14.089 Message concernant l'initiative populaire «Pour un financement équitable des transports» du 19 novembre 2014

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Pour un financement équitable des transports», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2014

P

14.3105

Initiative dite vache à lait. De quels agriculteurs la vache mange-t-elle l'herbe? (E 03.06.14, Bieri)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 novembre 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-2463

9395

Condensé Le but de l'initiative populaire «Pour un financement équitable des transports» est de résoudre les difficultés de financement des tâches liées au trafic routier. Pour garantir les ressources nécessaires, elle demande d'affecter au financement de ces tâches la totalité de l'impôt sur les huiles minérales grevant les carburants. Le contrecoup, pour les finances fédérales, de cette réallocation des ressources serait considérable. Le Conseil fédéral propose donc au Parlement de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons sans contre-projet, en leur recommandant de la rejeter.

Contenu de l'initiative L'initiative populaire «Pour un financement équitable des transports» a été déposée le 10 mars 2014, munie de 113 306 signatures valables. Son but est de résoudre les difficultés prévisibles de financement des tâches liées au trafic routier. En vertu de l'art. 86 de la Constitution, ces tâches comprennent notamment la construction, l'entretien et l'exploitation des routes nationales, la promotion du transport ferroviaire des marchandises (transfert de la route au rail) ainsi que le versement de contributions aux cantons. L'initiative demande que la totalité de l'impôt sur les huiles minérales grevant les carburants soit affectée à ces tâches afin de garantir les ressources nécessaires. Aujourd'hui, la moitié du produit de l'impôt sur les huiles minérales, soit près de 1,5 milliard de francs par an, est affectée à ce but, l'autre moitié étant mise à la disposition de la caisse générale de la Confédération pour financer d'autres tâches.

Avantages et inconvénients de l'initiative L'initiative permettrait de garantir dans un avenir prévisible le financement des tâches qui sont liées au trafic routier et donc de satisfaire l'objectif principal de ses auteurs.

Elle est toutefois en contradiction avec la politique budgétaire et la politique des transports poursuivies par le Conseil fédéral et le Parlement. L'affectation de la totalité des impôts sur les huiles minérales grevant les carburants compromettrait l'exécution d'autres tâches de la Confédération. Etant donné que l'augmentation d'autres impôts n'est guère envisageable, l'acceptation de l'initiative nécessiterait un programme d'économies de l'ordre de 1,5 milliard de francs. Des économies ne pourraient être réalisées à brève échéance
que dans les domaines où les dépenses sont faiblement liées, comme la formation et la recherche, les transports publics, la défense nationale et l'agriculture.

L'affectation d'une partie du produit de l'impôt sur les huiles minérales au fonds d'infrastructure ferroviaire, qui a été acceptée lors de la votation populaire du 9 février 2014, serait également remise en cause. L'étape d'aménagement 2025 adoptée par l'Assemblée fédérale ainsi que les autres étapes d'aménagement de l'infrastructure ferroviaire prévues pourraient ainsi connaître d'importants retards.

9396

L'initiative aurait par ailleurs pour conséquence de compenser l'augmentation attendue des besoins financiers relatifs au domaine routier non pas par une hausse des prestations à la charge des usagers de la route, mais par des mesures prises dans d'autres domaines de tâches de la Confédération. Alors que l'aménagement de l'infrastructure ferroviaire est financé, entre autres, par une augmentation du prix des billets, les automobilistes ne seraient pas tenus de participer financièrement à l'aménagement des routes nationales en payant des redevances plus élevées. Cette inégalité de traitement affaiblirait la politique coordonnée des transports. En outre, des transferts du rail vers la route ne seraient pas exclus, générant des effets négatifs tels que ceux qui sont liés aux embouteillages et au bruit, notamment dans les agglomérations.

Pour les raisons exposées ci-dessus, le Conseil fédéral considère que le plan de financement proposé par l'initiative est non seulement inéquitable, mais aussi unilatéral et déséquilibré.

Proposition du Conseil fédéral Par le présent message, le Conseil fédéral propose donc au Parlement de soumettre l'initiative populaire fédérale «Pour un financement équitable des transports» au vote du peuple et des cantons sans contre-projet, en leur recommandant de la rejeter.

9397

Table des matières Condensé

9396

Répertoire des abréviations

9400

1

Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

9401 9401 9402 9402

2

Contexte 2.1 Des droits de douane sur la benzine à l'impôt sur les huiles minérales 2.2 Le financement des routes aujourd'hui et les besoins dans les années à venir 2.2.1 Financement spécial pour la circulation routière 2.2.2 Taux de couverture des coûts du trafic routier 2.2.3 Financement spécial du trafic aérien

9402

3

Buts et contenu de l'initiative 3.1 Buts visés 3.2 Dispositif proposé 3.3 Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

9408 9408 9409 9409

4

Appréciation de l'initiative 4.1 Conformité aux principes et valeurs de la Suisse 4.1.1 Affectation de la totalité de l'impôt sur les huiles minérales 4.1.2 Référendum facultatif 4.1.3 Interdiction d'affectation non conforme aux utilisations prévues 4.2 Conséquences en cas d'acceptation 4.2.1 Incidences sur le budget de la Confédération 4.2.2 Incidences sur le financement spécial pour la circulation routière (FSCR) 4.2.3 Incidences sur l'environnement et la politique coordonnée des transports 4.2.4 Incidences sur le financement spécial du transport aérien (FSTA) 4.2.5 Conséquences pour les cantons 4.2.6 Modifications requises au niveau de la loi 4.3 Avantages et inconvénients 4.4 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 4.5 Examen d'un contre-projet direct ou indirect 4.6 Projet du Conseil fédéral relatif à la création d'un fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération (FORTA)

9414 9414

5

Conclusions

9398

9402 9405 9405 9407 9408

9414 9415 9416 9416 9416 9421 9424 9426 9427 9428 9429 9429 9429 9430 9431

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Pour un financement équitable des transports» (Projet)

9433

9399

Répertoire des abréviations AVS

Assurance vieillesse et survivants

Cst.

Constitution (RS 101)

FAIF

Financement et aménagement de l'infrastructure ferroviaire

FI

Fonds d'infrastructure

FIF

Fonds d'infrastructure ferroviaire

Fonds FTP

Fonds pour le financement des grands projets ferroviaires

FORTA

Fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération

FSCR

Financement spécial pour la circulation routière

FSTA

Financement spécial du transport aérien

GATT

Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade)

NLFA

Nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes

OFROU

Office fédéral des routes

OFS

Office fédéral de la statistique

OMC

Organisation mondiale du commerce

PRODES

Programme de développement stratégique

RIE

Réforme de l'imposition des entreprises

RPLP

Redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations

TVA

Taxe sur la valeur ajoutée

9400

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire fédérale «Pour un financement équitable des transports» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 86, al. 2bis (nouveau), 3, 3bis phrase introductive, 4, 5(nouveau) et 6 (nouveau) Elle affecte le produit net de l'impôt à la consommation sur les carburants, à l'exception des carburants d'aviation, et le produit net de la redevance pour l'utilisation des routes nationales au financement des seules tâches et dépenses suivantes, qui sont liées à la circulation routière: 2bis

3

a.

construction, entretien et exploitation des routes nationales;

b.

mesures destinées à promouvoir le trafic combiné et le transport de véhicules routiers accompagnés;

c.

mesures destinées à améliorer les infrastructures de transport dans les villes et les agglomérations;

d.

contributions destinées aux routes principales;

e.

contributions pour la construction d'ouvrages de protection contre les sinistres dus aux éléments naturels et pour les mesures de protection de l'environnement et du paysage que la circulation routière rend nécessaires;

f.

participation générale au financement, par les cantons, des routes ouvertes à la circulation des véhicules à moteur;

g.

contributions aux cantons dépourvus de routes nationales pour la construction, l'entretien et l'exploitation des routes cantonales.

Abrogé

Elle affecte le produit net de l'impôt à la consommation sur les carburants d'aviation au financement des seules tâches et dépenses suivantes, qui sont liées au trafic aérien: 3bis

L'introduction ou l'augmentation d'impôts, de redevances ou d'émoluments dans le domaine de la circulation routière sont sujettes au référendum prévu par l'art. 141.

4

Si ces moyens ne suffisent pas au financement des tâches et des dépenses liées à la circulation routière et au trafic aérien, la Confédération prélève sur les carburants concernés un supplément sur l'impôt à la consommation.

5

Toute affectation non conforme aux utilisations prévues du produit net des impôts et redevances visés aux al. 2bis et 3bis et du produit net du supplément sur l'impôt à la consommation visé à l'al. 5 est proscrite.

6

1

RS 101

9401

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire fédérale «Pour un financement équitable des transports» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 19 février 20132, et elle a été déposée le 10 mars 2014 avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 1er avril 2014, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 113 306 signatures valables et qu'elle avait donc abouti3.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)4, le Conseil fédéral a jusqu'au 10 mars 2015 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale dispose de 30 mois, à compter du dépôt de l'initiative, c'est-à-dire jusqu'au 10 septembre 2016, pour adopter la recommandation de vote qu'elle présentera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.): a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte

2.1

Des droits de douane sur la benzine à l'impôt sur les huiles minérales

A l'origine, l'actuel impôt sur les huiles minérales était un droit de douane sur la benzine. Selon l'art. 30 de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 (aCst.)5, le produit des péages (dont les droits de douane) prélevés par la Confédération lui appartenait en totalité. Il était affecté à la caisse fédérale et servait à financer des tâches générales de la Confédération. A l'instar des autres droits de douane, les droits sur la benzine étaient conçus comme une taxe due sans condition et non comme la contrepartie d'une prestation spécifique fournie par l'Etat ou d'un avantage particulier revêtant par exemple la forme de construction de routes.

2 3 4 5

FF 2013 1555 FF 2014 3019 RS 171.10 RO 1874 I 1 ou www.bj.admin.ch > Etat et citoyen > Projets législatifs en cours > Projets législatifs terminés > Réforme de la Constitution fédérale

9402

Néanmoins, dès la fin des années 20, la Confédération a commencé à verser des contributions aux cantons au titre de la construction et de l'entretien des routes, afin que ceux-ci puissent faire face à l'augmentation de leurs charges dans le domaine routier. Le montant de ces versements était fixé sur la base du produit des droits sur la benzine (le quart de celui-ci), ce qui constituait donc déjà une sorte d'affectation, bien que cela ne figurât pas explicitement dans la Constitution.

Au sortir de la guerre, la forte croissance du trafic automobile accrut sensiblement les besoins en matière de développement du réseau routier. A l'époque, le réseau routier était encore entièrement du ressort des cantons mais, dans les années 1950, il apparut que la Confédération devait jouer un rôle plus actif dans ce domaine. La Constitution fut donc amendée en ce sens en 1958: l'art. 36bis aCst.6 régissait la réalisation des routes nationales et l'art. 36ter aCst., son financement. Cette disposition prévoyait explicitement qu'une partie des droits d'entrée sur les carburants devait être affectée aux tâches suivantes: participation de la Confédération aux frais des routes nationales, contributions aux frais des cantons au titre de la construction des routes principales, participation générale aux frais des cantons au titre des routes ouvertes aux véhicules à moteur, contributions supplémentaires aux charges routières des cantons nécessitant une péréquation financière, ainsi que subventions à certains cantons à raison de leurs routes alpestres qui servent au trafic international.

Pour pouvoir réaliser rapidement le réseau de routes nationales, la Constitution fixa d'emblée à 60 % la part des droits d'entrée sur les carburants affectée aux tâches liées au trafic routier.

Au cas où la part disponible de ces droits se révélerait insuffisante pour financer les routes nationales, l'art. 36ter, al. 2, aCst. prévoyait aussi la possibilité de prélever une taxe supplémentaire sur les carburants. Cette possibilité fut utilisée pour la première fois au début des années 60. Ce supplément, qui s'élève aujourd'hui à 30 centimes par litre (surtaxe sur les huiles minérales), n'a plus varié depuis 1974.

L'arrêté fédéral du 8 octobre 1982 concernant une nouvelle réglementation des droits de douane sur les carburants7, accepté en
votation populaire en 1983, prolongea la taxe supplémentaire sur les carburants en élargissant son affectation à toutes les tâches en rapport avec le trafic routier. Comme les recettes disponibles étaient suffisantes, la part affectée des droits de douane sur les carburants put être ramenée de 60 à 50 %, et ce en dépit de la multiplication des tâches financées par l'intermédiaire de cette taxe (notamment des contributions à la promotion du trafic combiné, à la construction de parkings dans les gares et aux mesures de protection de l'environnement).

Une norme constitutionnelle prévoit enfin, depuis 1995, que le produit de la redevance pour l'utilisation des routes nationales créée en 1985 doit aussi être affecté à l'ensemble des tâches en rapport avec le trafic routier (arrêté fédéral du 18 juin 1993 concernant la prorogation de la redevance pour l'utilisation des routes nationales8).

6 7 8

Les dispositions de la Constitution fédérale de 1874 peuvent être consultées sur le site Internet de l'Office fédéral de la justice (cf. note de bas de page précédente).

FF 1982 III 109 FF 1993 II 865

9403

Par la suite, le peuple et les cantons ont encore accepté deux objets qui ont allongé la liste des tâches prévues dans une norme constitutionnelle, qui doivent être financées par le produit de l'impôt sur les huiles minérales: ­

l'arrêté fédéral du 20 mars 1998 relatif à la réalisation et au financement des projets d'infrastructure des transports publics9, qui prévoit que 25 % des coûts occasionnés par la construction de la nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes (NLFA) doivent être couverts par le produit de l'impôt sur les huiles minérales;

­

l'arrêté fédéral du 3 octobre 2003 concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT)10, en vertu duquel la Confédération participe, depuis 2008, au financement de mesures destinées à améliorer les infrastructures de transport dans les villes et les agglomérations.

Par ailleurs, conformément à l'arrêté fédéral du 3 octobre 2008 sur la création d'un financement spécial en faveur de tâches dans le domaine du trafic aérien11, depuis 2011 la part des impôts sur les huiles minérales de l'aviation (50 % de l'impôt et 100 % de la surtaxe) est affectée à des tâches qui sont liées au trafic aérien.

Le principe de la transformation des droits de douane sur les carburants en impôts de consommation spéciaux, autrement dit en l'actuel impôt sur les huiles minérales, fut adopté avec l'arrêté fédéral du 18 juin 1993 sur les impôts de consommation spéciaux12, puis mis en oeuvre avec effet au 1er janvier 1997. Cette modification était nécessaire aux termes de traités internationaux (GATT/OMC, accords de libreéchange) par lesquels la Suisse s'était engagée à supprimer les droits de douane protecteurs ou fiscaux. L'affectation d'une partie des anciens droits de douane sur les carburants à des tâches liées au trafic routier fut conservée telle quelle pour les nouveaux impôts sur les huiles minérales.

L'actuelle Constitution comporte diverses dispositions régissant la perception et l'utilisation des ressources affectées: ­

l'art. 131, qui règle la compétence générale de la Confédération de percevoir des impôts à la consommation (notamment sur les carburants);

­

l'art. 86 (impôt à la consommation sur les carburants et autres redevances sur la circulation), qui règle la perception et l'utilisation, par la Confédération, de taxes sur le trafic routier motorisé et sur le trafic aérien;

­

la disposition transitoire énoncée à l'art. 196, ch. 3, al. 2 et 3, qui permet à la Confédération d'affecter une partie du produit de l'impôt sur les huiles minérales à la réalisation de la NLFA.

Il apparaît ainsi que les droits sur la benzine, puis les droits de douane sur les carburants et, enfin, l'actuel impôt sur les huiles minérales ont été conçus de tout temps comme une recette affectée à la caisse générale de la Confédération. L'affectation de leur produit s'est toutefois progressivement précisée à partir de la fin des années 20 ­ en veillant à ce que les moyens disponibles soient suffisants. Les diverses modifications constitutionnelles ont toutes été acceptées par le peuple et les cantons.

9 10 11 12

FF 1998 II 1155 FF 2003 6035 FF 2008 7471 FF 1993 II 857

9404

2.2

Le financement des routes aujourd'hui et les besoins dans les années à venir

2.2.1

Financement spécial pour la circulation routière

Le financement spécial pour la circulation routière (FSCR) met en parallèle les recettes affectées, les tâches et les dépenses liées à la circulation routière au niveau fédéral (art. 86 Cst.). Les recettes et les dépenses du FSCR transitent par les comptes de la Confédération et sont donc soumises au frein à l'endettement. Le FSCR est un «compte témoin». Les écarts annuels entre les recettes et les dépenses augmentent ou réduisent les provisions du FSCR (réserves inscrites au bilan). Les recettes affectées en vertu de l'art. 86 Cst. sont: ­

la moitié du produit de l'impôt sur les huiles minérales prélevé sur les carburants (à l'exception des carburants d'aviation), soit environ 1,47 milliard de francs en 2013;

­

la totalité du supplément de l'impôt sur les huiles minérales prélevé sur les carburants (à l'exception du supplément prélevé sur les carburants d'aviation), soit environ 1,97 milliard de francs en 2013;

­

la totalité du produit de la redevance pour l'utilisation des routes nationales, soit environ 0,33 milliard de francs en 2013.

L'autre moitié du produit de l'impôt sur les huiles minérales (environ 1,47 milliard de francs en 2013) est affectée, en tant que taxe due sans condition, à la caisse générale de la Confédération.

Selon l'art. 86, al. 3, Cst., les tâches et les dépenses liées à la circulation routière qui doivent être financées par ce biais sont: a.

la construction, l'entretien et l'exploitation des routes nationales;

b.

les mesures destinées à promouvoir le trafic combiné et le transport de véhicules routiers accompagnés;

bbis. les mesures destinées à améliorer les infrastructures de transport dans les villes et les agglomérations; c.

les contributions destinées aux routes principales;

d.

les contributions pour la construction d'ouvrages de protection contre les sinistres dus aux éléments naturels et pour les mesures de protection de l'environnement et du paysage que la circulation routière rend nécessaires;

e

une participation générale au financement, par les cantons, des routes ouvertes à la circulation des véhicules à moteur;

f.

des contributions aux cantons dépourvus de routes nationales.

De plus, en vertu de l'art. 86, al. 3, let. b, Cst. ainsi que de la disposition transitoire de l'art. 196, ch. 3, al. 2, let. c, Cst., une partie des recettes affectées de l'impôt sur les huiles minérales est utilisée pour couvrir 25 % des coûts occasionnés par les lignes de base de la NLFA («quart NLFA»). Le fonds d'infrastructure ferroviaire (FIF) accepté en votation populaire le 9 février 2014, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2016, sera également alimenté par des fonds provenant des impôts sur les huiles minérales, à titre temporaire, c'est-à-dire jusqu'au remboursement complet des avances faites au fonds pour les grands projets ferroviaires (fonds FTP).

9405

Figure 1 Produits et charges comptabilisés dans le FSCR 2013 (en millions de francs)

Jusqu'à ces dernières années, les recettes affectées du FSCR dépassaient régulièrement les dépenses. Grâce au cumul des soldes positifs, les provisions s'élevaient à environ 2 milliards de francs à fin 2013. Dans les années à venir, les dépenses à charge du FSCR dépasseront de plus en plus les recettes affectées, de sorte que ces provisions seront pratiquement épuisées d'ici fin 2018 environ.

Cette évolution s'explique, d'une part, par la consommation réduite des nouveaux véhicules mis en circulation: les ventes de carburant stagnent de ce fait depuis assez longtemps et les recettes de l'impôt ainsi que de la surtaxe sur les huiles minérales avec elles. Cette tendance va se poursuivre avec la mise en oeuvre de la Stratégie énergétique 205013. D'autre part, les dépenses à charge du FSCR augmentent déjà du seul fait du renchérissement. A cela s'ajoutent l'augmentation des dépenses au titre de la construction et de l'entretien des routes nationales due à la croissance du trafic, l'élévation des exigences en matière de sécurité et de protection de l'environnement et, enfin, le fait que sur certains tronçons des ouvrages d'art (ponts, tunnels) doivent pour la première fois faire l'objet d'un assainissement général. En 2018, les dépenses devraient ainsi dépasser les recettes affectées de quelque 500 millions de francs. Tant que les réserves du FSCR inscrites au bilan (provisions) ne sont pas épuisées, un excédent de dépenses peut être financé. Les provisions ne doivent cependant pas devenir négatives, car cela correspondrait à une «dette» du FSCR à l'égard des comptes de la Confédération, ce que la Constitution ne permet pas. Dans ces conditions, à partir de 2019 il faudra soit porter les recettes au niveau des dépenses, soit ramener les dépenses au niveau des recettes.

13

www.ofen.admin.ch > Thèmes > Politique énergétique > Stratégie énergétique 2050

9406

Figure 2 Evolution probable du FSCR jusqu'en 2018

2.2.2

Taux de couverture des coûts du trafic routier

Le compte routier publié par l'Office fédéral de la statistique (OFS) confronte les recettes et les dépenses imputables au trafic routier en Suisse et permet ainsi d'en déterminer le taux de couverture des coûts. Il est conçu comme un compte d'infrastructure et inclut les recettes et les dépenses des trois échelons de l'Etat.

Les recettes prises en considération dans cette statistique sont notamment le produit total des impôts sur les huiles minérales (surtaxe comprise), le produit des impôts cantonaux sur les véhicules à moteur, la part de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) attribuée aux cantons pour des tâches dans le domaine du trafic routier, le produit de la redevance pour l'utilisation des routes nationales et l'impôt sur les véhicules automobiles. Les dépenses prises en compte sont celles imputables aux routes nationales (1800 km) ainsi qu'aux routes cantonales et communales (18 000 km et 51 000 km, respectivement). Le compte routier 2011 présente des recettes imputables de 8,4 milliards de francs et des dépenses imputables de 7,2 milliards de francs, soit un taux de couverture des coûts de 118 %14.

Le compte routier n'offre toutefois qu'une image incomplète, car il exclut les coûts externes du trafic routier ainsi que les coûts des moyens de transport (achat et entretien). Pour pallier ce défaut, l'OFS a choisi une approche plus globale pour le compte des transports, qui inclut aussi le trafic ferroviaire, en plus du trafic routier.

Le compte des transports, actualisé la dernière fois en 2009, présente pour l'année 2005 un taux de couverture des coûts de 92 %, compte tenu des coûts des moyens de 14

Compte routier suisse 2011, OFS, Neuchâtel, décembre 2013.

9407

transport et des coûts non couverts du trafic routier dus aux accidents et aux dommages à l'environnement. La détérioration du taux de couverture des coûts par rapport au compte routier est précisément due aux coûts non couverts dus aux accidents et aux dommages à l'environnement. L'OFS publiera probablement une mise à jour du compte des transports basée sur les données de 2010 au début de l'année 2015.

2.2.3

Financement spécial du trafic aérien

Comme dans le domaine routier, les tâches liées au trafic aérien sont financées par des recettes affectées qui proviennent de l'impôt (50 %) et de la surtaxe (100 %) sur les huiles minérales perçus sur les carburants dans le trafic aérien national. Les recettes et les dépenses imputables au trafic aérien sont mises en regard dans le financement spécial du trafic aérien (FSTA), qui est conçu et fonctionne selon les mêmes principes que le FSCR.

Les recettes affectées du FSTA s'élèvent actuellement à environ 45 millions de francs par an. Depuis l'entrée en vigueur de cet instrument, en août 2011, les dépenses du FSTA ont toujours été sensiblement inférieures aux recettes, s'inscrivant à environ 27 millions de francs pour chacun des deux derniers exercices. Les réserves du FSTA inscrites au bilan (provisions) ont ainsi été portées à 48 millions de francs environ. Aucune augmentation notable des dépenses n'est attendue dans les années à venir.

Contrairement au FSCR, le FSTA ne devrait donc connaître aucune difficulté de financement.

3

Buts et contenu de l'initiative

3.1

Buts visés

Le but visé par l'initiative est de garantir les ressources financières supplémentaires qui seront nécessaires à moyen terme pour les tâches relevant du domaine routier, en y affectant intégralement le produit de l'impôt sur les huiles minérales grevant les carburants. Il s'agit non seulement d'assurer financièrement le développement de l'infrastructure routière, mais aussi d'en accélérer la réalisation, dans la mesure du possible. L'affectation intégrale du produit de l'impôt doit être réglée de la même manière pour les taxes perçues dans le domaine aérien.

Selon les auteurs de l'initiative, cette mesure doit aussi empêcher à l'avenir l'affectation «non conforme aux utilisations prévues», possible dans le système actuel, des taxes payées par les usagers de la route: ­

ils estiment que la libre utilisation de la moitié du produit de l'impôt sur les huiles minérales par la Confédération n'est pas justifiée et que ces fonds devraient aussi être affectés à des tâches liées au trafic routier;

­

ils considèrent également qu'une trop grande part des taxes payées par les usagers de la route est affectée au trafic ferroviaire au lieu d'être mise à la disposition du trafic routier; ils se réfèrent en cela à la part du produit de l'impôt sur les huiles minérales qui est versée à l'actuel fonds pour

9408

les grands projets ferroviaires et qui sera affectée ultérieurement au FIF, conformément au projet relatif au financement et à l'aménagement de l'infrastructure ferroviaire (FAIF)15 accepté lors de la votation populaire du 9 février 2014.

Les modifications de la Constitution proposées par les auteurs de l'initiative sont censées empêcher de tels emplois injustifiés de fonds. En interdisant pratiquement le financement transversal du rail par la route, ils veulent faire appliquer le principe de causalité aussi bien dans le financement du trafic routier que dans celui du trafic ferroviaire. Dans leur optique, cela signifie que chaque mode de transport doit assumer ses propres coûts.

Pour limiter l'augmentation constante des taxes grevant le trafic routier, les auteurs de l'initiative proposent en outre que l'introduction ou l'augmentation de tout impôt, redevance ou émolument dans le domaine de la circulation routière soit obligatoirement sujette au référendum.

3.2

Dispositif proposé

L'initiative prévoit diverses modifications de l'art. 86 Cst.: ­

contrairement à la version actuelle, selon laquelle seule la moitié du produit de l'impôt sur les huiles minérales provenant du trafic automobile est affectée à des tâches qui sont liées à la circulation routière, l'initiative demande que la totalité du produit de l'impôt sur les huiles minérales provenant du trafic automobile soit affectée à ce mode transport (art. 86, al. 2bis);

­

elle précise que les fonds doivent être affectés aux «seuls» buts prévus (al. 2bis);

­

par analogie à la réglementation prévue dans le domaine routier, elle veut que la totalité du produit net de l'impôt sur les huiles minérales prélevée sur les carburants d'aviation soit affectée au trafic aérien (al. 3bis);

­

elle exige que l'introduction et l'augmentation d'impôts, de redevances ou d'émoluments dans le domaine de la circulation routière soient sujettes au référendum (al. 4);

­

elle proscrit l'affectation «non conforme aux utilisation prévues» des fonds (al. 6).

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

Art. 86, al. 2bis L'al. 2bis remplace l'al. 3 existant.

Outre la nouvelle logique dans la suite de lettres utilisées (a, b, c, d, e, f et g au lieu de a, b, bbis, c, d, e et f), qui est sans effet sur le contenu, la teneur de la disposition actuelle est modifiée comme suit: 15

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9409

Affectation de la totalité de l'impôt sur les huiles minérales L'affectation de la totalité de l'impôt sur les huiles minérales grevant les carburants est concrétisée par la modification de l'entrée en matière de la disposition: «... affecte la moitié du produit net de l'impôt à la consommation ...» est remplacé par «... affecte le produit net de l'impôt à la consommation ...». Cette modification supprime la part de 50 % de l'impôt à la consommation sur les carburants mise à disposition du budget général de la Confédération.

Comme il convient, même selon les conditions prévues par l'initiative, de définir l'utilisation des recettes affectées, l'actuel FSCR est conservé à titre de compte témoin. La seule différence réside dans le fait que l'affectation de la totalité du produit de l'impôt sur les huiles minérales augmente les montants versés au FSCR (+ 1,5 milliard par an). Outre cette différence, les recettes et les dépenses figurant au FSCR continuent de faire partie des comptes de la Confédération et restent donc soumises aux grandes décisions financières du Parlement et aux exigences du frein à l'endettement.

Exclusivité Le texte qui précède l'énumération des tâches auxquelles le produit de l'impôt est affecté contient désormais l'adjectif «seules». Celui-ci souligne que la liste des tâches décrites de la let. a à g est exhaustive. Cet ajout ne modifie en rien la signification matérielle de la réglementation en vigueur décrite dans l'art. 86, al. 3, Cst16.

Ce complément, qui spécifie que «seules» les tâches et dépenses énumérées sont financées par les recettes considérées, a toutefois des conséquences sur la mise en oeuvre du projet FAIF17, adopté par le peuple et les cantons lors de la votation du 9 février 2014. Selon ce projet, une partie du produit de l'impôt sur les huiles minérales doit être versée dans le futur FIF. Les dépenses du fonds FTP, créé en 1998 afin de financer l'extension du réseau ferroviaire, sont cofinancées par les recettes de l'impôt sur les huiles minérales à concurrence d'un montant qui correspond au développement de la NLFA («quart NLFA»), exigé par le transfert du trafic de la route au rail. La réglementation correspondante figure dans la disposition transitoire de la Constitution: art. 196, ch. 3, al. 2 et 3, Cst. Cette disposition se réfère expressément à l'art. 86,
al. 3, let. b, Cst.

A partir de 2016, les tâches du fonds FTP seront reprises par le FIF, celui-ci devant également être alimenté par une partie du produit de l'impôt sur les huiles minérales.

Les versements prévus devront être maintenus jusqu'à ce que toutes les avances accumulées dans le fonds FTP aient été remboursées. Selon les prévisions à long terme, cet objectif devrait être atteint en 2030 environ. La partie de l'impôt sur les huiles minérales qui alimente le FIF est fixée selon une clé de répartition prédéfinie (9 % des recettes affectées, mais au maximum 310 millions de francs par an, ce dernier montant étant de plus indexé sur la base du renchérissement).

Selon le projet FAIF, cette réglementation figure dans les dispositions transitoires révisées de la Constitution: art. 196, ch. 3, al. 2, let. c, et 3, Cst. Contrairement à la disposition transitoire en vigueur, le texte ne se réfère plus à l'al. 3 de l'art. 86, qui régit les mesures destinées à promouvoir le trafic combiné (soit l'al. 3 actuellement ou l'al. 2bis selon l'initiative), mais aux alinéas qui concernent le prélèvement lui16 17

Cf. Biaggini, BV Kommentar, Zurich, 2007, n. 10 ad art. 86.

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9410

même de l'impôt à la consommation (al. 1 et 4 actuellement; selon l'initiative, l'al. 4 devient l'al. 5). Il tient ainsi compte du fait que les tâches du FIF dépassent largement la construction et l'entretien courant des installations destinées au trafic combiné.

En cas d'acceptation de l'initiative, la Constitution contiendrait aussi bien la version révisée de l'art. 86 que l'art. 196, ch. 3, al. 2 et 3, tel qu'il a été modifié par le projet FAIF. Or ces deux articles sont contradictoires: la disposition la plus ancienne, soit celle qui figure dans l'art. 196, prévoit l'utilisation de ressources provenant de l'impôt sur les huiles minérales pour l'infrastructure ferroviaire, notamment pour le financement des intérêts et du remboursement des avances du fonds FTP. La disposition la plus récente, soit l'art. 86, al. 6, Cst. tel qu'il est prévu par l'initiative, proscrit toute affectation de ces ressources qui serait non conforme aux utilisations prévues à l'al. 2bis.

Cette situation exige une interprétation: ­

Variante 1: Si l'on applique le principe selon lequel les dispositions les plus récentes priment sur les plus anciennes, il ne serait plus possible de verser le montant prévu provenant de l'impôt sur les huiles minérales dans le FIF (lex posterior derogat legi priori). Seules seraient alors possibles des contributions correspondant à l'expression «mesures destinées à promouvoir le trafic combiné», qui seraient alors allouées sur la base de l'art. 86, al. 2bis, let. b, Cst. dans la version prévue par l'initiative.

­

Variante 2: A l'inverse, il est également possible d'arguer que la réglementation spéciale contenue à l'art. 196, ch. 3, al. 2, let. c, et 3, Cst. concernant le financement du FIF doit primer sur la réglementation générale de l'art. 86 Cst. (lex specialis derogat legi generali). Le versement dans le FIF de ressources provenant de l'impôt sur les huiles minérales resterait ainsi possible.

Cette interprétation tiendrait en particulier compte des origines de l'art. 196 Cst., qui a en fin de compte pour seul objectif de maintenir le système de cofinancement de l'extension du réseau ferroviaire mis en place en 1998 dans le cadre du fonds FTP jusqu'au remboursement complet des avances accordées.

Le Conseil fédéral est d'avis que l'initiative, si elle était adoptée, devrait être interprétée selon la variante 2. Faute de quoi, le projet FAIF adopté par le peuple et les cantons le 9 février 2014 serait vidé de son sens et le trafic ferroviaire serait privé de ressources d'un montant global d'environ 4 milliards de francs (cf. ch. 4.1.1). Le législateur pourrait toutefois s'appuyer sur de tout aussi bons motifs pour interpréter l'initiative selon la variante 1. Jusqu'à ce que le Parlement se prononce, les répercussions d'une adoption de l'initiative sur la construction, l'exploitation et l'entretien de l'infrastructure ferroviaire demeurent donc incertaines.

Routes cantonales A la let. g, l'initiative spécifie que les cantons dépourvus de routes nationales ­ soit actuellement les cantons d'Appenzell Rhodes-Extérieures et Appenzell RhodesIntérieures ­ pourront utiliser les contributions fédérales qui leur reviennent uniquement «pour la construction, l'entretien et l'exploitation des routes cantonales».

Cette restriction nécessite également une interprétation. La disposition actuellement en vigueur spécifie simplement «contributions aux cantons dépourvus de routes nationales». Cet élément de la disposition est concrétisé dans l'art. 35, al. 4, de la loi 9411

fédérale du 22 mars 1985 concernant l'utilisation de l'impôt sur les huiles minérales à affectation obligatoire et de la redevance routière (LUMin)18 par la notion de «tâches routières». Compte tenu de cette formulation, la législation autorise donc les cantons à puiser dans les ressources reçues de la Confédération afin de verser le cas échéant également des contributions aux routes communales. Deux interprétations sont possibles: ­

Une interprétation restrictive de l'initiative exclurait ce type d'utilisation des fonds. Les contributions de la Confédération ne pourraient financer que les travaux touchant spécifiquement le réseau de routes cantonales. Dans ce cas, il faudrait adapter la LUMin en conséquence.

­

En admettant une interprétation large de la notion de «routes cantonales», qui engloberait toutes les routes situées sur le territoire du canton, et en supposant que les auteurs de l'initiative tenaient surtout à spécifier clairement dans la disposition constitutionnelle elle-même que les ressources en question ne devraient servir à financier que des tâches routières, à l'exclusion de toute autre tâche, la pratique actuelle pourrait être maintenue.

Estimant que la restriction prévue par l'initiative ne s'oppose pas à la poursuite du fonctionnement actuel, le Conseil fédéral opte pour l'interprétation large du texte. Là encore, il appartient au législateur d'apporter les éclaircissements nécessaires.

Art. 86, al. 3bis En reprenant dans l'al. 3bis une formulation similaire à celle utilisée dans l'al. 2bis, l'initiative applique le même principe de l'affectation totale au produit de l'impôt à la consommation sur les carburants d'aviation. Le compte témoin correspondant dans le domaine du trafic aérien, c'est-à-dire le FSTA, conserverait sa fonction, seule sa dotation serait modifiée.

Art. 86, al. 4 La nouvelle disposition exige que l'introduction ou l'augmentation d'impôts, de redevances ou d'émoluments dans le domaine de la circulation routière soient à l'avenir sujettes au référendum. Les adaptations en question devraient dès lors toujours être soumises sous forme de loi au Parlement.

Les redevances fondées sur la Constitution ou sur des lois étant d'ores et déjà soumises ou sujettes au référendum, cette disposition ne peut viser que les adaptations de redevance qui relèvent de la compétence du Conseil fédéral.

En matière de législation et de mise en oeuvre, le Conseil fédéral a les compétences suivantes en vertu de l'art. 182 Cst.:

18

­

1

­

2

Le Conseil fédéral édicte des règles de droit sous la forme d'une ordonnance, dans la mesure où la Constitution ou la loi l'y autorisent.

Il veille à la mise en oeuvre de la législation, des arrêtés de l'Assemblée fédérale et des jugements rendus par les autorités judiciaires fédérales.

RS 725.116.2

9412

De plus, l'art. 46a de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)19 habilite le Conseil fédéral à édicter des règlements sur les émoluments perçus pour les prestations de l'administration. Le Conseil fédéral est également compétent pour adapter des redevances lorsque d'autres lois (comme la loi du 19 décembre 1997 relative à une redevance sur le trafic des poids lourds, LRPL20) lui confient cette tâche en lui ménageant la marge de manoeuvre requise.

Dans la version de l'initiative, l'al. 4 ne s'applique pas uniquement aux impôts à la consommation sur les carburants régis par l'art. 86 Cst., mais à tous les impôts, redevances et émoluments «dans le domaine de la circulation routière». Il vise donc notamment aussi la redevance sur la circulation des poids lourds régie par l'art. 85 Cst. Conformément aux art. 8 et 9 LRPL, il incombe au Conseil fédéral de fixer les tarifs de cette redevance, voire une taxation forfaitaire, en respectant certaines limites.

L'obligation de prévoir le référendum vaudrait également pour la majoration de compensation (appelée «centime climatique» avant d'être régie par la législation) sur les carburants, que la branche prélève directement sur la consommation de carburant, conformément à l'art. 26 de la loi du 23 décembre 2011 sur le CO221, et qui contribue à compenser les émissions de CO2. La loi prévoit une majoration de 5 centimes au plus. Après consultation de la branche et en fonction du degré de réalisation des objectifs définis en matière de réduction des émissions, le Conseil fédéral est compétent pour fixer le montant précis de cette majoration.

Le référendum vaudrait d'ailleurs aussi pour la contribution financière à la prévention des accidents de la route, que tout détenteur d'un véhicule verse en même temps que la prime de son assurance-responsabilité civile. Selon l'art. 1, al. 2, de la loi du 25 juin 1976 sur une contribution à la prévention des accidents22, le montant de cette contribution est fixé par le Conseil fédéral.

En ce qui concerne les émoluments relevant de la circulation routière, ils sont perçus par l'Office fédéral des routes (OFROU). A titre d'exemples, mentionnons les expertises de type de véhicules à moteur, les dérogations pour les transports, les cartes de conducteurs, etc. Selon l'art. 46a LOGA,
ces émoluments sont régis par les principes de l'équivalence et de la couverture des coûts et leur montant ne doit pas excéder les coûts engendrés. Ils sont actuellement réglés dans une ordonnance. Il incombe au législateur de déterminer si la teneur du nouvel al. 4 porte également sur ces émoluments.

Pour terminer, il importe de souligner que l'art. 86 Cst. se réfère uniquement à la perception et à l'utilisation de ressources ayant trait à la circulation routière au niveau fédéral. Cette disposition n'engendre aucun effet contraignant aux autres niveaux de l'Etat. Elle ne concerne donc pas les impôts, les redevances et les émoluments que les cantons prélèvent de leur propre chef dans le domaine de la circulation routière.

19 20 21 22

RS 172.010 RS 641.81 RS 641.71 RS 741.81

9413

Art. 86, al. 5 Le contenu de l'al. 5 correspond à l'actuel al. 4. Le système de financement fermé actuel est maintenu, c'est-à-dire que les recettes prévues pour le financement des tâches relevant du trafic routier sont énumérées de façon exhaustive. Compte tenu des conditions contenues dans l'initiative, le supplément (subsidiaire), qui s'ajoute à l'impôt à la consommation, devrait également être prélevé ou relevé si les ressources issues de l'impôt sur les huiles minérales ou de la vignette autoroutière ne suffisaient pas à financer ces tâches; il est en effet impossible de recourir à d'autres moyens provenant des finances générales de la Confédération. L'inverse s'applique également: dans la mesure où les recettes affectées dépassent nettement et durablement les ressources nécessaires pour exécuter les tâches relevant de la circulation routière, la surtaxe sur les huiles minérales devrait être réduite en conséquence.

Art. 86, al. 6 La nouvelle teneur de l'al. 6 interdit «toute affectation non conforme aux utilisations prévues» du produit net des impôts et redevances visés aux al. 2bis (circulation routière) et 3bis (trafic aérien). Selon cette disposition, les ressources affectées ne pourraient désormais financer que les tâches et dépenses énumérées à l'art. 86 Cst.

Cette exigence complète l'exclusivité voulue par l'al. 2bis et, en relation avec cette disposition, remet notamment en question les versements provenant de l'impôt sur les huiles minérales dans le futur FIF.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Conformité aux principes et valeurs de la Suisse

4.1.1

Affectation de la totalité de l'impôt sur les huiles minérales

Le degré d'affectation de l'impôt sur les huiles minérales relève d'une décision politique. Il n'existe aucune base constitutionnelle ni légale qui définirait un degré d'affectation juste ou faux. Par le passé, l'idée a prévalu ­ et elle fut confirmée par des décisions du Parlement et de la population ­ qu'une partie des redevances versées par les usagers de la route devaient alimenter le budget général de la Confédération. En principe, il est toutefois possible d'affecter la totalité de l'impôt sur les huiles minérales. Appliquer cette possibilité revient cependant à transférer sur d'autres domaines de tâches de la Confédération les problèmes de financement qui s'annoncent dans le domaine routier. Les finances fédérales seraient dès lors confrontées à un manque de ressources auquel il faudrait remédier par des économies ou par l'augmentation d'autres recettes (cf. ch. 4.2.1).

Si le législateur décide que l'initiative ne permet plus de prélever une partie de l'impôt sur les huiles minérales pour le verser dans le FIF, le financement de l'infrastructure ferroviaire serait également remis en cause. Si l'on cumule les montants considérés, le FIF serait privé de quelque 4 milliards de francs jusqu'en 2030.

L'achèvement des extensions prévues serait reporté à plus tard et le remboursement des avances versées par la Confédération aux grands projets ferroviaires (avances du fonds FTP reprises par le FIF) s'étendrait sur une période plus longue.

9414

Une comparaison23 à l'échelon européen révèle que notamment tous les Etats voisins, mais aussi la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l'Espagne n'affectent pas les redevances prélevées sur les carburants à l'extension des infrastructures. Seule la République tchèque possède un fonds de financement des infrastructures, qui est alimenté entre autres par les recettes affectées de l'impôt sur les carburants. Dans les autres pays mentionnés, le produit des impôts sur les carburants et l'énergie, ainsi que le produit de l'impôt annuel sur les véhicules à moteur, approvisionnent les finances publiques de l'Etat. Cette situation semble d'ailleurs se maintenir: l'Allemagne et l'Autriche ont supprimé des affectations qui prévalaient naguère.

Aucun des pays cités n'a renforcé l'affectation des ressources provenant des redevances sur les carburants. Ne sont en général affectées que des redevances spécifiques pour l'utilisation de certains tronçons (péages autoroutiers et de tunnel, par ex.). Le fort degré d'affectation de l'impôt sur les carburants prélevé en Suisse constitue dès lors une exception.

4.1.2

Référendum facultatif

Tout nouvel impôt ou redevance de la Confédération doit se fonder sur la Constitution (référendum obligatoire) ou sur la législation formelle (référendum facultatif).

L'obligation de prévoir le référendum, telle qu'elle est formulée à l'art. 86, al. 4, du texte par lequel l'initiative propose de remplacer la disposition constitutionnelle existante, ne modifie en rien le droit existant. Tous les impôts et redevances prélevés actuellement sur le trafic routier ­ qui comprennent notamment l'impôt sur les huiles minérales, la surtaxe sur les huiles minérales, la vignette autoroutière et la RPLP ­ ont été légitimés au terme de la procédure démocratique correspondante. Et il en irait de même des adaptations futures, même sans l'adoption du nouvel al. 4.

A l'avenir, même les hausses des taux de redevances, ou d'émoluments si le législateur le décide, seraient cependant sujettes au référendum. Ne seraient exclus que les émoluments ou les taux de redevances dont la loi prévoit une indexation fixe. Le Conseil fédéral conserverait alors la seule compétence de baisser des émoluments ou des taux de redevances.

La nouvelle réglementation augmenterait les charges administratives du Conseil fédéral et du Parlement. De l'avis du Conseil fédéral, il ne serait par ailleurs ni indiqué ni conforme à leur importance de soumettre la fixation des émoluments ­ auxquels s'appliquent le principe de l'équivalence et le principe de la couverture des coûts selon l'art. 46a LOGA et qui sont dès lors régis par des normes inférieures ­ au Parlement, voire au peuple, sous la forme d'un projet de loi.

23

ECOPLAN, Verkehrsabgaben und Einnahmenverwendung im europäischen Umfeld ­ Kurzexpertise, 2014 (cf. lien dans le communiqué du 19 novembre 2014 «Le Conseil fédéral adopte le message concernant l'initiative populaire », consultable sur www.dff.admin.ch > Documentation > Informations destinées aux médias).

9415

4.1.3

Interdiction d'affectation non conforme aux utilisations prévues

L'exigence des auteurs de l'initiative selon laquelle il convient d'éviter «toute affectation non conforme aux utilisations prévues» est une revendication plus politique que juridique. L'art. 86 Cst. en vigueur énumère de façon exhaustive les possibilités d'utilisation des fonds affectés à des fins déterminées. En d'autres termes, il n'existe pas aujourd'hui d'«affectations non conformes aux utilisations prévues» Il est permis de penser que le législateur s'en tiendra aux termes d'une disposition constitutionnelle modifiée dans le sens de l'initiative. Les «affections non conformes» n'existeront pas davantage à l'avenir.

Une libre utilisation de la moitié des recettes de l'impôt sur les huiles minérales, notamment, ne saurait être assimilée à une affectation non conforme ou à la dissimulation de la part non liée de cet impôt. Dans leur acception actuelle, soutenue par des initiatives populaires réitérées relatives aux dispositions de la Constitution, les produits des impôts sur les huiles minérales consistent en principe en des recettes fiscales générales alimentant le budget général de la Confédération. A titre de solution exceptionnelle («financement spécial»), la moitié en est affectée aux tâches définies à l'art. 86 Cst. et liées à la circulation routière.

Le «quart NLFA» ne constitue pas non plus une affectation non conforme: la disposition transitoire de l'art. 196, ch. 3, al. 2, let. c, Cst. fait explicitement référence à l'art. 86, al. 3, Cst. et procède elle aussi d'une décision du souverain. Cela vaut également pour l'affectation de recettes de l'impôt sur les huiles minérales au FIF, quoique cette affectation soit à présent remise en question par l'affectation à caractère exclusif requise à l'al. 2bis (cf. ch. 3.3 et 4.1.1).

L'al. 6 n'a pas d'incidences concrètes. Le financement spécial dont bénéficie la circulation routière pourra être poursuivi en l'état. Il sera donc aussi possible, en principe, d'utiliser temporairement (c.-à-d. lorsque les recettes excèdent les dépenses) des fonds liés dans le budget général de la Confédération. Il n'y a pas, en l'espèce, «utilisation non conforme» puisque ces fonds sont réservés, du fait qu'ils sont liés, à une affectation à des tâches en rapport avec la circulation routière et qu'ils reviendront à ces mêmes tâches lorsque les dépenses liées à
la circulation routière auront dépassé les recettes affectées à des fins déterminées.

Dans ce contexte, l'interdiction d'affectation non conforme aux utilisations prévues proposée par les auteurs de l'initiative au nouvel al. 6 est obsolète du point de vue juridique.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

4.2.1

Incidences sur le budget de la Confédération

Si l'initiative était acceptée, il faudrait immédiatement affecter, et donc créditer au FSCR, 1,5 milliard de francs provenant de l'impôt sur les huiles minérales, qui, à ce jour, servent à financer d'autres tâches. Ces fonds ne seraient plus disponibles, du moins à moyen terme, pour accomplir les autres tâches de la Confédération. La question se pose de savoir comment le budget pourrait supporter cette perte de recettes.

9416

Si le plan financier 2016­2018 du 20 août 201424 fait état d'un excédent structurel qui atteindra les 2,8 milliards de francs d'ici à la fin de cette période, cette perspective est pourtant trompeuse: dans le cadre de la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III25), il est prévu des mesures de compensation verticale en faveur des cantons, qui pèseront sur le budget de la Confédération jusqu'à concurrence d'un milliard de francs. D'autres surcroîts de dépenses d'un montant probable de 200 à 300 millions de francs sont attendus au titre du seul relèvement du plafond de dépenses de l'armée, lequel devrait passer à quelque 5 milliards de francs. Sans compter les dépenses supplémentaires massives à escompter dans divers groupes de tâches (la formation professionnelle supérieure, la Genève internationale, les investissements destinés à accélérer la procédure d'asile, l'encouragement de la culture, du sport, etc.). Ainsi, le budget se voit exposé, y compris sur le plan des recettes, à des risques considérables. D'une part, de nouvelles réformes sont à l'ordre du jour (au titre de l'imposition des couples et des familles, soit un manque à gagner pouvant atteindre 2,3 milliards de francs), d'autre part, la croissance des revenus provenant de l'impôt fédéral direct ralentit depuis quelque temps. Enfin, les risques économiques demeurent importants. La relance actuelle de la conjoncture paraît plutôt s'essouffler. Pour toutes ces raisons, il faut s'attendre à ce que le budget fédéral fasse naître un besoin de compensation pouvant atteindre 1,5 milliard de francs en cas d'acceptation de l'initiative.

Ces compensations pourraient en principe intervenir à la fois par le jeu des recettes et par celui des dépenses.

Compensation par le jeu des recettes La marge de manoeuvre permettant de générer des ressources supplémentaires du côté des recettes est extrêmement mince, comme le montrent les principales sources de revenus de la Confédération et les réformes à venir:

24 25

­

Impôt fédéral direct (IFD): la Constitution fixe des taux maximums d'imposition, étant précisé que le pouvoir de prélever l'IFD est limité à fin 2020.

Un relèvement des plafonds d'imposition destiné à compenser l'affectation totale et obligatoire de l'impôt sur les huiles minérales grevant les carburants nécessiterait donc un processus politique de longue haleine ainsi qu'une votation populaire. Or, le Conseil fédéral juge un tel relèvement inopportun.

Une augmentation de l'impôt sur le bénéfice, en particulier, serait préjudiciable à la compétitivité fiscale de la Suisse au plan international et contraire aux objectifs de la RIE III.

­

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA): les taux maximums d'imposition sont également fixés dans la Constitution. Le 1er janvier 2018, à l'expiration du relèvement temporaire en faveur de l'assurance-invalidité, le taux de TVA sera abaissé de 0,4 point (taux ordinaire). A cette même date, 0,1 point supplémentaire sera prélevé en faveur du financement de l'infrastructure ferroviaire (jusqu'en 2030). Le Conseil fédéral envisage en outre, dans le cadre

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9417

de la réforme de la prévoyance vieillesse («Prévoyance vieillesse 2020»26), de relever la TVA au profit de l'AVS. Aussi faut-il rejeter un relèvement supplémentaire du taux de TVA pour soulager le budget.

­

Impôt anticipé: le Conseil fédéral a récemment décidé d'examiner plusieurs variantes de réforme, et notamment le passage à ce qu'il est convenu d'appeler le principe de l'agent payeur, qui aurait tendance à générer des recettes supplémentaires, sachant toutefois qu'il est très difficile d'en quantifier les incidences financières. Cela étant, la révision de la loi sur l'impôt anticipé s'avère fort complexe et ne se prête pas à une compensation à court terme des pertes de recettes.

­

Droits de timbre: un relèvement des droits de timbre n'est pas une option de nature à ménager une marge de manoeuvre au niveau du budget de la Confédération. Le droit de timbre d'émission sur les fonds de tiers a déjà été supprimé et la suppression du droit de timbre d'émission sur le capital propre est en consultation au Parlement (projet A relatif à l'initiative parlementaire 09.503 «Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois»).

­

Impôt sur le tabac: le Conseil fédéral envisage de proposer au Parlement, moyennant une révision de la loi, un relèvement de sa compétence en matière d'impôt grevant les cigarettes et le tabac à coupe fine. Un message dans ce sens est en préparation. Une éventuelle hausse de l'impôt sur le tabac ne pourra cependant pas non plus contribuer de façon substantielle à la compensation du manque à gagner dans d'autres domaines. A noter aussi que cet impôt ne sert pas que des fins fiscales mais constitue un pilier de la politique de prévention de la Confédération; par conséquent, le changement de comportement des consommateurs que vise le relèvement de l'impôt réduira les recettes supplémentaires réalisables.

Quant aux recettes fiscales moins importantes en volume (notamment les impôts sur l'alcool, la bière et les automobiles), elles ne présentent aucun potentiel prêtant à des mesures substantielles en termes de recettes.

Ainsi, les mesures envisageables au regard des recettes ne constituent pas une option réaliste pour amortir les incidences qu'aurait l'acceptation de l'initiative sur la politique budgétaire.

Compensation par le jeu des dépenses Il s'ensuit que l'essentiel des mesures de compensation devrait peser sur les dépenses. Or, pour plus de la moitié des quelque 70 milliards de dépenses de la Confédération, il est quasiment hors de question de procéder à des coupes. Les contributions fédérales aux assurances sociales, les parts de tiers aux recettes, les paiements au titre de la péréquation financière, la redistribution de taxes d'incitation ou les dépenses d'intérêts n'offrent absolument aucune marge de manoeuvre à court terme.

Même à moyen et long termes, il ne sera pas possible d'obtenir des allégements substantiels dans ces domaines: dans celui des assurances sociales, il s'agit plutôt de freiner, par des réformes, la forte progression de dépenses induite notamment par l'évolution démographique. Des coupes dans les parts de tiers aux recettes ou au 26

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niveau de la péréquation financière se feraient au détriment d'autres budgets publics et privés (cantons, assurances sociales, économie, particuliers), sans compter qu'il s'avère extrêmement complexe et chronophage de procéder à des réformes du système dans ces domaines.

Les économies devraient donc peser surtout sur les dépenses influençables à court terme. Celles-ci se sont élevées en 2013 à environ 30 milliards de francs. Pour réaliser une mesure d'économie de 1,5 milliard de francs, il faudrait réduire ces dépenses faiblement liées de 5 % en moyenne.

Il est impossible aujourd'hui de dire comment seraient réparties ces coupes sur les divers groupes de tâches. Le Conseil fédéral et le Parlement ne prendraient ces décisions que le moment venu, en tenant compte de la situation financière et des priorités politiques.

A l'heure actuelle, l'hypothèse de travail consiste à partir d'une mise en oeuvre linéaire des économies requises. Mais comme l'enseigne l'expérience de programmes d'économies passés, des coupes linéaires sont sans doute assez réalistes, sachant que les majorités politiques ne se recueillent qu'en respectant un minimum de «symétrie des sacrifices».

Figure 3 Coupes linéaires dans le budget fédéral en millions (arrondis à 50 millions)

Réduction annuelle

Relations avec l'étranger

­150

Défense nationale

­250

Formation et recherche

­350

Sécurité sociale

­50

Transports*

­250

Agriculture et alimentation

­200

Autres domaines de dépenses*

­250

Total

­1500

* à l'exception des tâches financées par le FSCR ou le FSTA

La figure 3 montre quelles seraient les incidences d'une demande d'économies linéaires sur les divers domaines de dépenses: ­

Le domaine le plus concerné serait celui de la formation et de la recherche.

Les coupes toucheraient probablement, entre autres, les écoles polytechniques fédérales de Zurich et de Lausanne, les universités et hautes écoles cantonales, la formation professionnelle et les institutions chargées d'encourager la recherche (Fonds national suisse, Commission pour la technologie et l'innovation). Les économies réalisées dans ces domaines porteraient un préjudice à la compétitivité internationale de la Suisse en tant que site économique, de recherche et d'emploi.

9419

­

Le deuxième secteur fortement affecté serait celui des transports publics, à commencer par des coupes dans les subventions au FIF, qui se traduiraient par des retards d'aménagements ferroviaires déjà décidés et le report, à tout le moins, de futurs projets. Par ailleurs, les transports régionaux de personnes (rail, bus, funiculaires) auraient à escompter une baisse de ressources.

La réduction de l'offre risquerait de toucher en particulier les régions rurales.

­

La défense nationale se verrait très probablement confrontée à des coupes de plusieurs centaines de millions, ce qui remettrait en question le développement de l'armée. Il faudrait réduire sa disponibilité opérationnelle et retarder le comblement des lacunes dans les domaines de l'équipement.

­

Par ailleurs, l'agriculture aurait elle aussi quelque peine à échapper à une contribution insigne aux mesures d'économies. Les dépenses de la Confédération dans ce domaine ont pour la plupart une incidence directe sur les revenus. Les exploitations agricoles et les familles paysannes devraient donc s'attendre à des pertes de revenus.

­

Les autres domaines de dépenses regroupent notamment la politique régionale, la promotion de l'économie et du tourisme, la culture, les sports, la santé et la protection de l'environnement. Là encore, des coupes seraient inévitables.

Plus d'un sixième de ces dépenses profitent directement aux cantons ou à des institutions cantonales au titre des subventions. Bien que la Confédération ait toujours à coeur, dans le cadre de programmes d'économies, de renoncer à répercuter les charges sur les cantons, il ne serait guère possible d'épargner totalement les budgets cantonaux. En principe, les cantons peuvent amortir les coupes budgétaires de la Confédération en relevant leurs contributions. Comme l'initiative leur vaudrait en outre des subventions routières plus substantielles de la part de la Confédération, ils disposeraient d'un certain potentiel de remaniements budgétaires. Mais cela ne suffirait sans doute pas, et il leur faudrait augmenter les impôts. A titre de solution de rechange, les cantons pourraient réduire leurs contributions. L'un dans l'autre, l'acceptation de l'initiative aurait donc des conséquences tangibles pour les bénéficiaires des prestations de la Confédération, des cantons et des communes.

Mise en oeuvre rapide des mesures d'économies Alors que l'affectation au FSCR des recettes liées supplémentaires serait complètement effective dès la date de la votation populaire, il faudrait attendre un certain temps avant que les dépenses n'atteignent un niveau correspondant. N'entrent ici en ligne de compte que les dépenses de construction et d'entretien des routes nationales. Les autres dépenses à charge du FSCR ne sont pas influençables en volume, ou très peu, et la plupart augmentent par le jeu du renchérissement. Cette hausse retardée des dépenses permettrait théoriquement d'étaler les économies nécessaires dans le temps et d'utiliser temporairement dans le budget général de la Confédération les recettes non affectées provenant des taxes sur la circulation routière.

Ce faisant, toutefois, le budget «s'endetterait» auprès du FSCR. Il faut absolument l'éviter, ne serait-ce que parce qu'une telle démarche serait contraire à l'esprit du frein à l'endettement: sachant que la provision constituée au titre du financement spécial pour la circulation routière pourrait rapidement atteindre plusieurs milliards de francs, le fait de retarder trop longtemps la mise en oeuvre des mesures d'écono9420

mies rendrait d'autant plus difficile une réduction ultérieure de la provision à la charge du budget fédéral ordinaire. Les mesures d'économies nécessaires coûteraient alors, temporairement tout au moins, beaucoup plus de 1,5 milliard de francs par an.

En cas d'acceptation de l'initiative, il faudrait donc veiller à ce que les provisions constituées pour le FSCR, qui au regard du budget de la Confédération ne sont rien d'autre qu'une dette interne, ne croissent pas trop fortement. Cet objectif pourrait en principe être atteint de deux manières: ­

Relever immédiatement la dotation au fonds d'infrastructure (FI). Ce fonds sert à financer l'achèvement du réseau des routes nationales et l'élimination des goulets d'étranglement; il contribue aussi aux mesures prises pour le trafic d'agglomération ainsi que pour les routes principales dans les régions de montagne et périphériques. L'arrêté fédéral du 4 octobre 2006 concernant le crédit global pour le fonds d'infrastructure prévoit de consacrer 20,8 milliards de francs à ces dépenses (prix 2005 majoré du renchérissement et de la TVA). D'ici à une éventuelle votation, cette somme devrait être réunie à hauteur de la moitié par les dotations prévues au FI. Les dotations annuelles pourraient donc être nettement accrues à court terme puis, au terme de la durée du fonds, baisser de nouveau dans les mêmes proportions. Les ressources ainsi libérées seraient alors disponibles pour aménager, exploiter et entretenir les routes nationales. Le cas échéant, elles pourraient aussi alimenter un fonds routier. Celui-ci devrait être créé au niveau de la loi car, en cas d'acceptation de l'initiative, il serait inimaginable de refaire voter le peuple et les cantons à peine plus tard sur une modification de l'art. 86 Cst.

­

Planifier des excédents structurels dans le budget fédéral, qui, sous réserve d'être effectivement atteints, pourraient être crédités au compte d'amortissement visé à l'art. 17a de la loi du 7 octobre 2005 sur les finances de la Confédération27. Cette seconde voie devrait impérativement être combinée avec la création ultérieure d'un fonds routier alimenté à charge du compte d'amortissement.

Laissons ouverte pour le moment la question de savoir quelle voie de «prééconomies» serait proposée au Parlement en cas d'acceptation de l'initiative. Les deux variantes requièrent des mesures d'économies immédiates et efficaces dans les autres domaines de dépenses. Cela dit, elles présentent l'avantage que le FSCR n'aurait pas à faire état involontairement d'un solde de plusieurs milliards de francs dont la réduction exigerait plus tard des programmes d'économies nettement supérieurs à 1,5 milliard de francs.

4.2.2

Incidences sur le financement spécial pour la circulation routière (FSCR)

Voici deux figures illustrant comment évolueraient les recettes et les dépenses liées au FSCR en application des conditions de l'initiative, à supposer que celle-ci soit acceptée en juin 2016. Les dépenses correspondent aux hypothèses de modélisation

27

RS 611.0

9421

du scénario28 de l'OFROU dans le projet mis en consultation d'un fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération (FORTA). Il existe cependant des divergences par rapport au scénario FORTA, qui touchent aux contributions sans affectation obligatoire et à la dotation au FIF, dont le montant dépend des recettes.

Sachant qu'en cas d'acceptation de l'initiative la dotation serait un peu plus substantielle que selon le scénario FORTA, tant les dotations au FIF alimentées par les recettes de l'impôt sur les huiles minérales que les contributions sans affectation obligatoire accordées aux cantons sont plus importantes. Il convient en outre de distinguer les deux variantes visées au ch. 3.3: ­

variante 1: il n'est plus possible d'alimenter le FIF par les recettes de l'impôt sur les huiles minérales;

­

variante 2: il demeure possible d'alimenter le FIF par les recettes de l'impôt sur les huiles minérales.

Figure 4

Evolution du FSCR jusqu'en 2040; variante 1 (sans alimentation du FIF par les recettes de l'impôt sur les huiles minérales)

28

Ce scénario est en cours de révision à la date de rédaction du présent message.

9422

Figure 5 Evolution du FSCR jusqu'en 2040; variante 2 (alimentation du FIF par les recettes de l'impôt sur les huiles minérales)

Ces deux figures révèlent que les dépenses atteindront le montant des recettes à affectation obligatoire respectivement vers 2023 (variante 1) et 2021 (variante 2).

Les recettes étant nettement supérieures, avant ces dates, aux dépenses dans les deux cas, la provision au titre du FSCR croît dans de fortes proportions au début. Tandis que, dans la variante 1, le plafond n'est atteint que vers 2025, à plus de 6,5 milliards de francs, la provision passe jusqu'en 2020 à environ 4 milliards de francs dans la variante 2, pour diminuer lentement ensuite.

Selon le scénario établi par l'OFROU dans le projet mis en consultation, le financement des dépenses liées à la circulation routière serait garanti, sous réserve d'acceptation de l'initiative, sans autres mesures jusqu'en 2040 (variante 1) et jusqu'en 2031 (variante 2).

Problèmes inhérents à des provisions élevées Les deux variantes reviendraient, en cas d'acceptation de l'initiative, à constituer des provisions élevées au titre du FSCR, qui seraient conservées pendant longtemps surtout selon la variante 1.

Des provisions élevées posent problème, et ce pour plusieurs raisons: ­

un niveau nettement plus faible de la provision devrait suffire à titre de réserve de compensation pour amortir les fluctuations des recettes et des dépenses;

­

une provision excessive au titre du FSCR peut inciter à une utilisation prodigue des fonds;

9423

­

enfin, un niveau élevé de la provision au titre du FSCR appelle une appréciation critique au regard d'une répartition intergénérationnelle équitable des charges: cela revient à prélever en quelque sorte des impôts «à titre préventif», qui ne pourraient trouver une affectation que beaucoup plus tard.

D'une manière générale, les mêmes problèmes se poseraient si les provisions alimentaient en continu le fonds d'infrastructure ou un fonds routier à créer, sans qu'elles puissent être utilisées en temps opportun (cf. ch. 4.2.1).

4.2.3

Incidences sur l'environnement et la politique coordonnée des transports

La politique coordonnée des transports et de l'aménagement du territoire est un instrument essentiel pour atteindre les objectifs de politique environnementale et climatique à tous les échelons de l'Etat. La poursuite de la croissance qui se dessine pour les prestations de transport doit être maîtrisée par les différents modes de transport d'une façon aussi conforme que possible à leur nature. Dans les agglomérations et les villes, ce sont souvent les transports publics qui s'imposent. Les chances de succès d'une politique coordonnée dépendent d'une harmonisation plus intense des plans d'aménagement de la route et du rail, mais surtout de l'évolution des coûts à supporter par les usagers.

Evolution des frais de déplacement en trafic routier Les frais qui incombent aux automobilistes intègrent une multitude de composants.

La part la plus importante échoit aux frais fixes tels qu'amortissement du véhicule, impôts sur les véhicules automobiles, assurances, frais de révision et de réparation.

Les frais de carburant ne représentent que 15 % du coût global.

La charge effective que fait peser l'impôt sur les huiles minérales sur les usagers de la route dépend non seulement du montant de cet impôt et de la surtaxe, mais encore de la consommation de carburant des véhicules ainsi que du niveau de prix de l'économie nationale. De 1970 à 2010, la consommation moyenne de carburant des voitures de tourisme a baissé de plus d'un tiers, alors que la hausse du coût de la vie s'établissait à 200 % durant cette période. Les taux de l'impôt sur les huiles minérales, qui ont été relevés pour la dernière fois en 1993 (taxe de base) et en 1974 (surtaxe), ont augmenté dans des proportions nettement moindres depuis 1970.

Corrigée de l'inflation, la charge afférente à l'impôt sur les huiles minérale pour un trajet de 100 kilomètres entre 1970 et 2010 est passée effectivement de 14 à 5,8 francs (prix de 2010). La charge réelle qui pèse sur les automobilistes du fait de l'impôt sur les huiles minérales a ainsi diminué de plus de la moitié depuis 1970 grâce à des moteurs moins gourmands en carburant et au non-ajustement des taux d'imposition.

9424

Evolution des frais de déplacement en transports publics Dans une étude29 s'appuyant sur les données du Touring Club de Suisse (TCS), le Surveillant des prix a examiné l'évolution des frais de déplacement en trafic ferroviaire et routier durant la période de 1990 à 2013.

Figure 6 Evolution réelle des prix du rail et de la route depuis 1990

Selon cette étude, les frais de déplacement en trafic routier ont évolué ces 15 dernières années parallèlement, pour l'essentiel, au renchérissement général en Suisse.

C'est ainsi que depuis 1990 les coûts d'exploitation d'une voiture ont augmenté d'environ 30 %, tout comme le coût de la vie; autrement dit, les frais de déplacement en trafic routier sont restés constants en chiffres réels. Dans les transports publics, outre le renchérissement général, les frais de déplacement sont surtout influencés par des décisions politiques (par ex., augmentation des prix du sillon) ainsi que par l'évolution de la structure tarifaire (par ex., suppression du tarif aller retour, relèvement du kilomètre dit tarifaire). Ces paramètres ont entraîné une hausse marquée des prix de transport. Le cas du trajet Berne-Zurich illustre bien cette évolution: de 1990 à 2013, le prix du billet aller retour est passé de 50 à 98 francs, soit près du double.

Après déduction du renchérissement, le prix d'un aller retour entre Berne et Zurich a donc augmenté de 65 % en chiffres réels. On peut conclure de l'étude menée par le Surveillant des prix que, depuis 1990, les frais de déplacement en transports publics ont crû nettement plus fortement que ceux en trafic routier.

29

Entwicklung der Fahrkosten im Strassen- und Schienenverkehr (Evolution des frais de déplacement en trafic routier et ferroviaire), Surveillance des prix 2013, (document disponible en allemand seulement à l'adresse suivante: www.preisueberwacher.admin.ch > Documentation > Publications > Etudes et analyses > 2013)

9425

Incidences sur la répartition du volume de trafic entre route et rail En cas d'acceptation de l'initiative, le fossé entre la circulation routière et les transports publics en matière de dépenses et de tarifs se creuserait plus encore30. Les usagers du rail devraient partager les coûts de l'extension de l'offre sous forme de relèvement des prix des billets, tandis que les taxes à acquitter par les automobilistes stagneraient en valeur nominale et baisseraient en valeur réelle. Suivant l'interprétation de l'initiative, il serait même envisageable de réduire la surtaxe sur les huiles minérales.

Une telle ouverture de la fourchette est sujette à caution, tant pour des raisons de politique des transports qu'au regard de l'écologie: ­

Elle recèle le risque d'un retransfert modal du rail vers la route. En trafic d'agglomération notamment, la situation pourrait s'aggraver sur de nombreux tronçons routiers déjà surchargés, d'où des bouchons plus longs, plus de bruit et des émissions de polluants accrues.

­

Ce report des transports publics sur la route aurait aussi des incidences fâcheuses sur le taux de couverture des coûts du trafic régional de voyageurs, entraînant une augmentation des indemnisations versées par la Confédération et les cantons ou une restriction de l'offre de transports publics, d'où l'amorce d'une dynamique négative, contraire aux objectifs d'une politique coordonnée des transports.

­

Enfin, cela aurait des conséquences indésirables pour le parc automobile, en entravant les efforts visant à passer progressivement à des véhicules consommant moins de carburant et rejetant moins de CO2. Il serait ainsi plus difficile de réduire la consommation d'énergie du trafic, d'atteindre les objectifs climatiques et de diminuer l'importation de pétrole. Quant au «tourisme à la pompe», qui réagit déjà au moindre écart de prix, il serait d'autant plus stimulé. Certes, il en résulterait des recettes fiscales supplémentaires, mais cela aurait pour effet de relever le niveau d'émissions de CO2 pris en compte en Suisse au rythme des pleins de carburant profitant aux véhicules étrangers.

4.2.4

Incidences sur le financement spécial du transport aérien (FSTA)

L'initiative a trait non seulement à la circulation routière, mais encore au transport aérien. L'art. 86, al. 3bis, Cst., aux termes duquel la moitié du produit net de l'impôt à la consommation sur les carburants d'aviation doit être affectée au financement de tâches liées au trafic aérien, serait, comme la disposition relative à la circulation 30

Cette affirmation appelle une restriction du fait que le Conseil fédéral ouvrira au printemps 2015 une consultation sur un système d'incitation en matière énergétique.

S'appuyant sur une disposition constitutionnelle, la Confédération aura alors la compétence de prélever une taxe climatique sur les combustibles et les carburants ainsi qu'une taxe sur l'électricité. Il s'agit de taxes incitatives qui seront rétrocédées à la population.

La disposition constitutionnelle est formulée en termes généraux: elle ne précise pas quelle sera l'ampleur des prélèvements ni quelles sources d'énergie seront mises à contribution. A titre d'illustration, le projet qui sera mis en consultation présentera plusieurs combinaisons envisageables de taxes, dont une prévoyant une taxe sur les carburants. En tout état de cause, la mise en oeuvre de ces mesures n'interviendrait qu'après 2020.

9426

routière, modifié de telle sorte que la totalité de ce produit net serait affecté au financement des tâches et dépenses qui sont liées au trafic aérien.

Cette affectation obligatoire totale du produit net de l'impôt sur les carburants d'aviation se traduirait par un surcroît de recettes d'environ 20 millions de francs par an au titre du FSTA. Si l'initiative était acceptée, il serait donc possible en principe d'augmenter de 20 à 65 millions de francs les dépenses à charge du FSTA ou d'abaisser la surtaxe sur les carburants d'aviation prélevée à titre subsidiaire. Pour maintenir les recettes à un niveau constant, il faudrait réduire la surtaxe de 30 à environ 6 centimes par litre.

Les recettes affectées au FSTA s'élèvent, selon la disposition constitutionnelle actuelle, à quelque 45 millions de francs. Ainsi qu'il est précisé au ch. 2.2.3, le FSTA ne fait pas état de problèmes de financement pour le moment. Les recettes sont constamment supérieures aux dépenses. Si la surtaxe n'était pas abaissée après l'acceptation de l'initiative, le transport aérien disposerait tous les ans de fonds affectés pour un montant d'environ 65 millions de francs. Selon les dispositions en vigueur en matière de subventions (LUMin, ordonnance du 29 juin 2011 concernant l'utilisation de l'impôt sur les huiles minérales à affectation obligatoire en faveur de mesures dans le domaine du trafic aérien31), une utilisation économique et ciblée ne serait guère envisageable.

On peut dès lors supposer qu'il faudra, en cas d'acceptation de l'initiative, abaisser la surtaxe sur les carburants d'aviation pour empêcher d'alimenter davantage les provisions au titre du FSTA. A titre de solution de rechange, il conviendrait d'examiner l'éventualité d'élargir l'éventail des tâches à financer par le FSTA, ce qui nécessiterait toutefois une modification de la loi.

4.2.5

Conséquences pour les cantons

En cas d'acceptation de l'initiative, les contributions allouées aux cantons au titre du financement de mesures autres que techniques augmenteraient. Néanmoins, il serait difficile de faire en sorte que les cantons soient épargnés par les mesures d'économies à grande échelle de la Confédération.

Contributions au financement de mesures autres que techniques Il s'agit là des parts cantonales aux recettes affectées provenant de l'impôt sur les huiles minérales, de la surtaxe sur les huiles minérales et de la redevance autoroutière. La Constitution (art. 86, al. 3, let. e, Cst.) en établit le principe, tandis que la LUMin fixe le montant des contributions (art. 4, al. 5, LUMin): Art. 4

Répartition entre les différents secteurs d'activité

...

La part afférant aux contributions au financement de mesures autres que techniques est fixée pour quatre ans; elle s'élève à 10 % au moins du produit de l'impôt sur les huiles minérales affecté au trafic routier.

5

31

RS 725.116.22

9427

Selon l'art. 4, al. 5, LUMin, il faut inclure dans le calcul les produits respectifs de la surtaxe sur les huiles minérales et de la redevance autoroutière puisqu'il s'agit là de parties intégrantes du «produit de l'impôt sur les huiles minérales affecté au trafic routier». Les contributions au financement de mesures autres que techniques se subdivisent en contributions générales à tous les cantons (98 % des recettes affectées) ainsi qu'en contributions aux cantons dépourvus de routes nationales (2 % des recettes affectées; cela ne concerne plus aujourd'hui qu'Appenzell RhodesExtérieures et Appenzell Rhodes-Intérieures). La répartition s'effectue selon une clé fixe qui tient compte de la longueur des routes et des charges routières.

Aujourd'hui, les contributions de la Confédération correspondent au minimum légal de 10 % des recettes affectées. Du fait de l'affectation de la totalité des impôts sur les huiles minérales grevant les carburants qu'exige l'initiative, ce sont 10 % de 1,5 milliard de francs, soit 150 millions de francs, qui seraient débloqués automatiquement en faveur des cantons. Les contributions au financement des mesures autres que techniques augmenteraient ainsi de 40 %, passant de 380 à 530 millions de francs (selon le plan financier de 2016). Vu le caractère fixe de la clé de répartition, ce calcul s'applique également aux diverses parts cantonales.

Programme d'économies de la Confédération Par ailleurs, les cantons seraient sensiblement touchés par le programme d'économies de la Confédération requis au titre de la compensation financière. Vu la perte de recettes à combler, ce programme devrait s'appuyer sur une large assise. Il serait alors quasiment inévitable de remettre en question certaines des prestations fournies aux cantons. Avant l'aménagement concret d'un tel programme, il apparaît toutefois difficile de chiffrer les conséquences qui en découleraient pour chacun des cantons (cf. ch. 4.2.1).

Dans ce contexte, il n'est pas possible non plus de calculer pour tel ou tel canton le solde des recettes et des charges supplémentaires résultant d'un programme d'économies.

4.2.6

Modifications requises au niveau de la loi

Suivant les décisions du Parlement quant à l'interprétation de l'initiative s'agissant de la dotation du fonds d'infrastructure ferroviaire en recettes provenant de l'impôt sur les huiles minérales et des contributions allouées aux cantons dépourvus de routes nationales (cf. ch. 3.3, commentaire de l'art. 86, al. 2bis), l'initiative pourrait conduire à modifier les lois suivantes: ­

loi fédérale du 21 juin 2013 sur le fonds d'infrastructure ferroviaire32: art. 3, al. 2, et 11, al. 1;

­

LUMin: art. 35.

L'obligation de prévoir le référendum pour les augmentations de redevances qui relèvent de la compétence du Conseil fédéral (cf. ch. 3.3, commentaire de l'art. 86, al. 4) conduit en outre à modifier des lois suivantes:

32

Elle n'est pas encore entrée en vigueur; acte publié dans la FF 2014 3946.

9428

­

LRPL: art. 8;

­

loi du 23 décembre 2011 sur le CO2: art. 26;

­

loi du 25 juin 1976 sur une contribution à la prévention des accidents: art. 1, al. 2.

4.3

Avantages et inconvénients

L'initiative permettrait d'assurer le financement à long terme des tâches liées à la circulation routière. Toutefois, cela se ferait au détriment des autres groupes de tâches. Sachant qu'une augmentation des recettes n'est pas une option réaliste, du moins à court et moyen termes, il faudrait, en cas d'acceptation de l'initiative, élaborer un programme d'économies qui aurait des conséquences graves, notamment dans les secteurs de la formation et de la recherche, des transports publics, de la défense nationale et de l'agriculture. Le problème du financement de la route serait ainsi résolu au détriment d'autres domaines. Un autre inconvénient réside dans le fait que l'initiative serait préjudiciable à l'alimentation du FIF en produits de l'impôt sur les huiles minérales et, par là même, au remboursement des avances de fonds ainsi qu'à l'aménagement de l'infrastructure ferroviaire prévu dans le cadre du projet FAIF.

4.4

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

L'initiative ne contient aucune disposition incompatible avec les obligations internationales de la Suisse.

4.5

Examen d'un contre-projet direct ou indirect

La question se pose de savoir s'il est opportun d'opposer un contre-projet direct ou indirect à l'initiative. S'y prêterait, en principe, le projet de création d'un fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération (FORTA), de comblement du déficit prévisible et de mise en oeuvre du programme de développement stratégique des routes nationales (PRODES). Au coeur de ce projet figure la garantie des ressources financières requises pour l'exécution des tâches liées à la circulation routière. Lors de la consultation qui s'est ouverte au printemps 2014, le Conseil fédéral a proposé à cette fin les options suivantes: ­

option principale: relèvement de 15 centimes par litre de la surtaxe sur les huiles minérales et affectation obligatoire des deux tiers du produit de l'impôt sur les véhicules automobiles;

­

option secondaire: relèvement de 12 centimes par litre de la surtaxe sur les huiles minérales et affectation obligatoire de la totalité du produit de l'impôt sur les véhicules.

Durant la procédure de consultation, le relèvement jugé excessif de la surtaxe sur les huiles minérales a suscité des critiques. Le Conseil fédéral a tenu compte de ces réserves en adaptant le projet FORTA (cf. ch. 4.6).

9429

L'argument qui parle en faveur d'un lien entre FORTA et l'initiative est que les deux projets concernent l'art. 86 Cst. et s'excluent donc l'un l'autre. En cas d'acceptation de l'initiative, le projet FORTA deviendrait en grande partie superflu.

Parle en défaveur de ce lien le fait que, de l'avis du Conseil fédéral, il faut clarifier le plus vite possible la question de savoir si le financement des tâches liées à la circulation routière devra être garanti selon le plan de l'initiative, lequel est en contradiction formelle avec la politique financière et des transports du Conseil fédéral et du Parlement, sans compter qu'il aurait des incidences très sérieuses sur l'accomplissement des tâches concernant tous les autres groupes. En outre, l'initiative remet en cause le plan de financement de l'aménagement de l'infrastructure ferroviaire décidé par le peuple et les cantons. Sachant que la planification doit être assurée à moyen et long termes dans ces domaines, le Conseil fédéral juge donc opportun d'organiser rapidement la votation et de trancher en temps réel la question de principe de l'affectation de la totalité des produits de l'impôt sur les huiles minérales. C'est la raison pour laquelle il propose de ne pas lier le projet FORTA à l'initiative «Pour un financement équitable des transports», et ce ni en tant que contre-projet direct ni en tant que contre-projet indirect.

Cela étant, le Conseil fédéral n'en adoptera pas moins le message concernant le projet FORTA au premier trimestre 2015. Il créera ainsi les conditions nécessaires pour garantir en toute circonstance le financement de la construction, de l'exploitation et de l'entretien des routes nationales et faire en sorte que ce domaine dispose lui aussi de la sécurité de planification requise. Cette démarche présente au demeurant l'avantage que les citoyennes et les citoyens sauront, au moment de voter, comment le Conseil fédéral envisage de résoudre la question du financement des tâches liées à la circulation routière.

4.6

Projet du Conseil fédéral relatif à la création d'un fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération (FORTA)

Le Conseil fédéral a présenté au travers du projet FORTA un plan permettant d'assurer et de restructurer le financement des routes. La consultation a duré jusqu'au 20 juin 2014. Le 19 septembre 2014, le Conseil fédéral a décidé de faire reposer son message sur les paramètres essentiels que voici: ­

En reconnaissance du résultat de la consultation, l'impôt sur les véhicules automobiles sera en principe («en règle générale») ­ sous réserve d'éventuels programmes d'économies ­ affecté dans son entier. Contrairement aux propositions mises en consultation, la surtaxe sur les huiles minérales ne sera relevée dans un premier temps que de 5 à 7 centimes. De plus, cette augmentation n'aura pas lieu à titre préventif mais seulement lorsque les provisions constituées au titre du FORTA seront tombées en deçà d'un certain niveau.

Il est prévu par ailleurs, à partir de 2020, d'associer le nombre croissant de véhicules équipés de systèmes de propulsion alternatifs au financement de l'infrastructure routière sous la forme d'un forfait.

­

Un fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération d'une durée indéterminée sera créé au niveau constitutionnel pour financer les routes nationales et les contributions aux mesures destinées à améliorer l'infrastruc-

9430

ture de transports dans les villes et les agglomérations. Comme pour le fonds d'infrastructure ferroviaire qu'il est prévu d'instituer, les recettes actuelles et futures alimenteront directement le fonds, lequel a pour but d'accroître la sécurité à long terme de la planification et de la réalisation, mais aussi d'améliorer la transparence. Il s'agit aussi, par le biais du FORTA, d'inscrire les projets d'agglomération, instruments adéquats pour coordonner le développement de l'urbanisation et des transports mais aussi pour maintenir le bon fonctionnement du trafic d'agglomération, dans un cadre de financement pérenne.

­

5

En outre, le projet sera combiné avec l'instauration d'un programme de développement stratégique des routes nationales, dans le cadre duquel les Chambres fédérales auront la possibilité de statuer à intervalles réguliers sur des travaux d'extension et des accroissements de capacité des routes nationales.

Conclusions

Il est impératif d'assurer à long terme le financement des tâches liées à la circulation routière. Si le Conseil fédéral partage l'objectif de l'initiative «Pour un financement équitable des transports», il n'en tient pas moins pour erronée la voie qu'il propose.

L'affectation de la totalité des impôts sur les huiles minérales grevant les carburants reviendrait à ne plus disposer de quelque 1,5 milliard de francs pour accomplir des tâches dans d'autres domaines relevant de la compétence de la Confédération. Le Conseil fédéral considère qu'il est exclu de combler ce trou en augmentant les impôts existants ou en en créant de nouveaux. Des économies considérables s'imposeraient alors, qui porteraient sur toute l'étendue du budget: les contributions aux universités et aux hautes écoles spécialisées, aux institutions chargées d'encourager la recherche et à la formation professionnelle, de même que les dotations au fonds d'infrastructure ferroviaire ou les indemnisations en faveur du trafic régional de voyageurs. L'armée, elle aussi, devrait s'accommoder de ressources en baisse et les paysans seraient confrontés à des pertes de revenus substantielles. Les coupes budgétaires n'épargneraient pas non plus des domaines tels que la politique régionale, la promotion économique et touristique, la culture, le sport, la politique familiale, la santé et la protection de l'environnement. Toutes ces mesures toucheraient notamment aussi les cantons, qui accomplissent de nombreuses tâches dans les domaines de la formation, des transports, de la protection de l'environnement, de la politique sociale et familiale, de la politique régionale, etc., grâce à des subsides de la Confédération.

Serait compromis par ailleurs le plan de financement de l'infrastructure ferroviaire pourtant accepté à une large majorité par le peuple et les cantons le 9 février 2014.

Suivant l'interprétation de l'initiative, la dotation, limitée dans le temps et prévue conformément à la nouvelle disposition constitutionnelle, des produits de l'impôt sur les huiles minérales au fonds d'infrastructure ferroviaire ne serait plus possible.

Ainsi, le trafic ferroviaire se verrait privé de moyens totalisant environ 4 milliards de francs. Il faudrait reporter bon nombre de projets d'aménagement.

De par l'affectation de la totalité des impôts sur les huiles minérales grevant les carburants, la Suisse se retrouverait largement isolée. Dans tous ses pays limitrophes 9431

et la plupart des Etats membres de l'UE, les produits de ces impôts sont versés au budget général de l'Etat sans affectation particulière. L'Allemagne et l'Autriche ont même abrogé les affectations qu'elles avaient instituées autrefois.

Une autre raison de rejeter l'exception suisse d'une affectation totale est qu'elle creuserait plus encore le fossé entre la circulation routière et les transports publics en matière de dépenses et de tarifs. Alors que les usagers des transports publics cofinanceraient l'extension de l'offre en payant leurs billets plus cher, les automobilistes resteraient à l'abri d'une hausse des taxes dans les années à venir. L'aménagement des routes nationales serait en effet financé exclusivement par des économies dans d'autres domaines de tâches de la Confédération. Une telle inégalité de traitement minerait la politique coordonnée des transports et risquerait de surcroît de provoquer un transfert indésirable du trafic du rail vers la route.

Ainsi, l'initiative «Pour un financement équitable des transports» résout les problèmes de financement de la circulation routière au détriment d'autres tâches importantes pour la prospérité et l'égalité sociale. Elle réduit les investissements dans la formation et la recherche. Elle prive la Confédération de moyens pourtant nécessaires pour promouvoir le développement régional et l'agriculture. Elle menace le plan de financement de l'aménagement de l'infrastructure ferroviaire accepté par le peuple et les cantons. Elle réduit constamment le coût réel de la conduite automobile, tandis que le rail et les services de bus devront continuer de relever leurs tarifs.

Ce faisant, non seulement elle pèse sur l'environnement, mais elle crée aussi plus d'embouteillages, notamment dans les villes et les agglomérations. Enfin, elle contrecarre les efforts déployés pour réduire la consommation d'énergie et les émissions de CO2 dues aux transports. Pour toutes ces raisons, il ne saurait être question, selon le Conseil fédéral, d'un plan de financement équitable. Ce plan est au contraire unilatéral et déséquilibré.

Aussi le Conseil fédéral propose-t-il aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Pour un financement équitable des transports».

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