14.016 Message concernant l'approbation du Traité sur le commerce des armes du 29 janvier 2014

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation du Traité du 2 avril 2013 sur le commerce des armes.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 janvier 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-1297

1485

Condensé Le présent message propose l'approbation du traité sur le commerce des armes. Le traité a pour objectif de créer des normes internationales pour réglementer et contrôler le commerce international des armes classiques, et de lutter contre le commerce illicite d'armes. La mise en oeuvre du traité ne nécessite aucune adaptation du droit suisse.

Contexte Après un processus de plusieurs années mené dans le cadre de l'ONU, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté, le 2 avril 2013, le traité sur le commerce des armes (TCA). Ce traité réglemente pour la première fois le commerce des armes de façon juridiquement contraignante au niveau international. Les normes internationales en matière de réglementation et de contrôle du commerce des armes classiques ainsi que les mesures visant à prévenir le commerce illicite d'armes et à lutter contre ce phénomène figurant dans le traité ont pour but de contribuer à la sécurité et à la stabilité, et de promouvoir la coopération, la transparence et l'action responsable des Etats dans le commerce international d'armes. Il s'agit également de réduire la souffrance humaine causée par l'utilisation abusive des armes.

Contenu du projet Le TCA oblige les Etats parties à créer et à maintenir un régime de contrôle national et, notamment, à empêcher les transferts d'armes quand il existe des raisons de supposer que ces armes pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre. Par ailleurs, il convient d'examiner les exportations d'armes selon des critères d'autorisation définis. Il s'agit notamment de refuser les demandes d'exportation quand il existe un risque prépondérant que les armes exportées soient utilisées pour commettre des violations graves du droit international humanitaire ou des droits de l'homme. En outre, les Etats parties sont encouragés à prendre des mesures pour empêcher le détournement des armes transférées. Afin de garantir la mise en oeuvre la plus efficace possible du traité, les Etats parties sont tenus de coopérer entre eux et de se prêter assistance.

Le TCA sert les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure, de politique de sécurité et de politique économique. C'est pourquoi la Suisse s'est engagée dès le début en faveur d'un traité le plus complet et le plus efficace possible. Elle
a participé activement aux négociations et a pu influer concrètement sur le texte, en particulier en ce qui concerne le droit international humanitaire, le champ d'application et les questions techniques relatives au contrôle à l'exportation. La Suisse a signé le traité le 3 juin 2013. A cette occasion, elle s'est prononcée pour une mise en oeuvre rigoureuse du traité et a souligné les avantages de Genève pour accueillir le futur secrétariat. La mise en oeuvre du TCA relève de la législation sur le matériel de guerre, mais elle ne nécessite aucune adaptation de celle-ci. En raison des dispositions importantes fixant des règles de droit que contient le TCA, son approbation est sujette au référendum.

1486

Table des matières Condensé

1486

1

1489 1489 1489 1490 1492

Présentation du traité 1.1 Contexte 1.1.1 Commerce international des armes classiques 1.1.2 Réglementations et obligations internationales existantes 1.1.3 Contrôles à l'exportation de matériel de guerre en Suisse 1.1.4 Politique de la Suisse en matière de sécurité, de maîtrise des armements et de désarmement 1.1.5 Politique de la Suisse en matière de paix, de droits de l'homme et politique humanitaire 1.2 Déroulement et résultat des négociations 1.2.1 Une initiative de la société civile 1.2.2 Processus de préparation dans le cadre de l'ONU 1.2.3 Conférences de négociation 1.2.4 Mandat de négociation et rôle de la Suisse 1.2.5 Adoption du traité par l'Assemblée générale des Nations Unies 1.2.6 Signature, ratification et entrée en vigueur du traité 1.2.7 Procédure de consultation 1.3 Aperçu du contenu du traité sur le commerce des armes et rapport avec la législation suisse 1.3.1 Objectif du traité 1.3.2 Mise en oeuvre du traité en Suisse 1.3.3 Obligations essentielles du traité 1.3.4 Prévention des détournements 1.3.5 Coopération et assistance internationales 1.4 Appréciation 1.4.1 Contribution à la sécurité internationale, nationale et humaine 1.4.2 Contrôles à l'exportation, acquisition d'armement et place industrielle en Suisse 1.4.3 Importance pour le droit international public et aspects liés à la neutralité 1.4.4 Coopération et assistance internationales 1.4.5 Universalisation du traité 1.4.6 Place genevoise

1492 1493 1494 1494 1495 1496 1497 1497 1498 1498 1498 1498 1499 1500 1503 1503 1504 1504 1505 1506 1507 1507 1508

2

Commentaire des dispositions du traité

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3

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.1.1 Conséquences financières 3.1.2 Conséquences sur l'état du personnel 3.2 Conséquences pour les cantons et communes, ainsi que pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne

1519 1519 1519 1519 1520

1487

3.3 3.4 4

5

Conséquences économiques Conséquences en matière de politique étrangère

1520 1520

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral 4.1 Relation avec le programme de la législature 4.2 Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

1520 1520 1521

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Déclaration interprétative 5.5 Protection des données

1521 1521 1521 1521 1522 1522

Arrêté fédéral portant approbation du traité sur le commerce des armes (Projet)

1523

Traité sur le commerce des armes

1525

1488

Message 1

Présentation du traité

1.1

Contexte

1.1.1

Commerce international des armes classiques

Pour les Etats, l'acquisition d'armes classiques est capitale pour assurer leur sécurité intérieure et extérieure. Comme la plupart des Etats ne disposent pas de capacités industrielles suffisantes en matière de défense, ils font souvent appel à d'autres pays ou à des entreprises étrangères pour obtenir les armes nécessaires. Du point de vue des pays exportateurs, les exportations d'armes renforcent l'industrie nationale de la sécurité et de l'armement. En règle générale, les pays exportateurs d'armes essaient de contrôler et de gérer les exportations selon leurs objectifs de politique extérieure, de politique économique et de politique de sécurité. La complexité du commerce des armes tient donc à la forte influence de la politique et au grand nombre d'acteurs privés et publics impliqués. Le manque de transparence et la difficulté à effectuer les contrôles sont également des caractéristiques du commerce international des armes.

Le volume global des exportations de biens d'équipement militaires est très difficile à déterminer. Le Congressional Research Service (CRS) estime que, en 2011, les exportations de biens d'équipement militaires ont totalisé près de 85 milliards de dollars1. Le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), spécialisé dans les questions de sécurité internationale, a renoncé, depuis 2008, à publier des chiffres mesurés en termes monétaires, et emploie des indicateurs de tendance calculés de manière uniforme2. Pour l'année 2007, les exportations estimées en dollars par le SIPRI représentent le double des exportations calculées par le CRS, ce qui illustre bien la difficulté à évaluer le volume des exportations de biens d'équipement militaires dans le monde. Celle-ci tient principalement à l'incohérence et à la non-exhaustivité des informations fournies par les pays exportateurs. A cela s'ajoute l'hétérogénéité des définitions tant des biens d'équipement militaires que des affaires avec l'étranger portant sur ces biens.

Le SIPRI estime que le volume global des exportations de biens d'armement entre 2008 et 2012 était de 17 % plus élevé qu'entre 2003 et 2007. Les cinq plus gros pays exportateurs (Etats-Unis, Russie, Allemagne, France et Chine) couvrent à eux seuls environ 75 % du volume total des exportations; les cinq principaux pays de destination entre 2006 et 2010
étaient l'Inde, la Chine, le Pakistan, la Corée du Sud et Singapour. Entre 2008 et 2012, le volume global des exportations s'est réparti comme suit entre les différentes régions du monde: 47 % vers l'Asie et l'Australie, 15 % vers l'Europe, 17 % vers le Proche-Orient, 11 % vers l'Amérique et 9 % vers l'Afrique3. Cette répartition devrait refléter grosso modo les réalités du marché dans 1

2 3

Grimmett, Richard F., Kerr, Paul K. (2012), Conventional Arms Transfers to Developing Nations, 2004­2011. Summary. Washington D.C.: Congressional Research Service.

Ce document peut être consulté à l'adresse suivante: www.fas.org/sgp/crs/weapons/R42678.pdf.

Stockholm International Peace Research Institute (2013), SIPRI Yearbook 2013, Armaments, Disarmament and International Security, 243­282.

Stockholm International Peace Research Institute (2013), SIPRI Yearbook 2013, Armaments, Disarmament and International Security, 243­282.

1489

un avenir proche. Alors que, dans de nombreux pays européens, la tendance à la réduction du budget militaire s'accentue du fait de la crise financière et économique, d'autres régions, notamment le Proche-Orient et le Moyen-Orient ainsi que l'Asie, connaissent parfois une augmentation considérable de leurs dépenses militaires.

1.1.2

Réglementations et obligations internationales existantes

Le Traité du 2 avril 2013 sur le commerce des armes (TCA) définit pour la première fois des normes contraignantes relevant du droit international public visant à réglementer et à contrôler le commerce des armes classiques. Les réglementations et les obligations internationales qui y sont liées, notamment dans le domaine du contrôle des armements et du désarmement, forment le contexte normatif du TCA. Sur le plan du contenu, certains chevauchements entre les réglementations et obligations internationales existantes et le TCA peuvent être observés, bien qu'il faille faire la distinction entre les instruments contraignants sur le plan juridique et ceux qui le sont sur le plan politique.

En premier lieu, les sanctions décidées en vertu de l'art. 41 de la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 (Charte des Nations Unies)4 par le Conseil de sécurité de l'ONU interdisent les exportations d'armement vers certains pays. En tant que membre de l'ONU, la Suisse les met en oeuvre sur la base de la loi du 22 mars 2002 sur les embargos (LEmb)5. Le TCA reprend expressément cette obligation dans l'art. 6, par.1. Conformément à la Convention du 18 septembre 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction6 et à la Convention du 30 mai 2008 sur les armes à sous-munitions7, l'emploi, la production, le stockage et le commerce des mines antipersonnel et des sous-munitions sont interdits. Le transfert de ces biens est prohibé en vertu de l'art. 6, par. 2, du TCA.

Le Protocole additionnel du 31 mai 2001 à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions (protocole sur les armes à feu)8, qui se base sur la Convention des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée9, oblige juridiquement les Etats parties à lutter contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu. A cet effet, les armes à feu doivent se voir appliquer une marque individuelle et être enregistrées, des contrôles à l'exportation fiables doivent être garantis et l'échange d'informations au niveau international doit avoir lieu. Bien que limité aux armes à feu, le protocole sur les armes à feu contient des
dispositions qui recoupent celles du TCA. Si les dispositions divergent ou sont contradictoires, la Suisse appliquera les dispositions les plus sévères afin de remplir ses obligations et d'assurer la promotion des objectifs du traité.

4 5 6 7 8 9

RS 0.120 RS 946.231 RS 0.515.092 RS 0.515.093 RS 0.311.544 RS 0.311.54

1490

Outre ces réglementations relevant du droit international public, la Suisse s'est engagée sur le plan politique à mettre en oeuvre plusieurs instruments internationaux en rapport avec le commerce des armes. L'Arrangement de Wassenaar10 a pour objectif d'empêcher une accumulation déstabilisante d'armes classiques et de biens industriels servant à leur fabrication (biens à double usage) et, partant, de contribuer à promouvoir la sécurité et la stabilité régionales et internationales. Les Etats parties se sont mis d'accord sur les normes en matière de contrôle à l'exportation et sur les biens à contrôler. Les obligations qui en découlent sont un peu plus complètes et détaillées que celles du TCA et servent ainsi sa mise en oeuvre.

A la différence de l'Arrangement de Wassenaar, le Programme d'action des Nations Unies sur les armes légères11 se limite à la problématique des armes légères et de petit calibre. Le contrôle du commerce des armes légères n'est qu'un aspect de ce programme d'action, qui a pour objectif de lutter efficacement contre le commerce illicite d'armes. Les dispositions du programme d'action sur les armes légères peuvent servir d'aide à l'interprétation du TCA. On dénombre peu de dispositions contradictoires au TCA, ce traité étant prioritaire en tant qu'instrument juridiquement contraignant.

L'instrument international visant à permettre l'identification et le traçage rapides et fiables des armes légères et de petit calibre illicites12 réglemente le marquage et l'enregistrement en rapport avec la lutte contre le commerce illicite d'armes, ce qui complète les règles du TCA concernant ce type d'armes. Le Registre des armes classiques de l'ONU13 prévoit un échange d'informations sur l'exportation et l'importation des principaux systèmes d'armes classiques et une communication d'informations volontaire sur les armes légères et de petit calibre. Par ailleurs, en 1991, des directives relatives aux transferts internationaux d'armes classiques ont été adoptées tant par le Conseil de sécurité de l'ONU14 que par la Commission du désarmement15. Ces directives sont toujours en vigueur, même si les dispositions du TCA ont la priorité pour les Etats parties.

10

11

12

13

14

15

The Wassenaar Arrangement on Export Controls for Conventional Arms and Dual-Use Goods and Technologies, Final Declaration du 19 décembre 1995. Il peut être consulté à l'adresse suivante: www.wassenaar.org/publicdocuments/declaration.html.

Programme d'action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, doc. ONU A/CONF.192/15 du 9 au 20 juillet 2001.

Il peut être consulté à l'adresse suivante: www.un.org/events/smallarms2006/pdf/192.15 %20(F).pdf.

Instrument international visant à permettre aux Etats de procéder à l'identification et au traçage rapides et fiables des armes légères et de petit calibre illicites, Assemblée générale des Nations Unies, 2005, doc. ONU A/60/88. Il peut être consulté à l'adresse suivante: www.poa-iss.org/InternationalTracing/ITI_French.pdf.

Registre des armes classiques de l'ONU du 6 décembre 1991, doc. ONU A/RES/46/36.

Il peut être consulté à l'adresse suivante (uniquement en anglais): www.un.org/depts/ddar/Register/4636.html.

The Guidelines for conventional arms transfers agreed by the five permanent members of the UN Security Council, Londres, 18 octobre 1991. Elles peuvent être consultées à l'adresse suivante: www.un.org/disarmament/convarms/ATTPrepCom/Background%20documents/1991 %2 0CD1113 %20-%20P5 %20guidelines%20-%20E.pdf.

Directives relatives aux transferts internationaux d'armes dans le contexte de la résolution 46/36 H de l'Assemblée générale, en date du 6 décembre 1991; document de la Commission du désarmement A/CN.10/1996/CRP.3, 3 mai 1996. Elles peuvent être consultées à l'adresse suivante: www.un.org/disarmament/convarms/Register/HTML/Register_Resources.shtml.

1491

1.1.3

Contrôles à l'exportation de matériel de guerre en Suisse

Les contrôles à l'exportation visent à empêcher la diffusion non souhaitée d'armes de destruction massive et d'armes classiques. La Suisse contrôle l'exportation aussi bien de biens d'équipement militaires que de biens à double usage, qui peuvent être utilisés à des fins civiles mais aussi dans la fabrication d'armes de destruction massive ou d'armes classiques. Les contrôles à l'exportation sont particulièrement efficaces quand les principaux pays fournisseurs les appliquent le plus uniformément possible. La Suisse est membre des quatre régimes internationaux de contrôle des exportations: le Groupe des pays fournisseurs nucléaires (NSG), le Groupe d'Australie (GA), le Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR) et l'Arrangement de Wassenaar (AW).

Les contrôles suisses à l'exportation de matériel de guerre sont régis par la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (LFMG)16. Les autorités compétentes examinent individuellement chaque demande d'exportation et autorisent une exportation si celle-ci ne contrevient pas au droit international et n'est pas contraire aux principes de la politique étrangère de la Suisse, ni à ses obligations internationales (art. 22 LFMG). Ce faisant, elles veillent au maintien d'une capacité industrielle adaptée aux besoins de la défense du pays (art. 1 LFMG). L'art. 5 de l'ordonnance du 25 février 1998 sur le matériel de guerre (OMG)17 précise l'art. 22 LMFG et liste les critères d'autorisation applicables lors de l'examen des marchés passés avec l'étranger.

De 2008 à 2012, les exportations de matériel de guerre se sont élevées en moyenne à environ 730 millions de francs (2012: 700,4 millions). Cela correspond à une part moyenne d'environ 0,3 % des exportations totales de marchandises de la Suisse (2012: 0,33 %). Traditionnellement, les pays d'Europe occidentale sont les principaux acquéreurs de matériel de guerre suisse. La pratique en matière d'autorisation d'exportation vers ces pays est libérale car ceux-ci respectent les normes des régimes internationaux de contrôle des exportations, et les exportations vers ces pays remplissent en principe les conditions d'octroi de l'autorisation. Réparties par continent, 63 % des exportations totales de matériel de guerre ont pris le chemin de l'Europe, 7 % celui de l'Amérique, 29 % celui de l'Asie,
0,2 % celui de l'Afrique et 0,8 % celui de l'Australie. Toutefois, on peut constater sur le long terme que, en raison de la baisse du nombre de contrats avec les Etats européens, des marchés en expansion, par exemple la région du Golfe ou l'Asie, prennent de l'importance.

1.1.4

Politique de la Suisse en matière de sécurité, de maîtrise des armements et de désarmement

La politique de la Suisse en matière de maîtrise des armements et de désarmement repose sur des considérations à la fois de sécurité et de politique extérieure. Elle vise à assurer l'indépendance et la sécurité du pays, tâches qui reviennent à la Confédération conformément à l'art. 2, al. 1, de la Constitution (Cst.)18. Elle se fonde sur les 16 17 18

RS 514.51 RS 514.511 RS 101

1492

objectifs de politique extérieure énoncés à l'art. 54, al. 2, Cst. Sur cette base, la Suisse mène une politique de maîtrise des armements et de désarmement active, pragmatique et réaliste selon le principe d'une sécurité non diminuée au niveau d'armement le plus bas possible.

Pour être pleinement efficace, les régimes de contrôles à l'exportation doivent être non discriminatoires et vérifiables. Les instruments contraignants sur le plan du droit international public sont préférables à ceux de nature uniquement politiques. Par ailleurs, les accords universels, ouverts à tous les Etats, sont également préférables aux ententes entre groupes d'Etats. En ce qui concerne la participation à des régimes de contrôle à l'exportation, la Suisse déroge à ce principe. En raison du fossé technologique et vu les exigences particulières que posent ces régimes à certains Etats, les régimes multilatéraux de contrôle à l'exportation ne sont pas ouverts à tous les pays.

Dans le domaine des armes classiques, la Suisse continue de s'engager en faveur de la transparence et de mesures visant à instaurer la confiance. Actuellement, la politique de la Suisse poursuit deux lignes d'actions. Elle s'engage en faveur d'un meilleur contrôle du commerce illicite des armes et contre la prolifération des armes légères et de petit calibre dans les zones de tensions. En outre, s'agissant des armes qui provoquent des effets traumatiques excessifs ou qui frappent sans discrimination comme les armes à sous-munitions ou les mines antipersonnel, la Suisse vise un cadre juridique plus strict pour leur utilisation ou leur interdiction.

1.1.5

Politique de la Suisse en matière de paix, de droits de l'homme et politique humanitaire

Le respect du droit international humanitaire et la promotion des droits de l'homme sont des aspects centraux de la politique extérieure de la Suisse, qui reposent sur l'art. 54, al. 2, Cst. Concernant la politique humanitaire, la Suisse oeuvre à la protection de la vie ainsi qu'aux droits et à la dignité des individus pendant et après les conflits armés et les situations de crise. Son engagement humanitaire est reconnu internationalement et bien intégré dans la politique intérieure. Par le biais de sa politique humanitaire, la Suisse s'engage lors de forums internationaux, par exemple à l'ONU, pour une amélioration des conditions-cadre de l'aide humanitaire. En outre, elle contribue à l'évolution politique internationale. En sa qualité d'Etat dépositaire et d'Etat contractant des Conventions de Genève de 194919 et des trois protocoles additionnels de 197720 et de 200521, elle prône le droit international humanitaire, dont la protection de la population civile lors des conflits armés est un élément central, et agit en faveur de son application mondiale. En outre, elle fournit de l'aide humanitaire et protège ainsi la vie et la dignité humaines.

Par ailleurs, la Suisse est partie aux principaux traités et instruments relatifs aux droits de l'homme. Les droits de l'homme qui y sont inscrits sont l'expression de valeurs universellement reconnues. Ces droits sont l'une des valeurs cardinales de la politique et de l'ordre juridique suisses. Ils figurent dans la Constitution fédérale comme une valeur essentielle que la Suisse doit défendre et promouvoir dans sa 19 20 21

RS 0.518.12; 0.518.23; 0.518.42; 0.518.51 RS 0.518.521; 0.518.522 RS 0.518.523

1493

politique intérieure comme dans sa politique extérieure. Cet ensemble de valeurs, qui est inscrit dans le catalogue détaillé des droits fondamentaux de la Constitution (art. 7 à 36 Cst.), est considéré comme une base essentielle pour assurer la sécurité humaine, soulager les populations dans le besoin et lutter contre la pauvreté, promouvoir la démocratie, la paix durable, la stabilité internationale et le développement durable. La Suisse se concentre sur les thèmes suivants pour lesquels elle peut apporter une contribution particulière en raison de ses expériences et de ses obligations: défense et promotion des droits de l'homme élémentaires dans le monde et protection des groupes particulièrement vulnérables. En outre, elle veille à ce que toutes les activités relevant de la politique étrangère tiennent systématiquement compte des droits de l'homme et à ce que la mondialisation soit utilisée pour renforcer ces droits.

La Suisse dispose d'instruments variés pour renforcer les droits de l'homme et s'opposer aux violations qui leur sont faites. Au niveau bilatéral, elle s'attache, au moyen de démarches et de dialogues sur les droits de l'homme, à promouvoir le respect de ces droits dans différents pays. Au niveau multilatéral, elle coordonne son action avec d'autres Etats, notamment dans le cadre d'organisations internationales, par exemple le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et le Conseil de l'Europe.

1.2

Déroulement et résultat des négociations

1.2.1

Une initiative de la société civile

Dans les années 20, la Société des Nations a tenté, sans succès, pour la première fois de réglementer au niveau mondial le commerce international des armes. Même l'art. 26 de la Charte des Nations Unies, qui charge le Conseil de sécurité d'élaborer des plans en vue d'établir un système de réglementation des armements, n'a jamais permis d'adopter à l'échelle mondiale une réglementation du commerce international des armes. A l'époque de la guerre froide, les Etats sont convenus, uniquement dans le cadre régional, de règles communes concernant le contrôle des biens d'armement, notamment pour éviter leur diffusion et leur transmission à des Etats ennemis.

Après la chute du mur de Berlin, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU ainsi que l'Assemblée générale des Nations Unies ont adopté des directives non contraignantes juridiquement concernant le commerce international des armes. Des représentants de la société civile ont repris l'idée d'un traité mondial sur le commerce des armes dans les années qui ont suivi et ont élaboré en 1997, sous la houlette de l'ancien président du Costa Rica, Oscar Arias, un code de conduite sur les transferts d'armes22. Ces efforts ont donné lieu en 2001 à un projet d'accordcadre, qui a été soumis aux Etats intéressés. En 2004, le gouvernement britannique s'est prononcé en faveur d'un traité sur le commerce des armes, qui a reçu le soutien de plusieurs pays européens, latino-américains et africains. En 2006, sept Etats (Argentine, Australie, Costa Rica, Finlande, Grande-Bretagne, Japon et Kenya) ont déposé un projet de résolution à l'ONU, qui a lancé les travaux en vue du TCA.

22

Code de conduite international des lauréats du prix Nobel de la paix sur les transferts d'armes, janvier 1997. Il peut être consulté à l'adresse suivante: www.wagingpeace.org/articles/1997/05/00_nobel-code-conduct.htm.

1494

1.2.2

Processus de préparation dans le cadre de l'ONU

La première résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies en vue d'un TCA23, datant du 18 décembre 2006, a chargé un groupe d'experts internationaux d'examiner le contenu, la viabilité, le champ d'application et les paramètres éventuels d'un TCA juridiquement contraignant. A cet effet, les représentants de 28 Etats membres de l'ONU, dont la Suisse, se sont réunis trois fois à New York en 2008.

Les discussions sur la viabilité politique d'un traité juridiquement contraignant ont été au coeur de ces rencontres. Une question fondamentale s'est en outre imposée: un éventuel traité peu ambitieux serait-il le seul à être largement accepté? Cette interrogation était particulièrement pertinente car les deux principaux exportateurs de biens d'équipement militaires, les Etats-Unis et la Russie, affichaient des positions critiques à l'égard d'un TCA.

Les efforts du groupe d'experts, qui ont donné lieu à un rapport du Secrétaire général à l'Assemblée générale24, ont été poursuivis en 2009 sur la base d'une autre résolution de l'Assemblée générale et dans le cadre d'un groupe de travail à composition non limitée25. Ce groupe de travail ouvert à tous les membres de l'ONU a été chargé d'étudier les éléments pour lesquels il serait possible de dégager un consensus en vue de leur inclusion dans un instrument juridiquement contraignant et a permis un débat approfondi sur le contenu éventuel du traité et une participation plus large aux discussions. Tous les Etats membres de l'ONU se sont accordés à dire que le manque de règles internationales en matière de commerce international des armes posait problème. Par contre, les Etats divergeaient sur les réponses à apporter. Le rapport de la deuxième session du groupe de travail à composition non limitée ne contenait donc pas de recommandation uniforme, mais se contentait d'exposer les différentes requêtes des Etats membres26.

Suite au changement d'administration en 2008, les Etats-Unis, plus gros exportateur d'armes mondial, ont changé de position et se sont rangés aux côtés des partisans d'un TCA, ce qui a eu des conséquences considérables sur la poursuite des efforts au sein de l'ONU. Ainsi, l'Assemblée générale des Nations Unies a approuvé en 2009 le rapport du groupe de travail à composition non limitée et a décidé d'organiser en 2012 une conférence en vue
de négocier les normes internationales les plus strictes possibles en matière de réglementation et de contrôle du commerce international des armes27. Elle a en outre décidé que, lors de ses autres sessions, le groupe de travail à composition non limitée serait transformé en comité préparatoire. Les quatre sessions du comité préparatoire ont donné lieu à des discussions approfondies et ont permis d'élaborer un rapport28, de faire un état des lieux sous la forme d'un projet de texte29 et d'établir le règlement intérieur provisoire de la conférence30.

23 24 25 26 27 28 29 30

Doc. ONU A/RES/61/89. Résolution adoptée par 153 voix pour, 1 voix contre et 24 abstentions.

Doc. ONU A/63/334 Doc ONU A/RES/63/240. Résolution adoptée à 133 voix pour, 1 voix contre et 19 abstentions.

Doc. ONU A/AC.277/2009/1 Doc. ONU A/RES/64/48. Résolution adoptée par 151 voix pour, 1 voix contre et 20 abstentions.

Doc. ONU A/CONF.217/1 Projet de texte du 14 juillet 2011 établi par le Président Doc. ONU A/CONF.217/L.1

1495

Bien que, dans le cadre du comité préparatoire, aucune négociation n'ait eu lieu, les débats ont mis en évidence les principaux souhaits et réserves des Etats. La plupart des Etats européens, qui, pour la majorité, effectuent déjà des contrôles à l'exportation, se sont engagés en faveur d'une réglementation stricte pour le TCA. De nombreux pays latino-américains et africains, qui ont été les principales victimes du commerce incontrôlé des armes, ont également adopté cette position. Par contre, certains pays émergents ou pays en développement craignaient qu'un traité trop sévère ne leur empêche l'accès aux armes classiques ou aux technologies les concernant.

1.2.3

Conférences de négociation

La première conférence de négociation, qui a duré quatre semaines, a eu lieu du 2 au 27 juillet 2012 sous la houlette du diplomate argentin Roberto García Moritán au siège principal de l'ONU, à New York. A l'origine, aucune autre conférence de négociation n'était prévue. L'objectif de cette conférence de négociation était de parvenir à un consensus sur des normes internationales aussi strictes que possible en matière de réglementation et de contrôle du commerce international des armes sous la forme d'un TCA juridiquement contraignant. Les Etats membres de l'ONU, qui avaient des attentes extrêmement divergentes, n'ont pas réussi à trouver un accord.

A cela s'ajoute le fait que le commerce international des armes touche souvent des intérêts essentiels en matière de sécurité et que la règle du consensus requiert l'unanimité des Etats membres de l'ONU. En conséquence, les Etats-Unis, suivis par des pays comme la Russie et la Chine, ont demandé plus de temps pour les négociations. Dans ce contexte, l'Assemblée générale des Nations Unies a pris acte, en décembre 2012, de l'échec des efforts et a convoqué une ultime conférence de négociation31. Elle a précisé que le même règlement intérieur serait appliqué32 et que le dernier projet de traité servirait de base pour les négociations33.

La seconde et dernière conférence de négociation, présidée par le diplomate australien Peter Woolcott, a eu lieu du 18 au 28 mars 2013 à New York et s'est distinguée par une volonté politique de trouver un compromis et une dynamique constructive.

Beaucoup d'Etats ambitieux ont su défendre leurs positions de manière pragmatique.

Les Etats critiques à l'égard du traité n'ont pas essayé de paralyser les négociations, mais se sont attachés à exprimer délibérément leurs attentes. Les Etats-Unis ont à nouveau souligné leur intérêt pour un traité international en prenant clairement position et en faisant preuve d'un fort engagement lors des négociations. Le projet de traité a donc pu être renforcé à plusieurs égards et mis au point dans la perspective de trouver un consensus. Malgré tout, le dernier jour des négociations, l'Iran, la Corée du Nord et la Syrie se sont opposés à l'adoption du TCA au motif que leurs demandes principales, notamment l'interdiction de livrer des armes à des acteurs non étatiques, n'étaient pas
convenablement prises en considération dans le traité.

En conséquence, le Kenya a proposé de déposer une résolution demandant de soumettre le traité au vote de l'Assemblée générale des Nations Unies. La conférence de

31 32 33

Doc. ONU A/RES/67/234 A. Résolution adoptée par 133 voix pour, 0 voix contre et 17 abstentions.

Document cité à la note 30.

Doc. ONU A/CONF/217/CRP.1

1496

négociation a manqué l'occasion de faire adopter le traité par consensus, mais elle a jeté les bases d'un vote à l'Assemblée générale des Nations Unies.

1.2.4

Mandat de négociation et rôle de la Suisse

Dès le départ, la Suisse a accordé une grande importance au TCA et a participé activement au processus de négociation. Elle s'est notamment engagée pour une réglementation complète et stricte qui soit le plus possible en adéquation avec la législation nationale existante. Cette position a été plusieurs fois confirmée par les commissions parlementaires consultées (les Commissions de la politique de sécurité des deux conseils et la Commission de politique extérieure du Conseil national) en vue du mandat de négociation. Conformément au mandat du Conseil fédéral, la Suisse devait être un partenaire de négociation pragmatique et prêt au compromis afin de ne pas mettre en danger l'aboutissement d'un consensus. Sa tradition humanitaire, sa politique de paix active, sa politique de sécurité ainsi que sa législation sévère et sa pratique stricte en matière d'autorisation d'exportation d'armes lui ont permis d'être reconnue comme un partenaire de négociation sérieux et crédible.

La délégation composée de collaborateurs du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche, du Département fédéral des affaires étrangères et du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports ainsi que d'experts externes réunissait en outre les compétences nécessaires pour négocier de façon active et constructive. Enfin, grâce à son engagement et à ses compétences techniques, elle a été en mesure d'exercer une influence concrète sur le texte jusqu'à la fin des négociations et la Suisse a pu présenter le profil d'un Etat engagé, compétent et fiable. L'invitation à participer au comité de rédaction et l'obtention d'un siège à la vice-présidence lors des négociations de 2012 ont souligné la confiance accordée à la Suisse. Finalement, les objectifs figurant dans le mandat ont été réalisés.

1.2.5

Adoption du traité par l'Assemblée générale des Nations Unies

Lors de sa séance du 2 avril 2013, l'Assemblée générale des Nations Unies a pris acte du résultat de la conférence de négociation et a adopté le traité par 156 voix34.

Parmi cette majorité appréciable, on compte les principaux exportateurs de biens d'équipement militaires, comme les Etats-Unis, l'Allemagne, la France et la GrandeBretagne, ainsi que d'importants pays importateurs, par exemple le Brésil, l'Arabie saoudite et le Pakistan. La Suisse a également voté en faveur de l'adoption du traité.

22 Etats dont la Russie, la Chine et l'Inde, ont exprimé leur réserve à l'égard du traité et de son adoption à l'Assemblée générale et se sont abstenus. L'Iran, la Corée du Nord et la Syrie se sont à nouveau opposés au traité.

34

Doc. ONU A/RES/67/234 A. Le vote de l'Angola a d'abord été considéré comme une abstention, puis finalement enregistré comme un vote pour. Le Cap-Vert n'était pas représenté le 2 avril 2013, mais il a ensuite adhéré au traité.

1497

1.2.6

Signature, ratification et entrée en vigueur du traité

Le TCA est ouvert à la signature depuis le 3 juin 2013, date de son adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies. La Suisse et 66 autres Etats ont signé le traité ce jour-là à l'occasion d'une cérémonie officielle. Au 29 janvier 2014, 116 Etats issus de tous les continents, dont les principaux pays exportateurs comme les Etats-Unis, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne ainsi que le Brésil, le Japon et l'Australie, ont signé le TCA. Pour que le TCA entre en vigueur, 50 Etats doivent le ratifier, ce qui devrait être le cas avant la fin de 2014. On peut donc envisager une entrée en vigueur en 2015. Au 29 janvier 2014, neuf Etats ont déposé leur instrument de ratification, dont le Mexique et le Nigéria. En cas d'approbation par l'Assemblée fédérale, la Suisse pourra ratifier le TCA seulement après l'expiration du délai référendaire ou l'éventuel assentiment du peuple (cf. ch. 5.3).

1.2.7

Procédure de consultation

L'adhésion au TCA ne nécessite aucune adaptation du droit suisse. Le projet d'adhésion est considéré comme matériellement correct, exécutable et susceptible d'être bien accepté. Le TCA a été adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies et ne pourra être adapté que plus tard par la Conférence des Etats parties. Il est incontestable que le projet d'adhésion au TCA est exécutable puisqu'il ne demande pas d'adaptation des bases légales suisses.

Au vu des résultats positifs des clarifications menées par la Confédération, le TCA devrait être bien accepté. Les commissions parlementaires consultées en vue du mandat de négociation ont soutenu les efforts du Conseil fédéral en faveur d'un TCA fort, qui promeut la paix et la sécurité. Les instructions données à cette occasion par les commissions parlementaires ont été mises en oeuvre par la délégation suisse au cours des négociations. L'industrie de l'armement, qui a fait connaître sa position pendant le processus d'élaboration du TCA, est favorable aux normes internationales fixées par le TCA en matière de réglementation et de contrôle du commerce international des armes. Les organisations suisses de défense des droits de l'homme se sont à nouveau prononcées en faveur du TCA. Ni les cantons, ni les communes ne sont concernés par le projet d'adhésion. En conséquence, sur la base de l'art. 2 de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation35, il a été renoncé à une procédure de consultation.

1.3

Aperçu du contenu du traité sur le commerce des armes et rapport avec la législation suisse

1.3.1

Objectif du traité

Le texte du TCA affirme explicitement que l'objectif de ce dernier n'est pas le désarmement ou l'interdiction de certaines armes, mais l'établissement d'une réglementation juridiquement contraignante du commerce international d'armes. Les normes internationales en matière de réglementation et de contrôle du commerce des armes classiques et les mesures visant à prévenir et à lutter contre le commerce 35

RS 172.061

1498

illicite d'armes contenues dans le traité ont pour but de contribuer à la sécurité, à la stabilité, à la coopération, à la transparence et à la responsabilité dans le domaine du commerce international des armes. Il s'agit également de réduire la souffrance humaine causée par l'utilisation abusive des armes.

Les normes fixées par le traité en matière de réglementation et de contrôle du commerce international des armes correspondent aux standards internationaux minimums, qui, conformément à l'art. 51 de la Charte des Nations Unies, ne portent aucunement atteinte au droit de légitime défense des Etats. Il incombe aux Etats parties de prévoir des réglementations plus complètes ou plus strictes dans leur législation nationale. De plus, le TCA ne contient pas de réglementation concernant le commerce ou la détention d'armes au niveau national. Selon le traité, cette compétence demeure du ressort des Etats parties. En outre, l'application du TCA relève exclusivement de la compétence de ces derniers. Il n'existe d'ailleurs aucune instance (juridique) supérieure compétente pour juger de la mise en oeuvre et de l'application du TCA. Cet état de fait apparaît particulièrement en rapport avec les décisions d'autorisation prises au niveau national concernant les transferts d'armes soumis aux dispositions du traité.

1.3.2

Mise en oeuvre du traité en Suisse

Le TCA sera mis en oeuvre dans le cadre du régime national de contrôle à l'exportation. La législation sur le matériel de guerre36 et la législation sur le contrôle des biens37 constituent la base du régime suisse de contrôle à l'exportation. La première règle le contrôle à l'exportation du matériel de guerre, la seconde, celui des biens militaires spécifiques et des biens à double usage (cf. ch. 1.1.3). Puisque le champ d'application du TCA englobe expressément les armes classiques (art, 2, par. 1), sa mise en oeuvre en Suisse s'effectue dans le cadre de la législation sur le matériel de guerre. L'art. 5 LFMG entend par matériel de guerre les armes, les systèmes d'arme, les munitions et les explosifs militaires ainsi que les équipements spécifiquement conçus ou modifiés pour un engagement au combat ou pour la conduite du combat et qui, en principe, ne sont pas utilisés à des fins civiles. Cette délimitation juridique coïncide avec la définition des armes classiques du TCA. Les pièces détachées et les éléments d'assemblage sont également considérés comme matériel de guerre lorsqu'il est reconnaissable qu'on ne peut les utiliser dans la même exécution à des fins civiles.

Le matériel de guerre n'englobe pas les biens militaires spécifiques, c'est-à-dire les biens conçus ou modifiés à des fins militaires, qui ne sont toutefois ni des armes, ni des munitions, ni des matières explosives ou d'autres instruments de combat ou de conduite du combat. Ces derniers sont soumis à la législation sur le contrôle des biens, tout comme les avions militaires d'entraînement avec point d'emport. Les biens militaires spécifiques ne sont pas visés par le TCA. En Suisse, le TCA est par conséquent mis en oeuvre exclusivement sur la base de la législation sur le matériel de guerre. Une adaptation de celle-ci n'est pas nécessaire.

36 37

RS 514.51 RS 946.202

1499

1.3.3

Obligations essentielles du traité

Champ d'application La réglementation du commerce international d'armes classiques implique une délimitation claire des biens et des activités visés par le traité. Concernant les biens, l'art. 2, par. 1, TCA prévoit que le traité s'applique à toutes les armes figurant dans le Registre des armes classiques de l'ONU38 ainsi qu'aux armes légères et de petit calibre. Le TCA oblige chaque Etat partie à établir, au niveau national, les listes de biens adéquates contenant les définitions des biens par le pays en question. Dans ce contexte, les Etats parties sont encouragés à appliquer les dispositions du traité à une gamme aussi large que possible d'armes classiques.

Puisque, en Suisse, le TCA est mis en oeuvre au moyen de la législation sur le matériel de guerre, la Suisse appliquera les dispositions du traité à la liste de matériel de guerre basée sur la liste des munitions de l'Arrangement de Wassenaar (annexe 1 OMG39). Les pièces et les éléments ainsi que les munitions figureront également sur la liste. Le TCA prévoie toutefois des dispositions moins étendues concernant ces biens.

Le TCA englobe expressément les activités suivantes de commerce des armes: exportation, importation, transit, transbordement et courtage (art. 2, par. 2). Les Etats parties sont tenus d'appliquer les dispositions du TCA à ces activités, indépendamment de leur nature commerciale (vente, crédit-bail, prêt ou don, par exemple).

En revanche, le transfert de technologie n'est pas visé par le traité. La Suisse continuera à contrôler le transfert de technologie et de savoir-faire ainsi que la production et le commerce de matériel de guerre à l'étranger sur la base de la législation nationale.

Mise en oeuvre nationale et structures administratives Les normes internationales du TCA sont à mettre en oeuvre par les Etats parties.

L'art. 5 est d'une importance capitale: il oblige les Etats parties à instituer un régime de contrôle national comprenant une autorité de contrôle, dont la tâche est d'examiner les transferts d'armes relevant de la juridiction de l'Etat partie, et d'assurer l'échange d'informations conformément aux dispositions du TCA. L'autorité de contrôle doit en outre coopérer avec d'autres organes étatiques, notamment les douanes, afin de garantir la transparence et l'efficacité du régime de contrôle.

En Suisse,
le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) exerce la fonction d'autorité nationale de contrôle, conformément à l'art. 13 OMG. Sur la base de l'art. 42 LFMG et de l'art. 23 OMG, le SECO désigne en outre le point de contact qui doit être établi conformément au TCA, et assure l'échange d'informations relevant du traité.

L'office central du matériel de guerre du Service de renseignement de la Confédération est par ailleurs chargé de réprimer les activités illicites relatives au matériel de guerre. En Suisse, les procédures et les mesures légales internes nécessaires à

38

39

Le registre des armes classiques de l'ONU du 6 décembre 1991 (doc. ONU A/RES/46/36) porte exclusivement sur les principaux systèmes d'armes classiques des catégories suivantes: chars de combat, véhicules blindés de combat, systèmes d'artillerie de gros calibre, avions de combat, hélicoptères de combat, navires de guerre, missiles et lanceurs de missiles. Ce document peut être consulté à l'adresse suivante (uniquement en anglais): www.un.org/depts/ddar/Register/4636.html.

RS 514.511

1500

l'application des obligations du TCA sont régies exclusivement par la législation sur le matériel de guerre, sous réserve d'une attribution à d'autres législations.

Transferts interdits Il appartient aux Etats parties de décider quelles sont les activités internationales impliquant des armes classiques autorisées. Le TCA établit toutefois certains critères qui excluent toute autorisation. L'art. 6 (par. 1 et 2), énonce clairement que, en présence de certaines sanctions ou d'obligations résultant d'accords internationaux, aucune autorisation ne peut être accordée. Le par. 3 du même article, quant à lui, définit pour la première fois au niveau international l'utilisation abusive d'armes classiques en lien avec le commerce des armes. Il prévoit qu'aucun transfert d'armes ne peut être autorisé si l'Etat partie a des raisons de penser que celles-ci pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre. Par conséquent, le TCA interdit les transferts internationaux d'armes classiques qui engendrent des actes de violence considérés comme les plus graves par le droit international.

Concernant les interdictions, la législation suisse sur le matériel de guerre est déjà conforme au TCA. L'interdiction d'autoriser des transferts d'armes faisant l'objet de sanctions (art. 6, par. 1, TCA) est mise en oeuvre au moyen de l'art. 25 LFMG, qui renvoie à la loi sur les embargos. Au sens de l'art. 6, par. 2, TCA, les art. 7 à 8c LFMG interdisent notamment le commerce d'armes nucléaires, chimiques et biologiques et le commerce des mines antipersonnel et des armes à sous-munitions.

Conformément à l'art. 22 LFMG, les affaires avec l'étranger impliquant du matériel de guerre ne doivent pas être autorisées si elles contreviennent au droit international public et sont contraires aux principes de la politique étrangère de la Suisse et à ses obligations internationales. L'art. 22 LFMG, qui fait référence au droit international public, exclut toute autorisation concernant les marchés passés avec l'étranger qui sont interdits par l'art. 6, par. 3, TCA. L'art. 5 OMG (al. 1 et 2) tient également compte du droit international public.

Conditions d'autorisation Si les exportations d'armes ne sont pas interdites par l'art. 6 TCA, il incombe aux Etats parties de les évaluer sur la base des
conditions d'autorisation de l'art. 7 TCA.

Il importe en premier lieu de déterminer, dans le cadre d'un examen individuel, si les biens à exporter sont susceptibles de renforcer la paix et la sécurité ou, au contraire, d'y porter atteinte. Il convient également d'évaluer si les biens à exporter pourraient faire l'objet d'une utilisation abusive selon les critères mentionnés à l'art. 7, par. 1, TCA. En second lieu, l'Etat partie doit examiner des mesures d'atténuation des risques. S'il vient à constater que, en dépit des mesures d'atténuation des risques, la paix et la sécurité pourraient être mises en danger ou que les biens pourraient être utilisés de manière abusive, il ne doit pas délivrer l'autorisation d'exportation.

Selon la législation suisse sur le matériel de guerre, l'autorité compétente en matière d'autorisation est tenue d'examiner individuellement chaque demande d'exportation.

Conformément à l'art. 22 LFMG, l'exportation de matériel de guerre pour des destinataires à l'étranger est autorisée si elle ne contrevient pas au droit international et n'est pas contraire aux principes de la politique étrangère de la Suisse et à ses obligations internationales. L'art. 5 OMG précise ces conditions sur la base de

1501

critères d'autorisation à prendre en compte et de critères d'exclusion absolus allant au-delà des conditions d'autorisation de l'art. 7.

Les conséquences d'une exportation d'armes pour la sécurité et la paix, qui sont à examiner conformément à l'art. 7, par. 1, let. a, TCA sont évaluées principalement sur la base de l'art. 5, al. 1, let. a, OMG. Si un marché passé avec l'étranger met en danger le maintien de la paix, de la sécurité internationale et de la stabilité régionale, l'exportation ne doit pas être autorisée. De même, selon l'art. 5, al. 1, let. d, OMG, lors d'affaires avec l'étranger impliquant du matériel de guerre, l'attitude du pays de destination envers la communauté internationale doit être évaluée, notamment sous l'angle du respect du droit international public. Si le pays de destination est impliqué dans un conflit armé, interne ou international, l'autorisation doit également être refusée, conformément à l'art. 5, al. 2, let. a, OMG.

L'examen imposé par l'art. 7, par. 1, let. b, ch. i, TCA qui vise à évaluer s'il existe un risque que les biens à exporter puissent servir à commettre une violation grave du droit humanitaire international ou à en faciliter la commission, est mis en oeuvre au moyen de l'art. 5, al. 1, let. b et d, OMG. La situation dans le pays de destination et son attitude envers la communauté internationale, notamment sous l'angle du respect du droit international (humanitaire), sont évaluées pour chaque demande concernant un marché passé avec l'étranger. En outre, l'art. 5, al. 2, let. a et d, OMG exclut toute autorisation concernant les marchés passés avec l'étranger lorsque le pays de destination est impliqué dans un conflit armé ou s'il y a de forts risques que les armes à exporter soient utilisées contre la population civile.

Selon l'art. 7, par. 1, let. b, ch. ii, TCA les Etats parties sont également tenus d'évaluer s'il existe un risque que les biens à exporter puissent servir à commettre une violation grave des droits de l'homme ou à en faciliter la commission. Dans le cadre de la législation suisse, cette disposition est appliquée au moyen de l'art. 5, al. 1, let. b et d, OMG. La situation qui prévaut dans le pays de destination, notamment le respect des droits de l'homme et la renonciation à utiliser des enfantssoldats, ainsi que son attitude envers la
communauté internationale, notamment sous l'angle du respect du droit international public (et des droits de l'homme), doivent être dûment pris en considération. L'art. 5, al. 2, let. b, OMG exclut tout marché passé avec l'étranger impliquant du matériel de guerre si le pays de destination viole systématiquement et gravement les droits de l'homme.

L'examen de la situation qui prévaut dans le pays de destination (art. 5, al. 1, let. b, OMG) et de son attitude envers la communauté internationale, notamment sous l'angle du respect du droit international public (art. 5, al. 1, let. d, OMG), contribue également à la mise en oeuvre de l'art. 7, par. 1, let. b, ch. iii et iv, TCA et de l'art. 7, par. 4, TCA qui vise à empêcher l'utilisation abusive d'armes liée au terrorisme, à la criminalité organisée et à des actes de violence fondée sur le sexe.

Du fait que des armes sont souvent acquises pour ce genre d'activités sans mentionner le véritable destinataire, la prévention des transferts non souhaités sur la base du critère d'exclusion fixé par l'art. 5, al. 2, let. e, OMG revêt une importance essentielle.

1502

1.3.4

Prévention des détournements

Les normes internationales fixées par le TCA visent en premier lieu un commerce international des armes responsable, ce qui implique des décisions d'autorisation cohérentes et un contrôle efficace des activités en question. Le contrôle constitue la base de la réussite de la lutte contre le commerce illicite d'armes, qui est un des objectifs du TCA. Dans ce contexte, le TCA accorde une importance particulière à la prévention des transferts non souhaités d'armes classiques et de leur détournement.

L'art. 11 TCA oblige les Etats parties à prendre des mesures adéquates, qui comprennent entre autres la délivrance de déclarations d'utilisation finale et de déclarations de non-réexportation ainsi que l'échange d'informations. Les exportations d'armes peuvent en outre être refusées en raison d'un risque de détournement.

En ce sens, la législation suisse sur le matériel de guerre interdit l'autorisation d'un marché avec l'étranger lorsque ce dernier présente un risque élevé de transfert non souhaité de matériel de guerre (art. 5, al. 2, let. e, OMG). En outre, l'art. 5a OMG impose aux Etats qui importent du matériel de guerre suisse de présenter une déclaration de non-réexportation. S'il y a des risques accrus que, dans le pays de destination, le matériel de guerre à exporter soit transmis à un destinataire final non souhaité, les autorités suisses ont en outre le droit de vérifier sur place si la déclaration de non-réexportation est respectée. Grâce aux vérifications de ce type effectuées durant ces deux dernières années, la Suisse a joué un rôle de pionnier dans la prévention du détournement d'armes classiques. Pour la Suisse, le TCA servira de base à la coopération internationale nécessaire en la matière et facilitera par conséquent les efforts qui ont déjà été déployés.

1.3.5

Coopération et assistance internationales

Relever les défis liés au commerce international des armes demande une approche globale. Par conséquent, le TCA règle la coopération internationale entre les Etats parties. Ces derniers sont tenus d'échanger des informations concernant la mise en oeuvre et l'application du traité et de faire régulièrement un rapport sur les importations et les exportations d'armes. De plus, selon l'art. 15, par. 5, les Etats parties doivent participer à l'entraide judiciaire internationale en cas de violation des mesures adoptées en application du TCA dans le cadre de leur législation nationale. Afin d'encourager une mise en oeuvre aussi complète et contraignante que possible du TCA, il est demandé aux Etats parties de se porter assistance conformément à l'art. 16. Les Etats parties doivent se porter assistance sur les plans technique, matériel et financier, en particulier pour l'élaboration de bases juridiques et pour le développement des capacités institutionnelles nationales. Ce principe s'applique notamment à l'élaboration de lois types et de pratiques de mise en oeuvre efficaces, à l'aide à la gestion des stocks ainsi qu'aux programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration de combattants. Il est possible de faire appel à des organisations internationales et à des acteurs de la société civile, la coordination de la coopération internationale dans le cadre du TCA étant assurée par le secrétariat. Un fonds d'affectation volontaire servant d'interface entre les Etats qui requièrent une assistance et les pays donateurs devrait faciliter cette coopération.

Sur la base de l'art. 42 LFMG (Entraide administrative entre les autorités suisses et les autorités étrangères), la Suisse coopérera au sens prévu par le TCA. En raison de 1503

sa politique de contrôle à l'exportation responsable, de sa tradition humanitaire et de sa politique de paix et de sécurité active, la Suisse dispose de compétences techniques attestées en rapport avec l'application du TCA. Elle est par conséquent considérée comme un partenaire crédible sur le plan international. Dans ce contexte, compte tenu de ses intérêts en matière de politique extérieure, de politique économique et de politique de sécurité, la Suisse renforcera son engagement en faveur de la mise en oeuvre et de l'application du traité à l'échelle globale.

1.4

Appréciation

1.4.1

Contribution à la sécurité internationale, nationale et humaine

Le TCA sert les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure, de politique économique et de politique de sécurité. La Suisse a participé activement aux négociations, défendant ses intérêts humanitaires, ses intérêts économiques et ses intérêts en matière de paix et de sécurité. La ratification du TCA confirme donc la politique de la Suisse dans le domaine du commerce international des armes et encourage sa poursuite.

En tant que moyen légitime de recours à la violence, les armes permettent en premier lieu aux autorités étatiques de maintenir l'ordre public, de garantir la sécurité interne, d'exercer le droit de légitime défense, individuelle ou collective, et de mener des opérations de promotion de la paix. Le droit international public proscrit néanmoins les guerres d'agression et règle l'utilisation des armes par le biais du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Par conséquent, l'utilisation d'armes en violation de ce cadre juridique ou à des fins terroristes ou criminelles n'est pas légitime. Toute réglementation du commerce international des armes doit donc viser à empêcher l'acquisition d'armes à des fins illégitimes. En pratique, ce principe induit un renforcement de la sécurité internationale, nationale et humaine, qui est dans l'intérêt de la Suisse.

Le TCA oblige les pays qui, actuellement, ne contrôlent pas le commerce international d'armes, en particulier les exportations, à développer leurs structures administratives ou à en créer de nouvelles. Dans l'idéal, la mise en oeuvre du TCA mènera à l'établissement d'un contrôle sans faille du commerce international des armes à l'échelle globale. Elle permettra en particulier d'empêcher les transferts d'armes non souhaités et de faciliter la lutte contre ce phénomène. En outre, l'échange régulier d'informations sur la base du TCA augmentera la confiance entre les Etats parties et accroîtra ainsi leur sécurité intérieure et la sécurité internationale.

L'interdiction de certains transferts et la norme minimale en matière de contrôle des exportations d'armes fixées par le TCA (art. 6 et 7) sont les éléments essentiels à sa contribution à la paix, à la sécurité, et à la stabilité. Leur application dans le cadre de contrôles individuels portant sur des transferts d'armes permet de prévenir les accumulations
déstabilisantes de celles-ci ainsi que les armements problématiques. De même, elle permet d'empêcher les acquisitions d'armes par des Etats qui semblent projeter une guerre d'agression ainsi que les transferts d'armes qui ne respectent pas les sanctions internationales. L'application de ces dispositions devrait induire un renforcement de la sécurité. Sur cette base, la sécurité intérieure des Etats parties augmentera dès lors que d'autres Etats empêcheront les exportations d'armes sus1504

ceptibles d'être utilisées à des fins terroristes ou criminelles, comme la traite des êtres humains.

L'interdiction de certains transferts et la norme minimale en matière de contrôle des exportations d'armes obligent les Etats parties à examiner si le respect du droit international humanitaire et des droits de l'homme, élément essentiel du point de vue de la sécurité humaine, est observé. Si un Etat a connaissance du fait que les armes en question pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre, il est tenu d'interdire leur transfert. Par ailleurs, il est nécessaire d'évaluer, dans le cadre du contrôle individuel, le risque que les armes à exporter puissent être utilisées dans le but de commettre des violations graves du droit international humanitaire ou des droits de l'homme ou encore des actes de violence fondée sur le sexe. Si ces obligations sont établies et appliquées de bonne foi, elles contribueront à prévenir la souffrance humaine. Il est donc dans l'intérêt de la Suisse d'être partie au TCA et d'en appliquer les dispositions sur la base d'une interprétation stricte.

1.4.2

Contrôles à l'exportation, acquisition d'armement et place industrielle en Suisse

Le contrôle global du commerce international des armes visé par le TCA doit s'effectuer par le biais de contrôles à l'exportation nationaux. Une adhésion de la Suisse au TCA contribuera à soutenir les efforts nationaux en matière de contrôle à l'exportation. En raison des éléments cités ci-après, aucune conséquence négative n'est à prévoir pour les acquisitions d'armement faites par la Suisse ou pour la place industrielle helvétique. Par conséquent, le TCA est également dans l'intérêt de la politique de la Suisse en matière de contrôles à l'exportation et d'armement.

La Suisse dispose déjà de contrôles à l'exportation nationaux. Toutefois, grâce au TCA, les efforts nationaux en la matière s'appuieront sur le droit international public, ce qui aura des conséquences positives en particulier sur la coopération avec d'autres Etats. Le TCA élargit l'acceptation et accroît la légitimité des déclarations de non-réexportation et des contrôles des armes exportées effectués par la Suisse dans les pays importateurs. Les mesures de contrôle à l'exportation prises par la Suisse sont par ailleurs plus efficaces si d'autres Etats contrôlent les mêmes activités internationales liées aux armes, permettant d'établir un contrôle sans faille du commerce des armes. En outre, l'échange d'informations sur la base du TCA permet d'obtenir de plus amples renseignements, qui peuvent influer sur la procédure d'autorisation au niveau national.

La norme internationale fixée par le TCA pour la réglementation et le contrôle du commerce international des armes constituera un point de référence permettant d'évaluer et de comparer les politiques des Etats parties concernant les contrôles à l'exportation. Le TCA instituera ainsi une base de comparaison qui permettra aux Etats parties de constater les différentes applications du traité et de les corriger le cas échéant. Cependant, les Etats parties peuvent également être amenés à entreprendre des modifications concernant la mise en oeuvre du traité suite à des pressions exercées par d'autres Etats parties ou par la société civile, ce qui servira l'objectif d'un commerce international des armes responsable. De plus, il devrait en résulter une certaine harmonisation des pratiques nationales concernant le contrôle du commerce

1505

international des armes susceptible d'induire l'instauration de conditions générales comparables pour les industries d'armement concurrentes.

Du point de vue de l'industrie d'armement suisse, l'apport d'une harmonisation internationale des contrôles nationaux à l'exportation devrait cependant être négligeable, puisque les conditions générales de ses concurrents, principalement des pays occidentaux, ne feront, selon toute probabilité, l'objet d'aucune adaptation. Ces conditions générales sont déjà plus strictes que celles fixées par le TCA. Toutefois, les transferts d'armes qui ont été autorisés au niveau national sur la base de la norme fixée par le TCA bénéficieront d'une plus grande légitimité en raison de leur conformité avec le droit international public en vigueur.

Puisque les importations d'armes en Suisse remplissent en principe les conditions fixées par le TCA, en particulier lorsqu'elles sont destinées à l'armée et aux autres organes de sécurité de l'Etat, et vu que le TCA ne prévoit pas de restrictions ou d'obstacles à l'importation, son application n'aura aucune incidence sur l'importation d'armes en Suisse. En outre, aucune charge supplémentaire liée aux importations d'armes n'est à prévoir. L'adhésion de la Suisse au TCA pourrait servir les intérêts des importateurs d'armes et de l'industrie nationale dans la mesure où, de manière générale, il devient plus facile d'accéder à des biens et à des technologies modernes si la Suisse présente un régime de contrôle à l'exportation efficace, conformément aux normes internationales. Dans ce contexte, l'adhésion de la Suisse au TCA renforcerait sa politique en matière de contrôles à l'exportation et d'armement.

1.4.3

Importance pour le droit international public et aspects liés à la neutralité

Le commerce d'armes classiques a toujours fait l'objet d'un certain encadrement juridique sur le plan international. Toutefois, jusqu'ici, une réglementation complète et explicite fondée sur le droit international public ayant force obligatoire faisait défaut en la matière. Le TCA comble désormais cette lacune, renforçant ainsi le droit international. Les Etats parties devront se soumettre aux réglementations du TCA indépendamment de leur puissance politique. En tant qu'Etat de petite taille, la Suisse profite particulièrement de cet état de fait. Désormais, les normes internationales fixées par le TCA peuvent également servir de base aux efforts des Etats, des organismes internationaux, notamment du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, ou de la société civile. Dans les cas où certaines activités menées par des Etats en rapport avec le commerce international des armes ne pouvaient jusqu'ici être évaluées qu'au regard d'éléments politiques, le TCA impose désormais de respecter des normes juridiquement contraignantes. Il a pour but d'établir un commerce international des armes responsable, ce qui sert les efforts de la Suisse en matière de politique extérieure.

D'un point de vue normatif, il convient de relever en particulier les interdictions fixées par le TCA concernant certains transferts internationaux d'armes qui pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre (art. 6, par. 3). Grâce à cette réglementation, le commerce d'armes lié à des actes de violence considérés comme graves par le droit international public sera, pour la première fois, expressément proscrit. Jusqu'à présent, il était possible de s'opposer à certaines activités sur la base du droit international universel (particuliè1506

rement en vertu de l'art. 1 des Conventions de Genève). Cependant, l'argumentation juridique n'était pas partagée par l'ensemble des Etats, et il subsistait un flou juridique. Grâce au TCA, une réglementation univoque, dont l'application peut contribuer à prévenir des atrocités, peut désormais être établie.

Le TCA n'a aucune incidence sur le droit ou la politique de neutralité de la Suisse.

Le droit de la neutralité oblige la Suisse, d'une part, à ne pas exporter d'armes étatiques vers les pays engagés dans un conflit armé international et, d'autre part, à traiter toutes les parties belligérantes de la même manière pour ce qui est de l'exportation d'armes par les entreprises privées. La politique de neutralité englobe l'ensemble des mesures prises de son propre chef par un Etat neutre permanent et allant au-delà du droit de la neutralité afin de garantir la prévisibilité et la crédibilité de sa neutralité permanente. Vu que, selon le TCA, les décisions d'autorisation concernant les transferts d'armes demeurent de la compétence des Etats parties et que les normes minimales fixées par le TCA sont compatibles avec le droit de neutralité, le traité ne portera aucunement atteinte au droit et à la politique de neutralité de la Suisse. Le respect de ces deux principes relevant du droit de la neutralité n'est pas remis en question. En outre, l'orientation générale du TCA recouvre les directives du droit suisse de la neutralité.

1.4.4

Coopération et assistance internationales

Chaque Etat partie au TCA a l'obligation de maintenir un régime national de contrôle du commerce international d'armes. Selon le TCA, les pays qui ne disposent pas encore d'un régime de contrôle national doivent être soutenus par d'autres Etats parties dans leurs efforts visant à renforcer leurs capacités institutionnelles. Il s'agit en particulier de mettre à disposition des Etats qui en ont besoin le savoir-faire technique et juridique nécessaire ainsi que des moyens financiers. Dans le cadre de l'Arrangement de Wassenaar, la Suisse participe déjà activement à l'échange politique et technique sur des sujets relatifs aux contrôles à l'exportation. De plus, elle soutient le renforcement des capacités institutionnelles et la transmission de savoirfaire en rapport avec la lutte contre le commerce illicite et l'utilisation abusive d'armes légères et de petit calibre, et avec la réforme du secteur de la sécurité. De même, selon le rapport du Conseil fédéral du 23 juin 2010 à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse40 et le rapport du 1er octobre 2010 sur l'armée41, la Suisse s'engage en faveur de l'amélioration de la gestion et de la sécurité des stocks d'armes légères et de munitions, en étroite collaboration avec les Etats concernés. Le TCA confèrera une base légale additionnelle à ces mesures de soutien international.

1.4.5

Universalisation du traité

Plus les Etats parties du TCA seront nombreux, plus son impact normatif sera important. Un grand nombre d'Etats parties permet avant tout d'accroître la légitimité et la force obligatoire du traité. L'institution d'un contrôle du commerce inter40 41

FF 2010 4681 FF 2010 8109

1507

national des armes à l'échelle mondiale et la coopération globale entre Etats qui en découle exigent également la participation d'un nombre d'Etats aussi élevé que possible, afin de garantir le respect des normes internationales du TCA. Afin que les réglementations du TCA aient un effet dans la pratique, l'adhésion des principaux exportateurs d'armes classiques comme les Etats-Unis, la Russie, l'Allemagne ou la France devrait constituer une priorité. De même, la participation de grands pays importateurs tels que la Chine ou l'Inde serait bienvenue, dans l'optique d'accroître la légitimité du traité et de soumettre également leur commerce d'armes à ses réglementations. En conséquence, la Suisse s'engagera en faveur de l'universalisation du TCA. Afin que le traité puisse entrer en vigueur au plus vite, elle s'attache à ratifier le traité dès que possible et s'engage en faveur d'une prochaine ratification par un nombre d'Etats aussi élevé que possible.

1.4.6

Place genevoise

Le TCA prévoit l'institution d'un secrétariat chargé d'aider les Etats parties dans la mise en oeuvre du traité et définit ses fonctions. Il laisse toutefois ouvertes les questions relatives à la structure, au financement et à l'emplacement du secrétariat. Ces points sont à régler par les Etats parties après l'entrée en vigueur du traité. Aujourd'hui, il est également impossible de déterminer si le secrétariat sera rattaché à l'ONU ou s'il prendra la forme d'une organisation autonome. Les secrétariats institués sur la base d'autres conventions de maîtrise des armements et de désarmement présentent des structures et des tailles différentes. En raison des fonctions prévues par le TCA, on s'attend pour l'instant à un secrétariat restreint. Les Etats parties du TCA sont toutefois libres en ce qui concerne les décisions relatives au secrétariat.

Genève abrite le siège de plusieurs organisations et comités internationaux actifs dans le domaine de la maîtrise des armements et du désarmement. A cela vient s'ajouter le contexte général comprenant beaucoup d'organisations internationales, d'organes créés par un traité, d'organisations non gouvernementales et d'instituts académiques actifs dans les domaines de la politique de sécurité, des droits de l'homme, de l'humanitaire et du commerce. Ce contexte constituerait un environnement idéal pour le secrétariat du TCA. Genève est par conséquent envisagée comme un lieu d'établissement potentiel de ce dernier. Afin de pouvoir participer à cette discussion et de faire valoir ses intérêts lors de la décision, la Suisse aurait intérêt à ratifier le TCA aussi vite que possible. Sur la base de la loi du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte42 et du rapport conjoint du 25 juin 2013 sur la Genève internationale et son avenir43, la Suisse a déjà proposé un soutien logistique et financier dans le cas où le secrétariat serait établi à Genève.

42 43

RS 192.12 Le rapport peut être consulté sous: www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/31241.pdf.

1508

2

Commentaire des dispositions du traité

Préambule Le préambule du TCA traite un large éventail de sujets en lien avec le commerce international des armes. Il rappelle notamment les intérêts légitimes des Etats dans le commerce international des armes et les incidences négatives du commerce illicite et du commerce non réglementé d'armes. En outre, le préambule précise que les Etats parties peuvent introduire des réglementations plus strictes que celles prévues par le TCA. Il réaffirme que la réglementation régissant le contrôle du commerce national des armes relève expressément de la compétence exclusive de chaque Etat partie.

Enfin, il mentionne les instruments en place et les obligations actuelles liés au TCA en vue de décrire le contexte normatif et politique.

Principes L'inclusion de principes appelés à faire partie intégrante du préambule a été contestée durant les négociations sur le TCA, mais ardemment souhaitée, en particulier par les Etats affichant un certain scepticisme. Les principes du TCA font référence à des droits et obligations prévus par la Charte des Nations Unies, par exemple le droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu à tous les Etats, le droit à l'intégrité territoriale ou le droit à l'indépendance politique. Ils consacrent en outre le respect de l'intérêt de tout Etat à acquérir des armes classiques pour exercer son droit de légitime défense et contribuer à des opérations de maintien de la paix. Par ailleurs, c'est la première fois qu'un traité international fait mention dans cette forme de l'obligation de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire et les droits de l'homme. En vertu de ces principes enfin, les Etats parties doivent appliquer le traité de manière cohérente, objective et non discriminatoire. L'art. 5, par. 1, du traité fait référence au contenu de ces principes.

Art. 1

Objet et but

L'art. 1 permet de consolider l'interprétation d'autres dispositions du TCA, qui a pour objet d'instituer les normes communes les plus strictes possibles aux fins de réglementer et contrôler le commerce international des armes classiques et de prévenir et éliminer le commerce illicite, afin de contribuer à la paix, à la sécurité et à la stabilité et de réduire la souffrance humaine. Le traité vise également à promouvoir la coopération, la transparence et l'action responsable des Etats dans le commerce international des armes classiques.

Art. 2

Champ d'application

L'art. 2 définit, d'une part, la portée de l'instrument avec la liste des catégories d'armes entrant dans le champ d'application du traité et, d'autre part, les activités comprises par le commerce international.

Le par. 1 propose un champ d'application comprenant les huit catégories d'armes suivantes: chars de combat, véhicules blindés de combat, systèmes d'artillerie de gros calibre, avions de combat, hélicoptères de combat, navires de guerre, missiles et lanceurs de missiles, armes légères et armes de petit calibre. Ces catégories correspondent aux sept catégories du Registre des armes classiques de l'Organisation des

1509

Nations Unies44, plus les armes légères et armes de petit calibre comme défini par les instruments onusiens pertinents. Selon l'art. 5, par. 2, les Etats soumettent une liste nationale définissant les biens couverts par les dispositions du traité. Il est prévu à l'art. 5, par. 3, que chaque Etat partie est encouragé à appliquer les dispositions du traité à une gamme aussi large que possible d'armes classiques.

Le par. 2 énumère les activités couvertes par le traité en tant que commerce international sous le terme générique «transfert». Il s'agit notamment de l'exportation, de l'importation, du transit, du transbordement et du courtage des armes classiques. La Suisse considère que ces activités sont couvertes par le traité indépendamment de leur mode de financement. La Suisse considère que ces activités sont couvertes par le traité indépendamment de leur mode de financement. Ces activités relèvent également du champ d'application du TCA lorsqu'il s'agit de location, de crédit-bail, de prêt, de don ou d'une autre forme de transmission.

Le par. 3 spécifie que le traité ne s'applique pas au transport international d'armes classiques par un Etat Partie ou par une entité, en nom propre de l'Etat partie, lorsque ledit transport est destiné à l'usage propre de cet Etat, et que les armes concernées demeurent dans la possession de cet Etat partie. Il s'agit ici particulièrement de l'envoi d'armes à l'étranger pour les propres forces armées d'un Etat partie.

Art. 3

Munitions

L'art. 3 traite de façon séparée les munitions dans le champ d'application, car le sujet était particulièrement contentieux et ne pouvait s'inscrire par consensus dans la liste de l'art. 2, par. 1. Il demande que l'Etat partie institue et tienne à jour un régime de contrôle national pour réglementer l'exportation des munitions tirées, lancées ou délivrées au moyen des armes classiques visées par l'art. 2, par. 1, TCA. Il s'agit en outre d'examiner la compatibilité de ces munitions avec les conditions prévues aux art. 6 (Interdictions) et 7 (Exportation et évaluation des demandes d'exportation) avant d'autoriser leur exportation. Par ce traitement spécial, les munitions sont notamment exclues de toutes les mesures disposées afin d'éviter le détournement et les obligations sur l'établissement des rapports.

Art. 4

Pièces et composants

L'art. 4 traite également de manière séparée les pièces et composants dans le champ d'application. Il demande que l'Etat Partie institue et tienne à jour un régime de contrôle national pour réglementer l'exportation des pièces et des composants, lorsque l'exportation se fait sous une forme rendant possible l'assemblage des armes classiques visées par l'art. 2, par. 1. Il exige également l'application des dispositions des art. 6 (Interdictions) et 7 (Exportation et évaluation des demandes d'exportation) avant d'autoriser l'exportation de ces pièces et composants. Par ce traitement spé-

44

Le Registre des armes classiques qu'a ouvert l'Assemblée générale des Nations Unies en 1992 contient des indications librement accessibles sur les stocks, la production, les importations et les exportations des sept catégories d'armes classiques, qui sont considérées comme les plus létales. Il est un outil important, donnant une signification pratique au concept de transparence dans les armements. La Suisse a soutenu la création du registre et transmet annuellement depuis 1993 toutes les informations pertinentes.

Elle a siégé en 2006, 2009 et 2013 au sein du groupe d'experts gouvernementaux chargés d'examiner l'efficacité du registre.

1510

cial, les pièces et composants sont notamment exclus de toutes les mesures disposées afin d'éviter le détournement et les obligations sur l'établissement des rapports.

Art. 5

Mise en oeuvre générale

Le texte du TCA exige une application cohérente, objective et non discriminatoire du traité en tenant compte des principes qui y sont énoncés. Les situations comparables ne doivent pas faire l'objet d'un traitement différent.

Le TCA prévoit un régime de contrôle national qui permet d'appliquer des interdictions et de refuser des autorisations de manière systématique. Les armes à contrôler doivent figurer sur une liste de contrôle national dont le contenu minimal s'inspire des art. 2, par. 1, et 5, par. 3, du traité. Les Etats parties sont invités à appliquer les dispositions du TCA à un éventail aussi large que possible d'armes classiques. Les listes de contrôle national sont communiquées aux autres Etats parties par l'entremise du secrétariat et rendues publiques avec l'accord de l'Etat partie concerné.

Les Etats parties sont tenus de prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre du traité, qui touchent en particulier la législation et les structures administratives.

L'organe chargé des contrôles est responsable notamment de collecter, de vérifier et d'analyser des informations, d'évaluer les demandes de transfert et de rendre une décision les concernant, de veiller au respect des décisions qu'il a prises et d'assurer la coordination avec les autorités suisses et étrangères (douanes, police et tribunaux).

Le TCA prévoit également la mise sur pied d'un point de contact national. La mise en oeuvre efficace du traité impose de réunir l'autorité chargée de délivrer les autorisations et le point de contact national sous un seul et même toit.

Art. 6

Interdictions

L'art. 6 établit des critères stricts qui imposent une interdiction de certains transferts d'armes classiques, de leurs munitions ainsi que de leurs pièces et composants.

Le premier cas est celui d'un transfert qui violerait des obligations résultant de mesures prises par le Conseil de sécurité de l'ONU agissant en vertu du chap. VII de la Charte des Nations Unies. Comme mentionné à l'art. 6, par. 1, il s'agit essentiellement des embargos sur les armes établis par le Conseil de sécurité de l'ONU en vertu des art. 39 et 41 de la charte. Ces décisions sont juridiquement contraignantes pour tous les Etats membres de l'ONU et donc pour la Suisse (art. 25 de la charte). Il ne s'agit toutefois pas d'une règle nouvelle, car les Etats membres de l'ONU sont déjà tenus de respecter les embargos sur les armes du Conseil de sécurité.

Le deuxième type de transfert interdit en vertu de l'art. 6, par. 2, est celui qui violerait des obligations internationales résultant d'accords internationaux auxquels un Etat est partie. Cette disposition fait donc référence à toute obligation internationale ayant pour source un traité, en particulier les obligations relatives au transfert international ou au trafic illicite d'armes classiques. Ce type d'obligation est notamment prévu dans des traités en lien avec le droit international humanitaire et la maîtrise des armements et le désarmement. Pour la Suisse, entre notamment dans cette catégorie l'obligation de ne pas transférer d'armes à sous-munitions45 ou de mines antipersonnel46. Les obligations de ne pas transférer des armes peuvent aussi décou45 46

RS 0.515.093 RS 0.515.092

1511

ler de traités non directement liés au commerce des armes, comme cela peut être le cas pour des traités sur les droits de l'homme.

En troisième lieu, les transferts d'armes sont interdits en vertu de l'art. 6, par. 3, si l'Etat a connaissance, au moment au moment où l'autorisation est demandée, que les armes ou les biens transférés pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre. Il suffit que l'Etat en question ait, au moment de l'autorisation des transferts d'armes, d'importantes raisons de croire que les armes servent à commettre l'un de ces crimes pour que le transfert soit interdit. Il n'est donc pas nécessaire que l'Etat en ait la certitude. La Suisse s'est engagée de manière active dans la négociation de cet article et a fait un commentaire sur les types de crimes tombant dans le champ d'application de cet article à la fin des négociations.

Les crimes auxquels l'art. 6, par. 3, fait référence sont définis par le droit international public. Le génocide est défini dans la Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide47. Il s'agit aussi d'une règle de droit coutumier qui est donc obligatoire pour tous les Etats. La convention fournit une définition précise du crime de génocide, notamment en ce qui concerne l'intention ainsi que les actes prohibés, et spécifie que ce crime peut être commis en temps de paix ou en temps de guerre. Les crimes contre l'humanité sont définis dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 199848. Ce traité définit, à l'art. 7, par. 1, let. a à k, la notion de crime contre l'humanité. Il recense une liste d'actes spécifiques qui seraient commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile, en connaissance de cette attaque. Comme le génocide, les crimes contre l'humanité peuvent être commis en temps de guerre comme en temps de paix et sont de droit coutumier.

Les crimes de guerre sont des violations graves du droit international humanitaire.

L'art. 6, par. 3, TCA mentionne explicitement les violations graves des Conventions de Genève, les attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels et les autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux
auxquels l'Etat concerné est partie. Les Conventions de Genève étant universelles, elles comprennent aussi bien les crimes de guerre commis dans un conflit interne que ceux perpétrés dans un conflit international, notamment les violations graves citées à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève. Les autres instruments de référence pour les violations graves du droit international humanitaire sont les protocoles additionnels I49 et II50 aux Conventions de Genève, la Convention IV de la Haye et ses règlements51, ainsi que le Statut de Rome. Pour la Suisse qui est partie à l'ensemble des instruments définissant les crimes de guerre, il s'agit de se rapporter principalement aux violations graves des Conventions de Genève et des Protocoles additionnels I et II ainsi qu'aux actes figurant à l'art. 8 du Statut de Rome52.

47 48 49 50 51 52

RS 0.311.11 RS 0.312.1 RS 0.518.521 RS 0.518.522 RS 0.515.111 et 0.515.112 La liste la plus complète de ces actes figure dans l'étude du droit international coutumier du CICR (base de données du droit international coutumier), sous la règle 156.

Elle peut être consultée uniquement en anglais à l'adresse suivante: www.icrc.org/customary-ihl/eng/docs/home

1512

Art. 7

Exportation et évaluation des demandes d'exportation

Les critères et paramètres de l'art. 7 sont toujours appliqués lorsqu'une exportation n'est pas d'emblée interdite par un motif d'exclusion visé à l'art. 6. L'art. 7, qui porte uniquement sur l'exportation, lie essentiellement l'Etat partie exportateur. Lors de l'évaluation des demandes d'exportation ­ opération qui doit être menée de manière cohérente, objective et non discriminatoire ­, il convient de tenir compte de différents facteurs, par exemple le type et le nombre d'armes, leur utilisation usuelle et prévue, la situation générale dans l'Etat importateur et dans les pays qui l'entourent, l'utilisateur final désigné, les personnes participant au transfert d'armes et l'itinéraire envisagé pour acheminer les biens.

Aux termes de l'art. 7, par. 1, l'autorité chargée de délivrer les autorisations doit faire cas des risques que recèle l'exportation des armes classiques énumérées à l'art. 2, de leurs munitions et de leurs pièces et composants. Elle doit juger si les armes à exporter contribueraient ou porteraient atteinte à la paix et à la sécurité (let. a). La notion de «paix et sécurité» ne se réfère pas nécessairement à un cadre global ou international, mais peut aussi se rapporter à un seul pays, en règle générale le pays de destination finale.

En outre, cette autorité examine, conformément à l'al. b, si les biens à exporter pourraient servir à commettre une violation grave du droit international humanitaire (ch. i), une violation grave des droits de l'homme (ch. ii), des actes terroristes (ch. iii) ou des actes relevant de la criminalité organisée (ch. iv). Elle doit également tenir compte du risque que les armes à exporter puissent servir à commettre des actes graves de violence fondée sur le sexe ou des actes graves de violence contre les femmes et les enfants (par. 4). Elle doit en outre examiner le risque de détournement des armes exportées, comme le prescrit l'art. 11, par. 1.

Les violations graves du droit international humanitaire au sens prévu par le par. 1, let. b, ch. i, s'apparentent à des crimes de guerre, comme le précise le commentaire de l'art. 6.

Afin d'évaluer s'il y a violation grave des droits de l'homme reconnus au niveau international au sens du par. 1, let. b, ch. ii, il y a lieu d'examiner si des garanties élémentaires inscrites dans des instruments internationaux
sur les droits de l'homme n'ont pas été respectées. Ce sont pour l'essentiel le droit à la vie, le droit à ne pas être soumis à la torture, ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sûreté, le droit à ne pas être tenu en esclavage, le droit à la liberté de pensée et de religion, le droit à la liberté de réunion et d'expression et, le cas échéant, le droit à la santé, à l'éducation, à l'alimentation et au logement. Point incontesté, toute infraction aux règles impératives du droit international public est considérée comme une violation grave des droits de l'homme reconnus au niveau international. Font notamment partie du droit international impératif l'interdiction du recours à la force, de la torture, du génocide et de l'esclavage, les grands principes du droit international humanitaire et toutes les garanties de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) auxquelles on ne peut déroger même en état de

1513

nécessité ainsi que les garanties du Pacte II de l'ONU53. Il y a tout lieu de penser que le seuil de tolérance en matière de violation grave s'élèvera pour les droits de l'homme qui n'appartiennent pas à ce cercle étroit du droit international impératif.

Selon le par. 1, let. b, ch. iii, il importe d'évaluer si les biens à livrer pourraient servir à commettre un acte terroriste ou à en faciliter la commission, tel que le définit notamment l'art. 2 de la Convention internationale du 15 décembre 1997 pour la répression des attentats terroristes à l'explosif54. Par acte terroriste on entend tout acte illicite et intentionnel consistant notamment à livrer, poser, faire exploser ou détonner des matières explosives ou d'autres engins meurtriers sur des places publiques, dans des bâtiments officiels, dans des transports ou des infrastructures publics, dans l'intention de provoquer la mort ou des dommages corporels graves ou de détruire ces lieux.

Le par. 1, let. b, ch. iv, fait référence aux actes illicites prévus par la Convention des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée55 et ses protocoles additionnels56. Il s'agit d'actes relevant pour l'essentiel de la grande criminalité, de la participation à des groupes du crime organisé, du blanchiment d'argent et de la corruption, de la traite des êtres humains, du trafic de migrants, de la fabrication et du commerce illicites d'armes à feu.

Aux termes de l'art. 7, par. 2, il convient d'examiner, dans le cadre de l'évaluation de la demande d'exportation, les mesures disponibles permettant d'atténuer les risques énoncés au par. 1. Il y a, par exemple, les déclarations de non-réexportation par lesquelles l'Etat importateur donne confirmation écrite à l'Etat exportateur que les biens importés ne seront pas réexportés sans l'accord de ce dernier. La Suisse demande également à certains pays de lui certifier que les marchandises livrées ne seront pas utilisées illégalement contre la population civile. D'autres mesures sont propres à atténuer les risques, par exemple les inspections menées ultérieurement sur place, les programmes bilatéraux visant au renforcement des capacités institutionnelles ou les projets d'amélioration de la gestion et de la sécurité des stocks.

L'art. 7, par. 3, établit les conséquences juridiques de
l'évaluation de l'exportation d'armes prévue au par. 1 en lien avec les mesures d'atténuation des risques évoquées au par. 2. Si, à l'issue de l'évaluation, l'Etat partie parvient à la conclusion que la paix et la sécurité pourraient être mises en danger ou que les armes pourraient être utilisées de manière abusive en dépit de l'application de mesures d'atténuation des risques, il ne doit pas délivrer l'autorisation d'exportation.

53

54 55 56

Voir à ce sujet le rapport additionnel du Conseil fédéral du 30 mars 2011 au rapport du 5 mars 2010 sur la relation entre droit international et droit interne (FF 2011 3401, 3413 ss). Voir également le message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale (FF 1997 I 1 441 ss et 453) et le message du 27 août 2008 relatif à l'initiative populaire «Contre la construction de minarets» (FF 2008 6923), ch. 2.3.2 à 2.3.4.

RS 0.353.21 RS 0.311.54 Protocole du 15 novembre 2000 contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (RS 0.311.541); Protocole additionnel du 15 novembre 2000 à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (RS 0.311.542); Protocole additionnel du 31 mai 2001 à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions (RS 0.311.544).

1514

En vertu de l'art. 7, par. 4, il convient également, dans le cadre de l'évaluation des risques, de vérifier le risque que les armes à exporter puissent servir à commettre des actes graves de violence fondée sur le sexe ou des actes graves de violence contre les femmes et les enfants. C'est pourquoi ce critère figure dans l'évaluation prévue au par. 1 et dans celle mentionnée au par. 3.

Selon le par. 5, les autorisations d'exportation et les autres documents officiels afférents à la procédure d'autorisation doivent être les plus détaillés possible et établis avant l'opération d'exportation. Les indications minimales sont en principe la désignation des différents biens, l'exportateur, le type, la quantité, le prix et le poids de la marchandise, l'Etat importateur, l'adresse de l'importateur, la durée de validité de l'autorisation et les coordonnées de l'organe chargé de délivrer les autorisations.

Selon le par. 6, l'Etat exportateur communique les informations appropriées concernant l'autorisation aux Etats parties dans lesquels les armes et les biens sont importés, transitent ou sont transbordés et qui en font la demande. La communication de certaines informations peut être refusée lorsque celles-ci pourraient porter atteinte à des intérêts économiques ou sécuritaires. Les informations qui confirment si un transfert est réalisé ou s'il est en suspens, ou celles concernant le pays de destination finale ne devraient pas poser de problème.

Si un Etat partie obtient des informations indiquant que des autorisations délivrées ou encore valables ne remplissent plus les conditions en raison de certains événements, le par. 7 exige que cet Etat procède à une nouvelle évaluation, après avoir consulté au besoin l'Etat importateur.

Art. 8

Importation

Le par. 1 est en quelque sorte le pendant de l'art. 7, dans la mesure où il oblige l'Etat partie importateur à procéder à un échange d'informations avec l'Etat partie exportateur. Les informations utiles et pertinentes pourraient être celles qui garantissent l'utilisation finale ou la non-réexportation des armes, mais aussi les informations générales concernant par exemple la situation sécuritaire régnant dans le pays ou la région. L'art. 8, par. 2, prévoit la réglementation des importations d'armes classiques visées par l'art. 2, dont les munitions, les pièces et les composants ne font pas partie. Il suggère la création d'un régime de contrôle des importations, sachant qu'une telle obligation n'existe pas pour les importations, contrairement à ce qui est exigé pour les exportations. Le par. 3 accorde le droit à l'Etat partie importateur, s'il est également le pays de destination finale d'un transfert, de demander des informations à l'Etat exportateur sur l'état du transfert pour savoir si l'autorisation a été accordée ou si la procédure est toujours en cours.

Art. 9

Transit ou transbordement

Un contrôle efficace du commerce des armes exige également que le transit et le transbordement de ces marchandises soient aussi contrôlés dans une certaine mesure.

A l'art. 9, comme à l'art. 8 consacré à l'importation, le traité ne se réfère qu'aux armes classiques énumérées à l'art. 2 et impose uniquement de réglementer leur transit et leur transbordement, sans exiger un contrôle impératif des activités en question.

1515

Art. 10

Courtage

Le courtage n'est défini ni dans le traité lui-même ni dans d'autres accords internationaux. Le rapport du groupe d'experts gouvernementaux créé par l'ONU et chargé d'examiner de nouvelles mesures à prendre pour renforcer la coopération internationale en vue de prévenir, combattre et éliminer le courtage illicite des armes légères et de petit calibre57 en donne une ébauche: le courtage est l'activité consistant à apporter une contribution déterminante à la conclusion d'un contrat entre au moins deux autres parties, en échange d'un avantage financier ou autre. Cas typique, le courtier n'intervient pas en qualité de marchand (intermédiaire); il n'est donc ni le fournisseur ni le destinataire de la marchandise. Compte tenu du principe de territorialité, il n'est possible d'enregistrer que les activités de courtage qui proviennent du territoire de l'Etat partie concerné. Dans le champ d'application du traité, les activités de courtage sont évoquées en rapport avec les armes classiques énumérées à l'art. 2. Comme dans les dispositions des art. 8 et 9, l'art. 10 prescrit une réglementation mais non un contrôle effectif des activités de courtage. Le traité propose à cet égard des mesures consistant à exiger des courtiers leur enregistrement ou l'obtention d'une autorisation écrite avant l'exercice de leurs activités de courtage.

Art. 11

Détournement

La notion de détournement correspond à celle de transmission non souhaitée inscrite dans l'ordonnance sur le matériel de guerre et recouvre la perte de contrôle sur les marchandises sur la route commerciale ou chez le détenteur légal, mais également la transmission à un utilisateur final non prévu au moment de l'établissement de l'autorisation d'exportation ou une utilisation des armes ne correspondant pas à la déclaration d'utilisation finale.

Le par. 1 enjoint aux Etats parties de prévenir le détournement d'armes classiques.

L'évaluation du risque de transmission non souhaitée fait partie intégrante de l'examen prévu à l'art. 7, par. 1 et 3, sans que cela soit formellement exprimé. Le type d'armes, les acteurs impliqués, la route empruntée et les connaissances générales disponibles sur le pays de destination finale, entre autres, peuvent être des informations pertinentes. On peut imaginer d'autres dispositions que les mesures usuelles d'atténuation des risques prévues à l'art. 7, par. 2, qui consisteraient par exemple à mener des clarifications approfondies sur les parties participant au transfert ou à exiger des assurances ou documents supplémentaires. Les inspections menées sur place, notamment, représentent un moyen concluant pour lutter contre les détournements.

Les Etats importateurs doivent eux aussi prendre des mesures pour faire obstacle aux détournements. Les Etats parties sont en outre invités à coopérer et à échanger des informations pertinentes sur les moyens de lutter efficacement contre les détournements, qu'ils soient eux-mêmes impliqués ou non dans le transfert. Les mesures qui s'imposent le cas échéant peuvent consister à alerter les Etats touchés, à inspecter la marchandise détournée et à appliquer le droit. Le par. 5 énumère les mesures générales visant à prévenir et à combattre le commerce illicite et le détournement d'armes, 57

Rapport du Groupe d'experts gouvernementaux créé en vertu de la résolution 60/81 de l'Assemblée générale, chargé d'examiner de nouvelles mesures à prendre pour renforcer la coopération internationale en vue de prévenir, combattre et éliminer le courtage illicite des armes légères, doc. ONU A/62/163, 27 juillet 2007. Il peut être consulté à l'adresse suivante: http://data.grip.org/documents/200904270918.pdf.

1516

à savoir l'échange d'informations sur les circuits de trafic internationaux, le courtage illicite, les méthodes de dissimulation et les points de transbordement. Pour que la diffusion de ces informations soit la plus efficace possible, le secrétariat doit être informé et renseigné sur les mesures prises, conformément à l'art. 13, par. 1.

Art. 12

Conservation des données

Les Etats parties sont tenus de consigner sur une base nationale les autorisations d'exportation délivrées ou les exportations effectives d'armes classiques. Ils sont incités à enregistrer les armes classiques acheminées sur leur territoire et celles autorisées à y transiter ou y à être transbordées. Pourraient être enregistrés la quantité, la valeur, le modèle ou le type d'armes, la quantité d'armes effectivement transférées, des informations sur l'Etat exportateur et l'Etat importateur et, le cas échéant, les Etats de transit ou les Etats de transbordement, et les utilisateurs finaux.

Les données enregistrées doivent être conservées pendant au moins dix ans.

Art. 13

Etablissement de rapports

Les Etats parties sont tenus de faire parvenir au secrétariat dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur du traité à leur égard un rapport initial sur les mesures prises pour mettre en oeuvre le traité. Ce document doit renseigner sur les lois nationales applicables, les listes de contrôle prévues à l'art. 5, par. 2, et les autres règlements et mesures administratives adoptés. Les nouvelles mesures prises ultérieurement pour mettre en oeuvre le traité doivent également être communiquées au secrétariat. Les Etats parties ont accès, par l'intermédiaire du secrétariat, à tous les rapports initiaux et rapports sur les nouvelles mesures prises. L'art. 13, par. 2, encourage les Etats parties à rendre compte aux autres Etats parties, par l'intermédiaire du secrétariat, des mesures prises qui se sont révélées efficaces pour lutter contre le détournement d'armes classiques. Dans son application pratique, cette disposition recouvre largement celle de l'art. 11, par. 6.

En vertu du par. 3, les Etats parties sont tenus de transmettre chaque année au secrétariat un rapport sur les exportations d'armes classiques autorisées ou effectuées. Ce rapport qui porte sur l'année civile précédente et qui doit être présenté au plus tard le 31 mai est à la disposition des Etats parties par l'intermédiaire du secrétariat. Somme toute, il pourrait satisfaire aux exigences de l'art. 12.

Art. 14

Exécution du traité

L'art. 14 enjoint aux Etats parties de faire appliquer les mesures de mise en oeuvre du traité, en particulier les lois et règlements nationaux. Les sanctions administratives et les mesures pénales servent principalement à la mise en application du traité au niveau national.

Art. 15

Coopération internationale

Dédiée à la coopération internationale aux fins de la mise en oeuvre effective du traité, cette disposition invite les Etats parties à agir de manière active et concertée.

Ceux-ci sont incités à faciliter la coopération internationale et à échanger des informations sur les questions d'intérêt mutuel concernant la mise en oeuvre et l'application du traité. Pour les enquêtes et les poursuites liées à la violation du droit national, les Etats parties s'apportent toute l'assistance possible dans le respect de leur 1517

système juridique, notamment en matière d'entraide judiciaire internationale. Ils sont en outre encouragés à prendre des mesures au niveau national et à coopérer entre eux pour empêcher que le commerce des armes ne fasse l'objet de pratiques de corruption. Le dernier paragraphe de l'art. 15 exhorte les Etats parties à procéder à des échanges d'informations sur les enseignements tirés de l'application du traité.

Art. 16

Assistance internationale

Aux fins de la mise en oeuvre du traité, chaque Etat partie peut solliciter une assistance administrative auprès d'autres Etats. Il peut s'agir d'un soutien juridique ou législatif, d'une aide au renforcement des capacités institutionnelles ou encore d'une assistance technique, matérielle ou financière. Tout Etat partie peut aussi demander, offrir ou recevoir une aide de l'ONU ou d'autres organisations internationales, régionales, sous-régionales ou nationales. Le par. 3 prévoit un fonds d'affectation volontaire à mettre en place par les Etats parties en vue de favoriser la mise en oeuvre du traité. Chaque Etat est encouragé à alimenter ce fonds qui sera géré par le secrétariat.

Art. 17 à 28

Dispositions finales

Les dispositions finales contiennent des règles sur les compétences et les tâches de la Conférence des Etats parties et du Secrétariat ainsi que des dispositions sur le règlement des différends, les modalités d'amendement, la signature et la ratification, l'adhésion, l'entrée en vigueur, le retrait des parties et l'expiration, les réserves, la désignation du dépositaire et les versions officielles. On y trouve également des dispositions réglant les rapports entre le traité et les autres conventions, la durée de sa validité et son application provisoire. Les dispositions finales du TCA correspondent aux dispositions traditionnelles que l'on trouve dans d'autres traités.

Ainsi, le traité prévoit une Conférence des Etats parties (art. 17), un secrétariat (art. 18) et un mécanisme de résolution des conflits (art. 19). Le TCA peut être amendé à une majorité des trois quarts des Etats parties présents et votants (art. 20).

Enfin, des règles sont prévues pour la signature et la ratification (art. 21). Il est notamment prévu que le traité entrera en vigueur 90 jours après le dépôt du 50e instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation auprès du dépositaire (art. 22).

Conformément à l'art. 23 du TCA et en vertu de l'art. 25 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités58, un Etat peut appliquer à titre provisoire les art. 6 et 7 du TCA avant son entrée en vigueur. Cela devrait permettre une mise en oeuvre rapide des deux dispositions clés du TCA et avoir des effets anticipés sur les décisions nationales en matière d'autorisation concernant les transferts d'armes internationaux. Comme cette possibilité sert les buts du TCA et permet de réaffirmer l'engagement de notre pays dans le domaine du commerce des armes, le Conseil fédéral déclarera que la Suisse appliquera provisoirement les art. 6 et 7 du traité lors du dépôt de son instrument de ratification.

Quant aux dispositions sur la durée et le retrait du traité (art. 24), le dépositaire, qui est le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (art. 27), et sur les textes authentiques, il s'agit de dispositions standards. L'art. 25 prévoit la possibilité 58

RS 0.111

1518

pour les Etats de faire des réserves dans la mesure où ces réserves ne sont pas contraires au but et à l'objet du traité. La Suisse n'a pas l'intention d'utiliser la possibilité de faire des réserves à ce traité car aucune de ses dispositions ne nécessite pour elle d'être exclue ou limitée dans son application.

Enfin, l'art. 26 prévoit les relations du TCA avec d'autres accords internationaux.

Cette disposition permet aux Etats de conclure d'autres accords dans la mesure où ils sont en conformité avec les obligations et les standards établis par ce traité. Les Etats ont ainsi la possibilité de conclure des règles plus strictes au niveau bilatéral ou régional. En revanche, si un Etat partie s'engageait dans la conclusion d'un accord international contraire aux obligations du TCA, il s'agirait d'une violation des obligations qui découlent de l'art. 26, et l'Etat engagerait alors sa responsabilité internationale. L'art. 26, par. 2, prévoit encore une règle selon laquelle le traité ne peut être invoqué pour priver d'effets les accords de coopération en matière de défense conclus entre Etats parties au TCA. Le but et l'objet du traité impliquent qu'il s'agit d'une référence aux conséquences en matière de droit civil qui pourraient découler d'une annulation de ces accords et notamment aux pénalités financières qui pourraient être dues. Ainsi, un Etat partie au traité ne pourra annuler un contrat avec un autre Etat partie en prétendant que ce contrat violerait ses obligations internationales découlant du TCA. En revanche et conformément au droit international, chaque Etat peut résilier un contrat pour respecter ses obligations découlant du TCA, mais il engagera alors sa responsabilité. Il est entendu que les Etats parties au TCA ne doivent pas conclure de nouveaux accords de défense qui seraient contraires aux dispositions du traité.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

L'adhésion au TCA entraînera un faible surcroît de dépenses pour la Confédération.

Les contributions obligatoires destinées à financer le secrétariat et la réunion des Etats parties ne sont pas encore fixées. Cette tâche échoit à la Conférence des Etats parties. La quote-part annuelle que verse la Suisse pour des traités similaires dans le domaine du contrôle des armements et du désarmement se situe entre 20 000 et 40 000 francs.

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

Mettre en oeuvre le traité de manière cohérente entraînera des charges supplémentaires. La Suisse devra, d'une part, participer à la conférence qui réunira régulièrement les Etats parties et préparer la position qu'elle y défendra. Elle aura, d'autre part, à assurer un échange régulier d'informations et à établir, par exemple, le rapport annuel à l'intention du Secrétariat du TCA. L'assistance prêtée sous la forme de dialogues bilatéraux aux Etats partenaires souhaitant renforcer leurs capacités institutionnelles, le soutien direct fourni sur place, les contributions à des projets de la société civile et la coordination globale de la Confédération dans le domaine du commerce des armes généreront également une charge supplémentaire.

1519

Dans le cadre du renforcement de capacités institutionnelles, l'armée suisse fournira au niveau international son expertise en termes de gestion et de sécurité des stocks d'armes et de munitions. Cette problématique compte au demeurant parmi les grands thèmes de l'année de présidence de la Suisse au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le mécanisme d'assistance du TCA et le fonds d'affectation qui lui est associé, mais aussi la tendance observée pourraient augmenter les besoins d'expertise dans le monde. Il conviendra d'examiner si, pour exécuter ces tâches, l'armée suisse a besoin d'un poste supplémentaire à plein temps.

3.2

Conséquences pour les cantons et communes, ainsi que pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne

L'adhésion de la Suisse au TCA n'a pas de conséquences pour les cantons et les communes, ni pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne.

3.3

Conséquences économiques

L'adhésion de la Suisse au TCA ne devrait pas avoir d'incidences économiques (ch. 1.4.2).

3.4

Conséquences en matière de politique étrangère

Le projet d'adhésion au traité est en adéquation avec la politique extérieure de la Suisse (ch. 1.1, 1.4 et 4.2). Il est conforme en particulier aux objectifs inscrits dans la Constitution fédérale en matière de politique extérieure, c'est-à-dire promouvoir la coexistence pacifique des peuples, le respect des droits de l'homme et la démocratie, sauvegarder les intérêts de l'économie suisse à l'étranger, soulager les populations dans le besoin et lutter contre la pauvreté.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

Le projet d'adhésion au traité n'est annoncé ni dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201559 ni dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 sur le programme de la législature 2007 à 201160. En raison de la difficulté et de la longueur des négociations, l'adoption du TCA n'était pas prévisible.

59 60

FF 2012 349 FF 2012 6667

1520

4.2

Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

Le traité correspond aux objectifs de la Suisse en matière de politique étrangère ainsi qu'aux stratégies nationales du Conseil fédéral. L'adhésion de la Suisse au TCA serait conforme aux buts et aux contenus du rapport du Conseil fédéral du 3 mars 2012 sur les axes stratégiques de la politique étrangère pour la législature61, du rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 23 juin 2010 sur la politique de sécurité de la Suisse62, du rapport du Conseil fédéral du 30 novembre 2012 sur la politique de la Suisse en matière de maîtrise des armements et de désarmement63, et la stratégie de la Suisse 2013-2016 en matière de lutte contre le commerce illicite et l'utilisation abusive des armes légères et de petit calibre sur le plan international64.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Le projet d'adhésion se fonde sur l'art. 54, al. 1, Cst., qui dispose que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. Par ailleurs, l'art. 184, al. 2, Cst. confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier. Enfin, conformément à l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale est compétente pour les approuver, sauf si leur conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (art. 24, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement [LParl]65; art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]66). Or, il n'existe aucune norme qui pourrait justifier la compétence du Conseil fédéral.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

Le projet d'adhésion est compatible avec les obligations internationales de la Suisse mentionnées au ch.1.1.2 du présent message. Il est en outre compatible avec le droit de l'OMC (art. XXI du GATT67) et le droit européen.

5.3

Forme de l'acte à adopter

L'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. prévoit que les traités internationaux sont sujets au référendum s'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit 61 62 63 64 65 66 67

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ou si leur mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. Aux termes de l'art. 22, al. 4, LParl, sont réputées fixant des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. On considère comme importantes les dispositions devant être édictées sous la forme d'une loi fédérale en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst.

Le TCA est conclu pour une durée indéterminée, peut être dénoncé et ne prévoit pas d'adhésion à une organisation internationale. Sa mise en oeuvre ne demande ni acte législatif ni modification de lois fédérales. Cependant, le traité contient des dispositions fixant des règles de droit au sens de l'art. 22, al. 4, LParl, qui sont importantes car elles prévoient des tâches et des prestations de la Confédération et elles influencent l'organisation et la procédure des autorités fédérales (notamment les art. 5 à 7 TCA). Au niveau national, de telles dispositions devraient être édictées sous la forme d'une loi. L'arrêté fédéral d'approbation est donc sujet au référendum.

5.4

Déclaration interprétative

Le Conseil fédéral examine l'opportunité de déposer une déclaration interprétative concernant les art. 2, par. 2, 6, par. 3, 7, par. 3, et 26 TCA, lors du dépôt de l'instrument de ratification. S'agissant de l'art. 6, par. 3, les crimes de guerre mentionnés pourraient être définis de la façon la plus complète possible et présentés de manière à ce que la disposition couvre également les crimes de guerre commis lors de conflits armés qui ne sont pas internationaux. En outre, la déclaration interprétative pourrait spécifier le degré d'information obligeant un Etat à interdire un transfert d'armes. En ce qui concerne l'art. 7, par. 3, elle pourrait permettre de préciser que, quand il existe, du point de vue de la Suisse, un risque prépondérant que les armes exportées soient utilisées de façon abusive, la demande d'autorisation doit être refusée. Par ailleurs, elle pourrait spécifier comment la Suisse interprète l'art. 26. L'interprétation de ces dispositions par la Suisse (cf. commentaire de ces articles au ch. 2) pourrait ainsi être définie officiellement afin d'influer sur l'interprétation du point de vue du droit international, et de renforcer le traité. La déclaration interprétative serait rédigée de manière à ne pas être comprise comme une réserve.

5.5

Protection des données

L'échange d'informations prévu par le TCA, susceptible d'avoir comme conséquence le traitement de données personnelles, aura lieu dans le cadre de l'assistance administrative internationale précisée à l'art. 42 LFMG. La loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données68 devra être respectée lors de cet échange d'informations.

68

RS 235.1

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