV). Un représentant du canton du Valais a également été invité; malgré le fort risque de tremblements de terre dans ce canton, le Valais n'a pas d'établissement cantonal d'assurance des bâtiments et ne connaît pas d'assurance obligatoire. Dans le cadre du projet, sous la conduite d'un comité de pilotage4 et la coordination d'un bureau de projet5, trois groupes de travail ont rédigé un rapport dans les domaines du droit6, du produit d'assurance7 et du règlement des sinistres8. Le rapport proposait des solutions pour une assurance tremblement de terre obligatoire pour tout le pays; il a été soumis aux milieux intéressés le 18 juillet 2013 pour une consultation informelle de trois mois.

3

Rapport mis en consultation

Le rapport mis en consultation décrivait dans une première partie les bases légales nécessaires à une assurance tremblement de terre obligatoire à l'échelle suisse. A cet égard, on peut envisager en principe tant une solution intercantonale qu'une solution fédérale.

Pour qu'une assurance tremblement de terre obligatoire dans toute la Suisse puisse être créée au niveau fédéral, il est indispensable de doter la Confédération d'une nouvelle compétence constitutionnelle. L'obligation de s'assurer et le contenu de

4

5

6

7

8

Sous la conduite de Daniel Roth (chef du service juridique du DFF), avec Andreas Götz (sous-directeur OFEV), Alfred Leu (Association suisse d'assurances [ASA], directeur général [CEO] Generali), Renato Resegatti (président du Pool suisse pour la couverture des dommages sismiques), Hans Egloff (conseiller national, président APF) et Nicolas Moren (chef du Service de la sécurité civile et militaire, canton du Valais).

Sous la conduite de Bruno Dorner (DFF), avec Blaise Duvernay (OFEV), Hans-Peter Gschwind (FINMA), Martin Wüthrich (ASA), Peter Schneider (Association des établissements cantonaux d'assurance incendie [AEAI]) et Ansgar Gmür (APF).

Sous la conduite de Marcel Wendelspiess (DFF), avec Hans-Peter Gschwind (FINMA), Tanja Wilke (ASA), Francis Beyeler (AEAI), Milos Daniel (Gebäudeversicherung Kanton Zürich [GVZ]) et Stefan Bär/ Stephanie Bartholdi (APF).

Sous la conduite de Bruno Spicher (Allianz), avec Laszlo Scheda (Mobilière), Peter Brunner (ASA), Peter Reinhard (AXA), Stephan Kötzer (Bâloise), Christoph Baumgartner (Nidwaldner Sachversicherung [NSV]), Jean-Claude Cornu (ECAB Fribourg), Martin Kamber (Union intercantonale de réassurance [UIR]), Heinz Fröhlich (GVZ) et Ansgar Gmür (APF).

Sous la conduite de Peter Blumer (Gebäudeversicherung des Kantons Basel-Stadt [GVBS]) et Jörg Meyer (Bâloise), Peter Bächtold (Basellandschaftliche Gebäudeversicherung [BGV]), Markus Deplazes (Nationale), Margrit Elbert (Mobilière), Ralph Feuerstein (AXA Winterthur), Silvio Freuler (Allianz), Peter Haller (Aargauische Gebäudeversicherung [AGV]), Jürg Pfister (Zurich Financial Services/Zurich Assurance [ZFS]), Alain Rossier (Solothurnische Gebäudeversicherung [SGV]/AEAI), Romano Simeon (Helvetia), Andreas Sommerhalder (Generali), Beat Vogt (Vaudoise) et Christoph Werner (Office fédéral de la protection de la population [OFPP]).

5353

l'assurance seraient alors réglés dans une loi fédérale. L'exécution resterait du ressort des ECAB et des assureurs privés.

Dans une solution intercantonale, le risque de tremblement de terre pourrait être assuré en complément aux risques déjà couverts par l'assurance des dommages naturels. Les ECAB et les assureurs privés pourraient créer de concert un pool de sinistres qui contribuerait non seulement à une répartition solidaire des dommages mais créerait également les conditions d'une organisation performante de traitement des sinistres. L'adhésion des cantons passerait par un concordat et dans les cantons sans monopole, une modification de l'OS obligerait les assureurs privés à exécuter la loi.

La deuxième partie du rapport était consacrée à la description du produit d'assurance envisageable. Trois types d'assurance étaient proposés: (A) assurance couvrant seulement les bâtiments, (B) assurance couvrant les bâtiments et les frais de déblaiement et (C) assurance couvrant les bâtiments, les frais de déblaiement ainsi que l'inventaire des ménages et les biens mobiliers. La franchise proposée s'élevait à 5 % de la somme d'assurance, et l'organisation de projet recommandait de renoncer à fixer une intensité sismique minimale pour un dédommagement. Le financement devait être réparti entre les assurés, les assureurs et les pouvoirs publics.

La troisième et dernière partie du rapport esquissait une organisation possible du traitement des sinistres à pilotage dual sur le principe d'un règlement individuel des sinistres par les différentes sociétés d'assurance dans les régions peu touchées (selon le modèle en vigueur dans l'assurance des dommages naturels) et, dans la zone de l'épicentre, d'un traitement direct et centralisé des sinistres (communauté de traitement des sinistres).

4

Résultats de la consultation

Les réponses fournies dans le cadre de la consultation font apparaître que la nécessité d'une assurance tremblement de terre à l'échelle suisse n'est pas contestée par la plupart des cantons, des ECAB, des assureurs privés et des milieux intéressés, de même que par la moitié environ des associations économiques faîtières. Une grande majorité se dessine en faveur d'une solution obligatoire à l'échelle du pays assortie d'une prime uniforme, qui permet notamment la solidarité nécessaire à la perception d'une prime supportable. Plusieurs cantons et ECAB soulignent l'importance d'une solution reposant sur les institutions publiques. Les participants plus sceptiques, dont la majorité des associations de propriétaires fonciers, affirment que l'on dispose déjà de possibilités suffisantes d'assurer les conséquences d'un tremblement de terre.

Quelques participants jugent une assurance tremblement de terre obligatoire complexe et exigeante, et font souvent valoir que les risques variables encourus par les diverses régions et la faible probabilité d'un tremblement de terre dans certains cantons justifient des solutions cantonales différenciées sans prime unique. Une solution obligatoire serait dès lors disproportionnée et empiéterait sur les compétences des cantons. D'aucuns sont également d'avis qu'il ne s'agirait pas d'une véritable assurance puisque les assurés devraient supporter une part relativement importante des dommages. Enfin, on s'est également opposé à une assurance tremblement de terre en évoquant les mesures antisismiques dans la construction, mieux à même de pallier les risques.

5354

Pour ce qui est de la forme juridique d'une assurance tremblement de terre, la grande majorité des participants se prononce en faveur d'une solution intercantonale fondée sur un concordat et un pool unique, qui respecterait les compétences cantonales et qui a fait ses preuves dans d'autres domaines, par exemple en matière de dommages naturels. En ce qui concerne la mise en oeuvre, les partisans d'une solution intercantonale préconisent le maintien et l'intégration des structures actuelles qui se sont révélées efficaces et avantageuses dans le règlement des conséquences de catastrophes naturelles. La nouvelle assurance devrait être conçue sur le même modèle que l'assurance incendie et dommages naturels. Six cantons rejettent néanmoins la solution intercantonale. En outre, quelques participants jugent que la solution fédérale présente de meilleures chances de réalisation: elle est la seule à pouvoir garantir une couverture nationale et la participation de tous les cantons, et elle se justifie également par le fait que la Confédération participerait à son financement. Nombreux sont ceux qui soulignent que la solution fédérale verrait plus rapidement le jour, car elle simplifierait le travail législatif et la coordination.

Quant au produit d'assurance proposé, une nette majorité des participants préconise une couverture des bâtiments et des frais de déblaiement, mais non de l'inventaire des ménages et des biens mobiliers. Etant donné que, dans l'assurance incendie et dommages naturels, la couverture des biens mobiliers est facultative dans presque tous les cantons, il serait contraire au système de la rendre obligatoire dans l'assurance tremblement de terre, d'autant qu'il en résulterait des problèmes juridiques et des charges administratives disproportionnées lors du traitement des sinistres. Les assurés sont libres d'assurer l'inventaire du ménage et les biens mobiliers à titre complémentaire. Les partisans d'une solution complète, couvrant également l'inventaire des ménages et les biens mobiliers, font valoir avant tout des arguments de politique sociale, car non seulement les propriétaires mais également les locataires devraient pouvoir profiter d'une assurance à laquelle la Confédération contribuerait de manière substantielle. En ce qui concerne la franchise, une nette majorité approuve les 5
%. La proposition d'un modèle de financement associant les assurés, les assureurs et la Confédération n'est guère contestée non plus.

Le traitement coordonné des sinistres tel qu'il est proposé dans le rapport est jugé utile et nécessaire par tous les participants à la consultation, car seul un traitement coordonné permettra une reconstruction, un retour à la normale et un redémarrage de l'économie dans les meilleurs délais. L'organisation de traitement des sinistres à pilotage dual fait également l'unanimité. Elle repose sur des structures existantes, qui ont entièrement donné satisfaction en matière de dommages naturels en Suisse et peuvent parfaitement s'adapter à l'ampleur d'un éventuel tremblement de terre. Les variantes prévoyant un traitement centralisé des sinistres et une simple assurance de capital n'ont en revanche rencontré aucun écho.

5

Appréciation des résultats de la consultation

5.1

Forme juridique

La Confédération n'a pas la compétence de régler une assurance tremblement de terre obligatoire. Les dispositions relatives aux dommages dus à des événements naturels que l'on trouve dans la loi du 17 décembre 2004 sur la surveillance des

5355

assurances (LSA)9 et dans l'OS (art. 171 ss) concernent exclusivement les entreprises d'assurance privées. L'activité des ECAB ressortit à la compétence réglementaire des cantons. Le Conseil fédéral ne peut ainsi instituer pour l'ensemble de la Suisse une assurance tremblement de terre uniforme et obligatoire, et partant donner suite à la motion Fournier, que si tous les cantons dans lesquels les ECAB exploitent l'assurance des bâtiments contre les dommages naturels adoptent une solution intercantonale fondée sur un concordat. Or, comme l'a montré la consultation, six cantons s'opposent à un tel projet. Tant que prévaut cette divergence de vues entre les cantons, la voie de la solution intercantonale est exclue.

5.2

Produit d'assurance

5.2.1

Choses assurées

Vu que la majorité des participants qui se sont exprimés dans le cadre de la consultation accordent la préférence à une assurance des bâtiments et des frais de déblaiement excluant l'inventaire des ménages et les biens mobiliers, il semble judicieux de concevoir une éventuelle couverture obligatoire en ce sens. Cela correspondrait également à la motion Fournier, qui ne se rapporte qu'à la mise en place d'une assurance des bâtiments. Il convient toutefois d'attirer l'attention sur le fait que presque la moitié des participants favorables à une simple assurance des bâtiments serait prête, pour des raisons politiques et de solidarité, à intégrer l'inventaire des ménages et les biens mobiliers à l'assurance tremblement de terre.

5.2.2

Franchise

La franchise a recueilli un large consensus. La proposition de calculer la franchise en fonction de la somme d'assurance et non du dommage n'a pas été contestée. Le taux de 5 % est largement approuvé et devrait être prévu dans le cadre d'une assurance obligatoire. D'aucuns proposent une franchise plus élevée, ou de lier son montant au respect des normes sismiques SIA. La seconde de ces suggestions pourrait être étudiée plus avant lors de la conception de l'assurance, car on trouve souvent dans les avis exprimés une revendication pour l'encouragement des constructions résistant aux séismes, même si cela ne suffit pas à écarter tous les risques.

5.2.3

Modèle de financement et prime

La répartition des charges entre les assurés, les assureurs et les pouvoirs publics (la Confédération) n'est pas contestée dans son principe qui veut que l'assuré contribue d'abord à hauteur de la franchise avant que la prestation d'assurance soit fournie par les assureurs puis conjointement par les assureurs et la Confédération. Dans de nombreux cas, une contribution financière substantielle de la Confédération est jugée indispensable. Lors d'éventuels travaux à venir, la contribution de la Confédération restera certainement au coeur des débats.

9

RS 961.01

5356

5.3

Traitement des sinistres

Un consensus clair s'étant dégagé à propos d'une organisation coordonnée du traitement des sinistres à pilotage dual, il est judicieux de poursuivre les travaux dans cette direction. En revanche, on peut renoncer à étudier plus avant les solutions rejetées, à savoir le traitement centralisé des sinistres et une simple assurance de capital.

6

Présentations des options restantes

6.1

Renonciation à une assurance tremblement de terre

La solution intercantonale fondée sur un concordat ­ exposée au ch. 5.1 ­ requiert l'approbation de tous les cantons: à défaut, une assurance tremblement de terre générale à prime uniforme pour tout le pays ne peut voir le jour. La Confédération n'ayant aucune compétence constitutionnelle en la matière, il conviendrait par conséquent de renoncer à une telle assurance.

Il ne reste qu'une voie pour contourner l'obstacle et instaurer malgré tout une assurance tremblement de terre au sens de la motion, à savoir une solution fédérale assortie d'une base légale dans la Constitution. Cette dernière est exposée ci-après, de même que les conditions cadres indispensables.

6.2

Solution fédérale

6.2.1

Forme juridique

En vertu de l'art. 3 Cst., les cantons exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération (compétence présumée des cantons), de sorte que toutes les compétences déléguées à la Confédération doivent explicitement figurer dans la Constitution. Cette dernière ne contient toutefois pas de base suffisante pour instituer une assurance tremblement de terre obligatoire pour les bâtiments. Certes, l'art. 98, al. 3, Cst. confère à la Confédération la compétence de légiférer sur les assurances privées, mais cette base ne suffit pas du fait que 19 cantons ont prévu un monopole au profit de leurs établissements cantonaux d'assurance des bâtiments, autorisés à exploiter l'assurance des bâtiments contre l'incendie et les dommages dus aux événements naturels. Les assurances cantonales des bâtiments étant des établissements de droit public (et non des entreprises d'assurance privées), elles ne relèvent pas de la compétence constitutionnelle évoquée. En revanche, la LSA a été édictée sur la base de l'art. 98, al. 3, Cst., et règle la surveillance des entreprises d'assurance privées. La réglementation des art. 33 LSA et 171 à 178 OS relative à l'assurance contre les dommages dus aux éléments naturels n'est donc pertinente que pour les seules entreprises d'assurance privées. En raison des monopoles cantonaux, les assureurs privés ne peuvent assurer des bâtiments contre les dommages dus aux éléments naturels que dans les cantons dits GUSTAVO (Genève, Uri, Schwyz, Tessin, Appenzell Rhodes-Intérieures, Valais et Obwald), qui ne connaissent pas de monopole en faveur d'un établissement cantonal d'assurance des bâtiments.

5357

Il convient dès lors de prévoir dans la Constitution une compétence explicite de la Confédération si l'on veut permettre à cette dernière d'instituer une assurance tremblement de terre obligatoire dans toute la Suisse, contraignante aussi bien pour les établissements cantonaux d'assurance des bâtiments que pour les assureurs privés.

Un article constitutionnel à cette fin pourrait avoir la teneur suivante: Art. 98a

Assurance tremblement de terre

La Confédération légifère sur l'assurance tremblement de terre des bâtiments obligatoire pour l'ensemble de la Suisse.

1

2

Elle tient compte des compétences des cantons et des structures du marché.

Elle peut contribuer au financement de l'assurance tremblement de terre et fournir des prestations financières complémentaires dans des circonstances extraordinaires.

3

Un art. 98a Cst. ainsi rédigé limite la compétence de la Confédération à l'introduction d'une assurance tremblement de terre. Il n'accorde donc pas de compétence globale à la Confédération pour le règlement des conséquences des catastrophes naturelles (article sur les catastrophes). En la matière, les cantons resteraient en principe souverains.

L'al. 1 de la disposition constitutionnelle prévoit l'introduction d'une assurance tremblement de terre obligatoire pour les bâtiments (couvrant également les frais de déblaiement). En est exclue la couverture de l'inventaire des ménages et des biens mobiliers, ce qui correspond d'une part à la motion Fournier et d'autre part au principe selon lequel l'introduction de l'assurance obligatoire doit servir à garantir les bases d'existence. Le remplacement de l'inventaire du ménage et de biens mobiliers ne répond pas à cette dernière condition. Tous les propriétaires d'immeubles seraient tenus d'assurer les bâtiments contre le risque de tremblement de terre. Dans les cantons connaissant déjà une assurance obligatoire contre les dommages naturels causés aux bâtiments, la situation ne change en rien sur le fond: tout au plus faudrat-il étendre la couverture. En revanche, dans les cantons GUSTAVO ne connaissant pas d'assurance obligatoire en la matière (Genève, Tessin, Appenzell Rhodes-Intérieures et Valais), les propriétaires devraient assurer leurs bâtiments au moins contre les tremblements de terre, contrairement à la situation juridique actuelle. Etant donné que dans ces cantons, la plupart des propriétaires disposent déjà d'une assurance contre les dommages naturels, l'obligation n'imposerait une assurance entièrement nouvelle qu'à un groupe de population relativement restreint.

Le même souci de solidarité que celui qui fonde l'assurance contre les dommages dus aux éléments naturels réglée dans la LSA doit marquer l'assurance tremblement de terre. C'est pourquoi la nouvelle assurance devrait offrir aux cantons plus exposés que la moyenne, par le biais d'une couverture équivalente et un tarif uniforme, une assurance tremblement de terre à un coût supportable. Les principes élémentaires seraient précisés dans une loi fédérale contraignante tant pour les établissements cantonaux d'assurance des bâtiments que pour les assureurs privés. Cette loi fédérale devrait
régler non seulement la structure tarifaire et l'étendue de la couverture, mais aussi les faits donnant droit à des prestations. Elle devrait également définir le modèle de financement (limites de couverture, franchise appropriée, éventuelle 5358

différenciation entre bâtiments existants et nouvelles constructions) et la procédure de règlement des sinistres. Cette dernière inclut le traitement ordonné des cas à la suite d'un sinistre.

L'al. 2 dispose que les compétences constitutionnelles réservées aux cantons et les structures du marché existantes doivent être prises en considération. On précise ainsi clairement qu'il ne s'agit pas de créer un établissement d'assurance de la Confédération, mais de confier aux assureurs cantonaux et privés des bâtiments la responsabilité de la mise en oeuvre (exécution) de l'assurance tremblement de terre. La loi fédérale devrait par conséquent prévoir une délégation explicite de compétences d'exécution aux établissements cantonaux d'assurance des bâtiments et aux assureurs privés.

L'al. 3 habilite la Confédération à contribuer à l'assurance tremblement de terre aux côtés des assurés (propriétaires) et des assureurs. Il convient de régler au niveau de la loi dans quelle mesure et dans quel ordre le financement doit intervenir (parallèlement ou consécutivement aux assureurs). Outre une contribution directe possible au financement de l'assurance tremblement de terre, la disposition constitutionnelle prévoit que dans des circonstances extraordinaires, la Confédération peut fournir des prestations financières complémentaires. Ce peut être le cas par exemple d'un événement qui ne se produit qu'une fois par millénaire et qui entraînerait des prestations dépassant les ressources de l'assurance tremblement de terre. On trouve des réglementations semblables pour le règlement des sinistres majeurs en matière de barrages et d'installations nucléaires (aux art. 19 ss de la loi fédérale du 1er octobre 2010 sur les ouvrages d'accumulation10 et art. 29 ss de la loi fédérale du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire11).

A l'égard de la compatibilité d'une extension de l'étendue de la couverture pour les cantons bénéficiant d'un monopole avec l'accord du 10 octobre 1989 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie12, l'Office fédéral de la justice concluait du reste, dans une prise de position du 25 février 2005, qu'il ne se justifiait pas de qualifier l'extension des monopoles des établissements d'assurance
des bâtiments au risque de séisme de modification de compétence au sens de la première phrase de l'introduction à l'annexe 2.D dudit accord. Il n'y a aucune raison de s'écarter de cette constatation aujourd'hui.

6.2.2

Produit d'assurance

Généralités La branche des assurances offre toujours l'assurance contre les dommages dus aux événements naturels en combinaison avec l'assurance incendie. Le principe est le même pour les ECAB (bâtiments) et les assureurs privés (bâtiments, inventaire du ménage et inventaire d'entreprise) et fonde la motion Fournier («L'assurance des dommages naturels est à compléter dans ce sens et la prime unifiée dans tout le pays»). Les produits existants devraient par conséquent être conservés et étendus à l'assurance tremblement de terre.

10 11 12

RS 721.101 RS 732.44 RS 0.961.1

5359

Choses assurées Il conviendrait de reprendre la solution d'assurance des bâtiments incluant les frais de déblaiement, qui a reçu un large soutien. Les bases d'une telle formule ont été élaborées dans le cadre des travaux précédents et pourraient être conservées sans changement.

Somme assurée La solution d'assurance devrait prévoir une somme assurée de 20 milliards de francs par événement. Ce montant suffit à indemniser les dommages en cas de tremblements de terre de faible ou de moyenne magnitude, mais également ceux résultat d'un fort séisme: 20 milliards de francs suffisent à couvrir des sinistres d'une période de retour jusqu'à 500 ans.

Franchise Une franchise de 5 % est appropriée et tient compte de manière équilibrée des intérêts des assurés, des communautés d'assurés, des assureurs et de la Confédération.

La solution devrait dès lors être reprise. Il en va de même du doublement de la franchise si un bâtiment construit après l'introduction de l'assurance tremblement de terre ne respectait pas les normes antisismiques SIA en vigueur. Ces principes ont également été élaborés au cours des travaux précédents et pourraient être repris en l'état. On pourrait également examiner la possibilité de mettre en place un système d'incitations à construire des bâtiments résistant aux séismes.

Modèle de financement et prime Le modèle de financement, approuvé à l'unanimité et qui prévoit la répartition des charges entre les assurés, les assureurs et la Confédération, créerait les conditions garantissant une somme assurée suffisante et la stabilité des primes.

Le principe de la prime unique dans l'assurance contre les dommages naturels, c'està-dire un taux de prime unique pour l'ensemble des bâtiments de Suisse, abstraction faite de leur localisation géographique, devrait également s'appliquer à l'assurance tremblement de terre.

En renforçant la participation de la Confédération au financement, la solution d'assurance pourrait être adaptée au profit des propriétaires fonciers. La part des fonds revenant aux réassureurs s'en trouverait réduite et les primes à la charge des assurés baisseraient encore car, dans le modèle décrit, la Confédération n'exige aucune indemnité (en cas de sinistre, une rétrocession partielle passerait par le canal de la TVA). En retenant une somme assurée de 20 milliards de francs,
et un montant de 1 milliard de francs à la charge des premiers assureurs (ECAB et assureurs privés), il faudrait déterminer le montant des primes en tenant compte de la répartition des 19 milliards restants entre les réassureurs et la Confédération. Les bases de calcul ont déjà été élaborées et peuvent être reprises.

6.2.3

Traitement des sinistres

L'organisation de traitement des sinistres à pilotage dual n'a pas été contestée et devrait être reprise. Son principe prévoit que, dans les régions où les dommages sont les moins importants, les sinistres sont réglés individuellement par les différentes 5360

sociétés d'assurance (par analogie avec le traitement des sinistres dus à des événements naturels), tandis que, dans la zone de l'épicentre, le traitement des sinistres est assuré de façon directe et centralisée (communauté de traitement des sinistres). Hors de l'épicentre, des institutions d'assurance locales prennent individuellement en charge les dommages de leurs assurés, selon des directives et instructions uniformes.

En revanche, dans la zone de l'épicentre, les dommages sont réglés de manière centralisée, indépendamment de l'assureur. Cette organisation de traitement des sinistres permettrait d'évaluer plus simplement les dommages, d'accélérer le versement d'avances dans le cadre du règlement des sinistres, conditions essentielles d'une reconstruction rapide.

En cas de tremblement de terre, les autorités politiques se doivent de toute manière d'agir. C'est pourquoi les instances cantonales et fédérales doivent réfléchir à la façon d'aborder le règlement des sinistres en cas d'événement de forte magnitude.

En effet, les ressources financières allouées le cas échéant doivent être octroyées proportionnellement au dommage et avec célérité, indépendamment de l'existence d'une assurance tremblement de terre.

7

Conclusion / classement de la motion

Dans les deux cas de figure, la motion doit être classée: ­

si l'on renonce à une assurance tremblement de terre à l'échelle nationale, d'autres travaux ne sont plus nécessaires;

­

si l'on vise une solution fédérale telle qu'esquissée plus haut, on ne peut éviter une modification constitutionnelle pour laquelle le mandat de la motion Fournier ne suffit pas, il faudrait alors un mandat clair du Parlement, pour autant que ce dernier ne prenne pas lui-même l'initiative d'une modification de la Constitution.

C'est pourquoi le Conseil fédéral propose de classer la motion 11.3511.

Le problème du règlement des sinistres devrait toutefois être abordé même si une assurance tremblement de terre à l'échelle nationale se révélait politiquement irréalisable.

5361

5362