13.100 Message relatif à la modification du code des obligations (Droit de la prescription) du 29 novembre 2013

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de modification du code des obligations (droit de la prescription) en vous proposant de l'approuver.

Simultanément, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2008 M 07.3763

Délais de prescription en matière de responsabilité civile (N 12.3.08, Commission des affaires juridiques CN 06.404 et 06.473; E 2.6.08)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'expression de notre considération distinguée.

29 novembre 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-1556

221

Condensé Le projet ci-joint vise à améliorer et à simplifier, de manière ciblée, les règles du code des obligations et des lois spéciales en matière de prescription. Il s'agit avant tout de porter d'un à trois ans le délai relatif de prescription des prétentions découlant d'un acte illicite ou d'un enrichissement illégitime et d'instaurer un délai de prescription absolu de trente ans en cas de dommage corporel. Nous renonçons par contre à une uniformisation de grande ampleur des règles en matière de prescription.

Contexte Le droit actuel en matière de prescription se caractérise par sa complexité et son hétérogénéité, car il fait des distinctions selon la cause de la créance et connaît une multiplicité de règles spéciales. Cette diversité contrevient aux buts de clarté et de sécurité du droit qu'est censée servir l'institution de la prescription. Par ailleurs, les délais de prescription eux-mêmes sont jugés trop courts par le plus grand nombre, notamment par rapport aux législations étrangères. Cette critique vise surtout le délai relatif d'un an applicable aux prétentions nées d'un acte illicite et le délai de prescription des actions en réparation des «dommages différés», c'est-à-dire des dommages qui n'apparaissent que de nombreuses années après le fait qui les a causés, comme c'est le cas pour les atteintes à la santé dues à l'amiante. Le Parlement a adopté la motion 07.3763 «Délais de prescription en matière de responsabilité civile», qui charge le Conseil fédéral d'allonger les délais de prescription des créances découlant d'un acte illicite de telle sorte qu'une action en dommagesintérêts puisse être introduite même si un dommage se produit à long terme.

Contenu du projet Sur la base des résultats de la consultation, nous avons renoncé à une uniformisation générale des dispositions de droit privé régissant la prescription, pour concentrer la révision sur l'élimination des défauts et des points incertains du droit actuel.

Un élément central du projet est l'allongement des délais de prescription. Le délai de prescription relatif passera d'un à trois ans pour les prétentions fondées sur un acte illicite ou sur un enrichissement illégitime. Quant au délai de prescription absolu, il sera porté de dix à trente ans en cas de dommage corporel, afin d'accroître les chances de succès des actions
en réparation d'un dommage différé.

Si la personne tenue à réparation a causé le dommage en commettant un acte punissable, c'est, comme aujourd'hui, le délai de la prescription de l'action pénale, qui peut être plus long, qui régira la prescription de l'action en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral. Toujours dans le même sens, on supprimera l'art. 128 du code des obligations, qui fixe un délai de prescription plus court (cinq ans) pour certaines créances du domaine contractuel telles que les loyers ou les salaires; ces créances se prescriront par dix ans, selon le régime général.

Par ailleurs, le projet précise à quelles conditions le débiteur peut renoncer à invoquer la prescription pour s'opposer à l'exécution de son obligation (renonciation à

222

soulever l'exception de prescription). De plus, il comporte des adaptations et des compléments ponctuels de la liste des motifs d'empêchement et de suspension de la prescription. En particulier, les parties pourront convenir que la prescription ne commence pas à courir ou est suspendue pendant des discussions en vue d'une transaction. Enfin, les règles relatives à la solidarité passive seront clarifiées.

Comme les délais de prescription des créances sont réglés aussi dans de nombreuses lois spéciales, nous proposons d'adapter les dispositions en la matière de ces dernières dans la mesure où elles ont un rapport étroit avec la modification proposée du code des obligations, tout en tenant compte des particularités de chaque domaine.

Pour ce qui est du droit transitoire, les nouveaux délais de prescription seront applicables s'ils sont plus longs que ceux prévus par le droit actuel et si la créance n'est pas déjà prescrite.

223

Table des matières Condensé

222

1

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Droit actuel en matière de prescription 1.1.2 Insuffisances du droit actuel en matière de prescription 1.1.3 Travaux de révision antérieurs 1.1.4 Avant-projet de révision du droit de la prescription 1.2 Dispositif proposé 1.3 Motivation et appréciation de la solution retenue 1.3.1 Résultats de la procédure de consultation 1.3.2 Adaptation de l'avant-projet 1.4 Comparaison avec le droit étranger 1.4.1 Législations nationales étrangères 1.4.2 Tentatives d'harmonisation et droit international 1.5 Mise en oeuvre 1.6 Classement d'interventions parlementaires

225 225 225 226 228 228 230 231 231 231 232 232 234 236 236

2

Commentaire des dispositions 2.1 Code des obligations 2.2 Modifications d'autres actes

236 236 249

3

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons, les communes et les régions de montagne 3.3 Conséquences pour l'économie 3.3.1 Conséquences macroéconomiques de la prescription et de l'allongement des délais 3.3.2 Analyse économique du droit 3.3.3 Conséquences pour les entreprises et les ménages

261 261

4

5

262 262 262 264 265

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral 4.1 Relation avec le programme de la législature 4.2 Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

267 267 267

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et légalité 5.2 Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse 5.3 Forme de l'acte à adopter

267 267 268 268

Bibliographie

269

Code des obligations (Révision du droit de la prescription) (Projet)

273

224

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Droit actuel en matière de prescription

La prescription a pour effet d'invalider les créances par suite de l'écoulement du temps1. Dans le système suisse, elle est une institution de droit matériel2. L'acquisition de la prescription donne au débiteur un droit d'opposition qui lui permet de refuser l'exécution de son obligation à l'égard du créancier. Cependant, la créance ne s'éteint pas; elle est transformée en obligation naturelle dont l'exécution ne peut être imposée au débiteur par la voie judiciaire, mais qui peut encore être remplie valablement3. En ce sens, la prescription doit être distinguée de la péremption, qui a pour conséquence l'extinction de la créance4.

La prescription porte sur des créances, c'est-à-dire des droits relatifs concernant l'exécution d'une prestation. La prestation due peut consister en un acte, en un devoir de tolérance, ou encore en une abstention d'agir. A l'inverse, les droits absolus (droits réels, propriété intellectuelle et droits de la personnalité), les droits formateurs (c'est-à-dire le pouvoir de modeler la situation juridique d'autrui par une déclaration de volonté unilatérale5) ou encore les relations contractuelles prises dans leur ensemble ne sont pas concernés par la prescription.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la prescription sert des intérêts publics, soit la sécurité et la clarté du droit, ainsi que la paix juridique6. Par ailleurs, elle protège le débiteur de l'incertitude que ferait naître la crainte de se voir réclamer des créances anciennes et lui évite de devoir conserver indéfiniment des preuves de paiement. La prescription a un effet secondaire positif, propre à assainir les relations juridiques: elle incite le créancier à faire valoir ses droits dans un délai raisonnable et à ne pas faire traîner en longueur les litiges. S'il demeure longtemps inactif alors qu'il a connaissance de sa créance, cela peut inciter le débiteur à croire que ce droit est infondé ou éteint, voire que le créancier a renoncé à le faire valoir7.

Le droit privé actuel ne règle pas la question de la prescription de façon homogène.

Les dispositions générales sur la prescription des actions de droit privé se trouvent aux art. 127 à 142 du code des obligations (CO)8, dans le titre troisième consacré à l'extinction des obligations. Elles prévoient un délai de prescription général de dix ans qui
commence à courir dès l'exigibilité de la créance (art. 127 et 130 CO), et qui peut être empêché, suspendu ou interrompu (art. 134 ss CO). Elles s'appliquent en principe à toutes les créances de droit privé, y compris celles qui découlent du droit

1 2 3 4 5 6 7 8

Gauch/Schluep/Emmenegger 2008, n° 3269; Schwenzer 2012, n° 83.01.

ATF 118 II 447 consid. 1b/bb.

ATF 99 II 185 consid. 2b; 133 III 6 consid. 5.3.4.

Gauch/Schluep/Emmenegger 2008, no 3386.

Gauch/Schluep/Schmid 2008, no 65.

ATF 137 III 16 consid. 2.1.

ATF 137 III 16 consid. 2.1; sur les objectifs que remplit la prescription, voir Spiro 1975, p. 8 ss.

RS 220

225

des personnes ou de la famille, du droit des successions ou encore des droits réels et qui ne sont pas réglées par le CO.

A côté de ces dispositions, les art. 60 et 67 CO ont une importance particulière au sein du droit privé. L'art. 60, al. 1, s'applique en cas de dommage résultant d'un acte illicite (responsabilité délictuelle ou plus généralement responsabilité civile). Dans ce cadre, l'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l'auteur, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit. Toutefois, si les dommages-intérêts dérivent d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, cette prescription s'applique à l'action civile (art. 60, al. 2). Les dispositions spéciales réglant la responsabilité civile dans d'autres lois s'inspirent de l'art. 60 CO ou y renvoient. Quant à l'art. 67, al. 1, CO, il règle la prescription des créances pour cause d'enrichissement illégitime. Ces créances se prescrivent par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition, et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce droit.

De nombreuses dispositions spéciales qui se trouvent dans la partie générale ou dans la partie spéciale du CO, dans le code civil (CC)9 ou dans d'autres lois s'écartent des normes générales sur la prescription. Elles prévoient souvent des délais de prescription plus longs, mais aussi, exceptionnellement, plus courts: on trouve ainsi des délais relatifs de deux, trois ou cinq ans (art. 83, al. 1, de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière [LCR]10, art. 5, al. 1, de la loi fédérale du 13 juin 2008 sur la responsabilité civile en matière nucléaire [nLRCN]11, art. 32, al. 1, de la loi du 21 mars 2003 sur le génie génétique [LGG]12, art. 760, al. 1, CO) et des délais absolus de 30 ans (art. 32, al. 1, LGG). Le point de départ du délai de prescription fait aussi l'objet de règles spéciales (par ex. le jour de l'accident ou le jour du sinistre; art. 83, al. 1, LCR, art. 39, al. 1, de la loi du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites [LITC]13).

Les créances
de droit public sont en principe soumises au régime de droit public qui leur est applicable. Lorsque celui-ci ne contient aucune disposition légale sur la prescription, on a recours aux règles du droit public régissant des situations similaires. En l'absence de telles dispositions, le tribunal peut appliquer par analogie les règles du droit privé en matière de prescription ou définir lui-même le régime applicable14.

1.1.2

Insuffisances du droit actuel en matière de prescription

Le droit actuel en matière de prescription se caractérise par sa complexité et son hétérogénéité, car il fait des distinctions selon la cause de la créance et connaît une multiplicité de règles spéciales. Cette diversité contrevient aux buts de clarté et de 9 10 11 12 13 14

226

RS 210 RS 741.01 FF 2008 4843 4845; non encore entrée en vigueur.

RS 814.91 RS 746.1 Voir Meier 2013, passim.

sécurité du droit qu'est censée servir l'institution de la prescription. Lorsque les droits invoqués ne sont pas différents, elle ne se justifie pas et nuit même à la cohérence du droit. Ainsi, on ne voit pas pourquoi des prétentions contractuelles devraient être soumises à des délais de prescription différents selon leur objet, parfois même pour la même partie au contrat, du fait que l'art. 127 CO prévoit un délai général de dix ans tandis que l'art. 128 CO fixe le délai à cinq ans pour certaines créances. De plus, les dispositions actuelles sur les accords en matière de prescription et sur la renonciation à la prescription laissent certaines questions ouvertes, de même que la jurisprudence à leur sujet. Enfin, de nombreux points sont controversés en ce qui concerne l'application du délai de prescription plus long de l'action pénale en exécution de l'art. 60, al. 2, CO15.

Par ailleurs, les délais de prescription eux-mêmes sont critiqués, notamment les délais de prescription des actions découlant d'un acte illicite, qui sont relativement courts par rapport aux législations étrangères (voir ch. 1.4). Les critiques concernent d'une part le délai relatif d'un an (art. 60, al. 1, CO), d'autre part le délai absolu de dix ans (art. 60, al. 1, et 127 CO). Le point de départ du délai absolu ­ le moment où le dommage s'est produit ou a cessé ­ est fixé à l'art. 60, al. 1, CO, qui vise les actions en réparation du dommage causé par un acte illicite (responsabilité délictuelle). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette règle s'applique aussi aux actions en réparation du dommage ou du tort moral en cas de violation des obligations contractuelles, c'est-à-dire que le délai de prescription commence à courir le jour où la violation a lieu, et non le jour où ses conséquences sont manifestes16. Il peut donc arriver qu'une créance en dommages-intérêts soit prescrite avant même que la personne lésée ait pris conscience du dommage subi, voire avant que le dommage ait eu lieu et puisse être objectivement constaté. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cela est compatible avec la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH)17, 18.

La situation juridique est particulièrement dérangeante dans le cas des atteintes à la santé, pour lesquelles la
période de latence peut être particulièrement longue. On parle à ce sujet de dommages différés19. L'exemple le plus connu est celui des dégâts provoqués sur la santé par l'amiante20, mais on peut aussi évoquer les atteintes causées par des rayons ionisants ou par des interventions ou des traitements médicaux. Il est choquant de laisser les droits des victimes de demander réparation s'éteindre quelles que soient les autres conditions de responsabilité civile, alors que les biens juridiques protégés ­ la vie, la santé, l'intégrité physique ­ sont particulièrement précieux et plus dignes de protection que les biens patrimoniaux.

Il s'avère donc nécessaire de réviser le droit de la prescription. Le projet poursuit trois objectifs principaux, qui ont été majoritairement bien accueillis en consultation: l'harmonisation du droit de la prescription, l'allongement des délais de prescription et l'élimination des points incertains.

15 16 17 18

19 20

Voir le rapport relatif à l'avant-projet, p. 14 s.

ATF 137 III 16 consid. 2.

RS 0.101 Voir ATF 134 IV 297; 136 II 187; 137 III 16. La question de la conformité de cette jurisprudence avec la CEDH fait actuellement l'objet de deux procédures contre la Suisse devant la Cour européenne des Droits de l'Homme. Sur la question de la compatibilité de l'art. 60, al. 1, CO avec la CEDH, voir Schöbi 2012, p. 417 ss, et les références citées.

Voir par ex. Rey 2008, no 224b.

Voir ATF 136 II 187; 137 III 16.

227

1.1.3

Travaux de révision antérieurs

De vastes travaux de révision du droit de la responsabilité civile ont eu lieu entre 1988 et 2003. Leur but était d'unifier ce domaine du droit au regard notamment des conditions et des effets de la responsabilité ainsi que de la relation existant entre responsabilité et assurance. L'avant-projet élaboré au cours de ces travaux et présenté en 1999 prévoyait des modifications des règles en matière de prescription; par exemple, il portait le délai de prescription relatif d'un à trois ans et le délai absolu de dix à vingt ans21. En janvier 2004, au vu des résultats de la consultation menée sur cet avant-projet, le Conseil fédéral a décidé de ne pas poursuivre cette révision totale et de ne pas inscrire le projet dans le programme de la législature 2004 à 2007.

1.1.4

Avant-projet de révision du droit de la prescription

Genèse Le 11 octobre 2007, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a déposé la motion 07.3763 «Délais de prescription en matière de responsabilité civile». Après un avis positif du Conseil fédéral, donné le 28 novembre 2007, la motion a été adoptée à l'unanimité par le Conseil national le 12 mars 200822 et par le Conseil des Etats le 2 juin 200823. Elle chargeait le Conseil fédéral de réviser le droit de la responsabilité civile, afin que les délais de prescription soient prolongés pour qu'une action en dommages-intérêts puisse être introduite même si un dommage se produit à long terme. La motion se fondait sur les constatations faites à propos de dommages différés, tels que ceux causés par l'amiante: au regard du droit actuel de la responsabilité civile, les actions pour ce type de dommages peuvent en effet se prescrire avant même que la victime soit consciente de l'existence du dommage.

En conséquence, le Département fédéral de justice et police a rédigé une note de discussion à l'intention du Conseil fédéral concernant la suite des travaux. Le 21 janvier 2009, le Conseil fédéral a pris acte du document et donné au département le mandat d'élaborer un avant-projet de révision du CO et éventuellement des lois spéciales touchant à la prescription. Il a cependant décidé de ne pas remettre sur le métier la révision totale et l'unification du droit de la responsabilité civile (voir ch. 1.1.3).

En 2009, l'Office fédéral de la justice a élaboré une esquisse d'acte normatif décrivant dans ses grandes lignes la révision projetée (avec des variantes). Cette esquisse a été remise à des experts issus de la pratique et du monde universitaire et fait l'objet d'une demi-journée de discussion le 5 février 201024. L'office a rédigé l'avant-projet et son rapport explicatif sur la base de l'esquisse et des avis exprimés et soumis le résultat de son travail au groupe d'experts, afin que celui-ci puisse à nouveau se 21

22 23 24

228

L'avant-projet, le rapport explicatif et les résultats de la consultation peuvent être téléchargés à l'adresse www.ofj.admin.ch > Thèmes > Economie > Législation > Projets terminés > Droit de la responsabilité civile.

BO 2008 N 230 s.

BO 2008 E 365.

Le groupe d'experts était composé des personnes suivantes: Prof. Stephen V. Berti, Prof.

Christine Chappuis, Prof. Wolfgang Ernst, Prof. Stephan Fuhrer, Prof. Frédéric Krauskopf, PD Dr. iur. Peter Loser, Prof. Pascal Pichonnaz, Prof. Pierre Wessner, Prof. Pierre Widmer.

déterminer. L'avant-projet a été adopté et envoyé en consultation par le Conseil fédéral le 31 août 201125.

Lignes essentielles de l'avant-projet En réponse aux insuffisances constatées du droit actuel (voir ch. 1.1.2), l'avantprojet suivait les grandes lignes ci-après: ­

Unification de l'ensemble du droit en matière de prescription: il s'agissait d'harmoniser et de simplifier les régimes divers de prescription dans le domaine des contrats, des actes illicites et de l'enrichissement illégitime pour instaurer un régime général applicable à toutes les prétentions de droit privé.

­

Double délai: le régime harmonisé prévoyait un délai relatif de prescription de trois ans, déterminé de manière subjective, et un délai absolu de dix ans ou de trente ans, déterminé de manière objective.

­

Allongement des délais de prescription: les délais relatif et absolu de trois et dix ans représentaient un allongement des délais de prescription, notamment pour les actions en responsabilité délictuelle. L'avant-projet prévoyait en outre de porter le délai absolu à 30 ans pour les dommages corporels quel que soit le motif de la créance, donc aussi dans le domaine contractuel. Ce nouveau délai devait améliorer la possibilité de faire valoir des droits à la réparation en cas de dommage différé.

­

Début particulier du délai en cas d'action en dommages-intérêts: afin de garantir la sécurité du droit, l'avant-projet fixait le début du délai de prescription des créances en dommages-intérêts au moment du fait dommageable.

­

Possibilité de modifier les délais de prescription: en compensation de l'uniformisation des règles en matière de prescription, il devait être largement possible de modifier conventionnellement les délais de prescription.

­

Suppression du délai de prescription extraordinaire pour les créances découlant d'actes punissables: l'art. 60, al. 2, CO était supprimé, en raison d'une part de l'allongement des délais et d'autre part des nombreuses difficultés qui se posent dans la pratique.

­

Pas de révision de la solidarité passive: on renonçait à réviser la solidarité passive, mais on précisait les effets de l'interruption sur l'assureur solidairement responsable.

Procédure de consultation La consultation relative à l'avant-projet, ouverte par le Conseil fédéral le 31 août 2011, s'est achevée le 30 novembre 2011. Les cantons, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale et les organisations intéressées ont été invités à se prononcer. Vingt-trois cantons, cinq partis politiques et 69 organisations ont répondu.

De plus, six autres avis ont été reçus (pour les résultats de la consultation, voir ch. 1.3.1).

25

Avant-projet de révision du droit de la prescription et rapport explicatif, août 2011, à l'adresse www.ofj.admin.ch > Thèmes > Economie > Législation > Délais de prescription en droit privé.

229

1.2

Dispositif proposé

Les dispositions proposées dans le présent message diffèrent de l'avant-projet sur des points essentiels (pour les différences, voir ch. 1.3.2). Les grandes lignes du projet sont les suivantes: ­

Allongement des délais de prescription relatifs les plus courts: le délai relatif de prescription des actions découlant d'un acte illicite ou d'un enrichissement illégitime est porté d'un an à trois ans.

­

Instauration d'un délai de prescription absolu de 30 ans en cas de dommage corporel: le projet prévoit un délai de prescription absolu de 30 ans pour les actions en réparation d'un dommage corporel, afin que ces actions n'échouent plus en raison de la seule prescription. Ce délai s'applique tant au domaine contractuel qu'au domaine délictuel. On renonce par contre à prolonger dans la loi l'obligation de conserver les documents, qui restera limitée à dix ans (voir le commentaire des art. 60, al. 1bis, et 128 P-CO).

­

Modification de la règlementation du délai de prescription extraordinaire applicable aux créances découlant d'actes punissables: il s'agit de garantir que les actions civiles découlant d'un acte punissable ne se retrouveront pas prescrites au moment de la condamnation pénale par le tribunal de première instance. Elles se prescriront donc au plus tôt trois ans après la notification de ce jugement. Si aucun jugement pénal n'est rendu (par ex. parce qu'aucune instruction pénale n'a été ouverte), l'action civile se prescrira au plus tôt à l'échéance du délai de prescription de l'action pénale.

­

Suppression du délai de prescription spécial de cinq ans prévu pour certaines créances contractuelles: le délai plus court prévu à l'art. 128 CO est supprimé. Toutes les créances contractuelles se prescriront par dix ans en vertu de l'art. 127 CO, à moins que la loi n'en dispose autrement.

­

Renonciation à la prescription: le projet règle plus clairement quand et comment il est possible de renoncer à la prescription. Le débiteur pourra renoncer à soulever une exception de prescription dès le début du délai de prescription. La renonciation devra être faite par écrit et ne pourra pas être valable pour plus de dix ans. Seul l'utilisateur des conditions générales pourra renoncer à la prescription, et non l'autre partie.

­

Motifs d'empêchement, de suspension et d'interruption: ils sont ponctuellement modifiés et un peu étendus. Notamment, le projet instaure comme nouveau motif d'interruption les discussions en vue d'une transaction, la médiation et toute autre procédure extrajudiciaire visant la résolution d'un litige ­ à la condition toutefois que les parties en aient convenu par écrit.

­

Elimination des incertitudes liées à la solidarité passive: le projet précise que si le créancier interrompt la prescription, elle est interrompue contre tous les débiteurs solidaires, les codébiteurs d'une dette indivisible et les cautions. Dans les autres cas (notamment si un débiteur solidaire a reconnu la dette), elle ne l'est que contre la personne concernée ­ débiteur solidaire, codébiteur ou caution.

­

Dispositions transitoires: l'art. 49 du titre final du CC, qui règle de manière générale les questions de droit transitoire en matière de prescription, est en-

230

tièrement récrit. Le principe est que le nouveau droit s'applique dès lors qu'il prévoit un délai plus long que l'ancien droit, mais uniquement à la condition que la prescription ne soit pas déjà acquise. En d'autres termes, les délais de prescription en cours seront allongés par le nouveau droit. A contrario, une créance déjà prescrite demeurera prescrite.

Les délais de prescription étant réglés non seulement dans le CO, mais aussi dans maintes lois spéciales, le projet contient un certain nombre de modifications d'autres lois, étroitement liées à celles opérées dans le CO. Nous avons saisi cette occasion pour harmoniser ces dispositions dans la mesure du possible et les rapprocher un peu de celles du CO, tout en respectant les spécificités de chaque domaine, afin d'améliorer l'uniformité du droit et d'éviter des contradictions.

1.3

Motivation et appréciation de la solution retenue

1.3.1

Résultats de la procédure de consultation

La plupart des participants ont émis un avis positif ou du moins globalement favorable sur l'avant-projet26. Tous les cantons, sauf un, de même que de tous les partis politiques, ont fait part de leur approbation. Trente-quatre organisations, soit la majorité d'entre elles, sont de manière générale en faveur des nouvelles dispositions.

Vingt-et-une organisations se sont prononcées de manière globalement négative.

Parmi les participants qui ont pris position spontanément, un approuvait clairement l'avant-projet, et un autre le rejetait clairement. Les avis restants portaient sur des points spécifiques de la règlementation proposée, sans donner d'appréciation d'ensemble.

Cependant, les dispositions, prises une à une, ont fait l'objet de nombreuses remarques de détail, parfois très critiques.

1.3.2

Adaptation de l'avant-projet

Le Conseil fédéral a pris acte des résultats de la consultation le 29 août 2012, à la suite de quoi il a chargé le Département fédéral de justice et police d'élaborer un message. Vu le grand nombre de critiques émises, l'avant-projet a été considérablement remanié.

Les modifications les plus importantes sont les suivantes: ­

26

Pas d'unification totale du droit en matière de prescription: la remarque ­ pertinente ­ a été faite lors de la consultation qu'il ne fallait pas faire de l'unification du droit un but en soi et que des exceptions étaient nécessaires.

Prévoir de telles exceptions ruinerait cependant les efforts d'uniformisation, si bien que celle-ci ne présenterait plus guère d'intérêt. Après avoir réexaminé la question, le Conseil fédéral est parvenu à la conclusion que les inconvénients de l'harmonisation l'emportaient sur ses avantages. Sans entièrement abandonner cette idée, il s'est limité à quelques mesures préVoir la synthèse des résultats de la consultation d'août 2012, sur le site www.ofj.admin.ch > Thèmes > Economie > Législation > Délais de prescription en droit privé.

231

cises (abolir les exceptions de l'art. 128 CO et uniformiser les dispositions relatives à la prescription dans un certain nombre de lois spéciales).

­

Abandon du modèle prévu de double délai: c'était là un point central de l'uniformisation. Suite à la renonciation à cette dernière, on a abandonné l'idée de généraliser le double délai, idée qui avait d'ailleurs été rejetée par une grande partie des participants à la consultation.

­

Abandon de la règle concernant le point de départ du délai dans le domaine contractuel: autre conséquence de la renonciation à l'uniformisation, il n'est plus de mise de régler expressément dans la loi le point de départ du délai de prescription des actions en réparation du dommage ou du tort moral dans le domaine contractuel. On tiendra compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral sur le point de départ du délai de prescription absolu en cas de dommage différé (voir ch. 1.1.2) en instaurant un délai absolu de 30 ans en cas de dommage corporel (art. 128 P-CO).

­

Abandon de l'extension de la possibilité de modifier les délais de prescription: ce point a été majoritairement rejeté par les participants à la consultation. En conséquence, le Conseil fédéral renonce à étendre les possibilités de modifier les délais de prescription, qui demeureront en grande partie péremptoires. En contrepartie, le projet contient une règlementation plus claire de la renonciation à la prescription et prévoit un nouveau motif d'empêchement ou de suspension de la prescription en cas de discussion entre les parties en vue d'une transaction (voir ch. 1.2).

­

Maintien du délai extraordinaire de prescription des actions découlant d'un acte punissable: les avis exprimés durant la consultation ont incité le Conseil fédéral à ne pas supprimer finalement ce délai extraordinaire. On l'a cependant reformulé pour éliminer les incertitudes actuelles (voir ch. 1.2).

­

Pas d'effet rétroactif: l'avant-projet proposait une variante de la modification de l'art. 49 du titre final du CC selon laquelle le nouveau droit se serait appliqué aux actions dont le délai absolu de prescription est écoulé selon l'ancien droit mais non selon le nouveau droit. Lors de la consultation, cette proposition a suscité une majorité d'avis négatifs. Le Conseil fédéral l'abandonne donc et propose qu'une action déjà prescrite demeure en tous les cas prescrite.

1.4

Comparaison avec le droit étranger

1.4.1

Législations nationales étrangères

Dans le cadre de la préparation de la consultation, l'Office fédéral de la justice a demandé à l'Institut suisse de droit comparé de réaliser une étude comparative concernant les régimes de prescription appliqués en Allemagne, en France, en Angleterre et au Danemark. La conception du droit de la prescription, son champ d'application et les modalités des délais de prescription ont en particulier été étudiés.

232

Dans ses grandes lignes, cet avis de droit comparé fait état des constatations suivantes (état: 28 février 2011)27:

27

­

Réformes: l'Allemagne, la France et le Danemark ont procédé récemment à une réforme de leur législation en matière de prescription. Le Limitation Act anglais date de 1980 et de nombreuses voix, en Angleterre, soulignent la nécessité de le réviser.

­

Conceptions: les systèmes modernes de prescription (Allemagne, France, Danemark) prévoient un régime général totalement indépendant de la cause de la prétention; ce régime s'applique donc également aux prétentions de nature extracontractuelle. L'élément déclencheur du délai peut cependant être subjectif (Allemagne, France) ou objectif (Danemark). Le système «objectif» appliqué au Danemark comprend toutefois aussi un motif général d'empêchement consistant à repousser le début de la prescription si ce n'est pas du fait de sa négligence que le créancier a ignoré l'existence de la prétention ou la personne du débiteur. Les deux conceptions comportent donc des éléments subjectifs et leurs effets ne sont pas très différents en pratique.

En Angleterre, il n'existe aucun régime général en matière de prescription.

La différence est faite en fonction de la cause de la prétention, ce qui, en pratique, a pour effet de générer d'importantes difficultés en termes de délimitation.

­

Délais: les délais généraux appliqués en Allemagne et au Danemark sont de trois ans, contre cinq ans pour la France. L'Angleterre connaît des délais spéciaux allant d'un an à douze ans. Les éléments subjectifs peuvent avoir un effet de report conséquent sur le début du délai. C'est la raison pour laquelle de nombreux systèmes ont introduit un délai maximal objectif. Ces délais maximaux vont de dix à trente ans. Le droit allemand prévoit un délai maximal de prescription qui s'écoule indépendamment des éléments subjectifs et qui est lui aussi soumis aux motifs d'empêchement. A l'inverse, en Angleterre, en France et au Danemark, le délai maximal sert de cadre au délai général, et n'est pas concerné par les motifs d'empêchement. En droit français, aucun délai maximal n'existe pour les dommages corporels.

­

Règlementations spéciales: en sus du régime général, tous les systèmes prévoient des régimes spéciaux de prescription. Ces dispositions spéciales se retrouvent dans les codes civils ou dans des lois spéciales.

­

Interruption et empêchement: les questions d'interruption et d'empêchement de la prescription sont en partie liées au droit procédural national. Il en résulte une grande disparité entre les systèmes. Certains motifs d'interruption se retrouvent toutefois de façon régulière; il en va ainsi, par exemple, de la reconnaissance de dette, de l'introduction d'une poursuite ou d'une démarche judiciaire à l'encontre du débiteur. S'agissant des motifs d'empêchement, il existe certaines différences: en Allemagne, en Angleterre et au Danemark, le simple fait d'entamer des négociations en vue de résoudre le litige empêche la prescription de courir. En France, l'introduction d'une procédure formelle de médiation est nécessaire.

L'avis peut être consulté sur le site www.ofj.admin.ch > Thèmes > Economie > Législation > Délais de prescription en droit privé; cf. aussi Zimmermann 2002, p. 62 ss.

233

­

Modification: l'Allemagne, la France et l'Angleterre partent du principe que les questions de prescription relèvent largement du droit dispositif. Au Danemark, les possibilités de modifications conventionnelles sont très limitées: toute modification anticipée en défaveur du débiteur est exclue. Si le créancier est un consommateur, le droit danois interdit toute modification du régime légal de la prescription en sa défaveur. Dans d'autres systèmes également, les instruments de protection des consommateurs sont susceptibles de limiter les possibilités de modifier la prescription (tel est le cas par ex. en France pour le délai de prescription).

1.4.2

Tentatives d'harmonisation et droit international

Cadres de référence Principes du droit européen des contrats (PDEC) La Commission du droit européen des contrats (Commission Lando) a adopté dans les années 2001 à 2003, à la suite des parties I et II des principes du droit européen des contrats (PDEC), des règles de base relatives à un droit européen sur la prescription (art. 14:101 à 14:601 PDEC). Ces règles prévoient un délai de prescription général de trois ans (art. 14:201) qui commence à courir dès le jour où le débiteur doit sa prestation et, pour les prétentions en dommages-intérêts, dès le jour où le fait dommageable se produit (art. 14:203). Le délai général est toutefois empêché tant que le créancier ne connaît pas ­ ou ne peut raisonnablement connaître ­ la personne du débiteur ou les circonstances sur lesquelles son droit repose (art. 14:301). Les art. 14:302 à 14:306 PDEC traitent des autres motifs d'empêchement (par ex. introduction d'une procédure judiciaire, absence de capacité juridique, succession, négociations). Le délai de prescription peut être prolongé pour atteindre dix ans au plus pour motifs d'empêchement, et trente ans au plus dans les cas d'atteinte aux biens juridiques personnels (art. 14:307). En sus des motifs d'empêchement, les PDEC prévoient également des motifs conduisant à la naissance d'un nouveau délai (reconnaissance de dette du débiteur [art. 14:401] et poursuite par le créancier [art. 14:402]). Les parties peuvent modifier les conditions de la prescription, en particulier allonger ou raccourcir le délai de prescription. Celui-ci ne peut toutefois être inférieur à un an ou supérieur à trente ans (art. 14:601).

Projet de cadre européen de référence (DCFR) Sur la base des principes du droit européen des contrats, le Groupe d'étude sur un code civil européen (SGECC) et le Groupe de recherche sur le droit privé communautaire (Acquis Group) ont remis début 2008 à la Commission européenne un projet de cadre commun de référence (Draft Common Frame of Reference, DCFR).

Il s'agit d'un travail académique consistant à proposer un projet de codification du droit européen des contrats et des domaines apparentés. Le cadre de référence s'étend au-delà du droit des contrats et porte notamment sur la responsabilité délictuelle, à la différence des PDEC. Les questions de prescription sont réglées dans le livre III, chapitre 7
(III.-7:101 à III.-7:601 DCFR). Le DCFR reprend largement les propositions faites dans les PDEC28. Le délai ordinaire de prescription est de trois ans (III.-7:201). La prescription ne court pas tant que le créancier n'a pas connais28

234

Voir Ernst 2011, p. 67 ss.

sance de son droit ou ne peut raisonnablement en connaître l'existence (III.-7:301).

Ce délai est circonscrit par un délai maximal de dix ans, et de 30 ans s'agissant des dommages corporels (III.-7:307). Les parties peuvent en principe modifier les délais de prescription; elles ne peuvent toutefois pas aller en deçà d'un délai minimal d'un an et au-delà d'un délai maximal de 30 ans (III.-7:601).

Principes d'Unidroit relatifs aux contrats du commerce international Les questions de prescription sont également réglées dans les principes d'Unidroit relatifs aux contrats du commerce international de 2010 (principes d'Unidroit 2010; art. 10.1 à 10.11), qui s'appliquent aux contrats commerciaux internationaux. Aux termes de l'art. 10.2, les actions se prescrivent par trois ans à compter du jour où le créancier a connu ou devait connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, mais au plus tard dix ans à compter du jour où le droit pouvait être exercé. Les parties peuvent modifier ces délais, mais leur liberté est limitée par des délais minimaux et maximaux (art. 10.3). Un nouveau délai commence à courir lorsque le débiteur reconnaît sa dette (art. 10.4). La prescription peut être empêchée (art. 10.5 à 10.8; par ex. par l'introduction d'une procédure judiciaire, d'une procédure arbitrale ou d'une procédure d'insolvabilité, ou encore en cas de force majeure, de décès ou d'incapacité). Il y a également empêchement lorsque les parties s'efforcent de régler leur litige à l'amiable avec l'aide d'un tiers (art. 10.7).

Convention des Nations Unies sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises La Convention des Nations Unies sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises a été adoptée à New York le 14 juin 1974 par une conférence diplomatique de l'ONU. Elle a été modifiée le 11 avril 1980 par un protocole visant à l'harmoniser avec la Convention des Nations unies du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises29. La Suisse n'a adhéré ni à la convention sur la prescription, ni au protocole. La convention se limite aux prétentions contractuelles découlant d'un contrat de vente internationale. Le délai de prescription est de quatre ans (art. 8). Il débute avec l'exigibilité de la créance (art. 9) et, pour les prétentions découlant
d'une violation du contrat, au moment de la violation (art. 10). Le délai de prescription peut être interrompu (art. 13 à 21; par ex. introduction d'une procédure judiciaire ou arbitrale, décès ou faillite du débiteur, reconnaissance de la dette par le débiteur, force majeure). Indépendamment de cela, les actions se prescrivent par dix ans à compter de la date d'exigibilité de la créance ou de la violation du contrat (art. 23). Les parties ne peuvent en principe pas modifier les délais (art. 22).

Convention civile sur la corruption (STE no 174) Cette convention a été adoptée par le Conseil de l'Europe le 4 novembre 1999. La Suisse n'a pas l'intention de la ratifier à l'heure actuelle30. Elle vise à définir sur le plan européen un ensemble de règles communes destinées à lutter contre la corruption dans le domaine civil. L'art. 7 de la convention prévoit un délai de prescription relatif de trois ans au moins et un délai de prescription absolu de dix ans au moins.

29 30

RS 0.221.211.1 Dixième rapport du 27 février 2013 sur la Suisse et les conventions du Conseil de l'Europe, FF 2013 1915 1941.

235

1.5

Mise en oeuvre

En général, les modifications de loi incluses dans la présente révision n'ont pas besoin d'être concrétisées au niveau de l'ordonnance, sauf certaines adaptations des lois spéciales, qui entraîneront quelques modifications des ordonnances d'exécution au niveau fédéral (notamment l'art. 113 de l'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération31) et éventuellement dans le droit cantonal. Il s'agira notamment d'éliminer des contradictions ou des incertitudes, voire d'examiner l'opportunité d'une harmonisation (voir notamment les art. 23 et 24 de l'ordonnance du 5 décembre 2003 sur la protection civile32 et l'art. 13 de l'ordonnance du 7 décembre 1992 sur l'Inspection fédérale des installations à courant fort33).

1.6

Classement d'interventions parlementaires

Le présent projet remplit les exigences de l'intervention parlementaire suivante, que nous proposons de classer: 2008 M

07.3763

Délais de prescription en matière de responsabilité civile (N 12.3.08, Commission des affaires juridiques CN 06.404 et 06.473; E 2.6.08)

Cette motion charge le Conseil fédéral de prolonger les délais de prescription dans le domaine de la responsabilité délictuelle de telle sorte qu'une action en dommagesintérêts puisse encore être introduite en cas de dommage différé (notamment en cas de dommage causé par l'amiante). En prolongeant les délais de prescription relatifs, qui seront de trois ans (art. 60, al. 1, et 67, al. 1, P-CO), et plus particulièrement en instaurant un délai de prescription absolu de 30 ans en cas de dommage corporel (art. 60, al. 1bis, et art. 128 P-CO), le projet ci-joint réalise les objectifs de la motion.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Code des obligations

Art. 60, al. 1, 1bis et 2 Al. 1: selon le droit actuel, pour l'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale basée sur un acte illicite, le délai de prescription relatif est d'un an et le délai absolu de dix ans. Le point de départ de ces délais est cependant fixé différemment: le délai relatif court à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l'auteur, alors que le délai absolu court à partir du jour du fait dommageable. Plusieurs auteurs considèrent que le délai relatif est trop court34. La comparaison avec les droits étrangers confirme ce constat. L'on y trouve peu de délais de prescription 31 32 33 34

236

RS 172.220.111.3 RS 520.11 RS 734.24 Cf. Chappuis 2012, p. 72; Müller 2012, ad art. 60 CO no 10; Rey 2008, no 1605; d'un autre avis, Honsell 2012, p. 109 s.

d'une durée inférieure à trois ans (voir ch. 1.4)35. La durée du délai de prescription relatif doit donc être prolongée et portée à trois ans.

Par ailleurs, le point de départ du délai absolu est également formulé de façon plus précise aux al. 1 et 1bis du point de vue de la lettre et du contenu, dans le sens voulu par doctrine majoritaire et la jurisprudence. La formulation actuelle n'est adaptée ni aux cas dans lesquels l'acte dommageable survient de façon répétée, ni à ceux dans lesquels il consiste en une action prolongée dans le temps. Selon la doctrine et la jurisprudence, le délai de prescription relatif ne commence à courir qu'à partir du jour du dernier acte dommageable ou à partir du jour où le comportement dommageable cesse36. D'autre part, dans la version en langue allemande du texte en vigueur, il n'est question que d'«acte» dommageable (Handlung), alors qu'il est entièrement admis que la prétention en réparation ­ et donc le départ du délai de prescription ­ peut être fondée non seulement sur un acte, mais également sur une omission. Dans ce dernier cas, le moment déterminant est celui auquel le responsable aurait dû agir au plus tard37. La nouvelle formulation «par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé» permet de clarifier ces deux points ­ la clarification du deuxième ne concernant toutefois que la version allemande de la loi.

Les autres modifications apportées à l'al. 1 sont de nature purement rédactionnelle et ne visent pas une modification du droit, à l'exception d'une modification qui ne touche cependant que la version française: comme en italien et en allemand, il sera question du moment où le créancier a connaissance de la «personne tenue à réparation», alors que le texte actuel utilise la notion plus étroite d'«auteur du dommage».

La doctrine et la jurisprudence traitant de cette disposition resteront applicables, sauf en ce qui concerne la durée du délai relatif.

Al. 1bis: dans les cas d'apparition différée ou difficile à discerner du dommage, le délai absolu peut entraîner la prescription avant même que le dommage ne soit apparu ou qu'il n'ait pu être détecté (voir ch. 1.1.2). Les longues périodes de latence se produisent avant tout dans le cas des dommages corporels ou des atteintes à la santé (causées par ex. par l'amiante, par
certains médicaments ou par des matières radioactives). Il est alors fréquent que l'atteinte à l'intégrité corporelle ne puisse être observée que plus de dix ans après l'évènement dommageable. Le législateur a donc prévu des dispositions spéciales pour certains risques liés à la santé, comme par exemple pour la radioactivité38. Avec les dispositions spéciales, le risque existe cependant que certains dangers pour la santé ne soient pas pris en compte, en particulier lorsque ce n'est que de nombreuses années après sa commercialisation qu'une nouvelle technologie cause des dommages inattendus. Il est donc nécessaire d'introduire, tant en matière de responsabilité délictuelle (al. 1bis, 1re phrase) qu'en matière de responsabilité contractuelle (art. 128 P-CO), un délai de prescription absolu spécial pour certains dommages différés. Concrètement, s'agissant des créances résultant d'un dommage corporel, le délai de prescription absolu sera de 30 ans. Les 35 36 37 38

Cf. également Zimmermann 2002, p. 86 ss, indiquant qu'à l'étranger, la tendance est au raccourcissement des délais, mais que la limite inférieure est de trois ans.

ATF 92 II 1 consid. 5b; 109 II 418 consid. 3 et 4; plus précis, ATF 127 III 257 consid. 2b/bb; Rey 2008, no 1644 et les références citées.

Cf. Fellmann/Kottmann 2012, no 3057; Rey 2008, no 1637 et les références citées.

Cf. art. 10 et 13 de la loi du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire (LRCN) (RS 732.44), art. 5 et 11 nLRCN et art. 40 de la loi du 22 mars 1991 sur la radioprotection (RS 814.50).

237

dommages corporels sont causés par une lésion corporelle ou une mort d'homme (cf. art. 45 à 47 CO).

Le délai de 30 ans peut sembler inutilement long pour ce qui concerne les dommages corporels «communs», notamment lorsqu'ils sont visibles immédiatement après le fait dommageable et qu'ils peuvent être identifiés facilement. En règle générale, il s'agit toutefois là de cas dans lesquels le délai relatif de trois ans à l'échéance duquel les prétentions découlant de dommages corporels se prescrivent commence également à courir. Le créancier devra donc toujours faire valoir sa prétention dans un délai raisonnable et le règlement des litiges ne sera pas différé au-delà d'un tel délai. Conformément à l'objectif de la révision, le délai spécial de prescription absolu s'appliquera surtout dans le domaine des dommages différés.

Pour ce qui concerne le point de départ du délai de prescription absolu et la durée du délai relatif, l'on renvoie aux remarques relatives à l'art. 60, al. 1, P-CO. Les réglementations contenues dans les lois spéciales ne sont pas touchées par le nouvel al. 1bis et prévalent sur ce dernier en tant que lex specialis, comme par exemple l'art. 32 LGG.

Comme alternative à l'introduction d'un délai de prescription absolu de 30 ans commençant à courir au moment du fait dommageable, il serait par exemple envisageable que le délai ne soit déclenché qu'au moment de l'apparition du dommage ­ c'est-à-dire au moment de l'exigibilité de la créance39. Cette solution permettrait de prendre en compte tous les dommages différés, et non seulement ceux qui causent un dommage démontrable dans les 30 ans suivant le fait dommageable. A titre d'illustration, selon l'état des actuel des connaissances en la matière, la période durant laquelle une exposition à l'amiante peut entraîner une maladie est de quinze à 40 ans40. Toutefois, ce qui plaide contre l'adoption d'une telle réglementation, c'est avant tout l'intérêt de la personne (potentiellement) tenue à réparation à savoir ­ au-delà d'un délai déterminé ­ si des actions peuvent être intentées contre elle ou non. Cela va également dans le sens de la paix et de la sécurité juridique. Au lieu d'un délai absolu spécial, il serait également possible de prévoir un délai «maximal» plus long, ne pouvant être ni suspendu ni interrompu41. Cela aurait cependant
pour effet de compliquer encore le droit de la prescription, en créant une catégorie de délais de prescription d'un genre nouveau. De plus, l'absence de possibilité d'empêchement ou d'interruption et l'inamovibilité du délai maximal que cela implique aurait pour effet d'accentuer l'élément d'arbitraire déjà inhérent à toute fixation de délai.

Le Conseil fédéral renonce à proposer en même temps que l'introduction d'un délai de prescription absolu plus long pour les dommages corporels une modification des

39

40 41

238

Voir notamment Honsell 2012, p. 111 et Portmann/Streuli-Nikoli 2011, p. 31 s.; cf.

également Werro 2011, no 1541, qui se base sur le moment à partir duquel le dommage est objectivement reconnaissable pour la première fois. Pour d'autres possibilités, cf. notamment Krauskopf 2011, p. 8, qui propose par ex. un délai supplémentaire de six à douze mois si le délai absolu de dix ans est déjà écoulé.

ATF 137 III 16 consid. 2.4.4.

Le projet de révision totale de la partie générale du CO («CO 2020») proposé par un groupe de professeurs de droit suisses prévoit ainsi à son art. 151 un «délai maximal» de 30 ans; cf. Thouvenin/Purtschert 2013, remarques préliminaires aux art. 148­162 CO no 11 ss et art. 151 CO 1 ss.

dispositions régissant l'obligation de conserver les dossiers42. Il appartient aux auteurs potentiels de dommages de juger quel dossier ils souhaitent archiver au-delà de la durée légale de conservation. Ils sont ainsi libres de détruire les documents que la loi ne les oblige plus à conserver. Cela peut avoir un impact négatif sur la situation des lésés, dans la mesure où, pour les prétentions en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral, les règles générales prévoient que le fardeau de la preuve leur incombe (art. 8 CC). Ils peuvent donc dépendre de documents en possession de l'auteur du dommage43. Il en va autrement si le fardeau de la preuve incombe exceptionnellement à ce dernier44. Si le délai absolu de prescription rallongé a pour effet que les prétentions en réparation de dommages différés se heurtent moins qu'aujourd'hui à l'exception de prescription, il ne changera toutefois rien aux difficultés en matière de preuve (notamment concernant le dommage, le lien de causalité et la faute si, exceptionnellement, il n'y a pas de responsabilité causale). De façon générale, plus le temps s'écoule après le fait dommageable, plus il est difficile d'apporter la preuve de ce dernier, sans que cela ne désavantage unilatéralement une partie déterminée. Ces problèmes de preuve ne peuvent toutefois pas être résolus par le biais du droit de la prescription. Il serait en effet disproportionné de porter sur cette base l'obligation de conserver les dossiers à 30 ans également. Une prolongation de l'obligation de conserver circonscrite aux pièces pertinentes ou éventuellement pertinentes pour les cas de dommages différés ne serait pas praticable, dans la mesure où les auteurs potentiels de dommages n'auraient pas de critères pour déterminer quels documents doivent être gardés. Cela est particulièrement évident dans les cas où une nouvelle technologie, longtemps après le début de son utilisation, commence à causer des dommages qui n'étaient pas connus et qui ne devaient pas être connus au moment de son introduction. Il est toutefois possible que les auteurs potentiels de dommages soient poussés à conserver les documents au-delà de la durée légale de conservation sur la base par exemple d'un contrat d'assurance.

Les lésés, quant à eux, ont en pratique d'autres difficultés que la prescription lorsqu'ils
entendent invoquer des dommages corporels apparus après une longue période de latence; ces problèmes (de preuve) ne peuvent pas être résolus directement par la nouvelle règlementation. Cependant, l'allongement proposé des délais de prescription contribue fortement à améliorer les possibilités de faire valoir devant les tribunaux des demandes en dommages-intérêts dans le cadre du droit de la responsabilité civile en vigueur.

Al. 2: la prolongation à trois ans du délai relatif de prescription (art. 60, al. 1, P-CO) et l'introduction d'un délai absolu de prescription de 30 ans pour les dommages 42

43

44

Selon la règle générale de l'art. 958f, al. 1, CO, les livres et les pièces comptables ainsi que le rapport de gestion et le rapport de révision doivent être conservés pendant dix ans.

Voir également les obligations de conserver prévues par l'art. 70 de la loi du 12 juin 2009 sur la TVA (LTVA; RS 641.20), par l'art. 42, al. 3, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14), par l'art. 126, al. 3, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11), et les autres obligations de conserver prévues par les lois spéciales, comme par ex. en matière de douanes ou de santé.

La question de savoir si ­ en cas de litige ­ le lésé peut exiger de l'auteur du dommage qu'il lui transmette ces documents dépend du fait que le lésé dispose ou non d'un droit à la reddition de comptes. Ce droit peut être basé sur les règles de procédure (par ex.

l'art. 160, al. 1, let. b, du code de procédure civile (RS 272) ou sur le droit matériel (par ex. l'art. 170, al. 2, CC ou l'art. 400, al. 1, CO).

Par ex. au médecin traitant, concernant l'accomplissement de son devoir d'information et le consentement du patient, voir ATF 133 III 121 consid. 4.1.3.

239

corporels (art. 60, al. 1bis, P-CO) constituent une amélioration considérable de la position juridique du lésé. C'est pourquoi l'avant-projet proposait la suppression du délai de prescription extraordinaire des créances découlant d'actes punissables de l'art. 60, al. 2, CO45. Durant la procédure de consultation, cette proposition n'a été approuvée que par une partie des participants, en tant que simplification du droit de la prescription. Le reste des participants l'a rejetée en indiquant qu'il s'agissait d'un outil éprouvé de protection des victimes46. Après nouvel examen, le Conseil fédéral renonce à la suppression de ce délai de prescription extraordinaire, mais propose une nouvelle formulation de la disposition. L'al. 2 a pour but premier d'éviter que la prescription n'empêche le lésé de faire valoir ses prétentions de droit privé alors que l'auteur du dommage fait l'objet d'une condamnation pénale. Cela peut survenir surtout lorsque le délai de prescription de l'action pénale (art. 97 du code pénal [CP]47) est plus long que le délai de prescription du droit privé. Il y a lieu de songer aux cas dans lesquels le lésé renonce à faire valoir des prétentions de droit privé ­ indépendamment de la procédure pénale ou par des conclusions civiles ­ en raison de perspectives défavorables quant à l'issue du procès. Si ce dernier devait tout de même se conclure par une condamnation pénale, il serait choquant que la prescription empêche le lésé de faire valoir ses prétentions civiles48.

L'al. 2 prévoit donc que l'action en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral se prescrit au plus tôt au même moment que l'action pénale. Par ailleurs, on a apporté certaines modifications afin de clarifier certains points controversés dans la doctrine et la jurisprudence: ­

L'al. 2 vaut tant pour le délai relatif de prescription que pour le délai absolu.

Le délai qu'il prévoit court parallèlement à ces derniers, ce qu'indiquent bien la réserve faite en faveur des al. 1 et 1bis et l'expression «au plus tôt»49.

L'application de cette disposition ne devra donc être examinée que lorsque l'action en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral sera prescrite au sens des al. 1 ou 1bis.

­

Par ailleurs, lorsque le délai de l'art. 60, al. 2, est interrompu au sens de l'art. 135 CO et qu'un nouveau délai commence à courir, la question de la durée du nouveau délai fait l'objet de controverses en doctrine. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'interruption déclenche un nouveau délai de durée est égale à la durée initiale du délai pénal (plus long), mais uniquement lorsque l'acte interruptif de prescription intervient avant l'échéance du délai de prescription de l'action pénale50. Comme, selon le projet, le délai plus long de l'al. 2, 1re phrase, court parallèlement aux délais de l'art. 60, al. 1 et 1bis, l'interruption de ces derniers n'aura aucune incidence sur l'écoulement du délai de l'al. 2. La durée, le point de départ et l'échéance du délai de prescription de l'action pénale (qui n'est plus interruptible depuis la

45 46 47 48 49

50

240

Rapport relatif à l'avant-projet, p. 23.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 14.

RS 311.0 Dans ce sens, voir également la jurisprudence du Tribunal fédéral au sujet du but de l'art. 60, al. 2, CO. Cf. ATF 137 III 481 consid. 2.3 et les références citées.

Pour l'ancien droit, sur la question de savoir si la prolongation ne vaut que pour le délai absolu, cf. ATF 106 II 213 consid. 2; 107 II 151 consid. 4a; 111 II 429 consid. 2d; Rey 2008, no 1684 ss.

ATF 131 III 430 consid. 1.2; 137 III 481 consid. 2.5; au sujet des différentes opinions dans la doctrine, cf. Rey 2008, no 1682 s. Dans les autres cas, l'interruption déclenche un nouveau délai de prescription en application du droit privé.

révision du CP de 2002) seront régis par le seul droit pénal (art. 97 et 98 CP). C'est aussi ce dernier qui déterminera les conditions auxquelles, en sus des jugements de première instance, l'ordonnance pénale (sous ses diverses dénominations: mandat de répression, prononcé pénal, ordonnance de condamnation, etc.) peut mettre un terme à la prescription de l'action pénale51 et avoir ainsi valeur de «jugement de première instance» au sens de l'art. 60, al. 2, 2e phrase, P-CO. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la notion de «jugement de première instance» de l'art. 97, al. 3, CP comprend tant les condamnations que les acquittements52.

­

L'al. 2, 2e phrase, prévoit qu'un nouveau délai de prescription de trois ans commence à courir dès la notification53 du jugement pénal de première instance. A partir de ce moment, le lésé a la possibilité de prendre connaissance du jugement pénal, que ce soit parce qu'il lui a été notifié par écrit ou d'une autre façon, ce qui est, au final, comparable au début du délai relatif de prescription de l'art. 60, al. 1 et 1bis, P-CO. Sur la base des informations de fait et de droit à l'encontre de l'auteur du dommage que fournit la procédure pénale, ainsi qu'en fonction de son issue, le lésé devrait être en mesure de décider s'il entend ou non intenter une action civile contre l'auteur. Cela revêt une certaine importance, notamment lorsqu'il avait jusque-là renoncé à faire valoir ses droits en raison de ses faibles chances de succès au procès. Il appartient au lésé de juger si les renseignements tirés de la procédure pénale suffisent pour permettre le succès d'une procédure civile. Il doit cependant prendre garde au fait qu'en cas de recours, le jugement pénal peut être modifié ­ ce qui devrait en principe être pris en compte dans la procédure civile.

Cette incertitude ne pourrait être écartée qu'en prévoyant que le nouveau délai de trois ans ne commence qu'à partir de l'entrée en force du jugement pénal. Mais il n'apparaît pas justifié de prolonger encore le délai de prescription du droit privé aux dépens de l'auteur du dommage, et ce d'autant plus que le nouveau délai de trois ans est un délai de prescription normal, pouvant être interrompu conformément à l'art. 135 CO. Or l'interruption déclenche un nouveau délai de prescription de trois ans (art. 137, al. 1 CO).

Comme c'est déjà le cas avec le droit actuel, pour que le délai de prescription plus long de l'al. 2 s'applique, il faudra que l'auteur du dommage ait réalisé les éléments constitutifs subjectifs et objectifs d'une infraction54. La norme pénale réprimant cette infraction doit avoir pour but de protéger les biens juridiques concernés par l'atteinte en raison de laquelle le lésé agit en réparation55. En revanche, il n'est pas nécessaire que l'auteur ait été puni56 ou puisse l'être57. Pour les délits poursuivis sur plainte uniquement, il n'est pas non plus nécessaire qu'une plainte ait été déposée58.

51 52 53

54 55 56 57 58

L'art. 97, al. 3, CP ne mentionne que les jugements de première instance; cf. sur le sujet Zurbrügg 2013, art. 97 CP no 58 ss.

ATF 139 IV 62 consid. 1.5.

En revanche, le délai de prescription de l'action pénale échoit au moment du jugement, et non plus tard, au moment de sa notification (cf. art. 97, al. 3, CP et ATF 130 IV 101 consid. 2.3).

Cf. notamment ATF 106 II 213 consid. 4a; 136 III 502 consid. 6.3.1.

Cf. Fellmann/Kottmann 2012, no 3062 et les références citées.

Cf. Däppen 2011, art. 60 CO no 13 et les références citées.

Sur la question controversée en doctrine de l'application de l'art. 60, al. 2, CO en cas d'irresponsabilité, cf. Fellmann/Kottmann 2012, no 3065 et les références citées.

ATF 112 II 79 consid. 4a; 136 III 502 consid. 6.3.1 et 6.3.2.

241

Si le tribunal pénal n'a pas encore statué au moment de l'introduction de l'action civile, le tribunal civil tranche à titre préjudiciel la question de savoir si le comportement visé est constitutif ou non d'une infraction pénale59. A l'inverse, si un tribunal pénal a déjà rendu une décision, la question de savoir dans quelle mesure cette dernière lie le tribunal civil se résout en application de l'art. 53 CO et (pour les actions civiles au pénal) de l'art. 126, al. 3, du code de procédure pénale60, 61. Une décision de classement ne lie le tribunal civil que si elle a été rendue parce qu'un élément objectif ou subjectif de l'infraction n'était pas réalisé62.

La question de savoir ce qu'il en est en cas d'imprescriptibilité de l'action pénale (art. 101 CP) est délicate 63. La volonté du législateur constitutionnel étant de prévoir l'imprescriptibilité de l'action pénale pour certaines infractions (art. 123b de la Constitution [Cst.]64), il y a lieu d'admettre l'imprescriptibilité des prétentions civiles correspondantes65. Il s'agit certes là d'une exception dans le droit privé, qui ne connaît que très peu de créances imprescriptibles (citons la créance garantie par un gage immobilier, art. 807 CC). Toutefois, le délai plus long vaut uniquement à l'encontre de l'auteur de l'infraction et prend donc fin au plus tard au moment du décès de ce dernier (en règle générale, les personnes morales sont fondées pour une durée indéterminée et sont ainsi [potentiellement] éternelles; la version en vigueur du catalogue d'infractions de l'art. 101 Cst. ne contient toutefois aucune infraction qui puisse être commise par une personne morale). De plus, comme c'est le cas pour tous les longs délais de prescription66, les preuves sont de plus en plus difficiles à réunir avec le temps, ce qui ­ surtout en matière de droit pénal ­ profite plutôt à l'auteur du dommage.

La nouvelle version de l'al. 2 n'a pour but de rompre ni avec l'état actuel du droit, ni avec la jurisprudence fédérale pour ce qui est de savoir si le délai de prescription plus long est également valable pour les actions contre les tiers tenus à réparation du point de vue du droit civil67. Le Tribunal fédéral a répondu à cette question par l'affirmative68 notamment pour ce qui est du droit d'action direct du lésé contre l'assureur RC (art. 65, al. 1, LCR).
Pour finir, il y a lieu de mentionner que, contrairement à ce que prévoyait l'avantprojet, l'idée de supprimer l'art. 60, al. 3, CO a été abandonnée69. Bien que cette disposition soit considérée comme superflue et comme une erreur du législateur par une grande partie de la doctrine70, il n'existe pas de motif suffisant de la supprimer dans le cadre de la présente révision partielle.

59 60 61 62 63 64 65

66 67 68 69 70

242

ATF 122 III 225 consid. 4.

RS 312.0 Au sujet de la mesure dans laquelle le tribunal civil est lié, cf. notamment Rey 2008, no 1670 ss.

Cf. ATF 136 III 502 consid. 6.3.1.

Cf. Gauch 2010, p. 248 s.; Schöbi 2010, p. 519 ss.

RS 101 FF 2011 5565, 5597; cf. ATF 132 III 661, dans lequel le Tribunal fédéral a examiné l'imprescriptibilité dans le cadre de l'art. 60, al. 2, CO et a implicitement indiqué qu'elle était envisageable. Dans le cas d'espèce, l'imprescriptibilité pénale n'a toutefois pas été admise pour des raisons relevant du droit transitoire.

Voir ci-dessus les remarques relatives à l'art. 60, al. 1bis, P-CO.

Au sujet des controverses et des différences au sein de la doctrine et de la jurisprudence sur ce sujet, cf. notamment Rey 2008, no 1687 ss.

ATF 112 II 79, consid. 3.

Cf. rapport relatif à l'avant-projet, p. 34 s.

Cf. rapport relatif à l'avant-projet, p. 34 s.

Art. 67, al. 1 Comme dans le droit actuel, les délais de prescription des prétentions basées sur l'enrichissement illégitime seront de même durée que ceux qui s'appliquent en matière d'acte illicite71. Le délai relatif d'un an sera donc porté à trois ans, comme à l'art. 60, al. 1, P-CO. Dans la mesure où les dommages corporels n'engendrent pas de prétentions basées sur l'enrichissement illégitime, il n'est pas nécessaire de prévoir un délai absolu d'une durée de plus de dix ans.

A la différence de ce qui était prévu dans l'avant-projet, la suppression de l'art. 67, al. 2, CO est abandonnée72. Faute d'une abrogation complète de l'art. 67 CO, l'on estime, comme pour l'art. 60, al. 3, CO, qu'il n'existe pas de motifs suffisants pour supprimer l'al. 2.

Art. 128 L'actuel art. 128 CO contient un catalogue exhaustif des créances contractuelles se prescrivant par cinq ans, au lieu des dix ans prévus en principe par l'art. 127 CO.

Parmi les raisons d'être de ce catalogue d'exceptions, la doctrine ancienne mentionne notamment la protection des créanciers contre «un marché du crédit malsain»73, ainsi que la protection des débiteurs contre le danger d'une accumulation des «petites dettes» au fil des concessions faites par les créanciers74. Le message relatif au code des obligations de 1881 indique également au sujet de l'art. 147 aCO qu'une partie des obligations concernées par cette disposition ont cela de commun qu'elles reposent sur des contrats synallagmatiques dans lesquels il est d'usage de s'exécuter à bref délai et pour lesquels on ne dresse généralement pas d'acte ni ne garde longtemps de quittance75. L'art. 128 CO est toutefois considéré comme largement dépassé par une majorité des auteurs actuels76, en raison de l'évolution des moeurs. Cette opinion ressort également de l'interprétation étroite que fait le Tribunal fédéral de cette disposition77. En réalité, il est aujourd'hui très difficile de justifier pourquoi, par exemple, l'action en paiement du prix de vente ­ à l'exception des actions pour «fourniture de vivres» et des actions des «marchands en détail» (art. 128, ch. 2 et 3, CO) ­ se prescrit par dix ans, alors que les créances salariales se prescrivent par cinq ans seulement, sans qu'il en aille de même pour les éventuelles créances de l'employeur contre l'employé. Le catalogue d'exceptions
de l'art. 128 CO doit donc être purement et simplement supprimé, ce qui contribue également à l'unification du droit de la prescription. Les créances mentionnées à l'art. 128 CO se prescriront donc désormais conformément à l'art. 127 CO, par dix ans.

Selon le présent projet de révision, cette disposition devra régler la prescription des actions en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral en raison de dommages corporels. Il s'agit de la disposition parallèle à celle de l'art. 60, al. 1bis, P-CO pour 71

72 73 74 75 76

77

L'alignement sur le droit de la responsabilité civile était déjà un des thèmes de la révision du CO dans les années précédant son entrée en vigueur en 1912, cf. Huwiler 2011, art. 67 CO no 1.

Cf. rapport relatif à l'avant-projet, p. 35.

Oser/Schönenberger 1929, art. 128 CO, no 1.

Becker 1941, art. 128 CO, no 2.

Cf. FF 1880 I 115, 156; ATF 132 III 61 consid. 6.1 et les références citées..

Däppen 2011, art. 128 CO, no 1; Gauch 2010, p. 241 s.; Gauch/Schluep/Emmenegger 2008, no 3297; d'un autre avis, von Tuhr/Escher 1974, p. 214, selon lesquels le délai de cinq ans est trop long; également Berti 2002, art. 128 CO no 2 renvoyant à Spiro.

ATF 132 III 61 consid. 6. et les références citées.

243

les créances de nature contractuelle. On pense par exemple aux actions d'employés contre leur (ex-)employeur en raison des atteintes à la santé subies au contact de l'amiante. Comme à l'art. 60, al. 1bis, P-CO, il y a un double délai (relatif et absolu), ce qui constitue une exception en matière de droit des contrats. Le raccourcissement du délai de prescription que cela implique dans ce cas exceptionnel, en raison de l'application d'un délai relatif de trois ans à caractère subjectif, apparaît toutefois équitable et justifié, dans la mesure où ce délai ­ contrairement à celui de l'art. 127 CO ­ ne commence à courir que lorsque le lésé a connaissance du dommage et de l'identité de la personne tenue à réparation. Afin de garantir le parallélisme avec l'art. 60, al. 1bis, P-CO, on renonce, en terme de systématique, à régler séparément d'une part la seule durée du délai à l'art. 128 P-CO et d'autre part son point de départ aux art. 130 s. CO78, dans la mesure où une telle séparation ne semble pas pertinente lorsqu'il y a un double délai. Pour le surplus, on renvoie aux remarques relatives à l'art. 60, al. 1bis, P-CO.

Art. 134, al. 1, ch. 6, 7 et 8 Ch. 6: selon la version en vigueur de cette disposition, qui n'a pas été modifiée depuis l'entrée en vigueur du CO en 1912, la prescription ne court pas et, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue tant qu'il est impossible de faire valoir la créance devant un tribunal suisse. Entre-temps, la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé79 a été adoptée, et de nombreuses conventions internationales, bilatérales ou multilatérales, ont été conclues, afin de réglementer la compétence juridictionnelle en matière civile ainsi que la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères80. Le présent projet prévoit l'abandon de la limitation aux tribunaux suisses: au vu de l'évolution du droit national et international régissant la compétence et l'exécution, il n'apparaît plus justifié, dans le droit matériel, de considérer l'impossibilité de faire valoir une créance devant un tribunal suisse comme motif d'empêchement ou de suspension de la prescription ­ malgré le fait que la mise en oeuvre des droits puisse être plus difficile et plus coûteuse à l'étranger qu'en Suisse pour le créancier. Cela ne peut en effet pas être déterminant
du point de vue des motifs d'empêchement et de suspension. A l'avenir, le créancier ne pourra invoquer ce motif d'empêchement et de suspension de la prescription que s'il n'a accès à aucun tribunal ­ ni en Suisse ni à l'étranger ­ pour faire valoir sa créance. Le mot «tribunal», déjà employé par le droit en vigueur, renvoie aux art. 30 Cst. et 6, ch. 1, CEDH, ce qui garantit que l'autorité appelée à trancher soit d'une qualité appropriée: il est nécessaire que le tribunal soit établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Comme aujourd'hui, les tribunaux arbitraux seront considérés comme des tribunaux. Cette disposition est également applicable à la prescription des créances constatées par un tribunal ou des autres créances directement exécutables81. Pour le surplus, le projet de révision reprend formellement la teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle la disposition ne s'applique que

78 79 80

81

244

Les art. 130 et 131 CO ont pour titre marginal «4. Début de la prescription».

RS 291 En particulier la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Convention de Lugano, CL; RS 0.275.12) et la Convention du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, RS 0.277.12.

Cf. Berti 2002, art. 134 CO no 21.

dans la mesure où le créancier n'a pas pu faire valoir son droit en justice pour des motifs objectifs, totalement indépendants de sa volonté82.

Ch. 7: cette disposition correspond à l'art. 586, al. 2, CC, dont l'abrogation est prévue ici. Il s'agit de regrouper dans une seule et même disposition les motifs d'empêchement et de suspension, dans un but de clarté. L'art. 134 CO dans sa version en vigueur règle d'ailleurs déjà plusieurs points relevant du CC83.

Ch. 8: cette disposition, qui n'était pas prévue par l'avant-projet, a été ajoutée suite aux suggestions faites lors de la procédure de consultation et par la doctrine84. La possibilité doit être donnée aux parties à un litige (ouvert ou potentiel) de convenir d'un empêchement ou d'une suspension de la prescription pour la durée des discussions en vue d'une transaction, d'une médiation ou de toute autre procédure extrajudiciaire visant la résolution du litige. La possibilité leur est ainsi donnée de reporter la prescription; l'art. 129 CO n'est pas applicable. La liste des motifs d'empêchement que fournit la loi n'est pas exhaustive, mais doit être comprise largement et englober toutes les méthodes extrajudiciaires de résolution des litiges ­ formelles ou informelles. Le recours à un tiers dans le cadre de la médiation, par exemple, n'est pas obligatoire; les discussions directes entre les parties sont également visées par cette disposition. L'exigence d'un accord écrit entre les parties au sens de l'art. 13 CO sert non seulement de protection contre les décisions hâtives, mais vise également à clarifier les choses entre les parties et vis-à-vis des tiers, ce qui améliore aussi la sécurité juridique. L'accord devra donc indiquer précisément la période d'empêchement ou de suspension (par ex. en mentionnant les dates exactes), ainsi que les créances, ou du moins les rapports juridiques concernés. La prescription n'est toutefois interrompue ou suspendue qu'entre les parties concernées, et non contre les tiers (comme par ex. les cautions85).

Le législateur allemand a adopté une autre approche: la prescription est suspendue de plein droit durant les négociations, jusqu'au moment où l'une des parties refuse de poursuivre la discussion; la prescription peut intervenir au plus tôt trois mois après la fin de la suspension86. Cette solution présente
l'inconvénient de suspendre le délai de prescription sans que les parties ­ et surtout le débiteur ­ n'en soient nécessairement conscientes. La sécurité juridique est également affectée lorsque le début et la fin des négociations ne sont pas aisément déterminables. Il est donc justifié de proposer ici l'exigence d'un accord écrit.

Art. 136, al. 1, 2 et 4 Al. 1: selon une jurisprudence constante, l'art. 136, al. 1, CO n'est applicable qu'aux cas de solidarité parfaite et non à ceux de solidarité imparfaite, car dans ces derniers chaque créance a son propre délai de prescription et l'interruption ne vaut que pour la créance qu'elle concerne87. Tout comme l'avant-projet, le projet ne touche ni à la solidarité, ni au droit de recours. Le texte de l'al. 1 est toutefois précisé et mentionne 82 83 84 85 86 87

Cf. ATF 134 III 294 consid. 1.1 et les références citées.

Notamment en ce qui concerne les créances des enfants contre les parents durant la période où ces derniers ont l'autorité parentale (art. 134, al. 1, ch. 1, CO).

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 22; cf. également Pichonnaz 2012, p. 163 s.

Cf. Berti 2002, art. 136/141, al. 2 et 3, CO, no 19 ; cf. également art. 141, al. 3, CO.

§ 203 du Bürgerliches Gesetzbuch (BGB); Drucksache des Deutschen Bundestages 14/6040, p. 111 s.

ATF 127 III 257 consid. 6a; 133 III 6 consid. 5.1.

245

désormais que la prescription n'est interrompue pour les débiteurs solidaires et les codébiteurs que si l'interruption découle d'un acte du créancier. En revanche, si la prescription est interrompue parce qu'un débiteur solidaire ou un codébiteur reconnaît la dette (art. 135, ch. 1, CO), l'al. 1 ne s'appliquera pas. Sur ce sujet, la doctrine actuelle n'est pas unanime88.

Al. 2: tout comme à l'art. 136, al. 1, P-CO, on précise que l'auteur de l'acte interruptif doit être le créancier.

Al. 4: l'interruption contre l'assureur vaudra à l'avenir aussi contre le responsable ­ et inversement ­ dans la mesure où il existe un droit d'action direct. Cette disposition, qui a suscité une majorité de prises de position favorables lors de la procédure de consultation89, correspond à la proposition faite dans l'avant-projet de révision du droit de la responsabilité civile de 1999 (art. 55b90), et s'inscrit en cohérence avec ce que prévoit l'art. 141, al. 4, P-CO. Elle correspond également à ce que prévoit le droit en vigueur, à l'art. 83, al. 2, LCR et à l'art. 39, al. 2 LITC. L'interruption contre l'assureur ne vaut toutefois contre le responsable que jusqu'à hauteur du montant pour lequel le lésé est couvert91.

Art. 141, al. 1, 1bis et 4 Al. 1: la disposition actuelle prévoit que toute renonciation «anticipée» à la prescription est nulle. Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a admis que cette interdiction ne valait que pour le moment de la conclusion du contrat et que passé ce moment, le débiteur pouvait valablement renoncer à l'exception de prescription ­ cela valant pour tous les délais de prescription92. Le projet reprend cette jurisprudence et précise la loi de la façon suivante: ­

Il indique clairement que le débiteur ne renonce pas à la prescription en ellemême, mais qu'il renonce à soulever l'exception de prescription. Le titre marginal de l'article est adapté en conséquence.

­

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il est possible de renoncer à la prescription après la conclusion du contrat. A la différence de ce que prévoyait l'avant-projet, selon lequel ­ en raison de la possibilité de modifier les délais qui était prévue ­ le délai de prescription n'était modifiable qu'après son échéance (art. 134, al. 1, AP-CO), le présent projet prévoit que la renonciation pourra également être faite plus tôt, comme auparavant. En l'absence de convention contraire, les créances naissant par contrat sont aussitôt exigibles (art. 75 CO), ce qui déclenche la prescription (art. 130, al. 1, CO). En pratique, toutefois, les parties conviennent souvent d'une date d'exigibilité ultérieure. La loi contient également des règles (dispositives) dans ce sens93. Il apparaît donc justifié de lier la possibilité de renoncer à la

88

89 90 91 92 93

246

Cf. Däppen 2011, art. 136 CO no 3: pas d'interruption; d'un autre avis, Gauch/Schluep/ Emmenegger 2008, no 3721: la reconnaissance par un débiteur solidaire interrompt également la prescription contre les autres débiteurs solidaires; traitant le sujet de façon exhaustive, Gautschi 2009, no 230 ss.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 23 s.

Le projet peut être consulté à l'adresse www.ofj.admin.ch > Thèmes > Economie > Législation > Projets terminés > Droit de la responsabilité civile.

Cf. ATF 106 II 250 consid. 3 relatif à l'art. 83, al. 2, LCR.

ATF 132 III 226 Par ex., le prix de vente n'est en principe exigible qu'à partir du moment de la transmission de l'objet à l'acheteur (art. 213, al. 1, CO).

prescription au début du délai et non au moment de la conclusion du contrat.

Cette solution présente l'avantage de permettre au débiteur de savoir quand le délai de prescription a commencé à courir au moment où il renonce. Au moment de la conclusion du contrat, ce n'est pas toujours le cas (sauf lorsque la créance est exigible au moment de la conclusion du contrat).

­

Il sera possible de renoncer à soulever l'exception de prescription aussi bien lorsque le délai court encore qu'après son échéance.

­

L'art. 141, al. 1, P-CO est applicable à tous les délais de prescription. Sa portée n'est pas limitée aux délais prévus dans le titre troisième du CO, comme c'est le cas pour l'interdiction de toute modification conventionnelle prévue par l'art. 129.

­

Le débiteur ne pourra pas renoncer à l'exception de prescription pour une durée illimitée, mais pour dix ans au plus. Cette durée maximale ne vaut que pour la renonciation en question, et n'empêche pas son renouvellement pour d'autres périodes de dix ans au plus. Cela constitue le pendant des actes interruptifs du créancier, qui peuvent également être répétés un nombre illimité de fois.

­

L'avant-projet prévoyait encore à l'art. 134, al. 2, 2e phrase, une règle subsidiaire selon laquelle la renonciation valait pour un an si aucun délai n'était indiqué. Après nouvel examen, l'on y renonce au profit des règles générales régissant la façon dont doivent être interprétées et complétées les manifestations de volonté. Si la renonciation est faite pour une durée supérieure à dix ans, ou illimitée, sa portée sera réduite à la durée maximale autorisée en application des principes de la nullité partielle modifiée (art. 20, al. 2, CO).

­

C'est à dessein que le début de la validité de la renonciation n'a pas été réglé dans la loi. Deux moments entrent essentiellement en considération: celui de la renonciation et celui de l'échéance du délai de prescription. La question de savoir lequel est déterminant dans le cas d'espèce devra être résolue par une interprétation de la déclaration de renonciation. S'il n'est pas possible de déterminer la véritable volonté du débiteur qui renonce, la déclaration devra être interprétée selon le principe de la confiance.

Al. 1bis: le débiteur renonce à la prescription par une déclaration au créancier. Dans l'intérêt de la sécurité juridique et pour des questions de preuve, cette déclaration doit être faite en la forme écrite simple au sens de l'art. 13 CO, même si cette exigence a fait l'objet de quelques critiques lors de la procédure de consultation94. Cette disposition ne porte pas sur le fait d'omettre simplement de faire valoir l'exception de prescription au cours d'un procès. Cela restera toujours possible et entraînera l'interdiction pour le tribunal de prendre en compte la prescription (art. 142 CO).

Afin de tenir compte des conséquences de la renonciation pour le débiteur, l'art. 1bis, 1re phrase, prévoit une règle spéciale: seul l'utilisateur des conditions générales pourra renoncer dans celles-ci à l'exception de prescription, et non l'autre partie.

Sans une telle règle, les utilisateurs de conditions générales pourraient y prévoir de façon standardisée que l'autre partie renonce à soulever d'exception de prescription.

La portée pratique de cette disposition est toutefois limitée car selon l'art. 141, al. 1, CO, il n'est possible de renoncer à la prescription qu'une fois que le délai a commencé à courir, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, après l'acceptation des condi94

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 19.

247

tions générales. Indépendamment de cela, ces dernières sont soumises à l'art. 8 LCD95 si le cocontractant est un consommateur, ce qui implique certaines limitations et un certain contrôle.

Al. 4: cette disposition, saluée par la majorité des participants à la procédure de consultation96, va de pair avec l'art. 136, al. 4, P-CO et correspond à la proposition faite dans l'avant-projet de révision du droit de la responsabilité civile de 1999 (art. 55a, al. 3)97. Elle apparaît justifiée dans la mesure où l'ayant droit peut agir non seulement directement contre le débiteur, mais également contre l'assureur; en outre, ces deux codébiteurs sont déjà liés par un contrat dont la naissance est antérieure au fait qui fonde la créance.

Art. 760 Al. 1: pour les actions en responsabilité du droit de la société anonyme, le droit en vigueur prévoit un délai de prescription relatif de cinq ans et un délai absolu de dix ans. Bien qu'au vu des art. 60, al. 1 et 1bis, et 67, al. 1, P-CO (qui prévoient un délai relatif de trois ans), la question d'un éventuel raccourcissement de ces délais afin d'unifier les délais de prescription se pose, on renonce précisément à cette option. Le projet est en effet basé sur l'idée que les délais de prescription ne doivent pas être raccourcis et que les dispositions spéciales sont réservées (voir ch. 2.2). Pour le début du délai absolu, en revanche, la règle de l'art. 60, al. 1 et 1bis, sera appliquée, et le jour déterminant sera celui où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.

D'éventuelles modifications supplémentaires devront être examinées dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme (renvoyée par les Chambres fédérales au Conseil fédéral)98, et non réalisées de façon anticipée dans le cadre du présent projet (voir ch. 2.2).

Al. 2: cette règle correspond à celle de l'art. 60, al. 2, P-CO. On se reportera au commentaire de cette disposition.

Art. 878, al. 2 L'art. 878, al. 1, CO fixe un délai de péremption99. Il n'est donc pas modifié, ce type de délai n'entrant pas dans le cadre de la présente révision100.

En revanche, l'art. 878, al. 2, fixe le délai de prescription du droit de recours d'un associé pour ce qu'il a payé au-delà de sa part. Comme pour les art. 60, al. 1 et 1bis, et 67, al. 1, P-CO, le délai de prescription d'un an doit être prolongé et
porté à trois ans. Cela correspond au principe du présent projet de révision selon lequel le délai le plus court du droit de la prescription doit être de trois ans (voir ch. 2.2).

95 96 97

RS 241 Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 20 s.

Voir le rapport explicatif de l'avant-projet de révision du droit de la responsabilité civile, p. 221. Le projet peut être consulté à l'adresse www.ofj.admin.ch > Thèmes > Economie > Législation > Projets terminés > Droit de la responsabilité civile.

98 BO 2013 N 884 ss et BO 2013 E 568 ss.

99 Cf. Nigg 2012, art. 878 CO no 9 s.; d'un autre avis, Courvoisier 2012, art. 878 CO no 5.

100 Exception: art. 20, al. 1, P-LRCF; voir les remarques relatives à cette disposition.

248

Art. 919 Les modifications de l'art. 919 CO correspondent à celles de l'art. 760 CO. On se reportera au commentaire de cette dernière disposition.

2.2

Modifications d'autres actes

Généralités Suite à la renonciation à l'unification de l'ensemble du droit de la prescription et au concept de double délai (voir ch. 1.3.2), il a fallu revoir entièrement les modifications des autres lois proposées dans l'avant-projet. Compte tenu des problèmes que pose le droit en vigueur (voir ch. 1.1.2), et au vu des adaptations à venir du CO, les modifications proposées sont basées sur les principes suivants: ­

Il y a lieu d'unifier la durée des délais de prescription des actions similaire à celles visées par les art. 60 et 67 CO. Il n' y aura à l'avenir que trois délais pour les actions extracontractuelles: trois, dix et trente ans.

­

Les modifications faites à l'art. 60, al. 1 et 1bis, P-CO et relatives au début du délai de prescription absolu, au délai de trente ans concernant les dommages corporels et au délai pénal plus long de l'art. 60, al. 2, P-CO sont reprises dans les autres lois.

­

Les délais de prescription actuels sont prolongés en conséquence, mais si le droit en vigueur prévoit exceptionnellement des délais plus longs, ces derniers ne doivent pas être raccourcis.

­

Les réglementations spéciales en vigueur objectivement fondées sont réservées, en particulier les plus récentes. Il en va de même pour les travaux législatifs en cours, dans la mesure où ils concernent (également) des délais de prescription.

L'on a par exemple renoncé à ramener de cinq à trois ans les délais de prescription relatifs de l'action en responsabilité du droit de la société anonyme et de celle du droit de la société coopérative (art. 760, al. 1, et 919, al. 1, CO; voir ch. 2.1).

Parmi les règles spéciales qui doivent demeurer inchangées, on peut citer les délais de prescription de l'action en garantie du contrat de vente et du contrat d'entreprise, ainsi que les délais prévus par la loi fédérale du 18 juin 1993 sur la responsabilité du fait des produits (LRFP)101. Pour les délais de l'action en garantie, ce choix a été déterminé par le fait qu'ils viennent d'être modifiés102 (N. B.: prolongés) avec effet le 1er janvier 2013, et par l'abandon de l'unification complète du droit de la prescription. Pour ce qui concerne la LRFP, la situation est particulière dans la mesure où cette loi est une reprise volontaire du contenu d'une directive européenne103. Le projet d'unifier tout le droit de la prescription étant abandonné, il n'y a pas lieu de modifier cette réglementation cohérente, qui prévoit un délai de prescription (art. 9 LRFP) et un délai de péremption (art. 10 LRFP), et de renoncer à la concordance 101 102 103

RS 221.112.944 RO 2012 5415 FF 1993 I 757, 833. Le modèle était celui des art. 10 et 11 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, JO L 210 du 7.8.1985, p. 29.

249

avec le droit européen. Il faut également mentionner les lois spéciales prévoyant déjà des délais de prescription plus longs pour des risques particuliers, et notamment la loi sur le génie génétique, la loi du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement104, la loi du 22 mars 1991 sur la radioprotection105, ainsi que la nouvelle loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire, non encore entrée en vigueur.

Pour terminer, on peut mentionner à titre d'exemple, parmi les délais de prescription spéciaux non concernés par la présente révision de portée limitée, ceux prévus aux art. 315 CO (droit à la délivrance et à l'acceptation d'un prêt) et 93 CC (actions découlant de la rupture des fiançailles).

Outre les règles spéciales, il y a également lieu de tenir compte des travaux législatifs en cours, afin d'éviter les doublons et les incohérences. Par exemple, les Chambres fédérales ont renvoyé la révision du droit de la société anonyme de 2007 au Conseil fédéral, avec pour instruction de la retravailler en tenant compte de l'initiative populaire «contre les rémunérations abusives» acceptée par le peuple et les cantons le 3 mars 2013106. Il apparaît justifié d'examiner la question du délai de prescription de l'art. 678 CO (prestations perçues indûment) dans le cadre de ce remodelage plutôt que de la traiter de façon anticipée dans le cadre de la présente révision. Il en va de même pour le délai de prescription relatif de cinq ans (évoqué plus haut) des actions en responsabilité du droit de la société anonyme et du droit de la société coopérative (art. 760, al. 1, et 919, al. 1, CO).

Comme dans l'avant-projet, on renonce à adapter l'art. 46 de la loi du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance107. Les Chambres fédérales ont renvoyé au Conseil fédéral le projet de révision totale de cette loi qu'il avait adopté le 7 septembre 2011108 et l'ont chargé de présenter un projet de révision partielle. Ce dernier doit notamment prévoir une prolongation adéquate des délais de prescription prévu par ladite loi109.

Les questions que cela implique seront traitées dans le cadre de ces travaux.

Le projet ci-joint ne contient pas non plus de modification du délai de prescription des demandes d'indemnisation et de réparation morale de la loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes (LAVI110; art. 25). La
nature juridique de ce délai, sa durée et son point de départ ont fait l'objet d'un examen minutieux dans le cadre de la révision de 2007. La solution retenue tient compte des situations dans lesquelles la victime n'a pas tout de suite connaissance du dommage. On avait déjà renoncé consciemment à modifier la LAVI à l'occasion de la mise en oeuvre de l'art. 123b Cst. (imprescriptibilité des actes d'ordre sexuel ou pornographique commis sur des enfants impubères)111.

Les lois concernant les douanes, le droit de timbre, les impôts, la taxe d'exemption de l'obligation de servir et le droit pénal administratif n'ont pas non plus été prises en considération. Les délais de prescription qu'elles prévoient obéissent à une conception qui leur est propre. Le résultat de la procédure de consultation a montré qu'une majorité des participants qui se sont prononcés sur le sujet rejette l'idée d'un

104 105 106 107 108 109 110 111

250

RS 814.01 RS 814.50 BO 2013 N 884 ss. et BO 2013 E 568 ss.

RS 221.229.1 FF 2011 7091 BO 2012 N 2203 ss. et BO 2013 E 261 ss.

RS 312.5 Cf. FF 2011 5565 5597 s.

alignement partiel sur le droit général de la prescription ou d'un changement de système112.

Tout comme l'avant-projet, le projet ci-joint ne prévoit pas d'adaptation des délais de péremption113. Cela concerne notamment plusieurs délais du droit des assurances sociales, comme par exemple les art. 24 et 25 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales114 115. Les délais de l'art. 41, al. 2, de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)116 ne sont pas modifiés, afin de rester alignés sur ceux du 1er pilier.

Les développements ci-dessous ne mentionnent pas toutes les dispositions du droit actuel qui doivent être modifiées, mais uniquement celles pour lesquelles il y a lieu de formuler certaines remarques au-delà des principes mentionnés initialement. Il n'est ainsi pas fait mention des modifications de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi)117, de la loi fédérale du 14 décembre 2012 sur l'encouragement de la recherche et de l'innovation (LERI)118, de la loi du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites (LITC)119, de la loi fédérale du 3 octobre 1975 sur la navigation intérieure (LNI)120, de la loi fédérale du 23 septembre 1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse121, de la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA)122, de la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (LEaux)123, de la loi du 25 juin 1982 sur l'assurance chômage (LACI)124, de la loi fédérale du 20 mars 1970 concernant l'amélioration du logement dans les régions de montagne125, de la loi du 1er juillet 1966 sur les épizooties (LFE)126, de la loi du 19 décembre 2003 sur la signature électronique (LTI)127 (pour laquelle le Conseil fédéral présentera prochainement un projet de révision totale), ni de la loi fédérale du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés128. De même, les retouches purement stylistiques faites pour harmoniser les lois dans la version française ne seront pas commentées.

112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 26.

Exception: art. 20 P-LRCF; voir les remarques relatives à cette disposition.

RS 830.1 Voir le rapport relatif à l'avant-projet, p. 56.

RS 831.40 RS 142.31 RS 420.1 RS 746.1 RS 747.201 RS 747.30 RS 748.0 RS 814.20 RS 837.0 RS 844 RS 916.40 RS 943.03 RS 957.1

251

Loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité (LRCF)129 Art. 20, al. 1 et 2 Al. 1: selon la jurisprudence et la doctrine majoritaire, les délais fixés par cette disposition sont des délais de péremption130. Ils seront remplacés par les délais généraux de prescription en matière de responsabilité délictuelle.

Le renvoi aux dispositions du CO sur les actes illicites vise en premier lieu l'art. 60, al. 1, 1bis et 2, P-CO. Pour les autres questions en lien avec la prescription, par exemple pour les motifs d'empêchement et de suspension et les actes interruptifs, les art. 130 ss CO seront applicables par analogie. Si nécessaire, les particularités du droit public seront prises en compte lors de l'application de ces règles131. Cependant, comme quelques autres actes législatifs de droit public, la LRCF prévoit des règles spéciales pour certaines questions relatives à la prescription (voir remarques concernant l'al. 2).

Al. 2: le dépôt d'une demande écrite de dommage-intérêts ou d'indemnité à titre de réparation morale auprès du Département fédéral des finances interrompra la prescription, comme cela est déjà prévu aujourd'hui dans des lois comparables, telles que la loi du 3 février 1995 sur l'armée (LAAM)132, la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi)133 et la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le service civil (LSC)134.

Art. 21 Le délai de prescription relatif passera d'un à trois ans et l'expression «acte dommageable» sera remplacée par «fait dommageable», pour les raisons évoquées à propos de la version allemande dans le commentaire de l'art. 60, al. 1, P-CO. En cas de dommage corporel, le délai de prescription absolu sera de 30 ans, comme à l'art. 20, al. 1, P-LRCF en relation avec l'art. 60, al. 1bis, P-CO.

Art. 23 Al. 1: en conformité avec ce que prévoit l'art. 60, al. 1, P-CO, le délai de prescription relatif passera d'un à trois ans et le délai absolu de cinq à dix ans. Cet alignement sur le droit de la responsabilité délictuelle semble justifié et approprié. En revanche, on renonce à un délai de prescription absolu de 30 ans pour les dommages corporels.

Al. 2: outre quelques petites adaptations de nature rédactionnelle, le contenu de cette disposition correspond à celui de l'art. 60, al. 2, P-CO. On se reportera donc aux remarques relatives à cette dernière disposition.

129 130 131 132 133 134

252

RS 170.32 ATF 136 II 187 consid. 6 et les références citées.

Cf. Meier 2013, p. 217 ss et 347 ss.

RS 510.10 RS 520.1 RS 824.0

Loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)135 Art. 17a, al. 3 Cette disposition statue que les jours de vacances se prescrivent par cinq ans en application de l'art. 128, ch. 3, CO. En conséquence de l'abrogation de l'art. 128 CO et du délai spécial de cinq ans qu'il prévoit, elle doit être supprimée. Ainsi, en raison du renvoi de l'art. 6, al. 2, LPers au CO, c'est le délai de prescription général de l'art. 127 CO qui s'appliquera aux jours de vacances.

Code civil (CC)136 Art. 455, al. 1 et 2 Al. 1: voir les remarques relatives à l'art. 20, al. 1, P-LRCF. Le droit en vigueur prévoit toutefois déjà que les délais de l'art. 455 CC sont des délais de prescription et non de péremption.

Al. 2: le contenu de cette disposition correspond en principe à celui de l'art. 60, al. 2, P-CO. Le fait que l'art. 454, al. 3, CC prévoit que la responsabilité incombe au canton et non à l'auteur du dommage (par ex. un curateur) constitue toutefois une particularité. C'est donc lorsque l'auteur du dommage (et non la personne tenue à réparation, c'est-à-dire le canton) a commis un acte punissable que l'on peut appliquer le délai plus long de la prescription pénale.

Il n'y a pas lieu de déplacer vers l'art. 134, al. 1, CO la règle de l'art. 455, al. 3, CC (suspension de la prescription en cas de mesures à caractère durable). En effet, à la différence des cas visés par l'art. 134, al. 1, CO, il n'est pas question à l'art. 455 CC de prétentions entre personnes privées, mais de prétentions contre une collectivité (le canton).

Art. 586, al. 2 Voir les remarques relatives à l'art. 134, al. 1, ch. 7, P-CO.

Titre final De l'entrée en vigueur et de l'application du code civil Art. 49 La possibilité ­ proposée comme variante de l'art. 49, al. 2, AP-tit. fin. CC dans l'avant-projet ­ que le nouveau droit doive s'appliquer aux créances prescrites selon l'ancien droit mais non selon le nouveau droit a fait l'objet de prises de position très critiques et défavorables durant la procédure de consultation137. Compte tenu des considérations exprimées lors de cette procédure et notamment de l'appel à respecter l'interdiction de la rétroactivité, le projet prévoit la réglementation suivante:

135 136 137

RS 172.220.1 RS 210 Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 27.

253

­

Le nouveau droit est applicable s'il prévoit un délai plus long que l'ancien droit. Les (anciennes) dispositions transitoires ­ et donc l'art. 49 tit. fin. CC actuel ­ doivent également être considérées comme faisant partie de l'ancien droit. Le nouveau délai plus long n'est toutefois applicable que si le délai de prescription court encore au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit (art. 49, al. 1 P-tit. fin. CC). Il sera en revanche exclu de raccourcir, par le biais du droit transitoire, un délai en cours, pour des raisons relevant de la sécurité juridique et de la préservation de la confiance des justiciables dans le système en place (art. 49, al. 2, P-tit. fin. CC).

­

Si l'action est déjà prescrite selon l'ancien droit (y compris l'ancien droit transitoire), par exemple en raison de l'échéance du délai de prescription absolu de dix ans, l'entrée en vigueur du nouveau droit n'entraînera pas une annulation rétroactive de la prescription et une application du nouveau délai: l'action restera prescrite.

­

Par ailleurs, même si la prétention bénéficie d'un nouveau délai plus long de prescription, cela n'influencera pas le point de départ de la prescription, c'est-à-dire que le délai ne recommencera pas à courir au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit (art. 49, al. 3 P-tit. fin. CC). Il s'agit là d'une modification qui améliore la sécurité juridique par rapport à ce que prévoit le droit actuel, selon lequel le nouveau délai commence à courir à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle s'il est de moins de cinq ans (art. 49, al. 2, tit. fin. CC).

­

Pour les questions de droit de la prescription autres que celles du début et de la longueur du délai, par exemple les (nouveaux) motifs de suspension et d'interruption, la renonciation à la prescription ou le droit transitoire, seul le nouveau droit sera applicable dès lors qu'il sera entré en vigueur. Mais il le sera uniquement pour la période suivant son entrée en vigueur et non rétroactivement (art. 49, al. 4, P-tit. fin. CC). Ainsi, les déclarations de renonciation à la prescription valablement faites sous l'ancien droit resteront valables sous l'empire du nouveau droit.

Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)138 Art. 6 On se reportera aux remarques relatives à l'art. 455, al. 1 et 2, P-CC.

Art. 292 Le 21 juin 2013, les Chambres fédérales ont approuvé une modification de la LP qui portait sur le droit de l'insolvabilité et notamment sur la procédure de concordat139.

Dans ce cadre, les délais de l'action révocatoire prévus à l'art. 292 LP, qui sont aujourd'hui des délais de péremption, ont été transformés en délais de prescription.

138 139

254

RS 281.1 FF 2013 4213

Le Conseil fédéral a fixé l'entrée en vigueur de cette modification au 1er janvier 2014.

Au vu du caractère comparable des délais relatifs plus longs (trois ans) des art. 60 et 67 P-CO, il apparaît justifié de prolonger les délais de prescription de l'art. 292 LP à trois ans également au lieu de deux aujourd'hui.

Loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée (LAAM)140 Art. 143 Al. 1: comme à l'art. 20, al. 1 et 2, P-LRCF, nous adaptons cet alinéa aux normes du CO sur la prescription des prétentions résultant d'un acte illicite, sous la forme d'un renvoi global à ces normes. Nous intégrons à la disposition l'actuel al. 4, mais sans le renvoi aux art. 135 à 138 et 142 CO, devenu redondant du fait de ce renvoi global.

Al. 2: l'alinéa actuel règle de manière globale plusieurs types de prétentions de la Confédération141: le recours contre un militaire au sens de l'art. 138 LAAM, la responsabilité des militaires au sens de l'art. 139 LAAM et la responsabilité des formations au sens de l'art. 140 LAAM. Sur le modèle des art. 21 et 23 P-LRCF, qui prévoient des points de départ différents pour le délai de prescription selon qu'il s'agit d'une action en dommages-intérêts ou d'une action récursoire, nous avons prévu deux alinéas distincts: l'al. 2 ne règlera plus que la prescription des actions en dommages-intérêts de la Confédération contre les militaires et les formations, tandis que le cas des actions récursoires sera régi par l'al. 4. Comme à l'art. 23 P-LRCF, on renonce à l'instauration d'un délai absolu de 30 ans pour les actions récursoires dans les cas de dommage corporel.

Al. 3: correspond à l'art. 23, al. 2, P-LRCF et à l'art. 60, al. 2, P-CO. On se reportera au commentaire de ces dispositions.

Al. 4: la création d'un alinéa à part pour les actions récursoires permet de préciser plus clairement que dans l'al. 2 actuel que celles-ci, conformément à l'art. 138 LAAM, ne valent que contre les militaires, mais pas contre les formations. Comme à l'art. 21 P-LRCF, le délai de prescription courra à partir de la reconnaissance ou de la constatation exécutoire de la responsabilité de la Confédération, et non plus à partir du jour où la Confédération a eu connaissance du dommage et de la personne tenue de le réparer. De même, ici aussi le délai de prescription absolu est porté à 30 ans en cas de dommage corporel.

Loi fédérale du 4 octobre 2002 sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi)142 Art. 65 Les modifications apportées à cette disposition suivent la même logique que celles de l'art. 143 P-LAAM et visent l'harmonisation avec les art. 20, 21 et 23 P-LRCF.

140 141 142

RS 510.10 Voir FF 1993 IV 1, 128.

RS 520.1

255

Al. 1: on peut se reporter au commentaire de l'art. 143, al. 1, P-LAAM.

Al. 2: comme à l'art. 143, al. 4, P-LAAM et à l'art. 21 P-LRCF, le délai de prescription de l'action récursoire ne courra pas à compter de la connaissance du dommage et de l'identité du responsable, mais à compter de la reconnaissance ou de la constatation exécutoire de la responsabilité de la Confédération, du canton ou de la commune. Le délai de prescription absolu sera de 30 ans pour les dommages corporels et restera de dix ans dans les autres cas (voir art. 21 P-LRCF et art. 143, al. 4, P-LAAM).

Al. 3 et 4: dans l'article actuel, il manque une règle de prescription concernant la responsabilité en cas de dommage causé à la Confédération, aux cantons et aux communes au sens de l'art. 62. Le projet règle ce point aux al. 3 et 4, de manière analogue à l'art. 143, al. 2 et 3, P-LAAM.

Loi du 8 octobre 1982 sur l'approvisionnement du pays (LAP)143 Art. 15, 2e phrase Selon l'art. 15, 2e phrase, LAP actuel, l'action révocatoire de la Confédération se prescrit par dix ans. Etant donné la modification de l'art. 292 LP (voir le commentaire de cet article) et l'objectif d'uniformisation des délais de prescription, il convient de supprimer cette disposition. Ces actions se prescriront ainsi par trois ans, selon le délai général prévu pour les actions révocatoires par l'art. 292 P-LP. Il n'existe pas, en l'état actuel des choses, de raison d'accorder à la Confédération un délai de prescription plus long qu'aux créanciers privés. Pour le reste, on peut se reporter au commentaire de l'art. 292 P-LP.

Art. 36 Les délais de prescription sont adaptés aux art. 60 et 67 P-CO. L'al. 1, 2e phrase, concernant le délai plus long de la prescription de l'action pénale est adapté à la formulation de l'art. 60, al. 2, P-CO, et devient l'al. 2. Une simplification purement stylistique est en outre apportée à l'al. 1: au lieu de citer, comme point de départ du délai relatif, le jour où l'organe fédéral a eu connaissance «des faits qui ont engendré» les prétentions, on parle du jour où il a eu connaissance des prétentions. Le sens n'en est en rien modifié ­ la même formule apparaît dans des dispositions similaires des autres lois.

Selon l'al. 2 actuel, tout acte de recouvrement interrompt la prescription; elle est suspendue aussi longtemps que la personne en cause ne peut être poursuivie en Suisse. Il n'existe pas, en l'état actuel des choses, de raison d'accorder à la Confédération des conditions plus avantageuses que celles qui s'appliquent aux créanciers privés en termes de motifs d'interruption. Aujourd'hui, la doctrine justifie ce privilège en arguant que la collectivité publique ne peut faire valoir que des prétentions licites, en raison du principe de légalité, et qu'elle doit respecter le principe de proportionnalité144. Comme à l'art. 20 P-LRCF, il ne faut pas tenir compte de ces 143 144

256

RS 531 Meier 2013, p. 348 s. avec des références à la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le droit public cantonal; voir aussi la synthèse des résultats de la consultation, p. 29, à propos de la loi sur les subventions.

circonstances par une disposition spéciale mais dans le cadre de l'application des règles générales en matière de prescription (art. 130 ss CO), notamment en ce qui concerne l'empêchement et l'interruption de la prescription.

Les explications qui précèdent valent aussi pour la modification de l'art. 14 LALM et de l'art. 45 LFE.

Loi du 5 octobre 1990 sur les subventions (LSu)145 Art. 32, al. 2 et 4 Les délais de prescription prévus par l'art. 32 LSu sont harmonisés avec les art. 60 et 67 P-CO. On peut donc se reporter au commentaire de ces dispositions. En outre, la formulation de l'al. 2 est simplifiée sur le plan rédactionnel en allemand dans le même sens qu'à l'art. 36, al. 1, P-LAP (la question ne se pose pas ici en français ni en italien).

Art. 33 Cet article correspond à l'art. 36, al. 2, LAP et doit être abrogé pour les mêmes raisons. On se reportera au commentaire de cette dernière disposition.

Loi fédérale du 13 décembre 1974 sur l'importation et l'exportation de produits agricoles transformés146 Art. 6, al. 2 et 3 Al. 2: la prescription des actions en restitution est harmonisée avec les dispositions similaires d'autres lois (par ex. la loi sur les subventions). Au lieu d'un délai unique de cinq ans, il y aura un double délai de prescription: un délai relatif de trois ans et un délai absolu de dix ans.

Al. 3: correspond à l'art. 60, al. 2, P-CO. On se reportera au commentaire de cette disposition.

Les considérations qui précèdent s'appliquent aussi à la modification de l'art. 66 LEaux.

Loi du 24 juin 1902 sur les installations électriques (LIE)147 Art. 37 Les délais de prescription prévus par cet article sont alignés sur l'art. 60 P-CO. Pour le reste, les art. 130 ss CO seront applicables, notamment en ce qui concerne les motifs d'empêchement ou de suspension et les actes interruptifs.

145 146 147

RS 616.1 RS 632.111.72 RS 734.0

257

Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)148 Art. 83 Al. 1: les délais de prescription des actions en dommages-intérêts ou en réparation d'un tort moral relatives à des accidents de la circulation routière seront ceux de l'art. 60 P-CO. Le renvoi aux dispositions du CO englobe l'art. 60, al. 2, P-CO, qui prévoit un délai de prescription plus long en cas d'acte punissable, comme le fait l'actuel art. 83, al. 1, 2e phrase, LCR. Cela ne touche pas la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle la personne lésée peut se retourner contre l'assureur en vertu de l'art. 65, al. 1, LCR pendant ce délai plus long149 (voir le commentaire de l'art. 60, al. 2, P-CO). Pour le reste, les art. 130 ss CO seront applicables, notamment en ce qui concerne les motifs d'empêchement ou de suspension et les actes interruptifs.

Al. 2: cette disposition peut être abrogée car son contenu se trouve désormais à l'art. 136, al. 4, P-CO (voir le commentaire de ce dernier au ch. 2.1).

Al. 3: le délai de prescription des actions récursoires passera de deux à trois ans, pour des raisons d'uniformisation des délais.

Al. 4: le renvoi au CO n'est plus nécessaire du fait de la reformulation de l'al. 1; il peut donc être abrogé.

Les explications qui précèdent s'appliquent mutatis mutandis à la modification de l'art. 39 LITC.

Loi du 30 septembre 2011 relative à la recherche de l'être humain (LRH)150 Art. 19, al. 2 La loi relative à la recherche sur l'être humain, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014151, prévoit à l'art. 19, al. 1 une responsabilité causale pour les dommages subis par la personnne participante dans le cadre de la mise en oeuvre du projet de recherche (p. ex. des essais cliniques avec des médicaments). Le délai de prescription absolu prévu à l'art. 19, al. 2, LRH s'élève ­ par analogie avec les dispositions du CO en vigueur ­ à dix ans, alors que le délai de prescription relative s'élève déjà à trois ans. Pour éviter une discrimination entre la personne lésée par une activité de recherche et d'autres lésés, notamment dans le domaine médical, il est logique que le nouvel art. 19, al. 2, P-LRH renvoie aux dispositions de l'art. 60 P-CO. Ainsi, outre le délai de prescription absolu de 30 ans pour les dommages corporels, la prescription plus longue de l'action pénale visée à l'art. 60, al. 2, P-CO sera applicable.

Au vu de l'obligation de garantie appropriée pour la responsabilité (art. 20 LRH), cela laisse penser que la garantie pour la responsabilité ne doit pas être couverte totalement de manière impérative. Selon l'art. 20, al. 2, let. a, LRH, le Conseil 148 149 150 151

258

RS 741.01 Voir ATF 112 II 79 consid. 3.

RS 810.30 RO 2013 3215

fédéral peut fixer des exigences relatives à la garantie et ainsi limiter l'obligation de garantie également du point de vue du temps (cf. sur ce point l'art. 13, al. 3 de l'ordonnance du 20 septembre 2013 sur les essais cliniques [OClin]152, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014153).

Loi du 17 juin 2005 sur le travail au noir (LTN)154 Art. 15, al. 3 Au moment de l'entrée en vigueur du code de procédure civile (CPC)155, une adaptation de l'art. 15, al. 3, LTN a été oubliée. En vertu de l'art. 34, al. 1, CPC, le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou celui du lieu où le travailleur exerce habituellement son activité professionnelle est compétent pour statuer sur les actions relevant du droit du travail. Cette disposition reprend l'art. 24, al. 1, de l'ancienne loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les fors en matière civile (LSC)156. Il faut également biffer la référence à l'art. 343, al. 2, CO (procédure simplifiée jusqu'à une valeur litigieuse de 30 000 francs), car cette disposition a été abrogée avec l'entrée en vigueur du CPC.

Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le service civil (LSC)157 Art. 59 Al. 1: comme aux art. 20 P-LRCF, 143 P-LAAM et 65 P-LPPCi, les délais de prescription des actions contre la Confédération sont adaptés à l'art. 60 P-CO. La disposition est scindée et les délais de prescription des actions de la Confédération font l'objet d'un al. 2.

Al. 2: du fait du renvoi de l'al. 1 aux dispositions du CO sur la prescription en cas d'acte illicite, le délai de prescription absolu de 30 ans en cas de dommage corporel sera applicable aux actions contre la Confédération (voir art. 60, al. 1bis, P-CO).

Cependant, comme aux art. 23, al. 1, P-LRCF, 143, al. 2, P-LAAM et 65, al. 3, P-LPPCi, ce délai particulièrement long ne s'appliquera pas aux actions en dommages-intérêts de la Confédération; le délai de prescription absolu demeurera donc de dix ans aussi pour les dommages corporels.

Al. 3: correspond à l'art. 60, al. 2, P-CO. On se reportera au commentaire de cette disposition.

Art. 60, al. 2 Cet alinéa correspond aux art. 21 P-LRCF, 143, al. 4, P-LAAM et 65, al. 2, P-LPPCi. On se reportera au commentaire de ces dispositions.

152 153 154 155 156 157

RS 810.305 RO 2013 3407 RS 822.41 RS 272 Abrogée à l'entrée en vigueur du CPC le 1er janvier 2011.

RS 824.0

259

Loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)158 Art. 52, al. 3 Au travers du renvoi aux dispositions du CO sur la prescription des actions introduites en cas d'acte illicite, le délai de prescription relatif se trouvera porté de deux à trois ans et le délai de prescription absolu de cinq à dix ans. De plus, la prescription plus longue de l'action pénale visée à l'art. 60, al. 2, P-CO sera applicable. Les dommages corporels n'ont pas de sens dans le contexte de l'art. 52, al. 1, LAVS, car c'est l'assurance et non un assuré qui subit le dommage; l'art. 60, al. 1bis, P-CO ne s'appliquera donc pas. Le délai de prescription ne commencera plus à courir à la survenance du dommage mais le jour où le fait dommageable se sera produit ou aura cessé (voir art. 60, al. 1, P-CO). Les autres aspects de la prescription, notamment les motifs d'empêchement ou de suspension et les actes interruptifs, seront régis par les art. 130 ss.

Ces considérations valent aussi pour la modification de l'art. 88, al. 3 et 4, LACI.

Loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)159 Art. 52, al. 2 La disposition en vigueur prévoit un délai de prescription relatif de cinq ans et un délai de prescription absolu de dix ans. Conformément aux principes exposés plus haut, nous renonçons à raccourcir les délais prévus par le droit actuel (voir art. 760, al. 1, P-CO, art. 919, al. 1, P-CO et art. 147, al. 1, P-LPCC), même si cela est contraire à l'harmonisation visée, et en particulier aux règles de l'art. 52, al. 3, P-LAVS et de l'art. 88, al. 3, P-LACI. En effet, l'organisation des différentes assurances sociales et donc l'importance de la responsabilité des services concernés ne sont pas les mêmes: le délai de prescription relatif de la LPP, particulièrement long, tient compte des particularités de cette assurance, comme cela a été souligné à juste titre lors de la consultation160. Nous proposons seulement d'adapter le début du délai de prescription absolu sur le modèle de l'art. 60, al. 1, P-CO (le jour où le fait dommageable se produit ou cesse).

Loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs (LPCC)161 Art. 147 Al. 1: l'avant-projet prévoyait d'un côté la suppression du délai spécial d'un an qui court à partir du remboursement d'une part et d'un autre côté la mise en place d'un

158 159 160 161

260

RS 831.10 RS 831.40 Voir la synthèse des résultats de la consultation, p. 30.

RS 951.31

délai relatif (général) de trois ans et d'un délai absolu de dix ans162. Etant donné que l'on renonce à unifier le droit en matière de prescription, il n'est plus nécessaire d'abolir le délai d'un an, mais il sera porté à trois ans à partir du remboursement d'une part. Par contre, le délai relatif (général) de cinq ans sera conservé, conformément aux principes exposés plus haut (voir art. 760, al. 1, P-CO, art. 919, al. 1, P-CO et art. 52, al. 2, P-LPP). Le début du délai de prescription absolu sera également adapté sur le modèle de l'art. 60, al. 1, P-CO: le délai commencera à courir le jour où le fait dommageable se produit ou cesse.

Al. 2: correspond à l'art. 60, al. 2, P-CO. On se reportera au commentaire de cette disposition.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

La modification proposée du CO pourra avoir des conséquences financières pour la Confédération dans les rares occurrences où celle-ci agit en vertu du droit privé: si la Confédération est créancière ou débitrice d'une créance de droit privé, l'allongement des délais de prescription peut agir en sa faveur (en tant que créancière) comme en sa défaveur (en tant que débitrice). Si elle a effectivement à supporter des coûts supplémentaires directs ou indirects, il faudra les compenser sur le plan des recettes ou des dépenses.

La modification des autres lois fédérales aura aussi des conséquences financières pour la Confédération. Celle-ci sera traitée de la même manière que les créanciers et les débiteurs privés en ce qui concerne la prescription des créances résultant d'un acte illicite ou d'un enrichissement illégitime et des prétentions comparables, à moins qu'une règle spéciale ne se justifie (voir ch. 2.2). Elle en tirera des avantages en tant que créancière, car elle pourra faire valoir ses créances plus longtemps, principalement lorsqu'il s'agira d'introduire des actions en remboursement (art. 85, al. 3, P-LAsi, art. 38, al. 2 et 2bis, P-LERI, art. 32, al. 2 à 4, P-LSu, art. 14 P-LALM, art. 45 P-LFE, etc.), des actions récursoires (art. 21 P-LRCF, art. 143, al. 4, P-LAAM, art. 65, al. 2, P-LPPCi, art. 60, al. 2, LSC, etc.) et des actions en dommages-intérêts (art. 23 P-LRCF, art. 143, al. 2, P-LAAM, art. 65, al. 3, P-LPPCi, art. 59, al. 2, P-LSC, etc.). En tant que débitrice, par contre, elle sera plus longtemps susceptible de devoir répondre à des prétentions financières, notamment lorsque sa responsabilité sera engagée (art. 20 P-LRCF, art. 143, al. 1, P-LAAM, art. 65, al. 1, LPPCi, art. 59, al. 1, P-LSC). Il n'est pas possible d'estimer si ces avantages et inconvénients auront un impact financier. Si la Confédération a effectivement à supporter des coûts supplémentaires directs ou indirects, il faudra les compenser sur le plan des recettes ou des dépenses.

Pour le reste, le projet n'a pas d'incidences pour la Confédération, que ce soit au niveau du personnel, de l'organisation ou de l'informatique.

162

Voir le rapport relatif à l'avant-projet, p. 59.

261

3.2

Conséquences pour les cantons, les communes et les régions de montagne

Les nouvelles dispositions du CO toucheront les cantons et les communes dans la mesure où ils agissent en vertu du droit privé, à l'instar de la Confédération. Elles auront aussi un impact si le droit cantonal ou communal renvoie à ces dispositions ou aux dispositions d'exécution qui seront adaptées.

La modification des règles dans le CC, la LP et la LPPCi (voir ch. 2.2) aura pour effet un allongement général des délais de prescription des actions en responsabilité contre les cantons ­ et, dans le cas de la LPPCi, contre les communes; les actions récursoires, dans la mesure où le droit cantonal en prévoit, se prescriront aussi plus tard (par ex. art. 65, al. 2, LAAM).

Le projet n'a pas d'autres conséquences sur les cantons et les communes, sinon qu'ils pourraient se voir amenés à adapter à leur tour leur législation en matière de prescription.

Les régions de montagne sont touchées par la modification de l'art. 14 LALM, qui prévoit un délai de prescription plus long pour les actions en remboursement au sens de l'art. 13, al. 1 et 2.

3.3

Conséquences pour l'économie

3.3.1

Conséquences macroéconomiques de la prescription et de l'allongement des délais

Il est bien évident que les modifications proposées du droit de la prescription auront des conséquences sur les relations juridiques et économiques entre les entreprises, les ménages et les particuliers, donc sur l'économie dans son ensemble. Les participants à la consultation ont souligné à juste titre l'importance à accorder à ces conséquences163. Pour tenir compte de cette demande justifiée, nous avons fait faire une étude par des experts de l'analyse économique du droit, dans le cadre de l'analyse d'impact de la réglementation (AIR; voir ch. 3.3.2). De plus, une rencontre avec des représentants du secteur des assurances a eu lieu le 16 septembre 2013 (voir ch. 3.3.3).

Il est très complexe d'évaluer les conséquences de la révision proposée du droit de la prescription, avec notamment l'allongement du délai relatif d'un à trois ans dans le domaine des actes illicites et de l'enrichissement illégitime, la suppression du délai particulier de cinq ans pour certaines créances contractuelles, l'articulation modifiée avec le délai de prescription de l'action pénale et le nouveau délai de 30 ans en cas de dommage corporel.

­

163

262

Il n'est guère possible d'appréhender et de quantifier empiriquement l'impact économique de la prescription. A l'exception des cas où l'exécution d'une créance est refusée par une décision ayant force de chose jugée pour le seul motif qu'elle est prescrite, on ne saurait déterminer si la prescription a un effet, dans quels cas et avec quelles suites financières. Cependant, la possibilité d'une prescription influence déjà le créancier et le débiteur dans leurs Synthèse des résultats de la consultation, p. 3.

dispositions économiques. Ainsi, le créancier peut renoncer à faire valoir une créance dont il pense qu'elle est peut-être prescrite; quant au débiteur, la question se pose s'il entend la payer quand même en tout ou en partie.

­

Même lorsqu'une action en justice est introduite, il est difficile de considérer isolément les conséquences de la prescription (ou de l'exception de prescription). D'autres facteurs entrent en jeu, notamment les preuves: le temps écoulé joue non seulement sur la prescription mais aussi sur la disponibilité et la validité des moyens de preuves; conserver ces preuves devient plus coûteux et plus difficile au cours du temps, rendant plus incertaine l'issue du procès. Il existe également des interactions avec le droit matériel qui s'applique à la créance en cause: il fixe les conditions (en matière de responsabilité) de la créance et donc, indirectement, les preuves à apporter et enfin les droits subjectifs du créancier ou de la partie lésée. On peut supposer que ces aspects auront à l'avenir une importance plus grande, du fait de l'allongement des délais de prescription, tandis que la prescription et ses conséquences directes perdront de l'importance en général.

­

Actuellement, les rapports entre les acteurs économiques se caractérisent par une intrication des relations juridiques telle qu'une même partie n'est pas forcément toujours créancière ou débitrice d'une autre. Les conséquences de la prescription ne sont donc pas à sens unique et il est difficile d'en quantifier l'impact financier global pour l'ensemble des parties à une relation juridique ou économique.

­

Il faut en outre noter que la prescription qui, rappelons-le, est le droit de refuser d'exécuter une obligation, est à considérer, d'un point de vue économique, comme une exception: la prescription entraîne une dérogation au principe selon lequel le débiteur peut être astreint par le créancier à s'acquitter d'une dette qui lui incombe en vertu du droit matériel. En ce sens, la prescription et ses conséquences doivent avoir une justification particulière164.

Le fait que les auteurs des dommages (débiteurs) devront répondre plus longtemps de leurs obligations (tel est l'objectif politique du projet) entraînera une plus grande internalisation des coûts, qui peuvent être considérables dans le cas des dommages corporels; ils seront plus souvent supportés par le responsable (voir ch. 3.3.2). C'est là que réside l'utilité du projet du point de vue macroéconomique. Si les conditions du droit matériel restent les mêmes mais qu'il est possible de faire valoir les demandes en réparation plus longtemps, cela incitera à davantage prévenir ou limiter les dommages et à mieux allouer les ressources. La transparence du marché et des coûts en sera accrue et les conditions de la libre concurrence améliorées. L'augmentation des coûts directs et indirects pour le débiteur (voir ch. 3.3.3), même si ces coûts ne sont pas quantifiables, aura pour pendant des économies pour le créancier et les tiers et, dans une certaine mesure, pour la collectivité. En effet, ces derniers peuvent avoir à supporter des frais du fait que le débiteur n'est pas tenu de remplir son obligation.

164

Voir Zimmermann 2002, p. 63, selon qui toute prescription représente de fait une expropriation.

263

3.3.2

Analyse économique du droit

Comme il apparaît dans ce qui précède, l'évaluation des conséquences du projet ne saurait être purement quantitative, elle doit être plutôt qualitative. Les considérations qui suivent se basent sur une étude d'experts de l'analyse économique du droit, centrée sur l'évaluation des conséquences juridiques de la révision165. Cette étude se fonde sur des recherches et des ouvrages dans ce domaine, mais aussi sur des études empiriques, dans la mesure où il en existe sur les questions de prescription et de délais de prescription et où ils livrent des données pertinentes. Elle conclut que la révision proposée, dans ses grandes lignes, comporte un potentiel de réduction des coûts sur le plan macroéconomique et fait sens du point de vue de l'économie du droit.

Délai absolu de prescription de 30 ans en cas de dommage corporel En instaurant un délai de prescription absolu de 30 ans en cas de dommage corporel, on peut supposer que l'on obtiendra un résultat positif sur le plan macroéconomique en ce sens que les acteurs concernés seront incités à prévenir les dommages, de sorte que les coûts de ces derniers seront davantage internalisés. Les coûts ne seront en effet plus supportés par la collectivité publique, mais en principe par l'auteur du dommage166. La différence entre les dommages corporels et les autres dommages se justifie par le fait qu'avec des délais de prescription courts, l'incitation à prévenir les dommages est sans doute nettement insuffisante dans le cas des dommages corporels, plus graves, qui présentent un long temps de latence167. En même temps, si des délais plus longs accroissent les difficultés à apporter des preuves et l'insécurité juridique, cela ne joue pas forcément toujours en défaveur du créancier ou du lésé et il n'y a pas lieu de penser que cela nuit à l'efficience. Dans les cas de dommage différé, un long délai peut même favoriser la présentation de preuves, par exemple parce que les techniques se sont améliorées168. Par ailleurs, le délai relatif empêche que le créancier ne tarde abusivement au détriment de la personne tenue à restitution169.

D'un autre côté, on ne peut pas exclure que les frais d'assurance et de conservation augmentent. En ce qui concerne la conservation des données et des documents, il ne faut tenir compte que des frais supplémentaires dus au temps d'archivage
plus long, mais non des frais de collecte et de saisie. Rappelons que la présente révision ne prévoit pas de prolonger la durée légale de conservation (voir le commentaire de l'art. 60, al. 1bis, P-CO). Quant aux frais d'assurance, il faut prendre en compte le délai de prescription «effectif», c'est-à-dire la période après laquelle une prétention moyenne est prescrite en pratique, tant selon le délai absolu que selon le délai relatif.

C'est seulement si ce délai moyen est long que l'on pourra escompter une hausse des frais d'assurance. Cependant, comme on espère de la révision une internalisation des

165

166 167 168 169

264

Voir Gutachten zur Revision des Schweizerischen Verjährungsrechts aus rechtsökonomischer Perspektive du 15 juillet 2013 (ci-après «étude»). On peut la consulter sur le site www.ofj.admin.ch > Thèmes > Economie > Législation > Délais de prescription en droit privé.

Etude, p. 48 s., 64.

Etude, p. 49 ss.

Etude, p. 44 ss, 64 s.

Etude, p. 46 s.

coûts et une incitation à éviter les dommages, ces charges supplémentaires sont justifiées sur le plan macroéconomique170.

Allongement du délai de prescription relatif En passant d'un à trois ans, le délai de prescription relatif ne devrait pas entraîner une forte augmentation des coûts et n'aura donc sans doute pas de conséquences négatives. Cette conclusion se fonde principalement sur la supposition que l'allongement de deux ans du délai ne créera pas de véritables problèmes de preuves ni de frais liés à l'incertitude (notamment concernant la conservation et l'assurance), et qu'il n'affectera pas non plus beaucoup la sécurité juridique171. Par rapport à la situation actuelle, où le délai de prescription est d'un an, il faut au contraire s'attendre à ce que l'effet incitatif des règles matérielles et la propension à prévenir les dommages aient un impact positif sur l'économie172.

Harmonisation des règles en matière de prescription Du point de vue des coûts, un système de prescription qui n'est ni très complexe, ni trop simplifié sera le plus efficient173. Sont notamment décisifs les coûts qu'engendre un système complexe, dans lequel il est difficile de se retrouver174. En particulier, la suppression de l'art. 128 CO, qui crée des incertitudes et des difficultés, est justifiée du point de vue économique175.

3.3.3

Conséquences pour les entreprises et les ménages

Entreprises Toutes les entreprises qui peuvent être créancières ou débitrices en vertu du droit privé suisse (soit à peu près toutes), sont potentiellement concernées par le projet.

Leur implication dépend de différents facteurs: le nombre et le montant de leurs créances (possibles), leur base juridique, la prescription «effective» de ces créances (voir ch. 3.3.2), les droits à des prestations d'assurance, etc.

Comme nous l'avons dit plus haut (voir ch. 3.3.1). le projet ­ et surtout l'allongement des délais de prescription ­ touche les entreprises tant en qualité de créancières que de débitrices, si bien qu'il n'est pas possible de faire une appréciation quantitative de son impact global; on peut seulement prévoir des tendances et tirer des conclusions qualitatives.

Les entreprises devraient avoir à supporter des coûts directs dus à la nouvelle réglementation lorsque des prétentions pourront leur être opposées plus longtemps qu'aujourd'hui, notamment en cas de dommage corporel. Le projet aura donc plus d'impact sur les entreprises qui sont particulièrement susceptibles de devoir des réparations de dommages corporels, par exemple celles actives dans la fabrication et la transformation de produits, de substances ou d'objets liés à des risques spécifiques

170 171 172 173 174 175

Etude, p. 47 ss.

Etude, p. 51 ss, 65 s.

Etude, p. 56.

Etude, p. 56 ss.

Etude, p. 57 ss.

Etude, p. 65 ss.

265

pour la santé, ou celles qui fournissent des prestations de service liées à la santé176.

Il n'est pas impossible que ces entreprises soient touchées plus que proportionnellement. Il s'agit ici de l'internalisation de coûts visée par le projet de loi et justifiée sur le plan économique dont il a été question plus haut. Ces coûts ne sont pas quantifiables, d'autant moins qu'ils dépendent de facteurs différents selon les branches, et notamment du calcul antérieur des risques et des coûts.

Des coûts indirects peuvent apparaître sous la forme de frais supplémentaires de conservation de données et documents (sur une base volontaire ou en vertu de contrats d'assurance) et de hausse des frais d'assurance, suite à l'allongement des délais de prescription: ­

Vu les possibilités techniques actuelles, il n'est guère probable que l'augmentation des coûts de conservation soit très importante, même si les documents sont à l'avenir archivés plus longtemps sur la base d'obligations imposées par les assurances; les entreprises peuvent toujours opter pour des techniques adéquates sur la base d'une analyse coûts/utilité. Là aussi, certains secteurs de l'économie seront sans doute plus touchés que d'autres.

­

Même si les conséquences d'une prolongation des délais de prescription sur les assurances (de responsabilité civile) ne peuvent être quantifiées, il est vraisemblable que la révision entraînera une hausse des primes d'assurance.

Mais il est également envisageable que les assureurs prennent d'autres dispositions en réponse aux nouvelles conditions (par ex. qu'ils excluent certains risques (antérieurs) ou certains dommages, en principe compris dans la couverture d'assurance, ou qu'ils conviennent de certaines obligations). En cas d'augmentation des frais d'assurance, il s'agit encore une fois d'une internalisation des coûts qui se justifie sur le plan macroéconomique. C'est vrai aussi d'autres mesures possibles, par exemple si certains risques devaient à l'avenir ne plus être assurés que dans des modèles d'assurance particuliers visant à couvrir certains dommages spécifiques, comme c'est le cas aujourd'hui dans le domaine du génie génétique.

Le projet pourrait donc aussi avoir des conséquences spécifiques sur les assurances; celles-ci devraient être touchées par l'accroissement et la modification des besoins en couverture d'assurance que nous avons évoqués plus haut et plus particulièrement par la modification du cadre légal. Selon les assureurs, il n'est pas possible de quantifier ces conséquences au préalable.

­

Par contre, l'allongement des délais de prescription n'influera sans doute guère sur les coûts des procédures dites de vérification au préalable. Les risques de responsabilité civile font déjà l'objet d'un examen dans ces procédures, quel que soit le délai de prescription.

Ménages Les ménages seront touchés par le projet dans la mesure où ils seront créanciers ou débiteurs. Comme pour les entreprises, il n'est pas possible de quantifier l'effet global de la nouvelle règlementation. Mais contrairement à elles, les ménages ne

176

266

Voir en ce sens les études empiriques citées dans l'étude, p. 36 s., qui portent sur d'autres conséquences des limitations de la responsabilité.

supporteront pas de coûts indirects notables pour la conservation prolongée des documents ou pour la multiplication ou la hausse des frais d'assurance.

Le projet entraînera en outre des économies de deux sortes pour les ménages: ­

L'allongement du délai de prescription en cas de dommage corporel devrait leur profiter. Ils pourront en principe demander réparation plus longtemps, s'ils peuvent produire des preuves. On pense ici aux victimes de l'amiante ou d'autres d'atteintes à la santé qui n'apparaissent qu'après une longue période. Mais les particuliers pourront aussi se voir opposer des prétentions plus longtemps pour cause de dommage corporel; ils pourront ou devront alors vraisemblablement s'assurer davantage.

­

La suppression du délai particulier de cinq ans prévu à l'art. 128 CO, applicable à certaines créances et notamment aux créances des travailleurs, bénéficiera également aux ménages. D'un autre côté, les prétentions en matière de loyer et autres prestations périodiques pourront être invoquées plus longtemps.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

Le projet est annoncé dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015177.

4.2

Relation avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

Le projet n'a pas de lien direct avec les stratégies nationales du Conseil fédéral.

Selon les objectifs du Conseil fédéral pour 2013, il fait partie d'un éventail de mesures qui vise à renforcer l'économie suisse et à maintenir la croissance par les meilleures conditions générales possibles (Objectif 2)178.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

Le projet se fonde sur l'art. 122, al. 1, Cst., qui donne à la Confédération la compétence de légiférer dans le domaine du droit civil et du droit de la procédure civile.

177 178

FF 2012 349 479 Objectifs du Conseil fédéral 2013, arrêtés le 31 octobre 2013, vol. I, p. 18 s., téléchargeable à l'adresse www.chf.admin.ch > Documentation > Publications > Planification politique > Les Objectifs.

267

5.2

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

La Suisse n'a pris à ce jour aucun engagement international en matière de prescription. Elle n'a adhéré ni à la Convention des Nations Unies sur la prescription ni à la Convention civile du Conseil de l'Europe sur la corruption no 174. Le projet tient cependant compte aussi de ces conventions et des cadres de référence internationaux (voir ch. 1.4.2).

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit. Selon l'art. 164, al. 1, Cst., elles doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. La compétence de l'Assemblée fédérale pour adopter les lois découle de l'art. 122, al. 1, Cst. L'acte proposé est sujet au référendum.

268

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